INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 27 février 2003
¿ | 0910 |
M. Leonard Asper (président et chef de la direction, « CanWest Global Communications Corp. ») |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Robert Yates (Lemay-Yates associés inc, À titre individuel) |
¿ | 0930 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
¿ | 0935 |
M. Leonard Asper |
M. James Rajotte |
M. Leonard Asper |
M. James Rajotte |
M. Leonard Asper |
M. James Rajotte |
¿ | 0940 |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. Leonard Asper |
¿ | 0945 |
M. Andy Savoy |
M. Leonard Asper |
M. Geoffrey Elliot (vice-président, Affaires corporatives, « CanWest Global Communications Corp. ») |
¿ | 0950 |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Robert Yates |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
¿ | 0955 |
M. Leonard Asper |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
À | 1000 |
Le président |
M. Robert Yates |
M. Paul Crête |
M. Geoffrey Elliot |
M. Paul Crête |
M. Geoffrey Elliot |
M. Paul Crête |
M. Leonard Asper |
À | 1005 |
Le président |
M. Robert Yates |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Robert Yates |
À | 1010 |
M. Larry Bagnell |
M. Robert Yates |
Le président |
À | 1015 |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Robert Yates |
M. Leonard Asper |
M. Brian Masse |
À | 1020 |
M. Leonard Asper |
M. Robert Yates |
À | 1025 |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
M. Leonard Asper |
M. Joseph Volpe |
M. Leonard Asper |
À | 1030 |
M. Joseph Volpe |
M. Leonard Asper |
M. Joseph Volpe |
M. Leonard Asper |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
M. Leonard Asper |
À | 1035 |
Le président |
M. Robert Yates |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
À | 1040 |
À | 1045 |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Leonard Asper |
M. Leonard Asper |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
M. Robert Yates |
À | 1050 |
M. Leonard Asper |
M. Robert Yates |
Le président |
M. Leonard Asper |
À | 1055 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 27 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
M. Leonard Asper (président et chef de la direction, « CanWest Global Communications Corp. »): Merci, monsieur le président, je m'appelle Leonard Asper, et je suis président et chef de la direction de CanWest Global Communications Corp. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Geoffrey Elliot, vice-président, Affaires générales.
J'aimerais vous remercier, monsieur le président, de nous avoir permis de comparaître malgré un si court préavis, alors que les travaux du comité sur les restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications étaient déjà très avancés. Une partie de la raison pour laquelle nous avons voulu comparaître, c'était pour répondre à certaine affirmations avancées par d'autres acteurs dans le secteur de la radiodiffusion ainsi qu'à certaines observations générales formulées par d'autres intervenants qui ont comparu devant le comité.
La question à laquelle doit répondre le comité, c'est s'il doit recommander des modifications à la loi de manière à accorder aux investisseurs étrangers une plus grande liberté d'investir dans les entreprises de télécommunications canadiennes. Il est important que le comité permanent comprenne au départ que CanWest ne s'oppose pas en principe au relèvement des limites ou même à l'élimination des restrictions actuelles touchant la participation étrangère dans le secteur des télécommunications.
Nous croyons que la question ne s'applique pas uniquement au secteur des télécommunications. Il existe d'importants liens de concurrence entre les fournisseurs de services de télécommunications, les fournisseurs de signaux de radiodiffusion par câble et par satellite—ou EDR, comme nous les appelons—, les radiodiffuseurs classiques et les câblodistributeurs. Les entreprises de distribution par câble et par satellite prétendent qu'elles devraient être traitées de la même façon que les entreprises de télécommunications et nous adoptons la même position pour les radiodiffuseurs classiques et les radiodiffuseurs de chaînes spécialisées.
CanWest s'oppose à la libération des règles régissant l'investissement étranger pour tous ses concurrents, qu'il s'agisse de fournisseurs de services de télécommunications ou de distributeurs de radiodiffusion par câble ou par satellite, à moins que les radiodiffuseurs ne soient également touchés par ces mesures. Par contre, si les radiodiffuseurs sont traités de la même façon que les EDR et les entreprises de télécommunications, nous appuyons un assouplissement ou l'élimination des restrictions actuelles sur l'investissement étranger pour tout le monde. Nous avons exposé nos vues en détails dans un mémoire. Notre objectif ce matin est de survoler avec vous certains des principaux points.
En guise d'introduction, disons que CanWest est une entreprise médiatique internationale qui est détenue et contrôlée par des intérêts canadiens. Ses actions sont cotées en bourse à New York et à Toronto, et CanWest compte des actionnaires institutionnels et autres au Canada et aux États-Unis. Nous possédons de nombreuses sociétés de portefeuille dans le domaine des médias électroniques et imprimés au Canada et dans le monde, y compris des services de télédiffusion et de radiodiffusion au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande et au Royaume-Uni. Nous avons également été propriétaire d'un réseau de télévision au Chili dans les années 90 et nous avons une expérience directe comme investisseur étranger potentiel dans les industries de la radiodiffusion dans plusieurs autres pays, et particulièrement aux États-Unis. Ces expériences internationales éclairent notre position concernant la question des investissements étrangers dans les entreprises soit disant de contenu.
Premièrement, que dire de la concurrence dans l'ensemble du secteur? Tout changement dans les règles qui s'appliquent uniquement aux entreprises de télécommunications se traduirait rapidement par des avantages concurrentiels pour les radiodiffuseurs étant donné que les entreprises de télécommunications s'orientent de plus en plus vers les EDR et les entreprises de radiodiffusion et, parfois, vice versa. BCE, qui est propriétaire de la Compagnie de Téléphone Bell du Canada, est déjà active comme EDR puisqu'elle est propriétaire de Bell ExpressVu. BCE est également un radiodiffuseur en raison de sa situation d'actionnaire majoritaire de Bell Globemedia, qui est propriétaire de CTV. Bell Globemedia a également des intérêts dans plusieurs des chaînes spécialisées les plus populaires diffusées par câble et par satellite, dont TSN, CTV NewsNet et Discovery Channel. Alors, il est aujourd'hui impossible de traiter séparément de nouvelles règles pour les entreprises de télécommunications sans faire courir des risques sérieux, du point de vue de la concurrence, à des radiodiffuseurs comme CanWest.
Il est également approprié de signaler que plus d'entreprises de télécommunications distribuent les signaux de radiodiffusion aux consommateurs en utilisant leur infrastructure de lignes téléphoniques pour faire concurrence directement aux EDR et aux fournisseurs de services par câble et par satellite. Les entreprises de télécommunications sont également en concurrence directe avec les EDR dans le domaine des services d'Internet à haute-vitesse. Elles font également concurrence aux radiodiffuseurs et à d'autres entreprises médiatiques pour offrir du contenu Internet aux consommateurs. Comparez Bell Sympatico au portail canada.com de CanWest ou au portail canoe.ca de Quebecor. Et les entreprises de câblodistribution canadiennes sont également propriétaires de chaînes de télévision spécialisées diffusées par câble.
Par conséquent, notre position est la suivante : si les EDR, de même que les entreprises de télécommunications, sont incluses dans l'examen, il faut également inclure les radiodiffuseurs comme CanWest et d'autres propriétaires de chaînes spécialisées et ces derniers doivent obtenir le même traitement en ce qui concerne l'assouplissement des règles régissant la propriété et l'investissement étrangers. Autrement dit, en raison de la convergence ou du recoupement croissants dans le domaine des télécommunications, de la câblodistribution, de la transmission par satellite et de la radiodiffusion, tous ces secteurs s'arrachent les mêmes recettes et les mêmes investissements dans des marchés essentiellement identiques. Aucun de ces secteurs ne peut être traité séparément.
¿ (0915)
La deuxième question, c'est l'accès aux capitaux étrangers et à la programmation étrangère. À titre d'entreprise médiatique et de radiodiffuseur canadien, CanWest doit également avoir la capacité de prendre de l'expansion au niveau international, comme l'entreprise l'a fait au cours de la dernière décennie, de manière à pouvoir faire face à la concurrence. CanWest doit également être capable de demeurer un joueur important sur le marché national.
L'expansion internationale nécessite l'accès à des capitaux étrangers, à un prix approprié et une plus grande flexibilité au niveau de la structure des capitaux, de manière à pouvoir affronter directement la concurrence dans un environnement dans lequel des conglomérats géants américains dans le domaine des médias nous font concurrence directement sur le marché de la télévision canadienne. Viacom et AOL-Time Warner, par exemple, offrent déjà plus de chaînes analogues que CanWest dans les foyers recevant la télévision par câble ou par satellite—ce qui représente maintenant plus de 80 p. 100 des foyers canadiens.
Demeurer fort et en santé au Canada exige un accès sans entrave aux marchés des capitaux canadiens et internationaux. Les appels lancés par certaines parties pour d'un assouplissement asymétrique des règles placeraient CanWest dans une situation concurrentielle désavantageuse non seulement en termes d'accès aux capitaux pour financer la croissance future, mais également en termes d'accès à la programmation.
D'où proviendraient vraisemblablement les capitaux étrangers? Peut-être des investisseurs institutionnels, mais il est également vraisemblable que parmi les investisseurs étrangers potentiels dans les EDR canadiennes figurent ces conglomérats médiatiques américains avec lesquels les radiodiffuseurs canadiens entretiennent maintenant des relations pour la fourniture de contenus de divertissement et d'autres contenus de programmation.
Je vais vous décrire brièvement ce qui est arrivé à CanWest au milieu des années 90. NewsCorp, qui est également propriétaire des groupes Fox Studios et Fox Television, a acheté une participation de 15 p. 100 dans Canal 7 en Australie, qui est le principal concurrent du Canal 10. Le jour suivant, NewsCorp a modifié le contrat de programmation de Fox en le retirant au Canal 10, c'est-à-dire nous, pour l'accorder au Canal 7, l'entreprise dans laquelle elle venait d'acquérir une participation.
Il s'agit d'une démonstration très claire qu'une entreprise étrangère qui achète une participation dans l'infrastructure d'une EDR ou d'une entreprise de télécommunications transférera également à cette entreprise ses services en matière de programmation. Le simple fait d'offrir un accès direct au système de radiodiffusion canadien à ces conglomérats médiatiques et de divertissement par le biais d'une participation accrue aux capitaux propres des EDR et fournisseurs de télécommunication canadiens constitue un désavantage concurrentiel important pour des entreprises de radiodiffusion canadienne comme CanWest. Les radiodiffuseurs canadiens pourraient constater que leur accès à la meilleure programmation internationale—qui est à l'origine de la capacité des radiodiffuseurs canadiens d'investir dans une programmation originale canadienne—sera réduit comparativement à celui de leurs concurrents qui sont des EDR canadiennes. Il est très concevable que NewsCorp, qui est propriétaire d'autres entreprises de distribution par satellite et de radiodiffusion comme BSkyB ou Star-TV, puisse devenir un investisseur dans une entreprise comme Rogers ou Bell ExpressVu.
Troisièmement, que dire des entreprises de contenu par comparaison aux entreprises de distribution uniquement? Certains radiodiffuseurs ont prétendu que la radiodiffusion était différente et qu'elle nécessitait des règles spéciales en vue de protéger la culture canadienne. Ces radiodiffuseurs défendent le maintien du statu quo dans les règles régissant l'investissement étranger pour les EDR et le secteur de la radiodiffusion. À l'appui de leur position, ils affirment que les radiodiffuseurs, y compris les EDR, sont des entreprises de contenu et qu'à ce titre, ils jouent un rôle culturel particulier en ce qui a trait à la diffusion et à la préservation de la culture canadienne.
Sans analyse à l'appui, ils prétendent qu'un assouplissement des règles régissant l'investissement étranger pour les EDR et pour les radiodiffuseurs permettrait à des intérêts étrangers de prendre le contrôle stratégique des distributeurs de contenu canadien, et qu'en conséquence, sans que l'on sache trop comment, le contenu de la programmation canadienne sera modifié et les valeurs culturelles canadiennes subiraient une érosion. CanWest n'endosse pas ce point de vue étroit et protectionniste.
L'idée qu'une propriété canadienne fera en sorte que nous aurons un contenu canadien plus important et de meilleure qualité ne résiste tout simplement pas à une analyse sérieuse. L'expérience acquise dans d'autres marchés, plus libéraux, permet également de réfuter cette théorie et pourrait même laisser entendre le contraire. À part la Société Radio-Canada, les radiodiffuseurs n'investissent habituellement pas dans la programmation canadienne uniquement pour des raisons de mérite culturel intrinsèque. Nous, les radiodiffuseurs privés, essayons d'acquérir une programmation que les Canadiens veulent regarder.
C'est le CRTC qui détermine quel sera le degré de contenu canadien dans la programmation, mais c'est le marché qui détermine ce qui se retrouvera sur les ondes. Tous les radiodiffuseurs classiques canadiens sont tenus de maintenir, dans leur programmation, une moyenne globale de 60 p. 100 de contenu canadien, et une moyenne de 50 p. 100 aux heures de grande écoute. Les radiodiffuseurs de plus grande taille, comme CanWest, CTV, CHUM et Quebecor, doivent également inclure huit heures hebdomadaires de « contenu canadien prioritaire », tel que défini par le CRTC. La plupart des diffuseurs de chaînes spécialisées doivent, en vertu de leur licence, diffuser entre 40 et 50 p. 100 de contenu canadien. CanWest et la plupart des radiodiffuseurs maintiennent ou dépassent ces normes dans chacune des grilles horaires de Global Television, CH et Prime TV.
La structure de capitaux et la composition de notre entreprise pour ce qui est de la propriété n'ont strictement rien à voir avec les décisions d'acquisition d'émissions ou ces degrés de contenu. Ce sont vraiment ces pouvoirs d'attribution des licences et de même que le pouvoir discrétionnaire du CRTC en matière d'établissement des politiques en matière de contenu canadien et des règles à suivre pour atteindre les objectifs fixés par la Loi sur la radiodiffusion qui déterminent quel sera le contenu canadien présenté à la télévision canadienne. Et le marché détermine, à l'intérieur de ces limites réglementées, ce qui est diffusé sur les ondes.
¿ (0920)
CanWest est le seul radiodiffuseur canadien qui possède des intérêts substantiels dans des activités de radiodiffusion dans d'autres pays. Si les membres du comité permanent avaient l'occasion de regarder les réseaux de CanWest en Nouvelle-Zélande, TV3 et TV4, qui appartiennent tous deux à 100 p. cent à CanWest, ils constateraient que rien dans le contenu présenté par ces réseaux ne laisse croire que cette activité de radiodiffusion est canadienne ou étrangère. Il n'y a pas de Soirée du hockey en Nouvelle-Zélande.
Jusqu'à 40 p. 100 de la programmation de TV3 est locale, même s'il n'y a absolument pas de règles concernant le contenu local et que le réseau est dirigé par un Canadien. On peut dire la même chose de TV3 en Irlande, administré par une personne qui dirigeait auparavant le poste de Global TV à Winnipeg et dont CanWest est co-propriétaire avec le radiodiffuseur britannique Granada Media, et de Network TEN en Australie, dont lequel CanWest détient une participation de 57 p. cent.
Dans tous les cas, les activités de radiodiffusion sont réglementées au niveau national par l'équivalent du CRTC et le contenu est déterminé entièrement par la gestion locale pour répondre aux besoins et aux désirs des téléspectateurs locaux. Dans tous les cas, les activités internationales satisfont entièrement aux exigences réglementaires locales en matière de contenu national, et même les dépassent, étant donné que CanWest s'efforce toujours de projeter l'image d'une entreprise soucieuse de ses responsabilités sociales dans tous les pays où elle est active, et, évidemment, de satisfaire les auditoires locaux.
Et nous ne sommes pas uniques à cet égard. La plupart des entreprises médiatiques internationales souscrivent aux mêmes normes de conduite. L'entreprise allemande Bertelsmann fait la même chose avec le canal 5 au Royaume-Uni. Flextech, propriété de Denver, Colorado, qui exploite plusieurs chaînes distribuées par câble et par satellite au Royaume-Uni, fait la même chose. Televisa, qui est la propriété d'une entreprise mexicaine, est active dans la plupart des pays d'Amérique du Sud et fait de même. Ils offrent le contenu local que les gens veulent regarder. Pourquoi? Simplement parce que c'est bon pour les affaires.
En résumé, nous rejetons les arguments de ceux qui croient qu'il y a une corrélation entre la propriété canadienne et le contenu canadien. En fait, rien n'indique que la nationalité quant à la propriété intervienne de quelque façon que ce soit. Un relèvement de la participation étrangère n'aura pas de conséquences substantielles sur la promotion ou la présentation du contenu canadien à la télévision, étant donné le rôle continu du CRTC pour la mise en application de la Loi sur la radiodiffusion.
Alors, quelle est la recommandation de CanWest? Nous appuyons le retrait total des restrictions touchant les investissements étrangers dans le secteur de la radiodiffusion. CanWest ne s'oppose pas à de telles mesures pour les entreprises de télécommunications et les EDR, à condition que les mêmes mesures s'appliquent également aux radiodiffuseurs.
Nous croyons également que le relèvement des limites à l'investissement étranger devrait être lié d'une quelconque manière aux efforts canadiens en vue d'assurer un assouplissement bilatéral similaire ou une harmonisation des règles dans le secteur de la radiodiffusion à l'échelle internationale, plus particulièrement avec les États-Unis et l'Europe et d'autres pays comme l'Australie. Nous reconnaissons que les négociations internationales avancent à leur propre rythme, mais nous prions le gouvernement du Canada d'exiger la réciprocité et de faire des représentations pour que le mouvement vers la libéralisation internationale s'accélère.
Merci, monsieur le président. Cela conclut mes observations formelles. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant demander à M. Yates de nous faire sa déclaration liminaire, et ensuite, nous passerons aux questions.
M. Robert Yates (Lemay-Yates associés inc, À titre individuel): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais commencer en disant que dans ma déclaration, je fais allusion à un rapport. Ce rapport a été présenté au comité, mais il n'a malheureusement pas encore été distribué aux membres. Ce que je vais vous lire est en fait un extrait du rapport, avec quelques changements, mais vous devriez avoir le rapport en main dans les prochains jours. Veuillez m'en excuser.
[Français]
Je voulais aussi vous dire que le rapport soumis ainsi que la présentation d'aujourd'hui sont en anglais. Par contre, si vous désirez poser vos questions ou faire des commentaires en français, ça ne pose pas de problème. Les notes que je vais lire sont en anglais ainsi qu'en français. Je ferai cependant ma présentation surtout en anglais.
[Traduction]
Le rapport que nous avons présenté traite de l'impact des restrictions actuelles à l'investissement étranger sur l'accès au capital dans le secteur concurrentiel des télécommunications à fil. Ce rapport a été rédigé par nous, Lemay-Yates Associés Inc., pour le compte d'AT&T Canada.
Le rapport contient également un bref aperçu de notre entreprise. Nous sommes en affaires depuis 10 ans; en fait, nous avons célébré notre 10e anniversaire en février. Nous avons travaillé pour presque tous les acteurs dans le secteur concurrentiel des télécommunications au Canada, ainsi que pour un certain nombre d'autres organismes, dont le CRTC, un certain nombre d'entreprises de câblodistribution et divers organismes gouvernementaux, mais nous avons surtout travaillé pour le compte d'investisseurs privés actifs dans l'industrie canadienne des télécommunications. Alors, nous avons une bonne connaissance de la façon dont les investisseurs perçoivent le marché canadien et la réglementation canadienne. Et, comme je l'ai dit, ce rapport a été préparé pour AT&T Canada, qui est un de nos clients.
Par souci de simplicité, le rapport est centré—et malheureusement, il y a quelques acronymes—sur les deux plus grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT), qui sont effectivement des grandes entreprises de téléphone, Bell Canada et TELUS. Nous les traitons comme un seul groupe. Nous traitons ensuite des trois plus importants concurrents qui restent, pour ainsi dire, dans le secteur des télécommunications et qui sont AT&T Canada, CallNet—que l'on connaît ici sous le nom de Sprint Canada—et GT ou Groupe Télécom, qui a récemment été acquis par 360networks Corporation.
Voilà pour les détails principalement historiques. Nous traitons de ces trois concurrents et des deux grandes ESLT ou grandes entreprises de téléphone.
Pour résumer les conclusions du rapport, les restrictions à l'investissement étranger ont pour effet de priver d'une source potentielle majeure de financement les concurrents du secteur des télécommunications au Canada. Mais les restrictions n'ont pas cet effet pour les ESLT, les grandes entreprises de téléphone. Ces dernières ont accès à diverses sources de financement pour alimenter l'exploitation de leurs activités. Par exemple, juste l'an dernier, BCE a racheté les actions détenues par des étrangers dans Bell Canada. SBC Communications avait acheté une participation de 20 p. 100. Le rachat de ces actions par BCE a été rapidement financé au moyen de capitaux d'emprunt et de capitaux propres. Et il n'y a pas eu de problème particulier à cet égard du point de vue des règles.
Les restrictions actuelles à l'investissement établissent une asymétrie en ce qui concerne la capacité d'obtenir du financement. Les ESLT sont en mesure de financer leurs activités courantes au moyen de liquidités tirées de leurs activités d'exploitation sans avoir besoin de recourir au capital de risque. Par contre, les concurrents qui bâtissent de nouvelles entreprises et de nouveaux réseaux dépendent fortement des sources de financement externes. Je reviendrai sur cette question un peu plus tard, mais, essentiellement, on constate qu'il y a une très grande asymétrie en ce qui a trait à l'accès au capital.
Les restrictions actuelles à l'investissement font en sorte que seules les ESLT ont la possibilité d'obtenir du financement de manière permanente. Elles encouragent l'investissement passif et ne favorisent pas l'expansion du secteur des télécommunications au Canada.
Les restrictions à l'investissement étranger vont à l'encontre d'autres politiques du gouvernement, notamment l'accès aux services à large bande et, curieusement, la promotion de l'investissement étranger direct. Au Canada, l'investissement étranger est depuis longtemps un facteur important du secteur des télécommunications et a joué un rôle important dans l'établissement des infrastructures actuelles. L'infrastructure de classe mondiale qui est en place a été créée en grande partie par des entités étrangères.
Toutefois, pour les ESLT, la présence ou l'absence de restrictions à l'investissement étranger n'a d'incidence que sur la source de financement vers laquelle elles vont se tourner. Ces restrictions n'affectent plus la capacité de posséder et d'exploiter une grande entreprise de téléphone. Cependant, pour les concurrents, elles demeurent un enjeu de taille. Malgré les échecs du secteur concurrentiel des télécommunications et les disparitions d'entreprises qu'il connaît, comme nous le savons tous, l'expérience nous indique que des entités étrangères sont intéressées à investir sur le marché canadien et dans les concurrents du secteur des télécommunications.
Il est certainement très intéressant de noter que nous ne parlons pas uniquement ici des grandes ESLT américaines qui achètent des ESLT canadiennes. Nous parlons d'investisseurs étrangers non traditionnels, de même que d'entreprises de télécommunications traditionnelles, et on en trouve quelques exemples dans le rapport, que je reprendrai ici : Bechtel, qui est une très grande société d'ingénierie; Carlyle Group, qui est une grande société de capital risque de Washington; T-Mobile, qui est un exploitant du téléphonie mobile en Allemagne; et d'autres.
Le climat de l'investissement au sein du secteur des télécommunications a nettement changé par rapport à l'effervescence des années 1998 et 2000. Et il est moins probable qu'aujourd'hui, les investisseurs soient prêts à investir aux mêmes conditions qu'à cette époque. Cependant, de nombreux concurrents qui étaient sur le marché avant le phénomène de la bulle technologique et qui ont subi une restructuration, sont maintenant plus solides et prennent de l'expansion—par exemple, AT&T Canada—et il ne fait aucun doute que d'autres vont apparaître sur le marché.
Si les règles ne peuvent être harmonisées pour s'adapter à la complexité plus grande des activités menées par les ESLT qui exploitent de multiples entreprises, les restrictions devraient au moins être levées pour les concurrents du secteur des télécommunications, car pour ces derniers, les restrictions à l'investissement étranger constituent un obstacle véritable.
Ce sont là les principales conclusions du rapport. Je vais maintenant faire un survol de certains des points principaux de l'analyse à l'origine de ce résumé.
Premièrement, pour ce qui est de l'état de la concurrence, même si les ESLT ont perdu 13 p. 100 de leur chiffre d'affaires en faveur des concurrents, au cours de la dizaine d'années qui s'est écoulée depuis que la concurrence a été introduite, elles représentent à elle seule la presque totalité des liquidités du secteur et conserve un monopole presque entier sur le segment clé du marché du service local de téléphonie filaire. En outre, les concurrents versent une partie importante de leurs revenus bruts aux ESLT pour des services de télécommunications et d'interconnexion. Dans le cas d'AT&T Canada, cela représente 28 p. 100 de ses revenus bruts et je crois savoir que cela fait d'AT&T Canada le plus gros client de Bell Canada.
Jusqu'à présent, les concurrents n'ont jamais pu tirer suffisamment de liquidités de leurs activités d'exploitation pour être en mesure de les réinvestir. Ils ont donc dû recourir à des sources de financement externes pour nourrir la croissance de leur entreprise. Dans le document qui a été distribué, on trouve un diagramme à secteurs, extrait du rapport, qui montrent quelles ont été les sources de financement d'AT&T Canada de 1998 jusqu'au moment de sa restructuration. Comme vous pouvez le constater, le plus grand secteur, c'est celui de la dette, 71,2 p. 100. L'autre élément à retenir, c'est que presque toutes les autres sources qui sont d'une taille le moindrement importante sont des sources de financement externes.
Pour leur part, les ESLT ont accès à des sources de financement diverses et vous allez voir sous peu le diagramme à secteurs équivalent pour Bell Canada. Les liquidités provenant de l'exploitation de leurs activités constituent pour les ESLT une source de financement importante—jusqu'à 50 p. 100 dans le cas de Bell Canada—et leur fournissent une base solide qui leur permet d'attirer l'attention des investisseurs. Vous allez remarquer, encore une fois dans le document qui a été distribué, que le diagramme à secteurs de Bell Canada est très différent de celui d'AT&T Canada et ce, pour deux ou trois raisons, mais notamment, par le nombre et la taille des différentes sources qui sont accessibles. C'est un fait que près de la moitié du financement provient essentiellement de l'exploitation et que la dette représente une part beaucoup plus faible.
Juste une petite note, peut-être technique, sur ces diagrammes : ils représentent les sources de financement et non pas le bilan de ces entreprises. À partir de maintenant, Bell Canada est une entreprise profitable—et je parle de Bell Canada en tant que filiale de BCE, et non de BCE dans son ensemble. Bell Canada a obtenu de l'argent de ces sources au cours des ans et son bilan reflète étroitement cette situation. La dette représente environ 45 p. 100 de l'entreprise. Si on regarde le diagramme du concurrent—à savoir AT&T Canada—pour la même période, on constate des pertes de fonctionnement, de sorte que la dette dépasse les capitaux propres de l'entreprise et que les créanciers sont effectivement propriétaires de l'entreprise, c'est pourquoi on a dû procéder à une restructuration. Veuillez m'excuser de cette note légèrement technique, mais je veux simplement m'assurer qu'il soit clair que ces diagrammes représentent les endroits où on s'est adressé, historiquement, pour obtenir du financement et non pas les utilisations de l'argent.
À la différence des concurrents, les grandes entreprises de téléphone ou ESLT dérivent systématiquement de leur exploitation plus de liquidités qu'il n'en faut pour répondre à leurs besoins courants en matière d'investissement de capitaux. Et, remarquablement, cela était vrai même en 2002—et je suis sûr que vous avez tous vu les résultats qui viennent d'être publiés pour le quatrième trimestre—où, en dépit de la baisse de leurs revenus dans certains cas—les revenus de base de Bell Canada et de TELUS, à l'exception de la téléphonie mobile, ont diminué—, elles ont vu augmenter le volume des liquidités tirées de leurs activités d'exploitation. Étant donné que les revenus ont décliné, elles ont enregistré un déclin beaucoup plus important de leurs dépenses en capital.
Depuis 1998, Bell Canada et TELUS disposent ensemble d'un financement cinq fois plus important que les trois concurrents plus importants pris ensemble. Les liquidités tirées par les ESLT de leurs activités d'exploitation équivalent, à elles seules, au double de la capacité de financement combinée des trois mêmes concurrents. Dans le document distribué, j'ai ajouté un diagramme tiré du rapport qui, essentiellement, combine les diagrammes à secteurs que je vous ai montrés et quelques autres. Vous pouvez constater combien il est intéressant. Il montre la différence très marquée qui existe entre les types d'exploitation dont vous parlez. À gauche, on trouve les grandes ESLT et on peut constater que la partie des fonds générés par l'exploitation de l'entreprise représente déjà le double du financement total accessible aux trois concurrents, financement qui est constituée de sources externes. Pour les investisseurs qui examinent ces deux types d'investissements, il est clair qu'il s'agit de deux investissements complètement différents; d'où le fait que la façon dont les règles s'appliquent aux deux entités est complètement différente.
Les investisseurs, étrangers ou locaux, peuvent investir dans les ESLT et s'attendre à un rendement sur leur capital investi et à des dividendes qui sont prévisibles. Les ESLT ne recherchent pas le capital de risque et, de fait, elles n'en n'ont pas besoin. Les concurrents, pour leur part, dépendent de la disponibilité du capital de risque, une ressource très limitée si l'on ne considère que les sources de financement canadiennes. En raison des limites imposées à la participation étrangère au capital, les concurrents connaissent un très haut niveau d'endettement—typiquement, 70 p. 100 ou plus de leur financement, un niveau d'endettement beaucoup plus élevé que celui des ESLT—et les trois plus importants concurrents au Canada ont tous dû entreprendre un processus de restructuration, ou sont en voie de le faire, pour éliminer leurs dettes. Alors, dans les faits, le résultat final, bien que cela puisse paraître très technique, c'est que les investisseurs qui détiennent une participation dans le capital des concurrents ont essentiellement perdu leur argent.
La restructuration, qui vise essentiellement à transformer les créanciers en détenteurs d'actions, est davantage compliquée par les restrictions actuelles à l'investissement étranger, parce que ces restrictions limitent la participation avec droit de vote que des intérêts étrangères peuvent détenir. Confrontés au défaut de paiement, les créanciers peuvent soit forcer la liquidation de l'entreprise qui manque à son obligation de rembourser—ce qui n'est pas une très bonne proposition—soit accepter une participation sans droit de vote dans le capital de cette entreprise afin de remplacer la dette—ce qui n'est pas une très bonne proposition non plus. Ainsi, les créanciers n'ont qu'une influence limitée, voire même presque nulle, sur la gestion de l'entreprise, alors même qu'ils détiennent l'ensemble des intérêts économiques de l'entreprise.
D'où l'asymétrie évidente dans la manière dont les règles agissent sur les ESLT et les concurrents du secteur des télécommunications. Les restrictions à l'investissement étranger ont pour effet de priver les concurrents du secteur des télécommunications d'une source potentielle de financement importante, conséquence que n'ont pas à subir les ESLT. Les concurrents bâtissent de nouvelles entreprises et de nouveaux réseaux. Ils ont besoin d'avoir accès à des sources de financement externes et les restrictions représentent donc pour eux un obstacle déterminant.
Merci.
¿ (0930)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions, et c'est à M. Rajotte de poser la première.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, pour les exposés que vous avez donnés ce matin.
Monsieur Asper, j'ai lu votre mémoire. Je pense qu'il est très bien fait. Je ne vous cacherai pas que je ne suis pas insensible à votre position, mais j'ai quelques questions à vous poser. La première concerne vos trois préoccupations fondamentales.
Votre seconde préoccupation touche la nécessité d'une expansion internationale et vous avez parlé brièvement de votre expérience en Australie. Nous avons entendu beaucoup de comparaisons entre le Canada et d'autres pays en ce qui concerne les restrictions à la propriété étrangère dans le cas des entreprises de télécommunications et des entreprises de câblodistribution. Quelle est votre expérience personnelle, comme homme d'affaires et à partir de ce que vous savez des restrictions touchant la radiodiffusion dans d'autres pays et, en particulier, dans d'autres pays de l'OCDE?
¿ (0935)
M. Leonard Asper: Quelles sont les limites et les restrictions?
M. James Rajotte: Oui.
M. Leonard Asper: Cela varie. À une extrémité du spectre, vous avez la Nouvelle-Zélande et, disons, le Chili, qui n'ont aucune restriction quelle qu'elle soit. Ensuite, vous avez un pays comme l'Irlande, où il n'y a pas de restrictions inscrites dans la loi, mais où vous avez un organisme de réglementation de la radiodiffusion qui limite et, à sa discrétion, décide si un investisseur étranger peut devenir propriétaire et de quoi. Au sein du groupe de l'UE, il n'y a pas de restrictions quant à la propriété, de sorte qu'une entreprise allemande comme Bertelsmann peut être propriétaire de tout ce qu'elle veut en Grande-Bretagne ou dans un autre pays de l'UE. Les États-Unis imposent toujours un plafond de 25 p. 100.
Dans l'Union européenne, l'Angleterre est en train de s'ouvrir. Le Parlement britannique est saisi d'un projet de loi, dont on s'attend qu'il soit adopté, qui ouvre entièrement le secteur de la radiodiffusion, et ce même à l'extérieur de l'UE. Par contre, en Europe de l'Est et en Asie, les gouvernements exercent un pouvoir discrétionnaire beaucoup plus grand. Certaines lois ne sont pas très élaborées. Ces pays sont encore relativement fermés, alors, c'est une question de négocier avec le gouvernement et de trouver un partenaire local.
M. James Rajotte: Ma seconde question porte sur votre première préoccupation concernant l'accès au capital étranger et une plus grande flexibilité au niveau de la structure du capital. Vous affirmez qu'il y a des recoupements entre les entreprises de télécommunications, les EDR et les radiodiffuseurs. Que je sache, vous êtes le seul à affirmer non pas qu'il y a un recoupement, mais que les restrictions à la propriété devraient être atténuées dans le cas des radiodiffuseurs. Connaissez-vous un autre radiodiffuseur qui partage votre point de vue sur cette question?
M. Leonard Asper: Non. Leur situation est différente. Je ne suis pas sûr, mais le radiodiffuseur qui a le plus de chances d'avoir un point de vue semblable au nôtre est CTV qui, évidemment, se retrouve sous le parapluie de Bell. On n'a pas vraiment entendu ces gens ici; on les a entendu, mais par l'intermédiaire de Bell Canada. Ils feraient l'objet d'une déréglementation de la même manière.
Certains des autres radiodiffuseurs, comme Alliance ou CHUM—qui, je pense, ont comparu devant le comité—ont une situation différente. Bien que je ne puisse parler en leur nom, ils ont des liens avec des radiodiffuseurs américains ou des diffuseurs de chaînes par câble comme Home and Garden Television, TV Food Network, Star et E! Television. Ces ententes pourraient avoir un caractère très différent si les restrictions concernant la propriété étrangère étaient levées. En fait, cela pourrait être la fin pour eux parce que Home and Garden Television U.S., qui est la propriété d'E.W. Scripps Co., pourrait tout simplement s'amener au Canada pour négocier avec Rogers, Shaw ou ExpressVu. À vrai dire, ils n'auraient plus besoin des services d'Alliance.
Pour ce qui est de CanWest, nous sommes déjà en concurrence avec NBC. Et NBC est déjà actif au pays à travers les systèmes de distribution par câble et par satellite; alors, un assouplissement des règles ne nous ferait pas souffrir davantage. Cependant, je pense qu'Alliance ou CHUM, qui exploitent des franchises de chaînes américaines distribuées par câble, pourraient constater que leur position s'est nettement affaiblie en ce qui a trait aux besoins qu'ont de leurs services les chaînes distribuées par câble. Et cela s'applique, comme je l'ai dit, à la chaîne Food et à un grand nombre de chaînes américaines dont l'entrée au Canada est interdite et qui ont dû trouver des intermédiaires canadiens pour le faire. Mais cela pourrait bien changer.
M. James Rajotte: À ce propos, je pense que vous avez raison. Les préoccupations du point de vue du contenu canadien me semble être de deux ordres différents. Premièrement, on se préoccupe de l'industrie canadienne ou de la base industrielle canadienne et de l'existence d'une industrie canadienne viable dans les secteurs de la radiodiffusion, des EDR et des télécommunications. Et, deuxièmement, on se préoccupe de la créativité canadienne, du fait que si nous n'avions pas une base industrielle canadienne et si nous n'avions pas ces dispositions relatives au contenu canadien, nous ne serions pas capable de développer la créativité canadienne et de développer la culture canadienne.
Vous avez dit dans votre réponse que Global faisait déjà concurrence à NBC, alors, vous êtes déjà dans cette situation et vous n'en souffrez pas vraiment beaucoup. Mais comment répondez-vous à ces préoccupations? La plus grande préoccupation que nous avons entendue, c'est que nous allons vraiment nuire à l'ensemble de la question du contenu canadien. Il y a un lien entre les télécommunications, les EDR et les radiodiffuseurs, et on s'inquiète du fait que si vous allez jusqu'à inclure la radiodiffusion, vous allez vraiment faire du tort à la question du contenu canadien.
Que répondez-vous au sujet de ces préoccupations?
¿ (0940)
M. Leonard Asper: Je pense que cela revient tout simplement à ce que j'ai dit, à savoir que les règles relatives au contenu sont là. Qu'il s'agisse de CanWest, de NewsCorp ou de Bertelsmann, elles seront respectées. Parce que c'est la condition pour garder sa licence d'exploitation. Le CRTC a le pouvoir de retirer cette licence. Et, à vrai dire, comme je l'ai dit, l'expérience internationale démontre presque le contraire. Les entreprises étrangères font l'impossible pour être perçues comme des entreprises conscientes de leurs responsabilités sociales et respectueuses des règles. Mais les règles sont les règles, peu importe qui est propriétaire de CTV ou de CHUM ou d'Astral ou de n'importe laquelle de ces entreprises. Il appartient au CRTC de déterminer quelles seront les exigences en matière de contenu—et nous sommes d'accord avec cela.
Non seulement le CRTC impose un volume—en d'autres mots, les règles de 60 p. 100 et de 50 p. 100—, mais il réglemente également le type de contenu qui doit être présenté à la télévision. Il accorde des crédits ou il accorde des débits ou il pénalise les entreprises qui ne parviennent pas à réaliser certains des objectifs culturels. Et le CRTC a parfaitement le droit de le faire et il utilise ce pouvoir. Par exemple, lorsqu'il a décidé qu'il voulait voir plus de dramatiques canadiennes à la télévision, il l'a imposé. Dans les exigences globales qui nous sont imposées, nous devons présenter huit heures de ce qu'ils appellent une programmation prioritaire. On avait le sentiment qu'il n'y avait pas assez de dramatiques à la télévision, alors on a exigé des radiodiffuseurs de cette catégorie qu'ils diffusent plus de dramatiques canadiennes, ce qu'ils ont fait. Voilà pour le côté contenu de la question.
Pour ce qui est du côté industrie, le système de points canadien est tel que pour avoir du contenu canadien, les deux critères sont intimement liés. Pour qu'un produit soit considéré comme canadien, il vous faut une participation canadienne au niveau de la création et au niveau de l'industrie. En d'autres mots, il faut employer des Canadiens. Le directeur de la photographie, le producteur, le directeur et les acteurs doivent tous être... dans le système de points, il faut répondre à ces critères pour que le produit soit considéré comme canadien. Alors, je ne vois vraiment ce qui pourrait changer le nombre de Canadiens employés ni la quantité de contenu canadien.
De plus, le gouvernement a pensé que son système de crédit fiscal offrait également la possibilité, par l'intermédiaire de Téléfilm Canada et du Fonds canadien de télévision, d'appuyer le contenu canadien. C'est cela qui fait fonctionner le système et non pas la propriété.
Le président: Merci, monsieur Rajotte. Nous reviendrons à vous plus tard.
Monsieur Savoy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, merci beaucoup de vos exposés. Ils étaient très instructifs.
J'aimerais regarder deux scénarios. Le premier scénario, c'est celui où l'on ne fait rien et le second, c'est un scénario dans lequel on lève ou on atténue considérablement les restrictions en matière de propriété étrangère.
On trouve ici deux arguments liés au développement ou aux effets économiques. Le premier, c'est que si l'on augmente la part de la propriété étrangère qui est autorisée, le contrôle passera aux mains d'entreprises étrangères et que de nombreuses installations, qu'il s'agisse d'installations de R-D ou de sièges sociaux, quitteront le Canada pour s'installer dans le pays qui devient le principal propriétaire de l'entreprise. C'est un scénario. Le second scénario est un fait connu. Si nous augmentons la part de la propriété étrangère, les capitaux ainsi obtenus serviront à accroître l'innovation au Canada, à accroître la R-D au Canada et à stimuler la croissance économique.
J'aimerais connaître votre opinion sur ces deux scénarios—et, monsieur Elliot, je serais également heureux de connaître la vôtre.
M. Leonard Asper: La radiodiffusion est une entreprise qui, typiquement, compte beaucoup sur la R-D, alors je parle un peu à titre d'observateur. Mon expérience, c'est que les entreprises américaines, mais c'est également vrai de la plupart des entreprises étrangères, ont une culture de R-D qui correspond plus à une culture de R-D que ce que nous voyons dans les entreprises canadiennes. Je pense que les données statistiques le démontrent, mais je ne suis pas un expert en la matière.
De toute façon, la véritable R-D dans le domaine des médias, de la radiodiffusion, c'est à Hollywood qu'elle se fait. Vous avez probablement entendu ces dernières statistiques, mais peut-être que non. Hollywood, c'est l'endroit où sur 1 000 scénarios présentés, seulement 150 feront l'objet d'un pilote. Ces pilotes, produits au coût d'environ 3 à 4 millions de dollars pour deux heures, se traduiront par 15 nouvelles émissions qui seront présentées par les réseaux américains et seulement six à huit d'entre elles reviendront à l'antenne pour une deuxième année de diffusion. Voilà le système de contenu, valable pour le monde entier, tel qu'il est vu par un oeil américain.
L'expérience canadienne est très différente, ce qui rend les choses très difficiles. Qu'il s'agisse de CTV, de CHUM, de nous-mêmes ou de n'importe quel autre radiodiffuseur, nous commandons une émission comme Cold Squad ou Blue Murder et nous espérons qu'elle sera bonne. Nous travaillons avec le producteur et nous avons une, deux ou trois chances—selon le nombre d'émissions que vous préparez—pour faire marcher l'émission.
Comme vous le savez probablement, la R-D fonctionne beaucoup par essais et erreurs. Dans le système canadien, le manque d'argent et l'incapacité d'offrir aux scénaristes le même cachet qu'à Hollywood font en sorte que notre programmation canadienne, et en particulier nos dramatiques, manquent de R-D et, par conséquent, nous avons moins de chances d'avoir un grand succès. Or, il s'agit d'une entreprise fortement axée sur les grands succès.
Ce que les radiodiffuseurs canadiens essaient de faire, c'est de réduire le plus possible le coût de leurs droits de licence, parce que nous avons moins de chances d'avoir un grand succès du seul fait que nous en sommes réduits à lancer des fléchettes sur une cible, ce que nous oblige à faire toute la question du contenu. Il est tout simplement impossible de prévoir le comportement des téléspectateurs. Vous ne pouvez pas inventer une tablette de chocolat, la mettre sur le marché, voir ce que les gens aiment, obtenir une rétroaction, et changer le contenu en chocolat ou faire quoi que ce soit que font les autres entreprises actives dans le domaine de la vente au détail ou de la fabrication.
Mais cela sort du cadre de la discussion d'aujourd'hui ou, très certainement, de celui pour lequel je m'étais préparé. Mais qu'il s'agisse de crédit d'impôt ou de quoi que ce soit d'autre, lorsqu'il est question de R-D canadienne dans la programmation, nous sommes tout simplement un pays de taille trop petite pour nous le permettre. Cela ne se fait pas en Irlande. En Australie non plus. Nous allons voir un producteur fiable qui a rempli ses promesses dans le passé et ce dernier offre généralement un produit décent. Nous allons voir des fournisseurs fiables et nous espérons qu'ils nous donneront quelque chose de bon. S'ils ne le font pas, nous retirons l'émission de l'antenne et nous essayons autre chose.
¿ (0945)
M. Andy Savoy: Nous allons quitter le domaine de la R-D et revenir à la question des emplois et des installations. Pensez-vous que l'idée que si les entreprises étrangères prennent le contrôle, elles pourraient décider de déménager le siège social—ou n'importe quel autre type d'installations qu'elles pourraient avoir—dans leur propre pays, soit une menace?
M. Leonard Asper: Je ne pense pas. Ce n'est pas l'expérience que j'ai vécue. Les entreprises ont tendance à faire la R-D dans le marché local de manière à obtenir une saveur locale. Il peut y avoir un noyau de R-D qu'elles pourraient déjà effectuer, mais encore une fois, ce n'est pas quelque chose qui est nécessairement applicable à l'industrie de la radiodiffusion. La véritable R-D se fait à Hollywood où les cachets de tous les spécialistes de la R-D sont déjà beaucoup plus élevés.
Je ne suis pas sûr de pouvoir ajouter autre chose. Peut-être donnerais-je la parole à Geoff, qui a une certaine expérience au niveau international, au niveau diplomatique et dans d'autres domaines, ainsi qu'à M. Yates, qui travaille au sein d'une industrie dans laquelle la R-D compte davantage dans le produit.
M. Geoffrey Elliot (vice-président, Affaires corporatives, « CanWest Global Communications Corp. »): Monsieur Savoy, il me semble que vous voulez savoir si le siège social d'une société de radiodiffusion se déplacerait en quelque sorte, pour des raisons de propriété, à l'extérieur du Canada.
Il est vraiment difficile de voir comment cela pourrait arriver concrètement, étant donné que le marché canadien resterait complètement distinct de toute autre marché pouvant intéresser une société mère, s'il y avait un changement sur le plan de la propriété. C'est parce qu'il faut respecter la Loi sur la radiodiffusion, qui exige un contenu canadien global de 60 p. 100 et le respect des autres conditions dont M. Asper a parlé. Il est difficile d'imaginer que quelqu'un qui se trouve à Londres ou à New York puisse s'occuper de tout ce qui est lié au respect de ces exigences sur le marché canadien, alors que les fournisseurs de ce contenu se trouvent tous ici, et non pas à New York ou à Londres.
¿ (0950)
M. Leonard Asper: Je pourrais aussi vous parler de notre expérience, monsieur Savoy.
Partout où nous avons des bureaux, nous avons un PDG local qui transige avec les publicitaires locaux, les fonctionnaires locaux et... habituellement il y a un organisme comme Telefilm en Nouvelle-Zélande ou en Australie, et il faut entretenir des relations avec cet organisme et s'occuper de demander du financement complémentaire pour les productions locales. Il existe donc toute une infrastructure partout où nous avons des bureaux.
On pourrait procéder au regroupement ou à la centralisation de quelques activités comptables de CanWest pour les bureaux établis en Irlande, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Nous pourrions avoir un coordonnateur des comptes créditeurs à Winnipeg et ne pas en avoir en Nouvelle-Zélande. Mais même là, pour les ressources humaines, étant donné que les règles sont tellement différentes au sujet des retenues sur la pension, l'assurance-chômage et tous les autres régimes dans chaque pays, nous avons un personnel comptable assez complet sur ces marchés pour s'occuper de ces questions.
C'est la même chose pour les TI. On ne peut pas centraliser beaucoup, parce que la radiodiffusion est tellement différente de la publicité et la programmation. Même Columbia, Paramount et Warner Brothers ont des agents locaux en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande et en Europe, et c'est avec eux qu'il faut transiger. On ne conclut pas seulement des accords de groupe avec quelqu'un à Winnipeg, parce qu'il peut être possible d'obtenir une meilleure offre... il faut entretenir des relations au niveau local et maximiser les profits dans chaque pays. Warner Brothers peut alimenter CanWest en Australie, mais le produit de notre concurrent en Nouvelle-Zélande peut être mieux être adapté pour d'autres diffuseurs.
Le président: Nous allons entendre le point de vue de M. Yates, puis ce sera au tour de M. Crête.
M. Robert Yates: Merci.
J'aimerais peut-être établir un lien entre la R-D et l'industrie des télécommunications, et parler en général de la R-D, étant donné que je me suis un peu occupé d'activités de R-D au Canada avec d'autres clients et dans d'autres domaines.
Il est bien connu que les sociétés canadiennes n'investissent pas en R-D. Nous sommes un des pires pays du monde dans le domaine. Je pense qu'on vous en a parlé hier au sujet des brevets et d'autres questions du genre. La situation est terrible au Canada en R-D. Comme M. Asper l'a souligné, les sociétés américaines ont tendance à être plus dynamiques. C'est donc probablement le contraire qui est vrai. Si ces sociétés étaient plus présentes ici, il y aurait plus de R-D au Canada.
En fait, je me rappelle avoir discuté avec les représentants de Rogers il y a quelque temps. Quand Rogers Wireless a établi son réseau au Canada, elle s'est adressée à un fournisseur étranger parce qu'elle ne voulait pas acheter du même fournisseur que Bell. Elle s'est entendue avec Erickson et elle lui a demandé d'ouvrir un laboratoire de R-D à Montréal, c'était il y a une quinzaine d'années environ, je pense. Le laboratoire existe toujours et compte des milliers d'employés. Et c'est une société étrangère qui le dirige.
Il faut aussi se rappeler que ce ne sont pas les compagnies de téléphone ni les téléphonistes qui investissent dans la R-D, ce sont les fournisseurs. C'est vraiment un milieu de fournisseurs.
Par ailleurs, pour résumer à propos du statu quo par rapport au changement, il en est brièvement question dans notre mémoire, et nous savons clairement à quoi nous en tenir à propos du statu quo. En investissant dans TELUS, Verizon a réduit sa participation de 51 à 21 p. 100. SBC a forcé BCE à racheter ses actions avec une perte de 1,2 milliard de dollars. Sprint US conserve 25 p. 100 d'actions dans Sprint Canada en investissant de petits montants chaque année. AT&T Corp. a essentiellement radié des milliards et des milliards de dollars investis dans AT&T Canada. Donc, nous savons ce qui se passe si rien n'est fait.
Par contre, nous voulons que les choses changent. Nous voulons qu'il y ait de l'innovation, nous voulons des services à large bande, nous voulons que l'industrie des télécommunications soit concurrentielle et nous voulons également des investissements étrangers directs. Nous voulons tout cela et, par ailleurs, nous ne sommes pas vraiment certains de vouloir qu'ils investissent. Nous voulons tout cela, mais nous hésitons. À mon avis, il y a une énorme dichotomie sur le plan des politiques par rapport à ce que nous demandons. Il y aurait vraiment plus d'innovation... si nous voulons que cela arrive, si nous voulons qu'il y ait de la concurrence, si nous voulons des investissements étrangers directs, il ne sert à rien de dire aux investisseurs que nous ne sommes pas certains de vouloir qu'ils investissent.
Le président: Merci.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Asper, dans l'introduction de votre document, vous semblez dire très clairement--c'est du moins ce que je voudrais vérifier--qu'entre le statu quo et une situation où le traitement différerait selon le type d'entreprise, par exemple où on exempterait les radiodiffuseurs de devenir l'instrument de la propriété étrangère, vous préféreriez le statu quo.
¿ (0955)
[Traduction]
M. Leonard Asper: Je suis désolé, monsieur Crête, je ne sais pas si vous voulez dire augmenter partiellement les limites...
[Français]
M. Paul Crête: Non, je dis que vous vous opposez à cela, à moins que les radiodiffuseurs ne soient touchés également par ces mesures. Si je comprends bien le sens du paragraphe, dans le cas où les radiodiffuseurs seraient exemptés de l'ouverture au financement étranger, vous préféreriez le statu quo à une telle situation. Est-ce exact?
[Traduction]
M. Leonard Asper: Vous dites que, si on déréglemente pour les EDR et l'industrie des télécommunications mais pas pour les radiodiffuseurs, c'est alors pire que le statu quo? Oui, c'est ce que nous pensons.
[Français]
M. Paul Crête: Voilà qui est clair. Donc, si je comprends bien, vous rejetez l'option qui nous a été présentée, entre autres, par Astral Media, par M. André Bureau et par les gens qui disent qu'il est possible de séparer les deux secteurs et que les entreprises auraient alors à faire des choix pour que leurs activités soient désormais circonscrites dans un seul domaine, et que cela ne correspond pas à la réalité future du marché.
[Traduction]
M. Leonard Asper: C'est exact, parce qu'il y a interfinancement. Si NewsCorp achetait une société comme Rogers, qui a des entreprises de distribution de radiodiffusion et fait de la radiodiffusion, elle transférerait toujours les services en matière de programmation qui nous inquiètent tellement à sa filiale de fait où au groupe de sociétés dans lesquelles elle a investi.
[Français]
M. Paul Crête: J'aimerais poser deux questions qui portent sur l'exception culturelle.
Vous dites que cette initiative est non seulement discutable en termes de politique publique, mais également susceptible d'échouer, sauf probablement auprès d'une brochette de pays qui représentent pour le Canada un intérêt commercial négligeable.
J'aimerais savoir quels sont d'après vous ces pays qui représentent un intérêt commercial négligeable pour le Canada. C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur votre suggestion de libéraliser les marchés, de permettre l'investissement étranger et de lever les restrictions actuelles. Cela ne reviendrait-il pas à déjà créer une brèche importante dans la politique du gouvernement canadien qui vise à développer cette exception culturelle à laquelle vous vous opposez, mais qui est néanmoins la politique actuelle du gouvernement?
[Traduction]
M. Leonard Asper: La culture canadienne sera définie, et c'est le CRTC qui va en gérer la promotion, indépendamment de la propriété. Je ne vois pas comment la structure des entreprises peut changer la façon dont les étrangers ou les Canadiens, d'ailleurs, agissent aujourd'hui au sujet de la culture canadienne. Notre système est géré par le CRTC, et non pas par la propriété.
Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup d'intérêts étrangers en radiodiffusion dans d'autres pays. Je vous ai peut-être mal compris, parce que je vous vois faire non de la tête. Je vais vous laisser reformuler votre question.
[Français]
M. Paul Crête: Je voudrais revenir à ma première question et que vous me disiez quels sont les pays qui, à votre avis, représentent pour le Canada un intérêt commercial négligeable et pour lesquels l'exception culturelle pourrait être profitable.
[Traduction]
M. Leonard Asper: Oh, je vois, d'accord.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que vous pourriez en identifier un certain nombre? S'agit-il de la France ou de l'Afrique, par exemple?
[Traduction]
M. Leonard Asper: Je ne crois pas que ce soit vraiment important de nommer des pays. Je ne pense pas qu'il y en ait un qui soit plus ou moins important que l'autre. Je ne crois certes pas que la présence d'intérêts américains au Canada cause du tort. La plupart des émissions étrangères viennent des États-Unis, simplement parce que c'est ce que les Canadiens veulent. Des émissions britanniques comme Coronation Street ne sont pas très populaires au Canada. Évidemment, des émissions en langue étrangère—en allemand ou en espagnol, qui doivent être doublées—ne sont pas très intéressantes non plus pour les Canadiens. Je ne sais pas si le pays a de l'importance ou si un pays est plus ou moins important qu'un autre.
À (1000)
Le président: Monsieur Yates, vous aviez un commentaire.
[Français]
M. Robert Yates: J'aimerais simplement donner un exemple. Hier, je crois que plusieurs pays ont été mentionnés. Cependant, comme l'a dit M. Asper, il y a une différence entre les règles sur la propriété d'un réseau et celles qui portent sur la radiodiffusion.
Hier, à titre d'exemple, on a parlé de l'Espagne, où on n'impose pas de restrictions sur la propriété des compagnies de câblodistribution. Ce qu'on n'a pas mentionné, toutefois, c'est que de nombreuses règles sont imposées aux radiodiffuseurs. Le système national, par exemple, qui est l'équivalent de Radio-Canada, a des objectifs comme celui de promouvoir la langue catalane, qui est minoritaire dans ce pays.
Il y a donc un système de réglementation qui aide à protéger la culture du pays. En revanche, il n'y a pas de restrictions sur la propriété des réseaux.
M. Paul Crête: Je vais essayer de reformuler ma phrase. Le Canada a développé, avec la France et d'autres pays, une approche basée sur cette exception culturelle que vous dénoncez dans votre document.
Le fait de libéraliser le marché et de permettre la levée des restrictions sur les investissements étrangers n'ouvrirait-il pas une brèche importante dans cette initiative à l'égard de l'exception culturelle? Autrement dit, si on prend position dès maintenant sur cette question, ne va-t-on pas par le fait même rejeter du revers de la main le concept d'exception culturelle dans sa totalité?
[Traduction]
M. Geoffrey Elliot: Je crois que vous parlez de l'intérêt du Canada dans la négociation d'un instrument international sur la diversité culturelle, n'est-ce pas? Oui? Bien, dans notre mémoire, nous nous interrogeons sur la sagesse de cette initiative, et nous indiquons croire que cet instrument serait intéressant surtout pour des pays qui représentent pour nous un intérêt commercial négligeable, sur le plan de la culture canadienne.
[Français]
M. Paul Crête: Lesquels?
[Traduction]
M. Geoffrey Elliot: Cette initiative a été prise parce que le Canada craint les mesures commerciales prises par les États-Unis en réaction aux politiques culturelles canadiennes qui ont touché des éléments de l'industrie culturelle, alors que l'instrument visait à isoler le Canada de ces mesures commerciales.
À notre avis, il est très peu probable que les États-Unis signent l'instrument commercial sur la diversité culturelle. Il est par conséquent peu probable que cet instrument culturel atteigne le but visé. Si c'est le cas, le Canada a décidé qu'il ne participerait pas aux négociations internationales dans le secteur culturel—ce qui comprend la radiodiffusion—, ce qui voudrait dire que notre objectif de faire assouplir les règles sur la propriété étrangère ne sera pas examiné avant que les négociations sur l'instrument culturel ne soient terminées.
J'ajouterai à propos de cet instrument qu'on veut en faire un instrument universel, dans le sens où la radiodiffusion est traitée sur le même pied d'égalité que les sculptures esquimaudes, les troupes de danse autochtones et la poésie. Nous ne pensons pas qu'il est souhaitable d'envisager des règles internationales pour la radiodiffusion dans ce contexte.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le président, est-ce que j'ai encore du temps?
Votre point de vue me fait penser aux propos de M. Bush selon qui l'ONU va prouver qu'elle est efficace si elle dit la même chose que les États-Unis.
De la même façon, vous nous dites qu'on ne devrait pas toucher à ces questions, sinon les Américains ne voudront pas signer d'entente. Si on est incapables de négocier quoi que ce soit, aussi bien décider d'avance que ce sont eux qui établissent les règles.
[Traduction]
M. Leonard Asper: Pour dire les choses autrement, on semble mettre en concurrence l'assouplissement des règles sur l'investissement étranger et la protection de la culture. Vous dites que ces deux intérêts se nuisent peut-être. Nous pensons le contraire. Nous croyons que la culture ne sera pas compromise par l'assouplissement des règles. Nous sommes d'avis que les avantages économiques compensent largement les risques possibles et illusoires, selon nous, pour la culture. Par conséquent, s'il faut choisir, choisissons les avantages économiques.
À (1005)
Le président: Monsieur Yates, vouliez-vous dire quelque chose avant que je poursuive?
M. Robert Yates: Non, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur Bagnell.
[Français]
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer.
Monsieur Asper, je vais revenir moi aussi sur la question à laquelle vous avez répondu toute la journée. Nous avons accueilli un groupe d'artistes et de représentants syndicaux d'artistes. Je ne sais pas vraiment pourquoi—parce qu'ils n'ont pas donné de raisons techniques là-dessus—mais ils n'étaient pas convaincus que le contenu ne serait pas compromis. Ils étaient plutôt contre. Savez-vous quels seraient leurs arguments ou pourquoi ils ne sont pas convaincus que nous pouvons exercer un contrôle avec des règlements sur le contenu?
M. Leonard Asper: Encore une fois, j'hésite à me mettre à la place des autres, mais je crois qu'il y a une crainte injustifiée, dans leur cas, que des emplois soient perdus ou qu'on ne fasse pas appel à des fournisseurs dans les domaines techniques ou artistiques au Canada. Ailleurs dans le monde, que ce soit en Australie... Il y a une autre entreprise, la SBS, qui est une société américaine établie en Suède, en Norvège, en Finlande et partout en Europe, en Slovénie, en Hongrie et en Suisse.
Dans le domaine de la radiodiffusion, vous devez engager des gens du pays qui montent des productions locales. Tous les radiodiffuseurs du monde remplissent une partie de l'horaire avec du contenu américain. C'est une façon de diffuser 168 heures par semaine. Vous ne pouvez tout simplement pas produire 168 heures d'émissions à moins d'être dans un marché comme celui des États-Unis, qui compte 300 millions de personnes et un marché de publicité de 40 milliards de dollars.
Dans des pays comme le Canada, l'Australie, la Slovénie ou tous ces autres pays, il y aura une partie d'émissions américaines et une partie d'émissions locales. Les émissions locales doivent être animées par quelqu'un du milieu qui a l'accent local. Vous n'allez pas faire venir des gens de New York ou de Milwaukee pour diriger le plateau, construire les décors, s'occuper du maquillage ou travailler à tout ce qui est nécessaire à la production d'une émission locale.
Même une émission de jardinage produite aux États-Unis n'est pas une émission de jardinage produite en Nouvelle-Zélande, parce que l'animateur ne tiendrait pas les mêmes propos et parlerait de produits différents qui existent en Nouvelle-Zélande et pas aux États-Unis. On pourra diffuser une émission de jardinage américaine sur la télévision néo-zélandaise, mais il y aura toujours une émission de jardinage locale produite entièrement par des Néo-Zélandais, des techniciens aux caméramans, des maquilleurs aux rédacteurs et aux animateurs.
Je ne vois pas ce qui fait peur, si ce n'est cette crainte sans fondement que les emplois vont quitter le pays. Mais d'après notre expérience à l'étranger, les gens produisent des émissions locales, d'abord parce qu'ils sont obligés de le faire et, ensuite, parce que les particularités locales l'exigent.
Le président: Monsieur Yates, vous avez un commentaire?
M. Robert Yates: Je vais enchaîner sur le même sujet, mais vu d'un angle différent. Je pense que M. Asper a tout à fait raison de dire que, dans un autre pays, vous voulez travailler avec les gens du pays et la culture locale pour établir une présence locale. Bien sûr, nous connaissons tous des entreprises qui ont fait cela au Canada, CanWest en est une, et Nortel est probablement la société la plus importante, la plus réputée dans l'industrie des télécommunications pour ses investissements à l'étranger.
Pour que ces sociétés réussissent, elles doivent avoir des activités nationales dynamiques pour pouvoir prospérer et créer ailleurs. Ces règles—et je pense que notre mémoire le fait bien ressortir—ont un effet contradictoire, parce que les compagnies qui pourraient innover sont celles qui sont les plus touchées par ces règles. C'est peut-être un peu la même chose dans le domaine de la radiodiffusion, mais c'est assurément le cas dans celui des télécommunications.
Il en a été un peu question hier. Les investisseurs étrangers se soucient-ils vraiment d'avoir une participation avec droit de vote ou non? Pour avoir discuté avec beaucoup d'investisseurs étrangers, je peux vous dire que c'est la première chose dont on parle. Il faut savoir répondre à leur première réaction : « Que voulez-vous dire? Vous voulez mon argent, mais je ne peux exercer aucun contrôle sur ce que vous faites? Je ne peux pas discuter de vos activités? Je ne peux pas siéger au conseil d'administration? De quoi s'agit-il? » Vous consacrez beaucoup de temps et d'effort à structurer autour de ces règles. Après cela, vous examinez le marché, la réglementation et les autres aspects. C'est donc une première étape très critique.
Il peut y avoir différents éléments. Il y a l'emploi, la question de savoir s'ils sont intéressés ou non et probablement ce que nous faisons ou non au Canada. Si nous voulons que Nortel ou l'industrie des télécommunications investissent partout dans le monde et prennent de l'importance, il faut savoir que les bassins de capitaux au Canada sont très limités—et je pense que Jim Shaw en a parlé hier. Au Canada, le capital de risque pur est une industrie de 2,5 milliards de dollars par année. Bell Canada dépense deux fois cette somme en immobilisations chaque année. Vous n'allez pas constituer une industrie pour concurrencer Bell Canada avec 2,5 milliards de dollars de capital de risque.
Il y a donc beaucoup d'éléments à considérer mais, si vous voulez de l'innovation, du dynamisme et des emplois, il est important d'assouplir les règles. C'est complètement le contraire. Ce n'est pas du protectionniste, il faut assouplir et passer à l'action.
À (1010)
M. Larry Bagnell: Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Yates.
Nous avions été priés à l'origine de simplement examiner les biens durables des télécommunications, et je suppose que cet examen aurait été facile, n'eût été la concurrence livrée par la câblodistribution. Toutefois, concernant cette simple question que le ministre nous a demandé d'examiner, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu de l'opposition, sauf de la part de SaskTel qui y était très vivement opposée, affirmant que nous avons une industrie canadienne bien vivante, qu'il n'y a pas de problème de concurrence, que nous avons accès au deuxième plus important service à large bande du monde, que les consommateurs ont beaucoup de choix et que, puisqu'il n'y a pas de problème, il ne faudrait pas menacer cet exemple de réussite authentiquement canadien. Pouvez-vous nous faire des observations à ce sujet et nous dire pourquoi SaskTel fait de pareilles affirmations, qui ne sont confirmées par nul autre?
M. Robert Yates: Elle l'affirme parce qu'il y a un plus grand nombre d'entreprises du genre. De toute évidence, depuis qu'une douzaine à peu près de concurrents a disparu au cours des dernières années, il y a moins de gens pour l'affirmer. Cependant, les compagnies de téléphone sont assurément très fières de l'affirmer. Si vous allez à des forums d'investisseurs où prennent la parole des représentants de Bell Canada, vous verrez qu'ils sont plutôt fiers de souligner leur part dominante du marché, leur grande rentabilité et le fait qu'ils peuvent réduire leurs dépenses d'immobilisation tout en conservant une part de 95 p. 100. Manifestement, ils ont de quoi se réjouir. Puisque SaskTel est un monopole d'État en Saskatchewan, il est évidemment dans son intérêt de faire de pareilles affirmations.
Notre mémoire fait ressortir que, à un niveau peut-être plus fondamental du point de vue de l'investissement, si vous êtes propriétaire d'une compagnie de téléphone et que vous l'exploitez, son exploitation produit des liquidités, en tant qu'entreprise stable. Les compagnies de téléphone sont des services publics, essentiellement, de sorte qu'elles ont accès à des sources de capital et que leurs coûts et leurs immobilisations sont proportionnels à ces sources. Elles ne sont pas là pour créer, de sorte que de dire que l'industrie est concurrentielle est...
Je vais essayer de l'exprimer autrement. Une autre façon d'agir des détenteurs ou quasi-détenteurs de monopole est de réagir à une éventuelle concurrence, ce qu'ils font depuis de nombreuses années. Dès qu'une brochure est publiée annonçant un service à un prix de 40 p. 100 inférieur, vous pouvez parier que la compagnie de téléphone abaissera ses prix de 40 p. 100. La chaîne de restauration McDonald ferait probablement la même chose. Si tous les Burger King rabattaient le prix de leur hamburger de 50 cents, McDonald ferait la même chose. Le fait est qu'il n'y a pas de Burger King dans l'industrie des télécommunications. Il ne s'agit que d'une poignée de brochures. C'est donc facile pour eux d'affirmer cela.
Je ne voudrais pas vous faire une réponse trop longue, mais Bell Canada me rappelle en réalité un autre point. Si vous examinez l'historique de la déréglementation aux États-Unis, AT&T Corp. a perdu 40 p. 100 de sa part de marché aux États-Unis en dix ans à peu près, mais ses revenus bruts n'ont jamais diminué. Le phénomène est dû à l'introduction de la demande stimulée par la concurrence qui a entraîné une réduction de prix, de sorte que la demande a augmenté. Soit dit en passant, les instances de réglementation ont fait en sorte qu'il en soit ainsi puisqu'elles n'ont pas permis à AT&T Corp. de couper l'herbe sous les pieds de tous ses concurrents en réduisant son prix au niveau de son coût. La structure a donc bien fonctionné.
Au Canada, durant la même période de dix ans, nous n'avons pas au début protégé Bell Canada d'une chute des prix, de sorte que ses revenus ont baissé. Donc, quand elle dit que la concurrence a été efficace, ce qu'elle dit en fait, c'est qu'elle a réagi à la menace de la concurrence et abaissé son prix en conséquence et que le consommateur en a profité. Cependant, si vous examinez sa part concurrentielle, elle n'existe tout simplement pas. De 13 p. 100 qu'elle était au début, elle est essentiellement nulle à la fin.
J'espère que ma réponse n'est pas trop longue.
Le président: Monsieur Asper.
À (1015)
M. Leonard Asper: Je vais essayer de vous résumer en une seule phrase ce qui est en jeu ici, selon moi. Soit que certains craignent la concurrence ou que d'autres craignent la propriété extraterritoriale qui ne permettrait pas aux instances de réglementation canadiennes d'atteindre les parties étrangères. Par exemple, les syndicats québécois entre autres qui sont préoccupés par les pertes d'emploi et ainsi de suite estiment peut-être qu'il n'est pas dans l'intérêt de CanWest, de CTV, de CHUM ou d'Asper de mal se comporter sur le marché et qu'elles sont moins susceptibles de le faire parce que sont des entreprises canadiennes, alors qu'un propriétaire allemand ou australien pourrait décider de ne pas tenir compte des règles canadiennes, de contester, de contourner les règles et d'essayer de tirer plus de profit du Canada. Cependant, je répète qu'il faut du contenu local, de sorte que la situation ne risque pas de se produire. L'expérience internationale de CanWest et d'autres est tout à l'opposé.
Le président: Monsieur Bagnell, je vous remercie.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Comme M. Yates a parlé de McDonald, je vais utiliser le même exemple. Voilà qui illustre bien une entreprise qui était entièrement dominée par son plan de croissance soutenue, et pourtant nous avons vu ce qui lui est arrivé récemment. La durabilité n'est certes pas au rendez-vous.
Voici ma première question. Si l'on permet un plus grand investissement étranger dans cette industrie, ne fait-on que trouver une solution rapide, alors qu'une bonne partie de la croissance a entraîné certains des problèmes actuels parce que la participation sans droit de vote ne produit pas un rendement suffisant? Les entreprises peuvent vendre autant d'actions sans droit de vote à des étrangers qu'elles veulent pour attirer de l'investissement. En permettant aux étrangers d'avoir une participation donnant droit de vote, réglons-nous un problème ponctuel ou la solution sera-t-elle permanente, et pourquoi?
J'aimerais que vous aussi, monsieur Asper, nous exposiez votre point de vue à ce sujet.
M. Robert Yates: Vous me posez là une question certes valable. Les problèmes des dernières années pourraient nous inciter à nous demander pourquoi nul ne veut investir dans les télécommunications, peu importe le genre d'actions offert. L'industrie des télécommunications a ceci d'étrange qu'elle est revenue à ce qu'elle était au départ, c'est-à-dire qu'elle a une large base et une croissance relativement lente, mais tout de même plus rapide que l'économie en général sans être toutefois débridée. Elle ne l'a jamais été et ne le sera probablement jamais.
Il y a probablement une part de solution ponctuelle, parce qu'il y a certes au Canada des concurrents et des personnes qui auraient tout de suite besoin de capitaux, mais je crois que l'enjeu est à plus long terme. J'ai mentionné certains autres genres d'investisseurs américains qui étaient ici en 1998 et en 1999, mais il faudrait se demander s'ils le sont encore. Il faut même voir plus loin et se demander s'ils seront là plus tard.
La question consiste davantage à savoir s'il faut mettre en place un régime qui leur est essentiellement fermé, s'ils venaient cogner à nos portes, ou si nous choisissons plutôt un régime d'ouverture de sorte que, s'ils se manifestent, ils pourront investir. Je crois donc que l'enjeu est à la fois à court et à long terme.
M. Leonard Asper: Je ne puis que manifester mon accord avec ce qu'a dit M. Yates. En règle générale, dans toute discussion ou approche ayant quoi que ce soit à voir avec les investisseurs américains, le premier point mentionné concerne les actions sans droit de vote. Même les actions à droit de vote subalterne ne plaisent pas, bien qu'on les tolère. Les actions sans droit de vote cependant représentent un obstacle de taille. Je ne crois pas que qui que ce soit voit en réalité la structure actuelle comme étant une participation de 46 p. 100. Ils l'examinent et affirment qu'il s'agit plutôt de 33 p. 100. Peut-être qu'ils obtiennent 46 p. 100 des profits, mais ce qui retient leur attention, c'est combien d'influence ils peuvent exercer, de savoir plus particulièrement s'ils peuvent opposer un veto à toute restructuration de l'entreprise ou à certaines transactions.
Quand on est investisseur minoritaire, que l'on détient 33 p. 100 ou 20 p. 100 des intérêts, la première chose que l'on cherche à savoir est si l'actionnaire majoritaire peut vendre l'entreprise sans notre approbation ou faire quelque chose qui diluerait notre intérêt, par exemple émettre d'autres actions, ce qui ferait baisser notre part de 33 à 15 p. 100, ou faire entrer un autre partenaire stratégique qui est notre concurrent, des choses du genre. Les actions sans droit de vote ne sont donc tout simplement... La plupart des joueurs stratégiques qui contribuent vraiment quelque chose ne veulent pas d'action sans droit de vote. La question revient constamment sur la table.
M. Brian Masse: Cela nous ramène souvent à certaines discussions qui ont eu lieu au cours des trois dernières semaines en ce qui concerne le contrôle.
Je sais, monsieur Asper, que dans votre exposé, vous avez dit qu'entre temps, il faudrait peut-être envisager d'augmenter le seuil à 49 p. 100. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Cela vous laisse-t-il suffisamment de marge de manoeuvre? Certains nous ont dit que ce serait le cas, mais d'autres ont soutenu le contraire, affirmant que cela n'aiderait pas à injecter dans le système de nouvelles ressources qui permettraient peut-être de régler certains autres problèmes qui semblent découler de cette question.
Notre examen particulier a une portée très précise, ce qui a été mentionné comme problème par certains des témoins. Cela donne-t-il suffisamment de temps et de marge de manoeuvre pour effectuer d'autres travaux?
Monsieur Yates, j'aimerais que vous aussi nous fassiez part de ce que vous pensez à ce sujet.
À (1020)
M. Leonard Asper: Je crois que cela nous donne effectivement du temps et une marge de manoeuvre tant et aussi longtemps que tous sont sur un pied d'égalité, c'est-à-dire que nous pouvons tous atteindre le même seuil en même temps. À nouveau, si vous excluez les diffuseurs et que vous permettez une augmentation de la participation étrangère dans les autres entreprises, cela rendrait ces dernières plus intéressantes.
Il faut aussi voir comment les marchés de capitaux analysent la situation. Ils voient les entreprises comme CanWest, peut-être même Bell Canada ou d'autres entreprises réglementées comme étant des cibles impossibles à acquérir ou des entreprises fermées à l'investissement étranger. Par conséquent, les actions d'entreprises comme CanWest se vendent à rabais comparativement à celles d'une entreprise qui n'est pas réglementée, car il y a un effet modérateur. Même si une famille comme Aspers n'a jamais manifesté—pas plus qu'elle n'a l'intention de le faire—le souhait de vendre l'entreprise, le fait que celle-ci ne puisse jamais être vendue fait reculer le prix des actions de 20 p. 100 probablement.
Un marché déréglementé verrait les multiplicateurs canadiens d'entreprises de radiodiffusion passer, par exemple, de 8 ou de 9 fois à 11 ou à 12 fois le bénéfice d'exploitation. Si nos multiplicateurs augmentaient, les entreprises canadiennes pourraient utiliser leurs actions comme monnaie d'échange dans une transaction. Par exemple, si nous souhaitions fusionner avec une entreprise américaine sans que CanWest cède le contrôle canadien, nous constaterions que notre multiplicateur—si l'entreprise américaine était une société publique—s'échangerait à 11 ou à 12 fois le bénéfice d'exploitation, simplement parce qu'il s'agit d'un marché plus ouvert et qu'aux États-Unis, on croit qu'il faudrait déplafonner la propriété. Par conséquent, les actions s'échangeraient à des prix plus élevés, même sur le marché intérieur.
Cela rend donc la situation très difficile. La simple tenue de pareilles discussions avec une entreprise américaine coûterait très cher en immobilisations à CanWest, parce que la devise vaut moins, dans les faits. Ce serait les actionnaires de CanWest qui absorberaient la différence. C'est un simple calcul mathématique. Dans un marché ouvert, les actions d'une entreprise publique s'échangent à un niveau plus élevé et rendent donc dans les faits le coût du capital moins cher. C'est pourquoi même l'impression que le marché est plus ouvert aiderait CanWest et d'autres entreprises ayant des ambitions internationales à avoir ce genre de pourparlers avec des entreprises internationales dont les actions se vendent plus cher.
M. Robert Yates: Simplement en ce qui concerne la question de pourcentage, je ne suis pas sûr où interviendraient les 49 p. 100. Si l'on peut déjà accumuler les pourcentages et atteindre 46,7 p. 100, je doute qu'un taux de 49 p. 100 ferait une différence appréciable.
Fait intéressant, dans l'exemple du câblodistributeur—j'aimerais y revenir en raison de la discussion sur les entreprises familiales—en vertu des règles actuelles, l'industrie de la câblodistribution comme telle a un très faible pourcentage de propriété étrangère, si on la définit comme une participation directe avec droit de vote. La situation de ces câblodistributeurs exige probablement des mesures très différentes de celle des concurrents qui ont déjà atteint le seuil dans l'industrie des télécommunications. Je ne suis pas sûr qu'une limite de 49 p. 100 contre une limite de 46 p. 100 ait une véritable influence, à moins que ce ne soit 49 p. 100 pour une catégorie, auquel cas le pourcentage total excéderait 50 p. 100. Cependant, j'hésitais quant à la différence entre un seuil de 49 p. 100 et un seuil de 46 p. 100.
Il y a une chose qu'il ne faudrait peut-être pas oublier dans ce débat, parce que le pourcentage fait en fait une différence. Bien des entreprises qui seraient directement touchées par cette mesure sont petites, plus dynamiques, de nouvelles venues dans l'industrie des télécommunications. Certes, tout investisseur, qu'il soit étranger ou pas, voudra une approche assez concrète, suivre de pas mal près l'exploitation de l'entreprise. Il pourrait donc y avoir deux façons différentes d'examiner cette question.
Prenons l'exemple d'une entreprise de câblodistribution—ou de radiodiffusion, d'ailleurs. Il faut certes pouvoir obtenir du financement sur les marchés internationaux au même prix que vos concurrents et il faut que l'investisseur obtienne le même rendement que d'autres investisseurs internationaux et d'autres entreprises internationales qui sont dans le même domaine. Il existe nettement un avantage sur le plan des multiplicateurs et du prix des actions pour ces entreprises, et une levée des restrictions aiderait.
L'autre genre d'entreprises dont il est question sont celles qui dépendent entièrement de sources externes de financement pour mettre en place de nouvelles installations. Elles sont en réalité un investissement risqué, ce qui fait appel à une autre catégorie d'investisseur. Dans ce groupe, comme je l'ai dit plus tôt, le bassin d'investisseurs canadiens est extrêmement limité au départ. Ensuite, si vous parlez d'attirer des investisseurs dans des entreprises intéressantes, ils voudront voir eux-mêmes à leurs intérêts. Que le seuil soit de 46 ou de 49 p. 100, je doute que cela ait vraiment une influence.
À (1025)
Le président: Monsieur Masse, je vous remercie.
M. Volpe a la parole.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie. J'aimerais creuser des questions posées par d'autres pendant quelques instants, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Il semble que durant les quelque derniers exposés, l'argument économique n'a pas été vraiment contesté. On semble admettre que plus la situation est libéralisée, plus on est susceptible d'attirer des capitaux. Là où on semble moins s'entendre, c'est au sujet de la seconde moitié de l'hypothèse de M. Asper, soit que le contenu canadien est perçu comme étant influencé tout d'abord par la propriété, puis par le mandat. Je crois que la question de la propriété a été réglée par M. Yates, tout comme vous et d'autres l'ont fait.
Pour ce qui du mandat, mon collègue, M. Bagnell, et d'autres ont mentionné l'idée que la communauté culturelle—je veux être juste à son égard—accueille vos réponses avec beaucoup de scepticisme. Je ne voudrais pas mal caractériser sa réaction, mais elle affirme que si la propriété est un des enjeux et qu'elle est davantage ouverte aux étrangers, nous avons un gros problème, parce que nous ne faisons pas confiance à ceux qui sont actuellement propriétaires des entreprises de télécommunications, et ils sont canadiens.
Pourtant, monsieur Asper, vous dites que c'est en réalité le mandat qui dicte le contenu. C'est du moins ainsi que j'ai interprété vos déclarations. C'est ainsi parce que, en tant qu'homme d'affaires, vous ne vous intéressez qu'à satisfaire votre marché. Si ce marché est canadien, on peut supposer que la clientèle ne souhaite pas regarder des dessins animés réalisés en Australie. Vous allez donc diffuser des dessins animés produits au Canada, et tous pourront se réjouir de regarder des émissions canadiennes.
J'ai cru vous entendre dire que vous avez pleinement confiance dans cette formule, parce que l'instance de réglementation est très sévère quand on ne satisfait pas aux critères fixés pour l'exploitation. En théorie, je suppose que c'est juste. Je me demande simplement combien de fois cette instance de réglementation a eu l'occasion de vous taper sur les doigts ou sur ceux de vos concurrents.
M. Leonard Asper: Ils l'ont fait chaque fois qu'un radiodiffuseur a... Il faut dire au départ qu'étant donné le taux élevé de conformité, il y a eu très peu d'occasions où les diffuseurs canadiens n'ont pas respecté leurs engagements. Je ne vais pas tenter de donner des noms—bien que j'en serais ravi, parce que nous n'avons jamais été parmi ceux-là, il s'agissait plutôt de concurrents—, mais il y en a eu un exemple au Québec. Un diffuseur québécois n'a pas respecté les règles, de sorte que sa licence n'a été renouvelée que pour un an, ce qui lui donnait très peu de temps pour rétablir les niveaux de contenu canadien exigés.
La même chose vient de se produire dans le cas d'un autre diffuseur de l'Ouest, en Alberta—il ne s'agit pas de CanWest—, qui n'a pas atteint le niveau de dépenses requis. Il s'est fait dire qu'il avait un délai pour se conformer, sans quoi le CRTC utiliserait son pouvoir discrétionnaire pour lui imposer des amendes. Je ne crois pas que le CRTC ait précisé le montant des amendes, mais il agit avec beaucoup de rapidité quand il n'y a pas conformité, en raccourcissant la période de validité des licences ou en ordonnant aux entreprises de se conformer. Quoi qu'il en soit, je crois que jusqu'ici les résultats ont été assez bons.
M. Joseph Volpe: Vous êtes dans le commerce du risque, monsieur Asper. La période de validité de la licence a été raccourcie. Est-ce que quelqu'un de l'industrie a vraiment cru que la licence serait révoquée?
M. Leonard Asper: Cela a rarement été fait, si jamais ce fut fait, mais nul n'est disposé à en courir le risque. Depuis 25 ans, je suis la situation, et je n'ai jamais vu qui que ce soit défier le CRTC.
À (1030)
M. Joseph Volpe: On le défie tous les jours. Vous venez tout juste de dire qu'il a eu l'occasion d'examiner certains concurrents et que, selon lui, ceux-ci ne respectent pas les engagements.
M. Leonard Asper: Mais ce sont là les deux seuls exemples qui me viennent à l'esprit en 25 ou 30 ans d'exploitation d'entreprises de diffusion.
Là où il n'y a pas conformité, c'est par rapport à la définition du contenu canadien, qui ne fait pas partie des règles. Il s'agit plutôt d'un débat théorique ou d'un débat culturel. Peut-on dire qu'Andromeda est une émission canadienne? Elle est produite par des Canadiens qui emploient des centaines de travailleurs en Colombie-Britannique. Le lieu de l'action se situe dans l'espace. Il n'y a pas de tour du CN ou d'édifices du Parlement. Comparez cela à l'émission Blue Murder, un drame policier canadien qui lui aussi emploie des centaines de personnes à Toronto et dans lequel on voit la tour du CN et des mains s'échanger des dollars canadiens. Voilà où certains groupes du Canada estiment que les radiodiffuseurs canadiens ne se conforment pas aux règles.
M. Joseph Volpe: N'est-ce pas là le coeur de tout l'argument fait par les communautés culturelles qui sont venues témoigner devant nous et qui a été énoncé par M. Crête et certains de ses collègues du Québec? On soutient essentiellement que les entreprises de télécommunications sont obligées de mettre en ondes un produit canadien. Si le mandat et l'instance de réglementation de ce mandat se permettent d'être coincés dans un débat sémantique au sujet de ce qui est canadien et de ce qui ne l'est pas, de la tour qui apparaît à l'arrière-plan ou du ciel de Seattle ou de Vancouver, leur scepticisme est peut-être bien fondé, n'est-ce pas?
M. Leonard Asper: C'est là le grand débat. La plupart des Canadiens ne le croient pas. Que regardent-ils? Ils aiment les émissions bien réalisées qui ont une bonne intrigue, et on sait que les bonnes intrigues viennent de bons auteurs. Prenez une émission comme Popstars. Cette émission diffusée par Global est réalisée par un producteur canadien indépendant et elle a de très bonnes cotes d'écoute. Je ne vais pas vous inonder de chiffres, mais que je sache, il s'agit de l'émission canadienne la mieux cotée en termes de parts du marché, bien que ces cotes persistent à baisser en raison de la fragmentation. Les cotes d'écoute nous disent combien de personnes regardent l'émission, alors que la part du marché nous dit combien de personnes qui écoutent la télévision ont regardé l'émission.
Je ne vais pas me lancer dans un débat sémantique, moi non plus, sauf pour dire que, mise à part La soirée du hockey au Canada, Popstars est une des émissions les mieux cotées qui ait été diffusée sur les ondes canadiennes. Pourquoi? Parce qu'elle est bien faite, qu'elle est bien écrite et qu'il s'agit d'une histoire canadienne au sujet de jeunes Canadiens qui essaient de décocher un contrat d'enregistrement auprès d'une maison de disque. Sa cote d'écoute est cinq fois plus élevée que celle de Cold Squad ou de Blue Murder.
M. Joseph Volpe: Si vous me permettez de vous interrompre...
Le président: Monsieur Volpe, M. Yates aimerait répondre.
M. Joseph Volpe: Pas de problème. Ce sera son tour dans quelques instants.
Le président: Il aurait quelque chose à dire au sujet des questions que vous avez déjà posées. Il ne vous reste plus beaucoup de temps.
M. Joseph Volpe: Monsieur Asper, je ne souhaitais pas vraiment vous interrompre, mais j'ai vu que M. Yates avait quelque chose à dire.
Si je retire le mot « canadien » que vous avez répété quatre fois en une seule phrase, vous parliez simplement d'une émission de qualité, c'est tout. Elle n'a rien de spécial, en réalité. Vous vendez un produit de qualité et vous souhaitez simplement faire en sorte que vous êtes capable d'attirer les capitaux dont vous avez besoin pour mettre plus de produits de qualité sur le marché, n'est-ce pas?
M. Leonard Asper: Nous serions ravis de pouvoir faire l'essai de cinq émissions pour voir laquelle est la meilleure, plutôt que de simplement franchir les étapes actuelles. Actuellement, le producteur canadien demande... Tout d'abord, les radiodiffuseurs ne sont pas en règle générale autorisés à être propriétaires de leur propre contenu. Ils doivent passer par des producteurs indépendants, dont bon nombre produisent même s'ils savent que ce n'est pas vraiment rentable, pour être tout à fait franc. Ils font de la production parce qu'ils savent qu'ils recevront des subventions et que les diffuseurs devront payer plus que ce qu'ils souhaitent payer, plus que ce qui est commercialement viable, pour mettre leur produit en ondes.
S'il est question de la façon dont tout le système fonctionne, il a des lacunes au départ. Prenons une émission comme Blue Murder. Son producteur est très bon, mais Blue Murder est une émission que CanWest doit mettre en ondes conformément aux règles. Il faut verser 250 000 $ par épisode parce que c'est ce qu'exige Téléfilm des diffuseurs pour que le producteur touche des subventions additionnelles. Le diffuseur doit payer un droit de licence de 250 000 $, Téléfilm verse une autre tranche et le producteur essaie ensuite de combler tout manque à gagner en réalisant des ventes internationales.
Nous vendrions probablement du temps de publicité d'une valeur de 80 000 $ durant un épisode de Blue Murder. Même s'il s'agit d'une excellente émission, elle fait concurrence à NYPD Blue. C'est un drame policier. Peu importe aux Canadiens qu'on y voit la tour du CN ou la 48e Rue. Nous souhaitons donc être libres de diffuser différents genres d'émissions, comme Popstars, qui satisfont le goût de nos téléspectateurs.
Le système est ce qu'il est, et comme je l'ai dit, que NewsCorp, CTV ou d'autres Canadiens soient propriétaires de CanWest, il faut évoluer dans le cadre de ce système. Rien ne nous plairait plus que de le changer, mais il est là et il faut en tenir compte. Les producteurs voudront toujours de ce genre de marchés dans le cadre desquels ils sont subventionnés et qu'une de leurs émissions est mise en ondes. Cependant, ce n'est pas économiquement viable. Ils font donc de la production, et ils demandent, dans leur propre intérêt, qu'on dise que le Canada ne s'en porte que mieux parce que leurs produits sont mis en ondes. Cependant, je suis très sceptique quant à leurs motifs.
À (1035)
Le président: Monsieur Yates.
M. Robert Yates: Je ne souhaitais pas vous interrompre. J'allais simplement faire une observation au sujet de la conformité, ce que je ferai plus tard.
Il est certain que dans la discussion des aspects culturels et des questions de radiodiffusion, on débat beaucoup de ce genre de sujets. Au Canada, comme dans la plupart des autres pays, nous avons une Loi sur la radiodiffusion et une Loi sur les télécommunications distinctes. La plupart des pays du reste du monde ont tendance à traiter les deux questions très distinctement. On débat très peu des entreprises de télécommunications comme telles pour savoir si elles devraient être libéralisées, ouvertes à la concurrence ou à la propriété étrangère. Si vous regardez ce qui se passe ailleurs dans le monde, on n'entend presque rien à ce sujet, en un certain sens.
Manifestement, on débat beaucoup de points culturels. J'ai mentionné l'Espagne tout à l'heure, par exemple. L'Espagne a beaucoup de points en commun avec le Canada d'une certaine façon, sauf qu'elle permet une forte propriété étrangère dans l'infrastructure, mais elle a des règles très strictes au sujet de la radiodiffusion, entre autres, pour promouvoir l'utilisation de la langue minoritaire.
Pour en revenir à la question de la conformité, vous avez demandé à savoir quand le CRTC avait pris des mesures à l'égard de certains au sujet de la question du contenu. En ce qui concerne les règles dont il est question ici, il est aussi instructif de savoir quand il l'a fait pour des questions de propriété étrangère. Il faudrait peut-être se rendre compte et comprendre aussi que la gestion de ces règles, telles qu'elles sont gérées actuellement, est très compliquée.
Pour les entreprises cotées à la bourse, il est très difficile de savoir qui détient les actions. Habituellement, de grandes entreprises comme Bell, entre autres, fourniront une évaluation du pourcentage de propriété étrangère, mais il est très difficile de le gérer. Le CRTC ne surveille même pas ce pourcentage actuellement, de toute façon. Il y a eu quelques poursuites au fil des ans, l'une mettant en cause AT&T Canada et une autre, une petite entreprise de câblodistribution qui était la propriété en partie de BC TEL, mais il n'y en a eu qu'une ou deux en réalité. Ces pourcentages sont très difficiles à suivre. Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais du point de vue de l'instance de réglementation et du point de vue de la conformité, les règles actuelles sont également compliquées.
Pour en revenir au point de vue de l'industrie, qui est ce qui nous intéresse, ce fait complique également la tâche d'obtenir du financement des entreprises qui, comme je l'ai dit, sera le premier point dont il sera question. Mais si vous êtes également dans la situation malheureuse d'avoir à vous restructurer et qu'il faut déplacer les pièces sur l'échiquier, le mouvement de ces pièces en devient plus compliqué parce que les créanciers qui devraient alors être propriétaires de l'entreprise, par exemple, ne peuvent en un certain sens en devenir propriétaires en raison des règles. Voilà qui crée une complication qui a un impact sur le coût du capital et, en fin de compte, sur le prix des actions, entre autres.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président. Il semble qu'on arrive à la dernière partie de cette consultation qui dure depuis plusieurs semaines déjà. Il est évident que si le ministre de l'Industrie a demandé au comité de consulter les gens sur la question de la déréglementation dans le domaine des télécommunications, ce n'était pas pour nous faire faire un exercice futile.
En fait, je suis d'avis que si l'idée avait été de maintenir le statu quo, nous n'aurions pas eu à nous efforcer de tenir une consultation aussi vaste. Cette dernière se déroule entre autres sous le signe de l'innovation; c'est pourquoi on parle de réglementation intelligente et on essaie de faire en sorte que nos entreprises canadiennes continuent à se développer.
Cependant, tous les groupes et personnes que nous avons rencontrés ont des positions différentes. Les gens de la production et de la réalisation, les auteurs-compositeurs du domaine de la radio et de la télévision sont quant à eux tout à fait opposés à une éventuelle déréglementation puisque cela pourrait mettre en cause tout ce qui s'appelle souveraineté culturelle canadienne. Le fait que des entreprises étrangères, notamment américaines, puissent prendre possession des entreprises canadiennes--on sait aujourd'hui qu'il y a une intégration évidente du contenu et du contenant-- ferait qu'à long terme, on aurait à souffrir d'une disparition lente et constante de tout ce qui s'appelle production canadienne.
En revanche, on a aussi rencontré des entreprises, particulièrement en télécommunications, qui ont un point de vue partagé. Elles oeuvrent à la fois dans le domaine de la diffusion et dans celui de la production et sont favorables à la déréglementation. D'autres entreprises, également en télécommunications, notamment celles rencontrées hier, soit de petites entreprises canadiennes qui jouent un rôle important: Rogers Communications, Shaw et COGECO, ont déclaré qu'il était possible de déréglementer le domaine des télécommunications tout en empêchant les entreprises étrangères de prendre le contrôle du contenu.
En outre, nous avons rencontré des professeurs. Dans ce cas également, les opinions étaient partagées. Deux d'entre eux étaient plutôt favorables à l'ouverture intégrale du marché alors que d'autres, particulièrement ceux du Québec, à cause du caractère distinct de cette province--soit celui d'un groupe francophone en Amérique du Nord--étaient tout à fait opposés à la déréglementation.
L'entreprise SaskTel, comme le mentionnait plus tôt mon collègue, était pour sa part tout à fait opposée à la déréglementation. Par contre, d'autres groupes sont venus nous parler d'expériences qui ont cours présentement au Royaume-Uni. Ils ont décrit la déréglementation qui est en cours et la privatisation qui permet aux entreprises étrangères de prendre une grande partie du contrôle. Par contre, en ce qui concerne le contenu, la souveraineté culturelle au Royaume-Uni est maintenue grâce à une réglementation de l'État.
On fait souvent des comparaisons entre l'Amérique et les pays d'Europe, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont loin de nous en termes géographiques. Or, comme le disait Napoléon, il faut avoir la politique de sa géographie. Il reste que ces pays ne semblent pas vraiment en danger du fait que des entreprises extérieures contrôlent ces entreprises. En fait, le contenu est toujours respecté.
On a pu voir que la situation était la même en Irlande, sauf que là-bas, comme on le sait, avec le temps, ils ont perdu leur langue; maintenant, ils parlent anglais plutôt que de parler leur propre langue.
On ne parle pas beaucoup de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale; on se préoccupe davantage de l'Amérique du Nord, soit du Canada et des États-Unis. On a appris que les Californiens avaient des problèmes à l'égard de la langue. Ils ont l'intention d'adopter une législation visant à protéger la langue anglaise en Californie. Pour cette raison, ils sont venus au Québec analyser l'application de la loi 101.
Cela étant dit, votre présentation démontre que vous êtes davantage ouvert à tout. Il reste que pour notre part, la situation est un peu confondante. Nous ne sommes pas des experts en télécommunications; nous sommes des parlementaires, en l'occurence, des représentants de régions.
À (1040)
Quelle serait la solution idéale?
Il ne faut jamais oublier que le Canada doit composer avec un géant. Nous sommes le seul pays au monde qui, vu sa situation géographique, doit faire face à un si gros concurrent. L'Europe, pour sa part, est multiculturelle depuis des décennies, et la situation ne semble pas lui occasionner de problèmes majeurs.
D'après ce que vous dites, une prise de contrôle des entreprises canadiennes par des entreprises étrangères ne mettrait pas en péril la souveraineté culturelle et le contenu canadiens.
C'est ma dernière intervention et j'aimerais, pour terminer, que vous me disiez quelle serait, à votre avis, la solution que devrait préconiser le Canada: devrait-on déréglementer sans loi et sans protection ou procéder par étape?
À (1045)
[Traduction]
M. Leonard Asper: Comme j'avais commencé à le dire en réponse à une question de M. Masse, si c'est l'idéal utopien que vous visez, il faudrait retourner aux années 50, parce qu'il n'existe pas d'autre pays que le Canada où les réseaux de télévision américains peuvent diffuser en direct. Si vous souhaitez regarder des émissions de NBC en Australie, en Irlande ou en Angleterre, une entreprise locale achète les émissions qui sont ensuite mises en ondes par le diffuseur local.
Au Canada, le régime de droits d'auteur a été mis en pièces en raison des diffuseurs situés à la frontière qui peuvent mettre en ondes des émissions au Canada. Nous achetons les droits des émissions de NBC et, pourtant, nous continuons de leur livrer concurrence. C'est un peu comme si on achetait le droit exclusif de vendre des bananes Chiquita au Canada, puis que Chiquita se mettait à vendre ses produits au Canada. Un régime de radiodiffusion simultanée aide un peu, mais ce n'est qu'une amélioration partielle de la situation. C'est ce qui s'est fait en 1950.
Étant donné où nous en sommes actuellement concernant la propriété, du point de vue de CanWest, même une libéralisation permettant d'atteindre 49 p. 100, à condition qu'elle se fasse partout en même temps, serait acceptable comme première étape. En principe, idéologiquement et en termes économiques globaux, cependant, nous préférerions que tout soit déréglementé. Cependant, comme je l'ai dit, nous tolérerions un seuil de 49 p. 100 comme point de départ. Quand je parle de 49 p. 100, je dis bien 49 p. 100, non pas en passant par ces différentes sociétés de portefeuille, une partie se trouvant chez le détenteur de la licence et une autre à la société de portefeuille. Je parle d'un investissement direct de 49 p. 100 dans une entreprise canadienne de radiodiffusion. Ce serait certes le point de départ minimal.
Le président: Monsieur Asper, nous allons vous laisser terminer, après quoi M. Yates pourra faire des observations.
M. Leonard Asper: Si vous le permettez, j'allais simplement dire quelques mots à M. Volpe, pour en finir avec le point qu'il a soulevé.
Le président: Il a eu plus que sa part de temps aujourd'hui.
M. Leonard Asper: Avec un peu de chance, nous ne reprendrons pas la discussion, mais j'aimerais dire une chose. N'oubliez pas que CBC vient tout juste de retirer Tom Stone, une de ses dramatiques vedettes, en donnant comme raison une baisse des cotes d'écoute.
Une voix : [Note de la rédaction : Inaudible]
M. Leonard Asper: D'accord, mais quoi qu'il en soit, c'est tout de même une véritable émission produite au Canada. Je dis simplement que même CBC, la télévision d'État, retire les émissions canadiennes quand elles ne sont pas populaires.
Le président: Nous allons maintenant céder la parole à M. McTeague qui a une courte question à poser, après quoi M. Yates pourra peut-être...
Comme je n'ai pas eu la chance de poser des questions tout au long de ces cinq semaines, je vais en poser une dernière.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Je vais être extrêmement bref à ce sujet, parce que je crois que mes collègues ont réussi à vider la question complètement. Par ailleurs, je remercie les deux témoins d'être venus.
Je m'intéresse aux chiffres. Beaucoup de personnes naturellement parlent du niveau qui serait satisfaisant pour avoir une influence sur le contrôle. J'ai vu des cas où une personne pouvait peut-être contrôler une entreprise avec 15 ou 20 p. 100 des actions. Pourriez-vous dire à notre comité si vous pensez que nous devrions parler d'un chiffre en particulier ou si vous ne trouvez pas en fait qu'il a de la pertinence dans ce débat?
M. Robert Yates: Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas sûr que de passer d'un seuil de 46,7 p. 100 à 49 p. 100 aurait un effet particulier, si c'est ce qui est envisagé. Si nous revenons à ce dont parlait M. Marcil, quelle serait la solution idéale? Manifestement, nous n'avons pas de solution idéale pour l'instant, de sorte qu'un changement dans la solution serait une amélioration.
Pour ce qui est de la solution idéale, j'aimerais revenir à la question sur laquelle nous nous concentrons vraiment beaucoup, sur le débat culturel, qui est certes intéressant et d'une grande portée. Il n'y a vraiment pas de débat au sujet des entreprises de télécommunications si nous allons voir ce qui se fait ailleurs dans le monde au sujet de l'infrastructure et des entreprises de télécommunications. C'est peut-être à cela qu'il faudrait s'attarder quand on examine une éventuelle solution idéale, soit s'assurer qu'elles sont distinctes.
Je ne fais que répéter ce que souligne déjà notre mémoire. Pour certaines des entités qui relèveraient simultanément des deux lois, où il existerait clairement une zone grise, la situation est peut-être plus compliquée. Toutefois, si nous nous concentrons sur les concurrents du secteur des télécommunications comme tels et sur la création d'un contexte de télécommunications dynamique, je ne crois pas qu'on puisse douter que les règles créent une complexité qui est désormais inutile, qui empêche l'industrie de se développer et qui devrait donc être éliminée complètement, du moins en ce qui concerne les entreprises de télécommunications.
La question de protéger la culture et d'autres points du genre est peut-être plus complexe et mérite un débat distinct. Elle fait entrer en jeu les deux lois. C'est aussi une question qui, dans un contexte peut-être plus large, nous ramène aux questions financières plutôt qu'aux questions culturelles, mais pour une entreprise active sur le marché international comme CanWest, qui est une très belle réussite, être sur le même pied que les autres sur les marchés internationaux quand on cherche à obtenir du financement est une question importante et distincte. Pour ces entreprises, les règles ont de toute évidence un impact. Pour les concurrents du secteur des télécommunications comme AT&T Canada qui souhaitent mettre en place une infrastructure au Canada, ces règles si importantes font obstacle.
À (1050)
M. Leonard Asper: Je crois que vous avez raison de vous demander si un nombre particulier convient. Je me rappelle que Lawrence Tish contrôlait CBS avec 18 p. 100 des actions. Il avait un grand nombre d'actionnaires et il avait le plus important... En Angleterre, Michael Green contrôle Carlton avec probablement 1 p. 100 des actions de l'entreprise. Il en est le fondateur, mais il a simplement continué d'acheter des entreprises et de diluer son portefeuille jusqu'à ce qu'il ne détienne plus que 1 p. 100 des actions. Cependant, il a un pouvoir de persuasion morale et il choisit les administrateurs, et ses amis poursuivent cette tradition. Je ne dis pas que c'est mauvais, c'est juste la façon dont les entreprises ont évolué.
Vous avez donc raison. Comme je l'ai dit, il serait logique pour moi de dire qu'il faut tout déréglementer parce qu'en fixant un nombre, on ne réalise pas forcément l'objectif ou on n'a pas forcément la garantie qu'un objectif particulier est réalisé. Quelqu'un peut contrôler une entreprise très facilement avec 49 p. 100 des actions. Il existe bien des moyens de le faire. Nous avons toujours proposé le pourcentage de 49 p. 100 simplement comme compromis, comme point de départ pour en rassurer certains au sujet du processus.
M. Robert Yates: Pour ce qui est simplement du contrôle—je n'ai pas vraiment répondu à cette partie de la question, malheureusement—, il est certes possible actuellement d'exercer un contrôle avec un plus faible pourcentage. Cela complique la situation et... La manière dont sont structurées les règles actuellement, elles limitent le nombre d'administrateurs qui peuvent être étrangers. Elles jouent aussi sur les ententes que peuvent conclure les entreprises, compliquant davantage la gestion dans les limites des règles. Ce genre de règles aggrave également le problème de trouver de l'investissement et d'arriver à accomplir quelque chose.
Le président: Monsieur McTeague, je vous remercie.
Nous en arrivons à la fin des témoignages, après quoi nous passerons à nos délibérations. Cependant, pendant cinq semaines, nous avons tenu des heures prolongées pour faire en sorte d'être informés le plus possible non seulement au sujet des entreprises de télécommunications, mais également des autres domaines touchés si des décisions sont prises. Nous en sommes au point où, si nous examinons la situation sous l'angle des télécommunications, il faut faire en sorte de comprendre également la câblodistribution en raison de la technologie, de la convergence et des EDR.
Monsieur Asper, vous avez ajouté une autre dimension quand vous avez dit que nous devons viser tout le monde, jusqu'aux radiodiffuseurs. Quel était l'effet ou le déséquilibre qui se produisait selon vous si nous n'agissions pas ainsi?
M. Leonard Asper: C'est tout simplement une question de nous exposer à des menaces de notre concurrence. Si la propriété étrangère est autorisée dans d'autres secteurs, elle viendra et pourrait avoir un impact considérable sur nos résultats financiers, particulièrement dans le domaine de la programmation.
Si NewsCorp achetait une EDR canadienne comme Rogers ou Bell ExpressVu et si elle faisait ensuite passer la programmation de Fox sur le réseau CTV et ses affiliés, sur les autres chaînes du groupe CTV—en supposant qu'elle achète des actions de Bell Canada, par exemple—, nous perdrions des dizaines de millions de dollars. Voilà ce qui dicte tout le comportement de l'entreprise canadienne, de l'exploitation canadienne.
En nous laissant vulnérables, cela suppose que les EDR en particulier, mais même les entreprises de télécommunications comme Bell Canada—qui est également propriétaire d'émetteurs de radiotélévision—seraient les destinataires probables de fonds étrangers, même de fonds de NewsCorp, de Viacom et de AOL-Time Warner. Si cette dernière devait faire l'acquisition, par exemple, de Rogers—AOL-Time Warner est un télédistributeur aux États-Unis qui compte 12 millions d'abonnés au câble—, elle ferait probablement un investissement ou serait une candidate probable à un investissement dans des réseaux de câble canadiens.
AOL-Time Warner est propriétaire de HBO. HBO est un fournisseur d'émissions pour CanWest, Alliance et CTV. Cela inclut The Sopranos et toutes ces nouvelles émissions que vous voyez actuellement à l'écran. Je n'irai pas plus loin dans la liste des émissions, mais ce que je tente de faire comprendre, c'est que HBO est un important fournisseur de l'industrie de la radiodiffusion canadienne et qu'il n'est pas autorisé au Canada, de sorte que toutes les émissions échapperaient au contrôle des radiodiffuseurs canadiens. Il n'est pas tant question de CanWest que de Craig, d'Alliance, de CHUM, des télédistributeurs qui sont les plus susceptibles d'être affectés. La chaîne de câblodistribution Fox alimente également CanWest et d'autres chaînes, de sorte qu'il y aurait un véritable impact sur la programmation si une de ces entreprises investissait dans une EDR.
Comme je l'ai dit, le manque d'accès au capital entravera tout simplement notre croissance. Le manque d'accès au capital entravera notre capacité de croître et de livrer concurrence à des radiodiffuseurs de propriété étrangère. En d'autres mots, si AOL-Time Warner acquiert une partie de Bell, nous désirons pouvoir y réagir, et cette réaction exigera du capital.
À (1055)
Le président: Monsieur Asper, je vous remercie beaucoup.
J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir pris la peine de venir aujourd'hui et d'avoir répondu à nos nombreuses questions. J'aimerais aussi leur souhaiter franc succès dans leurs entreprises.
[La séance se poursuit à huis clos.]