INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 février 2003
¹ | 1535 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. François Ménard (directeur des projets, Télécommunications, « XIT Telecom ») |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Jean Sébastien (analyste en télécommunications, Union des consommateurs) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne) |
M. François Ménard |
Mme Cheryl Gallant |
M. François Ménard |
º | 1605 |
Mme Cheryl Gallant |
M. François Ménard |
º | 1610 |
Mme Cheryl Gallant |
M. François Ménard |
º | 1615 |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. François Ménard |
M. Brent St. Denis |
º | 1620 |
M. Jean Sébastien |
º | 1625 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
M. François Ménard |
º | 1630 |
º | 1635 |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. François Ménard |
º | 1640 |
M. Larry Bagnell |
M. Jean Sébastien |
Le président |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ) |
Le président |
M. Odina Desrochers |
M. Jean Sébastien |
º | 1645 |
M. Odina Desrochers |
M. Jean Sébastien |
M. Odina Desrochers |
M. Jean Sébastien |
M. Odina Desrochers |
Le président |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
º | 1650 |
M. François Ménard |
M. Gilbert Normand |
M. François Ménard |
º | 1655 |
» | 1700 |
Le président |
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
M. François Ménard |
» | 1705 |
M. Jean Sébastien |
» | 1710 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Jean Sébastien |
M. Brian Fitzpatrick |
M. François Ménard |
» | 1715 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
» | 1720 |
M. Jean Sébastien |
M. Serge Marcil |
M. François Ménard |
» | 1725 |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) |
M. François Ménard |
» | 1730 |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité examine les restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.
Nous entendrons aujourd'hui deux témoins: François Ménard qui représente Xit Telecom, et Jean Sébastien, qui représente l'Union des consommateurs. Bienvenue, messieurs.
Nous aimerions entendre vos remarques liminaires pendant 10 minutes. Je vous avertirai si vous dépassez cette limite, mais je vous demanderais d'essayer de la respecter. Après vos exposés, les membres du comité vous poseront leurs questions.
Nous allons entendre M. François Ménard pour commencer.
M. François Ménard (directeur des projets, Télécommunications, « XIT Telecom »): Bonjour.
XIT Telecom est une firme d'ingénierie spécialisée dans la construction et l'opération de réseaux privés de fibre optique. Notre contribution au changement de l'industrie des télécommunications canadienne depuis 1997 fut reconnue en 2001 par CANARIE. Nous opérons plus de 1 000 kilomètres de réseaux basés sur de nouvelles installations, avons été impliqués dans l'ingénierie de 4 000 kilomètres de réseau pour le Réseau d'informations scientifiques du Québec (RISQ) qui relie toutes les universités québécoises, et avons réalisé l'ingénierie préliminaire ou détaillée de réseaux pour plus de 30 commissions scolaires et plus de 20 municipalités, surtout au Québec, mais de plus en plus un peu partout au Canada. Nous avons réalisé différents projets depuis Kamloops (C.-B.) jusqu'à Fredericton (N.-B.), avec une implication spécifique dans les études de faisabilité de presque tous les réseaux provinciaux de recherche scientifique en optique, que ce soit Supernet en Alberta, ORANO en Ontario, RISQ au Québec, ainsi que les réseaux qui sont actuellement en phase de conception au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Notre expertise est maintenant sollicitée aux États-Unis avec notre implication dans le développement du réseau collectif des Adirondacks de l'est qui comporte près de 1 000 kilomètres et qui traverse les comtés de Clinton, d'Essex et de Franklin dans le nord-est de l'État de New York.
Maintenant que sont disponibles les programmes de financement Villages branchés du gouvernement du Québec ainsi que le programme pilote d'Industrie Canada pour le développement de réseaux à large bande dans les communautés rurales et septentrionales, nous devrions être plus occupés que jamais. Toutefois, ce n'est pas le cas puisque certaines compagnies titulaires ont commencé à nous concurrencer en s'engageant à vendre leur capacité existante, bâtie sous l'égide d'un monopole, à un coût en deçà du coût de construction d'un nouveau réseau, et cela sans même avoir préalablement déposé une demande de tarification au CRTC.
Le problème du manque de concurrence dans la boucle locale partout au Canada n'a rien à voir avec la présence ou l'absence de capitaux étrangers dans le système canadien. Le problème vient plutôt d'un manque total d'intérêt de la part du public pour que le système actuel évolue. Les entreprises demandent peut-être de meilleurs tarifs, mais l'arrivée de la concurrence, particulièrement sur le marché de l'accès à Internet à grand débit, n'a pas encore mobilisé l'intérêt des groupes de défense de consommateurs, et je crois que votre prochain témoin sera mieux placé que moi pour vous en parler.
Les tarifs actuels pour les utilisateurs résidentiels sont subventionnés à des niveaux qui ne sont pas compensatoires pour les coûts encourus par les concurrents potentiels. Ce niveau de subvention est supporté par des prix qui sont considérablement au-dessus des coûts marginaux pour les utilisateurs d'affaires et les autres utilisateurs non résidentiels. Le régime de plafonnement de l'augmentation des prix du service local fige ces conditions, ce qui entraîne une conséquence non planifiée, soit le développement de la concurrence sans un mandat clair de la part du public, donné au gouvernement, pour qu'il réduise les obstacles auxquels font face les nouveaux venus. Les prix artificiellement élevés aux utilisateurs non résidentiels sont plus que compensatoires pour les compagnies de téléphone titulaires, si bien que les prix moins que compensatoires pour les utilisateurs résidentiels sont bien accueillis par les résidents. Ce régime empêche la manifestation de tout intérêt de la part du public pour que la situation actuelle change. Tant que la concurrence ne sera pas suffisamment intense dans les marchés non résidentiels pour avoir un impact durable et ainsi faire baisser les prix qui sont intentionnellement maintenus à des niveaux artificiellement élevés, cette situation persistera. Ce n'est que dans cette situation-là que les prix offerts aux utilisateurs résidentiels pourront augmenter afin de rejoindre les niveaux du marché et ainsi rendre possible la venue de la concurrence.
¹ (1540)
Il y a au moins deux autres facteurs qui semblent motiver la demande d'injection de plus de capitaux étrangers dans le système actuel de télécommunications au Canada. Ces deux facteurs ont comme point commun qu'apparemment, des capitaux sont nécessaires pour financer des projets concurrentiels, que ce soit ceux qui viennent des entreprises concurrentes comme nous ou des entreprises titulaires qui veulent étendre leurs services hors de leurs territoires respectifs. Ces deux facteurs sont la volatilité des coûts pour utiliser le droit de passage public et l'inefficacité des points d'interconnexion avec les installations essentielles des compagnies titulaires. Ce sont deux problèmes bien distincts. Lorsque je parle de l'inefficacité des points d'interconnexion avec les installations essentielles des compagnies titulaires, je parle des installations essentielles aux termes de la définition du CRTC, c'est-à-dire les installations dont la reconstruction ou la reproduction par les concurrents sont considérées comme n'étant pas économiquement rentables. Ces deux facteurs sont communs en ce sens que le coût de la venue de la concurrence était et reste bien plus élevé que ce qui est nécessaire étant donné l'incapacité du Parlement d'agir de façon proactive pour régler le problème, et cela à la grande satisfaction des compagnies titulaires qui continuent à soutenir que si les règles étaient différentes, la concurrence pourrait s'installer sur le marché mais d'une façon qui ne serait ni rentable, ni durable.
Permettez-moi d'approfondir un peu plus mes deux arguments, tout d'abord la volatilité des coûts pour utiliser le droit de passage public, ce que j'appellerais la loterie des structures de soutènement. Rares sont les concurrents qui ont construit autant d'installations comme troisième ou quatrième utilisateur des structures de soutènement des compagnies de téléphone et de câblodistribution titulaires que nous. Nous sommes donc témoins de première main des obstacles à la construction de nouvelles installations dans la boucle locale. Nous avons à d'innombrables reprises dû faire face à des demandes formulées par les propriétaires de structures de soutènement pour que nous assumions intégralement les coûts exorbitants des travaux préparatoires nécessaires pour rendre leurs structures aptes à recevoir notre câble. Selon les règles du jeu actuelles, c'est à la partie demanderesse à défrayer tous ces coûts. Cela entraîne une espèce de loterie au profit des compagnies titulaires qui ont seules la capacité de libérer la congestion des structures actuelles sans avoir en contrepartie à défrayer quoi que ce soit pour remplacer les poteaux ou reconstruire de nouveaux conduits, contrairement à nous, parce que les compagnies de télécommunications veulent conserver leur propre matériel sur les poteaux, ce qui exige trop d'espace. Une étude complète et rigoureuse des règles d'accès aux structures de soutènement est l'une des conclusions importantes du Groupe de travail national sur les services à large bande auxquelles le CRTC n'a pas encore donné suite.
Par ailleurs, on a annoncé hier que la Cour suprême entendra dans deux semaines, le 19 février prochain, les arguments de l'Association canadienne de télévision par câble voulant que la définition de «ligne de transmission» qui figure dans la Loi nationale sur les télécommunications de 1993 soit élargie de manière à porter sur toutes les lignes de transmission d'électricité, et donc les assujettir à la réglementation du CRTC.
Sans préemption constitutionnelle en cette matière, les concurrents sont à la merci de longues négociations avec les compagnies d'électricité, alors que les compagnies titulaires profitent de la situation en exploitant des réseaux qui ne répondent pas aux normes actuelles imposées dans les contrats d'utilisation conjointe pour cause de droit acquis. Le monopole actuel sur les structures de soutènement permet aux compagnies titulaires de demander des tarifs discriminatoires, de retarder la mise en oeuvre de l'accès, voire d'empêcher la construction de nouvelles structures, et donc la venue de la concurrence.
Mon autre argument concerne l'inefficacité des points d'interconnexion avec les installations essentielles des compagnies titulaires. Un autre élément est la nécessité, pour les concurrents potentiels, de se localiser dans la boucle locale, ce qui nuit également aux possibilités de changement. Ce que je veux dire par colocalisation dans la boucle locale, c'est que les compagnies titulaires ont convaincu les nouveaux venus, les concurrents potentiels, de s'interrelier à l'infrastructure câblée de leurs centraux téléphoniques. Il en coûte environ 100 000 $ pour pénétrer ainsi dans une forteresse appartenant à une entreprise de télécommunications titulaire, et il existe ainsi dans chaque ville des centaines de centraux téléphoniques. Il en coûte donc très cher aux concurrents potentiels de pénétrer dans la forteresse. Dans l'entrefaite, grâce aux progrès technologiques, les compagnies titulaires installent les réseaux de fibre optique de plus en plus loin dans les quartiers jusqu'à des points d'interconnexion isolés et de plus en plus éloignés des centraux. Les compagnies titulaires sont donc bien positionnées pour abandonner une partie importante de leur réseau câblé qu'elles remplacent par des fibres optiques qui desservent ces points éloignés, alors que les concurrents possibles font forcés d'utiliser la vieille technologie du fil de cuivre pour s'interrelier, ce qui coûte extrêmement cher et exige d'investir dans du matériel dépassé. La faiblesse du chiffre d'affaires potentiel réalisable alliée au coût très élevé de ce genre d'installations n'est donc pas très prometteuse pour les concurrents qui utilisent l'infrastructure actuelle.
¹ (1545)
Bonne nouvelle: depuis le début de 2003, le CRTC a finalement lancé un processus pour envisager un point d'interconnexion avec le réseau téléphonique qui ne requiert pas des concurrents qu'ils se colocalisent dans les centraux téléphoniques et qui est basé sur une interconnexion en fibre optique plutôt qu'en cuivre. Des discussions similaires ont donné lieu à d'intenses activités au cours des deux dernières années au CRTC, pour l'accès de tierces parties aux réseaux de modems câble des câblodistributeurs. Si le CRTC continue de manquer de personnel et d'être technologiquement incapable de faire avancer les choses plus rapidement, on constatera sans surprise que la nécessité de développer une réglementation commune aux plateformes de téléphonie et de câblodistribution rallongera sans doute de plusieurs mois ce qui est déjà la procédure la plus longue dans toute l'histoire du CRTC, étant donné qu'elle perdure depuis 1996 et que les tarifs ne sont même pas encore approuvés de façon intérimaire.
Même si les conditions devaient changer, la venue d'une concurrence importante demeure très improbable. C'est parce que les compagnies titulaires continuent d'exercer une emprise importante sur les structures de soutien essentielles pour les nouveaux concurrents. Cela n'a rien à voir avec la présence ou l'absence de capitaux étrangers dans le réseau canadien. Il est même probable qu'un assouplissement des restrictions à l'égard des capitaux étrangers augmentera la domination des compagnies titulaires canadiennes.
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez la parole, monsieur Sébastien.
[Français]
M. Jean Sébastien (analyste en télécommunications, Union des consommateurs): Bonjour, je m'appelle Jean Sébastien. Je suis de l'Union des consommateurs. Vous avez sans doute, dans vos notes, une mention indiquant que Mme Nathalie St-Pierre, directrice générale de l'Union des consommateurs, serait ici. Elle a dû annuler à la dernière minute et elle s'en excuse.
L'Union des consommateurs est une fédération de groupes de l'ensemble du Québec. Vous avez, dans le document que je vous ai distribué, à la fin, une petite présentation des groupes que nous représentons. Il y a des groupes de consommateurs régionaux de Rouyn-Noranda jusqu'à Rivière-du-Loup, en passant bien sûr par les grands centres, ainsi que des associations de consommateurs dans les domaines spécialisés. Nous regroupons donc des gens de l'ensemble de la province du Québec.
Parmi nos domaines d'intervention réguliers, il y a le CRTC, où nous intervenons en ce qui a trait aux télécommunications et à la radiodiffusion. C'est pourquoi les travaux du comité, aujourd'hui et dans les prochains jours, nous sont apparus de première importance.
Le comité, en effet, est appelé à évaluer s'il est pertinent de modifier les restrictions à la propriété étrangère prévues à la Loi sur les télécommunications. Notre intervention ne visera pas à estimer si un assouplissement des règles de propriété étrangère faciliterait ou non l'accès aux capitaux pour les entreprises de télécommunications. Nous nous présentons plutôt devant vous aujourd'hui pour vous encourager à prendre en compte, dans vos délibérations, d'importants enjeux d'intérêt public.
L'augmentation de la propriété étrangère comporte des risques, notamment de pertes d'emplois et de baisse dans la qualité du service. Par ailleurs, elle n'est pas la meilleure garante ni du développement d'une concurrence saine, comme l'a fait remarquer l'intervenant précédent, ni de l'offre d'un service abordable.
D'abord, considérons le risque de la délocalisation des entreprises. La dilution de la propriété canadienne a pour corollaire une réorganisation des entreprises qui encouragerait les alliances stratégiques Nord-Sud en vue de réaliser des gains de productivité. Compte tenu du type de service offert en téléphonie, il s'agit d'un domaine particulièrement sensible à la délocalisation des activités. Rien n'empêche, théoriquement du moins, la délocalisation de services américains vers le Canada, mais compte tenu de la taille des départements d'entreprises canadiennes et d'entreprises américaines qu'on pourrait vouloir fusionner, il est probable que les emplois iront vers le Sud.
L'histoire récente de BC TEL, alors qu'elle était filiale de l'américaine GTE, est pleine d'enseignements à cet égard. Vers le milieu des années 1990, BC TEL avait annoncé son intention de déménager ses centres de surveillance et de diagnostic vers le Sud. L'entreprise n'a pu réaliser ce projet, compte tenu de l'opposition des employés qui avaient, dans leur convention collective, une provision contre la sous-traitance d'activités dont sont responsables les employés syndiqués.
Mais on doit aussi s'inquiéter d'une baisse éventuelle dans la qualité du service. Le CRTC, comme la plupart des organismes réglementaires en Amérique du Nord, a de sévères normes de maintien de qualité du service. Cependant, depuis quatre ans, les rapports que présentent les entreprises ont montré une baisse de qualité du service. Et récemment, en 2002, le CRTC a décidé de remédier à la situation en menaçant les entreprises de pertes de revenus si elles ne montraient pas patte blanche, si la qualité du service n'était pas maintenue.
La question se pose: est-ce que le CRTC arriverait à superviser avec autant d'efficacité la qualité du service au pays si des centres, des départements complets, des centres d'opérations étaient conjoints entre entreprises canadiennes et américaines? La question est d'autant plus importante qu'on sait que toutes les entreprises n'ont pas des pratiques irréprochables de rapports quant à la qualité du service. Récemment, en 2000, l'organisme réglementaire de l'État de New York a démontré que les employés cadres de Verizon falsifiaient les rapports afin que l'entreprise paraisse, sur papier, offrir un excellent service. De telles enquêtes seraient sans doute encore possibles s'il y avait des départements conjoints entre entreprises américaines et entreprises canadiennes, mais elles demanderaient la collaboration de deux organismes réglementaires, le CRTC au Canada et, bien sûr, le FCC.
¹ (1550)
La formation d'alliances stratégiques entre entreprises actionnaires américaines et entreprises canadiennes imposerait aussi que soit mis en place un mécanisme de contrôle de la facturation interfiliales. Les entreprises chercheraient sans doute, par la facturation interentreprises, à développer des stratégies permettant d'inscrire des dépenses basses ou élevées, selon ce que la réglementation encourage. Mais rien ne garantit que ces stratégies d'entreprises coïncideraient avec les intérêts des Canadiens dans l'offre d'un service abordable pour tous, peu importe où l'on habite au pays.
Les entreprises de téléphone au pays sont aux prises, à l'heure actuelle, avec un régime de réglementation qui maintient des tarifs peu élevés aux consommateurs. Les compétiteurs prétendent que leurs coûts, à l'entrée, ne sont pas couverts par ces tarifs. Ils ne sont pas les seuls. Il faut rappeler que le CRTC lancera très prochainement une instance sur les coûts des entreprises, qui aura lieu dans l'année 2003 et se poursuivra certainement en 2004, et qui visera à établir quels sont les coûts compensatoires pour les entreprises dans l'offre de services téléphoniques. Ce sont des enjeux importants pour toutes les entreprises, en particulier dans la mesure où elles offrent le service téléphonique dans des territoires à densité peu élevée. C'était notamment le cas, récemment, d'entreprises québécoises qui viennent d'entrer dans un régime de réglementation des prix, TELUS Québec et Télébec, deux entreprises qui se plaignaient de la difficulté pour elles d'appliquer ce régime de réglementation des prix que connaissaient déjà les grandes entreprises provinciales, à cause de la façon dont les coûts sont évalués à l'heure actuelle, coûts qui ne seraient pas compensatoires, prétendent les titulaires de même que les concurrents. Il m'apparaît opportun que le conseil étudie cette question dans les prochaines années, notamment dans la situation actuelle de propriété des entreprises.
Ensuite, il faut soulever le fait que la capitalisation étrangère n'est pas la seule piste pour développer la concurrence. Il faut penser aux possibilités de développement de la concurrence compte tenu des particularités du territoire canadien. Le Canada a déréglementé son industrie du téléphone pour permettre la concurrence après quelque 80 années de monopole. Mais la concurrence ne profite pas aux consommateurs résidentiels. Du point de vue des consommateurs résidentiels, la téléphonie est un service qui coûte beaucoup plus cher aujourd'hui qu'avant la déréglementation. C'est bien sûr le cas en téléphonie locale, où la hausse des tarifs en zone urbaine a varié, selon les entreprises, de 19 p. 100 à 68 p. 100 entre 1995 et 2000, et ce taux est encore plus élevé en zone rurale, atteignant 116 p. 100 d'augmentation sur cette période de six ans. Même en tenant compte de la chute des prix dans l'interurbain, la majorité des utilisateurs canadiens paient plus aujourd'hui qu'en 1995.
Arrêtons-nous un instant au défi particulier que représente l'offre du service téléphonique sur le territoire canadien. Même si la densité de population n'est que d'une personne et demie au kilomètre carré dans les Prairies, même si le Grand Nord canadien a une population moins dense encore, l'obligation de service est la même que dans les centres urbains. Le Canada a certainement su relever ces défis, notamment en permettant l'interfinancement entre services plus et moins rentables en téléphonie. Mais est-il possible de penser qu'une concurrence dans le service local puisse se développer sur tout le territoire? Les faibles bénéfices sur plusieurs des immenses territoires du pays risquent de décourager les concurrents déjà installés dans les grands centres.
Il n'est pas inutile de rappeler que la concurrence dans le service local s'est concentrée dans le service aux entreprises. À ce jour, le service résidentiel est considéré comme un secteur mou. Compte tenu du faible intérêt des concurrents pour le secteur, les consommateurs ne peuvent exercer de véritables choix et ne peuvent exercer une pression à la baisse sur les prix, comme on la connaît dans un véritable marché.
¹ (1555)
De plus, les consommateurs ont des raisons de s'inquiéter devant le discours des anciens monopoles, comme celui des concurrents. Lors des audiences tarifaires du CRTC tenues en 2001, celles sur le prix plafond, il ne faisait aucun doute que le loup était dans la bergerie. Anciens monopoles et concurrents demandaient une hausse des tarifs du service local pouvant aller jusqu'à 35 p. 100 en quatre ans et promettaient, dans ces conditions, l'établissement d'une concurrence solide qui pourrait maintenir une pression à la baisse sur les tarifs.
Le CRTC a reconnu que rien ne justifiait une hausse dans les conditions actuelles, puisque les anciens monopoles déclaraient un rendement aux actionnaires provenant du service local largement supérieur aux 10 à 11 p. 100 que connaissent d'autres entreprises réglementées au pays, notamment dans le secteur de l'énergie.
En effet, selon les entreprises, les rendements ont atteint, en 2000, de 16,6 p. 100 à 27,7 p. 100. Faire grimper les tarifs un jour pour connaître une pression à la baisse dans le futur, voilà le service abordable que proposaient les monopoles et les concurrents.
La concurrence dans le service local a-t-elle besoin d'un nouvel apport de capitaux étrangers pour se développer? C'est peut-être le cas des entreprises qui ont pour modèle économique de louer l'accès à l'ancien monopole pour ensuite le vendre aux clients. Mais il nous apparaît que les consommateurs ont peu à gagner dans une concurrence entre parasites et parasités.
Les entreprises de câblodistribution constituent aussi un éventuel concurrent sérieux qui, sans aucun doute, a faim de capital étranger. Mais le câblodistributeur Eastlink, dans l'Est du pays, dans les conditions actuelles de capitalisation, offre déjà le service téléphonique. Au contraire de ses consoeurs au pays et en Amérique du Nord, l'entreprise a fait les bons choix technologiques. On peut parier que les autres câblodistributeurs dont les projets de téléphonie ont échoué sauront maintenant rajuster leur tir.
Il y a aussi d'importants enjeux d'intérêt public associés au développement d'une infrastructure à large bande pour le pays. Encore là, les particularités géographiques de notre pays ont pour effet qu'il n'y a que peu de marchés que voudront s'arracher les entreprises en développant chacune un réseau de fibre optique jusque dans les maisons. Il n'est pas certain que le modèle commercial soit le seul à suivre dans le développement de cette nouvelle génération de réseaux de communications, et ce, même dans les grands centres.
Il faut rappeler ici l'exemple de Stockholm qui, dès 1994, a décidé de développer un réseau de fibres municipal. Plutôt que de laisser les rues être éventrées par plusieurs entreprises concurrentes, la ville a fait le choix de louer son réseau de dernière génération aux différents opérateurs, entreprises de télécommunications, ou distributeurs de contenu.
Le choix du modèle d'un réseau public municipal met une pression moins importante sur les besoins en capitaux dans la mesure où un seul réseau est développé dans les grands centres et permet au gouvernement de répartir ses investissements pour que l'ensemble des régions du pays puissent profiter d'installations à la fine pointe de la technologie.
La dilution de la propriété canadienne comporte d'importants risques que nous avons voulu soulever avec vous. De plus, il faut reconnaître, même dans les scénarios optimistes de développement de la concurrence en téléphonie, que le territoire canadien ne la rend pas aussi facile partout. À ce titre, son développement ne doit pas se faire aux dépens d'un autre objectif de la Loi sur les télécommunications: le maintien d'un service abordable et de qualité.
C'est pourquoi le comité devrait s'assurer que soit produite une étude sur les effets d'une modification aux restrictions de la propriété étrangère, notamment en rapport à l'universalité du service, à son abordabilité et à sa qualité, et maintenir les règles de la propriété étrangère prévues à la loi ainsi qu'aux règlements sur la propriété et le contrôle des entreprises de télécommunications. Merci.
º (1600)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
La première question sera posée par Mme Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Ma question s'adresse à M. Ménard et se rapporte aux infrastructures de fibres optiques et de télécommunications nécessaires dans les régions rurales. Pensez-vous que l'accès à des capitaux étrangers pour la mise en place de cette infrastructure serait avantageuse pour les nouveaux arrivants dans ce secteur de l'industrie?
M. François Ménard: Certainement. Je n'ai pas pris position contre l'investissement étranger. J'ai dit que si les règles ne changent pas, cela n'aura pas grand effet, au bout du compte.
Mme Cheryl Gallant: Très bien. Il faut donc mettre fin au monopole, avant de lancer quelque chose de nouveau. Quoiqu'on fasse au bout du compte, sans un démantèlement du monopole, il n'y aura pas grand changement. Est-ce cela que vous nous dites?
M. François Ménard: Prenons un exemple: nous installons un réseau de fibres jusqu'au foyer à Kamloops. Nous en sommes à l'étape de la dorsale. Le coût du projet est de 400 000 $. Telus a délibérément fixé à 800 000 le coût de mise en train du projet, en disant toutefois que ce n'était pas délibéré. Cela signifie qu'il faudra deux fois les coûts de construction simplement pour tirer les fils et s'assurer que nous avons la capacité supplémentaire nécessaire pour l'installation de câble additionnel. Les coûts d'entrée sont donc très élevés.
Nous avons un autre projet, pour le Columbia Mountain Open Network, en Colombie-Britannique, dans le secteur de Kootenay, où les poteaux sont plus courts, parce que c'est un très vieux réseau. Nous avons un projet ayant le même genre de problème, dans la région de Haliburton, en Ontario, pour laquelle nous avons préparé une étude. Les coûts de mise en route étaient exorbitants, sans qu'ils soient nécessairement justifiés. Hydro Ontario demande 6 000 $ par poteau à changer. Chez Hydro-Québec, on nous facture habituellement moins de 1 000 $, si ce n'est 600 $. Les coûts de mise en route sont très imprévisibles. C'est ce que je disais au début, c'est quelque chose qu'il faut régler avant que, sous de faux prétextes, on injecte davantage de fonds dans le réseau, pour des coûts inutiles.
Pour répondre à votre question sur les secteurs ruraux, au Québec, il y a le programme Villages branchés, et aussi le projet pilote BRAND, dont on espère qu'il deviendra un véritable programme, dont le budget ne sera plus limité. Actuellement, il est plafonné à 110 millions de dollars. Au Québec, le programme Villages branchés est assorti d'un budget de 75 millions de dollars, mais le gouvernement du Québec a récemment supprimé ce plafond, et l'argent nécessaire sera disponible. Actuellement, la moitié des écoles primaires du Québec ont une connexion de fibre optique inutilisée et le gouvernement a donné l'argent pour la connexion du reste.
Le problème du programme Villages Branchés au Québec, c'est qu'il vise à connecter les immeubles gouvernementaux, sans espoir d'accès direct pour l'abonné, c'est-à-dire Internet haute vitesse pour les citoyens. J'ose dire qu'à mon avis, ce qui l'a empêché, c'est le lobby des ESLT qui craignait qu'on finance ce qui risquait de nuire à leurs affaires.
En combinant le programme BRAND et le programme Villages Branchés du Québec, nous avons une assez bonne solution. Nous laissons au programme du gouvernement du Québec la responsabilité de la dorsale, et consacrons les dollars du fédéral à l'accès direct aux abonnés. Le seul problème, c'est cette restriction M-30 du programme BRAND, qui empêche les organismes du secteur public financés par le gouvernement du Québec de recevoir des fonds fédéraux. Je ne veux pas me mêler de cette vieille rivalité entre le Québec et l'Ontario, je ne prendrai la part de personne. Tout ce que je dis, c'est que nous avons trouvé une solution. Nous recourons aux Sociétés d'aide au développement économique, les SADE, qui reçoivent un financement du fédéral. Nous en faisons des partenaires pour un projet, et elles s'occupent de l'accès des abonnés comme moyen d'expansion économique pour les citoyens urbains. Nous recourons par ailleurs au programme Villages Branchés pour la dorsale, et en théorie, on devrait avoir de bons résultats. Le seul problème, c'est qu'il y a énormément de gens à renseigner sur ce concept, pour qu'ils le connaissent mieux.
º (1605)
N'oublions surtout pas, enfin, l'un des éléments importants du programme pilote de services à large bande d'Industrie Canada, l'accès ouvert. Assurons-nous que si on accorde du financement à l'établissement d'un réseau qui devient fermé et exclusif, il ne s'agira pas de fonds publics. J'ai participé au programme pilote pour bien cerner le concept d'accès ouvert, et le quantifier. Assurons-nous de ne pas gaffer, et évitons, parce qu'il s'agit d'accès ouvert, de donner des fonds à un entrepreneur qui mettra sur pied un réseau fermé, qui n'offrira pas de nouvel accès à la concurrence et à des services innovateurs.
Mme Cheryl Gallant: Vous avez donné l'exemple de Hydro One, en Ontario, qui manoeuvre pour écarter les concurrents. Pourriez-vous nous dire si, par exemple, la compagnie de téléphone, Bell, ou les câblodistributeurs ontariens ont mis en oeuvre pareille tactique pour vous mettre des bâtons dans les roues?
M. François Ménard: Bien sûr. Je pense en particulier au lien de fibre optique entre le campus du Sir Sandford Fleming College, à Peterborough, et un autre, à Lindsay. Entre Peterborough et Lindsay, il y a la petite localité de Omemee. Bell Canada nous a dit avoir besoin de toute la capacité supplémentaire disponible sur les poteaux, pour installer des câbles supplémentaires, entre Peterborough et Omemee. On peut en douter, mais présumons que c'est vrai. À cause de cela, il aurait fallu changer tous les poteaux entre Peterborough et Omemee, à raison de 6 000 $ pièce. Entre Omemee et Lindsay, nous avons proposé de nous fixer nous-mêmes aux poteaux, mais Hydro One nous a dit qu'il s'agissait d'un vieux réseau qu'il fallait renouveler avant de laisser un tiers s'en servir. Les contrats d'utilisation conjointe sont bien plus restrictifs maintenant qu'il y a 10 ans. Si nous nous étions fixés à ce réseau de poteaux, il ne serait certainement pas tombé. À cause des coûts de mise en route, nous n'avons pas pu installer un lien de fibre optique entre les deux collèges, dans l'intérêt du public. C'est sans parler des problèmes que nous a donnés COGECO à Peterborough même, où il nous a fallu trois mois de démarchage auprès de COGECO pour que nous puissions installer des câbles supplémentaires, avec les siens.
Le problème, c'est que la décision 2000-13 du CRTC ne s'applique qu'aux compagnies de télécommunications, et non aux câblodiffuseurs. Les structures de soutien du câble sont réputées être assujetties aux lois sur la radiodiffusion au Canada, plutôt qu'à la Loi sur les télécommunications et n'obligent pas les câblodiffuseurs au partage des structures de soutien. Il faut des interventions au cas par cas, auprès du CRTC, pour se plaindre de ce qu'une société de câble dans tel secteur ne nous laisse pas fixer nos câbles à ses structures. Nous devons demander au CRTC de dire à cette entreprise qu'il est dans l'intérêt du public de partager les structures de soutien. Ensuite, ils nous font payer quatre fois plus que ce qu'exige Bell Canada. C'est une autre tactique: si on laisse quelqu'un se servir de nos structures, il le paiera très cher.
º (1610)
Mme Cheryl Gallant: Êtes-vous au courant des annonces faites récemment par le ministre de l'Industrie au sujet de l'injection de centaines de millions de dollars dans l'infrastructure pour la connexion des secteurs ruraux?
M. François Ménard: J'ai une assez bonne idée de ce qu'on devrait faire de cet argent. Si on ne règle pas pour de bon les problèmes de structure de soutien, il faudra repartir à zéro quand on manquera de capacité avec les câbles existants. Il doit y avoir moyen d'installer de nouveaux câbles. On pourrait faire, par exemple, comme la Commission des services électriques de la ville de Montréal. Il s'agit d'un réseau municipal de conduits qui sont loués, en accès ouvert, à toutes les entreprises de télécommunications. À Stockholm, on est allé un peu plus loin. Au lieu d'avoir simplement un réseau de conduits, on a tiré tous les fils et on loue le réseau. Si la municipalité ne veut pas se lancer dans le secteur des télécommunications, et rester dans celui des structures de soutien, elle pourrait le faire en installant des conduits. Quand on creuse dans une rue pour installer un aqueduc, pourquoi ne pas en profiter pour ajouter un conduit supplémentaire, et l'offrir à des tiers?
Plus brillant encore, et je vous le signale, il y a maintenant en télécommunications un nouveau genre de câble, composé de regroupement de petits conduits. C'est ce qu'on appelle un câble de micro-conduits. La ville pourrait donc installer un câble à micro-conduits entre votre domicile et, par exemple, l'école du quartier, ou la bibliothèque, ou la caserne de pompiers et vous laisser, vous, l'abonné, lancer des fibres optiques de chez vous jusqu'à l'école, où toute la demande du quartier sera regroupée. La municipalité peut donc rester dans le secteur des structures de soutien, louer ces conduits et les vendre en prélevant une taxe d'amélioration locale. Le beau côté de la taxe d'amélioration locale, c'est qu'elle tient compte du coût réel de l'aménagement du réseau. Il n'est donc pas nécessaire de mettre à contribution toute la province, en établissant un coût moyen qui sera assumé par tous.
Si vous choisissez de construire votre maison sur un rocher et que vous voulez vous raccorder à l'aqueduc, cela vous coûtera une fortune. La ville prendra votre maison en garantie et vous devrez payer deux fois par an, pendant 20 ans. Pour les télécoms, on fonctionne autrement. Vous devez payer des frais d'installation de 600 $, le premier mois, pour les coûts d'infrastructure, puis comme il s'agit d'une moyenne pour le territoire, les coûts de services ne prennent pas en compte le coût réel de l'infrastructure. Il faut calculer les moyennes pour l'entreprise et tous ces calculs sont donc beaucoup plus complexes.
Une solution simple: laisser les municipalités aménager des réseaux de câbles à micro-conduits et confier aux abonnés la propriété des fibres optiques reliant leur domicile aux points de ralliement du quartier. La propriété de la fibre confiée à l'abonné comporte de nombreux avantages. Par exemple, en cas de rupture, c'est la municipalité qui vient réparer le conduit. La fibre de l'abonné est assurée. Grâce à l'assurance, l'installation d'une nouvelle fibre est payée. Vous n'avez qu'à appeler un entrepreneur pour dire que la fibre est rompue entre votre domicile et le point de ralliement du quartier. Il la réparera, ce sera automatique. Si le financement reposant sur l'actif fonctionne pour les entreprises de télécommunications, dans le modèle actuel, qui est le seul à être durable et tourné vers l'avenir, si cela fonctionne bien pour les écoles, pour les municipalités et pour le secteur public, ce devrait être la même chose pour nous tous.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup.
À vous, monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout ceci est très stimulant. C'est évidemment une question très complexe. Je me demande si c'est cette complexité qui nous empêche, en tant que société, d'aller de l'avant. Peut-être faut-il tout reconsidérer depuis le début. Il ressort de façon assez évidente des commentaires de M. Sébastien et de vous-même, monsieur Ménard, que si la question de la propriété étrangère est d'une importance variable, sans considérer toutes les règles pertinentes, nous pourrions, du moins en théorie, empirer les choses. Il me semble que si les règles sur la propriété étaient changées de façon isolée, les compagnies les plus importantes auraient accès aux capitaux étrangers à moindre prix et que la marée engloutirait tout le monde, ce qui pourrait ne pas améliorer les choses pour les nouveaux arrivants. Nous devons donc poser des questions sur les autres sujets et nous nous ferons évidemment un plaisir d'en discuter.
Vous avez dit dans votre mémoire, monsieur Ménard, que votre compagnie a eu un certain succès dans le nord de l'État de New York. Est-ce que vous y rencontrez à peu près les mêmes problèmes que vous avez quand vous traitez avec les compagnies d'hydroélectricité ou de téléphone ou de câble au Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique? Autrement dit, est-ce un problème uniquement canadien, ou bien pouvons-nous nous inspirer de ce qui se fait tout juste au sud de la frontière?
M. François Ménard: C'est encore pire aux États-Unis. Je soutiens que nous avons trois ou quatre ans d'avance sur de nombreux fronts comparativement à la FCC, qui a fait des pieds et des mains sous le gouvernement Bush pour protéger les ESLT, les entreprises de services locaux titulaires, les compagnies comme SBC, Quest, Verizon. Nous avons dix ESLT dominantes au Canada, tandis qu'aux États-Unis il y en a quatre ou cinq. Le problème est donc pire, parce que les titulaires sont présents dans plusieurs États. Aux États-Unis, le problème est au moins 50 fois plus important qu'au Canada, parce qu'il y a 50 CRTC, un dans chaque État. Chacune des commissions de service public doit avoir ses propres économistes, qui doivent comprendre la totalité du problème et être capables de faire la différence entre le bluff et la réalité pour ce qui est des coûts qui sont soumis par les ESLT.
Par exemple, et c'est un excellent exemple, le service d'édition haute vitesse Sympatico ADSL se vend au Canada 30 $ par mois. Le taux d'accès des tierces parties pour le même service aux États-Unis est supérieur à 30 $ US. Au Canada, le même service assuré par Bell Canada au taux uniforme 5400 est de 21,90 $, ce qui s'est révélé compensatoire, et Bell réalise des profits. Si le coût de Bell est inférieur à 20 $ canadiens, il est certain qu'aux États-Unis le même coût est inférieur à 20 $ US. Donc, à l'heure actuelle, j'ai quelques doutes quant à la capacité des commissions de service public des États-Unis de faire la différence entre le bluff et la réalité.
Cela dit, vous avez fait allusion à un projet précis, une activité que nous avons dans le nord de l'État de New York. Au Canada, nous avons ce que nous appelons un tarif de chevauchement, je veux parler du tarif général 901 de Bell Canada. Ce taux permet à une tierce partie d'installer un câble supplémentaire par-dessus un câble existant sur un poteau. Disons qu'il y a deux poteaux, il y a un câble téléphonique sur le poteau et vous voulez y fixer votre propre câble. Vous installez donc votre câble par-dessus celui de Bell Canada et vous reliez ensuite les deux par une pièce métallique. Cela s'appelle un câble d'attachement à un câble existant. Aux États-Unis, Verizon n'a pas de tel tarif. Le projet que nous faisons dans le nord de l'État de New York en est à l'étape de l'étude de faisabilité et nous commencerons les études de génie détaillées dans quelques mois, mais je leur ai dit que s'ils utilisaient la méthodologie canadienne dernier cri et l'appliquaient à la commission de service public de l'État de New York, ils pourraient probablement économiser entre 1,2 million et 3,6 millions de dollars sur un projet de 12 millions de dollars. On pourrait donc économiser énormément d'argent simplement en appliquant le système meilleur que nous avons au Canada. En fait, ce sont donc eux qui se tournent vers nous, et non pas le contraire.
M. Brent St. Denis: Merci.
Monsieur Sébastien, si vous pouvez vous projeter cinq ou dix ans dans l'avenir selon le régime actuel et ensuite selon un régime moins restrictif et plus concurrentiel, il est bien évident que, pour faire de l'argent dans un milieu concurrentiel, il faut cibler les consommateurs résidentiels. M. Ménard a bien dit qu'il y a une limite à ce qu'on peut faire, à se brancher aux écoles, aux bibliothèques et aux services publics. La plupart des maisons ont maintenant la câblodistribution et on commence à mettre au point la technologie nécessaire pour utiliser les lignes de transmission électrique pour certains types de communication. Il y a aussi les lignes téléphoniques et les possibilités de communication sans fil. D'après ce que vous dites, il ne semble pas y avoir suffisamment de possibilités de concurrence en utilisant les moyens actuels de connexions résidentielles pour bien approvisionner les consommateurs et optimiser le mode de fonctionnement des entreprises. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
º (1620)
M. Jean Sébastien: J'imagine que la concurrence pourrait se présenter de diverses façons à l'avenir. Le modèle des ESLC que l'on est en train de mettre au point n'est pas entièrement satisfaisant. Essentiellement, l'argent est encore injecté dans le vieux monopole sans que l'on change vraiment le système. Comme vous dites, il y a déjà d'autres réseaux parallèles. Les réseaux de câblodistribution en sont un et les téléphones cellulaires en sont un autre, même si aucun des fournisseurs de services cellulaires n'est une ESLC à l'heure actuelle. Compte tenu de cette considération technique, on pourrait avoir trois réseaux parallèles et s'il y avait propriété croisée entre ces diverses entreprises, ce pourrait être à tout le moins un oligopole.
Il y a d'autres solutions selon lesquelles on louerait des circuits locaux. Les municipalités pourraient par exemple être propriétaires de fibres et pourraient louer des circuits locaux. Dans un tel cas, même si diverses entreprises louent d'une seule entreprise, la situation ne serait pas la même qu'à l'heure actuelle vu que nous avons maintenant des entreprises qui louent toutes du même vieux monopole. Il pourrait donc y avoir divers intervenants qui loueraient des circuits locaux appartenant à la municipalité. Ce serait une façon d'étendre le système sans, bien sûr, nuire aux autres réseaux. Cela permettrait plus de concurrence et créerait plus tard un marché réel parce que le problème à l'heure actuelle, comme je l'ai déjà dit, c'est que nous n'avons certes pas un marché réel. Les consommateurs n'ont pas vraiment de choix qui puissent exercer une pression sur les taux et la seule façon de contrôler les taux pour l'instant, c'est de charger un organisme réglementaire de les fixer de façon artificielle, ce qui n'est certes pas un marché réel. Pour avoir un marché réel, il faut que les diverses entreprises cessent d'être des parasites d'une entreprise hôte.
º (1625)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je vais me faire l'avocat du diable. Il me semble avoir entendu que le service se détériorait. J'ai constaté pour ma part une forte cadence du changement et une forte amélioration de la qualité du service dans le secteur des télécommunications, qu'il s'agisse de téléphones cellulaires, d'Internet haute vitesse ou de services groupés. Pour ce qui est du coût, selon ce que j'ai pu observer, je ne suis vraiment pas d'accord. J'ai exploité une entreprise au cours des années 1980 et mes coûts d'interurbain se chiffraient à 13000 $-14 000 $ par année. Lorsque le système a été élargi, ils ont baissé à 5 000 $, pour y rester. Dans les années 1980, à une époque où j'effectuais de nombreux interurbains, mes coûts à domicile étaient de 600 $ par mois et, avec le service groupé coûtant 85 $ environ, j'obtiens Internet haute vitesse, les appels interurbains à très bas prix, ainsi que la couverture locale. Et je vous parle ici d'une région éloignée de la Saskatchewan. Il en va peut-être autrement au Québec, mais c'est ce que j'ai pu constater pour ma part. Je dois donc contester ce qui a été dit. Compte tenu des échanges commerciaux et du degré d'intégration de l'économie en Amérique du Nord, je ne vois pas pourquoi nous voudrions créer des obstacles en ce qui concerne les relations avec les États-Unis. Il me semble que notre intérêt consiste plutôt à les promouvoir. Je ne vois donc pas de problème à cet égard.
Je ne comprends pas tout le jargon technique. Monsieur Ménard, vous êtes, de toute évidence, un expert en la matière. Je vais vous poser quelques questions d'ordre général et j'espère que vous serez en mesure d'aider le profane que je suis à comprendre.
J'ai cru vous avoir entendu dire que les câblodiffuseurs et les entreprises de télécommunication doivent être traités de la même façon sur le plan de la réglementation et que notre contexte de réglementation doit mettre l'accent sur des politiques favorables à la concurrence. Je n'en suis pas convaincu pour ce qui est des systèmes municipaux. Est-ce que vous préconisez vraiment la propriété publique du réseau et le fait pour les fournisseurs d'utiliser le système de la même façon que le public utilise un système routier public?
M. François Ménard: Vous avez abordé deux aspects. Tout d'abord, la mise en oeuvre très réussie de l'égalité d'accès à l'interurbain dans le système canadien ainsi que le développement réussi d'installations concurrentielles le long des voies ferrées, partout au pays, à partir de l'époque d'Unitel, propriété du CN, qui est devenue l'AT&T que nous connaissons aujourd'hui. Voilà qui a très fortement incité Bell Canada et Telus à réduire les tarifs de l'interurbain. Ainsi, même si nous avons constaté une réduction considérable des tarifs de l'interurbain, si vous considérez isolément l'ensemble des services de votre circuit local, le service local de téléphonie, les commentaires de Jean Sébastien continuent d'être tout à fait pertinents.
L'autre aspect abordé est celui de ce que nous appelons, dans le jargon technique, la concurrence intermodale par opposition à la concurrence intramodale. Il s'agit de la concurrence entre une multiplicité d'infrastructures parallèles, par opposition à la concurrence au sein même d'une seule infrastructure. Au Canada, nous ne tombons dans ni l'une ni l'autre de ces catégories. Notre réalité correspond à un modèle hybride de concurrence intramodale et intermodale.
Permettez-moi d'oser dire ce qui suit: La fibre optique résidentielle est l'enjeu ultime. Il n'y a rien d'aussi performant. C'est 100 fois plus rapide et mille fois moins cher, sur une période de vingt ans, que tout autre système. Le bon vieux cuivre a atteint ses limites, qu'il s'agisse du coaxial appartenant aux câblodiffuseurs ou des lignes téléphoniques appartenant aux ESLT. Et la téléphonie sans fil n'est tout simplement pas là. On peut reprocher à Industrie Canada de ne pas prendre une mesure très simple consistant à élargir considérablement, dix fois, la bande ISM du 2,4 gigahertz. Les gens se rendront compte qu'il est beaucoup plus coûteux de concevoir des radios pour transmettre les données par voie aérienne que d'établir des systèmes de transmission par fibre optique. On peut financer le système à fibre optique sur 20 ans et l'établir une fois pour toutes en tenant compte de la demande. Personnellement, j'aimerais que nous ne laissions pas les Japonais nous prendre de vitesse. Nous ne sommes pas loin du compte. Grâce aux fonds que les municipalités sont prêtes à investir dans une dorsale, au soutien du programme BRAND, du programme Villages Branchés, à la volonté des commissions scolaires de relier toutes les écoles par un réseau de fibre optique, nous aurons au cours des trois ou quatre prochaines années une foule de collectivités rurales dotées d'une infrastructure flambant neuve cent fois plus rapide que celle des grandes municipalités. L'exemple le plus saisissant à cet égard est celui du projet Utopia à Provo, dans l'Utah. L'appellation est peut-être plus évocatrice en anglais qu'en français. Il s'agit d'un projet qui a été élaboré par l'ensemble des localités qui entourent Salt Lake City. Étant donné que toutes ces localités étaient en train de se doter d'infrastructures plus avancées, la ville de Salt Lake City n'a eu d'autre choix que d'en faire autant.
La question n'est pas de savoir si je préconise un système appartenant à la municipalité ou à l'entreprise privée. L'important, c'est qu'il doit s'agir d'une structure de soutien qui ait la capacité de se renouveler, qui puisse toujours accroître sa capacité, et qui puisse être constituée et exploitée de façon très économique. Je travaille pour une société privée et je ne souhaite pas que la municipalité possède mon câble de fibre optique. Je suis disposé à l'installer, mais il faudrait bien trouver une façon de faire en sorte que mes concurrents ne soient pas obligés de creuser à leur tour dans la rue pour en faire autant.
º (1630)
Je prétends que mon modèle d'entreprise, à savoir exploiter l'infrastructure à fibre optique comme réseau communautaire accessible à tous, supprimera toute une série de facteurs dissuasifs qui caractérisent le système de téléphonie actuel. Le système téléphonique est une grosse machine à sous. On exige 75 cents du client qui compose *69. Or, c'est gratuit sur Internet. Ainsi peut-on superposer la voix au protocole Internet dans le cadre d'un système municipal à fibre optique lié aux utilisateurs à domicile, en établissant un point de regroupement et en permettant aux transporteurs interurbains qui disposent d'un réseau national d'établir un lien avec le système. Le cas de la ville de Kamloops en est un bon exemple. La ville est située sur le chemin de fer transcanadien. Or, aucune autre ville de Colombie-Britannique, mise à part Vancouver, n'est traversée par autant de fibre optique. Cependant Kamloops n'est le point de terminaison dans aucun cas, étant donné que la ville n'a pas encore établi l'interconnexion.
º (1635)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci. Je remercie également les témoins de leur comparution.
Je suppose que, comme nos témoins d'hier, ils estiment qu'il serait avantageux d'assouplir les restrictions à l'investissement étranger. Il existe cependant d'autres problèmes d'envergure qui ont rapport à la concurrence. Lorsque vous aurez l'occasion de prendre la parole, je vous prie d'aborder cet aspect.
Vous avez cité le cas d'une ville de Suède qui est dotée de fibre optique. Il n'était pas nécessaire d'aller si loin. La ville de Dawson City au Yukon en a fait autant. Cette ville vient tout juste de brancher un réseau de fibre optique à l'ensemble des résidences et des entreprises.
Et maintenant, je vais aborder l'aspect de la concurrence. Monsieur Ménard, les compagnies de téléphone, les câblodiffuseurs ou les exploitants de fibre optique versent-ils des taxes foncières, que ce soit à New York ou au Canada, du fait que leurs réseaux traversent des municipalités qui devraient exiger un droit?
M. François Ménard: La question est la suivante: les municipalités sont-elles adéquatement dédommagées pour l'usage que font les compagnies du secteur privé de leur emprise et qui jouissent de ce que j'appelle un privilège? Elles ont en effet le droit de creuser les rues dans le droit de passage public pour des frais nominaux, voire nuls. Aux États-Unis, ce n'est pas le cas pour les compagnies de téléphone et ça l'est pour les compagnies de câblodistribution parce qu'il y a un système municipal de concession du câble. En échange, le câblodistributeur doit verser 5 p. 100, je crois, de ses bénéfices bruts à la ville pour avoir fait usage de son emprise. Le réseau téléphonique, quant à lui, est accaparé par le gouvernement fédéral et il n'y a donc pas de dédommagement. Au Québec, il y a ce qu'on appelle la TGE, la Taxe sur le gaz et l'électricité, établie à 8 p. 100 des bénéfices bruts des compagnies de téléphone, qui est censée être reversée aux municipalités mais le gouvernement du Québec ne le fait pas, ce qui a créé quantité de problèmes.
Ce qui est intéressant, c'est de savoir ce que la ville devrait faire au sujet des télécommunications qui servent le mieux l'intérêt public? À quoi devrait ressembler un système idéal? Pour moi, faire payer une taxe à une compagnie de téléphone pour l'usage de l'emprise de la municipalité, ce n'est pas la bonne façon. Il faudrait que la municipalité admette enfin qu'elle est responsable de l'infrastructure des télécommunications—pas de services, des structures de soutien. Soyons propriétaires des poteaux, prémunissons-nous contre leur utilisation abusive. Par exemple, si la compagnie a de très vieux câbles et fait exprès de ne pas enlever les poteaux, une autorité doit pouvoir déclarer que la présence des deux câbles n'est pas dans l'intérêt public et qu'elle devra payer pour les enlever. C'est ce que fait la ville de Montréal. Elle possède un réseau de conduits souterrains dans le centre-ville. Celui-ci ne pénètre pas jusque dans la totalité des rues résidentielles, mais grâce aux câbles de micro-conduits dont j'ai parlé tout à l'heure, nous avons un réseau de grandes artères; aujourd'hui, la ville pourrait installer des micro-conduits qui constitueraient un réseau de capillaires jusque dans chaque maison. Ce serait un système superbe et ce serait possible en le vendant comme infrastructure.
Quant à savoir si l'exploitant d'une entreprise de télécommunications devrait payer une taxe pour le privilège d'installer de la fibre optique dans une structure appartenant à la municipalité, ce n'est plus nécessaire parce que le fournisseur du service loue la structure de soutien de la municipalité, dont les coûts sont récupérés au moyen des frais de location. Que faut-il faire si l'on revient aux années 1920, à l'époque où les municipalités canadiennes ne connaissaient rien aux télécommunications et ne comprenaient pas qu'il est dans l'intérêt public de construire des structures de soutien? Elles préféraient qu'une société d'État construise le réseau. Elles réclamaient ensuite un dédommagement pour ce que l'on appelle la valeur au rôle municipal d'évaluation pour tous leurs bureaux centraux et tous les fils suspendus à leurs poteaux. Actuellement, avec la TGE, le droit des municipalités québécois est ainsi conçu qu'une compagnie de téléphone ne paie pas de taxes municipales pour son bureau central—elle la paie au moyen de la TGE—et n'a pas à verser de taxes municipales sur l'ensemble de ses biens.
Je pense donc qu'à l'heure actuelle, au Québec en tout cas, les villes sont adéquatement dédommagées. Cela aiderait sans doute les choses si les fonds étaient canalisés correctement.
º (1640)
M. Larry Bagnell: Merci, c'est bien.
Monsieur Sébastien, j'ai été ravi de vous entendre parler du Grand Nord parce que c'est de là que je viens. Comme vous le savez, le problème là-bas est encore plus grave faute de concurrence. Comme il y a moins de clients, c'est financièrement moins rentable pour un seul client. La réglementation des prix, vous le savez, n'est pas vraiment efficace s'il n'y a qu'une seule compagnie. Elle menacera de fermer ses portes si on ne lui accorde pas un prix élevé et les gens ne peuvent pas se passer de téléphone. Savez-vous comment résoudre ce problème?
M. Jean Sébastien: La solution pourrait être que la municipalité soit propriétaire non seulement des conduits mais aussi de l'appareillage téléphonique. De petites compagnies dynamiques pourraient offrir des communications vocales par IP, comme elles le font sur tous les marchés du pays. C'est une voie prometteuse pour l'avenir.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Merci, monsieur le président. J'aimerais savoir de combien de temps je dispose. C'est ma première visite à votre comité, et j'ai quelques questions d'ordre logistique à poser.
[Traduction]
Le président: Huit minutes.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup.
J'ai écouté avec attention vos présentations, messieurs Ménard et Sébastien, bien que je n'en aie entendu qu'une partie seulement. Je prends la relève de mon collègue Paul Crête. Je vais poser des questions en me basant en partie sur mes valeurs personnelles.
On se retrouve aujourd'hui dans un marché de libre entreprise, et peu importe ce qu'on fait, il existe des contraintes reliées à la Zone de libre-échange des Amériques et au libre-échange comme tel, et ces dernières sont de plus en plus difficiles à contrôler.
Pour ma part, ce qui me préoccupe, comme c'était le cas lorsqu'on a mené le débat concernant les fusions bancaires, c'est le consommateur. Avec ou sans augmentation de l'apport en capital étranger, recevra-t-il de meilleurs services?
M. Jean Sébastien: En fait, le message que je viens livrer au comité aujourd'hui est que, pour le moment, il n'est pas utile d'augmenter l'apport en capital étranger. Les organismes réglementaires n'ont pas encore suffisamment prévu comment maintenir la qualité du service--et c'est ce qui nous intéresse--dans le cadre d'un nouveau modèle où on retrouverait plus de capitaux étrangers.
Par exemple, le fait de centraliser les activités aux États-Unis peut rendre difficile pour le CRTC le type de travail de supervision qu'il fait maintenant à l'égard de la qualité du service. Votre collègue parlait d'une amélioration due au fait qu'on a aujourd'hui plus de services comme Internet, par exemple. Néanmoins, pour ce qui est de la rapidité des réparations et de la réponse aux clients, les entreprises ont moins bien réussi à la fin des années 1990 qu'elles ne l'ont fait par le passé.
Le CRTC a recommencé à se donner des outils de contrôle, et il doit les mettre à l'épreuve. C'est la première fois qu'il se donne des outils de contrôle dans un libre marché, et il doit s'assurer du bon fonctionnement du système avant d'ouvrir la porte à l'étranger.
La situation était très facile auparavant. Quand les entreprises offraient un service de mauvaise qualité, le CRTC limitait leur rendement par actionnaire de 3 p. 100 ou 4 p. 100, par exemple. C'était la politique du bâton. Or, dans le contexte d'une politique qui se dirige vers le libre marché, le CRTC est en train de tester des outils. Laissons la chance au coureur avant d'ouvrir la porte aux capitaux étrangers.
º (1645)
M. Odina Desrochers: Vous dites que le CRTC est en train de se doter d'outils. Quels sont-ils? Selon vous, seront-ils efficaces face aux nouvelles demandes du marché et, possiblement, dans un contexte de transactions réalisées avec du capital étranger?
M. Jean Sébastien: Pour ce qui est des outils, précisons que toutes les entreprises doivent faire des rapports sur la qualité de leurs services. Elles doivent se soumettre à des indicateurs très précis, et si elles n'atteignent pas les niveaux requis au cours des quatre prochaines années, elles doivent réduire leurs tarifs d'un montant X pour chaque infraction, ou, en d'autres mots, pour chaque échec par rapport à l'objectif à atteindre en termes de qualité de service.
Ce type de modèle pourrait probablement être utilisé advenant une augmentation de la propriété étrangère, mais étant donné que la vérification des rapports risque d'être plus difficile à faire si les centres d'opération sont conjoints, ce qui est un scénario très réel, vu qu'on vise le gain de productivité, il serait bon, à mon avis, de commencer par mettre le système en oeuvre. On en est à la première année de sa mise en application.
M. Odina Desrochers: Ma question s'adresse à M. Ménard ou à M. Sébastien. J'ai une autre préoccupation. Lorsqu'il y a des mouvements corporatifs ou des mouvements de fusion ou d'acquisition, on parle souvent de relocalisation des entreprises. Avec le mouvement des capitaux, s'il y avait une fusion entre entreprises ou si l'une d'elles faisait l'acquisition d'une entreprise d'une province, par exemple si une compagnie de téléphone quelconque se fusionnait avec une compagnie américaine quelconque, est-ce que vous croyez qu'il pourrait y avoir une relocalisation des bureaux, un transfert d'employés?
M. Jean Sébastien: Oui, c'est certainement une possibilité et ce n'est pas nécessairement un mal en soi. Les gains de productivité profitent aux consommateurs, mais je pense qu'il faut prendre la mesure des effets de la relocalisation. Il y a des effets en termes de pertes d'emplois, mais aussi des effets systémiques, et ces effets-là, on ne les mesure pas à l'heure actuelle. Donc oui, c'est un risque très réel.
M. Odina Desrochers: Monsieur Ménard, voulez-vous ajouter un commentaire?
M. François Ménard: Non, ça va.
M. Odina Desrochers: Compte tenu de l'expertise que j'ai du dossier, monsieur le président, je vais compléter mon intervention de cette façon.
[Traduction]
Le président: Très bien. Nous reviendrons à vous plus tard si vous le souhaitez.
Monsieur Normand.
[Français]
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Ma question est plutôt technique. Il y a une chose qui m'a frappé tout à l'heure. Vous avez dit, monsieur Ménard, que les compagnies de télécommunications attendent actuellement un jugement en ce qui à trait à la réglementation des compagnies électriques.
D'un autre côté, vous dites que la fibre optique est ce qu'il y a de meilleur, qu'elle ne sera pas dépassée dans les 20 prochaines année. Par contre, j'ai vu des écrits et j'ai même vu des expériences avec des fils électriques qui donnaient quand même d'excellents rendements, et on n'a pas besoin d'un booster à tous les 40 ou 60 kilomètres comme c'est le cas avec la fibre optique. De plus, c'est un domaine qui va être en développement très important dans les mois et les années qui viennent.
Alors, pourquoi, si la fibre optique est nettement supérieure à l'électricité, les gens de la fibre optique sont-ils si inquiets que l'électricité soit dans le réseau? C'est ma première question.
Deuxièmement, si les fils électriques peuvent servir pour le réseau... Il appartiendra au juge de trancher si le CRTC va avoir juridiction sur les réseaux électriques, mais ce que je sens actuellement, c'est que certaines compagnies craignent justement une certaine ouverture de ce que j'appellerais les nouvelles technologies. C'est sûr et certain que les consommateurs sont un peu aux aguets parce qu'on craint que les prix montent.
Je pense que vous aviez raison, monsieur Sébastien, tout à l'heure, parce que dans la région d'où je viens, la région de Montmagny, on a vécu la possibilité, par exemple, de voir le siège social de QuébecTel quitter Rimouski quand les Américains ont menacé d'acheter. Heureusement, à ce moment-là, la loi ne permettait pas qu'ils soient propriétaires à plus de 20 p. 100. Alors, dans ce sens-là, la loi a bien joué, mais si on veut progresser scientifiquement, si on veut, justement, qu'il y ait de nouvelles technologies--et on sait que les nouvelles technologies sont toujours dispendieuses au début et que plus elles sont utilisées, plus les frais diminuent--, je pense qu'il faut qu'il y ait une certaine ouverture.
Autant de votre côté, monsieur Ménard, que du vôtre, monsieur Sébastien, j'ai un peu de réserves face à vos énoncés, bien que vous disiez des choses qui sont acceptables. Vous parlez des municipalités. Je sais que du temps où j'étais maire, on avait acheté une partie du réseau électrique pour tout l'éclairage des rues. La municipalité épargnait ainsi énormément d'argent parce qu'au lieu des lumières au mercure, on avait mis des lumières au sodium et automatiquement, on consommait moins d'électricité. En bout de ligne, la municipalité était gagnante et elle donnait un meilleur service aux citoyens, car lorsqu'on attendait que la compagnie d'électricité change les ampoules, il lui arrivait souvent de ne venir que quand il y en avait dix de cassées, alors que les citoyens se plaignaient qu'il n'y avait pas de lumière à tel coin de rue. C'est un facteur important, je pense, mais je ne pense pas que toutes les municipalités soient intéressées et aient la possibilité de se lancer, par exemple, dans l'organisation d'une structure importante de fibre optique sur leur territoire et d'en faire ensuite la location. Ça pourrait peut-être être rentable pour elles de le faire, mais je doute fortement que cela se produise, à moins que des compagnies comme TELUS Québec et Bell Canada offrent leurs infrastructures aux municipalités, ce qui pourrait ne pas être impossible. Mais compte tenu de la façon dont tout le monde parle, ça à l'air tellement payant pour elles que je serais surpris qu'elles vendent la vache à lait.
Alors, où la vision d'avenir se situe-t-elle actuellement là-dedans? Est-ce qu'on va vers un développement technologique nouveau qui nous permettra de nouvelles ouvertures? Veux, veux pas, ça prend de l'argent pour le faire.
En contrepartie, je dis la même chose que j'ai dite hier: si nos compagnies canadiennes, dans plusieurs pays étrangers, avaient été soumises aux mêmes lois que celles auxquelles les compagnies étrangères sont soumises au Canada, elles n'auraient jamais réussi à vendre dans ces pays-là, notamment en Chine, en Pologne ou en République tchèque. Alors, je pense qu'on est devant une situation où il va falloir assouplir nos règles tout en étant prudents et aussi en favorisant les nouvelles technologies.
º (1650)
M. François Ménard: Tout d'abord, j'aimerais vous annoncer que la Commission scolaire de la Côte-du-Sud a fait un appel d'offres pour bâtir un réseau de fibre optique sur le territoire complet de la commission scolaire, ce qui inclut la ville de Montmagny. Nous allons soumissionner à ce projet-là, probablement conjointement avec TELUS Québec et Bell Canada.
Un peu plus haut sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, les trois commissions scolaires situées sur le territoire du Bas-Saint-Laurent ont aussi fait un appel d'offres qui s'est terminé le 26 ou le 27 janvier. Trois soumissionnaires ont répondu à l'appel d'offres: TELUS Québec, Bell Canada et Xit Télécom.
M. Gilbert Normand: On parle d'un système...
M. François Ménard: On parle du programme Villages branchés. Il faut comprendre que les concurrents ne sont pas très intéressés à venir bâtir des réseaux. On parle d'un réseau payé par le gouvernement du Québec dans le cadre du programme Villages branchés. Trois soumissionnaires ont répondu à l'appel d'offres. L'appel d'offres avait été élaboré avec des contraintes énormes: une caution de soumission de 500 000 $ et une caution d'exécution de 5 ou 6 millions de dollars. La barrière à l'entrée était très élevée, mais on a répondu. On s'attend à ce que ce soit la même chose pour la région de Côte-du-Sud.
Cela dit, vous avez fait plusieurs commentaires sur les technologies de transmission de données sur les voies électriques. Il y a deux aspects fondamentaux en ce qui a trait à cette technologie.
D'une part, la mission des compagnies d'électricité n'est pas de fournir des services de télécommunications. Bien qu'elles aient eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises, elles ne veulent pas le faire.
D'autre part, il y a peut-être quatre ans, Nortel a acheté à fort prix une technologie de transmission de données sur les lignes électriques. La compagnie a apporté cette technologie en Amérique du Nord, mais elle a dissous son investissement. Ce n'est pas faisable en Amérique du Nord. C'est très faisable en Europe, mais pas en Amérique du Nord. Pourquoi? À cause de la densité de la population. Il en coûte de 1 500 $ à 2 000 $ pour contourner chaque transformateur dans un réseau de distribution. Physiquement, les données ne peuvent pas passer au travers d'un convertisseur catalytique, ce qui fait en sorte qu'on doit faire une dérivation chaque fois qu'il y a un convertisseur catalytique. Le nombre de ces convertisseurs catalytiques dans le réseau nord-américain est beaucoup plus élevé qu'en Europe. D'une part, le voltage est plus bas et, d'autre part, il y a une plus faible densité de population. Vous n'avez qu'à vous promener dans la rue et à compter le nombre de gros cylindres gris qu'il y a sur un poteau. Il y en a plusieurs.
Cela dit, est-ce que le système que l'on entrevoit empêcherait une compagnie d'électricité d'offrir un service de télécommunications? Pas du tout. Par contre, je suis en train de faire un cours de droit à l'université et on y apprend très rapidement que l'article 91 de la Constitution dit que les télécommunications sont de juridiction fédérale. Il y aurait certainement lieu de croire qu'aucune compagnie d'électricité ne pourrait affirmer que les tarifs des télécommunications sur des lignes électriques devraient être réglementés par la Régie de l'énergie au Québec. Cela ne tiendrait pas. Par contre, elles sont très contentes de dire que le tarif de poteau devrait être régi par la Régie de l'énergie, qui ne comprend strictement rien des télécommunications présentement. On a, au CRTC, un centre de compétence qui est sous-utilisé et qui serait beaucoup plus apte à prendre des décisions si on interprétait la notion de transmission line comme étant n'importe quelle sorte de transmission line.
Revenons à votre argumentation selon laquelle nous ne pensons qu'en mode fibre optique. Effectivement, c'est une réalité. Il y a lieu de croire que les projets, c'est aujourd'hui qu'ils se réalisent. Il s'agit d'une one-time opportunity. Si les villes du Québec passent à côté de Villages branchés, ce sera just too bad. Elles n'auront pas de réseau de fibres pendant un méchant bout de temps. Donc, il leur appartient de participer à ce projet dès aujourd'hui. Ce projet exige qu'il y ait un partenariat formel entre la municipalité, la MRC et la commission scolaire, sans quoi le gouvernement ne déboursera pas un sou; il exige aussi que ce soit un réseau de fibres pour 20 ans. Si le programme Villages branchés a été conçu de cette façon, avec ces termes et conditions, c'est parce que du lobbying a été fait en ce sens-là. XIT Télécom n'est pas très loin derrière.
Cependant, un tel système est-il préférable à un système à accès ouvert? Probablement pas, parce que c'est restreint au secteur parapublic. Donc, nous devons trouver une façon de faire en sorte que ce système soit au bénéfice de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, et pas juste au bénéfice des écoles et des bureaux municipaux.
º (1655)
À mon avis, nous devons continuer dans cette voie, qui consiste à doter les municipalités de l'expertise qu'elles n'ont pas dans le domaine des télécommunications. On est un département d'ingénierie, au même titre que le département d'ingénierie de Bell Canada. N'importe quelle ville de Canada peut nous engager pour régler ses problèmes de télécommunications. Nous croyons que c'est le modèle qui va perdurer et qui va assurer la concurrence dans le secteur des télécommunications.
» (1700)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Normand.
Madame Torsney.
[Français]
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci beaucoup et bienvenue. Ce que vous avez dit était très intéressant. Je pense que tous les membres du comité se sont ouvert les yeux. J'espère qu'à la fin de cette étude, je connaîtrai 10 p. 100 de ce que vous savez à ce sujet.
[Traduction]
Vous m'avez beaucoup impressionnée. J'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit et les idées que vous nous avez présentées. Même si une grande partie de cela déborde du cadre de notre étude, la question nous intéresse beaucoup.
J'ai été particulièrement intéressée par ce que vous avez dit, monsieur Ménard, parce que j'essaie actuellement de brancher mon bureau de circonscription au câble à haut débit. Tous les immeubles avoisinants sont branchés mais le mien ne l'est pas parce qu'il est un peu plus vieux. On est passé de 10 000 $ pour le câble à peut-être passer par la ligne de l'hydro, peut-être par ceci, peut-être qu'on peut le faire pour vous et tout d'un coup tout le monde tient à ce qu'on soit branché.
Vous avez dit qu'une partie de la difficulté, c'est que le grand public ne réclame pas ce qu'il devrait réclamer. Monsieur Sébastien, peut-être connaissez-vous mieux ce qui manque aux Canadiens. Sommes-nous trop doux? En fait, les deux peuvent répondre.
À la page 3, monsieur Ménard, vous dites que les tarifs résidentiels devront atteindre les niveaux du marché, ce qui ouvrira la voie à l'arrivée de nouveaux concurrents. Lorsque les gens commenceront à payer ces tarifs plus élevés, quels nouveaux services recevront-ils et qui leur fera accepter ces prix? Dans quelle mesure le pays sera-t-il branché et quel effet cela aura-t-il sur notre économie et sur nous? Parce que, au bout du compte, ce n'est pas leur faire payer des tarifs plus élevés qui va rendre les gens plus heureux.
Les deux peuvent répondre.
M. François Ménard: La modélisation qui a été faite dans la plupart des analyses de rentabilisation qui soutiennent l'investissement municipal dans, sans doute, les systèmes à fibre optique desservant les foyers, montre que pourvu que l'on canalise tout l'argent via une seule infrastructure et non pas deux ou trois, il est possible d'incorporer tous les services sur un seul câble de fibre optique à raison de 60 ou 70 $ par mois à condition que le consommateur s'engage à acheter des services de télévision, de téléphone, d'accès Internet, d'interurbains et de services secondaires, comme les services astérisques, la messagerie vocale, les films sur demande, etc. Il y a quelques années, lorsque le CRTC étudiait la possibilité d'autoriser la concurrence interurbaine, une étude a montré qu'en moyenne les Canadiens consacraient entre 20 et 30 $ de plus que le service téléphonique de base aux appels interurbains. Si l'on ajoute le fait que les Canadiens faisaient un nombre minimum d'appels interurbains et si vous disiez, comment pouvons-nous instaurer la concurrence, la rentabilité était tout d'un coup prouvée parce que les compagnies de téléphone disaient à l'époque qu'étant donné que la plupart des gens font des appels interurbains, la concurrence pour l'interurbain allait les priver de revenus qui servaient à financer leur service local et l'on s'est aperçu plus tard que c'était faux. La concurrence pour les appels interurbains a été instaurée et comme le député l'a dit, sa facture d'interurbains a chuté spectaculairement alors que le prix du service local n'a cessé de monter.
On peut donc soutenir que tant que le consommateur canalise l'argent en passant par deux infrastructures parallèles différentes—qui certes ont déjà été bâties et payées mais dont les coûts d'entretien sont immenses... l'entretien d'un réseau de télévision par câble coûte très cher. Même chose pour un réseau téléphonique. Les deux réseaux ne vont pas disparaître, si bien qu'il faut donner une raison aux ESLT de se débarrasser de leur infrastructure en échange d'une nouvelle. C'est ce que nous avons fait à Iroquois Falls, en Ontario. La ville nous a choisis pour négocier avec Persona Communications, le câblodistributeur local, et Northern Telephone et Ontario Telecom pour les encourager à céder l'espace qu'ils occupent actuellement sur le poteau. Si la ville avait agi seule, il en aurait coûté 6 000 $ le poteau pour les allonger de manière à avoir assez d'espace pour installer son propre câble de fibre optique. Mais si au contraire le câblodistributeur et la compagnie de téléphone enlèvent leurs fils du poteau, tout l'espace est libéré et une nouvelle infrastructure peut être installée, ce qui coûte beaucoup moins cher à la ville. Cela permet aussi à Persona d'offrir des services de modem câble à Iroquois Falls. Actuellement, la station de câblodiffusion d'Iroquois Falls est unidirectionnelle et ne permet donc pas d'offrir le service de modem câble. Elle a donc une raison de plus de se départir de son infrastructure.
Je pense donc qu'il faut que les ESLT, qui se voient d'abord comme des exploitants d'infrastructure et non des fournisseurs de services, admettent que pour évoluer elles devront devenir des fournisseurs de services et non des propriétaires d'infrastructure. La propriété de l'infrastructure sera intimement liée à l'emprise. Il est inabordable de concevoir une multitude d'emprises pour une quantité d'infrastructures parallèles uniquement pour réaliser ce que j'appelle le rêve de la FCC, la concurrence intermodale effective. La concurrence intermodale est inefficace, n'a pas fait ses preuves et n'arrivera pas à offrir les débits que la population réclamera pour la télémédecine, le téléenseignement, qui ne peuvent être assurés que grâce à la fibre optique.
» (1705)
M. Jean Sébastien: Il faudra examiner notamment les coûts réels pour l'entreprise, ses coûts prospectifs. Depuis quelques années on demande en effet aux ESLT de se servir de ces coûts, qui sont ceux qu'un nouveau venu aurait à engager pour bâtir son propre système. Ces coûts sont actuellement à l'étude. Lorsqu'ils seront sur la table et que chaque partie aura eu la chance d'en prendre connaissance, nous aurons une image nette de la situation actuelle du secteur des télécommunications au pays.
Vous avez aussi demandé si le consommateur acceptera de payer davantage. Je réponds: seulement s'il paie moins globalement, ce qui n'est pas le cas actuellement. Malheureusement, le rapport de 2002 du CRTC sur l'état de la concurrence compte à peine cinq pages consacrées aux conséquences pour le consommateur, beaucoup moins que dans la première année où le rapport a été publié. Certaines des données disponibles la première année ne l'étaient plus la seconde. Normalement, chaque année, le rapport devrait indiquer combien le consommateur paie pour l'utilisation globale du téléphone. La première année, le CRTC a décidé qu'en moyenne les Canadiens faisaient 125 minutes d'appels interurbains par mois. Mais dans cette moyenne, il y a des gens qui font 800 minutes d'interurbains, ce qui pèse d'un grand poids dans le calcul. Revues en vue de l'audience sur le plafonnement des prix, les données ont montré que la plupart des Canadiens en 2000 payaient plus qu'avant pour le téléphone. Cela va peut-être changer dans l'avenir au fur et à mesure que les tarifs d'interurbain baisseront. Évidemment, si les gens paient moins globalement, ça signifie qu'ils paieront davantage pour un service local. C'est donnant, donnant.
» (1710)
Le président: Merci.
Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: Je veux revenir aux restrictions concernant la propriété des compagnies de téléphone canadiennes et faire quelques observations. Beaucoup ont dit que si l'on ouvre le dossier, les deux grandes ESLT actuelles pourraient être reprises par une grande entreprise titulaire américaine, que nous perdrons de notre souveraineté ou de notre autorité et que le siège déménagera au sud de la frontière. Je n'accepte pas cet argument, pour être honnête, parce qu'une compagnie comme le CN, qui n'est pas assujettie à ces restrictions, a connu une croissance très dynamique partout en Amérique du Nord et a conservé son caractère canadien. Je dirai aussi que Nortel, le grand fournisseur de matériel de télécommunication, est beaucoup plus solide que son principal concurrent américain, Luccent, et est, je crois, à la veille d'une reprise. Il y a quantité d'autres exemples. Magna International en est un autre.
Je regarde la situation des titulaires des télécommunications aux États-Unis. Personne ne va me dire que WorldCom va venir au Canada pour mettre la main sur Bell Canada. Ce n'est pas envisageable. Il y a là des entreprises solides qui sont peut-être l'égal de Bell Canada mais beaucoup d'entre elles sont en assez mauvaise posture. Pour moi, assouplir les restrictions permettrait à beaucoup d'entreprises de télécommunication canadiennes de prendre de l'expansion et de pénétrer sur le marché américain plutôt que l'inverse. J'imagine que je vois les choses d'un oeil plus positif.
Pour ce qui est des apports en capitaux, soyons sérieux. Le grand marché des capitaux pour une entreprise comme celle-là, c'est celui des obligations et des débentures et ils le font déjà aux États-Unis. Ils réunissent des capitaux américains sur ces marchés pour financer leurs opérations. Ils ont une cote de solvabilité élevée et peuvent rassembler des capitaux sur ces marchés. Les restrictions sur le degré de propriété étrangère, c'est donc un argument bidon.
M. Jean Sébastien: Pour répondre à cette question, il faut dire, entre autres choses, que nous ne sommes pas encore rendus là, car une fois que ce sera fait, cela soulèvera des questions liées au chevauchement de la réglementation. François a mentionné la situation aux États-Unis, où il existe, en plus de la FCC, 50 organismes de réglementation relevant des États et des règlements qui se recoupent. Cette réalité-là se manifestera aussi lorsqu'on assouplira les règles ici, et il faut absolument en tenir compte. Nous demandons justement au comité de le faire.
M. Brian Fitzpatrick: À en juger d'après ce que j'entends, la réglementation préoccupe davantage les gens que la propriété. Tout le monde parle de problèmes liés à la réglementation, en ce sens qu'il faut protéger l'accès aux capitaux des entreprises afin qu'elles puissent croître, étendre davantage leurs activités et continuer à prospérer.
M. François Ménard: J'aimerais préciser que je n'ai que 29 ans, et que je n'ai donc rien eu à voir avec les limites imposées à la propriété étrangère. Je ne m'y oppose d'ailleurs pas. Nous pourrions en effet bénéficier d'une participation étrangère. Ce qui m'effraie, ce ne sont pas les investissements étrangers, mais plutôt que les monopoles, toujours parmi nous, aient un accès prioritaire à de tels investissements, ce qui leur permettrait alors de maintenir à leur niveau actuel leurs tarifs de service local. Hier, un professeur de sciences économiques de l'Université Cornell a lu mon exposé et l'a jugé solide. Eh bien, du point de vue d'un économiste, la pression devrait s'exercer sur les tarifs locaux, du fait des bénéfices plus faibles rapportés par les tarifs d'affaires. Si l'on veut maintenir le taux de rendement pour les actionnaires, il n'y a qu'un seul moyen, augmenter le tarif du service local.
À l'heure actuelle, ce tarif est assujetti à un plafond, le 2002-34, par décision du CRTC. Je ne citerai pas de chiffres, car je ne les connais pas par coeur, mais telle est bien la décision prise. De plus, le public ne semble nullement réclamer l'avènement d'une concurrence à l'échelle locale. Il ne s'est pas encore manifesté en ce sens tout au moins. Je ne vois pas de représentants de l'Union des consommateurs ni du Centre pour la défense de l'intérêt public. Or, je précise avoir pourtant appelé ces deux organismes toutes les semaines ces deux dernières années, et leur avoir même offert de défrayer leur participation comme intervenants aux audiences relatives à l'accès par un tiers au modem câble. Cela aurait été rendu possible grâce aux règles de taxation régissant les titulaires de permis. Ils ne sont pas intervenus lors des audiences qui portaient sur les lignes d'accès numériques. J'en conclus donc que le public canadien ne tient pas énormément à la création de conditions de concurrence. Pourquoi le devrait-il? Il se dit que son tarif téléphonique est bas et qu'il n'y a pas de quoi se plaindre. Le service qu'il reçoit est de première et est offert à des coûts très raisonnables à l'échelle locale. Quant à son service Internet haute vitesse, étant donné les rivalités entre les câblodistributeurs et les compagnies de téléphonie, il lui est offert au prix le plus avantageux au monde. Mais comment cela peut-il être soutenu? Lorsqu'il voudra offrir des consultations de télémédecine et de l'enseignement à distance, ça ne marchera pas, et il s'en rendra compte seulement quand le gouvernement mettra les services médicaux en direct.
Pour le moment donc, rien ne semble inciter les Canadiens à réfléchir à ces questions, quand de notre côté, nous agissons sur le front réglementaire et nous nous efforçons de convaincre les municipalités de se pencher sur tout cela. Notre mission est très importante, nous avons beaucoup de gens à renseigner, même si nous avons déjà commencé à le faire. Cela prendra du temps. J'espère malgré tout que les titulaires n'endureront pas encore bien longtemps ce genre de pression qui devrait normalement déboucher sur des lignes d'accès numériques et des services de téléphonie locale, à des tarifs plus élevés. S'il n'y a pas de hausse en ce moment, c'est parce que ces compagnies ont accès à des capitaux supplémentaires, ce qui leur permet d'absorber ce genre de coût et d'exercer une pression encore plus forte sur les nouveaux venus.
» (1715)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je poursuis dans la même veine que M. Fitzpatrick. Depuis le début, on a beaucoup parlé de la technologie et des avantages et inconvénients de la fibre optique et ainsi de suite. C'est parce qu'on voulait faire porter le débat sur la question de fond qui nous préoccupe aujourd'hui, à savoir s'il y a urgence à réexaminer la réglementation. La question se pose parce que les entreprises canadiennes ont beaucoup de difficulté à obtenir du financement. Beaucoup d'entreprises dans le domaine des communications ont fait faillite et d'autres sont en difficulté financière. Est-ce qu'elles sont en difficulté financière parce qu'elles ont un mauvais modèle d'investissement, ou parce que c'est un domaine où on a besoin d'énormément de capitaux et qu'on n'a pas chez nous suffisamment de capitaux pour développer davantage nos communications?
Vous, vous êtes dans l'entreprise, alors que M. Sébastien ne l'est pas. M. Sébastien est un critique et représente davantage les consommateurs.
Je comprends que pour un représentant d'entreprise, surtout si son entreprise va bien, c'est plus difficile à accepter. Pourquoi revoir la réglementation pour permettre à des capitaux étrangers d'entrer sur le marché? À ce moment-là, plusieurs petites entreprises canadiennes vont se donner aux Américains ou à d'autres, et on risque de perdre le contrôle de notre modèle canadien.
Serait-il avantageux de déréglementer pour permettre à nos entreprises canadiennes d'avoir accès à des capitaux, ou s'il y aurait surtout des inconvénients à cela? Comme vous le disiez plus tôt, si les différents paliers de gouvernement, provincial, municipal ou fédéral, étaient propriétaires des infrastructures au même titre qu'ils sont propriétaires des systèmes de transport, des rues, des autoroutes et ainsi de suite, cela dégagerait des capitaux pour permettre aux entreprises d'investir davantage dans les technologies et dans les services aux consommateurs que dans les infrastructures.
J'aimerais partir d'ici à 17 h 30 après avoir entendu M. Sébastien, qui est un représentant des consommateurs, et M. Ménard, qui est un entrepreneur, exprimer des positions très claires. Est-ce qu'il y a un avantage à déréglementer ou s'il faut faire autre chose avant cela?
» (1720)
M. Jean Sébastien: À notre avis, il faut faire d'autres choses avant de déréglementer la propriété ou les restrictions à la propriété étrangère. Il faut d'abord mettre en place un régime de réglementation, notamment en ce qui a trait aux coûts--qui est la prochaine étape au CRTC--, ce qui va permettre aux concurrents de développer un modèle économique fort. Il faut que les concurrents soient plus forts qu'ils ne le sont à l'heure actuelle avant qu'on ouvre la porte aux risques que M. Ménard a évoqués quant aux monopoles. Tout le monde va avoir accès au même 40 p. 100 ou 60 p. 100, ou 100 p. 100 si c'est l'ouverture complète. À l'heure actuelle, il serait malhabile d'ouvrir la porte à une plus grande proportion de propriété étrangère. Ce ne le sera peut-être pas dans deux ans, dans quatre ans ou dans cinq ans, mais ce serait malhabile aujourd'hui.
M. Serge Marcil: Et vous, monsieur Ménard, qu'en dites-vous?
M. François Ménard: Je pense avoir été on ne peut plus clair: il serait bon que les entreprises privées aient accès à des capitaux étrangers pour améliorer leur position concurrentielle. Je dois dire qu'on a déjà entamé des discussions avec des investisseurs américains à cet effet. Par contre, je doute beaucoup que le travail puisse être fait en l'absence d'une modélisation et d'une réponse à quelques questions pertinentes. Par exemple, je veux savoir comment tous les CLEC au Canada ont dépensé depuis cinq ans pour la mise en oeuvre de cages de colocalisation dans tous les centraux au Canada dans lesquels ils se sont implantés.
Je considère que cet investissement-là vaut zéro. Il ne vaut rien maintenant, parce que j'ose croire que sur une base incrémentielle, le CRTC va permettre une interconnexion ne requérant pas qu'on ait une cage de colocalisation pour qu'un concurrent puisse interfacer avec le réseau des compagnies titulaires. À ce moment-là, on a un argument qui est totalement bogus de la part de tous les CLEC. Qu'est-ce qu'on va faire avec tout l'argent qu'on a investi? On va avoir l'air pas mal fous si le CRTC change les règles du jeu cinq ans plus tard. En plus, on va s'exposer à de nouveaux concurrents qui, eux, pourront prendre place sans avoir à encourir les mêmes coûts que nous. C'est la première question.
Deuxièmement, combien tous les concurrents au Canada ont-ils dépensé depuis cinq ans en travaux préparatoires qui auraient pu être évités s'il y avait eu une régulation plus proactive de la part du Parlement du Canada en ce qui à trait au caractère raisonnable de faire faire autant de travaux préparatoires à la venue d'un concurrent? Je pense, par exemple, à une revue complète et fondamentale de la règle du demandeur-payeur. Présentement, la règle du jeu est la suivante.
[Traduction]
Le dernier à vouloir bâtir quelque chose doit assumer tous les coûts de mise au point. Ainsi, c'est lui qui doit payer lorsqu'on change de poteau, qu'on déménage les services de Bell ou le transformateur d'alimentation du service public, ou encore le câblodistributeur. Cela fait partie de ses coûts des facteurs de production, et ça démolit assez rapidement un plan d'entreprise. Il faut donc se poser deux questions très importantes à ce sujet. Combien a-t-on gaspillé en raison de colocalisation des installations ou de coûts de mise en route? Une fois qu'on aura la réponse, on pourra conclure qu'il y aurait sûrement eu moyen d'éviter tous ces coûts. Pourquoi nous faudrait-il des investissements étrangers pour créer une concurrence si de tels coûts ne font plus partie de la structure des coûts?
À mon avis, les investissements étrangers ne devraient pas servir à financer la dette des concurrents. Ils devraient être envisagés dans une perspective d'avenir, car à l'heure actuelle, à supposer que je sois un nouveau venu, je tiendrai à ce que les investissements étrangers ne financent pas mes activités futures, mais remboursent plutôt ce que je devrai à la banque au prochain trimestre. À mon avis, ce n'est pas ainsi qu'il faut envisager le problème.
» (1725)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur McTeague, vous pouvez conclure.
[Français]
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur Sébastien et monsieur Ménard, merci pour vos présentations. C'est très encourageant quand on trouve des solutions. La seule question que j'ai à poser a trait à la concurrence.
[Traduction]
Estimez-vous que l'une des solutions serait peut-être de séparer les titulaires ou les grossistes de service de ceux qui en assurent la revente ou qui s'occupent du branchement à domicile ou des entreprises? Vous êtes manifestement préoccupés par le fait que les grandes entreprises sont en mesure d'évincer leurs rivales de plus petite taille. D'autres nous ont aussi fait part de cela hier. Nous avons aussi entendu des représentants de municipalités nous parler de ce qui se passe dans les lotissements du Grand Toronto, où des promoteurs immobiliers doivent assumer les coûts de branchement, d'installation des services et, en conséquence, affirment être propriétaires du produit final puisque ce sont eux qui installent la fibre optique et la branchent dans les foyers. Ils décident ensuite que le pourcentage du tarif sera établi par voie de négociation avec les nombreux titulaires de permis.
À votre avis, le comité devrait-il se pencher sur ces deux questions, à savoir la séparation des services, afin d'empêcher que les grandes entreprises établissent des prix abusifs, et l'élargissement des pouvoirs municipaux de manière que les promoteurs immobiliers ou les autres qui pourraient installer les services de branchement soient reconnus comme concurrents?
M. François Ménard: C'est ce qui se passe en ce moment. La décision 2002-76 du CRTC, annoncée en décembre dernier et à mon avis cinq ans trop tard, réprimande Bell Canada pour s'être servie de Nexxia comme moyen de se soustraire à l'exigence de déposer des tarifs et de rendre des comptes au sujet des services qu'elle fournit aux concurrents. Bell Canada devrait les fournir aux clients mais s'est servie de son service Nexxia pour éviter tout cela.
Pour ce qui est des services Internet haute vitesse et des réseaux privés de fibre optique, la semaine dernière, nous avons assisté à quelque chose de très, très bien quand Bell Canada, pour la première fois, a présenté une offre relativement au projet de la Commission scolaire des Découvreurs à Québec et non par l'entremise de Nexxia mais avec ses propres services, et ce par suite du processus de justification lancée en vertu de la décision 2002-76 du CRTC. Cela signifie que Bell Canada sera tenue de déposer des mises à jour de ses tarifs de fibre occulte, ce qu'elle a évité de faire jusqu'à maintenant, car la dernière chose qu'elle voudrait faire, c'est bien de devoir se conformer à un tarif général de fibre occulte, car alors n'importe lequel de ses concurrents pourrait commander ce produit. Bell serait alors obligée de construire cette fibre occulte, ce saint-graal des télécommunications, et la fournir à ses concurrents. Elle a donc procédé par le truchement de Bell Nexxia pour éviter cela, en alléguant que si elle construisait ses réseaux de fibre inutilisée pour le secteur public sans que cela n'entraîne de concurrence avec elle, il n'y a pas de problème mais en protestant qu'il y avait de graves problèmes s'il fallait construire ces mêmes réseaux et courir le risque de le voir utilisé par ses concurrents. La situation a donc évolué. Cependant, grand Dieu, cela aurait dû être fait il y a cinq ans, et ça n'a commencé qu'en décembre dernier.
En second lieu, vous avez parlé de la situation de Future Way à Toronto, ce que vous avez appelé une entreprise de télécommunications reposant sur l'actif. Cette situation à mon avis n'est pas différente de celle d'un conseil scolaire qui veut posséder son propre réseau de fibre optique, quitte à négocier par après les conditions de son branchement avec la compagnie de téléphonie locale titulaire, afin que les services puissent être fournis en plus du réseau scolaire. Il est certainement possible que ce genre de chose se produise. On appelle cela une position dominante, et une entreprise dominante serait alors tenue de déposer des tarifs justes et raisonnables auprès de la Commission. Il est toujours possible qu'une compagnie dominante s'abstienne de déposer des tarifs, que quelqu'un s'en plaigne et allègue un abus de la position dominante, et demande donc que les tarifs soient déposés. C'est précisément ce qui s'est passé avec Bell Canada et Future Way. Future Way était en position dominante, en ce sens que Bell Canada n'avait d'autre choix que d'utiliser les infrastructures de Future Way pour offrir ses services, dans le cas où les utilisateurs finals du quartier souhaiteraient être desservis par Bell Canada. Cette dernière a donc demandé au CRTC de forcer Future Way à déposer ses tarifs relatifs à l'accès à ses infrastructures par des tiers.
J'ai parlé d'accès par les tiers. À Ottawa en ce moment, on confond très facilement les services des grossistes et l'accès par un tiers. Les services en gros offrent des tarifs dégressifs sur volume, selon des paliers de 1 à 100, à 1 000 et à 10 000, ce qui force les concurrents à s'engager à acheter un minimum de services. Quant à l'accès par des tiers, il est régi par la décision 1999-592 du CRTC, en vertu de laquelle il y a abstention en ce qui a trait aux tarifs de services Internet au détail, mais pour ce qui est des structures de soutènement, le tarif déposé doit être juste et raisonnable. Par le passé, le CRTC a eu tendance à préférer des tarifs non dégressifs sur volume. Cela correspond à l'accès par des tiers, et c'est pourquoi il y a accès par des tiers au modem câble et aux lignes d'accès numériques, deux procédures qui sont encore en instance devant le CRTC et qui ne sont pas près d'être conclues prochainement. Entre-temps, les fournisseurs canadiens de services Internet protestent avec la dernière énergie contre la façon dont les titulaires utilisent leur infrastructure pour les évincer, car à l'origine, cette infrastructure avait été conçue pour fournir des services de téléphonie, mais les titulaires ont trouvé moyen de l'utiliser pour offrir Internet, mais sans déposer de tarifs justes et raisonnables qui auraient permis un accès par des tiers.
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En ce moment, j'irais jusqu'à dire qu'on remarque une absence criante de communication entre le Parlement et le CRTC, c'est-à-dire qu'on ne donne pas de directives au CRTC. Peut-être cela tient-il au fait que le CRTC est un organisme indépendant, et qu'il serait malséant pour un député de téléphoner à Mme Rhéaume et de lui dire qu'il serait dans l'intérêt du public que telle ou telle chose se produise. Ça n'est pas ainsi que fonctionnent les communications entre le Parlement et le CRTC, mais plutôt grâce à des motions présentées par Industrie Canada et par l'entremise de décrets du gouverneur en conseil, qui se rendent ensuite jusqu'au CRTC. En ce moment aussi, d'une part, le gouvernement affirme que les services à bande large sont une excellente idée et qu'ils devraient être offerts à tous les Canadiens, et d'autre part, le CRTC, organisme émanant du gouvernement, s'abstient tout à fait de faire avancer ce dossier et se contente de réagir et de donner simplement suite lorsqu'il y a des plaintes de la part de concurrents.
Le président: Je tiens à vous remercier tous les deux de votre participation à nos travaux cet après-midi, elle a été très instructive. Nous avons tous appris beaucoup de choses au cours de la semaine et demie écoulée, et il est toujours très agréable de compter sur des gens comme vous. Encore une fois, nous vous remercions vivement.
Nous nous reverrons demain 15 h 30. La séance est levée.