INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 5 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Jean-François Hébert (avocat conseil, Association des Compagnies de Téléphone du Québec inc.) |
Le président |
M. Jean-François Hébert |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. James Peters (vice-président exécutif, Affaires corporative et avocat conseil, TELUS Corporation) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
Pr Hudson Janisch (professeur, Faculté de droit, Université de Toronto) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. James Peters |
º | 1610 |
M. James Rajotte |
M. James Peters |
M. James Rajotte |
Le président |
M. James Rajotte |
Pr Hudson Janisch |
º | 1615 |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. James Peters |
M. Larry Bagnell |
M. James Peters |
º | 1620 |
M. Larry Bagnell |
Pr Hudson Janisch |
M. Larry Bagnell |
M. James Peters |
Le président |
Pr Hudson Janisch |
º | 1625 |
Le président |
M. Jean-François Hébert |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
º | 1630 |
M. Jean-François Hébert |
M. Serge Désy (directeur général, Association des Compagnies de Téléphone du Québec inc.) |
M. Paul Crête |
M. Serge Désy |
M. Paul Crête |
M. Serge Désy |
M. Jean-François Hébert |
M. Paul Crête |
M. Jean-François Hébert |
M. Paul Crête |
M. Jean-François Hébert |
M. Paul Crête |
M. Jean-François Hébert |
º | 1635 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
M. Jean-François Hébert |
º | 1640 |
Pr Hudson Janisch |
M. James Peters |
Le président |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne) |
º | 1645 |
M. James Peters |
Mme Cheryl Gallant |
Le président |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
Pr Hudson Janisch |
Mme Cheryl Gallant |
M. James Peters |
Mme Cheryl Gallant |
Pr Hudson Janisch |
º | 1650 |
Mme Cheryl Gallant |
M. Jean-François Hébert |
Mme Cheryl Gallant |
M. Jean-François Hébert |
Mme Cheryl Gallant |
M. Jean-François Hébert |
Mme Cheryl Gallant |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
Pr Hudson Janisch |
º | 1655 |
M. Dan McTeague |
Pr Hudson Janisch |
M. Dan McTeague |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
M. Dan McTeague |
» | 1700 |
Pr Hudson Janisch |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
M. Serge Désy |
» | 1705 |
M. Jean-François Hébert |
M. Gilbert Normand |
Pr Hudson Janisch |
» | 1710 |
Le président |
M. Gilbert Normand |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. James Peters |
M. Jean-François Hébert |
Pr Hudson Janisch |
» | 1715 |
M. Brent St. Denis |
Pr Hudson Janisch |
M. James Peters |
Le président |
M. Jean-François Hébert |
Le président |
M. Larry Bagnell |
» | 1720 |
Pr Hudson Janisch |
M. James Peters |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
M. Larry Bagnell |
Pr Hudson Janisch |
Le président |
» | 1725 |
M. James Peters |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 5 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre examen des restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.
Nous accueillons aujourd'hui trois témoins: l'Association des compagnies de téléphone du Québec représentée par Serge Désy et Jean-François Hébert; la société TELUS, représentée par James Peters; et l'Université de Toronto, représentée par le professeur Hudson Janisch.
Bienvenue à tous.
Nous suivrons l'ordre inscrit sur la feuille de convocation et nous commencerons donc par M. Hébert.
M. Jean-François Hébert (avocat conseil, Association des Compagnies de Téléphone du Québec inc.): Puis-je m'exprimer en français?
Le président: C'est comme vous voulez.
M. Jean-François Hébert: Commençons par expliquer qui nous sommes.
[Français]
Nous vous dirons ce qu'est l'ACTQ, l'Association des Compagnies de Téléphone du Québec inc., et qui sont les membres que nous représentons. Nous continuerons ensuite en expliquant les constatations faites par l'ACTQ sur l'industrie canadienne des télécommunications et nous terminerons avec la position qu'entend prendre l'ACTQ dans le cadre de la présente étude.
D'abord, l'ACTQ, fondée en 1948, est un organisme à but non lucratif regroupant 13 compagnies de téléphone indépendantes qui desservent près de 50 000 abonnés répartis majoritairement dans les territoires ruraux du centre du Québec. À titre d'entreprises de service local titulaires, les compagnies de téléphone qui sont membres de l'ACTQ fournissent notamment un service local de base, les services d'accès à Internet et le service interurbain.
Les compagnies de téléphone qui sont membres de l'ACTQ sont sujettes à un régime de réglementation particulier sous la juridiction du CRTC aux termes duquel la concurrence est permise dans l'interurbain sur leur territoire d'exploitation, mais n'est toujours pas permise dans le service local.
Comme les autres compagnies de téléphone qui fournissent le service local, les compagnies membres de l'ACTQ ont droit au paiement d'une subvention provenant du Fonds de contribution national mis sur pied par le CRTC, qui permet de rentabiliser la fourniture du service local.
Après avoir dit ce que nous sommes, passons à nos constatations sur l'industrie. L'ACTQ est d'avis que la gamme des services de télécommunications qui sont offerts aux Canadiens des régions à forte densité de population est, de façon générale, très variée, à la fine pointe de la technologie et offerte à des tarifs raisonnables. L'ACTQ note cependant qu'une telle variété de services n'est pas nécessairement offerte dans les territoires à plus faible densité de population. Selon l'ACTQ, les Canadiens, en général, sont dans une position très favorable, et les services qui leur sont offerts excèdent actuellement leurs besoins.
Les investissements qui ont été réalisés dans le système de télécommunications canadien dans le cadre du régime actuel qui prévoit des restrictions à l'investissement étranger ont permis d'en arriver à ce résultat. À cet égard, dans bien des cas, l'ACTQ est d'avis qu'on ne peut parler uniquement d'investissement, mais plutôt de surinvestissement. En effet, les entreprises du secteur des télécommunications ont investi des sommes substantielles afin de mettre en place des réseaux de télécommunications permettant de répondre aux besoins prévus des utilisateurs des réseaux de télécommunications canadiens. Or, les prévisions des besoins ont excédé de façon substantielle les besoins réels de la population, d'où l'existence à l'heure actuelle, selon l'ACTQ, d'une surcapacité des réseaux. Cela amène la très grande difficulté, voire l'impossibilité, de rentabiliser les investissements importants qui ont été effectués afin de mettre en place les réseaux de télécommunications.
L'ACTQ considère donc que l'industrie canadienne des télécommunications ne vit actuellement pas tant une crise d'investissement qu'une crise de rentabilité. À cet égard, les investissements supplémentaires dans les réseaux de télécommunications n'entraîneront en conséquence pas nécessairement de nouveaux services pour les Canadiens ni des services améliorés. Comme on le mentionnait précédemment, l'ACTQ est d'avis que les services qui sont actuellement offerts aux Canadiens excèdent leurs besoins.
Des investissements additionnels pourraient, il est vrai, stimuler pour un temps la concurrence dans le secteur des télécommunications, mais ils n'auraient probablement pas un effet à la baisse sur le prix des services. En effet, selon l'ACTQ, les tarifs des services de télécommunications en vigueur au Canada sont parmi les plus bas au monde et, dans bien des cas--et c'est souvent le problème--, les services sont fournis à perte.
Les problèmes qu'ont dû affronter plusieurs concurrents ayant fait leur entrée sur le marché n'ont pas été causés par la difficulté à trouver du financement, mais plutôt par la difficulté à rentabiliser leur exploitation et leurs investissements. Le marché des télécommunications au Canada est très particulier, très restreint, donc la tarte que doivent se partager les entreprises est petite, et la venue d'un très grand nombre de concurrents ne fait que diminuer les revenus d'exploitation des entreprises de télécommunications et limite tant leur possibilité de rentabilité que de croissance. Donc, une fausse concurrence a été stimulée, peut être par des investissements massifs, mais une vague de consolidation s'est déjà manifestée et doit nécessairement se manifester.
Malgré tous les constats que fait l'ACTQ sur les services dont bénéficient les Canadiens dans les zones à plus forte densité de population, on doit en venir à la conclusion que malgré la venue de cette concurrence, les territoires à faible densité de population, qu'ils soient en région rurale ou éloignée, sont demeurés quasiment imperméables à la concurrence. Les concurrents ont concentré leurs investissements dans les zones à forte densité de population et sont demeurés quasiment absents des milieux ruraux ou éloignés, et même les grandes entreprises de services titulaires, c'est-à-dire celles qui contrôlaient le marché au moment de l'entrée en vigueur de la concurrence, ont limité leurs investissements dans les zones à plus faible densité de population. Comment peut-on expliquer cela?
¹ (1535)
Était-ce une absence de volonté ou tout simplement parce qu'elles devaient concentrer les investissements dans les zones où elles ont dû faire face à la concurrence, c'est-à-dire les zones les plus peuplées? Peu importe, si on parle de restrictions à l'investissement étranger ou quoi que ce soit d'autre, la situation ne changera pas en ce qui à trait aux zones à plus faible densité de population, ni à court terme, ni à moyen terme.
Nul besoin d'aller plus loin, si ce n'est pour mentionner ce que disait lui-même le Groupe de travail national sur les services à large bande dans son rapport, que nous citons dans notre mémoire. Il dit que dans les zones rurales, les zones éloignées, les entreprises privées ne peuvent pas investir, sauf si c'est en partenariat avec le gouvernement.
L'ACTQ est d'avis qu'il faut se demander si l'effet négatif de l'abolition ou de la modification des règles restreignant l'investissement étranger n'est pas susceptible de surpasser les avantages en découlant. Encore une fois, l'ACTQ constate que les services de télécommunications offerts aux Canadiens placent ces derniers dans une position privilégiée, et qu'il en est ainsi malgré l'existence des règles actuelles qui restreignent l'investissement étranger.
Une modification radicale des règles actuelles n'est pas le gage d'une amélioration de la situation des Canadiens. L'expérience actuelle démontre que limiter la participation des entreprises étrangères dans les entreprises canadiennes ne limite pas l'accès aux Canadiens à des technologies et à des services avancés à la fine pointe de la technologie, et à des prix raisonnables.
Par ailleurs, on est tenté de faire des comparaisons entre le système canadien et celui des autres pays. L'ACTQ est d'avis que ces comparaisons peuvent être boiteuses. Dans plusieurs pays ayant aboli les règles restreignant l'investissement étranger, le marché des télécommunications est contrôlé par une seule entreprise qui est la propriété de l'État, ce qui n'est pas le cas au Canada. Peu importent les rapprochements qu'on voudrait faire avec certains fournisseurs titulaires canadiens qui ont des parts de marché importantes, on ne pense pas que ce rapprochement puisse s'appliquer au Canada.
Qui plus est, les données actuellement disponibles concernant le niveau d'investissement dans le secteur des télécommunications au Canada, aux États-Unis et dans les autres pays de l'OCDE ne sont pas à jour. Dans le document préparé par Industrie Canada, on se réfère à la situation d'il y a plusieurs années, avant même les profonds bouleversements qu'a connus l'industrie dans les dernières années. Prendre des décisions concernant des changements aux règles actuelles en se fondant sur ces données-là ne serait donc pas du tout approprié, selon l'ACTQ.
Face à ces constatations, l'ACTQ est d'avis que si le gouvernement du Canada souhaite aller de l'avant avec des modifications aux règles restreignant l'investissement étranger, celles-ci devront continuer de faire en sorte que les Canadiens conservent le contrôle des entreprises de télécommunications opérant au Canada.
Ainsi, l'ACTQ n'a pas d'objection à ce que soit revu à la hausse le plafond d'investissement étranger, qui est actuellement de 20 p. 100. Mais l'ACTQ considère qu'une telle révision à la hausse ne devrait pas avoir pour effet de permettre à des non-Canadiens de contrôler les entreprises de télécommunications opérant au Canada. De plus, la hausse du plafond de l'investissement étranger devrait se faire de façon graduelle afin de permettre au gouvernement de tirer des conclusions, d'analyser l'impact qu'aura une hausse graduelle.
En terminant, si on veut faire la boucle avec ce qui a été dit depuis le début, l'ACTQ est d'avis que le gouvernement du Canada doit se demander s'il ne prend pas un risque en modifiant un système qui fonctionne bien et qui permet aux Canadiens de bénéficier de services de télécommunications parmi les meilleurs au monde à des tarifs comparables, voire inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans d'autres pays où il n'y a pas de restrictions à l'investissement étranger. Voilà notre position.
¹ (1540)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Passons maintenant à M. Peters.
M. James Peters (vice-président exécutif, Affaires corporative et avocat conseil, TELUS Corporation): Monsieur le président, et mesdames et messieurs du comité, bonjour. Je m'appelle Jim Peters et je suis vice-président directeur pour les affaires de l'entreprise et conseiller juridique de TELUS. Je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole. Au nom de TELUS, je suis ravi d'avoir l'occasion de sensibiliser votre comité à notre position face aux règlements concernant les investissements étrangers qui s'appliquent aux entreprises de télécommunications.
TELUS tient à féliciter le ministre Rock et Industrie Canada d'avoir entrepris un examen des investissements étrangers dans l'industrie des télécommunications, donnant ainsi suite à la recommandation faite par le groupe de travail sur les services à large bande. Je crois que nous partageons tous l'avis que cette question est complexe et lourde de conséquences politiques et que le ministre a fait preuve de courage en amorçant cet examen en temps opportun.
Sur la question des investissements étrangers au sein de l'industrie des télécommunications canadiennes, TELUS appuie l'adoption de mesures qui encouragent la compétitivité des marchés, favorisent les objectifs des politiques du gouvernement en matière de télécommunications et profitent aux consommateurs.
Cependant, l'appui de TELUS pour l'élimination ou l'assouplissement des restrictions à l'investissement étranger est assujetti aux conditions suivantes. En premier lieu, les restrictions à l'investissement étranger doivent s'appliquer de façon symétrique à toutes les entreprises de télécommunications canadiennes. En second lieu, l'harmonie doit régner au niveau des règlements sur les investissements étrangers qui s'appliquent aux entreprises de télécommunications et aux diffuseurs.
Parallèlement, TELUS reconnaît que la question de l'investissement étranger fera l'objet de négociations commerciales multilatérales devant l'Organisation mondiale du commerce. Pour ce qui est de la question concernant l'accès au capital dans le secteur des télécommunications au Canada, TELUS est d'avis que le gouvernement doit également effectuer un examen en temps opportun du cadre de réglementation qui entoure ce secteur—tel que l'a recommandé la stratégie d'innovation—afin de veiller à ce que les décisions du CRTC soient compatibles avec les objectifs du gouvernement qui sont de favoriser la confiance des investisseurs et de promouvoir les investissements.
Permettez-moi d'en dire plus long sur chacun de ces points. Tout d'abord, une des principales questions abordées dans le document de travail d'Industrie Canada, c'est de savoir si les restrictions à l'investissement étranger ont une incidence sur la quantité et le coût du capital disponible pour les investissements dans l'industrie des télécommunications au Canada. Des études effectuées récemment par des firmes d'experts-conseils, telles «Wall Communications et Roseman Associates», appuient l'idée qu'une libéralisation des règlements concernant les investissements étrangers produirait des retombées économiques nettes dans le secteur des télécommunications. Cependant, comme le souligne Roseman:
... une simple libéralisation des restrictions à la propriété étrangère ne garantirait pas une entrée de capitaux d'investissement; un pays doit agir sur plusieurs plans s'il veut attirer les investissements. |
TELUS partage cet avis. Et plus tard au cours de mon témoignage, j'expliquerai comment les décisions du CRTC ont nui à notre compagnie et à d'autres télécommunicateurs, et comment ces décisions pourraient entraver leur accès aux capitaux ayant des taux favorables. Il me serait difficile d'exagérer l'importance d'avoir un climat réglementaire favorable et des décisions conséquentes de la part du CRTC pour promouvoir les investissements canadiens et étrangers.
Outre l'environnement réglementaire, les investisseurs se basent sur les assurances qu'ils ont au niveau des liquidités pour placer leur argent dans un endroit donné. Les critères qu'utilisent les agences d'évaluation du crédit pour coter les compagnies ont évolué de façon remarquable depuis l'effondrement d'Enron. Or, les liquidités disponibles et leur relation aux niveaux d'endettement sont devenues des facteurs déterminants. Ces cotes contrôlent la perception qu'ont les investisseurs des risques et, partant, des coûts associés à la dette et au capital.
En général, le coût du capital au Canada est plus élevé qu'aux États-Unis, pays jouit d'un marché financier vaste et accessible, et de la perception qu'il offre un refuge sécuritaire en période trouble. Selon TELUS, le gouvernement du Canada devrait faire l'impossible pour faciliter l'accès à ce marché financier.
Parallèlement, les petites entreprises souffrant d'instabilité financière dans les deux pays subissent des coûts du capital plus élevés que les entreprises établies et ayant démontré leur capacité de générer des rendements stables pour les investisseurs. Éliminer les restrictions à la propriété étrangère ne changera pas le fait que les entreprises, grandes ou petites, qui ont un solide plan d'affaires et un régime de gestion éprouvé, seront presque toujours perçues comme étant moins risquées, et qu'elles seront plus susceptibles d'obtenir des capitaux à des tarifs concurrentiels.
C'est pour cette raison que TELUS n'a eu aucun problème à obtenir des capitaux. C'est aussi pourquoi l'ancienne société Clearnet Communications dont TELUS a fait l'acquisition au mois d'octobre 2000, a pu emprunter presque 3,3 milliards de dollars sur le marché financier américain.
En dernière analyse, l'accès que la compagnie aura au capital dépendra d'un nombre de facteurs, y compris la cote de crédit et la structure financière, le potentiel de croissance, la compétence administrative, l'environnement réglementaire et les forces et les faiblesses relatives de l'industrie et de ses participants.
¹ (1545)
Une autre question abordée par le document de travail d'Industrie Canada, c'est de savoir si les restrictions doivent s'appliquer seulement aux télécommunicateurs dits traditionnels. TELUS s'oppose aux restrictions de contrôle asymétriques et demande que télécommunicateurs et diffuseurs soient traités de façon équitable pour le raisons suivantes.
Premièrement, il n'est plus facile de déterminer qui sont les fournisseurs de services de télécommunications au Canada. Dans un contexte de convergence, il est pratiquement impossible d'identifier les entreprises comme étant des câblodistributeurs, les entreprises sans fil, des compagnies de téléphone, des diffuseurs ou des fournisseurs de service Internet.
TELUS, par exemple, fait une concurrence agressive aux câblodistributeurs pour obtenir des clients Internet. TELUS a également fait une demande de licence de radiodiffusion et cherche à faire concurrence aux câblodistributeurs pour les abonnés. Si les restrictions à l'investissement étranger continuent de s'appliquer aux diffuseurs, mais sont supprimés dans le secteur des télécommunications, les télécommunicateurs qui sont les propriétés étrangères seraient contraints d'adopter une séparation structurelle encombrante afin d'offrir des services de diffusion—ou bien il leur serait interdit d'offrir des services de diffusion et ils seraient contraints d'analyser chaque service afin d'assurer qu'il soit un service de télécommunications.
Un tel régime serait coûteux et nuisible et porterait un dur coup à la stratégie d'innovation du Canada concernant les applications à large bande et les nouveaux médias.
Dans un deuxième temps, non seulement est-il impossible d'identifier une entreprise comme étant un fournisseur de services de télécommunications, mais il est aussi impossible de déterminer qui est un fournisseur de services de télécommunications traditionnel au Canada.
TELUS, tout en étant une entreprise titulaire sur son territoire d'origine en Alberta et en Colombie-Britannique et dans certaines régions de l'est du Québec, est un nouveau venu en Ontario et au Québec. L'entreprise a obtenu des capitaux considérables pour financer ses nouveaux projets, lesquels comprennent d'importantes constructions d'infrastructure en Ontario et au Québec.
Cette activité aide à atteindre les principaux objectifs de la Loi sur les télécommunications, y compris ceux concernant la concurrence et le développement d'un système de télécommunications. C'est faire preuve de mauvaise foi que d'identifier TELUS comme étant un fournisseur de services traditionnel.
Le régime de propriété étrangère devrait être neutre au niveau de la technologie et de la concurrence, les règles du jeu ne devraient pas être changées à mi-chemin, et on ne devrait pas placer certaines sociétés dans une position concurrentielle désavantageuse en conservant des étiquettes démodées comme «entreprise de télécommunications traditionnelle».
Un des objectifs visés par l'élimination des restrictions à la propriété étrangère, c'est d'attirer les investissements et de rendre l'environnement des télécommunications plus ouvert et concurrentiel sur le marché international.
Cependant, l'imposition d'un régime de délivrance des licences serait contraire à cet objectif. Un nouveau régime de délivrance des licences alourdirait le fardeau au niveau de l'administration et des coûts et entraverait l'opération des services de télécommunications au Canada en leur imposant un autre palier de règlements gouvernementaux inutiles.
L'effet net serait de décourager les investissements. On a tort de présumer qu'un régime de délivrance des licences aiderait le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de télécommunications—comme le déploiement des services à large bande dans les collectivités rurales et éloignées du Canada.
Si ces objectifs sont imposés comme condition pour obtenir une licence, les investisseurs canadiens et étrangers les percevront comme étant des coûts administratifs additionnels, ce qui aura certainement pour effet de réduire les investissements.
Un des enjeux importants concerne le calendrier. Bien que TELUS appuie l'ouverture des marchés, le Canada participe présentement à d'importantes négociations commerciales au niveau international, notamment auprès de l'Organisation mondiale du commerce. TELUS se basera sur l'initiative du gouvernement canadien pour déterminer le calendrier des objectifs à cet égard.
Enfin, l'élimination des restrictions à l'investissement étranger n'est pas une panacée. Le Canada doit agir sur plusieurs fronts s'il veut attirer des investisseurs. TELUS appuie ce réexamen des restrictions à l'investissement étranger, mais le gouvernement doit aussi procéder à l'examen du cadre réglementaire intérieur et de son effet sur les investissements étrangers et canadiens.
Le CRTC joue un rôle prépondérant là où il s'agit d'éliminer les obstacles à l'innovation et à l'investissement. Bien que le conseil ait fait d'importants progrès au niveau de la promotion de la concurrence et des investissements, nous croyons que ses récentes décisions ont miné la confiance des investisseurs.
TELUS est particulièrement préoccupée par le fait que certaines politiques réglementaires adoptées récemment par le CRTC pourraient miner l'apport en capital de l'industrie et annuler les bénéfices qui découleraient de tout assouplissement des restrictions à l'investissement étranger.
Ces restrictions nuiraient aux investissements dans le secteur des télécommunications en imposant une méthode de calcul du coût de revient global qui empêcherait des entreprises comme TELUS, SaskTel et Aliant de recouvrer leurs coûts propres.
TELUS a récemment déposé une pétition auprès du gouverneur en conseil dans le but de remédier à cette situation. Les décisions du CRTC doivent concorder parfaitement avec les politiques du gouvernement canadien en matière de télécommunications et les objectifs de la stratégie d'innovation.
¹ (1550)
Dans la présentation de sa stratégie d'innovation, TELUS demande que l'on procède dans les plus brefs délais à une révision du mandat et des usages de la structure de réglementation des télécommunications.
Merci de nous avoir permis d'exprimer notre point de vue. Je suis disposé à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Peters.
À vous, monsieur Janisch.
Pr Hudson Janisch (professeur, Faculté de droit, Université de Toronto): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Hudson Janisch et je suis titulaire de la chaire de droit et de technologie Osler Hoskin and Harcourt à l'Université de Toronto. Je suis actuellement en congé sabbatique à l'Université de Colombie-Britannique, où j'occupe les fonctions de professeur invité à la chaire Douglas McK. Brown de la Faculté de droit.
Je suis honoré de m'être rendu à l'invitation du comité pour vous faire part des réflexions que m'inspire la propriété étrangère. C'est tout un privilège que de participer à l'analyse de cette importante question.
J'ai la chance de m'intéresser aux télécommunications depuis environ 35 ans, puisque j'ai fait mes débuts en participant à l'affaire des tarifs de Bell Canada en 1968. J'ai consacré mon enseignement et mes travaux à ce domaine, dont il était question dans des conférences, des séminaires et des ateliers éducatifs de toutes sortes auxquels j'ai participé ou que j'ai organisés.
À l'Université de Toronto, j'enseigne à la Faculté de droit et je donne un cours de troisième cycle en génie électrique et informatique.
À l'Université de Colombie-Britannique, j'enseigne dans le cadre d'un séminaire qui revendique le titre le plus long de la Faculté de droit: «Perspectives internationales et comparatives sur le droit, la réglementation et les politiques de télécommunications». Hier, nous avons consacré trois heures merveilleuses à l'évolution actuelle de la situation en République populaire de Chine, qui a entrepris de gigantesques changements au lendemain de son accession à l'Organisation mondiale du commerce.
Quel avantage comparatif puis-je apporter au débat actuel? Je pense que j'y apporte un certain détachement et une perspective plus large de la problématique. Au lieu d'aborder des sujets dont on a déjà parlé et dont on va certainement encore vous parler, je m'efforcerai donc d'aborder des thèmes qui, sinon, ne vous seraient pas présentés. Ils touchent notamment à la dimension internationale des problèmes, à leur contexte historique, au danger d'un pouvoir discrétionnaire non structuré, aux inconvénients d'une politique à plusieurs volets en matière de propriété étrangère et, finalement, aux problèmes qui découlent de la distinction entre la distribution et les télécommunications.
Évidemment, je me ferai un plaisir de répondre du mieux possible à vos questions.
Considérons tout d'abord le contexte international. Le document d'Industrie Canada qui résume les restrictions à l'investissement étranger dans les autres pays de l'OCDE transfigure quelque peu la situation actuelle de l'Australie en donnant l'impression que ce pays procède à une refonte de l'investissement en télécommunications. En réalité, l'Australie applique de façon générale un régime d'approbation de l'investissement étranger dans tous les secteurs, conformément à sa Loi de 1975 sur les prises de contrôle et les acquisitions étrangères. L'Agence d'examen de l'investissement étranger de ce pays examine les propositions étrangères d'acquisitions et de nouveaux investissements, puis présente ses recommandations au trésorier. Aux termes de la loi, ce dernier peut rejeter les demandes de contrôle d'une entreprise s'il les juge contraires à l'intérêt national. En pratique, on présume que les propositions d'investissements étrangers sont généralement conformes à l'intérêt national, et par conséquent recevables.
Les approbations accordées dans le cadre de la Foreign Acquisitions and Takeovers Act ces dernières années ont considérablement modifié la structure des télécommunications australiennes. Le transporteur numéro deux de ce pays, Optus, appartient intégralement à «Singapore Telecommunications Limited» du fait d'une transaction de 14 milliards de dollars survenue l'année dernière. Le troisième transporteur par câble métallique, AAPT, appartient intégralement à Telcom New Zealand, tandis que le troisième transporteur sur le marché cellulaire, Vodafone, appartient lui aussi intégralement à des intérêts étrangers.
On trouve aussi plusieurs compagnies étrangères qui occupent des positions importantes sur le marché. Par exemple, OzEmail, qui appartient à WorldCom, est le deuxième fournisseur de services Internet, tandis que l'entreprise américaine Primus occupe une créneau important dans le service local et interurbain, dans la fourniture de services Internet et dans la transmission de données, grâce à un réseau et à des installations qui lui appartiennent. Par ailleurs, Sprint, British Telecom et AT&T sont aussi très actifs sur le marché.
Je porte ces éléments à l'attention du comité non pas parce que j'aurais des intérêts particuliers aux antipodes—mon accent vient d'Afrique du Sud, et non pas d'Australie—mais pour vous rappeler, au besoin, à quel point la situation canadienne est différente de celle de ses principaux partenaires commerciaux au sein de l'OMC. Le Canada a longtemps joué un rôle influent au sein de l'OMC dans le domaine des communications, et c'est toujours avec fierté que j'insiste auprès de mes étudiants sur le rôle qu'a joué notre pays dans la mise en place d'un nouveau régime international de communications axé sur la concurrence. Je crains que si nous n'intervenons pas pour lever les restrictions concernant la propriété étrangère, notre influence ne cède le pas à l'embarras.
¹ (1555)
Voyons maintenant quel est le contexte historique de l'investissement étranger?
Bien que le document de travail reconnaisse que la législation générale n'a été adoptée qu'il y a une dizaine d'années, il laisse entendre que le gouvernement considère depuis longtemps que la propriété canadienne de l'infrastructure des télécommunications du pays est essentielle à sa souveraineté et à sa sécurité. Or, c'est là une présentation erronée de l'histoire des télécommunications au Canada.
Lorsque la Compagnie de téléphone Bell s'est constituée à Montréal dans les années 1880, la compagnie américaine Bell a exigé qu'elle se procure ses capitaux au Canada. La compagnie canadienne eut beau implorer Boston à maintes reprises pour lui demander d'autres investissements, elle a dû se débrouiller seule. Bell Canada n'a jamais bénéficié d'une quelconque détermination gouvernementale à protéger la souveraineté et la sécurité du Canada. C'est devenu une compagnie entièrement canadienne avant tout parce que son homologue américaine misait sur des compagnies téléphoniques autofinancées et de portée régionale.
Il faut également savoir que de 1926 à la création de la compagnie TELUS agrandie le 31 janvier 1999, la deuxième compagnie canadienne de télécommunications, B.C. Tel, était contrôlée par des intérêts américains, tout récemment la «General Telephone and Electronics Corporation, GTE».
Du temps de la propriété américaine, B.C. Tel a pleinement participé aux plus importants projets d'édification nationale dans le domaine des télécommunications au Canada, à savoir la construction d'un réseau téléphonique transcanadien. La compagnie américaine a même construit l'un des tronçons les plus difficiles et les plus coûteux du réseau canadien, à savoir celui des Rocheuses, et dès les années 50, avait atteint un niveau de service universel qui n'était dépassé légèrement que par celui de l'Ontario.
Il se trouve que lorsqu'on a proposé en 1926 la vente de B.C. Tel à Bell Canada, cette dernière a offert 125 $ pour une action qui se négociait alors à 140 $.
Cette période très importante de l'investissement et du contrôle étrangers dans les télécommunications canadiennes, qu'on a trop souvent tendance à oublier, montre magnifiquement comment la réglementation permet de surmonter les inconvénients de la propriété étrangère. Lorsqu'on a constaté que B.C. Tel retardait la mise en service de nouveaux centraux téléphoniques parce que le manufacturier de GTE n'en fabriquait pas encore, la question a été tranchée par l'autorité de réglementation de l'époque, à savoir la Commission canadienne des transports, en vertu de règles bien établies concernant l'investissement prudent, dans le cadre de la réglementation sur le taux de rendement en fonction du tarif.
On voit donc la nécessité de bien garder à l'esprit les rôles que doivent jouer deux outils d'intervention bien distincts, à savoir, d'une part, la propriété étrangère et d'autre part, sa limitation et sa réglementation. Si on assouplit ou supprime les restrictions concernant la propriété étrangère, cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas atteindre les mêmes objectifs politiques par la réglementation sans nous priver des avantages d'un afflux de capitaux étrangers, indépendamment des nouvelles idées, des nouvelles sources de technologie et d'une plus grande efficacité de gestion. En réalité, les restrictions concernant la propriété étrangère sont une façon particulièrement lourde et pénalisante de viser des résultats qu'on obtiendrait beaucoup plus facilement par la réglementation.
Certains prétendent, monsieur le président, que si l'on assouplissait ou supprimait les restrictions concernant la propriété étrangère, le gouvernement devrait conserver le pouvoir discrétionnaire de bloquer ou de modifier tout investissement qui serait réputé non conforme à l'intérieur public. Ce genre de critère informe sur l'intérêt public est trop vague, manque de transparence et risque d'occasionner des délais excessifs ainsi que des négociations occultes. C'est du reste ce qu'on a pu constater aux États-Unis, où Deutsche Telekom et le Japonais NTT se sont heurtés à toutes sortes de retards et de mesures de prévarication lorsqu'ils ont tenté de s'établir sur un marché de télécommunications a priori totalement ouvert.
Le danger, indépendamment de la disparition des avantages de l'investissement étranger direct, c'est l'imposition inévitable de mesures de réciprocité et d'obstacles inattendus auxquels se heurteraient nos compagnies qui voudraient s'établir sur des marchés étrangers. De surcroît, s'il est vrai que le marché américain est suffisamment large et attrayant pour que les investisseurs étrangers puissent s'accommoder d'un certain niveau de harcèlement, je ne pense pas que les compagnies désireuses d'accéder à nos marchés plus modestes puissent faire preuve d'autant de patience ou de persistance. Je considère qu'il faudrait suivre l'exemple australien en mettant en place un régime générique et bien structuré d'approbation de l'investissement étranger qui contrôlera les investissements dans les télécommunications.
º (1600)
Jusqu'à la fin des années 80, la Loi sur l'examen de l'investissement étranger a donné du Canada l'image d'un pays qui imposait des restrictions à l'entrée des entreprises étrangères. Pourtant, l'engouement général du gouvernement pour cet investissement a persisté, et actuellement, l'investissement étranger est généralement bien accueilli et favorisé au Canada.
Mais surtout, cette Loi sur l'examen de l'investissement étranger a été révoquée et remplacée par une loi beaucoup plus accueillante, la Loi sur Investissement Canada. Les grosses transactions donnent toujours lieu à un examen, mais Investissement Canada détermine si le projet d'investissement occasionnera vraisemblablement un bénéfice net pour le Canada, en se fondant sur des critères comme l'emploi au Canada, le développement technologique et l'aptitude à affronter la concurrence sur les marchés mondiaux. L'organisme peut solliciter des engagements importants, notamment des garanties concernant les niveaux d'investissement et d'emploi au Canada.
Cette forme de pouvoir discrétionnaire transparent et bien structuré est nettement préférable à un critère imprécis et mal cerné de l'intérêt public, comme celui qui s'applique aux États-Unis. Lorsque l'investissement fait craindre une situation de dominance ou lorsqu'une fusion risque d'amoindrir sensiblement la concurrence, le dossier peut être traité par l'autorité de réglementation ou par l'organisme responsable du droit de la concurrence.
Passons maintenant aux réserves que m'inspire un régime de réglementation de la propriété étrangère à plusieurs catégories. On a dit qu'il y aurait lieu d'adopter un régime asymétrique de propriété à plusieurs catégories, au sein duquel les titulaires historiques seraient exemptés d'investissement étranger. La formule serait justifiée dans le but d'imposer un handicap à certains concurrents, ou par la nécessité de créer des champions spécifiquement canadiens.
Si l'on prive des titulaires, quel que soit leur mode de détermination, des avantages des capitaux, de la technologie et du savoir-faire commercial étranger pour laisser la place à de nouveaux venus qui auront accès aux capitaux, à la technologie et au savoir-faire commercial étranger, on va freiner le dynamisme du marché au détriment de l'ensemble du public pour satisfaire les intérêts privés des nouveaux venus.
Quant aux champions canadiens, cette formule ne peut qu'affaiblir nos concurrents désignés face à la concurrence internationale avant même qu'ils ne se rendent à la ligne de départ. Par ailleurs, elle risque de fausser la réglementation puisqu'un champion porteur du drapeau canadien se croira autorisé à bénéficier de décisions favorables, alors que sa désignation ne sera imputable qu'à la confiance du gouvernement, et non pas à des succès remportés face à la concurrence.
En conclusion, au risque de heurter certaines susceptibilités, j'ai voulu vous présenter le point de vue de quelqu'un qui doit retourner à ses chers travaux universitaires. Je ne pense pas qu'il faille faire une distinction entre les télécommunications et la distribution. En revanche, j'estime que malgré tout ce qu'on dit de la convergence, il y a lieu de faire une distinction entre, d'une part, les télécommunications et la distribution et, d'autre part, la production d'émissions télévisées. Comme c'est toujours le cas dans le concret, cette distinction ne peut être toujours parfaitement tranchée, mais elle est viable.
Même si je n'y souscris pas, je comprends les préoccupations suscitées par l'assouplissement des restrictions concernant l'investissement étranger en matière de télédiffusion, mais je ne comprends pas qu'on mette les câblodistributeurs dans la même catégorie que les productions d'émissions de télévision, à moins qu'on ne prétende que c'est à l'issu d'une guerre de territoire entre ministères qu'on a confié la câblodistribution à Patrimoine Canada, tandis que les communications allaient à l'industrie. Pourtant, le plus grand potentiel de croissance de la câblodistribution, qui constitue aussi une des principales préoccupations, concerne l'accès à l'Internet à haute vitesse et le téléphone Internet, ce qui place résolument le câble dans la sphère des télécommunications, même s'il s'occupe avant tout de transmission, et non pas de création de contenu.
Même si à plus long terme, il peut y avoir fusion entre le contenu et la transmission, la distinction est encore suffisamment nette pour justifier l'inclusion du câble dans tout débat sur la propriété étrangère dans les télécommunications.
BCE va vraisemblablement évoquer de graves problèmes devant le comité, et plus on vous parlera de complexité et de la nécessité d'un débat approfondi et durable, plus vous devriez vous inquiéter. Je ne pense pas qu'on puisse laisser BCE invoquer son intrusion précipitée dans la télédiffusion et la radiodiffusion directe par satellite pour faire obstacle à une réforme pure et simple des règles concernant l'investissement étranger.
º (1605)
Je suis convaincu qu'il est possible de démêler suffisamment les avoirs de BCE pour envisager une réforme. Il semble même que les arguments extravagants sur la synergie d'intégration, avancés initialement par BCE, n'aient plus cours actuellement au sein de la compagnie.
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'une volonté privée de convergence justifie que l'on renonce à une initiative publique visant à ouvrir résolument le marché canadien des télécommunications pour lui faire bénéficier de l'investissement étranger et pour nous mettre sur un pied d'égalité avec nos partenaires commerciaux de l'OMC.
Sur cette note légèrement polémique, je vais m'arrêter là et attendre vos questions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur Rajotte, pour huit minutes.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs, de vous être déplacés aujourd'hui. J'ai plusieurs questions à vous poser, et j'essaierai d'être bref.
Tout d'abord, une question pour M. Peters. À la page 6 de votre mémoire, vous faites un lien entre les restrictions concernant la propriété étrangère—dont vous souhaitez la révision—et la nécessité d'une refonte de la réglementation canadienne des télécommunications, à cause de son incidence sur la capitalisation de ce secteur. Vous avez dit tout à l'heure que malgré les propos insistants du CRTC sur la promotion de la concurrence et de l'investissement, les décisions récentes de l'organisme sont en train, à votre avis, de miner la confiance des investisseurs.
Pourriez-vous nous dire pourquoi la réglementation actuelle ne favorise pas l'investissement au Canada? Vous avez fait référence à une décision du CRTC, mais si vous avez d'autres exemples, vous pourriez utilement nous en faire part.
M. James Peters: Merci.
Il nous semble évident que TELUS a subi les effets de ce que nous appellerions des décisions défavorables. Mais comme je le disais au départ, ces décisions ne s'appliquaient pas uniquement à TELUS.
En effet, deux décisions récentes du CRTC—celles qui portaient sur la contribution et la retarification—ont également eu d'importantes conséquences pour des entreprises telles que SaskTel et Aliant; d'ailleurs, au moment où Aliant annonçait ses résultats du troisième trimestre à la fin de 2001, elle faisait savoir également qu'elle mettait à pied 8 p. 100 de sa main-d'oeuvre en conséquence de ces décisions.
La décision illustre que le CRTC a choisi de mettre un terme à la politique en vertu de laquelle il avait recours aux coûts propres à chaque entreprise pour déterminer les contributions que recevraient les entreprises fournissant des services aux collectivités rurales éloignées. Le CRTC a également eu recours à une nouvelle méthode, c'est-à-dire qu'il a eu recours à des facteurs nationaux et uniformes de calcul des coûts pour déterminer la ristourne accordée aux exploitants de centraux urbains.
Les conséquences sont énormes, et pas seulement pour TELUS, étant donné les facteurs de densité en Alberta, les montagnes et les gorges des rivières qu'il faut traverser en Colombie-Britannique, là où il est beaucoup plus difficile d'exploiter les installations dont on est propriétaire, mais aussi dans les provinces comme Terre-Neuve et le Labrador qui rencontrent les mêmes problèmes.
Lorsque nous avons déposé auprès du CRTC notre requête en révision et en ajustement, SaskTel, Aliant, Manitoba Tel et Bell Canada nous appuyaient en principe. La décision récente du CRTC visait à confirmer sa décision d'avoir recours au postulat du coût uniforme national.
Quiconque a déjà visité Terre-Neuve, ou Vancouver en Colombie-Britannique, sait à quel point toute construction dans ce milieu pose des difficultés et coûte cher. SaskTel a effectivement bien démontré que la densité de la Saskatchewan ne se compare à aucune autre où que ce soit au Canada.
Voilà pourquoi nous nous attendons à ce que dans ce type de décisions, on soit constant, prévisible et juste, ce qui n'est pas le cas, à notre avis.
Voilà pourquoi, dans notre requête en révision et en rajustement, et aujourd'hui dans notre pétition au gouverneur en conseil, nous demandons qu'il y ait une vérification indépendante des facteurs de calcul des coûts. À notre avis, c'est une chose importante à faire, et cela ne représente qu'une infime partie de l'examen que nous demandons dans le mémoire que nous avons présenté en regard de la stratégie d'innovation, dans lequel nous prônons un examen complet des politiques, pratiques et procédures du CRTC.
º (1610)
M. James Rajotte: Merci, et je continue dans le même ordre d'idée. À la page 5 de votre texte, sous la rubrique «Un besoin de règlements symétriques sur la propriété», vous affirmez que «TELUS, pour sa part, tout en étant une entreprise titulaire sur son territoire d'origine en Alberta et en Colombie-Britannique, est un nouveau venu en Ontario et au Québec»; puis, vous dites plus loin que «C'est faire preuve de mauvaise foi que d'identifier TELUS comme étant un fournisseur de service traditionnels».
Tout cela est en train de devenir un des grands enjeux dont nous sommes saisis, mais vous avez raison: dans ma province, l'Alberta, il est vrai que TELUS est bien connue et est une entreprise très bien établie.
J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus et que nous parliez surtout des défis en matière d'infrastructure auxquels vous faites face puisque vous voulez vous développer en dehors de votre assise traditionnelle de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Pouvez-vous nous décrire certains des défis que vous devez relever au fur et à mesure que vous vous installez dans l'est, particulièrement en Ontario et au Québec.
M. James Peters: Bien sûr. Beaucoup de Canadiens continuent à croire que TELUS est une entreprise de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. De fait, jusqu'au 1er février 1999, B.C. Telecom et TELUS Alberta ne généraient presque aucun revenu à l'extérieur de ces provinces. Mais aujourd'hui, TELUS génère plus de 2 milliards de dollars de revenus à l'est de l'Alberta.
Dès février 1999, lorsque nous avons consommé la fusion, nous envisagions de faire de TELUS une force nationale dans les télécommunications canadiennes, et nous avons investi considérablement en ce sens.
De 1999 à 2001, les dépenses en immobilisations de TELUS atteignaient en moyenne plus de 2 milliards par année. Ces sommes nous ont permis d'édifier un réseau national de Victoria à Halifax et d'acquérir QuébecTel, aujourd'hui TELUS Québec, installé dans l'est du Québec. Nous avons investi 6,6 milliards de dollars dans une plate-forme nationale hertzienne.
Pour illustrer comment nous avons embrassé la concurrence, sachez que nous avons annoncé notamment il y a un an une entente avec Bell et Alliant en vertu de laquelle nous accordions à Bell et à Aliant l'accès à l'empreinte hertzienne de TELUS en Alberta et en Colombie-Britannique, empreinte hertzienne qui nous conférait un énorme avantage concurrentiel dans le secteur du sans-fil. Nous avons cédé cet avantage parce que Bell Canada et Aliant ont accepté de leur côté de nous donner accès à leur empreinte de l'est du Canada, ce qui nous permet d'offrir des services efficaces et novateurs d'un océan à l'autre, et qui plus est rentables, tout en offrant au consommateur la possibilité de choisir entre des services novateurs.
Nous avons fait certaines autres acquisitions, dont TELUS Québec, entreprise de Rimouski qui est aujourd'hui notre force dans la province de Québec. Son équipe de gestion est celle qui gérait TELUS Québec avant l'acquisition. Cette équipe nous surprend agréablement et a réussi à prendre de l'expansion et à s'installer dans des régions qu'elle ne desservait pas auparavant.
M. James Rajotte: Monsieur Janisch, vous avez évoqué une comparution éventuelle de BCE en expliquant que celle-ci prônerait probablement la nécessité de discuter pleinement de la question et surtout de ne pas bouger trop vite, et vous nous avez mis en garde contre ces demandes. C'est curieux, parce que c'est ce qu'on nous dit tous les jours à la période des questions, alors de qui devons-nous nous méfier ici?
Le président: Nous ne sommes pas à la période des questions. Nous voulons de bonnes questions et des réponses claires.
M. James Rajotte: Je crois comprendre que vous souscrivez à ce qu'à dit M. Peters, à savoir que l'harmonie doit régner au niveau des règlements sur les investissements étrangers qui s'appliquent aux entreprises de télécommunications et aux diffuseurs, mais que vous sépareriez le contenu de cette question. Même si le dossier de l'étude soulève beaucoup de questions, je pense qu'il s'agit de l'une des plus importantes pour beaucoup de membres du comité. Pourriez-vous nous en parler plus longuement.
Certains semblent croire qu'en ouvrant à des étrangers la propriété du contenu, cela pourrait exercer des pressions sur le contenu en question.
Pr Hudson Janisch: Oui, je comprends cette préoccupation. En effet, d'un point de vue international plus large, il faut savoir que les règles actuelles sur les télécommunications de base de l'Organisation mondiale du commerce excluent de la définition de télécommunications ce que j'ai appelé les «services vidéo». Ce qui revient à dire que ces services vidéo sont exclus de la radiodiffusion.
C'est ce qui préoccupe justement un certain nombre de pays. Le Mexique, la France et le Canada sont ceux qui conseillent de résister à la tendance prônant d'intégrer les services vidéo aux télécommunications.
Par ailleurs, toujours dans le domaine international, l'Australie et les États-Unis exercent des pressions quant à eux pour que ces services vidéo soient inclus aux télécommunications. Vous voyez que le débat est mondial.
La plupart des pays, tout comme les instances internationales, comme je l'ai mentionné, ont constaté jusqu'à maintenant qu'il était possible de faire la distinction entre les deux. Vous n'avez pas à craindre que si vous parlez aujourd'hui d'une entreprise de câblodistribution, elle puisse éventuellement faire de la programmation, puis devenir créateur de contenu d'émission, et ainsi de suite. Je pense qu'il faut essayer de tirer la ligne entre la distribution et la création du contenu et je pense sincèrement qu'il est possible de tirer cette ligne.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte. Nous reviendrons à vous plus tard.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci à tous d'être là.
D'entrée de jeu, je veux m'assurer que si l'un ou l'autre d'entre vous est contre, vous le direz très clairement. Comme l'expliquait M. Janisch, ne dites pas que nous avons encore bien assez de temps pour en discuter plus raisonnablement, car presque tous ceux que nous avons entendus étaient soit pour ou du moins ni pour ni contre. Quoi que vous prôniez d'ici la fin de la réunion, expliquez-nous pourquoi et soyez clairs. Je n'ai d'ailleurs entendu personne parmi les témoins que j'ai entendus moi-même suggérer l'asymétrie; s'il y a qui que ce soit dans la salle qui songe à proposer une asymétrie, qu'il vienne m'en parler après la séance. Je ne crois pas que cela doive vous inquiéter.
Monsieur Peters, j'ai deux questions à votre intention. Un grand nombre des témoins que nous avons entendus ont dit, comme vous, que ce qui était proposé n'était pas une panacée. Le premier problème, c'est au fond la concurrence, la réglementation, et un autre grave problème, c'est l'accès à des capitaux locaux, et l'accès équitable aux lignes et à l'équipement par les concurrents locaux. Vous pourriez nous dire ce que vous en pensez.
J'aimerais maintenant que vous commentiez mon deuxième commentaire. Je représente moi-même une région rurale qui couvre environ 80 p. 100 du Canada. Certaines choses que vous avez dites m'ont perturbé un peu, notamment que la superficie ne faisait pas partie des conditions. Je comprends qu'on ne fait pas ici une analyse de rentabilité, mais par ailleurs, j'espère que vous pourrez proposer une solution, comme du moins un partenariat entre le public et le privé. Il s'agit tout de même d'un service essentiel dont ont besoin les citoyens, et il faut en tenir compte dans une certaine mesure. J'espère que le secteur privé pourra faire partie de la solution.
Je souhaite entendre chez vous un peu plus d'optimisme.
M. James Peters: Je répondrai d'abord à la deuxième question. TELUS s'est engagée—c'est d'ailleurs une obligation—à fournir un service partout sur le territoire de ses exploitants de centraux urbains. Nous n'avons pas de partenariat privé-public dans un certain nombre de localités. Il est manifeste que nous voulons pouvoir offrir nos services à toutes les localités de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'est du Québec, et ce, pour une question de rentabilité.
J'expliquais que dans une décision récente, le CRTC refusait d'admettre nos coûts réels. Or, en 2001, TELUS recevait des centaines de millions de dollars du fonds de contribution, alors qu'en 2002, elle n'a reçu que des miettes, ce qui a eu pour conséquence nette que nous n'avons pas pu investir des centaines de millions de dollars comme nous l'avions prévu en vue de mettre à niveau dans les régions rurales nos services pour en offrir des nouveaux et des novateurs.
Voilà pourquoi cette décision est si importante pour nous. Ne pas pouvoir utiliser ce qu'il nous en coûte réellement pour investir dans les régions rurales du Canada est un grave problème pour nous, et voilà pourquoi, comme je l'ai expliqué, nous avons envoyé une pétition au gouverneur en conseil pour résoudre ce problème.
J'ai oublié votre première question.
M. Larry Bagnell: S'il était possible d'avoir un accès accru local et équitable aux lignes et à tout le reste, en utilisant différents modèles... Les témoins semblent avoir dit que c'était le problème le plus grave.
M. James Peters: C'est intéressant. Je dirais que c'est surtout en fonction de la façon dont on perçoit le marché local. Ce marché local est constitué en réalité de plusieurs composantes d'accès différentes. En ce qui concerne le sans-fil, je n'ai entendu personne suggérer que l'accès par ondes hertziennes par fibre optique de silice-plastique...
Une voix: Sans fils.
M. James Peters: En effet, mais il me semble qu'il y a plusieurs façons d'y avoir accès; et si l'on s'arrête un instant aux services conventionnels, il me semble que des entreprises comme AT&T Canada n'ont jamais, à ma connaissance, prévu dans leur plan d'affaires offrir l'accès au service local conventionnel.
Ensuite, il faut se demander quels coûts TELUS peut recouvrer de cet accès local et quels sont les revenus qu'elle a le droit de recouvrer. Si vous regardez les études qui portent sur l'Amérique du Nord ou même le monde entier, vous constaterez que les Canadiens obtiennent des services novateurs de grande qualité à moindre prix. De plus, les taux de pénétration, c'est-à-dire d'abonnement à l'accès Internet haute vitesse, sont très élevés.
Les Canadiens semblent bien desservis en grande majorité. Mais j'accepte ce que vous avez dit au sujet des régions rurales et éloignées. Cependant, il faut reconnaître que la plupart des Canadiens jouissent d'un des meilleurs services de télécommunications dans le monde, à des prix très attrayants, comme l'ont démontré les études.
º (1620)
M. Larry Bagnell: L'une des raisons, c'est que dans notre région, le prix du service a grimpé beaucoup plus vite que le taux d'inflation. J'aimerais donc demander au professeur Janisch de nous en dire plus à propos de ce même problème. Un autre témoin a proposé que la seule façon de régler ce problème de l'accès équitable à l'infrastructure localement—particulièrement en ce qui concerne l'accès local, étant donné que la situation est assez bonne en ce qui concerne l'interurbain—, c'était que les municipalités soient propriétaires de l'infrastructure. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Pr Hudson Janisch: C'est un point très intéressant. Si on se reporte à l'évolution historique des télécommunications au Canada, à la fin du XIXe siècle et au tout début du XXe siècle, il y a eu un mouvement très important au Canada en faveur de la régie municipale, un mouvement progressiste. On avait fait valoir à l'époque que le gouvernement devrait être propriétaire des lignes et qu'on pourrait ensuite ouvrir les services à la concurrence.
Les Européens avaient pour principe de soutenir très fermement qu'il faudrait s'inspirer du modèle d'une autoroute publique utilisée par des camions de sorte que vous avez des camions qui se font concurrence et qui utilisent l'autoroute appartenant à l'État. Il faut toutefois dire que l'une des plus importantes constatations de l'analyse des développements récents dans le domaine des télécommunications, c'est que la concurrence fondée sur la mise à disposition d'installations est une forme de concurrence à long terme beaucoup plus solide.
Si on opte pour l'option que vous proposez, on risque de se retrouver avec ce que l'on appelle une mise en concurrence des revendeurs. Les concurrents se présenteront avec quelques camions qu'ils utiliseront sur l'autoroute ou ils se présenteront avec un petit service. La meilleure façon d'assurer une concurrence vraiment efficace, c'est d'investir dans les installations de base.
Par contre, la difficulté c'est qu'il est extrêmement coûteux de reproduire le réseau de transmission sur ligne métallique des sociétés de télécommunications existantes. Je crois que la solution consiste à faire preuve d'innovation et d'imagination sur le plan technologique. Comme M. Peters le disait à l'instant, la façon de vraiment concurrencer un système de transmission sur ligne métallique ne consiste pas à reproduire ce système. Il est préférable d'opter pour un système sans fil. Si j'étais une compagnie téléphonique ayant beaucoup investi dans la transmission sur ligne métallique, compte tenu du fait que la technologie moderne s'oriente vers le système sans fil, je serais assez nerveux.
Je crois que nous nous trouvons en fait dans une situation où une concurrence plus efficace sera possible si on ne fait pas l'erreur commise sans doute par certains nouveaux arrivants au Canada, c'est-à-dire de tâcher de reproduire ce qui existe déjà. Il est préférable d'opter pour quelque chose de nouveau. C'est sur quoi j'insisterais.
M. Larry Bagnell: J'ai une dernière brève question pour tous les intervenants.
Quel est le risque, si nous optons pour cette option, que nous nous retrouvions dans exactement la même situation qui existe à l'heure actuelle, à savoir des entreprises canadiennes qui appartiennent à des entreprises américaines de sorte que nous avons des succursales et que nous perdons tous les sièges sociaux, etc.?
M. James Peters: Je parlerai le premier.
Je crois que c'est un risque. Dans notre mémoire écrit, nous indiquons que c'est un risque qui fera partie de l'équilibre que l'on veut établir. D'un côté, vous risquez de perdre certains postes de haut niveau, mais quel avantage en retire-t-on? Cela fait partie du coût. L'avantage peut se traduire en fait par des services plus novateurs ou des prix moins élevés.
Il ne fait aucun doute que dans le cas de nombreux emplois, ils ne seront pas transférés au sud de notre frontière s'il s'agit d'une compagnie américaine qui en a fait l'acquisition. La conception de réseaux, l'installation locale et un grand nombre d'emplois en Colombie-Britannique se trouvent en Colombie-Britannique parce que c'est là où sont les clients. Les emplois qui existent en Alberta sont là parce que c'est en Alberta où se trouvent les clients albertains. Sans aucun doute, les emplois de cadres risquent de disparaître.
C'est une question d'équilibre. Quels sont les avantages qui en découleront? Il ne fait aucun doute que des coûts moins élevés et peut-être une innovation accrue seront les facteurs dont le gouvernement devra tenir compte lorsqu'il tâchera d'établir cet équilibre.
Le président: Merci, monsieur Bagnell.
Monsieur, voulez-vous ajouter quelque chose?
Pr Hudson Janisch: Je dirais que, bien que nous soyons à la porte des États-Unis et terriblement préoccupés par la forte vague qui nous arrive de ce pays, quand je regarde de près ce qui se passe en matière de télécommunications dans le monde, force m'est de constater que l'Amérique n'exerce pas une domination totale.
En fait, quand on pense à certains des investissements récents les plus remarquables, on voit qu'il ne s'agissait pas d'investissements américains. C'est plutôt la Deutsche Telekom qui a investi des milliards de dollars aux États-Unis. NTT du Japon qui a investi aux États-Unis. La compagnie de téléphone finlandaise qui s'intègre à la compagnie de téléphone suédoise. C'est ce genre de chose qui se passe.
Je suis tout aussi préoccupé que vous au sujet de la forte vague qui nous arrive. Je pense aussi qu'il ne faut pas oublier la vaste gamme de possibilités de développement. Je pense qu'il y a bien plus lieu de se réjouir des possibilités qui s'offrent que de s'inquiéter constamment de la venue ici d'intérêts américains.
º (1625)
Le président: Monsieur Hébert, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
M. Jean-François Hébert: J'aimerais simplement mentionner que si vous habitez le centre-ville de Toronto, la concurrence est là, donc il n'y a pas de problème, les services sont là. La question, c'est toujours quand on considère les territoires plus ruraux. Prenons l'exemple des compagnies représentées par l'ACTQ. Presque la totalité des 50 000 abonnés représentés par l'ACTQ dans les territoires ruraux bénéficient de toute la gamme des services large bande. Pourquoi? Parce que soit ces entreprises-là sont détenues par des coopératives composées de membres qui utilisent les services, soit les actions des compagnies sont détenues par des gens qui habitent la localité et, donc, qui ont un intérêt au développement des services, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour une entreprise qui cherche tout simplement la rentabilité. C'est normal, on vit dans un système où on cherche le profit. S'il n'y a pas d'intérêt qui dépasse la recherche de la profitabilité, alors on ne sera jamais capables d'offrir aux Canadiens qui vivent dans les régions plus rurales de nouveaux services. L'innovation vient de la volonté des gens qui habitent dans ces territoires-là. Et ne parlons pas d'investissements étrangers dans les 13 compagnies qui sont représentées par l'ACTQ, car aucune ne bénéficie d'investissements étrangers. Ce ne sont pas des entreprises susceptibles d'attirer l'investissement étranger.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je vous rappelle que deux ou trois exposés seront traduits et distribués aux membres.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. Je voudrais faire une remarque générale. Vous vous ajoutez aux nombreux témoins qui sont venus nous dire que la priorité ne serait pas d'abolir les problèmes par rapport à l'investissement étranger, car vous semblez avoir beaucoup d'autres problèmes qui seraient plus prioritaires. À peu près tous les intervenants sont venus nous dire la même chose.
Cela dit, dans votre communiqué, au dernier paragraphe, vous nous dites que:
Le gouvernement, au moment d'analyser la modification du système actuel, doit soupeser si les inconvénients provenant de la modification des règles actuelles ne seront pas plus grands que les bienfaits pouvant en découler. |
Est-ce que vous pourriez nous dresser un petit portrait des principaux inconvénients que vous voyez et des principaux bienfaits, disons deux ou trois inconvénients et deux ou trois bienfaits, quand vous nous dites qu'il va peut-être y avoir plus d'inconvénients que de bienfaits?
º (1630)
M. Jean-François Hébert: Je ne répondrai probablement pas en termes de nombre d'avantages ou d'inconvénients et je ne donnerai pas une liste avec d'un côté les avantages et de l'autre côté les inconvénients. Je dirai plutôt que le système actuel, selon l'ACTQ, fonctionne bien. À part ceux qui habitent en zone plus rurale, comme tout le monde le reconnaît, les Canadiens bénéficient d'une vaste gamme de services abordables, et on parle d'innovations. Aujourd'hui, que peut-on demander de plus?
Les inconvénients, au fond, c'est qu'on plonge, on décide de faire des changements, mais pourquoi? On se dit qu'on veut susciter la concurrence, mais pourquoi la concurrence? On est tous arrivés à la conclusion que dans les zones plus rurales, il n'y aura pas plus de concurrence, parce que ce n'est pas un territoire d'exploitation intéressant. Par conséquent, quels sont les avantages que l'on recherche par la concurrence?
Il reste que le Canada est un marché particulier avec une faible densité de population--je pense qu'on peut le dire--et des revenus qui sont somme toute limités. Ce n'est pas parce qu'il y a plus de concurrents qu'il va y avoir plus de revenus. Déjà nous disons qu'il y a une surcapacité des réseaux. Les services qui sont offerts excèdent, au fond, les besoins des Canadiens. On parle d'Internet haute vitesse, par exemple: dans les territoires représentés par l'ACTQ, il est offert à presque tous les abonnés et il a un taux de pénétration d'environ 7 p. 100.
Au fond, le fardeau de démontrer pourquoi on devrait changer les règles revient à ceux qui demandent le changement. Et qu'est-ce qu'on a démontré? On en est arrivés à la conclusion que peut-être qu'en effet, pendant un temps, l'investissement additionnel accroîtra la concurrence, mais à court ou à moyen terme, tout ne pourra pas faire autrement que de se consolider, parce que la tarte des revenus à se partager ne grandira pas et, donc, les revenus vont demeurer les mêmes, alors qu'à l'heure actuelle, il y a déjà une crise de profitabilité.
M. Serge Désy (directeur général, Association des Compagnies de Téléphone du Québec inc.): Pour compléter ce que M. Hébert vient de mentionner, s'il advient des modifications aux règles sur les investissements étrangers, ces investissements-là se feront nécessairement dans les territoires à population élevée, donc, en contrepartie, il pourrait y avoir un effet sur les petites compagnies comme celles dont parle l'ACTQ. Elles seront désavantagées ou auront peur d'investir compte tenu des investissements massifs qui se feront dans les territoires à densité élevée. À cause de cela, il pourrait aussi y avoir une autre guerre de prix, parce qu'on parle toujours en termes de rentabilité au bout du compte. Les petites compagnies verront donc les grandes compagnies se battre pour la rentabilité et alors, peut-être qu'on devra couper les prix de nouveau pour essayer de rentabiliser ce qui n'est déjà pas rentable.
M. Paul Crête: J'ai deux autres questions, et je ne veux pas manquer de temps. Je vais donc vous poser les deux.
Vous avez parlé de pays où les restrictions à l'égard de l'investissement international ont été abolies. Il s'agissait en général de pays où il y avait une seule compagnie nationale. C'est vous qui avez dit cela, n'est-ce pas? Avez-vous la liste de ces pays? Il s'agit là d'une information qui ne nous a pas été transmise par Industrie Canada, mais qui est pertinente à l'égard des premières données; elle nuance un peu ce qui a été dit à ce sujet.
Ma deuxième question ne touche pas précisément l'investissement étranger, mais je profite du fait que vous êtes experts en la matière et que vous êtes ici aujourd'hui.
Je viens d'un milieu rural et j'aimerais savoir ce qu'il faut faire pour que nous ayons un jour des investisseurs intéressants chez nous. Vous avez donné des exemples, mais j'aimerais que vous me donniez plus de détails à ce sujet. Comment faire en sorte qu'avec de petites compagnies, on ait du service? Les grandes entreprises ne sont pas intéressées. À ce sujet, je vais vous raconter une anecdote. Dans la région du Témiscouata, on a envoyé un appel d'offres à cinq compagnies--il s'agissait alors du cellulaire--, et les cinq nous ont répondu qu'il n'était pas question qu'elles s'impliquent dans un tel projet puisque ce n'était pas rentable.
Voilà mes deux questions.
M. Serge Désy: Je vais répondre à votre deuxième question, et Jean-François pourrait regarder le document afin de répondre à la première.
D'abord, pour les petites compagnies indépendantes, il faut savoir de quel territoire vous faites partie et quelle est la principale compagnie qui vous dessert.
M. Paul Crête: Je parle des milieux ruraux et je veux savoir quels sont les bons trucs qu'on doit utiliser pour mettre en place des conditions gagnantes.
M. Serge Désy: Je pourrais, en guise de réponse, vous conseiller de déménager dans l'un des treize territoires desservis par des compagnies indépendantes de l'association. Vous auriez alors tout ce que vous désirez, du cellulaire au service Internet haute vitesse.
Comme on l'a dit plus tôt, même le service Internet haute vitesse à large bande est accessible à tous nos abonnés, et le taux de pénétration n'est que de 7 p. 100. De plus, ça ne date pas d'hier; certaines compagnies offrent ce service depuis quatre ans. Bref, on ne peut pas offrir plus que ce qu'on a. C'est déjà disponible.
M. Jean-François Hébert: La réglementation, les incitatifs économiques, le partenariat avec le gouvernement et les entreprises publiques pourraient être des solutions. Il reste qu'il n'est pas très facile de répondre à cette question.
M. Paul Crête: Sauf qu'en ce qui nous concerne, si nous ne trouvons pas bientôt une réponse, nous allons perdre nos élections!
M. Jean-François Hébert: Il n'existe pas vraiment de solution magique à l'heure actuelle. Il serait probablement plus facile d'aborder cela par l'entremise de la réglementation.
M. Paul Crête: Et qu'en est-il de ma première question?
M. Jean-François Hébert: On n'a pas de liste exacte, mais en consultant le document d'Industrie Canada, on a déjà une bonne idée du régime réglementaire en cours dans d'autres pays. Chacun de ceux qui ont participé au panel et qui ont rédigé le document a eu ses propres expériences à l'égard de différents pays. Mais, on n'a pas dressé une liste spécifique qu'on pourrait vous remettre.
M. Paul Crête: Il y a une liste d'environ quinze pays qui ont aboli les règles. Il y en a un qui est très restrictif et un autre qui applique un autre modèle.
Lorsqu'on évalue le tableau pour déterminer s'il y a autant d'investissements qui se font au Canada qu'ailleurs, on constate, en tenant compte des nuances, que notre situation n'est pas vraiment désavantageuse à l'égard des autres pays, sauf les États-Unis.
M. Jean-François Hébert: Ce sont des données qui pourraient certainement être recoupées de façon très précise. De plus, les retrouver n'est pas une opération très complexe. On ne les a pas, mais elles sont, à mon avis, faciles à obtenir.
º (1635)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Crête.
Monsieur Marcil.
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il y a des mauvaises langues qui disent qu'il y a des entreprises en communications qui favorisent la déréglementation parce qu'elles ont eu une mauvaise stratégie d'investissement et qu'elles voudraient avoir accès à du capital pour se réajuster. D'autres ne favorisent pas le statu quo ni une déréglementation également sauvage, comme ça s'est fait dans le domaine hydroélectrique dans certaines entreprises ou dans certains États américains.
Mais en fait, la vraie question, parce qu'on nous dit également que la réglementation canadienne est très favorable par rapport à celle des Américains, est de savoir s'il y a des avantages à déréglementer, quels sont-ils, et quels sont les désavantages.
Est-ce que nos entreprises ont actuellement accès...? Est-ce qu'il y a des choses que le gouvernement peut faire qui favoriseraient l'émergence d'entreprises canadiennes ou le développement des entreprises canadiennes, sans nécessairement que l'on doive déréglementer et permettre à des capitaux étrangers de venir prendre possession des entreprises canadiennes?
Il ne faut pas que ce soit juste une question de déréglementation. Souvent, les déréglementations permettent à des entreprises d'acheter d'autres entreprises qui, par le fait même, prennent le contrôle. Ensuite, quand il y a un monopole, c'est un peu plus difficile. Cela ne veut pas dire non plus, parce qu'on va chercher de nouveaux capitaux et qu'on déréglemente, que les gens vont avoir accès à un meilleur service.
Hier, nous avons rencontré des gens qui nous ont dit ne pas y être nécessairement favorables. Aujourd'hui, nous rencontrons des gens dont l'opinion est mitigée. Le professeur à son point de vue, une grosse entreprise a son point de vue et l'association a également son point de vue, mais là est la vraie question. Vous ne devriez pas vous gêner pour dire clairement ce que vous pensez, et non pas essayer, comme on le fait souvent, de sauver la chèvre et le chou. C'est important pour nous de savoir ce que l'entreprise canadienne pense clairement dans ce domaine-là.
Est-ce qu'on est capables de développer sans être obligés de déréglementer pour avoir accès à des capitaux étrangers qui, par la suite, viendraient chercher à peu près tout ce qu'il y a de meilleur? Souvent plusieurs petites entreprises canadiennes ont profité d'une déréglementation, d'un marché ouvert pour vendre à très bon prix. Par le fait même, ces entreprises ont été éliminées par la suite parce qu'elles ont été imbriquées dans une plus grande structure, dans un plus grand ensemble.
Il peut y avoir toutes sortes de raisons. Si j'ai une petite entreprise dans laquelle j'ai investi une couple de centaines de milliers de dollars et qui vaut aujourd'hui 6 ou 7 millions de dollars et que quelqu'un m'offre 7 millions de dollars, je vais signer, merci et bonjour. Je me fiche du développement: j'ai fait mon capital. C'est un peu ça. Il faut toujours voir cela dans la stratégie d'innovation.
M. Jean-François Hébert: Dans la réglementation, oui, il y a la notion de l'investissement étranger; c'est une partie de la réglementation. Il y a tout le cadre réglementaire qui va avec. Si on prend l'exemple des petites compagnies, représentées par l'ACTQ, leur existence ou leur rentabilité découle en partie de la réglementation actuelle.
Le CRTC a mis en place ce qu'on appelle aujourd'hui le Fonds de contribution national. Dans le passé, il y a eu d'autres mécanismes réglementaires qui ont fait en sorte de compenser le déficit qui résulte de la fourniture du service local. En territoire rural, c'est difficile de rentabiliser le service quand chaque résidence est très éloignée. Donc, c'est la réglementation qui amène une plus-value et rend profitable la fourniture du service local, par exemple. Si on enlève toute réglementation, c'est sûr que la concurrence totale, si on parle d'un territoire rural, est loin d'être un gage de nouveaux services, de services améliorés et, à certains égards, un gage de service tout court. Donc, la modération peut avoir meilleur goût, si je peux m'exprimer ainsi.
Le système canadien s'est bâti sous forme de monopoles au cours des années un peu partout au Canada, et on ne peut pas dire que les Canadiens ont souffert à cause de ces règles-là. Si on compare la situation canadienne avec ce qui existe ailleurs, on ne peut pas dire qu'on est en arrière. Au contraire, les services que nous avons sont de classe mondiale et à des prix souvent inférieurs même à ceux en vigueur aux États-Unis.
On dit que la concurrence va amener quelque chose de nouveau. C'est vrai, mais on ne peut pas changer la situation du jour au lendemain non plus. C'est dans ce sens-là que des changements pourraient être souhaitables. Mais pourquoi y aller de façon très radicale et vouloir tout changer du jour au lendemain? On peut faire évoluer les choses, mais la réglementation n'est pas nécessairement un gage d'empêchement à l'innovation. Au contraire, à certains égards, elle peut permettre cette innovation.
º (1640)
[Traduction]
Pr Hudson Janisch: J'essaie autant que je peux de dire à mes étudiants de ne pas employer le mot «déréglementation», parce que c'est un mot très trompeur. Le fait est que nous n'avons pas ici dans notre pays, pas plus que ne l'ont fait d'autres pays, tenté de passer subitement d'un monopole à une situation de totale concurrence. Nous avons entamé une période de transition au cours de laquelle les titulaires, comme TELUS, ont volé nos obligations pour subventionner le service en zone rurale ou éloignée. Nous insistons pour dire qu'ils ne passent pas tout leur temps dans les villes, qu'ils assurent bel et bien un soutien extérieur.
Le mot qu'il faudrait sans doute préférer, c'est «libéralisation», avec un petit «l». C'est vraiment ce que nous visons.
Je pense que l'expérience de nombreux pays—tous membres de l'Organisation mondiale du commerce, comme le Canada—montre que bien qu'il n'en résulte pas d'amélioration instantanée, la libéralisation offre davantage de possibilités de concurrencer, de réduire les prix.
Aujourd'hui, au Canada, les consommateurs sont dans une situation bien plus enviable qu'à l'époque du monopole. Les frais d'appel interurbain ont grandement diminué. Il est vrai que les tarifs pour les appels locaux ont légèrement augmenté, mais dans l'ensemble, le consommateur moyen de télécommunications dans le régime libéralisé dont nous nous sommes dotés à l'instar de nombreux autres pays est bien mieux qu'il ne l'était auparavant.
Il me semble donc, par exemple, il n'y a vraiment pas lieu de craindre que la libéralisation signifie infailliblement que les compagnies feront automatiquement l'objet d'une acquisition, surtout par des investisseurs américains. Ce qui s'est passé un peu partout dans le monde devrait nous rassurer quant au fait que des compagnies comme TELUS et Bell Canada sont des compagnies de calibre mondial et qu'il n'y a pas lieu de croire qu'elles feront faillite si elles sont soumises à une plus forte concurrence étrangère.
Je pense qu'elles n'en deviendront que meilleures et plus fortes et que le consommateur y gagnera. C'est ce qu'il faut toujours garder présent à l'esprit.
M. James Peters: Pour ce qui est de TELUS, comme je l'ai dit, nous sommes en faveur d'un assouplissement ou de la suppression des restrictions à la propriété étrangère, sous réserve des deux conditions que j'ai exposées.
En somme, je pense qu'on essaie de s'en tenir à la réalité. C'est-à-dire que je ne pense pas que si l'on supprimait aujourd'hui les règles régissant la propriété étrangère cela aiderait le moindrement Call-Net... la compagnie autrefois connue sous le nom de AT&T Canada. Elle ne pourra pas recueillir des capitaux aux États-Unis. Elle ne pourra pas en recueillir au Canada. Son plan d'affaires lui pose d'importants défis. Ce qui intéresse les actionnaires d'AT&T Canada, c'est de savoir qui c'est? Ce sont les détenteurs d'obligations. Ils ne sont pas là pour longtemps.
De ce point de vue, je ne pense pas que cela pose pour eux une question d'accès au capital; je pense que c'est un acheteur potentiel pour ces types de compagnies.
C'est pourquoi je ne pense pas qu'à court et à moyen termes l'assouplissement des règles régissant la propriété étrangère ait le moindre effet sur ces compagnies. À long terme, en principe, l'accès à ces bassins de capitaux aura un effet positif net, sous réserve de l'équilibre à conserver dont j'ai parlé plutôt au sujet de certaines autres questions.
Le président: Merci.
Je donne maintenant la parole à Mme Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est du consommateur, du coût et de l'accès, nous avons entendu au début de la semaine un témoignage où l'on nous disait que l'ouverture des marchés aux capitaux étrangers ne changerait rien à la concurrence tant que les titulaires ne mettraient pas fin à leurs pratiques d'obstruction de la concurrence. Ils préservent ainsi leur monopole en imposant des exigences d'infrastructure inutiles en échange de l'utilisation des poteaux et des stations de commutation. Et ce ne sont pas que les compagnies de télécommunications; ce sont aussi les compagnies de câblodistribution, et Hydro One ici en Ontario. Ces nouveaux venus et les coopératives locales sont disposés à desservir les communautés rurales alors que les grandes entreprises de télécommunications s'y refusent carrément.
Qu'avez-vous à dire au sujet de ces préoccupations et de ces allégations?
º (1645)
M. James Peters: Je dirais tout d'abord que TELUS ne refuse pas de les desservir. Nous avons une obligation de service dont nous ne pouvons nous départir.
Le CRTC a récemment rendu une décision selon laquelle, dans le cas des gens dans les communautés éloignées, c'est au consommateur de payer la première tranche de 1 000 $ des premiers 25 000 $ qu'il faut dépenser pour servir cette communauté. TELUS se voit donc obligée de payer des frais de 24 000 $ pour un seul consommateur. Faites vous-même le calcul: il n'y a aucun moyen pour TELUS de récupérer ces 24 000 $, même si le coût du capital est attrayant. Je n'accepterais donc pas que TELUS, ni aucune des autres compagnies qui ont une obligation de service, soit...
En cas de non-respect de cette obligation, le CRTC a l'autorité voulue pour prendre des mesures propres à assurer l'observation de ses règlements et directives.
Quant aux concurrents des exploitants de centraux urbains, s'ils nous jugent récalcitrants ou rebelles à la concurrence, ils peuvent non seulement recourir au CRTC mais aussi s'adresser au Tribunal de la concurrence et exiger des comptes si en réalité nous agissons de façon anticoncurrentielle.
Mme Cheryl Gallant: Ai-je épuisé mes cinq minutes, monsieur le président?
Le président: Non, vous pouvez poursuivre.
Pr Hudson Janisch: Puis-je intervenir, monsieur le président?
Le président: Oui.
Pr Hudson Janisch: Quand nous parlons du maintien de monopoles dans les télécommunications au Canada, il est très important de nous rappeler que le monopole ne porte que sur les appels locaux. C'est-à-dire que si nous examinons dans son ensemble le marché canadien des télécommunications—si nous pensons aux services sans fil, aux interurbains, aux fournisseurs de services Internet et à l'international—, il y a de très importants pans du marché canadien des télécommunications qui sont extrêmement concurrentiels.
Il m'arrive parfois de me dire que ceux qui ne sont pas parvenus à s'imposer sur le marché ont tendance à dire: «Eh bien, regardez le monopole des grosses compagnies de téléphone». Cependant ils se sont emparés d'une part très importante du marché dans des secteurs autres que les appels locaux.
Ce qui me ramène à la réponse que j'ai donnée à la question précédente, à savoir que je suis tout à fait persuadé, parce que j'oeuvre dans ce secteur depuis d'innombrables années, qu'il existe une technologie déstabilisatrice et très destructrice—et je suis désolé de dire cela devant M. Peters parce qu'il sera peut-être un peu alarmé par mes propos—qui aura un terrible effet paralysant sur le réseau local à câblage de cuivre que possèdent les compagnies de téléphone.
Autrement dit, les nouvelles technologies, qu'on parle de téléphone Internet qui nous arrivera sous peu, ou de radiotéléphonie, vont miner ce monopole. Franchement, si je devais investir maintenant, je n'investirais pas dans un monopole, parce que ce dernier est très menacé. Je suis donc peut-être un peu optimiste quant à l'incidence de la concurrence que ne le laissait supposer la question, si importante soit-elle.
Mme Cheryl Gallant: Très bien.
Monsieur Peters, l'élimination de l'impôt sur le capital stimulerait-elle davantage l'investissement de capitaux?
M. James Peters: Oui. TELUS a été un ardent partisan de l'élimination de l'impôt sur le capital. Nous n'en voyons pas vraiment l'utilité.
Mme Cheryl Gallant: Très bien.
Monsieur Janisch, le ministre de l'Industrie a annoncé qu'il consacrerait des centaines de millions de dollars au développement de la fibre optique, et à l'établissement de l'infrastructure dans les collectivités rurales. Quelle serait à votre avis la meilleure façon d'utiliser ces fonds?
Pr Hudson Janisch: C'est une question très difficile parce que je pense que c'est ce qui lie chacun d'entre nous ici présents. Je suis tout à fait convaincu que le développement des télécommunications rurales proviendra de la base et non de haut en bas, et que ce que le gouvernement est en train de faire—et je considère certaines des initiatives que prend le gouvernement extrêmement importantes, et un certain nombre de provinces dont l'Alberta sont en train de prendre des initiatives semblables tout aussi importantes—, c'est de créer un point de contact avec la nouvelle technologie, puis d'encourager les gens au niveau local, les partisans locaux de l'infrastructure téléphonique existante de base, à s'y raccorder.
Je crois que compte tenu des circonstances qui existent à l'heure actuelle, on peut vraiment en avoir pour son argent si on ne se contente pas de subventionner la promotion de l'utilisation d'Internet, mais que l'on offre la possibilité pour ceux qui ont besoin d'Internet dans leur entreprise en milieu rural d'avoir accès à un point de présence, où ils peuvent alors se raccorder aux services diversifiés. Je considère en fait qu'Industrie Canada fait du très bon travail. Je trouve aussi que le gouvernement de l'Alberta fait du très bon travail à cet égard. Je considère que cela va très bien nous servir.
º (1650)
Mme Cheryl Gallant: Très bien.
Monsieur Hébert, d'autres témoins nous ont indiqué que l'augmentation des capitaux étrangers entraînera naturellement un service accru aux collectivités qui n'ont même pas de service câblé pour l'instant.
Dans votre témoignage, vous avez indiqué qu'à cet égard les Canadiens des régions rurales et isolées ne bénéficieront pas forcément d'un service de base amélioré simplement par l'augmentation de l'investissement de capitaux étrangers. Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions à cet égard?
M. Jean-François Hébert: S'il n'y a pas d'investissement local, pourquoi y aurait-il un investissement étranger dans ces territoires? C'est la question qui se pose. Il est très difficile de fournir des services profitables dans les territoires donc pourquoi les investisseurs étrangers seraient-ils intéressés à y investir?
Mme Cheryl Gallant: Considérez-vous que l'élimination de l'impôt sur le capital stimulerait davantage l'investissement de capitaux en général?
M. Jean-François Hébert: Je dirais que oui, mais on a besoin d'investissements. On a besoin de personnes qui investissent dans ces territoires. Autrement, que l'on parle d'impôt ou de quoi que ce soit d'autre...
Mme Cheryl Gallant: Donc, essentiellement, il appartient aux communautés locales de s'assurer qu'elles ont accès au système de fibre optique ou de quoi que ce soit parce qu'il n'est absolument pas dans l'intérêt véritable des principaux distributeurs de leur fournir ce service?
M. Jean-François Hébert: Je ne dirais pas dans leur intérêt véritable, mais cela ne serait peut-être pas lucratif pour eux. Donc, à ce stade cela ne présente aucun intérêt pour eux.
Mme Cheryl Gallant: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, merci pour vos exposés. Monsieur Janisch, monsieur Peters, monsieur Hébert et monsieur Désy, c'était très intéressant.
J'aimerais revenir à certains des commentaires formulés et aux questions de mes collègues. Je crois que certains d'entre nous sont pleins d'appréhensions simplement parce qu'on traite de productivité et d'innovation. Les promesses de l'investissement étranger, bien sûr, et de la libéralisation des échanges pourraient nous porter à croire que le monde entier se précipitera à nos portes. Mais comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Janisch, comme le Canada dispose de toute une gamme de choix, d'options, est-il vraiment probable que quelqu'un vienne ici refaire ce qu'ont déjà fait TELUS et Bell, dans leur domaine, du moins?
Par ailleurs, quel pourrait être l'avantage, si ces acquisitions ont lieu, quand on parle de contrôle... S'il n'y a pas, par exemple, des prises de contrôle des sociétés existantes, qui autrement pourraient procéder à des fusions, et si des transferts technologiques se faisaient vers l'étranger? Par le passé, y compris dans les cas de Clearnet et TELUS, le Canada s'était trouvé un créneau dans un ou deux secteurs des technologies nouvelles et de l'avenir; est-il possible maintenant qu'une ouverture du marché cause une stagnation? C'est-à-dire que le Canada ne serait plus à l'avant-garde et sans pour autant perdre du terrain, deviendrait un rancart pour les occasions, plutôt que le terrain fertile pour les nouvelles idées, les nouvelles technologies et les nouveaux investissements. Comme dans bien d'autres secteurs, le Canada deviendrait le pays des bûcherons et des porteurs d'eau.
Pr Hudson Janisch: Je crois que cette description n'est aucunement applicable au secteur des télécommunications au Canada. Je ne vois pas pourquoi les investissements étrangers n'élargiraient pas la base en offrant de meilleures occasions aux entreprises de télécommunications du Canada, ce qui serait au bout du compte avantageux pour les consommateurs.
Revenons à un thème qui émerge de ces discussions. Compte tenu de la présence imposante des sociétés de téléphone titulaires, dans un sens, il faut reconnaître que l'investissement étranger ne pourra qu'être propice à un marché plus dynamique et concurrentiel, qui offrira une plus grande variété de services aux Canadiens et qui tirera partie des tendances de la convergence, par exemple.
Je crois que M. Rogers, de Rogers Telecommunications ou Rogers Cable a maintes fois répété qu'à long terme, il y aura convergence entre le secteur du câble et le secteur de la téléphonie traditionnelle, qu'il stimulera en lui présentant des défis. Ce sera extrêmement coûteux et nécessitera des injections de capitaux dépassant la capacité actuelle des sociétés canadiennes.
Je suis donc plus positif à ce sujet que vous ne le croiriez, parce que comme on l'a vu dans de nombreux pays dont nous pourrions vous parler, l'avantage de l'investissement étranger, c'est qu'il améliore la qualité des services sans causer la stagnation et la mise au rancart que vous craignez.
º (1655)
M. Dan McTeague: Monsieur Janisch, voilà qui est intéressant mais, par exemple, dans le cas de Rogers, nous savons ce qu'ils feraient de leurs dépenses en immobilisations pour le financement de Bell Canada, ayant accès à des fonds publics. Nous avons déjà dans les secteurs urbains une gamme de moyens technologiques. Mais du point de vue de la productivité et de l'innovation, n'entrevoyez-vous pas la possibilité que dans ce brave nouveau monde le Canada n'ait plus la capacité d'investir ou la propension à le faire de lui-même et serait porté à simplement emprunter des technologies d'ailleurs dans le monde, pour maintenir son niveau de vie ou ses normes technologiques, pour être conforme à ce qui se passe ailleurs? Alors, pour tout détenteur d'une nouvelle technologie en Australie, en Finlande ou ailleurs, il sera plus simple d'apporter le produit ici, plutôt que d'investir massivement au Canada, n'est-ce pas?
Pr Hudson Janisch: Prenez le cas de Nortel. Nortel est en grandes difficultés financières en ce moment, mais Nortel reste une société de prestige. Elle a connu beaucoup de succès dans ses entreprises un peu partout dans le monde. Lorsque je vais en Chine, je n'ai qu'à mentionner Nortel pour qu'on me réponde «Canada». Tout le monde là-bas connaît Nortel.
Les sociétés de télécommunications canadiennes sont à l'avant-garde et je crois qu'elles peuvent y rester. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre qu'une infusion de capital étranger érode la capacité des entreprises canadiennes. Elles resteront novatrices, je dirais même qu'elles deviendront plus novatrices si elles deviennent des entreprises mondiales.
C'est pour moi un prétexte peu crédible. Je suis toujours frappé, lorsque je voyage, par les pays qui ont ouvert leurs marchés aux investissements. À mes yeux, cela prouve que ces autres pays ont plus confiance en eux que nous.
Si j'ose me permettre, votre question semble sous-entendre un très grand manque de confiance dans le Canada et dans les capacités canadiennes.
M. Dan McTeague: Monsieur Janisch, c'est que, dans le passé, certains ont prétendu que les investissements devraient servir à des fusions et non pas à la capitalisation, et cela inquiète certains d'entre nous.
Vous avez donné l'exemple de Nortel, et c'est un exemple intéressant, mais il s'agit d'un arrangement qui existe déjà.
Sans vouloir faire montre de défaitisme, je crois que nous devons nous poser ces questions. Manifestement, le Parlement et les organismes de réglementation se sont acquittés de leurs responsabilités dans le passé pour garantir aux Canadiens un service optimal. C'est ce qu'ont les Canadiens actuellement, mais il y a toujours place à l'amélioration.
Certains prétendent toutefois que, dans le secteur des télécommunications, la productivité et l'innovation ne suffisent pas, et que les investissements étrangers sont la panacée. Certains d'entre nous estiment qu'il faut aller un peu plus loin.
Pr Hudson Janisch: J'aimerais revenir à ce à quoi je voulais en venir dans mon exposé: je ne crois pas que les investissements étrangers excluent la réglementation. Il n'y a pas de raison de croire que les étrangers qui investissent au Canada n'auront pas à se conformer aux lois canadiennes. Je l'ai déjà dit, bon nombre de nos objectifs peuvent être atteints plus efficacement par le biais de la réglementation plutôt que de la restriction des investissements étrangers.
Le président: Vous avez le temps de poser encore une question.
M. Dan McTeague: Monsieur Janisch, vous avez parlé du potentiel de la réglementation, mais aussi de la concurrence. C'est une remarque qui m'a beaucoup plu.
Notre comité s'inquiète de voir des sociétés invoquer l'efficience comme moyen de défense. On l'a invoquée dans d'autres secteurs pour obtenir des fusions, quand on a pu prouver que cela entraînerait des gains d'efficience qui, toutefois, ne sont pas toujours dans l'intérêt des consommateurs.
Est-ce que l'emploi des mots «contrôle» et «propriété» ne vous préoccupe pas s'agissant d'investissement étranger direct?
» (1700)
Pr Hudson Janisch: Les règles actuelles me préoccupent, en ce sens que lorsque les avocats attestent qu'il y a contrôle canadien continu, ils ne se croisent pas les doigts derrière le dos. Je crains malheureusement de devoir reconnaître que ce sont dans bien des cas mes anciens étudiants. Bon nombre de mes étudiants sont actifs dans ce domaine.
Des voix: Oh, oh!
Pr Hudson Janisch: J'ai bien peur que cela soit devenu une simple formalité et non pas une véritable attestation.
Pour revenir à mes remarques liminaires encore une fois, j'aimerais que nous examinions le secteur des télécommunications dans le contexte plus large de l'investissement au Canada. Nous voulons bien sûr voir quel est l'avantage net des grands investissements dans tous les secteurs, y compris celui des télécommunications, et Investissement Canada pourrait se pencher sur cette question.
Je ne prétends pas qu'il faille faire en sorte que tout soit permis. J'estime qu'il faut des contrôles serrés et des engagements clairs relativement aux sièges sociaux, aux emplois au Canada, etc. Je ne suis pas de ceux qui voudraient donner carte blanche aux investisseurs étrangers.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Crête, avez-vous des questions?
M. Paul Crête: Non.
Le président: Monsieur Normand.
[Français]
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Après trois jours ici, ce qui me frappe, c'est que tout le monde nous a dit qu'on n'était pas contre la déréglementation. Par contre, on suggère d'y aller mollo dans cette déréglementation des investissements étrangers, mais que cette déréglementation n'amènera rien de nouveau au niveau de l'innovation et n'améliorera pas les services aux Canadiens. Alors, je pense que premièrement, il va falloir réajuster notre tir sur ce qu'on est en train de faire, monsieur le président.
Deuxièmement, je suis très intrigué par vos petites compagnies, monsieur Hébert. J'aimerais que vous m'en nommiez quelques-unes pour voir où elles sont situées au Québec et comment ça fonctionne, parce que ce n'est pas la rentabilité qui a donné naissance à ces compagnies-là, ce sont probablement les coopératives locales.
Cela m'amène à cette question. Nous sommes desservis par TELUS, et je n'ai pas un mot à dire, nous sommes est très bien desservis. Je sais qu'ils ont fait de gros efforts. Par contre, à mon bureau, j'ai Internet haute vitesse et à ma maison, six kilomètres plus loin, je ne l'ai pas. Je suis donc obligé d'aller au bureau pour travailler sur Internet haute vitesse. C'est un peu un non-sens parce qu'on dit qu'on veut aider les gens à travailler chez eux. J'aimerais avoir une idée de la manière dont le gouvernement pourrait intervenir, dans cette optique-là, pour augmenter et l'innovation et le service aux citoyens.
Je retiens ce que M. Janisch a dit aussi plus tôt: il ne faudrait pas doubler les services. Si on est mieux desservis par le «wireless», on va aller avec le «wireless». Si on est mieux desservis par le «wireline», on va aller avec le «wireline». Mais, il faut que les Canadiens soient desservis, peu importe la communauté. Je ne sais pas. J'ai besoin d'éclaircissements là-dessus.
Je voudrais poser une question directe à M. Janisch. Lorsque j'étais ministre des Sciences, j'ai dirigé plusieurs délégations à l'étranger, particulièrement dans le domaine des communications, et des investissements importants ont été faits par plusieurs compagnies canadiennes. Vos recherches vous permettent-elles de connaître le nombre de compagnies canadiennes qui ont investi dans les pays étrangers? Si oui, dans quels pays en particulier, et quels montants cela peut-il représenter? Merci.
M. Serge Désy: D'abord, pour vous situer concernant les compagnies indépendantes du Québec, je vous dirai qu'il y en a 13 au Québec et 19 en Ontario. Donc, on n'est pas seuls. Pour vous en nommer quelques-unes au Québec, il y a Sogetel, qui est dans le coin de Nicolet; Warwick Telephone, dans la région où on fait du fromage. On voit tout cela à la télévision. Il y a aussi des petites compagnies, aussi petites que Téléphone Nantes, dans le bout de Lac-Mégantic; Téléphone Milot, en Mauricie; la coopérative CoopTel, dans le coin de Sherbrooke. Donc, ce sont toutes des petites compagnies qui sont réparties dans des pochettes du territoire du Québec, là où les grosses compagnies titulaires--pour ne pas la nommer, disons Bell--n'ont pas, au tout début des années 1900, offert la téléphonie. Donc, ce sont des petites compagnies qui se sont regroupées, soit sous forme de coopératives ou même sous forme de groupes privés, et qui ont créé les compagnies. Il ne faut pas oublier que ces compagnies-là, si petites soient-elles, ont la même sorte d'investissements en matière de technologie de pointe très poussée que les grosses compagnies titulaires, comme TELUS, Bell et les autres.
Pourquoi les petites compagnies offrent-elles ces services-là? Disons d'abord que l'investissement provient de leur opération. L'opération, même si on parle d'un fonds national qui couvre la partie du téléphone local, on ne peut pas dire que c'est le fonds qui fait en sorte que les compagnies investissent. Les compagnies, plus souvent qu'autrement, ne sont pas associées mais se parlent beaucoup, mettent parfois des projets en commun, des réseaux en commun. Elles sont technologiquement positionnées en termes de fibre optique et d'équipement d'autocommutateurs, et offrent ces services-là.
Pour répondre à votre question, à savoir ce que ça prendrait pour que vous puissiez l'avoir six kilomètres plus loin, je crois que pour donner ces services avancés à toutes les communautés, autant sur le territoire de Bell que sur celui de TELUS où les populations sont denses ou dans les populations d'un même territoire desservi où il y a une petite densité de population, il faudrait que le CRTC ait une réglementation stricte en ce sens. Par contre, pour subvenir à ces investissements-là, il faudrait qu'un système de péréquation soit établi ou un système de contributions comme le fonds national, où tout le monde participerait pour pouvoir défrayer ces coûts de services, parce que, à mon avis, même si on enlève ou pas les restrictions à l'investissement étranger, l'investisseur étranger, lui, ne sera préoccupé que par une seule chose, la rentabilité. Si ce n'est pas rentable, il n'investira pas.
Donc, si le CRTC met une réglementation de sorte qu'on doive fournir ces services-là par une aide quelconque, qui pourrait être de même sorte que le fonds national qui existe actuellement, pour compenser les pertes du service local, je crois que c'est une option qui ferait en sorte que tous les Canadiens, autant dans le service rural qu'urbain, pourraient avoir accès à ces services-là.
» (1705)
M. Jean-François Hébert: En terminant, pour reprendre votre exemple lorsque vous dites que vous avez Internet haute vitesse à votre bureau, mais pas chez vous, à six kilomètres plus loin, je vous dirais que lorsqu'un membre du conseil d'administration habite dans le rang 2 ou 3 et qu'il n'a pas l'Internet haute vitesse, ça ne prend pas longtemps avant qu'une pression soit exercée sur la compagnie pour qu'elle répartisse davantage son réseau de fibre optique. Alors, la volonté est là.
Une voix: Et si c'est un député?
M. Gilbert Normand: On va demander au gouvernement d'investir là-dedans!
[Traduction]
Pr Hudson Janisch: Permettez-moi de répondre à la question au sujet des investissements à l'étranger, une question très sérieuse. Si c'est une question sérieuse, c'est que du point de vue de l'équipement, le Canada a obtenu de belles réussites à l'étranger. Malgré tous les ennuis qui accablent actuellement Nortel, cette société va retomber sur ses pieds et être à nouveau très prospère.
Par contre, les résultats du Canada sont très décevants pour ce qui est de pénétrer les marchés pour offrir des services de télécommunications concurrentiels plutôt que de l'équipement. Le drame, c'est que Bell Canada International, BCI, n'a pas réussi à pénétrer le marché sud-américain.
À une certaine époque, BCI, qui faisait partie de BCE—dont elle est en train de se retirer—avait acquis une part très intéressante des marchés d'Amérique du Sud. Mais comme nous le savons, la situation financière de l'Amérique du Sud s'est révélée très instable et BCI a dû se retirer. À vrai dire, BCI a failli se retirer complètement du marché international.
Mais c'est une bonne question, une question qu'il faudrait peut-être poser à l'inverse pour demander pourquoi les entreprises canadiennes ne se montrent-elles pas plus aventureuses à l'étranger. D'après notre expérience, c'est peut-être parce que nous ne sommes pas suffisamment exposés au véritable caractère international des télécommunications modernes.
C'est une question qui devrait nous préoccuper et qui, d'une façon générale, préoccupe votre comité. C'est une excellente question.
» (1710)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Gilbert Normand: Juste pour conclure, vous dites qu'il faut d'abord briller chez soi avant d'être une étoile au firmament, n'est-ce pas?
Pr Hudson Janisch: C'est exact. Un économiste américain très célèbre a dit la même chose, mais avec beaucoup moins d'élégance que vous. Michael Porter a dit qu'il faut d'abord être concurrentiel sur le marché national avant de s'aventurer sur les marchés internationaux.
C'est exactement ce que vous avez dit, mais vous l'avez fait avec plus d'éloquence.
Le président: Monsieur St. Denis, vous allez devoir faire preuve de virtuosité, compte tenu de ces dernières citations. Je vous laisse la parole.
Des voix: Oh, oh!
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci également à nos témoins. Vous nous avez donné l'occasion d'une discussion très stimulante. Nous nous rendons tous compte maintenant que même si notre sujet était à l'origine les règles applicables à la propriété étrangère, ce n'est qu'une entrée en matière ou un prétexte à discuter bien d'autres choses.
J'aimerais avoir une bonne idée de la situation au Canada à l'heure actuelle afin que nous sachions à quoi nous attendre. Les témoins pourraient-ils me dire si on peut décrire l'histoire de l'évolution des télécommunications au Canada comme une suite d'énormes erreurs qui nous ont amenés là où nous en sommes? Ou s'agit-il tout simplement d'une évolution naturelle de...?
Chaque pays a son point de départ, j'en suis sûr, dans son histoire des télécommunications. Dans certains pays d'Afrique, par exemple, les téléphones cellulaires sont ce point de départ. Nous, nous avons commencé avec le fil métallique.
Pourrait-on dire que nous essayons maintenant de réparer les erreurs du passé ou sommes-nous tout simplement à un moment de notre évolution naturelle et devons-nous examiner ce qu'il convient de faire pour progresser?
N'importe lequel d'entre vous peut répondre à cette question.
M. James Peters: J'ai l'impression pour ma part que les télécommunications au Canada ont remporté un énorme succès. Si l'on se fie aux statistiques sur la pénétration de l'accès à haute vitesse, seule la Corée a un taux plus élevé d'accès Internet à haute vitesse. Comparativement à d'autres marchés, le degré de pénétration est très élevé au Canada. Le prix est très faible et la qualité est très bonne. L'innovation est extrêmement positive.
À mon avis, nous sommes tout à fait à une étape de notre évolution et notre assise est excellente. Certaines sociétés ont échoué et ont des problèmes financiers, mais si vous regardez la situation ailleurs dans le monde, vous verrez que certaines entreprises de télécommunications ont d'énormes problèmes financiers. Chez TELUS, nous avons traversé une situation difficile l'été dernier, lorsqu'une des quatre agences de cotation a révisé à la baisse notre cote de solvabilité. Les grandes entreprises ne sont pas exemptées de ce genre de problèmes.
Je suis donc très optimiste quant au rendement des entreprises canadiennes, comparativement à toutes les autres entreprises au monde. C'est vraiment une question d'évolution.
Voilà ce que j'en pense.
M. Jean-François Hébert: C'est une erreur, mais une très belle erreur puisque cela fonctionne.
Pr Hudson Janisch: C'est difficile de dire qu'une chose est une erreur, puisque nous n'avons pas le recul nécessaire pour cela. Cela dit, j'ai justement parlé hier à mes étudiants des changements fantastiques qui se produisent en Chine, et on se rend compte que les nouvelles technologies présentent des avantages. Tout d'abord, la Chine compte 160 millions d'abonnés à son système de radio cellulaire. C'est le plus vaste réseau de radio cellulaire au monde, un réseau beaucoup plus important que celui des États-Unis. Également, le réseau de téléphonie conventionnelle de la Chine sera bientôt le plus grand au monde, ce qui montre qu'on ne se fie pas exclusivement au service sans fil. Mais ce qui est extraordinaire, en Chine, c'est qu'on y a fait un investissement massif dans le téléphone Internet. Cela signifie que la Chine s'est écartée complètement des télécommunications traditionnelles à commutation de circuit pour adopter un réseau téléphonique sans commutation qui, d'après les ingénieurs, est beaucoup plus perfectionné.
D'une certaine façon, les pays industrialisés sont désavantagés parce qu'ils ont mis au point des technologies qui se sont ensuite stabilisées, alors que les pays en développement, surtout les plus dynamiques comme la Chine, peuvent bénéficier d'une nouvelle vague technologique.
Par contre, si l'on regarde de plus près ce qui se fait en Chine et si l'on tient compte de la taille de ce pays, on voit qu'il y a là également d'immenses problèmes. Je ne suis pas assez naïf pour dire que la Chine possède toutes les réponses.
» (1715)
M. Brent St. Denis: Merci beaucoup. Cela nous aide.
J'aimerais maintenant passer à quelque chose que vous avez mentionné tous les deux, monsieur Peters et monsieur Janisch. J'invite également M. Hébert à faire ses observations. Il s'agit de la question de l'OMC. Comment pouvez-vous nous aider à situer notre discussion actuelle dans le contexte de l'OMC? Existe-t-il un quelconque rapport avec ce qui se fait à l'OMC? Il y en a un à mon avis, car vous l'avez mentionné, monsieur Peters. Pourriez-vous nous aider à faire ce lien afin que nos questions et notre réflexion ne soient pas faussées?
Pr Hudson Janisch: Je vais essayer. Auparavant, l'OMC s'occupait principalement du commerce des marchandises. Elle est maintenant passée au commerce des services, et les télécommunications ont été traitées comme n'importe quel autre service. Les membres de l'OMC ont accepté de libéraliser les régimes de télécommunications dans tous les pays du monde et d'ouvrir leurs marchés à la concurrence. C'est tout à fait étonnant, à mon avis, car il y a dix ans à peine nous avions des monopoles et nous n'avions aucune possibilité d'offrir des services concurrentiels dans d'autres pays. L'OMC a donc favorisé un climat beaucoup plus libéral et beaucoup plus concurrentiel sur le marché.
Par contre, l'OMC n'impose pas de règles en matière de propriété étrangère. Elle permet à des pays comme le Canada de limiter l'investissement étranger. Cet investissement a été limité à 47 p. 100 au Canada. Dans d'autres pays, les marchés ont été entièrement ouverts, comme vous pouvez le voir dans la liste que les fonctionnaires d'Industrie Canada nous ont fournie. Je suis encore étonné néanmoins par la rapidité de l'évolution actuelle. Je vais reprendre l'exemple de la Chine—je prie le comité de m'en excuser, mais c'est un sujet qui me tient à coeur—, qui s'est engagée à ouvrir tous ses marchés de télécommunications au même niveau d'investissement que le Canada d'ici deux ans. Même un pays aussi limitatif et aussi rigide que la Chine a ouvert ses marchés.
Il me semble donc important que nous ne nous écartions pas trop de ce que font les autres membres de l'OMC—et c'est d'ailleurs une des choses que les hauts fonctionnaires du ministère ont rappelé au comité au début de ses audiences. Cela ne signifie pas que l'OMC vous oblige à ouvrir le marché. Cela signifie par contre qu'il faut suivre la tendance du marché international et l'évolution vers l'ouverture des marchés.
C'est de cette façon que l'OMC doit être prise en compte: ce n'est pas tant un document juridique exécutoire que l'indice d'une tendance générale vers la libéralisation des marchés et la concurrence partout dans le monde.
Le président: Monsieur Peters, avez-vous une observation à faire?
M. James Peters: J'ajouterai seulement que pour nous, vu les pressions qu'exercent nos partenaires commerciaux, si on veut réduire les limites à la propriété étrangère, le Canada aura un atout en main dans ses négociations sur d'autres questions, parce que toutes ces questions sont rarement isolées. Il y a toujours un lien avec autre chose, et le Canada pourrait peut-être en profiter.
Le président: Monsieur Hébert, vous avez une observation?
M. Jean-François Hébert: Je n'ai rien à ajouter.
Le président: Merci beaucoup, monsieur St. Denis.
Monsieur Bagnell, vous aviez une petite question à poser.
M. Larry Bagnell: Oui.
Monsieur Janisch, puisque vous avez été si dur avec mon timide collègue, M. McTeague, permettez-moi de revenir sur le même sujet—en gros, le fait que des sociétés américaines pourraient s'approprier de bonnes sociétés canadiennes, qui ne seraient plus que de petites filiales de grandes multinationales, perdant ainsi leur capacité de se gérer, de faire de la recherche, etc.
Ma question s'adresse également à M. Peters, puisque toutes les décisions sont interreliées, je voudrais m'attacher plus particulièrement à la recherche. Comment se compare le Canada aux États-Unis pour ce qui est des mesures relatives à la recherche dans le domaine des télécommunications, par exemple, la capacité d'obtenir des fonds pour la recherche, des crédits d'impôt, etc.? La situation fait-elle en sorte que si les Américains achetaient une société, ils pourraient transférer cette partie de la société aux États-Unis?
» (1720)
Pr Hudson Janisch: M. Peters est peut-être mieux que moi en mesure de vous fournir des détails en réponse à la dernière partie de votre question.
Permettez-moi de situer ma réponse dans un contexte plus général. Il y a quelques années, Nortel appartenait à Bell Canada, ou BCE. On était alors convaincu que si on autorisait des investissements étrangers chez BCE, nous perdrions le contrôle de la technologie mise au point au Canada. À cette époque, c'était une question grave, mais n'oubliez pas—et il est très important que le comité garde cet élément à l'esprit—qu'on a décidé il y a quelques années de scinder Nortel de BCE de façon à ce que les limites imposées en matière de télécommunications ne puissent pas s'appliquer à Nortel. Nortel est assujettie à la Loi sur Investissement Canada. Ce qu'il faut se demander, c'est si les mesures de protection enchâssées dans la Loi sur Investissement Canada sont suffisamment rigoureuses pour éviter ce que vous craignez, c'est-à-dire qu'il y ait un exode des cerveaux.
Comme vous le savez, compte tenu de ses récents problèmes, Nortel a en fait employé plus d'experts au Canada qu'aux États-Unis. Autrement dit, si vous regardez objectivement la façon dont Nortel s'est structurée, une partie bien plus grande de la société est demeurée à Ottawa qu'il n'en est allé à Orlando. C'est donc très encourageant.
Mais pour ce qui est de savoir si les fabricants ou les sociétés de télécommunications américaines reçoivent davantage d'appui de leur gouvernement que les sociétés canadiennes, d'autres seraient mieux en mesure que moi de répondre à cette question.
M. James Peters: Hélas, Hudson, ce ne sera pas moi, car mon expérience ne me permet pas de faire des observations quant à la comparaison entre les deux. Toutefois, je crois qu'Industrie Canada pourrait obtenir les renseignements qui répondraient à votre question.
Pr Hudson Janisch: Permettez-moi d'insister sur le fait que la recherche et le développement ne sont pas le grand problème de l'investissement dans les télécommunications. Il est vrai que les sociétés de télécommunications doivent adapter des technologies, mais les experts de la technologie se trouvent dans les sociétés d'équipement, qui elles ne sont pas assujetties aux règlements de la Loi sur les télécommunications.
Le président: Une autre brève question, puis le président posera lui aussi une question.
M. Larry Bagnell: J'ai une petite question pour M. Janisch.
Le Canada semble avoir un problème de concurrence. Nous avons résolu ce problème dans le cas de l'interurbain, mais il y a encore des problèmes de monopole pour ce qui est des appels locaux. Cela n'aide pas beaucoup les gens, plus particulièrement les pauvres et ceux qui ont besoin de ce service pour des raisons d'urgence. Comment peut-on résoudre ce problème?
Pr Hudson Janisch: Si nous le souhaitons, nous pourrions nous assurer de donner des subventions qui visent expressément les personnes dont les moyens financiers sont limités. Autrement dit, on pourrait mettre au point un tarif spécial—on en a déjà discuté au Canada et cela s'applique dans certaines parties des États-Unis—afin que les personnes dont les moyens financiers sont limités puissent avoir un service minimal. C'est l'expression qu'on utilise. Pour ma part, j'estime que même si le tarif des appels locaux a augmenté, le service de téléphonie local nous permet d'appeler environ un million de personnes pour un prix équivalant à deux caisses de 12 bouteilles de bière. En fait, au Canada, le service téléphonique de base est une véritable aubaine. Compte tenu de ce que vous pouvez appeler un million d'abonnés dans la région de Toronto, cela veut dire que vous en avez vraiment pour les 23 $ ou 25 $ par mois que vous payez.
C'est ma façon de voir cela.
Le président: Y a-t-il d'autres observations?
Merci, monsieur Bagnell.
Permettez-moi de poser deux petites questions avant de conclure. Dans quelle mesure les écarts dans les niveaux d'investissement peuvent-ils être attribués aux limites de l'investissement étranger que nous appliquons maintenant? Quelqu'un peut-il nous en donner une idée? Ces limites ont-elles inhibé le travail des entreprises, et si oui, dans quelle mesure?
» (1725)
M. James Peters: TELUS n'a pas été touchée par les limites aux investissements étrangers. L'année dernière, TELUS a obtenu un refinancement de 9,3 milliards de dollars de son crédit.
Nous avons pu faire l'acquisition de Clearnet, qui a elle-même pu obtenir 3,3 milliards de dollars. Nous avons pu continuer de respecter les limites à la propriété étrangère grâce à deux types d'actions, des actions avec droit de vote et des actions sans droit de vote. À l'heure actuelle, nous ne sommes plus inscrits à la Bourse de New York que pour nos actions sans droit de vote.
Nous croyons donc qu'il existe des mécanismes qui nous sont favorables, même si notre situation est différente compte tenu de nos mouvements de trésorerie élevés et de notre excédent brut d'exploitation, qui nous permettent de voir ce qui rapporte. Notre situation est différente, mais à notre avis, ces limites n'ont pas eu d'effet négatif pour nous.
Le président: Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous avons tous eu une discussion très intéressante. Merci à M. Désy et à M. Hébert, des petites sociétés de télécommunications, et à M. Peters, de TELUS.
Monsieur Janisch, vous ne vous en tirerez pas à si bon compte. Cet après-midi, ce sont les députés qui étaient vos étudiants. À titre de président de ce comité, je vais vous demander de leur donner des points en fonction de leurs questions.
Des voix: Oh, oh|
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.