INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 12 février 2003
¹ | 1525 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
¹ | 1540 |
Mme Phyllis Yaffe (chef de la direction, Broadcasting Group, Alliance Atlantis Communications Inc.) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada) |
¹ | 1555 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. André Bureau (président, Astral, Alliance Atlantis Communications Inc.) |
º | 1600 |
M. James Rajotte |
M. Michael MacMillan (président et directeur général, Alliance Atlantis Communications Inc.) |
M. James Rajotte |
Mme Phyllis Yaffe |
º | 1605 |
M. James Rajotte |
M. André Bureau |
M. Jay Switzer (président et chef de la direction, CHUM limitée, Alliance Atlantis Communications Inc.) |
º | 1610 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
M. André Bureau |
º | 1615 |
M. Serge Marcil |
º | 1620 |
Le président |
M. Serge Marcil |
M. Michael MacMillan |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. André Bureau |
º | 1625 |
M. Paul Crête |
M. André Bureau |
M. Paul Crête |
M. André Bureau |
M. Paul Crête |
M. Michael Murphy |
º | 1630 |
Le président |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
M. David Johnston (président, Université de Waterloo, À titre individuel) |
M. Gilbert Normand |
M. David Johnston |
M. Gilbert Normand |
M. André Bureau |
M. Gilbert Normand |
º | 1635 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
º | 1640 |
M. Michael MacMillan |
º | 1645 |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Jay Switzer |
Le président |
M. David Johnston |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
Mme Phyllis Yaffe |
º | 1650 |
M. Brent St. Denis |
M. Michael Murphy |
M. Brent St. Denis |
M. David Johnston |
M. Brent St. Denis |
M. David Johnston |
M. Brent St. Denis |
º | 1655 |
M. David Johnston |
Le président |
M. Paul Crête |
M. André Bureau |
» | 1700 |
M. Paul Crête |
M. André Bureau |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Jay Switzer |
Mme Phyllis Yaffe |
» | 1705 |
M. Larry Bagnell |
M. Jay Switzer |
M. Larry Bagnell |
M. David Johnston |
M. Larry Bagnell |
M. Michael Murphy |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
» | 1710 |
M. Michael MacMillan |
Le président |
M. Michael Murphy |
M. David Johnston |
» | 1715 |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Michael MacMillan |
M. James Rajotte |
M. Michael MacMillan |
» | 1720 |
M. James Rajotte |
M. Michael MacMillan |
M. James Rajotte |
M. Michael MacMillan |
Le président |
M. David Johnston |
Le président |
M. André Bureau |
» | 1725 |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Andy Savoy |
M. Paul Crête |
» | 1730 |
Le président |
M. Andy Savoy |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Paul Crête |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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|
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 12 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Merci.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Phyllis Yaffe, qui représente l'Alliance Atlantis Communications Inc.
¹ (1540)
Mme Phyllis Yaffe (chef de la direction, Broadcasting Group, Alliance Atlantis Communications Inc.): Merci, monsieur le président, et bonjour aux membres du comité et au personnel. Je m'appelle Phyllis Yaffe, et je suis chef de la direction d'Alliance Atlantis Broadcasting.
Nous allons aujourd'hui faire un exposé conjoint. Je suis accompagnée de Michael MacMillan, président du conseil et chef de la direction d'Alliance Atlantis Communications. Se joignent également à nous André Bureau, président d'Astral Media, et Jay Switzer, président et chef de la direction de CHUM Limited.
Ce n'est pas tous les jours que nous nous retrouvons tous à la même table. Nos entreprises de programmation ont plutôt l'habitude d'être en concurrence pour rejoindre les téléspectateurs canadiens et leur offrir des services de télévision attrayants. Aujourd'hui cependant, nous avons une vision commune à partager avec vous. Nous aimerions en effet attirer votre attention sur les implications pour le secteur de la radiodiffusion d'une libéralisation des règles en matière de propriété étrangère pour les entreprises de télécommunications.
La perspective d'un assouplissement éventuel des règles relatives à la propriété étrangère en faveur des entreprises de télécommunications soulève la question de savoir si ce relâchement des règles devrait également être étendu aux entreprises canadiennes de câblodistribution ainsi qu'à d'autres entreprises de distribution telles les satellites, étant donné qu'et les entreprises de télécommunications et les câblodistributeurs sont engagés dans des activités de radiodiffusion.
Dans le cadre de votre examen d'un assouplissement possible des règles en matière de propriété étrangère pour les entreprises de télécommunications, vous avez entendu et entendrez des porte-parole de l'industrie de la câblodistribution plaider leur cause devant vous et demandant d'être englobés dans toute libéralisation des règles en matière de propriété pour les entreprises de télécommunications. Nous sommes cependant soulagés de constater qu'aucune société canadienne n'a proposé qu'advenant l'assouplissement des règles en matière de propriété applicables aux entreprises de distribution de radiodiffusion, ou EDR, les règles visant les entreprises de programmation, c'est-à-dire entreprises télévisuelles et radiophoniques, devraient elles aussi être modifiées. Nous appuyons cette position.
Néanmoins, nous tenons à mettre en garde les députés: les changements proposés soulèvent plusieurs défis, même s'ils ne concernent que la distribution. Aujourd'hui, de nombreuses entreprises médiatiques exercent en combinaison la propriété et le contrôle d'EDR et d'entreprises de programmation. Les membres du secteur de la câblodistribution affirment que les sociétés engagées à la fois dans la distribution et le contenu auront à prendre une décision d'affaires quant à la question de savoir si elles doivent ou non tirer profit de tout changement aux règles en matière de propriété en créant des personnes morales distinctes dotées d'administrations et de conseils d'administration distincts, sans lien aucun entre les deux.
Tout cela paraît simple en théorie, mais dans la réalité, cela ne se résume pas simplement aux aspects techniques de réorganisation et de séparation structurelle. Le concept de séparation structurelle a été emprunté au secteur des télécommunications et a été utilisé afin de résoudre certains problèmes de comptabilité fondamentaux.
Mais dans le cas qui nous occupe, il n'est pas simplement question de méthodologies d'établissement des coûts ou de procédures comptables. Il y a entre entreprises de contenu et distributeurs une relation unique qui n'a pas grand-chose à voir avec le règlement de problèmes de comptabilité structuralement distincts. Le rôle d'une entreprise de distribution de radiodiffusion dans notre système est difficile à séparer de l'anatomie d'ensemble de notre système de radiodiffusion. Une fois le génie de la propriété étrangère de la distribution sorti de la bouteille, le spectre d'une influence exercée par des non-Canadiens sur les services de programmation surgit.
Vous avez sans nul doute entendu des représentants d'entreprises de télécommunications expliquer que les EDR ne sont vraiment pas comparables à des «fournisseurs de télécommunications». Selon eux, il y a un concept juridique établi selon lequel le «transporteur» ne peut pas contrôler le contenu ni influer sur le sens du contenu de ce qui est transporté.
Mais lorsqu'un distributeur de radiodiffusion offre une programmation télévisuelle à ses abonnés, il fait quelque chose de très différent. Au contraire d'une compagnie de téléphone, l'EDR joue un rôle actif dans le contrôle ou l'inflexion du contenu qu'elle propose. Elle prend des décisions critiques quant aux services à proposer, promouvoir et assembler ainsi qu'au niveau approprié de ressources qui devraient être consacrées à de telles activités de commercialisation et de promotion. Elle négocie également les tarifs de gros, essentiels, définit la composition des bouquets de services, fixe les prix de vente au détail et établit des canaux d'autopublicité—ou canaux bonimenteurs.
¹ (1545)
Les EDR prennent donc chaque jour des décisions de programmation. Elles jouent un rôle fondamental dans la réussite ou l'échec des services de programmation canadiens. Voilà à quel point les deux fonctions que sont le transport et la distribution sont différentes. Dans un monde dans lequel coexistent des centaines de chaînes, le rôle de l'EDR devient encore plus important quant au choix des produits proposés, à la façon dont chaque canal est présenté, à ce que les gens pourront voir et entendre, aux prix, aux bouquets de services et à la façon dont tout cela est commercialisé.
Comme vous le savez, en vertu des règles actuelles en matière de propriété, des investisseurs non canadiens détiennent déjà des intérêts minoritaires importants et dans des EDR et dans des services de programmation. Cela reflète une hypothèse voulant que tous les liens dans la chaîne de radiodiffusion—production, acquisition, présentation, horaires et distribution—appartiennent à des Canadiens et soient contrôlés par des Canadiens.
À l'époque de l'adoption des règles en matière de propriété étrangère et au fil de leur évolution, il n'y a jamais eu d'intégration verticale. Ce n'est que tout récemment que les schémas de propriété ont commencé à se dessiner à la manière de silos dans lesquels la distribution et la programmation sont assurées par des entités tout à fait distinctes et non affiliées.
Dans l'environnement très fortement concentré d'aujourd'hui, si vous supprimez l'un des maillons dans la chaîne et autorisez un contrôle non canadien du pipeline de distribution, tout commencera à se défaire. Si vous autorisez le contrôle étranger des EDR, l'influence non canadienne sur la totalité du système canadien de radiodiffusion sera importante même si vous ne changez rien aux règles de propriété du côté programmation. La question n'est pas simplement celle d'une EDR à propriété américaine active au Canada et respectueuse des exigences du CRTC.
Pourquoi? Parce que ce n'est pas juste une question d'accès aux capitaux. Comme vous le savez, il y a déjà un niveau important d'investissement étranger dans les compagnies canadiennes de radiodiffusion. Et bien qu'il y ait une limite quant à la détention d'intérêts assortis de droits de vote, il n'y a aucune restriction quant à la détention d'actions sans droit de vote.
Les EDR canadiennes ne sont en fait pas empêchées d'accéder à des capitaux étrangers. S'il y a des entreprises étrangères désireuses d'investir dans des EDR canadiennes mais non satisfaites de la détention de ces actions sans droit de vote, c'est sans doute qu'elles cherchent à exercer un contrôle opérationnel stratégique.
Soyons clairs. Il n'est pas question ici d'accéder à des fonds mutuels ou à des fonds de pension étrangers ou d'obtenir un meilleur accès aux marchés boursiers en général. Il est question ici de céder un contrôle opérationnel stratégique à des entreprises médiatiques non canadiennes. Si des sociétés médiatiques étrangères intégrées devaient prendre le contrôle d'une EDR canadienne—et souvenez-vous que l'on parle ici de contrôle opérationnel stratégique—leur décision serait certainement, et cela se comprend, motivée par des préoccupations tout à fait différentes.
De telles sociétés ne sont pas simplement des câblodistributeurs ou des portails Internet. Elles sont en général distributrices d'importants volumes de contenu télévisuel et cinématographique. Elles auraient tout naturellement tendance à promouvoir leur propre contenu, que ce soit par le biais de services non canadiens déjà proposés aux abonnés d'EDR canadiennes ou dans le cadre de programmes que les différentes composantes vendent déjà à des radiodiffuseurs canadiens. Elles ont les moyens et le pouvoir multiplicateur requis pour privilégier leurs propres produits.
Le potentiel en matière d'influence est amplifié par le fait qu'en vertu des règles actuelles ces entreprises peuvent détenir des parts minoritaires dans des services de programmation canadiens. Une fois que vous introduisez le contrôle non canadien d'une EDR aux côtés de la propriété croisée déjà existante de services de programmation, il devient beaucoup plus difficile de veiller au maintien d'un contrôle canadien sur les décisions de programmation.
Les Canadiens le savent, et c'est pourquoi un récent sondage Decima fait ressortir qu'ils s'opposent majoritairement à un relâchement des restrictions en matière de propriété étrangère dans les secteurs des médias et des télécommunications, ce principalement pour des raisons de crainte de la perte de l'identité et de la culture canadiennes, de la perte de contrôle d'industries importantes et d'inquiétudes quant aux conséquences économiques.
Nous avons réussi dans le cadre des règles actuelles à établir un équilibre et à permettre à des non-Canadiens de détenir des intérêts minoritaires et dans des entreprises canadiennes de programmation et dans des EDR. Cependant, dès lors qu'un investisseur non canadien sera également autorisé à contrôler la plateforme de distribution, alors nous risquons de perdre les poids et contrepoids de notre système actuel.
¹ (1550)
Nous avons entendu les arguments avancés par l'industrie de la câblodistribution en faveur du même traitement pour les EDR et les entreprises de télécommunications. Nous croyons que la solution idéale serait de maintenir les actuelles règles en matière de propriété et pour la distribution et pour la programmation. Cependant, si des changements aux règles en matière de propriété des EDR devaient être recommandées, nous encouragerions les décisionnaires à reconnaître qu'un changement apporté à un levier politique aura inévitablement des conséquences pour d'autres objectifs politiques. Advenant de tels changements, nous proposerions que soit adoptée une limite qui empêcherait un non-Canadien qui acquiert le contrôle d'une EDR d'acquérir ou de conserver un quelconque intérêt dans le service de programmation canadien. Il s'agit là, selon nous, du strict minimum pour réduire le risque inhérent que le contrôle étranger d'EDR pose pour les objectifs de l'actuelle politique de radiodiffusion.
Merci du temps que vous nous avez accordé. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions en anglais ou en français.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la Chambre de commerce, ici représentée par Michael Murphy.
M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada): Thank you, Mr. Chairman.
Comme d'habitude, c'est un plaisir pour moi d'être ici avec vous et vos collègues. Je vous remercie de l'invitation qui m'a été faite. Je vais faire quelques brefs commentaires, après quoi je ne ferai un plaisir de répondre à vos questions.
M'accompagne aujourd'hui, représentant et la Chambre de commerce du Canada et le Conseil canadien pour le commerce international, M. Daniel Roseman, de Roseman Associates, un de nos membres, qui a une vaste expérience en matière de politique commerciale et de questions connexes et dont la présence ici aujourd'hui pourra être très utile au groupe ici réuni.
Notre organisation représente une vaste gamme de sociétés oeuvrant dans le domaine des télécommunications ainsi que dans d'autres volets du secteur des télécommunications, dont bon nombre vous ont déjà entretenus de la question qui vous occupe et pour qui les restrictions en matière d'investissement étranger sont de la plus haute importance.
Comme vous l'avez entendu et l'entendrez répéter dans le courant de vos audiences, il y a des perspectives divergentes et chevauchantes à l'égard de l'incidence des restrictions sur la concurrence, de l'accès aux capitaux, de la portée que devrait avoir l'examen présent, des ramifications en matière de commerce international relativement à nos obligations internationales dans le cadre de l'OMC et auprès de nos principaux partenaires commerciaux de toute décision canadienne, et de l'opportunité de changements, quels qu'ils soient. Je ne vais pas consacrer de temps à un examen de ces diverses différences. Nous les avons esquissées dans notre mémoire, et vous en avez tous copie.
Ce que je vais faire c'est traiter de la position générale fondamentale de nos membres. D'abord et avant tout, la Chambre de commerce et le CCCI conviennent avec le gouvernement qu'un examen des restrictions en matière d'investissement étranger est opportun. Par suite d'une consultation approfondie menée auprès de nos membres, nous aimerions dire que pour maintenir un secteur des télécommunications pleinement concurrentiel et novateur et améliorer le climat d'affaires d'ensemble du Canada, les restrictions en matière d'investissement étranger devraient être pleinement libéralisées, de façon symétrique, ce qui veut dire qu'aucune société ne devrait être défavorisée par la libéralisation des règles pour certaines entreprises mais pas pour d'autres qui sont actives sur les mêmes marchés.
Deuxièmement, une partie intégrante de la pleine libéralisation de l'investissement étranger supposerait des changements aux lois et aux règlements canadiens. Nos membres estiment que tout changement aux restrictions en matière de propriété étrangère doit veiller au maintien d'un cadre de réglementation transparent et prévisible. Cela signifie qu'aucune nouvelle mesure d'octroi de licence susceptible de contrecarrer les avantages pouvant découler d'un assouplissement des restrictions en matière d'investissement étranger ne devrait être proposée et que les changements aux règles devraient être administrés par un organe de réglementation, c'est-à-dire par une autorité chargée de la réglementation déjà en place dans le contexte du régime de réglementation bien établi du Canada.
Le secteur canadien des communications est régi par toute une variété de lois, qu'il s'agisse de la Loi sur les télécommunications, de la Loi sur Investissement Canada, de la Loi sur la radiocommunication, de la Loi sur la concurrence, ou de la Loi sur la radiodiffusion. Toutes ces lois s'appliquent selon l'activité dans laquelle s'engage une entreprise. Le remplacement des restrictions en matière d'investissement étranger par de nouvelles règles ne rehaussera pas l'attrait du Canada en tant que cible pour l'investissement dans les télécommunications et pourrait en définitive avoir l'effet contraire.
La Chambre de commerce et le CCCI soutiennent que l'actuel régime de réglementation satisfait les objectifs explicites du gouvernement. Il veille au maintien de la prestation d'un certain niveau de qualité de service et permet au CRTC de poursuivre son mandat de surveillance et de réglementation des industries de la radiodiffusion et des télécommunications dans le but de promouvoir la concurrence sur le marché des télécommunications.
À l'heure actuelle, le Canada exige que les services dotés d'installations de télécommunications internationales obtiennent des licences. S'agissant de l'objectif même de l'examen en cours, soit d'attirer de l'investissement étranger, l'établissement d'un système d'octroi de licences assorti de conditions rigoureuses en vue de l'obtention de licences pourrait être contre-productif. Cela marquerait un pas en arrière pour le système de réglementation canadien et ne stimulerait pas l'investissement étranger.
Néanmoins, la Chambre de commerce et le CCCI constatent qu'il y a place pour des changements positifs à l'actuel régime. Ces changements pourraient viser la rationalisation des procédures d'octroi de licence. Par exemple, la procédure en vue de l'obtention d'une licence pour un fournisseur de services sans fil est très onéreuse; or, ces fournisseurs sont souvent les sociétés qui offrent les services par ligne métallique. Le processus de demande de licence pour services sans fil pourrait être simplifié. Le Canada pourrait également examiner ce que font ses partenaires commerciaux. L'Union européenne, par exemple, a proposé que d'ici l'été les licences soient octroyées sur une base de classe.
Le régime réglementaire de surveillance devrait demeurer aux mains des organes de réglementation. L'examen des transferts de licence ou des fusions et acquisitions devrait être effectué par les agences ou organes déjà en place. L'approbation ministérielle au cas par cas ou la création de nouvelles entités de réglementation créeraient de l'incertitude aux yeux de la communauté d'investissement international et découragerait au lieu de favoriser l'investissement étranger dans des entreprises et dans les innovations canadiennes.
¹ (1555)
L'actuelle loi canadienne englobe déjà nombre des questions de réglementation qui sont cernées dans le document de discussion d'Industrie Canada. Si le gouvernement envisage de nouveaux changements, la Chambre de commerce est disponible pour discuter de telles propositions.
Le document de discussion aborde également la question du déploiement du service sur large bande. La politique de la Chambre de commerce est que le déploiement de services sur large bande, en tant qu'important outil économique, est également une composante clé pour veiller à la compétitivité de l'économie canadienne à l'échelle mondiale et à celle des collectivités régionales et locales en développement. Il est cependant impératif que le secteur privé soit le moteur de ce déploiement.
Comptant sur les forces du marché concurrentiel, le rôle du gouvernement fédéral à l'égard de ce déploiement devrait être de veiller à ce que toutes les contributions nécessaires pour faciliter le développement du service sur large bande soient effectuées d'une façon qui amène le moins de distorsions possible sur le marché. En effet, le gouvernement a déjà entrepris des projets en ce sens.
Le gouvernement devrait à cet égard se concentrer sur l'alimentation de la demande, en veillant plus particulièrement, notamment, à ce qu'un pourcentage des contributions gouvernementales au service sur large bande soit consacré à des initiatives destinées à en favoriser l'adoption par la petite et moyenne entreprise. À plus long terme, la disponibilité de capitaux supplémentaires pour les entreprises permettra le déploiement, sur la base de la rentabilité, des services à large bande en régions rurales et isolées.
J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'a été donnée de comparaître aujourd'hui devant lui et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup. J'apprécie que tous les témoins s'en soient tenus à l'horaire.
Je vais accorder la parole à M. Rajotte, pour sept bonnes minutes de questions.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous d'être venus ici aujourd'hui.
J'aimerais commencer avec l'exposé qui nous a été fait par Alliance Atlantis. Vous avez dit dans votre présentation que vous croyez que la solution idéale est de maintenir les règles de propriété existantes et pour la distribution et pour la programmation. Évidemment, cela engloberait les câblodistributeurs.
Permettez que je tire ceci au clair. Est-ce votre position même si des câblodistributeurs comme Rogers ou Shaw devaient être dessaisis du contenu? Est-ce là votre position de base? Vous avez une position de repli, en quelque sorte, mais c'est là votre position de base, même s'il y avait ici aliénation.
M. André Bureau (président, Astral, Alliance Atlantis Communications Inc.): C'est là notre position de base, car le système fonctionne bien. Mais ce que nous vous disons c'est que si les compagnies de télécommunications et les EDR peuvent vous convaincre de leur clair et net besoin d'accéder à des marchés financiers étrangers pour pouvoir accéder à ces marchés financiers à l'extérieur du Canada—car nous n'en avons pas besoin et il existe certains autres dangers, des risques inhérents—nous disons qu'il devrait y avoir une limite. Nous décrivons cela à la fin de l'introduction à notre mémoire. Il ne devrait y avoir aucun lien entre la propriété étrangère d'une EDR et l'investissement étranger du côté de la programmation.
En d'autres termes, si une entreprise américaine venait ici acheter Rogers Cable—à 100 p. 100, à 90 p. 100 ou autre, mais ce serait le contrôle de la compagnie—alors nous disons que la même société ne devrait pas être l'investisseur étranger du côté de Rogers Media. Rogers aurait toujours accès à l'investissement étranger du côté médias. Rogers pourrait s'adresser à une autre société, mais pas à celle qui contrôle l'EDR.
º (1600)
M. James Rajotte: Deuxièmement, j'aimerais aborder la question de la convergence qui s'opère entre l'industrie de la radiodiffusion et celle des télécommunications, et m'attarder plus particulièrement sur certaines décisions récentes du CRTC autorisant des compagnies de télécommunications à faire de la radiodiffusion, et je songe ici à TELUS, Manitoba Tel, SaskTel, Alliance et Bell Canada par le biais de Bell ExpressVu. Appliqueriez-vous la même norme ou la même méthode à ces entreprises qui font de la radiodiffusion ou qui s'acheminent vers cela?
M. Michael MacMillan (président et directeur général, Alliance Atlantis Communications Inc.): Oui, précisément. C'est la même théorie, la même question, le même problème; en conséquence, la même solution proposée s'appliquerait.
M. James Rajotte: J'essaie d'être sensible à certaines de vos préoccupations. Mais ceci m'amène à une question sur la base de la déclaration très éloquente de M. Johnston quant à ce qui s'est passé avec l'avènement de la presse écrite et de Machiavel. Nous sommes ici dans une autre révolution—bien que je souhaiterais que les Discours de Machiavel soient un meilleur vendeur que son Le Prince.
Nous sommes ici dans un village planétaire. L'Internet est en train d'abattre des murs. Je suis tout à fait en faveur de l'existence d'une saine industrie canadienne en matière de distribution, mais d'ici 20 ans comment vous imaginez-vous l'industrie canadienne si nous maintenons les actuelles restrictions en matière d'investissement, de programmation et de contenu canadien?
D'ici 20 ans, si l'Internet poursuit sa route, envisagez-vous pour vous-même un avenir à l'intérieur de ce système, autre que tout simplement d'essayer de protéger ce dernier, et cette protection du système n'est-elle pas en réalité qu'une mesure à court terme pour les deux ou trois prochaines années?
Mme Phyllis Yaffe: Je vais commencer par répondre au moins au problème d'aujourd'hui. Je suppose que votre question est de savoir si l'industrie est bien gérée? Les règles sont-elles appliquées? Sont-elles en train de régler des problèmes dans l'industrie canadienne? Avons-nous avec ces règles une solide industrie canadienne de radiodiffusion et où celles-ci nous mèneront-elles si les choses changent à l'avenir et si la distribution devient de plus en plus intégrée avec la bande large et d'autres technologies?
Pour l'instant, le point important sur lequel j'aimerais insister est que ce système de radiodiffusion fait des envieux partout dans le monde. Il se trouve que nous avons pour voisin immédiat le plus gros producteur de contenu télévisuel dans le monde, et qui exporte le plus de programmation dans le monde. Il n'en demeure pas moins que nous avons élaboré un ensemble de règles très effectif qui offre aux Canadiens accès à presque toute la programmation réalisée aux États-Unis, à nombre des meilleures émissions réalisées dans le monde et qui continuent d'être l'assise d'une très solide industrie de radiodiffusion canadienne, une industrie dont je vous dirais qu'elle est l'une des seules qui offre à nos jeunes la possibilité d'utiliser leurs connaissances et leur créativité et de demeurer dans leur pays, pour y travailler dans un secteur très prometteur et en pleine croissance. Je dirais donc que, oui, il s'agit d'un système qui fonctionne très bien, qui est compliqué et assorti de quantité de règles.
La deuxième partie de votre question vise à savoir comment ces règles s'appliqueront à l'avenir lorsqu'il y aura de bien plus nombreuses sources de programmation. L'industrie devra elle-même résoudre nombre de ces questions. L'industrie du disque est présentement aux prises avec cela. Les industries télévisuelles et cinématographiques le seront aussi.
Mais si nous permettons que des distributeurs d'autres pays soient les propriétaires du système de distribution et de la programmation à l'intérieur de ces systèmes, ce de façon interconnectée, nous risquons de céder cet espace pour la radiodiffusion canadienne que nous avons soigneusement préservée au cours des 50 dernières années.
Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je pense qu'il y aura énormément de risques si, au nom de l'avenir de la technologie—voire même de la distribution—nous abandonnons ce système complexe de poids et de contrepoids dont nous avons doté la télévision canadienne.
º (1605)
M. James Rajotte: Ma question n'était peut-être pas claire; ce n'est pas vraiment ce à quoi je voulais en venir.
Si vous prenez la première révolution dont a parlé M. Johnston, il y a eu Martin Luther en Allemagne et Machiavel à Florence. Cette révolution a démoli beaucoup de murs. Eh bien, la révolution de l'Internet fait tomber des murs beaucoup plus vite que ce que nous pouvons voir.
Je comprends que nous avons une saine industrie canadienne et je suis tout à fait en faveur de cela. Mais dans 20 ans, si nous voulons avoir une saine industrie canadienne et s'il nous sera possible de choisir n'importe quelle émission sur l'Internet, comment l'industrie va-t-elle s'adapter à cela? Il est très bien de dire que nous avons aujourd'hui une industrie en bonne santé et un réseau de distribution en bonne santé. C'est très bien, mais l'industrie devra s'adapter au cours des 20 prochaines années aux nouvelles réalités de la révolution dont M. Johnston a, je pense, parlé.
Mon espoir, bien sûr, est que l'industrie fasse preuve de courage et saisisse les occasions qui se présentent, s'agissant peut-être même de partir à la recherche d'un plus vaste marché nord-américain. J'espère que l'industrie dirait que nous pouvons pousser pointe à pointe avec les Américains, que nous pouvons leur faire concurrence à eux ou à n'importe quel autre pays dans le monde. Nous n'avons pas besoin de ces murs, que nous utilisons pour nous mettre à l'abri.
J'aimerais en fait que vous réagissiez à ce qu'a dit M. Reitman lors d'une récente conférence. Il estime que les Canadiens peuvent concurrencer n'importe qui dans le monde et que nous n'avons pas besoin d'un système comme celui-ci pour protéger et guider l'industrie canadienne.
M. André Bureau: Je vais commencer, et je devine que mes collègues enchaîneront. Je n'irai pas aussi loin en arrière que M. Johnston; je n'ai pas le même âge que lui.
Des voix: Oh! Oh!
M. André Bureau: Remontons donc moins loin en arrière et souvenons-nous de 1968, lorsque nous avons risqué de perdre notre système canadien de radiodiffusion car la distribution au Canada était aux mains d'entités étrangères. Nous y avons trouvé des solutions. Dans les années 80, lorsque des satellites ont commencé à balayer le pays et qu'il y a eu de retombées ici au Canada, nous craignions de perdre toute possibilité de maintenir un système de radiodiffusion canadien, les satellites estompant toutes les frontières, et de ne pas pouvoir par la suite maintenir un système de radiodiffusion canadien fort et florissant.
Nous avons trouvé le moyen d'y parvenir. Non seulement nous avons survécu, mais j'estime que le système fait un assez bon travail ici au Canada. Rien n'est parfait, mais vu quel était le risque, vu ce à quoi nous étions confrontés, je pense que nous avons fait un assez bon travail.
Ce qui se passe aujourd'hui avec l'Internet n'est pas nouveau pour nous. Nous voyions cela venir depuis des années. Nous nous y préparions donc. Partout dans le monde il se fait des études, il se déroule des discussions sur la façon de protéger le droit d'auteur, car s'il n'y a pas de protection pour le droit d'auteur, ce n'est pas juste le système de radiodiffusion canadien qui va être touché; tous les autres détenteurs de droits d'auteur dans le monde le seront également. Ce n'est pas juste une préoccupation pour nous; tout le monde a la même préoccupation.
Je pense donc que nous serons à la hauteur de la tâche, à laquelle nous nous sommes déjà attaqués, trouvant des solutions afin de maintenir la vigueur de notre système. D'ici 20 ans, Dieu sait ce qui nous arrivera à tous, mais je pense qu'en attendant nous nous y préparons. Nous sommes en train de prendre les mesures qui doivent être prises. Que l'on parle technologie, commerce, Loi sur le droit d'auteur, accords ou n'importe quoi d'autre, nous pourrons être compétitifs. Là n'est pas le problème.
M. Jay Switzer (président et chef de la direction, CHUM limitée, Alliance Atlantis Communications Inc.): Puis-je ajouter un autre angle à la discussion, monsieur le président. Chez CHUM l'an dernier, par exemple, à Vancouver, nous avons organisé un concert avec Alanis Morissette, et nous en avons été très fiers. C'était une grande réussite. Nous avons pu exporter ce concert canadien, filmé à Vancouver par MuchMusic, à des collègues radiodiffuseurs partout dans le monde. Ce fut une formidable réussite sur le plan exportation. En fait, l'exportation d'artistes, de musiciens, d'acteurs canadiens et ainsi de suite est un gros élément de la réussite que vous voyez ici devant vous. Il n'y a pas de crainte ni de manque de confiance quant à nos chances de réussite. Je dirais même que nous sommes en la matière parmi les meilleurs au monde. Le Canada a connu un parcours tel, je pense, qu'il est aujourd'hui le deuxième plus gros exportateur de contes dans le monde.
Mais la puissance de la machine qui se trouve au sud de la frontière, du simple fait de sa taille, vu l'ordre de grandeur, et dont le moteur économique est 100 fois, 1 000 fois le nôtre, et vu la grandeur d'échelle et de capacité à—si je puis dire, entre guillemets—de «dumping» de produits finis au Canada... Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du maintien des poids et contrepoids qui sont en place pour veiller à ce que les Canadiens aient une chance, mais peut-être pas forcément un avantage. Mais, dans l'ombre de ce dont il est question ici, nos propositions d'aujourd'hui ne parlent que de veiller à ce que ces chances demeurent. Nous n'avons aucunement peur de nous lancer à la conquête du monde. Nous sommes très fiers de nos réussites. Nous ne voulons tout simplement pas être désavantagés par un géant économique ni perdre de notre accès.
º (1610)
Le président: Le désavantage est qu'il nous faut passer au suivant. Il vous faudra peut-être intégrer de vos réponses dans celles que vous donnerez à d'autres questions.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président.
On a rencontré d'autres groupes depuis quelques semaines et, évidemment, les avis sont partagés. On a tendance à croire que les grandes entreprises multinationales favorisent davantage une déréglementation, mais des mauvaises langues disent que c'est souvent dans le but d'avoir accès à des capitaux pour corriger des erreurs stratégiques d'investissement. Donc, les plus petites entreprises ne favorisent pas nécessairement le statu quo, mais elles nous disent qu'il y a peut-être des étapes à franchir avant d'aller vers une déréglementation totale qui permettrait à n'importe quelle grande entreprise d'avoir accès à la propriété canadienne comme telle.
D'autres disent aussi que même si les grandes entreprises avaient accès à du capital étranger--on parle toujours notamment du capital américain, parce que l'économie est tellement forte à ce niveau-là--, ces dernières ne favoriseraient pas non plus le développement des communautés rurales, donc qu'elles s'orienteraient uniquement vers les secteurs rentables. Or, connaissant un peu la géographie de notre territoire et la dispersion des populations au Canada, si on enlève les grands centres comme Toronto, Montréal, Vancouver--on pourrait ajouter Calgary et Edmonton--, je dirais qu'une grande partie de la population vit en région. Donc, l'accessibilité aux services n'est pas nécessairement garantie par l'accessibilité aux capitaux.
Aujourd'hui, vous soulevez un autre point important en ce qui a trait au câble, c'est-à-dire à l'industrie du câblage, soit la différence entre le transport et le contenu. Or, on sait qu'il y a des entreprises qui interviennent dans les deux, parce que c'est ensemble. Le Comité du patrimoine intervient également beaucoup parce que le contenu le préoccupe.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante. Le câble comme tel est-il du domaine du transport ou du domaine du contenu? Y a-t-il une distinction à faire? Est-ce que, structurellement parlant, il y a possibilité de faire réellement une séparation? Entre les concepts théoriques et leur application, il y a parfois un monde. Je m'adresse à vous et je vous invite, si vous le voulez, à intervenir là-dessus, même au niveau de la Chambre également. Le câble relève-t-il du domaine du transport ou du contenu?
M. André Bureau: Ce n'est pas aussi simple que cela, monsieur Marcil. Si on pouvait répondre à votre question par un oui ou non, on passerait à la prochaine question, mais dans les faits, c'est plus compliqué que cela. La câblodistribution comme les entreprises de distribution au Canada, que ce soit par satellite ou par câble, ont joué un rôle dans le développement du système de radiodiffusion qui est totalement différent de celui des entreprises de pures télécommunications, parce qu'elles ont été des partenaires dans le développement du système à cause des bénéfices qu'elles tiraient à avoir un monopole dans un territoire donné, par exemple, au cours des années. En revanche ou en contrepartie, elles devaient assurer, par exemple, qu'elles allaient étendre leurs services à des régions moins bien développées, moins bien desservies. Elles étaient obligées de respecter des règles dans le cadre de leur rôle de distributeur. Par exemple, elles étaient obligées de transporter tous les services. On leur demandait de le faire, quelles que soient les ententes avec les services. Elles devaient prendre l'engagement de transporter tous les services, ce qui n'est pas nécessairement une règle qui pourrait être applicable du côté de la téléphonie ou des télécommunications, car elles étaient considérés comme un des piliers du système canadien de la radiodiffusion; elles le sont encore d'ailleurs. Les distributeurs sont un des quatre grands piliers du système de radiodiffusion canadienne.
Mais on regarde ce qui se passe à l'heure actuelle et comme vous, on se dit préoccupés par la question de savoir s'il y a une possibilité de trouver une solution qui permettra, s'ils ont besoin d'argent, de leur donner accès à des marchés financiers extérieurs sans pour autant subir l'inconvénient du côté du contenu. On en est arrivé à un compromis. Ce n'est pas une solution idéale. On a dit que la solution idéale serait le maintien du système actuel, mais si vraiment ils ont besoin, pour le développement futur de leur système de distribution, d'avoir accès à des capitaux additionnels, il faudra au moins s'assurer, dans ce cas-là, que celui qui investira dans la distribution ne soit pas le même que celui qui investira du côté de la programmation, afin qu'il n'y ait pas une influence aussi grande que celle qu'on a décrite dans notre présentation cet après-midi.
Alors, on essaie de partager cela aussi bien qu'on le peut. Ça ne sera pas parfait, mais au moins on va pouvoir «protéger» le contenu par rapport à l'influence du distributeur.
º (1615)
M. Serge Marcil: À ce moment-là, ce n'est pas facile de trancher. Il y a un phénomène de contrôle qui est train de s'implanter sur les marchés actuellement, et c'est assez difficile de couper le fil en deux et de faire la distinction. Y aurait-il d'autres solutions?
En fait, le problème d'accès aux capitaux a été soulevé par des entreprises canadiennes. Du moins, c'est ce que je pense. On ne fera pas les mauvaises langues, mais prenons l'hypothèse selon laquelle le problème à été soulevé par les entreprises canadiennes. Est-ce qu'il y a autre chose à faire? Est-ce qu'on pourrait faire autre chose au niveau de la réglementation qui pourrait permettre aux entreprises canadiennes actuelles d'être plus rentables et de pouvoir se développer davantage, au lieu de déréglementer totalement et de permettre à des multinationales étrangères de prendre le contrôle des entreprises?
Il y a des choses qui nous ont été révélées ici. On sait qu'il y a des domaines où des entreprises américaines ont pris le contrôle d'entreprises canadiennes, aboli tous les postes de cadres et transféré toute la recherche et le développement aux États-Unis. Donc, on a perdu des emplois, des chercheurs et ainsi de suite. Tout cela a été soulevé, surtout par les petites entreprises.
Est-ce qu'il y a une ou d'autres étapes que nous pourrions franchir avant et voir si cela améliore la rentabilité de nos entreprises, ou faut-il absolument déréglementer? Le professeur a justement parlé de la liste des pays en Europe, mais il faut dire que ces pays-là font tous partie d'un seul marché, de l'Union européenne pour la plupart. On parle aujourd'hui d'une constitution européenne également. Donc, on est en train de créer une fédération. C'est paradoxal par rapport à ce qui se passe chez nous, car chez nous, certaines provinces veulent se séparer du Canada, de la fédération comme telle. C'est une petite blague en passant, Paul.
º (1620)
[Traduction]
Le président: Il vous faut finaliser votre question. Avez-vous terminé, monsieur Marcil?
[Français]
M. Serge Marcil: Oui.
[Traduction]
M. Michael MacMillan: Si vous me permettez de commencer, je pense que l'autre possibilité est de maintenir le système que nous avons, car en autorisant la propriété étrangère non limitée d'actions sans droit de vote d'entreprises médiatiques canadiennes, ce qui est la situation actuelle, je pense que les compagnies médiatiques canadiennes ont un très bon accès aux capitaux—actions avec droit de vote et actions sans droit de vote—et un nombre illimité d'actions sans droit de vote peuvent appartenir à des non-Canadiens.
Nous ne parlons pas ici d'avoir un meilleur accès au NASDAQ ou à des fonds mutuels ou des fonds de pension américains. Pour être clairs, nous parlons d'empêcher des exploitants stratégiques étrangers de devenir les nouveaux actionnaires stratégiques dominants de ces entreprises.
Vous avez également parlé de la question de savoir si le service en région rurale serait suffisant. Je pense que c'est beaucoup plus gros que cela. Dans notre industrie, si nous n'avons pas le genre de solution que nous proposons... et peut-être même que nous l'avons, mais en tout cas si nous n'avons pas ce que nous proposons, que se passera-t-il? Le nouvel actionnaire stratégique dominant sera déjà dans l'industrie. Il y a de fortes chances que ce soit un propriétaire qui veut utiliser le même contenu sur ses chaînes américaines et ses chaînes canadiennes. Il voudra tout naturellement amortir son produit ou alors faire du dumping en prenant un produit consommé par 300 millions de Canadiens pour le renvoyer sur ce plus petit marché. Oubliez l'idée d'avoir de la programmation adaptée à Saskatoon, étant donné que le Canada tout entier aurait le même problème.
L'autre facteur de motivation ici serait de réduire les coûts d'exploitation. Nombre de fonctions pourraient être centralisées. Elles ne seraient pas centralisées ici. La perte d'emplois et d'infrastructure pour l'industrie, sans parler des pertes de possibilité de programmation, serait, je pense, énorme.
Nous ne parlons pas ici de quelque vague capital théorique et mystérieux; nous parlons d'exploitants stratégiques déjà en place dans l'industrie des médias. C'est réellement de cela que nous parlons.
Le président: Quelqu'un d'autre?
Mr. Crête, please.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. On n'en fera pas un débat constitutionnel parce que ça, c'est sûr, ça ne marchera pas.
Je voudrais savoir si la proposition que vous faites, l'alliance Astral et CHUM, est une oeuvre pédagogique, parce que vous nous dites que la solution idéale, c'est ce qui se passe actuellement, mais que si on ne peut pas vivre avec la situation idéale, vous en proposez une autre qui devrait fonctionner.
Donnez-moi--et je suis certain que vous allez le faire très honnêtement--un exemple de quelqu'un de significatif de l'extérieur du Canada qui pourrait vouloir investir et qui serait probablement dans les deux secteurs en même temps. Faites-moi le portrait de cela. Il y a sûrement des gens aux États-Unis ou dans d'autres pays du monde qui sont déjà dans les deux secteurs et qui, devant une interdiction, une condition comme celle-là, décideront de rester chez eux. À ce moment-là, de toute façon, il n'y aura pas de résultat quant à l'amélioration de l'investissement. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, que vous nous donniez un exemple de ce que ce modèle pourrait donner comme résultat.
M. André Bureau: C'est toujours difficile de trouver des exemples qui soient tout à fait précis, qui correspondent exactement à la réponse, mais prenons Liberty Media Corporation aux États-Unis. Liberty Media est très impliquée au niveau de la distribution et très impliquée au niveau de la programmation. Ces gens-là connaissent ce qui se fait ici. Ils sont même déjà actionnaires d'un certain nombre d'entreprises canadiennes, mais à des niveaux permis à l'heure actuelle. Si une entreprise comme Liberty Media décidait de venir au Canada et d'acheter une entreprise de distribution canadienne qui a elle-même des intérêts dans des entreprises de programmation, il est bien évident qu'elle aimerait ça, qu'elle entrerait là-dedans en se disant non seulement qu'elle va diriger une entreprise de distribution, mais qu'elle pourra aussi avoir une influence importante sur l'entreprise de programmation qui achètera éventuellement des programmes de chez nous qu'elle pourra influencer.
Nous, ce que nous disons, c'est d'essayer de trouver une solution pratique. Je ne me proposerais surtout pas pour essayer de régler le problème entre vous deux, comme solution pratique, mais ce que je veux dire, c'est qu'on va essayer de trouver une solution pratique, parce qu'il est possible que nos entreprises de distribution aient vraiment besoin d'un accès à des marchés financiers étrangers pour pouvoir continuer. Vous savez qu'on est les leaders en termes de distribution de télévision ici, au Canada. On a été les premiers à le faire de façon extraordinaire. On a des visionnaires qui ont fait ce travail-là pour nous et qui ont joué le jeu pendant toutes ces années. Ils peuvent avoir besoin aujourd'hui d'avoir accès à ces marchés-là pour pouvoir continuer à se développer et à fournir aux Canadiens un service de première classe. Alors, à partir de ce moment-là, s'ils ont vraiment besoin d'avoir cela, ce que nous disons, c'est que s'ils en ont besoin et que vous en êtes convaincus, donnez-leur la permission de changer les règles du jeu de ce côté, mais ne permettez pas à Liberty Media Corporation, parce que ces gens-là viendraient dans une entreprise de distribution canadienne, d'avoir en même temps une influence sur la partie contenu de cette entreprise. Si le détenteur, le propriétaire d'une entreprise de contenu a besoin de capitaux étrangers, il ira en voir d'autres que Liberty Media, pour ne pas que l'influence déjà existante, inhérente au rôle de distributeur, vienne dépasser ce qui est raisonnable en termes d'influence sur le contenu.
Est-ce que ça répond à votre question?
º (1625)
M. Paul Crête: Une question demeure. Est-ce que votre solution sera assez attrayante pour attirer ces gens-là? Si notre objectif est de permettre d'avoir de l'investissement dans la distribution et qu'il y a des gens qui interviennent déjà ailleurs dans les deux, est-ce que ce sera assez intéressant pour eux de venir seulement dans la distribution?
M. André Bureau: Ça va être le vrai test. S'ils veulent venir et acheter une entreprise de distribution pour pouvoir influencer l'entreprise de programmation, on n'en veut pas. Ils resteront chez eux si cela ne les intéresse pas. Mais si, d'un autre côté, ce qui les intéresse, c'est d'investir au Canada parce que c'est un marché intéressant, ils viendront dans l'entreprise de distribution. Mais ils ne viendront pas dans le contenu.
M. Paul Crête: Mais s'ils décident de ne pas venir de toute façon, parce que ce n'est pas assez intéressant...
M. André Bureau: Si eux ne viennent pas, il y en aura d'autres.
M. Paul Crête: D'accord.
S'il me reste encore un peu de temps, j'aurais une question pour la Chambre de commerce du Canada. Il y a une petite phrase concernant le large bande à la page 12 de la version française de votre mémoire qui m'a fait sursauter; je vous la lis:
Cependant, elle estime qu'il revient au secteur privé de diriger le déploiement de l'infrastructure à bande large au Canada et ce, en fonction des forces du marché. |
Savez-vous, monsieur Murphy, qu'avec une phrase comme celle-là, il est probable que les gens dans le Témiscouata auront accès au bande large en 2525 et que leurs entreprises auront toutes déménagé ailleurs, parce qu'elles auront perdu un aspect compétitif important?
[Traduction]
M. Michael Murphy: Je vais faire deux commentaires. Premièrement, pour ce qui est de l'opinion générale des membres—et c'est une question dont nous avons beaucoup discuté ici—je pense que l'on s'accorde très largement pour dire que le secteur privé a, et en a déjà fourni la preuve, un profond désir de continuer de bâtir des réseaux dans ce pays, et je pense que notre dossier n'est surpassé par personne. Nous avons clairement des défis liés à notre géographie, pour ce qui est des services en région rurale et isolée, et cela vaut pour nombre de fournisseurs de services de communications. Nous sommes en effet confrontés à une situation géographique très difficile.
Nous avons également soulevé ici une perspective que je trouve importante, celle que si un financement public doit faire partie de cet exercice de déploiement de services sur bande large, alors il y a deux choses. Premièrement, s'il doit y avoir ici un rôle public—et nous convenons que ce pourrait être un rôle utile—il importe de veiller à ce que vous continuiez de laisser les marchés fonctionner, mais il vous faudra également veiller à ce que vous teniez compte du côté demande de l'équation, et ce pas juste pour desservir différentes régions mais également pour tenir compte de la petite et moyenne entreprise, ce qui est l'exemple que nous nous utilisons, pour ce qui est du côté demande, et il faudrait que vous réfléchissiez à cela.
De notre point de vue, donc, je conviens qu'en ce qui concerne le caractère désirable d'offrir des niveaux de services égaux dans toutes les régions du pays, nous n'y sommes pas encore. Nous avons dans notre mémoire fait état de la technologie et de certains des changements pouvant survenir dans la technologie, et nos fournisseurs membres sont certainement de bons exemples du degré auquel l'évolution technologie a modifié la capacité d'offrir le service dans diverses régions géographiques du pays. Je pense que cela va se poursuivre.
Il ne serait sans doute pas réaliste de dire que le déploiement se fera dans toutes les régions du pays à la vitesse à laquelle tout le monde le souhaiterait, mais cela fait certainement partie de l'équation ici, tendant vers l'avenir.
º (1630)
Le président: Merci, monsieur Crête.
Monsieur Normand.
[Français]
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): J'ai trois petites questions. La première s'adresse à M. Johnston. Vous parlez beaucoup de productivité et d'innovation. Plusieurs des intervenants qu'on a entendus jusqu'ici nous ont dit qu'ils ne sont pas contre les nouveaux investissements, l'ouverture aux investissements, mais que pour eux, par contre, ces nouveaux capitaux ne donnent pas l'assurance d'une amélioration de l'innovation et des nouvelles technologies ni, comme l'a soulevé plus tôt M. Crête--et c'est un point très important--, l'accès à ces nouvelles technologies, particulièrement pour les gens des régions éloignées du Canada.
Alors, je ne sais pas comment vous pouvez nous garantir que de nouveaux capitaux vont justement améliorer les technologies et donner l'accès à de nouvelles technologies.
M. David Johnston (président, Université de Waterloo, À titre individuel): Merci, monsieur le président.
J'ai une opinion assez claire sur l'accessibilité. C'est simplement que plus nombreuses sont les sources de capital, plus nombreuses sont les sources de technologies, plus vaste est l'éventail d'expertises, et mieux c'est, parce que nous n'avons pas simplement la concurrence mais aussi l'innovation, la créativité en région, de même que des solutions différentes de ce qu'elles sont dans une autre région. Alors pour l'accessibilité, en ce qui me concerne, je préfère avoir le plus grand éventail possible.
Le deuxième point, en ce qui concerne l'innovation, est à la page 4 de mon intervention. Je fais référence à une étude qui a été faite pour l'Organisation de coopération et de développement économique.
[Traduction]
Permettez que je vous lise un passage de la page 4:
...Nous avons classé les pays selon la mesure dans laquelle leur régime de réglementation encourage l'innovation. |
Dans l'ensemble, le Canada se classe dans la moyenne des dix pays visés par l'analyse; il occupe un rang élevé pour ses régimes de réglementation visant les entreprises qui exercent déjà leurs activités au Canada. Le faible fardeau administratif imposé aux entreprises permet au Canada de se hisser au second rang derrière le Royaume-Uni pour ce qui est de la réglementation administrative; grâce à sa réglementation économique qui encourage la concurrence et l'innovation, le Canada se classe troisième, derrière le Royaume-Uni et les États-Unis, dans cette catégorie. Par contre, pour ce qui est de la réglementation visant les entreprises étrangères, le Canada a le climat le plus restrictif parmi les dix pays et l'écart entre le Canada et les neuf autres pays est important... |
Une recherche menée par le Conference Board et Statistique Canada révèle que les entreprises étrangères sont souvent plus novatrices que les entreprises canadiennes lorsqu'il s'agit de transférer de nouvelles connaissances et technologies et de générer une part plus importante des recettes provenant de nouveaux produits, services et processus. |
[Français]
Alors, l'accessibilité est le but primordial de la Loi sur les télécommunications et, dans ce sens, de la Loi sur la radiodiffusion aussi, mais je préfère la solution qui assurerait le plus grand éventail de solutions possible.
M. Gilbert Normand: Si on attend le Mexique et les États-Unis pour s'harmoniser, ça va prendre du temps.
M. David Johnston: C'est vraiment un défi.
M. Gilbert Normand: J'aurais une autre petite question pour les gens de Alliance Atlantis Communications Inc. Je comprends un peu votre position de vouloir défendre ce que j'appellerais la souveraineté canadienne dans le domaine des multimédias. Par contre, le rôle du CRTC est quand même de garantir un contenu, dépendant des licences qu'il donne. Il garantit un contenu, que celui-ci soit canadien, etc.
Si on a de nouveaux capitaux, cela ne nous permettrait-il pas, au contraire, d'avoir un meilleur contenu? Et le contenu étant meilleur, est-ce qu'on ne pourrait pas l'exporter, que ce soit aux États-Unis ou dans d'autres pays anglophones ou francophones, dépendamment où c'est fait?
Le fait que le contenu puisse bénéficier lui aussi de plus de capitaux, est-ce que cela ne permettrait pas justement de l'améliorer? D'une façon ou d'une autre, les gens vont zapper et vont aller sur des chaînes américaines ou autres si le contenu ne leur plaît pas.
M. André Bureau: En théorie, je pense qu'on pourrait s'imaginer que n'importe quel influx additionnel de capitaux pourrait se traduire par une programmation améliorée.
Je pense que si on se place dans une situation pratique, on a déjà l'habitude de transiger avec les fournisseurs de programmes américains ou français. On les connaît très bien. On sait très bien quel est leur intérêt. On sait très bien d'abord quelle est la qualité de leur programmation; on la connaît et on la respecte. Quand on est capable de mettre la main sur les bons programmes, on est très heureux et très fier.
Cela étant dit, quand on fait affaire avec eux depuis des années, comme on le fait tous les trois, on s'aperçoit très bien que leur intérêt, s'ils en arrivaient à avoir une influence stratégique efficace chez nous par l'intermédiaire d'une intervention financière, serait de voir à l'approbation des budgets de programmes, puis, à l'intérieur de l'approbation des budgets de programmes, combien va aller à la programmation canadienne et combien va aller à la programmation étrangère, et ce que vous allez avoir pour ça. Et là, si on veut avoir leurs meilleurs programmes, c'est drôle, mais on va être obligé de payer pas mal plus cher que ce qu'on avait prévu dans notre budget aux dépens, probablement, de la programmation canadienne.
À ce moment-là, ils vont avoir une telle influence et un tel contrôle sur nous qu'ils vont pouvoir dire que tel est le package qu'ils nous offrent pour l'année et que si nous voulons avoir tel film ou telle série, qui est pas mal extraordinaire, c'est en dehors du package et il nous faut payer un peu plus cher.
Graduellement, on en vient à être totalement dépendant, non seulement en ce qui concerne nos choix et notre accès, mais on devient incapable de faire un travail de qualité sur le plan du contenu canadien. Alors, ça joue à l'inverse. D'après notre expérience, ça va dans le sens inverse de ce qu'on pourrait imaginer en théorie.
Eux, ce qui les intéresse--on ne peut pas leur en faire le reproche--, c'est de venir chez nous pour essayer d'élargir leur marché. Ce n'est pas uniquement pour nous faire plaisir ou pour apporter des émissions à La Tuque ou dans des régions moins bien servies, mais pour essayer de trouver un marché pour leurs produits. C'est aussi simple que ça.
S'ils sont capables de nous «taper au bout», ils vont le faire. Alors, à partir de ce moment-là, on dit simplement qu'on est aussi bien de garder le poids qu'on a pour pouvoir négocier avec eux dans l'achat des programmes. On pourra alors dire, si on souhaite avoir tel programme, qu'on va l'acheter en se parlant, mais en se parlant de client à fournisseur de programmes, et non pas en parlant à mon boss, mon vrai boss, parce que c'est lui qui met l'argent dans la compagnie et c'est lui qui peut décider de ma job et c'est lui qui peut décider si notre compagnie continue ou pas.
Il ne faut pas oublier que les programmes qu'on achète des services américains ou des services français dont on parle, qui viennent d'Europe, sont leurs meilleurs programmes qu'on a sur nos canaux.
S'il fallait qu'on laisse une relaxation des règles de la propriété se produire du côté du contenu, que feraient-ils? Ils ne viendraient pas investir dans nos services. Ils viendraient demander une licence eux-mêmes. Ce serait du pur dumping qu'ils viendraient faire chez nous. Ils s'organiseraient et mettraient des petites émissions canadiennes ici et là, cachées à droite et à gauche, mais ils viendraient le faire eux-mêmes. Ils ne viendraient pas payer pour nous acheter.
M. Gilbert Normand: Ça veut dire que...
º (1635)
[Traduction]
Le président: Monsieur Normand, excusez-moi, mais le temps qui vous était alloué est écoulé. Nous vous reviendrons.
Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je vais peut-être me faire accuser de non-conformisme politique relativement au contenu canadien, alors soyez sur vos gardes. Si nous allons parler histoire, je pense que Confucius a dit il y a fort longtemps qu'il était plus facile de nager avec le courant que contre le courant. Lorsque l'on vit une révolution, les gens qui tentent de nager contre le courant sont presque toujours les perdants. L'Albanie a essayé de contrôler la culture; Cuba a essayé de le faire; les Iraniens et beaucoup d'autres s'y sont essayés eux aussi, et je pense que nous savons tous quel a été le verdict pour toutes ces tentatives.
Quelqu'un a mentionné Alanis Morissette et tout l'argent que l'on se fait au Canada en l'exportant. Je pense qu'elle a sans doute fait beaucoup plus d'argent aux États-Unis en produisant le CD qu'elle vend partout dans le monde et en le réexportant au Canada que ce que l'on a jamais vendu ici. Et je dirais que si vous voulez voir ce qu'il y a de mieux s'agissant de contenu canadien, vous n'avez qu'à regarder le spectacle de la mi-temps du Super Bowl. Si vous pensez que le contenu canadien sur CBC c'est un match dans la série des éliminatoires de la Ligue nationale de hockey entre les Rockies de Colorado et les Red Wings de Detroit, eh bien, c'est bien dommage, mais je ne vois là pas grande raison de m'exciter et de fêter le contenu canadien.
Mais si je cherche de la programmation télévisuelle de grande qualité, ma préférence est sans aucun doute la radiodiffusion publique. Je me souviens que M. Johnston participait autrefois à une émission sur la question de la frontière canado-américaine, et c'était une excellente émission. J'avais l'habitude de la regarder tous les dimanches en Saskatchewan, et je trouvais que c'était une émission de toute première qualité.
On en revient toujours au fait que s'il y a un marché culturel canadien, quelqu'un pourra produire une émission qui se vendra sur ce marché et qui rapportera des sous. Il y a je pense quelqu'un aux États-Unis qui a tourné un film au sujet du curling et ce film réussit assez bien au Canada sur certains marchés. Pourtant, c'est là un emprunt à la culture canadienne.
La question qui me préoccupe s'adresse aux gens d'Alliance Atlantis. Pour moi, la culture canadienne c'est tout, de Shakespeare aux gens dont M. Johnston a parlé. Même Bill Gates fait partie de notre révolution culturelle ici. Vous ne pouvez pas tracer de frontière avec ce genre de choses, et c'est quelque chose de très difficile à définir ou à cerner. Je me demande simplement si l'Alliance Atlantis a pour objet de produire de la programmation canadienne et si vous recevez beaucoup de financement fédéral en vue de la production de ce contenu.
º (1640)
M. Michael MacMillan: Vous avez été intéressé par ce film sur le curling. C'est nous qui avons produit ce film et il a été le film canadien de langue anglaise le plus payant depuis de nombreuses années, et nous en sommes fiers. Il a pour titre Men with Brooms. Soit dit en passant, grâce à Téléfilm Canada et grâce, indirectement, à CBC et à d'autres vitrines, nos canaux et nos productions jouissent d'un soutien par le biais de diverses structures financières du gouvernement fédéral, absolument.
Vous avez parlé du fait que nous souhaitions contrôler la culture. Nous ne demandons pas à contrôler la culture. En fait, s'agissant du menu télévisuel proposé aux Canadiens, nous avons accès à plus de chaînes de télévision que les téléspectateurs de tout autre pays dans le monde. Nous avons plus de choix en matière d'émissions de télévision. Soyons clairs: il n'est pas question ici de restreindre le choix ou d'exclure des émissions. Il s'agit de veiller à ce que s'il va y avoir un choix, alors au moins une partie de ce Niagara de chaînes et d'émissions différentes devraient être canadiennes. Les Canadiens ont cette chance de pouvoir choisir de regarder leurs propres émissions, leurs propres histoires et leurs propres nouvelles s'ils le veulent. Nous ne les y obligeons pas. Nous ne préconisons pas cela, mais nous demandons qu'au moins une partie de ce vaste choix soit canadienne.
Vous dites qu'il est plus facile de nager avec le courant que contre le courant. Bien sûr, cela est vrai sur le plan physique, mais nous sommes le seul pays au monde qui partage une langue et une partie importante de sa culture avec les États-Unis. Et 300 millions de clients et de téléspectateurs juste à côté, c'est une sacrée concurrence. Je dirais que dans ce cas-ci, si l'on veut maintenir un choix canadien, alors il nous faut le système que nous avons aujourd'hui, et qui fonctionne si bien.
Il y a certains produits culturels—dont émissions de télévision et films—qui ont une valeur au-delà de leur simple valeur de produit, au contraire d'articles comme, par exemple, une tasse, un verre ou une feuille de papier. Il s'agit d'un cas pour lequel le simple marché ne suffit pas de lui-même.
Si nous voulions que tout soit simplement axé sur le marché et si nous voulions nager avec le courant, alors nous n'aurions pas un pays appelé Canada. Notre existence même s'est établie au mépris des prétendues forces de marché nord-sud. Je pense qu'il est certaines choses pour lesquelles le marché lui-même n'est pas un guide suffisant, et c'est le cas ici.
Mais pour revenir à ce que je disais, nous ne parlons pas un seul instant d'empêcher que des chaînes n'entrent dans ce pays.
º (1645)
M. Brian Fitzpatrick: Simplement pour corriger quelque chose, je ne parlais pas du marché. La radiodiffusion publique n'est pas une activité commerciale. Elle produit des émissions non commerciales de qualité pour un vaste marché. Je ne voudrais pas que vous me compreniez mal là-dessus. Si vous recherchez vraiment des émissions de la plus haute qualité, c'est de là qu'en provient une bonne partie.
Le président: Discutons-en. Quelqu'un d'autre aimerait-il se prononcer là-dessus?
M. Jay Switzer: Monsieur Fitzpatrick, je partage votre préoccupation quant à certains secteurs, mais la question ici est vraiment de comprendre les définitions entre la culture avec un grand C et la culture avec un petit c. Notre entreprise n'a pas beaucoup de temps pour certains de ces arguments, et cela m'oppose à l'occasion à mes amis ici à la table. Nous adhérons néanmoins tous à la conviction qu'il nous faut essayer d'élaborer une structure qui permette de raconter des histoires et de les porter sur le marché.
Pour tenter de répondre à votre question, je vais prendre l'exemple de la science fiction. C'est un genre qui n'attire pas du tout le respect de nos organes de financement culturel; il n'est pas du tout respecté par certains des mandarins de ce pays. Nous finançons néanmoins une émission de science fiction qui a été créée à Vancouver, qui sera tournée à Regina et qui sera exportée aux États-Unis et en Europe. Les trois quarts de la production seront réalisés à Regina et le quart à Vancouver. Les poids et contrepoids sont en place, les avantages qui nous permettront de faire cela et de raconter des histoires qui se dérouleront sur des planètes en dehors de notre univers, sont aussi canadiens que n'importe quoi, car tout cela a été conçu et écrit au Canada et a été réalisé en faisant appel à des centaines d'acteurs et de professionnels de talent d'ici.
Oui, je conviens que la définition n'est pas facile, mais il y a toujours ici beaucoup d'activités que nous nous efforçons d'appuyer, et ce que je viens de vous raconter est une histoire de réussite en matière d'exportation pour le Canada.
Le président: Monsieur Johnston.
M. David Johnston: Monsieur le président, je conviens avec mes amis ici qu'il est parfois difficile de faire la distinction entre fournisseurs de contenu et fournisseurs de pipeline, entre contenu et contenant, surtout s'agissant d'entreprises de distribution et de programmation, mais je vous dirais que ce n'est pas impossible. De fait, une grande partie de notre cadre pour les télécommunications et la radiodiffusion tourne précisément autour de cette distinction. Nous avons une Loi sur les télécommunications qui régit les transporteurs, une Loi sur la radiodiffusion qui régit les radiodiffuseurs, et ils ont chacun des objectifs quelque peu différents.
L'on pourrait discuter de la question de savoir quels sont les objectifs primordiaux, mais pour ce qui est des télécommunications et des entreprises de télécommunications, au départ en tout cas, l'accent aurait été mis sur l'accessibilité et la sécurité nationale. Mon argument est que d'autres valeurs l'ont emporté sur celles-là; nous pouvons traiter de la sécurité nationale et en fait augmenter l'accessibilité en supprimant les restrictions en matière de propriété étrangère.
Si l'on regarde la Loi sur la radiodiffusion et l'accent mis sur le contenu, clairement, un objectif—sans doute le principal—de la loi était de veiller à la protection, à la préservation et à la mise en valeur de la culture et de la souveraineté canadiennes. C'est pourquoi je pense que ce débat devrait revenir à un autre comité de la Chambre des communes.
Je répéterai que la distinction peut à l'occasion être difficile à établir, mais non pas impossible. Nous avons le CRTC qui, sous le superbe leadership d'André, fonctionne toujours par le biais de deux divisions... précisément pour pouvoir cibler les choses. Voilà dans quel contexte je continuerais d'inscrire ce débat.
Le président: Ce qui va m'être difficile aujourd'hui ce sera de donner la parole à toutes les personnes qui veulent poser des questions.
Allez-y, monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être venus ici pour discuter de ce sujet tout à fait fascinant.
Parlant pour moi, et cette question m'est toute nouvelle, je pense pouvoir ramener les interventions à trois catégories générales: celle des personnes qui pensent que nous devrions tout simplement supprimer les restrictions en matière de propriété étrangère et attendre en gros de voir ce qui se passe; celles de ceux qui disent, laissons cela ouvert mais n'oublions pas les questions de contenu—ce dont, me semble-t-il, deux ou trois d'entre vous avez très bien parlé aujourd'hui—et enfin un autre groupe qui dit, oui, faites cela, mais veillons à ce que nous ayons accès à l'infrastructure; je suppose que c'est davantage là une question de téléphonie.
Je vais commencer par poser une question à la délégation d'Alliance Altantis. Vous avez mentionné que pour protéger les intérêts canadiens côté contenu—et à contrecoeur, j'imagine—et s'il y avait levée des limites en matière de propriété étrangère, vous dites que cela ne devrait être fait que s'il nous est possible, dans le cas de ces entreprises, de séparer pour ainsi dire la radiodiffusion de l'infrastructure. À votre avis, cela pourrait-il être réalisé au moyen d'un régime d'octroi de licences par opposition à une opération genre séparation de soeurs siamoises? J'aimerais que vous nous disiez si une approche axée sur l'octroi de licences réglerait vos préoccupations à cet égard.
Mme Phyllis Yaffe: Je vais donner un début de réponse, puis je demanderai à mes collègues d'ajouter quelque chose s'ils le veulent.
Nous avons vécu certaines de ces approches de réglementation suggérées, et j'ai le regret de vous dire que je ne pense pas que ce soit aussi facile que cela peut le paraître de l'extérieur, lorsqu'on essaie de séparer des murs chinois, de séparer des entreprises affiliées.
Si le comité est convaincu qu'il faut autoriser une plus grande propriété étrangère du côté des EDR, alors nous disons qu'une simple réglementation stricte ne nous servirait pas très bien. Il faudrait selon nous y intégrer les suggestions que nous faisons dans notre mémoire en matière de propriété croisée, notamment interdire qu'un propriétaire étranger contrôlant une EDR puisse être le propriétaire de services de programmation connexes, bien que distincts, à l'intérieur de la même famille d'entreprises.
Je pense que c'est cela qu'il faudrait faire, reconnaissant que les distributeurs de radiodiffusion jouent un rôle si important dans la vie des services de programmation que l'on ne peut pas tout simplement s'en remettre à une réglementation qui est revue tous les sept ans. L'on ne peut pas tout simplement compter sur des plaintes de suppliants des services qui doivent recourir à un organe de réglementation et se plaindre devant tout le monde de leur plus gros client. De telles règles rendraient très difficile tout changement rapide et important advenant que, malheureusement, les choses ne se passent pas aussi bien qu'on l'avait espéré.
Pour répondre à votre question, donc, non, nous ne pensons pas que le processus de réglementation soit suffisant et nous croyons que cette interdiction de propriété croisée serait plus utile et nous donnerait de meilleures possibilités de ne pas tomber dans certains des pièges que nous avons vus par le passé.
º (1650)
M. Brent St. Denis: La chambre a argué qu'un régime de délivrance de permis pourrait fonctionner.
Je me demande, monsieur Murphy, si vous ne pourriez pas vous prononcer sur le contraire: pensez-vous que la séparation des soeurs siamoises, que l'éclatement d'une société de radiodiffusion et qui n'a que de l'infrastructure, serait une solution au lieu de l'octroi de licences, car vous avez dit qu'un régime de licences pourrait peut-être régler l'aspect contenu?
M. Michael Murphy: Je pense que nous avons dit que bien qu'il y ait peut-être certains avantages à l'idée d'envisager un régime de délivrance de permis général, nous sommes loin de vouloir suggérer qu'une augmentation des permis et du fardeau en matière de permis pour les fournisseurs serait une bonne chose. Je pense que nous en traitons très bien dans notre mémoire.
Je pense que le souci à ce niveau-là est que vous tendriez vers un régime où il y aurait une libéralisation, ce qui a été proposé par un certain nombre de joueurs—et nous esquissons diverses options dans notre mémoire—mais vous pourriez alors récupérer un peu de terrain et dire que vous avez créé un régime d'investissement étranger plus large, mais, de l'autre côté vous allez trouver le moyen de jouer plus serré avec des règles plus strictes et augmenter la composante réglementation.
Nous considérons cela comme étant très négatif. Si l'objet ici est de faire quelque chose de constructif en vue d'augmenter le niveau d'investissement dans le secteur, l'augmentation du fardeau de réglementation, si vous vous y prenez mal, aurait clairement l'effet contraire.
Si c'est donc cette interprétation que vous avez faite de mes propos, alors je ne me suis pas exprimé aussi clairement que je l'aurais dû.
M. Brent St. Denis: Je voulais tout simplement tirer cela au clair, car j'avais peut-être mal compris ce que vous aviez dit.
Professeur Johnston, dans le résumé de votre présentation vous parlez de «préciser la distinction entre les entreprises et le contenu au moyen de définitions». Pensez-vous qu'un régime de délivrance de permis réglerait certaines des questions qui ont été soulevées par le premier groupe?
M. David Johnston: Je suis d'accord avec M. Murphy dans les commentaires qu'il vient de faire. Je ne serais pas très enthousiaste à l'égard d'un régime de permis. Je plains nos collègues à droite avec les puzzles qu'ils nous ont exposés. Ils sont très réels s'agissant de la convergence d'activités de distribution de radiodiffusion et de programmation. Mais nous avons pour tradition de faire cela dans les deux lois. En fait, la troisième loi est la Loi sur la radiocommunication, et je souhaiterais que l'on maintienne cette distinction.
M. Brent St. Denis: Et l'idée de séparer les deux sous une forme ou une autre, si une société possédait du matériel de radiodiffusion et de l'infrastructure, est-ce...?
M. David Johnston: Oui, cela me plairait, car cela a été notre tradition.
M. Brent St. Denis: Me reste-t-il encore quelques minutes, monsieur le président?
J'aimerais vous demander, très rapidement, professeur Johnston, vu votre expérience à la tête du groupe de travail sur le service à bande large, et que vous appartenez à une université qui est un chef de file mondial en matière de développement technologique, si toute cette discussion sur la réglementation des télécommunications n'est pas en fait sans intérêt pratique étant donné que, comme l'a mentionné M. Rajotte, avec les murs qui s'écroulent, nous allons toujours voir de la téléphonie et des vidéos sur Internet. Il s'agit en fait de protéger nos droits d'auteur partout dans le monde. Tout le reste est grand ouvert. Quant aux questions de limites de la propriété étrangère et de réglementation du contenu...
Votre point était peut-être le suivant: ou nous jouons le jeu à l'échelle mondiale ou nous n'y jouons pas du tout, car les limites et les barrières à l'intérieur de l'industrie sont en train de tomber.
º (1655)
M. David Johnston: Ma réponse serait plus compliquée que cela. Je pense que nous vivons dans des mondes qui sont à l'intérieur de mondes qui sont à leur tour à l'intérieur d'autres mondes. Je pense qu'il y a un rôle important de promotion de la culture et de la souveraineté canadiennes, et que nous avons à certains égards une merveilleuse tradition en la matière.
Nous vivons dans un monde en voie de rapide mondialisation. Il est important que le Canada y joue ses cartes de façon productive, s'agissant tout particulièrement de la technologie et du transport. Nous devrions avoir aussi peu de restrictions que possible, car je pense que le Canada a la capacité de très bien faire dans le monde que je décris. En effet, certains des artistes canadiens dont Michael, Phyllis, André et Jay ont fait état sont la preuve que nous pouvons également réussir du côté du contenu.
Pour ce qui est de l'accès au service à large bande et de son déploiement, j'ai beaucoup apprécié la position très soigneusement campée par Michael Murphy quant au rôle du marché et à celui du soutien public. Ayant lu le texte, Mike, je peux dire que je suis tout à fait favorable à la façon dont vous avez exprimé les choses, en mettant l'accent là où vous l'avez mis.
Il est important qu'il y ait dans le cadre d'un déploiement de service à large bande des capitaux étrangers et des idées étrangères ou internationales. Tout comme nous avons connecté toutes les écoles et toutes les bibliothèques du pays à l'Internet en 1999, et nous avons été le premier pays dans le monde à le faire, nous ferons en sorte que toutes les localités aient accès au service à bande large d'ici à l'an 2005. Nous exporterons au reste du monde cette technologie et une partie du contenu qui va avec cette technologie.
J'ai été frappé par l'exemple donné par le ministre britannique Timms d'un entrepreneur basé à Hong Kong, Li Ka-shing, qui est allé en Grande-Bretagne et qui a fait l'investissement dans le 3G, que personne n'avait réussi à faire fonctionner comme il se doit—beaucoup avaient fait faillite. Si nous pouvions faire le même genre de chose au Canada avec des capitaux étrangers ou nos propres capitaux, avec des technologies de l'étranger ou notre propre technologie, et avec la participation de beaucoup de Canadiens de talent, alors ce serait la planète qui serait notre plateforme pour déployer ce que nous avons à offrir à chaque coin du monde.
[Français]
Le président: Monsieur Crête.
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
J'ai une courte question, toujours sur la proposition que vous faites. Au départ, je fais l'hypothèse qu'il y a une sensibilité très différente des marchés au Québec de celle des marchés du reste du Canada en matière de programmation. J'aimerais vous entendre là-dessus afin de voir si vous confirmez cela, parce que dans ma vision, par exemple au Québec, en termes de production locale de films, de téléromans ou de choses du genre, on occupe beaucoup les principales émissions, alors que dans le marché canadien anglais, plusieurs émissions américaines sont les plus gros vendeurs. J'aimerais savoir si votre proposition, selon vous, aurait un impact supérieur en termes de protection sur le marché canadien anglais que sur le marché québécois ou si ça n'a pas nécessairement d'impact particulier.
M. André Bureau: C'est évident que la possibilité d'investissements étrangers dans le marché canadien anglais va venir des États-Unis. Donc, les mesures qu'on propose sont destinées à assurer la conservation au Canada de ce qu'on a déjà au niveau de notre système et la possibilité de continuer à le développer. C'est évident que je ne pense pas que Liberty Media viendra à la course acheter des canaux francophones au Québec, mais si elle peut les ramasser en même temps, ce n'est pas pire. On les fera traduire et on passera les programmes là aussi. Mais je pense que ça va être moins évident, moins immédiat.
Cela étant dit, je pense que le principe qui est en jeu ou les idées qui sont déposées devant vous peuvent affecter, peut-être à des degrés divers, autant le marché francophone que le marché anglophone. On est peut-être mieux équipé pour y résister en français à cause de la langue, à cause aussi du rôle qu'on joue à l'intérieur d'une grille de programmes. Les programmes sont faits chez nous. Parmi les vingt premières émissions, il y en a dix-neuf sinon vingt qui sont faites chez nous. Ce n'est pas la même chose du côté du marché anglophone, et il faut le reconnaître. Donc, les risques sont peut-être plus grands de ce côté-là.
» (1700)
M. Paul Crête: Est-ce que vous souhaiteriez que votre proposition ait une durée limitée dans la loi? Si on allait dans le sens que vous dites, souhaiteriez-vous qu'on ait une disposition qui dirait qu'on va mettre ce modèle en place et qu'il devra être révisé, par exemple, dans dix ans ou dans cinq ans, de façon à se donner une chance de revenir à la solution idéale si jamais l'autre ne fonctionnait pas?
M. André Bureau: Je pense que dans notre système actuel, n'importe quoi peut être revu si, à un moment donné, il y a urgence de le faire. Pourquoi cinq ans? Pourquoi dix ans? Que fait-on si c'est dans trois ans qu'il est important de le revoir, ou pas avant 15 ans? Je ne vois pas le grand avantage à avoir une espèce de sunset clause parce que j'ai l'impression que si on a besoin de le faire, il y aura quelqu'un qui va dire qu'il faut changer ça. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais il y aura toujours cette possibilité d'adapter nos lois: vous le faites. C'est pour cela que le comité se réunit.
M. Paul Crête: À la blague, je dirais que le cinq ans, c'est le temps minimum que ça nous prend pour se retourner.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Thank you, Mr. Chairman, et merci à vous tous d'être venus.
Ma question s'adresse aux représentants d'Alliance Atlantis. Vous ne pensez pas que le contenu canadien serait suffisamment protégé ou par les règles existantes en matière de contenu ou par ce que nous pourrions mettre en place en cas de propriété étrangère à 100 p. 100?
M. Jay Switzer: Il y a en place des règles très solides qui sont très efficaces, jusqu'à un certain point. Il y a d'autres choses qu'un distributeur à participation croisée pourrait faire pour créer un avantage concurrentiel—qui serait en fait un désavantage pour les plus petits exploitants canadiens; des choses qui ne sont pas facilement réglementées ou traitées dans les règles actuelles; des questions de commercialisation et de prix de gros dans certains cas, de prix au détail, de positionnement du canal, de publicité et de vignettes sur les chaînes d'autopromotion; et il y a également la question de savoir si vous serez mentionné sur leurs sites Web ou inclus dans leurs enveloppes ou leurs prospectus d'accompagnement. Même dans des entreprises qui auraient les meilleures intentions du monde, les gens se sentiraient toujours poussés à préférer leurs propres chaînes sur toutes ces plateformes.
Même s'il y a ici certains radiodiffuseurs canadiens solides qui réussissent bien, tout ne va pas bien en ce moment dans le paysage de la radiodiffusion. C'est le cas de la radio, avec les stations AM à petit marché dont nombre d'entre vous êtes au courant et, à l'heure actuelle, la petite télévision locale est dans certains cas menacée. Ce n'est pas un très bon secteur à l'heure actuelle. Pour les petits marchés dans lesquels nous sommes actifs, par exemple Windsor, Wingham, London, Pembroke ou un petit marché que nous pourrions avoir à l'île de Vancouver, la différence entre faire un profit et essuyer une perte est très petite. Nous sommes à la merci du distributeur, luttant contre des canaux. Qu'ils possèdent 30 p. 100, 60 p. 100 ou 80 p. 100, il y a un avantage incroyable que la réglementation ne peut que partiellement contenir. Pour nous, dans le court terme, c'est cette partie de l'équation qui est la plus en péril, la plus en danger.
Mme Phyllis Yaffe: L'une des choses les plus enrageantes pour nos téléspectateurs c'est lorsqu'un distributeur déplace le canal et lui donne un autre numéro. Vous vous levez un matin et le canal 39 n'est plus Showcase; il est perdu quelque part dans l'espace et vous le retrouvez plus loin sur la commande de sélection des canaux. C'est très mauvais pour nous et c'est tout à fait à la discrétion du distributeur. Nous ne pouvons aucunement influer sur cette décision.
J'imagine que si vous aviez plusieurs de vos propres canaux sur votre propre système, vous seriez peut-être davantage encore tenté de le faire. Vous placeriez peut-être vos propres canaux un peu mieux pour que les gens les trouvent plus facilement, au lieu de laisser les choses comme elles sont.
Voilà juste un exemple des genres de mesures de protection que vous ne pouvez pas intégrer à la réglementation. C'est là l'affaire des distributeurs. Pour nous, un élément important de notre travail est de maintenir notre place dans la numérotation des canaux et de nous en servir pour commercialiser nos canaux afin que les gens sachent où nous trouver. Voilà donc un exemple des choses que nous ne pouvons pas contrôler, qui ne sont pas régies par le CRTC, mais qui font partie de ce que fait chaque jour un distributeur.
» (1705)
M. Larry Bagnell: J'imagine qu'au pire, la liste que vous nous avez donnée serait une bonne liste de choses à tenter de réglementer, même si ce serait difficile.
M. Jay Switzer: Cela nous rassure d'avoir à l'occasion de vives discussions, mais avec des exploitants canadiens, comme M. Rogers ou M. Audet. Nous ne savons pas si nous serions aussi à l'aise à l'idée d'avoir à traiter avec M. Redstone ou M. Malone à Denver ou à New York.
M. Larry Bagnell: Monsieur Johnston, vous avez parlé des avantages que cela pourrait nous procurer à l'avenir dans le monde nouveau, avec toute cette innovation et tout le reste. Mais n'y a-t-il pas un risque que si vous ouvrez le secteur à la propriété étrangère les Américains viendront acheter les entreprises canadiennes les plus rentables pour ensuite déménager les sièges sociaux, la recherche et toute la matière grise aux États-Unis, auquel cas il se ferait moins d'innovation au Canada?
M. David Johnston: Oui, je pense qu'il y a une crainte réelle que les meilleures entreprises canadiennes seraient évidées et que l'on perdrait les meilleurs emplois en matière de conception et de génie en faveur des États-Unis ou d'autres grands centres. Cela étant dit, je dirais que nous devrions compter sur les vastes capacités entrepreneuriales au Canada et être prêts à jouer dans un monde et à contrer ce risque. Ma croyance est que si nous pouvons être concurrentiels sur notre propre territoire, nous pouvons l'être ailleurs aussi et remporter ces batailles plus souvent que nous ne les perdrons.
M. Larry Bagnell: M'adressant maintenant aux représentants de la Chambre de commerce du Canada, ne serait-il pas possible que la seule différence serait que les grandes compagnies canadiennes appartiendraient à des Américains et qu'il n'y aurait plus d'investissement? Les Américains achèteraient tout simplement les choses qui sont aujourd'hui très rentables.
M. Michael Murphy: Je pense que vous parlez d'importants investissements sous forme de mouvements de capitaux, et nous savons tous à quel point cela est flexible s'agissant de la capacité des investisseurs de choisir. Il est également vrai que le secteur des télécommunications, une composante essentielle, est l'une des industries les plus exigeantes en investissements, et ce non seulement au Canada mais bien évidemment à l'échelle mondiale. C'est un secteur à très forte intensité de capital. Si vous allez avoir des systèmes à réseau, il est certain que vous allez devoir aller chercher des capitaux supplémentaires—c'est la règle.
Je pense qu'il y a entente—et nous en avons discuté avec nos membres—pour dire qu'en ce qui concerne les entités de télécommunications, tout le monde est d'accord pour dire que nous pensons qu'il y a un avantage à faire cela. Je pense qu'il y a une vaste gamme d'opinions quant aux ramifications que cela pourrait avoir, et nous nous sommes efforcés d'exprimer cela dans notre mémoire. Il y a beaucoup d'avis différents quant à la question de savoir jusqu'où l'on irait au-delà des télécommunications, et toutes les opinions ont été exprimées par nos membres. Je pense que l'une des chose utiles que nous avons réussi à faire par le biais de cette discussion c'est apporter cette perspective à la table, soit qu'il y a ce genre de diversité.
Quant à la capacité d'injecter plus de capital dans l'industrie, l'autre jour j'ai vu des données sur les niveaux généraux d'investissement direct étranger. Une chose sur laquelle je pense que nous-mêmes et le gouvernement pourrions nous entendre serait l'utilité de trouver des moyens d'attirer dans ce pays davantage d'investissement étranger. J'ai vu les chiffres pour 2001 l'autre jour. Près de 320 milliards de dollars en investissement étranger sont en entrés au pays. En ce moment, l'investissement canadien à l'étranger se chiffre à près de 400 milliards de dollars. Je pense que ces chiffres ont beaucoup changé au cours des dernières années, reflétant ce qui se passe non seulement dans cette industrie mais dans beaucoup d'autres également.
Le président: La parole est maintenant à M. Savoy, qui sera suivi par M. Rajotte puis, pour conclure, par M. McTeague.
Monsieur Savoy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue, mesdames et messieurs.
Lors de réunions précédentes, j'ai parlé du déficit de productivité auquel nous sommes confrontés au Canada et du déficit d'innovation pour ce qui est des demandes de brevet. J'ai également parlé de ce que le Canada doit envisager à l'échelle nationale en vue d'être une grappe de R et D, ainsi que d'encore un autre défi que nous devrons relever, celui de notre infrastructure TI, à l'échelle du pays. Le programme BRAND est un excellent point de départ.
À cet égard, l'une des hypothèses fondamentales émises aujourd'hui par l'Alliance concerne l'incidence des actions sans droit de vote. Vous dites dans votre exposé «Si des sociétés étrangères désirent investir dans des entreprises de distribution canadiennes mais ne sont pas satisfaites de la détention d'intérêts sans droit de vote, nous pouvons présumer que c'est un contrôle opérationnel stratégique qu'elles recherchent». Si l'on regarde cela du point de vue logique en affaires, si vous envisagez un important investissement, vous allez en règle générale chercher à participer au processus ou à exercer des droits de vote. Vous êtes en train de dire que si ces entreprises veulent des droits de vote c'est qu'elles visent en dernière analyse une prise de contrôle stratégique.
Je pense que c'est vous, Michael, qui avez évoqué cela. Pourriez-vous étoffer un peu votre explication? Cela ne correspond pas à mon expérience, et il y a peut-être quelque chose qui m'échappe ici. J'aimerais également connaître les réactions des gens de la Chambre et de M. Johnston.
» (1710)
M. Michael MacMillan: Je pense que nous sommes tout à fait de votre avis, et nous ne leur faisons absolument aucun reproche là-dessus. Il est tout à fait logique pour une compagnie médiatique de vouloir, si elle a un important intérêt financier dans une autre société, y exercer une certaine influence; elle serait folle de ne pas le vouloir. Nous sommes donc tout à fait d'accord là-dessus. Nous voulions simplement souligner que ce dont nous parlons ici ce sont d'autres entreprises médiatiques, et non pas des fonds de pension passifs.
Nous sommes donc tout à fait d'accord là-dessus. C'est pourquoi nous disons qu'il vous faut regarder au-delà de cela, au-delà de la simple arrivée de capitaux supplémentaires, pour voir quelle en sera l'incidence concrète. L'incidence concrète ressemblerait sans doute beaucoup à ce que Jay a décrit il y a quelques instants.
La relation entre une EDR et les canaux qu'elle propose n'est pas celle d'une entreprise de télécommunications. Il s'agit plutôt d'une relation dans laquelle une certaine influence est exercée sur les canaux—prix, placement, bouquets, etc. D'autre part, pour ce qui est de la propriété d'un canal ou d'un radiodiffuseur, il y a des questions d'approvisionnement en programmation.
Nous sommes donc tout à fait d'accord. Nous ne mettons aucunement en question les motifs. À leur place, nous aurions en tête exactement la même chose, et c'est cela qui est au coeur de nos préoccupations.
Le président: Monsieur Murphy.
M. Michael Murphy: Merci, monsieur le président.
Je ne pense pas pouvoir me prononcer sur les stratégies d'affaires et facteurs de motivation spécifiques d'investisseurs potentiels, mais si vous me le permettez, j'aimerais vous entretenir un petit peu de la base de votre question, c'est-à-dire augmenter la productivité, la compétitivité et l'investissement dans le pays. Je pense que cela est au coeur non seulement du document préparé par Industrie Canada mais également des discussions en cours ici.
Il me semble qu'il y a ici plusieurs couches. L'investissement est un élément clé. L'on peut également parler de recherche et de développement et de ce qu'il faudrait faire pour améliorer les choses sur ce plan. Vous avez également parlé de développement d'infrastructure et l'on peut directement rattacher cela à l'investissement. Les régimes fiscaux et de réglementation seraient deux autres éléments que je mentionnerais. Lorsque vous mettez tout cela ensemble, vous parlez d'une économie plus productive et plus concurrentielle. Dans le cas qui nous occupe, nous nous sommes largement concentrés sur l'élément investissement.
Je ne vais pas répéter mes observations antérieures, mais il me semble, eu égard à l'analyse que nous avons menée en discutant avec un échantillon très représentatif de nos membres, qu'il y a ici une entente générale quant à la nécessité de trouver des moyens d'être plus créatifs en vue d'augmenter l'investissement dans ces secteurs. L'occasion est là tout juste devant nous.
Bien que nous ayons un document qui est sorti tard l'an dernier, il ne s'agit pas d'une question qui est tombée du ciel et au sujet de laquelle les gens se demandent pourquoi on en parle tous. C'est au programme au Canada depuis quelque temps déjà. C'était déjà au programme des négociations internationales dans les années 90. Cela fait fort longtemps que l'on en discute.
Je pense néanmoins qu'en dernière analyse vous avez tout à fait raison de faire porter la discussion sur la productivité et la compétitivité dans l'économie. Ce sont là de très sérieuses préoccupations à notre avis.
M. David Johnston: Tout ce que j'ajouterais, encore une fois, c'est que je ferais une distinction aux fins de cette audience entre le contenant et le contenu.
Lorsqu'on regarde le contenant, la productivité technologique est extrêmement importante. Il se trouve que nous sommes à bien des égards un chef de file mondial.
Ce matin, je suis allé à un petit-déjeuner avec un jeune entrepreneur à la tête d'une boîte appelée Sandvine, qui est le fruit d'une autre société de Waterloo appelée PixStream. PixStream a vu le jour en 1996 avec un investissement initial consenti par Terry Matthews à trois jeunes entrepreneurs et a été vendue à Cisco en août 2000 pour 565 millions de dollars canadiens, un parcours absolument incroyable en l'espace de quatre ans.
Les entrepreneurs de PixStream ont depuis lancé une nouvelle société. Ils ont réuni un bassin de talent d'environ 75 personnes et ils offrent des services de réduction de coûts et d'amélioration de revenus à des transporteurs partout dans le monde. Je m'attends à ce qu'ils répètent avec cette société le succès qu'ils ont eu avec PixStream.
Ce qu'il y a de merveilleux est que 560 millions de dollars ont été injectés dans notre communauté par un exploitant étranger et cet argent continue d'être là, et ces jeunes entrepreneurs ont maintenant leurs propres fonds pour aller lancer autre chose.
Revenons à Terry Matthews. On peut dire que Terry Matthews est responsable de la création de plus d'emplois directs dans ce pays que quiconque est en vie à l'heure actuelle. Terry est un immigrant du Pays de Galles, qui est venu ici pour travailler chez Nortel, et a été attiré avec Michael Cowpland dans cette organisation par un puissant capital intellectuel.
Il a lancé deux ou trois boîtes. L'une d'entre elles, bien sûr, est Newbridge, achetée par Alcatel pour—quel est le chiffre?—8 milliards de dollars canadiens. Cette société tourne toujours ici en Amérique du Nord. Alcatel ne compte plus que 40 p. 100 du nombre d'employés qu'elle avait il y a trois ans et demi, mais l'un des éléments de son empire mondial qui a été le moins touché est Alcatel Canada. Pourquoi? À cause de la qualité du génie et du design et parce que les ventes mondiales sont si bonnes.
Qu'a fait Terry du produit de sa vente de Newbridge à Alcatel? Nous pourrions citer plusieurs compagnies qu'il a lancées, et son maintien de Mitel et d'autres, et cela prendrait les doigts de plusieurs mains. Devinez qui est le nouvel investisseur à Waterloo dans Sandvine, la compagnie qui est née de PixStream? C'est Terry Matthews. Lorsque Cisco a acheté cette compagnie, c'est lui qui a été le premier à prendre le téléphone pour appeler ces jeunes entrepreneurs et leur dire d'aller fêter et que le lendemain matin il voulait qu'ils lancent une nouvelle entreprise afin qu'il puisse y investir.
C'est vraiment ce genre d'appui au talent que nous avons en abondance dans ce pays qui nous permet, je pense, de fonctionner de façon très concurrentielle sur la scène mondiale.
» (1715)
Le président: Nous allons poursuivre jusqu'à 16 h 25, après quoi nous traiterons de la motion de M. Crête.
M. James Rajotte: Très bien. Merci, monsieur le président.
J'ai deux petites questions rapides, puis une autre, plus vaste, qui s'adresse plus particulièrement à Alliance Atlantis.
Les restrictions américaines en matière de radiodiffusion sont-elles l'une de vos principales préoccupations? Si le Canada pouvait négocier ne serait-ce qu'un léger assouplissement de ces restrictions, dans quelle mesure cela apaiserait-il vos craintes?
Deuxièmement, que diriez-vous si, advenant un assouplissement des restrictions en matière de propriété étrangère, il y avait une condition, un plafonnement, en pourcentage, de ce que pourrait posséder un seul et même investisseur, de telle sorte qu'il ne pourrait pas y avoir un investisseur majoritaire des États-Unis? Cela réglerait-il également certaines de vos préoccupations?
M. Michael MacMillan: Je ne pense pas que le relâchement de l'actuelle restriction américaine de la propriété étrangère qui, comme vous le savez, limite à 25 p. 100... Les non-Américains sont limités à une participation de 25 p. 100 à un radiodiffuseur américain. C'est pourquoi Murdoch a renoncé à sa citoyenneté australienne, afin de devenir un Américain et d'être admissible.
Mais je ne pense pas que l'assouplissement de leurs règles changerait quoi que ce soit en fait. Ce serait toujours un marché de 300 millions de personnes. Ce serait toujours la force très lourdement dominante dans notre industrie à l'échelle mondiale et ce serait tout particulièrement difficile pour nous qui partageons une frontière et une langue avec eux. Voilà pourquoi je ne pense pas que ce soit un compromis qui vaille la peine d'être négocié, car je ne pense pas que nous puissions en tirer quoi que ce soit.
Pardonnez-moi, mais quelle était la deuxième partie de votre question?
M. James Rajotte: Si l'on disait qu'une seule et même personne ne pourrait pas être propriétaire majoritaire, un peu comme ce que l'on a avec Air Canada...
Vous ne pourriez que détenir un certain pourcentage. Cela permettrait de régler au moins certaines des préoccupations relativement à des prises de contrôle étrangères possibles.
M. Michael MacMillan: Au lieu de parler d'une seule et même personne, il faudrait vraisemblablement parler d'une seule et même entreprise. Mais, de toute façon, peu importe, car ici encore je ne suis pas très certain. C'est difficile à savoir. Quand est-ce que c'est trop? Est-ce que 10 p. 100 serait acceptable? Qu'en serait-il de 12 p. 100 ou de 15 p. 100? Une influence serait certainement exercée. Ce serait une bien drôle d'équipe de gestion qui ne ressentirait pas la pression exercée par l'EDR si celle-ci était liée à un gros actionnaire dans la boîte, même si cet actionnaire n'était pas dominant.
» (1720)
M. James Rajotte: J'ai une question plus grosse et plus vaste. Nous rencontrons demain le comité du patrimoine, et il est intéressant que lorsque le sous-ministre a comparu devant nous il a dit que cet examen s'applique à la propriété des entreprises de télécommunications et que le contenu n'est pas couvert par cet examen. On ne se préoccupe que du pipeline.
Je pense que nous tous avons vu que ce n'est pas le cas, car nous avons entendu de nombreux témoins nous dire qu'il y a définitivement là un lien. Et je pense que le ministère a vraiment eu tort d'essayer de nous dire que nous pouvons tout simplement cibler cela. Il y a ici un certain nombre de questions plus grosses et plus vastes. D'autres entreprises ont dit qu'il nous faut examiner le cadre de réglementation; que l'on ne peut pas tout simplement se pencher sur les restrictions en matière de propriété étrangère.
J'aimerais donc poser à tous les témoins une question plus grosse et plus vaste. Nous avons, du côté de l'industrie, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiocommunication, et, du côté du patrimoine, la Loi sur la radiodiffusion, et je suis certain qu'en tant que témoins, vous devez trouver cela très frustrant d'aller d'un comité à un autre, où vous découvrez souvent des ambiances et des penchants très différents. Notre plainte au comité, des deux côtés, je pense, est que même si nous recommandons quelque chose, nous pourrions nous retrouver dans une situation où deux ministres, deux ministères se bagarreraient entre eux, auquel cas, que cela donnerait-il? Du point de vue politique publique, cela pourrait très bien déboucher nulle part. Y a-t-il un meilleur moyen de traiter de ces questions? Devrions-nous les réunir sous une seule et même loi? Devrions-nous les réunir sous un seul et même ministère? Devrait-on créer un nouveau ministère? J'aimerais vraiment connaître votre philosophie d'ensemble s'agissant de ce que nous devrions faire.
M. Michael MacMillan: Je ne sais trop si nous aimerions nous attaquer à l'idée de réorganiser le gouvernement.
M. James Rajotte: Allez-y, je vous prie.
M. Michael MacMillan: Je dirais cependant que même si nous savons que le mandat du comité est de traiter, d'abord, des télécommunications et, bien sûr, des EDR, nous tenons à ce que la discussion aille jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au contenu. En effet, si nous ne faisons pas à l'avance une analyse exhaustive de toute l'affaire, nous manquerons tous de sincérité l'un envers l'autre et nous éviterons tous le fait que si vous changez les règles pour les compagnies de télécommunications, alors les câblodistributeurs demanderont, et ce tout à fait à juste titre: et nous? Nous devrions avoir les mêmes règles. Cela nous choquerait si ce n'était pas le cas.
Il s'agit certes là de la prochaine étape. Il faudrait environ cinq minutes après la première étape. Et une fois cette deuxième étape franchie, nous serions tout de suite plongés de toute façon dans cette discussion sur le contenu, car tout cela est lié de façon inextricable pour les raisons que moi-même et, je pense, nombre d'autres intervenants ont évoquées.
J'ignore comment ni même s'il faudrait réorganiser l'Industrie vis-à-vis du Patrimoine et ainsi de suite, mais ce qui est certain, c'est que je pense que tout cela doit être examiné ensemble, sans quoi l'on ne fait que se raconter des histoires et se diriger vers la catastrophe.
Le président: Merci.
M. David Johnston: J'ai une vision moins ambitieuse de la question. Ce serait formidable d'avoir un monde simple que l'on pourrait réglementer avec une seule loi, un seul ministre, un seul ministère. Et, bien sûr, nous avons déjà eu cela dans ce domaine. Mais la vie n'est pas aussi simple que cela. Nous avons un monde si complexe, avec des fournisseurs de contenant par opposition aux fournisseurs de contenu, que je ne voudrais même pas tenter de débrouiller l'omelette.
Si vous regardez les schémas dans le monde, vous verrez différentes sortes de difficultés. Il y a des impératifs qui alimentent notre inquiétude quant à notre culture dans ce pays et qui sont différents de ceux qui alimentent nos inquiétudes quant à l'accès aux télécommunications. Ils se chevauchent à certains égards, mais ils sont foncièrement différents. Voilà pourquoi nous avons exprimé des objectifs de politique quelque peu différents dans la Loi sur les télécommunications, dans la Loi sur la radiodiffusion et dans la Loi sur la radiocommunication, et ce pourquoi la poussée en vue de la déréglementation des compagnies de télécommunications dans le monde a été plus rapide, plus dynamique et plus possible que dans le cas des fournisseurs de contenu. C'est parce que lorsque vous parlez contenu, c'est de votre âme qu'il s'agit, et pas juste de la vente de biens et de services. C'est une question toute autre.
Je me suis assis avec trois merveilleux anciens étudiants il y a environ dix ans et nous avons écrit un livre intitulé Communications Law in Canada. Il comporte quatre sections. La première porte sur le contenant et met l'accent sur la Loi sur les télécommunications; la deuxième traite de la radiodiffusion, dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion; la troisième porte sur la convergence, et nous tentons de traiter des forces dont Michael et d'autres ont si éloquemment parlé—AOL-Time Warner est un très bon exemple; et la quatrième porte sur la concurrence. Il s'agit là, traditionnellement, de volets très différents du droit. On les a brusquement mis ensemble.
Je ne pense pas que la solution pour vous soit de rédiger une loi applicable à l'autoroute de l'information pour ensuite tenter de réglementer les différents éléments de cette autoroute en appliquant les mêmes maximes. Je pense que cela est tout simplement trop complexe.
Le président: Merci beaucoup.
Je m'excuse auprès de M. McTeague du fait que je n'aie pas pu l'autoriser à poser des questions aujourd'hui, mais nous approchons de la fin et il me faut boucler.
Monsieur Bureau, aimeriez-vous faire quelques brèves remarques en guise de conclusion?
M. André Bureau: J'aimerais souligner un point. En 1976, le gouvernement a eu l'intelligence de déterminer que tous ces éléments devraient être réunis sous un seul et même ministère afin que les responsables de ce ministère voient le développement de toutes ces choses différentes, car il avait tout de suite vu que toutes ces choses étaient liées les unes aux autres. Une chose faisait défaut, le Bureau de la concurrence. L'on voudra peut-être à l'avenir envisager un nouveau ministère qui inclurait les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion, mais sans pour autant tout englober sous la même loi. Nous devrions en donner la responsabilité à un seul ministère, afin d'éviter d'avoir des autorités multiples. Le CRTC fait le lien entre les télécommunications et la radiodiffusion dans l'intérêt de ces personnes qui doivent composer avec le régime de réglementation.
» (1725)
Le président: Merci beaucoup. Je suis certain que nous en aurions pour encore plusieurs heures de questions, mais ces deux heures ont passé très vite et nous avons beaucoup de travail à faire d'ici mars. Je vous remercie beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Vos témoignages seront très utiles au comité.
J'aimerais mettre fin à cette partie de la réunion pour passer à la partie suivante. Nous avons une motion, et je demanderais qu'on en fasse la distribution.
Je vais laisser les témoins et les autres personnes partir tranquillement, afin que nous puissions poursuivre nos travaux.
Merci de ne pas faire de bruit au fond de la salle.
Nous allons donc traiter de la motion dont nous sommes saisis. M. Crête a informé le greffier et moi-même cet après-midi aux environs de 13 h qu'il avait une motion qu'il voulait déposer. Tout le monde en a-t-il une copie?
Vous connaissez le processus. En règle générale, lorsque nous recevons des motions, le greffier les distribue et nous en traitons 48 heures plus tard. Comme vous le savez, notre horaire est très chargé, et il le sera encore plus à compter de la semaine prochaine.
Je demanderais à M. Crête de déposer sa motion.
[Français]
M. Paul Crête: Merci beaucoup de votre patience. Je sais très bien que les règles stipulent qu'il faut normalement un avis de 48 heures, mais étant donné la situation du prix de l'essence, si on avait le consentement unanime aujourd'hui pour débattre de la question, cela nous permettrait d'agir rapidement, étant donné aussi notre horaire très serré pour les prochaines semaines. Donc, si on accepte d'en débattre rapidement, on pourra convenir d'une date pour convoquer les pétrolières plus rapidement.
La motion comme telle, vous l'avez devant vous. Le texte est assez précis. Je pense qu'il faut d'abord régler la question du consentement. Je fais appel à votre bonne volonté à cet effet. Je pense que ça vise vraiment à faire appel à votre bonne volonté, sinon on en débattra dans 48 heures. Mais cela nous reporterait beaucoup plus loin, alors que si on décide maintenant, on pourra avoir une décision cette semaine et faire les convocations la semaine prochaine.
L'autre élément d'information que je voulais vous donner est que j'ai communiqué avec M. Pat Martin du NPD et M. André Bachand du Parti conservateur, qui sont tous deux favorables à la motion. Ils ne pouvaient pas être présents cet après-midi, mais entre le moment où j'ai envoyé la motion et maintenant...
[Traduction]
M. Andy Savoy: Mais il leur faut être présent.
[Français]
M. Paul Crête: D'accord, mais je vous donne l'information.
» (1730)
[Traduction]
Le président: Quelqu'un aimerait-il faire un commentaire?
[Français]
M. Andy Savoy: C'est une longue étude; ce n'est pas juste une couple de semaines.
M. Paul Crête: Je pense que ça prend une rencontre générale avec les pétrolières.
Une voix: Toutes ensemble?
M. Paul Crête: Possiblement toutes ensemble, oui. Il faudrait qu'on puisse avoir une bonne séance de travail avec elles, quitte ensuite à y réfléchir une autre fois comme comité.
[Traduction]
Le président: J'aimerais dire à l'intention des nouveaux membres du comité que nous avons déjà étudié cette question une fois. Je tenais tout simplement à ce que cela soit bien consigné.
Je vais maintenant donner la parole à M. Fitzpatrick, qui sera suivi de Brent St. Denis.
M. Brian Fitzpatrick: J'ignore jusqu'à quel point cela a été étudié. Il me semble que si l'on pense qu'il y a peut-être collusion cela pourrait être étudié sous la Loi sur la concurrence.
C'est la première fois que je siège à ce comité, mais je pense pouvoir accepter comme connaissance d'office que le Venezuela n'est pas à la recherche de pétrole par les temps qui courent. Il y a également le risque de guerre, etc., et le prix du baril de pétrole est très élevé. J'ignore donc s'il nous faut faire une étude pour comprendre ce que tout le monde sait sans doute déjà.
M. Serge Marcil: Excusez-moi, Brian.
[Français]
Pour en discuter, monsieur le président, il faudrait avoir au moins le consentement unanime, sinon on va reporter ça dans 48 heures. Donc, on ne peut pas en discuter tout de suite.
[Traduction]
Le président: Mon intention était simplement d'informer le comité que nous avons déjà étudié cela une fois.
Avons-nous le consentement unanime des membres du comité?
[Français]
M. Serge Marcil: Moi, je ne donne pas mon consentement pour en discuter, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous traiterons de cela à une autre réunion.
[Français]
M. Paul Crête: À la prochaine séance du comité, avec le 48 heures.
M. Serge Marcil: C'est ce que j'ai dit.
M. Paul Crête: Lundi?
[Traduction]
Le président: Il me faudra sans doute ajouter une réunion à celles qui ont déjà été prévues. Ce sera sans doute lundi.
M. Brian Fitzpatrick: Permettez que je soulève un point à ce sujet?
Le président: Juste au sujet de l'horaire.
M. Brian Fitzpatrick: Quelque part au programme, nous allons parler de la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto et de tout le reste.
Le président: Oui.
M. Brian Fitzpatrick: Il me semble que tout le monde peut également comprendre que Kyoto va amener des prix plus élevés pour les combustibles. Nous pourrions en traiter dans ce contexte-là, ne pensez-vous pas?
[Français]
M. Paul Crête: On peut pas faire de débat si...
[Traduction]
Le président: Attendons 48 heures, et nous vous reviendrons.
Tout juste un petit rappel: demain, nous rencontrons le comité du patrimoine à 9 h, dans cette même pièce.
La séance est levée.