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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 juin 2003




 1225
V         Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement)

 1230

 1235

 1240
V         Le président
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. James Rajotte
V         Le président
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson
V         M. James Rajotte

 1245
V         M. David Anderson
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         M. David Anderson

 1250
V         M. Larry Bagnell
V         M. David Anderson
V         M. Larry Bagnell
V         M. David Anderson
V         M. Larry Bagnell
V         M. David Anderson
V         M. Larry Bagnell
V         M. David Anderson
V         M. Larry Bagnell
V         Le président

 1255
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ)
V         M. David Anderson
V         M. Bernard Bigras
V         M. David Anderson

· 1300
V         M. Bernard Bigras
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)
V         M. David Anderson

· 1305
V         M. Brent St. Denis
V         M. David Anderson

· 1310
V         M. Brent St. Denis
V         Le président
V         M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne)
V         M. David Anderson
V         M. Bob Mills
V         M. David Anderson

· 1315
V         M. Bob Mills
V         M. David Anderson
V         M. Bob Mills
V         M. David Anderson
V         M. Bob Mills
V         Le président
V         M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)
V         M. David Anderson

· 1320
V         M. Joseph Volpe
V         M. David Anderson
V         Le président

· 1325
V         M. Bernard Bigras
V         M. David Anderson
V         M. Bernard Bigras
V         M. David Anderson
V         M. Bernard Bigras
V         M. David Anderson

· 1330
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         M. David Anderson

· 1335
V         Mme Paddy Torsney
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson

· 1340
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson

· 1345
V         M. James Rajotte
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.)
V         M. David Anderson
V         M. Serge Marcil
V         M. David Anderson

· 1350
V         M. Serge Marcil
V         M. David Anderson
V         Le président
V         M. Bob Mills

· 1355
V         M. David Anderson
V         M. Bob Mills
V         M. David Anderson
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 053 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 juin 2003

[Enregistrement électronique]

  +(1225)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément à l'ordre permanent 108(2), nous envisageons les répercussions économiques éventuelles de l'exécution du Protocole de Kyoto sur l'industrie canadienne.

    Nous accueillons aujourd'hui le ministre de l'Environnement, l'honorable David Anderson, ainsi que la sous-ministre adjointe, Norine Smith, du ministère de l'Environnement.

    Bienvenue, et merci d'être venus. Je suis certain que vous aimeriez prendre quelques minutes pour présenter vos observations préliminaires, et nous passerons ensuite aux questions.

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement): Merci, monsieur le président.

    Toutes mes excuses aux membres du comité pour mon retard. Un vote qui a eu lieu ce matin a évidemment interrompu et retardé le conseil des ministres auquel j'assistais. Je n'avais tout simplement pas la possibilité d'arriver avant maintenant.

    Cela dit, je suis heureux d'être ici avec vous. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous concernant les mesures relatives au changement climatique. Il s'agit non seulement du défi environnemental mondial le plus important à l'heure actuelle, mais aussi, probablement, du plus gros défi que devra relever la planète au cours du siècle à venir et par la suite.

    Je suis ici pour faire valoir que Kyoto offre aussi des occasions que nous ne pouvons nous permettre de laisser passer. Il y a quelques mois, au plus fort du débat sur la ratification, beaucoup de gens affirmaient que Kyoto occasionnerait des coûts que nous ne pourrions soutenir. Le débat a évolué, et je le constate lorsque je parcours le pays ces temps-ci. Les gens commencent à réfléchir aux moyens d'utiliser à leur avantage notre engagement à réagir au changement climatique et à atteindre notre cible pour Kyoto. Ces gens perçoivent le Protocole de Kyoto comme la première étape d'un processus visant à mettre en valeur le pouvoir de l'innovation et des nouvelles idées dans un nombre important de domaines industriels et technologiques.

    À titre de première étape, le Protocole vise à inciter tous les pays à suivre la voie que nous avons tracée. Évidemment, le pays qui prend les devant tire avantage de certains débouchés.

    Kyoto est une première étape. C'est la première étape vers la réalisation des objectifs à long terme énoncés dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, c'est-à-dire de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropérique du système climatique.

    Pour le Canada, nous n'avons pas vraiment beaucoup réfléchi à cet objectif à long terme. La majorité des discussions ont été consacrées aux moyens d'atteindre la cible de Kyoto pour la première période du Protocole, de 2008 à 2012.

    On ne saurait nier l'importance d'établir des cibles et des échéances réelles et réalistes pour ouvrir le bal et orienter l'attention et l'action. Voilà pourquoi les discussions ont mené au Plan du Canada sur les changements climatiques.

    Je suggérerais aux membres du comité de faire porter leur attention sur ce que nous devrions avoir accompli en l'an 2050. À quel niveau devrions-nous nous situer cette année-là pour être en passe de cesser de nuire au climat avec nos émissions? Quelle forme notre économie doit-elle prendre pour procurer aux Canadiens d'aujourd'hui et, je l'espère, ceux de demain, le niveau de vie et la qualité de vie communautaire auquel ils s'attendent? Comment arriverons-nous à produire les richesses de demain tout en composant avec l'enjeu du changement climatique? Ce sont des questions rarement soulevées au Canada, mais elles ont été soulevées ailleurs dans le monde, en particulier par le Premier ministre britannique, Tony Blair.

    Je crois qu'il est important de se tourner vers l'avenir, tout en se concentrant sur la première période visée par Kyoto. J'ai mentionné la Grande-Bretagne, mais l'Islande s'est déjà fixé comme objectif d'être le premier pays dont l'économie est entièrement fondée sur l'hydrogène. Elle compte produire de l'hydrogène en misant sur ses ressources locales. Les Islandais savent qu'ils devront mettre quelque 40 ou 50 ans pour créer cette économie de l'hydrogène, mais ils investissent actuellement dans la technologie et dans les systèmes qui leur permettront d'y parvenir.

    J'ai mentionné le Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, une commission royale a déterminé ce que l'objectif à long terme de la Convention des Nations Unies peut représenter pour le Royaume-Uni. Vers 2050, le Royaume-Uni devrait avoir réduit son niveau d'émission de gaz à effet de serre de 60 p. 100 par rapport au niveau actuel.

    Dans un discours prononcé le 24 février, le Premier ministre Blair a déclaré ce qui suit: «Pour la Grande-Bretagne, nous acceptons la cible de réduction de 60 p. 100 des émissions dès 2050, fixée par la commission royale.» C'est la cible britannique. Il s'agit des cibles à long terme auxquelles nous ne nous sommes pas engagés.

    J'aimerais mentionner, incidemment, que ce discours a été prononcé avant la diffusion d'un livre blanc sur l'énergie qui décrit la stratégie énergétique britannique pour les 50 prochaines années.

    Le Premier ministre Blair a aussi déclaré qu'il travaille intensivement avec les partenaires européens afin qu'on s'entende pour appliquer la cible de 60 p. 100 à l'ensemble de l'Union européenne. Il cherche à ce qu'on s'engage à élaborer des politiques qui montreront comment cet objectif peut être réalisé. Je m'attends à ce que les Européens s'engagent sur cette voie.

  +-(1230)  

    Nous devons commencer à réfléchir en fonction d'un tel échéancier au Canada. Je crois que c'est un élément clé qui a manqué au débat national jusqu'à maintenant.

    Pour revenir aux considérations à court terme, en 2005, à l'occasion de la Conférence des parties ou CDP-11, on amorcera une discussion internationale sur nos engagements pour la deuxième période visée par Kyoto, au-delà de 2012. Le Royaume-Uni est, de toute évidence, en bonne position pour définir sa prochaine cible, et des pays comme l'Islande auront une vision claire.

    Au Canada, nous devons commencer à répondre aux questions sur notre avenir à long terme. Quelle devrait-être la cible pour la deuxième période? Que devrait-elle être pour la troisième? De fait, vers quels objectifs tendons-nous pour assurer l'avenir des enfants de nos enfants, compte tenu de nos ressources naturelles et de notre base industrielle?

    Le point de vue de votre comité serait très utile et fournirait une perspective nécessaire afin qu'on puisse aider le Canada à faire sa part et à cesser d'influer négativement sur le climat planétaire. Certes, il serait très utile de prendre connaissance de ce point de vue au début et au milieu de 2004, lorsque nous nous préparerons pour les discussions internationales de 2005 sur nos engagements futurs.

    J'ai aussi un point de vue sur le sujet. Au cours des 30 dernières années, nous avons dû composer avec de nombreux défis environnementaux. À maintes reprises, nous avons appris que si on fixe des cibles claires et qu'on donne aux entreprises toute la souplesse voulue pour trouver les solutions les plus efficientes, les gens d'affaires peuvent produire des résultats qui vont bien au-delà de nos attentes initiales, et ils le font. Laissez-moi vous donner des exemples.

    En 1973, le dirigeant de la Ford Motor Company déclarait que si son entreprise et l'industrie étaient forcées à installer des convertisseurs catalytiques pour réduire la pollution de l'air, «Ford fermera ses portes et occasionnera: (1) une réduction du produit national brut de l'ordre de 17 milliards de dollars; (2) la perte de 800 000 emplois; et (3) la perte de 5 milliards de dollars de revenus fiscaux, tous ordres de gouvernement confondus, de sorte que certaines administrations locales deviendraient insolvables.» C'est ce qu'a déclaré le dirigeant de la Ford Motor Company aux États-Unis.

    Quelques années plus tard, une figure de proue du milieu industriel américain, réfléchissant sur le passé, a déclaré que «De grandes occasions s'offrent continuellement à nous, brillamment dissimulées sous forme de problèmes insolubles».

    Dans les deux cas, il s'agit des paroles de Lee Iacocca. À l'époque où il a prononcé la deuxième déclaration, il savait que le ciel ne nous était pas tombé sur la tête et qu'il ne nous tombe pas sur la tête lorsqu'on introduit de nouvelles technologies comme le convertisseur catalytique. Le ciel était, par contre, beaucoup plus propre.

    Au cours des dernières années, j'ai parlé à des dirigeants industriels de partout dans le monde. J'ai entendu des commentaires similaires de présidents et de présidents directeurs généraux de sociétés comme , British Petroleum, DuPont, et de nombreuses autres.

    De fait, l'ancien président du conseil d'administration de Royal Dutch/Shell, Sir Mark Moody-Stuart, parlant des enjeux touchant les changements climatiques au Canada, a déclaré ce qui suit: «Au Canada, vous vous y prenez à l'envers. Les entreprises ne devraient pas perdre leur temps sur la question de la ratification. Elles devraient s'attacher à ce qui se produit par la suite--comment livrer la marchandise.» C'est l'approche qu'il a adoptée. Après tout, il était et est encore un personnage de marque dans l'industrie. Mais il sait, et de nombreux autres grands dirigeants de l'industrie savent, que les buts environnementaux offrent des occasions d'améliorer la rentabilité et d'accroître l'innovation, l'efficience et la productivité.

    Je crois certainement que l'industrie canadienne est capable d'une telle innovation. Nous avons tous vu ce genre d'innovations mises à profit partout au pays. La prise de mesures pour contrer le changement climatique est un investissement dans l'avenir. Elle a le potentiel de rendre notre économie plus forte, plus moderne et plus efficiente.

    J'aimerais revenir à Shell. En 2001, Shell Canada faisant état de un milliard de dollars de bénéfices consolidés, possédait quelque 7,5 milliards d'actif et affichait un taux de rendement moyen de 21,5 p. 100 sur le capital employé. La société, dont le siège social est à Calgary, emploie environ 3 600 personnes dans ses stations-service de partout dans le pays. Shell fixe des cibles depuis 1995, notamment celles d'atteindre le niveau d'émission de gaz à effet de serre de 1990 dès l'an 2000 et de réduire ses émissions de 6 p. 100 dès 2008. La cible pour 2000 a été atteinte.

    Le Canada a besoin de davantage d'innovations de ce genre. Nous le constaterons lorsque nous nous pencherons sur la question des changements climatiques.

  +-(1235)  

    Le budget fédéral de 2003 constitue un engagement à refléter l'importance stratégique croissante de l'innovation en matière de changement climatique au pays. On voit cet engagement dans les 250 millions de dollars versés en vue de faire passer le Fonds d'appui technologique au développement durable à 350 millions de dollars, ainsi que dans l'engagement du gouvernement à examiner des programmes comme le portefeuille de l'industrie, y compris Partenariat technologique Canada, les organismes subventionnaires et les organismes de développement régional, afin de déterminer comment leur contribution à la réalisation des objectifs du Canada en matière de changement climatique peut être améliorée, compte tenu du niveau actuel des ressources.

    Le gouvernement mobilise tous ses outils derrière le projet national proposé par le plan, afin que les Canadiens deviennent les producteurs et les consommateurs d'énergie les plus novateurs et efficients, ainsi que des chefs de file mondiaux de la conception de nouvelles technologies non polluantes.

    Peut-être, encore, nous faut-il voir au-delà de notre plus récent budget et nous demander si le temps n'est pas venu d'élaborer une stratégie scientifique et technologique nationale qui aborde d'une façon claire et cohérente les questions de l'énergie et de l'environnement. Trop souvent dans le passé, les Canadiens ont envisagé l'énergie et l'environnement séparément. J'ai mentionné le fait que les buts de la Grande-Bretagne en matière de changement climatique sont issus d'une étude sur l'énergie. Nous devrions peut-être nous pencher sur cette question.

    Selon moi, la stratégie technologique de notre gouvernement n'envisage pas encore l'énergie et l'environnement ensemble de façon cohérente; pourtant, il s'agit de domaines que le Canada doit examiner pour prendre la voie de la durabilité. Bien sûr, une telle stratégie scientifique et technologique axée sur l'énergie et l'environnement devrait s'inscrire dans le contexte nord-américain. La réalité, c'est qu'une économie comme celle du Canada a tout avantage à se positionner rapidement sur les nouveaux marchés, et qu'elle a tout à perdre si nous tardons à nous tailler une place sur les nouveaux marchés écologiques mondiaux.

    Nous voyons d'énormes débouchés d'exportation pour les entreprises novatrices qui feront une incursion dans le marché naissant du carbone. Malgré la décision du gouvernement Bush de ne pas ratifier le Protocole de Kyoto, les États-Unis investissent néanmoins dans des technologies novatrices, comme la capture et le stockage du CO2, le charbon épuré et de nombreuses autres.

    De plus, les gouvernements d'États américains vont de l'avant avec leurs propres listes impressionnantes de mesures. Ces deux ordres de gouvernement veulent coopérer avec le gouvernement fédéral et avec d'autres organismes canadiens à l'égard de ces occasions et d'autres occasions liées aux technologies, à la recherche et au développement.

    Je crois que les Canadiens possèdent le savoir-faire et la détermination nécessaire pour s'attaquer aux problèmes du changement climatique et, en même temps, jouer un rôle prépondérant sur les marchés naissants du carbone. Nous innoverons en matière de changement climatique, tout comme le font actuellement divers organismes, de la Californie au Japon, en passant par l'Allemagne. La question qui s'impose est la suivante : les Canadiens sont-ils prêts à investir la détermination californienne, l'efficience allemande, et l'innovation japonaise dans cette initiative? Je crois que nous le sommes.

    Une succession d'entreprises canadiennes prennent des mesures pour se doter d'un avantage concurrentiel et se démarquer au chapitre de l'innovation. Cette tendance est visible depuis un certain temps déjà. Qui plus est, de nombreuses entreprises se positionnent en prévision du marché du carbone à venir, et accélèrent la cadence de l'innovation afin de renverser l'émission de gaz à effet de serre au lieu de l'atténuer. Ces entreprises y voient l'occasion, grâce en grande partie à des systèmes efficaces d'échange des droits d'émission, d'accroître de façon marquée la rentabilité de leur investissement lié à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Avant de passer aux questions, laissez-moi réitérer ma demande: la contribution de votre comité à la définition de notre vision à long terme en matière de changement climatique pourrait enrichir grandement l'examen de cet enjeu au Canada et stimuler le débat public.

    Nous savons que le Canada de 2050 sera très différent du Canada d'aujourd'hui. Notre économie pourrait bien avoir triplé d'ici là. Cela signifie que, pour atteindre nos buts en matière de changement climatique, nos modes de production et de consommation de l'énergie devront être très différents des modèles actuels. Les programmes que nous élaborons pour la période de 2008 à 2012 pour tous les secteurs--industrie lourde, transport et bâtiment, par exemple--doivent évidemment être compatibles avec l'atteinte de notre cible de Kyoto pour 2008 à 2012, mais aussi, en même temps, nous mettre dans la bonne voie afin de réaliser notre objectif pour 2050.

    Nous voyons déjà des entreprises qui misent sur les forces du marché--

  +-(1240)  

+-

    Le président: Monsieur Anderson, je me demandais si vous pourriez conclure, car il ne nous restera plus de temps pour poser des questions.

+-

    M. David Anderson: Certainement, monsieur le président. Je suis fin prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Rajotte.

+-

    M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais seulement clarifier quelque chose dès le début : je suppose que nous poursuivrons jusqu'à 13 h 55, vu le commencement tardif de la réunion. N'est-ce pas?

+-

    Le président: Pouvons-nous avoir plus de temps?

+-

    M. James Rajotte: Nous avons commencé à 12h25, et on nous a promis une heure et demie. Alors je crois que c'est justifié.

+-

    Le président: Êtes-vous tous d'accord avec cela? D'accord.

    Monsieur Rajotte.

+-

    M. James Rajotte: Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur le ministre.

    La décision de notre comité d'étudier l'exécution du Protocole de Kyoto est vraiment née d'une préoccupation, je crois, pour être juste, partagée par les membres de toutes allégeances, concernant l'absence d'un plan d'exécution détaillé présenté par le gouvernement. De fait, certaines des critiques concernant l'absence d'un plan d'exécution proviennent même de gens comme l'ancien ministre des Finances, lequel a déclaré ce qui suit à l'occasion du dernier débat de la course au leadership: «Nous n'avions pas de plan convenable à l'époque, et nous n'avons pas de plan convenable maintenant.» C'est une critique et une accusation assez graves de la part d'un ancien collègue du Cabinet.

    Pour commencer, je m'attarderai à certains détails. Dans le budget de 2003, on a annoncé la création d'un fonds de 1,7 milliards de dollars pour la prise de mesures relatives au changement climatique. Pourriez-vous nous fournir aujourd'hui une ventilation de l'affectation de ces 1,7 milliards de dollars, des mesures spécifiques qui seront financées, afin que les parlementaires et les contribuables puissent déterminer si ces fonds sont dépensés de façon valable?

+-

    M. David Anderson: Oui, je peux certainement effectuer une ventilation, mais, comme vous le savez, le processus normal au sein du gouvernement prévoit qu'on procède uniquement à l'établissement des priorités en matière de dépenses après avoir reçu la répartition théorique. C'est précisément ce que fait le comité spécial du Cabinet sur le changement climatique.

    Le rapport, ou du moins l'information sur les délibérations au sein du comité, sera rendu public bientôt. Pour l'instant, je ne peux présenter une ventilation des montants, car les décisions finales n'ont pas été prises dans tous les domaines. Je peux vous parler du financement global fourni auparavant, dans les budgets de 2000 et de 2001, et ensuite présenter une certaine répartition des sommes prévues dans le budget de 2003.

    Par exemple, il y a le Fonds d'appui technologique au développement durable de 250 millions de dollars, qui s'ajoute aux 100 millions attribués dans le budget précédent, ce que je vous ai déjà mentionné. La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère a touché une autre tranche de 50 millions de dollars. Cela laisse, bien sûr, les 1,7 milliards de dollars du budget. Je m'attendrais à ce qu'on effectue des annonces sur le sujet au cours de l'été, lorsque le comité se réunira et arrêtera les détails. Je peux vous fournir la répartition auparavant.

    Le problème auquel nous sommes confrontés, et vous y avez fait allusion au début de votre question, c'est que nous nous embourbons, d'une certaine façon, dans des considérations sémantiques. Je crois que le document de planification relatif au changement climatique--si nous voulons utiliser le terme «document» plus neutre--comptait quelque 64 pages bien tassées. Certaines mesures, à l'analyse des débouchés budgétaires, compte tenu de l'argent que nous avons, devrons faire l'objet d'une révision. D'autres sont peut-être trop optimistes en ce qui concerne l'information sur les nouvelles technologies et autres choses de ce genre.

    Quant à la répartition entre le développement technologique à court terme et à long terme, c'est-à-dire des choses qui ne contribueront pas à atténuer les changements climatiques dans un proche avenir, comme la séquestration ou le charbon épuré, il faut mettre beaucoup de temps pour bâtir de nouvelles centrales au charbon, dotées de nouvelles technologies. Ainsi, les 1,7 milliards de dollars seront répartis parmi les initiatives à long terme et à court terme.

+-

    M. James Rajotte: Nous possédons déjà toute cette information. J'espérais obtenir plus de détails. Je devrais peut-être poser des questions plus spécifiques.

    Vous parliez de séquestration du carbone. Dans un document diffusé plus tôt par votre ministère, vous parliez d'un pipeline pour le transport du CO2. Attribuera-t-on du financement pour un pipeline de CO2, et dans l'affirmative, combien? A-t-on pris une décision là-dessus?

  +-(1245)  

+-

    M. David Anderson: Le problème, c'est que, comme vous le savez, nous sommes un gouvernement qui favorise la libre-entreprise--nous sommes fortement en faveur de la libre-entreprise. Dans le secteur énergétique, je ne crois pas que nous devrions trop orienter l'initiative. Par conséquent, si une entreprise--et il y a de nombreuses bonnes entreprises de pipeline au Canada, capables non seulement de bâtir des pipelines, mais aussi d'assurer le transport du CO2, du gaz naturel ou de nombreux autres produits--met de l'avant une bonne proposition, nous l'analyserons et prendrons les mesures qui s'imposent.

    Alors, une part importante de cet argent sera utilisé pour mettre les gens au défi. Si, d'emblée, nous créons trop de silos, en répartissant cet argent dans certains secteurs, nous ne disposerons pas de la souplesse dont nous avons besoin. De plus, nous n'aurons pas toute la souplesse voulue pour réagir aux provinces et aux territoires. Une part importante de cet argent sera utilisé pour mettre les gens au défi, et c'est important, car cela permet de maximiser la puissance créatrice du secteur privé ainsi que la souplesse des provinces.

+-

    M. James Rajotte: J'essaie seulement d'obtenir des renseignements plus spécifiques.

    Le 4 décembre, nous avons entendu le point de vue du Pembina Institute. Nous avons entendu Mark Jaccard. Je sais que vous le connaissez à titre d'économiste. Ils ont dit que vous alliez devoir offrir des incitatifs. Si vous voulez réduire les émissions de CO2, vous devrez, d'une façon ou d'une autre, encourager les gens. Mark Jaccard estime que vous devrez encourager les consommateurs à faire un choix entre le transport public et l'automobile.

    Offrira-t-on des crédits d'impôt aux automobilistes qui conduisent des véhicules à faible consommation d'essence? Créera-t-on des crédits d'impôt pour la modernisation de maisons? Dans l'affirmative, viseront-ils uniquement l'achat de nouvelles maisons ou de nouvelles automobiles? S'appliqueront-ils aux vieilles automobiles et aux maisons déjà modernisées?

    Ce sont des détails comme ça que le comité cherche à obtenir de vous comme ministre.

+-

    M. David Anderson: Bien sûr. Je serais certainement heureux de vous fournir ces renseignements, si je les avais tous.

    Par exemple, prenons le genre d'incitatifs financiers que vous avez mentionnés. Si on analysait une proposition visant à verser un rabais de 4 000 dollars aux acheteurs d'un véhicule hybride dont le rendement énergétique est supérieur à celui d'un véhicule de la même taille, et que cela n'augmentait pas de façon considérable le nombre de personnes qui s'en procuraient, il s'agirait donc d'un incitatif inefficace. Par contre, vous avez mentionné le transport public. Si on offrait un crédit d'impôt sur les cartes d'autobus, et que cela n'augmentait pas le nombre de personnes qui utilisent le transport public, il s'agirait d'un incitatif inefficace. On dépenserait de l'argent d'une façon qui n'influe pas sur le changement climatique. L'impact serait peut-être très bon en ce qui concerne le fait de récompenser les gens qui adoptent un comportement socialement acceptable, mais cela n'occasionne pas une réduction des émissions.

    Voilà l'enjeu. Nous devrons analyser chacune des propositions mises de l'avant par le milieu des transports publics, par l'industrie automobile, etc. Nous ne sommes pas en position de dire à l'industrie quoi faire. Nous ne sommes pas dotés d'une économie dirigiste.

+-

    Le président: Je dois poursuivre, mais je souhaite ajouter une question à celles de M. Rajotte.

    Il vous a interrogé au sujet d'un certain nombre d'aspects, afin de découvrir à quel moment ils nous seront divulgués. Vous nous avez en quelque sorte expliqué que cela pourrait être négatif, que cela pourrait être négatif ou que cela pourrait être négatif, si on ne prévoyait pas certaines choses. Quand le gouvernement fixera-t-il une date pour la divulgation de ces détails?

+-

    M. David Anderson: Nous nous attendions, après le dépôt du budget, à consacrer les prochains mois--c'est-à-dire maintenant, et cette période tire à sa fin-- à l'examen en profondeur des questions complexes liées à l'établissement des coûts; ensuite, nous pourrons donner aux experts du domaine dans le secteur privé l'occasion de formuler des propositions.

    Cette initiative se poursuivra. Elle ne se terminera jamais. Nous effectuerons toujours des mises au point, mais je m'attendrais à ce que le comité du Cabinet présente un rapport cet été.

+-

    Le président: Je dois poursuive, mais nous reviendrons à M. Rajotte.

    Monsieur Bagnell.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Il y a quelques semaines, j'ai visité une maison au Yukon, peut-être la seule à être dotée d'un échangeur thermique air-air. Elle évitait d'émettre des quantités considérables à effet de serre dans la région. Offrira-t-on des incitatifs aux gens qui se dotent de telles installations? Nous avons aussi un autre organisme qui envisage la possibilité d'installer un échangeur thermique qui s'alimente en eau à partir d'un aquifère souterrain. Ils cherchent tous à obtenir des incitatifs.

+-

    M. David Anderson: Oui. J'ose espérer que de tels incitatifs seront offerts, mais, encore une fois, c'est une réponse qui ressemble beaucoup à ma réponse précédente. Quels sont les moyens les plus efficients de faire cela?

    Je sais, toutefois, que le député de la LaSalle-Émard--je crois que lorsque je m'adresse à votre comité, je peux dire Paul Martin--est doté d'un des systèmes des plus efficients et des plus intrigants que j'aie jamais vu; il a, dans son sous-sol, un échangeur thermique pour l'eau souterraine.

    Nous voulons réellement atteindre une plus grande efficience. Nous nous rappelons vivement les années 70, où un nombre important de régimes incitatifs qui avaient été mis en place n'avaient pas amélioré la situation globale de façon appréciable. Nous voulons nous assurer que cet argent sera dépensé intelligemment. Pour ce faire, il faut s'assurer que les mesures seront rentables.

    Clairement, les points de vue sont nombreux. Clairement, vous savez que j'ai déclaré officiellement que nous devons nous assurer de ne pas céder aux lubies de certaines personnes lorsque nous commençons à dépenser les fonds publics affectés spécifiquement au changement climatique. J'ai peut-être des idées que mes collègues rejetteront. De même, d'autres peuvent avoir des idées qui, encore, seront rejetées par les collègues. Nous tentons de découvrir quelle approche semble la plus rentable.

  +-(1250)  

+-

    M. Larry Bagnell: Dans le dernier budget, on a affecté de l'argent expressément à la prise de mesures pour contrer le changement climatique. On mentionne notamment la tenue de recherches dans le Nord, où bien sûr, les effets du changement climatique sont plus graves. Avez-vous une idée de la répartition de cet argent, ou de l'endroit où l'on compte mener ces recherches dans le Nord?

+-

    M. David Anderson: La plupart des recherches concerneraient les bâtiments et les secteurs du transport. La recherche sur les bâtiments relèverait de la SCHL et de chercheurs universitaires. Les secteurs du transport relèveront probablement de Transports Canada et de sociétés privées. Encore une fois, les gouvernements des Territoires assureront aussi une participation.

+-

    M. Larry Bagnell: Avant de ratifier le Protocole de Kyoto, certains laissaient entendre que la ratification aurait des répercussions néfastes. Est-ce que ces craintes se sont réalisées?

+-

    M. David Anderson: Je n'ai pu cerner aucune répercussion négative. Les estimations actuelles à l'égard des coûts--et ne perdons pas de vue que la majeure partie du débat s'attachait à l'industrie pétrolière et gazière--montrent que c'est mineur et qu'il n'y a eu aucune incidence observable au moment de l'investissement.

    Certes, l'incertitude concernant Kyoto figure parfois parmi un certain nombre de raisons pour les retards dans l'investissement. Certes, dans le domaine de l'exploitation de sables bitumineux, on a dû composer avec un certain nombre de retards découlant essentiellement de dépassements de coûts que des gens du domaine attribuent maintenant davantage à des changements dans la structure des coûts qu'à un simple accroc qui s'estompera au cours des années à venir. Nous disposons d'informations qui montrent clairement que le dépassement de coûts dans les champs de pétrole devient maintenant la norme dans l'industrie. Par conséquent, certaines nouvelles propositions sont considérées comme antiéconomiques. On s'y était toujours attendu. On ne s'était jamais attendu à un autre résultat.

+-

    M. Larry Bagnell: Y a-t-il eu réduction des émissions de gaz à effet de serre depuis que nous avons ratifié le Protocole de Kyoto?

+-

    M. David Anderson: Pour notre dernière année mesurée, la réduction était de, je crois, 1,3 p. 100. Cela tient en partie aux mesures prises et en partie, peut-être, à un léger ralentissement de la croissance, même si la croissance au cours de cette période--et votre comité le saurait aussi bien que moi--était très considérable. Nous avons démontré, toutefois, avec les mesures s'inscrivant dans l'initiative «De l'ordre dans la grande maison fédérale», qu'il existe d'énormes occasions de réduire les émissions sans incidence réelle sur les services ou le niveau de vie.

+-

    M. Larry Bagnell: Est-ce qu'une partie de l'argent affecté au changement climatique sera destinée à l'adaptation au lieu de la prévention? Une partie du changement peut être naturel, et une part importante de ce changement échappe à notre contrôle, car certains pays n'ont même pas signé le Protocole. Le Canada dépense-t-il de l'argent afin que le pays puisse s'adapter à des changements qu'il ne peut contrôler?

+-

    M. David Anderson: Oui, il y aura un nombre considérable de mesures en ce sens, en particulier dans le Nord. C'est dans le Nord québécois qu'on trouve l'effort le plus concerté à cet égard.

    Comme vous le savez sûrement, à la lumière de votre expérience au Yukon, on constate un affaissement des routes, un glissement attribuable aux variations du contenu en givre pendant l'année. Les structures de bâtiments dotés de piliers reposant sur le pergélisol sont aussi aux prises, bien sûr, avec des problèmes d'affaissement. Des propositions de construction plutôt intéressantes ont été présentées.

    L'autre secteur est le transport. La période au cours de laquelle les routes praticables l'hiver peuvent être empruntées a raccourci, et dans certaines régions, de façon plutôt marquée. On envisage, encore une fois, l'adoption de nouvelles technologies visant à rendre ces routes plus efficaces pendant la période où il fait froid, et peut-être aussi à accélérer le début de la saison et à en ralentir la fin.

    Ce sont deux exemples d'investissements destinés à l'adaptation.

+-

    M. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Bigras.

  +-(1255)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Anderson, même si je ne suis pas membre permanent de ce comité.

    Monsieur Anderson, je vais revenir sur une future entente bilatérale avec le Québec. Le 25 février dernier, vous avez dit au Comité de l'environnement et du développement durable que vous n'aviez pas une centaine de fonctionnaires pour entreprendre des négociations, qu'on ne pouvait pas tout faire en même temps.

    Le 29 avril, le sous-ministre Brown, aux Ressources naturelles, est passé devant ce comité-ci et il a dit que dans la semaine qui précédait, soit après le 14 avril, le gouvernement fédéral avait appelé Québec pour dire qu'il était maintenant ouvert à la discussion.

    Pouvez-vous nous dire aujourd'hui si de véritables négociations ont été entreprises avec le gouvernement du Québec en vue d'obtenir un accord bilatéral, pas des discussions, on s'entend, mais une véritable négociation, et quelle approche allez-vous privilégier à partir de maintenant?

+-

    M. David Anderson: J'ai eu des entretiens très constructifs avec l'ancien ministre de l'Environnement de la province de Québec, M. André Boisclair. Il y avait une bonne entente entre nous deux et il y avait clairement un désir, de son côté et du mien, d'avoir un accord Canada-Québec sur la question des changements climatiques. J'ai parlé deux fois au nouveau ministre, M. Mulcair, mais je n'ai pas encore eu de rencontre. On a parlé d'autres choses, surtout des barrages dans le Nouveau-Québec. On n'a pas parlé directement d'un accord entre nous sur les changements climatiques. Peut-être quand il sera plus à l'aise dans ses nouvelles fonctions et qu'il aura un peu de temps, possiblement d'ici un ou deux mois, cet été, espérons-le, nous serons prêts à avoir des entretiens avec lui qui, je l'espère, seront fructueux. Je veux avoir, comme je viens de l'indiquer à notre collègue de l'Alliance, de l'argent fédéral dans le cadre du 1,7 milliard de dollars qui est là pour les provinces et les territoires. Alors, si le Québec a une bonne idée à proposer, une façon plus efficace par exemple, de réduire les gaz à effet de serre, on est là pour l'appuyer financièrement et soutenir un programme provincial.

+-

    M. Bernard Bigras: Donc, ce que je peux conclure de vos propos, c'est que les négociations ne sont pas encore commencées après tous ces mois. Malgré un changement de gouvernement à Québec, il n'y a pas de négociations officielles qui ont débuté.

    J'ai une autre question Un des principes et une des approches qu'on souhaiterait voir mis sur la table par le gouvernement fédéral lors de ces prochaines négociations... D'ailleurs, c'est aussi le souhait des industries qui ont fait des efforts par le passé.

    Vous êtes passé, dans les derniers mois, d'un mécanisme automatique d'attribution de crédits à des pactes négociés. Ces pactes négociés devraient en principe permettre une plus grande flexibilité. Donc, il y a un certain nombre de principes, bien sûr, des principes environnementaux et économiques de minimisation des coûts, auxquels je souscris, mais il y a un troisième principe, qui est un principe d'équité.

    Je vais vous donner l'exemple de l'industrie forestière canadienne, dont j'ai rencontré les représentants il y a à peu près deux ou trois semaines à mon bureau--et je me fais leur messager, s'ils ne vous l'ont pas déjà dit--, qui se sont dit inquiets de la façon dont les négociations se font avec l'industrie. Ce qu'ils veulent, c'est de voir inscrit le principe d'équité, d'être capables de dire qu'on peut pénaliser l'attentisme, qu'on peut récompenser l'effort proactif.

    Est-ce que lors des prochaines négociations avec l'industrie, vous allez tenir compte de la croissance historique de 1990 à 2000 des émissions absolues et relatives?

+-

    M. David Anderson: Merci, monsieur Bigras. Premièrement, les fonctionnaires continuent à parler d'un accord. Rien n'est arrêté, mais par courtoisie, j'attends que le nouveau ministre de l'Environnement du Québec ait le temps de s'installer dans son nouveau poste. Dès qu'il sera disposé à entreprendre des discussions au niveau ministériel, je serai prêt à le faire. Personne n'est en retard: ni lui ni nous. C'est simplement une question d'attendre le moment propice pour commencer.

    Quant aux changements, non. J'ai toujours eu l'idée d'avoir des fonds pour les défis, si vous voulez. Les provinces peuvent venir et dire qu'elles ont un moyen de réduire les gaz à effet de serre qu'elles peuvent utiliser. N'oubliez pas que pas mal de possibilités de réduire les gaz à effet de serre sont sous la juridiction des provinces. Nous sommes toujours conscients qu'il faut avoir un programme coopératif; cela a toujours été notre idée. Mes collègues vont décider combien de millions de dollars exactement--ou, j'espère, de centaines de millions de dollars--seront dans le fonds pour les provinces et les territoires.

·  +-(1300)  

+-

    M. Bernard Bigras: Je m'excuse, mais vous ne répondez pas à ma question. Ma question est la suivante: lors des négociations, est-ce que vous allez prendre en considération la croissance historique de 1990 à 2000 des industries en termes d'émissions absolues et relatives? C'est là, au fond, la concrétisation du principe de l'équité et de la pénalisation de l'attentisme et de la récompense de l'effort passé.

+-

    M. David Anderson: Je m'excuse, j'ai répondu au préambule de la question au lieu de répondre à la question elle-même. Voilà le problème lorsqu'on fait des préambules.

    En ce qui concerne le secteur forestier et des pâtes et papiers, on leur a garanti qu'ils n'auront aucun désavantage, à cause du fait qu'ils ont pris des mesures pour réduire les gaz à effet de serre. Je me suis rendu, il y a cinq jours, dans une usine de pâtes et papiers à Masson-Angers, au Québec, où nous avons célébré les succès de l'industrie des pâtes et papiers qui a réussi à réduire non seulement le BOD, Biological Oxygen Demand, de 98 p. 100, mais aussi à réduire de 70 p. 100 les matières en suspension dans l'eau et de 99 p. 100 la présence de furane et de dioxines. J'ai appris au même moment que l'industrie avait réussi à réduire de 35 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre tout en augmentant la production de 21 p. 100. Voilà une industrie qui fait des changements remarquables et qui montre tout ce qui peut être fait.

    Je vais célébrer les succès de cette industrie non seulement à Masson-Angers mais aussi à Ottawa. S'il y a la possibilité d'aller plus loin dans telle et telle industries, il faut saisir l'occasion de le faire. Si une autre industrie n'a aucune possibilité de faire des avancées, de réduire les gaz à effet de serre, si les coûts sont trop élevés, on ne peut pas avoir le même accord pour chacune des industries. Il faut être un peu souple pour maximiser les possibilités et minimiser les coûts.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous passons à autre chose.

    Monsieur Saint-Denis.

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.

    J'ai quelques questions, et je commencerai par poursuivre le sujet abordé par M. Bagnell.

    Au moment où l'on s'apprêtait à ratifier le Protocole, les opposants étaient très nombreux. De fait, certains ont fait volte-face. Certains gros noms de l'industrie pétrolière ont fait volte-face, ont affirmé--sans nécessairement dire le contraire--que les répercussions de Kyoto sur leur industrie ne seraient pas si importantes. Il s'agira de quelques cents par baril, alors que le montant par baril est en dollars. Je me fonde sur ce que j'ai lu dans le journal.

    Êtes-vous au courant des commentaires de certains de ces chefs de file? Je crois que l'un d'eux investissait dans les sables bitumineux. Il s'agissait peut-être de British Petroleum, je ne m'en souviens pas. Êtes-vous au courant des commentaires de certains opposants qui auraient modifié ou modéré leurs propos?

    Je pourrais poser une autre question, mais je me demande si on vous les a déjà posées.

+-

    M. David Anderson: Encore une fois, j'hésite à mentionner les gens qui ont vu clair et ont adopté une meilleure façon de voir ces choses, car je ne crois pas vraiment que cela contribue à un débat constructif. J'essaie de ne pas faire cela trop souvent.

    Je dirai, par contre, que toutes les grandes pétrolières étaient là, sauf Exxon--si je peux me permettre d'en signaler une, laissez-moi mentionner la plus grosse. Mais BP, Shell et Total Fina Elf, les trois autres grandes multinationales pétrolières, étaient là, et j'ajouterais que toutes ces sociétés sont actives au Canada. Total Fina Elf n'est arrivée au Canada que tout récemment, dans le cadre d'un projet d'investissement d'un milliard de dollars dans les sables bitumineux. Les autres sociétés qui sont à proprement parler canadiennes--Suncor, Syncrude--font de l'excellent travail et assument certainement leurs responsabilités. Alors, je crois que c'est un côté très positif de la chose.

    Oui, certaines entreprises s'étaient montrées quelque peu négatives au début. Quant elles ont découvert que les analyses économiques n'appuyaient pas leur point de vue négatif, elles ont changé leur position. L'industrie pétrolière et gazière a mené des discussions très constructives avec le ministère des Ressources naturelles, le ministère de M. Dhaliwal, afin de déterminer comment elle pourrait contribuer au programme destiné aux gros émetteurs industriels.

    Alors, je suis plutôt encouragé par cela. Je crois que cela illustre bien ce que le dirigeant de Shell Oil International m'a dit : Si on oriente l'ingéniosité et le sens de l'initiative du secteur privé vers un problème, on trouvera des solutions. Mais si vous faites porter leur attention sur l'opportunité de ratifier le Protocole, ils trouveront d'innombrables raisons--parce qu'il s'agit de personnes ingénieuses et intelligentes--de trouver des commentaires négatifs.

    Maintenant, nous mettons l'accent sur une approche beaucoup plus positive. Maintenant, les gens découvrent que la situation n'était pas si mauvaise après tout. Maintenant, les gens découvrent que si Shell et BP peuvent connaître des augmentations importantes, tant au Canada qu'à l'échelle internationale, de la valeur de leurs actions et de la cadence d'exploitation de leurs entreprises tout en atteignant des cibles qui sont supérieures à celles qui sont établies pour l'ensemble du Canada, les gens admettent que ce n'est pas si mal, après tout.

    On ne saurait dire qu'il n'y aura pas d'anomalies, qu'il n'y aura pas de situations où il faut fournir de l'aide, d'une façon ou d'une autre. Mais, fondamentalement, les gens ont découvert que, lorsqu'on s'est mis à analyser les moyens grâce auxquels ils pourraient réduire les coûts, certains des chiffres initiaux ont baissé de façon importante.

·  +-(1305)  

+-

    M. Brent St. Denis: Merci.

    Puisque le secteur pétrolier et gazier du Canada est un chef de file en matière de technologie, il semblerait qu'il soit le mieux placé pour mettre ses connaissances à contribution lorsque vient le temps de concevoir des technologies pour contrer le changement climatique.

    Je reviens à une question liée aux consommateurs. Des publicités ont été diffusées à la télévision, je crois, et j'ai vu quelques annonces moi-même. Au bout du compte, l'engagement des consommateurs est nécessaire au succès de cet effort.

    Y a-t-il des conflits de compétence entre le gouvernement fédéral et les provinces? Au bout du compte, si un programme vise à inciter le consommateur à prendre des mesures à l'égard de sa maison ou de son véhicule, existe-t-il des obstacles qui empêcheraient la province ou le gouvernement fédéral d'agir directement auprès du consommateur? Je crois que le public ne saisira pas toute l'importance de cela avant qu'on lui montre un chèque ou un élément de sa facture qui concerne les gaz à effet de serre. Les gens vont en prendre conscience tôt ou tard. Quel serait le rôle du gouvernement fédéral dans tout cela?

+-

    M. David Anderson: C'est très bien dit.

    Globalement, le secteur de l'environnement représente, je crois, une responsabilité qui est peut-être à 60 p. 100 provinciale et à 40 p. 100 fédérale. La ligne de partage varie suivant l'aspect de l'environnement dont il s'agit. De même, dans le domaine dont il est question ici--et c'est pourquoi j'ai tant insisté sur l'importance de la coopération avec les provinces et les territoires--, nous croyons pouvoir mieux faire dans la mesure où nous ne nous disputons pas sur la ligne de démarcation, si nous avons simplement des programmes mixtes, ou, tout au moins, des programmes particuliers conçus en fonction du consommateur, que ce soit un seul ordre de gouvernement qui entre en jeu ou les deux.

    Je crois donc que nous pouvons gérer la relation avec le consommateur avec une assez bonne efficacité, simplement parce que je m'attends à une coopération entière. Si ce n'est pas le cas--et c'est hypothétique--je crois tout de même qu'il y aurait des occasions majeures à saisir et la possibilité de soutenir directement le consommateur. Après tout, nous avons un régime fiscal auquel il est possible de recourir. En outre, nous avons la capacité de communiquer directement. Il y a peut-être certains domaines qui font entrer en jeu les administrations municipales ou provinciales et qui comportent certaines limites, mais il n'y en a pas un qui me vient à l'esprit tout de suite, et j'hésiterais à dire que ce serait une limite importante. Nous n'y voyons pas une limite importante.

    La raison de cela, c'est très clair--et c'est un bon message, un message important pour les politiciens. L'opinion publique favorable à l'adoption de mesures en rapport avec le changement climatique est très forte. Les politiciens provinciaux le savent tout autant que les politiciens fédéraux. Par ailleurs, il n'y a guère de membres du public qui, las de la situation, ne prient pas pour qu'il y ait une meilleure coopération fédérale-provinciale. Après tout, c'est lui, le contribuable, qui finance la bataille. À mon avis, ces deux facteurs vont déboucher sur une solide coopération fédérale-provinciale.

·  +-(1310)  

+-

    M. Brent St. Denis: Est-ce que j'ai encore un peu de temps, monsieur le président?

+-

    Le président: Vous n'avez plus de temps. J'apprécie cela--passons au suivant.

    Monsieur Mills.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci. Et merci à vous, monsieur Anderson, de venir témoigner.

    J'ai en quelque sorte une question à poser qui comporte trois volets, si vous le permettez. Vous parlez des aspects positifs de Kyoto. J'imagine qu'une des grandes questions réside dans le fait que le protocole n'a pas encore été ratifié et qu'il n'est pas encore entré en vigueur dans le monde, parce que, bien entendu, il n'y a que 43 p. 100 des émissions qui y sont représentées. De même, pour répondre à la question de M. St. Denis, les 15 $ proposés à l'industrie représentent probablement un élément important de l'argumentaire avancé pour la convaincre de ne peut-être pas s'opposer tant au protocole.

    Tout de même, permettez-moi d'utiliser la question en rapport avec trois aspects différents. D'abord, les provinces.

    Il y a huit provinces qui posent un très grand nombre de questions, qui n'appuient pas forcément tout le processus entourant le protocole de Kyoto, mais qui disent qu'il y a les 240 mégatonnes, objectif que nous devons atteindre d'ici 2008-2012, qui, maintenant, se situent en fait autour de 160 ou de 180 mégatonnes, puisque le gouvernement fédéral va revendiquer des crédits de 60 à 80 mégatonnes pour une énergie propre.

    Bon, j'ai assisté à des réunions provinciales où les ministres provinciaux, devant une foule de l'industrie, ont dit carrément que ce serait le cas, même si l'Union européenne et Kyoto n'accepteront pas les crédits en question. Le message des provinces semble être que vous avez maintenant réduit à 180 mégatonnes environ l'objectif visé, ce qui fait que les provinces posent des questions.

    Il y a une industrie qui dit : d'accord, vous fixez un maximum de 15 $. Si le prix du carbone atteint 35 $, qu'importe? Le gouvernement va assumer les frais en question. Bien entendu, c'est le contribuable qui va le faire.

    Puis, il y a des industries comme celle du ciment et du béton, les producteurs de pétrole et de gaz, qui disent que si les autorités imposent le protocole de Kyoto dans un si court délai, elles ne seront plus concurrentielles; elles ne seront plus concurrentielles sur le marché. Encore une fois, comment allez-vous régler cette question, et comment l'industrie en tant que telle prévoit-elle s'en tirer?

    Troisièmement, il y a des collègues du Cabinet qui... je me demande quel est votre degré d'influence, quand je passe devant l'édifice du Centre en route vers le Parlement, pour la période de questions, et que je vois qu'il n'y a pas un très grand nombre de véhicules écologiquement sains. Bien entendu, je sais que vous avez envoyé une lettre à ces gens pour leur demander de collaborer.

    De même, vous devez convaincre les Canadiens eux-mêmes. Bien entendu, la carotte m'apparaît représenter la meilleure façon de procéder; néanmoins, si vous fixez ce maximum de 15 $ et que le prix atteint 35 $, il y a 20 $ que le contribuable doit payer. C'est là une taxe sur les hydrocarbures, qu'on l'appelle taxe ou non. Cela ira à l'encontre de l'effort que vous déployez pour convaincre les Canadiens de collaborer.

    Je sais que c'est beaucoup; tout cela, mais il y a vraiment quatre aspects dont il faut tenir compte--les provinces, l'industrie, vos collègues et les Canadiens.

+-

    M. David Anderson: Merci, monsieur Mills.

    D'abord, pour ce qui est des crédits pour une énergie propre ou crédits d'exportation d'énergie, c'est une question qui est encore à l'ordre du jour de la conférence des parties. C'est une possibilité qui n'a pas été écartée; elle est encore là. La prochaine question consistera à dire: ça s'applique ou ça ne s'applique pas.

    L'hypothèse, si nous n'obtenons pas cela--je crois que c'est à l'origine de votre question--faudra-t-il alors réduire l'objectif de 240 mégatonnes? La réponse est: non. Nous croyons que nous pouvons toujours atteindre l'objectif de 240 mégatonnes. Néanmoins, nous croyons encore que, logiquement, les exportations pour une énergie propre sont quelque chose que l'Union européenne et les autres pays--

+-

    M. Bob Mills: Mais alors il faut donner cela à la Russie.

+-

    M. David Anderson: Il se peut très bien que cela se fasse. Tous y ont droit. Cela ne veut pas dire que les Russes ne devraient pas bénéficier des crédits en question.

·  +-(1315)  

+-

    M. Bob Mills: Ils ne vont pas faire cela.

+-

    M. David Anderson: Ce que cela veut dire, c'est que les gens qui exportent du gaz naturel de l'Alberta vers les États-Unis vont obtenir soit un prix plus élevé, soit un crédit, qu'ils peuvent alors vendre. C'est la chose importante, particulièrement du fait que les États-Unis parlent de l'importance de la sécurité de l'énergie. Si nous avons donc des exportations en rapport avec notre énergie propre, nous allons--ou nous pourrions--rehausser la valeur du gaz naturel canadien. Je n'irai pas jusqu'à l'affirmer avec certitude, mais, cela est sûr, il s'agit d'une possibilité majeure.

    Pour ce qui est du deuxième aspect, pour ce qui est du maximum de 15 $ la tonne, il est intéressant de savoir que, selon vous, cela pourrait atteindre 35 $ la tonne. À l'heure actuelle, cela se transige à 10 $US environ, c'est donc un peu moins que 15 $ canadiens la tonne--un peu moins--, mais cela dépend du marché. Il y a aussi la Banque mondiale, où cela se transige à quelque 5 $ US ou 7 $US la tonne.

    Il y a donc cette possibilité. Nous pourrions être pris avec la différence de coût entre les 15 $ la tonne et ce qui se transige en sus sur le marché, si nous devons acheter ces crédits. Cela est vrai, mais ce n'est pas une taxe sur les hydrocarbures, car c'est une somme que débourse le gouvernement fédéral. Il ne s'agit pas d'un cas où le consommateur utiliserait moins de pétrole de l'Alberta parce que nous avons majoré le coût qu'il assume en appliquant une taxe sur les hydrocarbures. C'est presque l'inverse. C'est une somme que verse le gouvernement, plutôt qu'une somme que le contribuable verse dans un compte pour le pétrole.

    Quant à mes collègues au Cabinet, je suis heureux de signaler qu'il y en a maintenant trois qui utilisent le véhicule hybride Prius. Elinor Caplan nous a récemment imité, moi et Stephen Owen, et j'entrevois qu'il y aura d'autres conversions. Je pourrais ajouter que d'autres ministres utilisent des véhicules à bon rendement énergétique dont le carburant est le gaz naturel, l'éthanol E85 ou autre chose. La situation n'est donc pas aussi sombre que celle que vous avez décrite, mais je suis tout à fait d'accord avec vous: il y a place à amélioration.

    Puis-je ajouter une chose? Je tiens certainement à remercier M. Reynolds, de votre parti, d'avoir sondé le terrain au moment où il était leader par intérim. En fin de compte, il n'a pas vraiment obtenu un autre véhicule, mais il a tout au moins sondé le terrain pour voir s'il pouvait obtenir un véhicule à bon rendement énergétique. Je crois donc que le message commence à passer, même s'il y a encore un certain travail missionnaire à faire.

+-

    M. Bob Mills: Comment faire passer le message aux Canadiens?

+-

    M. David Anderson: C'est une excellente question. Une des difficultés que pose le débat jusqu'à maintenant--car il s'est agi d'un problème mettant aux prises des gouvernements et des grandes industries comme celle du pétrole et du gaz naturel--, c'est que les gens ont tendance à croire: bien, moi qui ne suis qu'une personne sur 31 millions de Canadiens, je ne compte pas vraiment pour beaucoup dans cette grande affaire--c'est particulièrement vrai, bien entendu, d'autant plus que nous avons raison d'affirmer qu'il s'agit d'un des grands enjeux du siècle.

    Nous essayons de convaincre les Canadiens de relever le défi qui consiste à réduire les émissions de une tonne. Nous employons des autocollants, qui seront apposés sur tous les véhicules pour indiquer que nous préconisons l'efficacité énergétique, un peu comme on le fait en apposant le collant Energy Star sur les appareils électroménagers, que la plupart d'entre nous connaissent. Nous allons adresser aux Canadiens des messages et, nous l'espérons, les convaincre, comme une des questions l'a évoqué, sur les factures d'électricité et des trucs comme cela. Nous allons donc essayer une panoplie de messages, notamment la publicité directe.

    Le fait est que le consommateur canadien est invité à agir pour que les choses changent.

+-

    M. Bob Mills: Est-ce qu'il y a des carottes?

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Mills.

    Nous allons maintenant écouter M. Volpe.

+-

    M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre. Il est toujours agréable de s'entretenir avec quelqu'un qui croit vraiment tout ce qu'il dit au grand public. Visiblement, vous êtes très dévoué à cette cause, et je suppose que vous êtes militant dans votre travail, comme je le dis à mes commettants qui m'écrivent au sujet de questions environnementales. Ils ne pourraient espérer une situation meilleure : un missionnaire qui prêche les valeurs missionnaires; vous avez donc droit à mes éloges.

    Cela dit, je suis un peu tenté de jouer au sceptique, car, depuis le moment où nous avons accepté le protocole de Kyoto, nous avons transformé chacun des citoyens en sceptique. Évidemment, nous n'avons plus à nous soucier du réchauffement de la planète si, dans un pays comme le Canada, sept mois après l'adoption du protocole de Kyoto, la température est montée au-dessus du zéro, combien de fois? Deux fois? Je crois que, hier, ça a été la première fois.

    Ah, riez donc, je vous en prie. Quand aurons-nous du beau temps?

    Je me soucie d'une chose, monsieur le ministre, à laquelle mon collègue de l'autre côté a fait allusion, monsieur Mills--c'est l'application globale du protocole de Kyoto et la viabilité de son application si un pays comme la Russie décide de ne pas signer. Je crois que la dernière fois que vous avez témoigné devant le comité et que je vous ai posé une question au sujet de cette possibilité, vous avez dit que les Russes pouvaient encore attendre jusqu'au mois de juin avant de se décider. Avez-vous d'autres précisions là-dessus à nous donner, aujourd'hui?

+-

    M. David Anderson: Joe, j'aimerais pouvoir dire que les Russes ont signé. La réunion du G-8 à Evian donnera sans doute lieu à des rapports sur les approches russes. Je n'ai pas encore de compte rendu de ce que les Russes y ont dit--là où, bien entendu, le président Poutine était présent.

    Je ne crois pas qu'il y aura de changement. Le fait que cela prenne du temps ne change pas mon attente: je crois que les Russes vont signer. Je crois que c'est aussi probable que jamais. La ratification du protocole par la Russie comporterait pour celle-ci plusieurs avantages majeurs, et il existe des avantages particuliers pour la Russie, comme Bob l'a souligné, pour ce qui est de collaborer avec nous à des exportations en matière d'énergie propre. Je crois donc que les Russes pourraient très bien signer, mais, encore une fois, prédire ce que vont faire les Russes, étant donné mes connaissances très limitées de la Russie, ne dénote probablement pas une grande sagesse.

    Si la Russie ne signe pas le protocole, bien sûr, celui-ci n'entre pas en vigueur au sens légal comme document international. Cela dit, il faut simplement se remettre à l'ouvrage et retravailler les choses, car, malheureusement, le protocole n'est qu'un indicateur du problème fondamental auquel nous faisons face. L'évolution du climat est probablement l'enjeu le plus important auquel nous ferons face au XXIe siècle, et peut-être pour les deux siècles suivants.

·  +-(1320)  

+-

    M. Joseph Volpe: En oubliant les mérites de cette question particulière du point de vue de ceux qui croient que c'est bel et bien le cas et de ceux qui sont plus sceptiques, même si les Russes ratifient le protocole, la toute première partie du scénario nous fera voir des pays qui s'échangent des crédits sans que cela ne donne lieu, essentiellement, à une différence mesurable dans le pays qui achète des crédits.

+-

    M. David Anderson: Vous avez raison. Les Russes vont peut-être manquer d'énergie. Vous avez tout à fait raison, il y a là une occasion à saisir--mais il y a quelque chose qui est vendu dans le système qui, en fin de compte, ne sert pas à réduire les émissions.

    Cela dit, les Russes vont vite remettre les gaz, car l'économie russe connaît une expansion et est susceptible de continuer à connaître une expansion rapide. Si le projet russe a manqué de gaz, c'est que, lorsque l'économie soviétique s'est effondrée, il y a eu cette différence entre le niveau de l'économie à ce moment-là et le niveau de l'économie maintenant. Au fur et à mesure que l'expansion industrielle de la Russie se poursuit, nous allons constater que le niveau d'énergie remonte : les Russes eux-mêmes ne reviendront pas au niveau où ils étaient auparavant et, nous l'espérons, ils dépasseront les niveaux soviétiques avec une production industrielle qui se poursuit et un niveau de vie qui augmente.

    À mon avis, il s'agit donc d'un phénomène tout à fait temporaire. Est-ce cohérent du point de vue logique? D'aucuns pourraient faire valoir que cela n'aurait pas dû se trouver dans l'entente. Cela dit, il n'y aurait pas d'entente si cela n'avait pas été inclus. Le protocole de Kyoto comporte des aspects qui, je serai tout à fait honnête avec vous, ne me paraissent pas parfaits. Il existe de nombreuses choses pour lesquelles nous nous sommes battus ardemment et que nous n'avons pas obtenues, que le protocole aurait dû, à notre avis, comporter. Nous ne nous battions pas simplement pour l'avantage canadien; nous nous battions pour un système plus cohérent, plus élégant qui a plus de sens.

    Le niveau d'énergie russe, à mon avis, pose certes un problème en ce moment, mais, à moyen terme, il se réglera, puis il ne posera aucune difficulté pendant de nombreuses années.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Bigras.

·  +-(1325)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

    D'entrée de jeu, je voudrais affirmer ma surprise face à la déclaration que vous avez faite plus tôt. Vous avez dit qu'au cours des deux premières discussions sur les questions environnementales que vous avez tenues avec votre nouvel homologue québécois, M. Mulcair, la question de l'application du Protocole de Kyoto au Québec n'avait jamais été abordée.

    Je comprends que les barrages hydroélectriques, comme vous me l'avez indiqué, soient un important sujet de préoccupation, mais je dois vous avouer être plutôt préoccupé et inquiet. Je suis inquiet non seulement à l'égard du gouvernement fédéral, mais aussi--je le dis publiquement et en toute sincérité--du fait que le gouvernement du Québec n'ait pas mis sur la table cette question importante, alors que depuis 10 ans, cette revendication est d'une grande importance pour le Québec.

    En ce qui me concerne, je vais continuer à faire mon travail ici, mais j'aimerais savoir ce que pourrait impliquer un accord bilatéral avec le Québec, même si certains n'ont pas pris pas la peine d'en revendiquer un au cours des deux derniers mois. Est-ce que cela pourrait signifier--même si je comprends que vous favorisiez une approche sectorielle--que sur le territoire du Québec, on se fixerait un objectif de 6 p. 100 de réduction, tout en étant libre de l'atteindre comme on l'entend? Ainsi, si on voulait prendre des mesures en matière de transport--parce qu'au Québec, c'est en effet dans ce secteur qu'il faut agir--, concrètement, on pourrait le faire.

    Cela tiendrait compte des efforts passés, entre autres à l'époque de Robert Bourassa--et M. Marcil sait de quoi je parle--où des plans d'action sur les changements climatiques au Québec ont porté fruit. Nous souhaitons donc que le gouvernement fédéral vienne au Québec nous dire que nous pouvons atteindre notre objectif de 6 p. 100 de réduction comme nous l'entendons. Plutôt que de fixer des quotas sectoriels, serait-il possible d'en arriver à un tel accord, qui permettrait le genre de flexibilité qu'on a pu observer en Europe, au sein des 15 pays de l'Union européenne?

+-

    M. David Anderson: Monsieur Bigras, j'avais des relations assez étroites avec M. Boisclair et on a eu de très bonnes discussions au sujet de l'accord. Or, je ne pense pas que ce soit à moi, en tant que ministre fédéral, de m'ingérer dans le domaine provincial, alors que j'ai un homologue provincial. Je ne peux pas insister pour discuter de telle ou telle chose à tel ou tel moment.

    Nous sommes très conscients de la compétence des provinces, malgré que votre position soit un peu plus prononcée que la mienne à ce sujet. Il reste que suis prêt à discuter avec lui. On s'est parlé deux fois au téléphone et plusieurs autres sujets ont été abordés. Comme vous le savez, les liens sont très étroits entre le ministre de l'Environnement de la province de Québec et celui du Canada.

    Plusieurs sujets n'ont pas été mis sur la table. Lors de nos premières conversations, il n'était pas question de parler de tout, mais je peux vous dire qu'en effet, nous avons pris deux ou trois secondes pour parler de ceci, deux ou trois autres secondes pour parler de cela, ainsi que deux ou trois secondes pour parler d'autres choses.

+-

    M. Bernard Bigras: Mais rien n'a été dit sur l'application du Protocole de Kyoto au Québec ou sur un accord bilatéral.

+-

    M. David Anderson: Je ne pense pas que ce soit respectueux envers la province de Québec, le ministre Mulcair et d'autres ministres provinciaux, d'essayer, avant même de tenir ces discussions, de préciser l'objectif et la manière d'y arriver.

    Nous aurons l'occasion de discuter en tant que collègues, sur un pied d'égalité. D'ici là , je ne pense pas qu'il soit approprié de faire des commentaires sur les changements dans les secteurs industriel ou provincial. J'espère bien être en mesure de répondre à cette question, mais seulement après avoir discuté avec les ministres provinciaux.

+-

    M. Bernard Bigras: Pourtant, le sous-ministre des Ressources naturelles nous a dit, le 29 avril dernier au Comité de l'industrie, qu'il ne serait pas possible de fixer un objectif territorial tout en laissant les provinces atteindre l'objectif comme elles le souhaitent.

    Il y aura, bien sûr, des accords. Il pourrait aussi y avoir un accord bilatéral avec le Québec, mais il s'agirait alors de déterminer des cibles sectorielles. À moins que vous soyez en train de me dire le contraire de ce que le sous-ministre des Ressources naturelles nous a dit le 29 avril.

+-

    M. David Anderson: Non. Il est absolument inexact de dire que je déclare le contraire. J'ai dit ne pas vouloir parler du résultat possible de mes discussions avec M. Mulclair avant de m'être entretenu avec lui. Ce ne serait pas respectueux envers le ministre provincial de l'Environnement du Québec. Je suis prêt à l'écouter et il le sait bien. Je suis convaincu qu'il est tout à fait au courant des représentations faites par le sous-ministre des Ressources naturelles et qu'il connaît bien la position du gouvernement du Canada telle que je l'ai exprimée à son prédécesseur, M. Boisclair.

·  +-(1330)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci, monsieur le ministre

    Je figure certes parmi les personnes qui croient que le respect du protocole de Kyoto comporte de merveilleuses possibilités économiques pour les entreprises canadiennes et pour les citoyens canadiens. Je remarque que le sujet de notre étude est l'examen des conséquences économiques possibles de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Bien entendu, le fait de ne pas mettre en oeuvre le protocole de Kyoto comporte probablement aussi des conséquences économiques.

    Certaines des innovations dont nous avons été les témoins... je suis heureuse que vous ayez parlé des innovations environnementales qui n'ont pas suscité de grande catastrophe pour notre économie, qui, en fait, ont amélioré nos systèmes. Je pense à la réduction de la production de déchets, les possibilité de compostage, des choses auxquelles les gens se sont opposés catégoriquement au début, mais qui, aujourd'hui, sont devenues monnaie courante.

    Pour ce qui est du citoyen individuel, je me demande s'il a vraiment accès à des occasions dignes de ce nom. Vous avez parlé de quelques ministres qui ont opté pour une voiture à bon rendement énergétique, et nous avons vu que certains de ces produits ont gagné des adeptes. Cela aidera d'obtenir des informations nouvelles, pour que les gens puissent comparer les voitures, par exemple, et d'en faire un point de vente beaucoup plus important.

    Est-ce qu'il existe d'autres façons d'encourager les Canadiens à faire leur part, en sachant que ce n'est probablement pas l'élément le plus important du plan de mise en œuvre, mais que, certes, on pourrait obtenir qu'ils appuient certaines des mesures en question? Pouvez-vous décrire certaines des mesures en question? Je sais qu'il y a une campagne de publicité et d'autres trucs, mais que fait-on par ailleurs?

+-

    M. David Anderson: Premièrement, pour ce qui est de la quantité--les 240 mégatonnes--, nous croyons que le défi du citoyen ordinaire, la réduction d'une tonne, donnera un total d'un peu plus de 30 mégatonnes. C'est un morceau important de l'ensemble, sans toutefois en être le morceau le plus important.

    Essentiellement, nous cherchons à renseigner le grand public. En outre, nous allons essayer de faire un effort un peu plus grand dans les écoles et au niveau de l'éducation pour influer sur les attitudes des consommateurs. De fait, vers la fin de la semaine dernière, j'ai discuté avec les membres de mon comité-conseil de jeunes de la façon d'aborder les jeunes à l'école secondaire en vue de faire en sorte que l'idée d'obtenir son permis de conduire, pour les jeunes, devienne moins importante qu'elle l'est en ce moment; pour que les jeunes continuent d'utiliser le transport en commun même quand ils sont assez vieux pour conduire. Nous avons eu des discussions assez intéressantes à ce sujet.

    Il n'est pas si facile de s'attaquer directement à une certaine publicité qui est faite à l'intention du consommateur. Je ne sais pas de quelle somme d'argent nous disposons pour les cinq prochaines années--c'est peut-être 25 à 35 millions de dollars. Je ne sais pas à quoi cela va s'élever, car le comité n'a rien décidé encore, mais ce sera dans ces eaux-là.

    Cela ne donne pas beaucoup de publicité, si on pense qu'il s'agit de changer les attitudes. S'il s'agissait d'achats spontanés, ce serait autre chose, mais comme il s'agit de modifier les attitudes qui ont une incidence sur toutes les décisions, les experts de la publicité nous disent qu'il faut une campagne plus concentrée. C'est donc un aspect de la question qui me paraît important.

    Je crois qu'il sera également important de s'adresser aux jeunes. Ceux-ci ont une influence sur leurs parents. Ils remettent en question les habitudes de consommation de leurs parents. Ce sont eux qui vont peut-être dire des choses critiques à leurs parents. Je crois qu'ils ont de l'influence au delà de la seule idée que, un jour, ils vont grandir et commencer à dépenser.

    Bien entendu, nous allons avoir la coopération des industries. Je me suis rendu chez un grand fournisseur de Toronto--j'ajouterais qu'il y en a plusieurs; il y a Home Hardware parmi eux, mais il y en a plusieurs autres qui travaillent avec nous--afin de souligner que le fait de remplacer le vieux modèle de tondeuse par le nouveau peut avoir une grande influence sur la quantité d'émissions. Bien entendu, nous discutions d'abord et avant tout des précurseurs du smog, plutôt que du changement climatique, mais c'est le genre de mesures qui peut être adopté.

    En rapport avec ce que je vous disais, ce qui m'a vraiment frappé, c'est que parmi les gens qui travaillent directement dans des magasins comme Home Hardware ou Walmart, l'idée de renseigner le consommateur convenablement suscite énormément d'intérêt. Les gens aiment faire cela, et si, en quelque sorte, vous faites de ces gens les soldats au front, ceux qui mènent la campagne, ils commencent à dire: «C'est un modèle intéressant, mais celui-ci a quelque chose que vous n'avez peut-être pas vu. Il présente cet avantage particulier ou celui-là qui se rapporte au changement climatique, et je suis sûr que vous voudrez avoir cela à l'esprit au moment de penser à votre achat.»

    Nous allons appliquer une approche assez générale. Je dirais aussi que j'aimerais que les 301 députés y participent. Nous avons des circonscriptions qui se prêtent très bien au défi de réduction ou aux mesures locales conçues en fonction du changement climatique. Il y a de nombreux aspects dont il faut tenir compte. De fait, Bob et moi-même, nous avons déjà discuté d'une proposition très intéressante qu'il a mise de l'avant, encore une fois en rapport avec l'éducation des enfants. Les députés ont donc l'occasion d'aider aussi.

    Si je vous donne l'impression--je suis sûr de ne l'avoir pas fait--que nous avons trouvé la panacée, détrompez-vous. Nous n'avons pas trouvé la panacée. Nous travaillons en vue de trouver une façon meilleure de faire passer le message.

·  +-(1335)  

+-

    Mme Paddy Torsney: Est-ce que nous envisageons des programmes qui, d'une manière ou une autre, au moyen d'un incitatif financier ou--je ne sais pas quelle autre forme cela pourrait prendre--encourageraient les gens--par exemple en les incitant à acheter un nouveau réfrigérateur? Il suffirait peut-être de 25 $ ou 50 $ pour faire la différence, si quelqu'un envisage déjà de s'acheter un nouveau réfrigérateur: en sachant qu'il y a un facteur qui incite à acheter un modèle à bon rendement énergétique ou l'accroissement du nombre de vérifications énergétiques. Je connais nombre de gens, dans ma localité, qui, malheureusement, ont dû en arriver à la décision difficile qui consiste à acheter une nouvelle chaudière, mais qui se sont rendu compte, une fois qu'ils l'ont obtenue, qu'il y a des économies énormes à faire et que cela permettait d'avoir en même temps l'air climatisé; que l'investissement en valait la chandelle et qu'ils voyaient ce que ça rapportait.

    Est-ce que nous pouvons en faire plus pour communiquer cela aux gens: oui, cela vous coûtera peut-être 1 000 $ pour l'achat du frigo, mais vous payez déjà ce montant-ci et vous payez tous les mois? Voici vos coûts d'électricité; voici les chiffres, alors allez-y. Ce qu'il nous faut dire: «Voici 25 $ du gouvernement; allez donc vous acheter un nouveau frigo»?

+-

    M. David Anderson: Je crois qu'il faut combiner les deux. Personnellement, je crois qu'une fois que nous aurons en place nos formules incitatives, qu'il s'agisse de remises ou d'autres choses--nos collègues de l'autre côté ont posé une question plus tôt--, il sera beaucoup plus facile de faire valoir l'intérêt du défi de réduction d'une tonne. Je crois que les deux vont aller ensemble : vous économisez dans le cas de votre chaudière à gaz--vous économisez 450 à 500 $ par année--, mais, en plus, voici un chèque de 200 $. Voilà ce que je crois que nous pouvons faire pour convaincre la personne qui hésite.

    Ce n'est pas seulement les chaudières; il y a les fenêtres aussi. Ils voient là une grande occasion. Les gens finissent par remplacer les fenêtres des vieilles maisons au fil du temps, à un prix considérable. C'est une perspective assez coûteuse; nous sommes en train de le faire chez nous. Vous remplacez vos fenêtres; vous remplacez la chaudière; vous remplacez le chauffe-eau; vous remplacez la cuisinière. À condition d'avoir les bonnes informations à l'avenir, les gens vont probablement faire des choix mieux motivés.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Rajotte.

+-

    M. James Rajotte: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je souhaite aborder d'abord le processus décisionnel entourant la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Je crois que l'industrie aimerait savoir un peu quel ministre, au bout du compte, est vraiment responsable. Je dois avouer que c'est un peu nébuleux en ce moment. Il y a deux ministres qui sont d'abord et avant tout responsables de la question--vous-même, évidemment, et le ministre des Ressources naturelles--mais il y a aussi le ministre de l'Industrie et le ministre des Finances, secondairement. Bon, apparemment, il y a un comité ad hoc du Cabinet qui vous permet, à vous et au ministre des Ressources naturelles, de faire rapport au ministre de l'Agriculture.

    Pouvez-vous expliquer de quoi il s'agit? Pouvez-vous dire quel ministre, en dernière analyse, est le premier responsable du dossier du changement climatique? Plus particulièrement, qui prend les décisions en rapport avec les questions en jeu? Est-ce que cela se fait par consensus? Est-ce qu'il y a un ministre qui doit prendre la situation en main? Par exemple, comment en est-on arrivé à la décision de limiter le prix par tonne, pour les grands responsables des émissions, à 15 $?

    La deuxième question est la suivante : qui a décidé de dispenser l'industrie automobile, et pourquoi les autres industries ne sont-elles pas dispensées également? Et qui prend la décision en ce qui concerne l'attribution du fonds de 1,7 milliard de dollars?

+-

    M. David Anderson: Vous êtes en pleine conjecture, mais, en fait, je crois que vous êtes assez proche de la vérité. La responsabilité ministérielle directe me revient à moi tout comme au ministre des Ressources naturelles. Il n'est pas étonnant de savoir que, comme c'est le cas pour nombre d'autres tâches au gouvernement, nous sommes comptables à un comité gouvernemental, qui réunit tous les autres organismes touchés. L'Agriculture, par exemple, est touchée. De même l'Industrie. Vous avez souligné avec raison que les Finances sont touchées. Le ministère des Pêches et Océans est touché lui aussi tout comme d'autres ministères. Le portefeuille interprovincial est évidemment touché lui aussi--il l'est beaucoup--en raison de l'importance des provinces.

    C'est une démarche normale du côté du Cabinet, de réunir un groupe de telle sorte que tous les points de vue importants puissent être entendus. Bien entendu, nous avons droit aussi aux observations de ministres qui ne sont pas membres du comité en question, et je n'ai pas donné la liste exhaustive de ceux qui en font partie.

    La présidence du comité est confiée à un autre ministre--ce qui est tout à fait dans l'ordre des choses--, car, très souvent, nous sommes là pour présenter une proposition ou une suggestion. Encore une fois, c'est dans l'ordre des choses. Il pourrait s'agir de n'importe quel ministre. Le fait que ce soit, à un moment donné, le ministre de l'Agriculture, puis, à un autre, le ministre de la Défense nationale, ou tout autre, n'est pas vraiment important. Il faut en fait qu'il s'agisse d'un président compétent.

    Vous voulez savoir qui est responsable en dernière analyse. C'est le Premier Ministre. La question est tout simplement trop vaste, et les sommes d'argent en jeu trop grandes, et l'incidence sur notre économie et notre société est trop importante pour que le dossier soit l'affaire d'un seul ministre. Cela dit, évidemment, à titre de ministre de l'Environnement, je crois jouer un rôle important, aux côtés du ministre des Ressources naturelles.

    Pour ce qui est de la dispense accordée à l'industrie de l'automobile, si je ne m'abuse, elle a été accordée par un comité de notre groupe sur le changement climatique au niveau des hauts fonctionnaires, simplement parce que nous insistions sur l'amélioration du rendement au mille parcouru, si vous me permettez d'employer le vieux terme. Les gains possibles du côté de l'accroissement de l'efficience étaient tellement moins importants. General Motors, par exemple, a, je crois, augmenté de 54 p. 100 l'efficacité énergétique de la construction du véhicule. Autrement dit, pour fabriquer un véhicule, il fallait seulement 46 p. 100 de la quantité d'énergie employée il y a dix ou 15 ans. Il n'y avait pas vraiment grande place à amélioration, mais il y avait beaucoup de marge de manoeuvre du côté du kilométrage.

    C'est la décision d'un comité à l'égard de laquelle j'assume entièrement ma responsabilité parmi les ministres responsables.

·  +-(1340)  

+-

    M. James Rajotte: À propos de cette question, vous dites que c'est un comité--je présume que c'est un comité du Cabinet--qui a pris la décision de dispenser l'industrie de l'automobile. Vous avez parlé vous-même de la réduction de l'intensité des émissions dans l'industrie pétrolière et gazière. L'industrie de l'acier a affirmé avoir réduit aussi l'intensité de ses émissions, certainement depuis 1997.

    Alors dites-nous comment le terrain est partagé. Pourquoi dispensez-vous l'industrie de l'automobile, mais pas l'industrie de l'acier, pas l'industrie du ciment, pas l'industrie de la construction? Il doit y avoir une raison précise pour laquelle vous dispensez une industrie, mais pas les autres. À mon avis, il est tout à fait juste de demander au gouvernement d'exposer cela pour toutes les industries.

+-

    M. David Anderson: Eh bien, la réponse à la question, c'est que les grandes sources industrielles d'émissions sont, justement, de grandes sources industrielles d'émissions. En termes relatifs, il y a un petit nombre de secteurs et un petit nombre d'usines qui entrent en jeu. Je dirais qu'il y en a environ 450, au total, pour ce qui est du nombre d'usines. On a donc pris la décision en se fondant sur des motifs parfaitement logiques. Il n'était pas sensé de s'attaquer à un secteur où les possibilités d'économies d'énergie étaient si faibles, par comparaison aux autres secteurs auxquels nous nous attachions.

    Bien entendu, cela ne veut pas dire que tous les autres secteurs sont traités de la même façon. Il y aura des occasions divergentes et, bien entendu, comme M. Bigras l'a souligné, des industries comme l'industrie forestière ont déjà accompli des progrès considérables qu'il faut, d'une manière ou d'une autre, prendre en considération aussi.

    C'est donc une formule souple. Nous n'essayons pas d'astreindre toutes les parties à un dogme réducteur, ce qui, bien entendu, mettrait certaines industries en faillite.

+-

    M. James Rajotte: On a beau dire et beau faire, mais je crois que l'industrie souhaite aussi des règles plus claires et un encadrement meilleur pour ce qui est du genre d'objectif qu'elle doit atteindre sur le plan de la réduction des émissions.

    Question parallèle : comment allez-vous mesurer les émissions dans chacun des secteurs et dans chacune des industries? Pour le cas d'une industrie, je dirais que j'ai visité moi-même deux entreprises ici en Ontario; une d'entre elles affirmait avoir réduit ses émissions de 24 p. 100 depuis 1997. Je me suis rendu à a deuxième entreprise, j'ai dit cela, puis on m'a dit : ce n'est pas vrai, l'entreprise en question les a réduites de 12 p. 100 et non pas de 24 p. 100.

    À l'intérieur d'une certaine industrie, si vous prenez même Syncrude ou Suncorp, par exemple, comment allez-vous mesurer les choses pour que les entreprises elles-mêmes y consentent, et puis comment allez-vous mesurer ça pour un secteur donné?

+-

    M. David Anderson: Vous soulevez une question intéressante, et c'est cela qui complique à souhait la tâche de tous les responsables de l'impôt, qui complique à souhait la tâche de tous ceux qui s'occupent de la liaison entre le gouvernement et l'industrie : comment effectuer des mesures quand les gens disent qu'ils ont accompli ceci ou cela, comment établir que leurs coûts sont bien ceci ou cela?

    C'est une tâche qu'il nous faudra accomplir au moment d'adopter ce nouveau système. Nous ne croyons pas être en mesure d'y arriver de manière parfaite au tout début, mais nous croyons pouvoir en arriver à des approximations intelligentes. Et, dans les discussions que nous avons eues avec les secteurs, avec le secteur du pétrole et du gaz naturel, nous croyons pouvoir avoir un certain degré d'intégrité : les autres entreprises de l'industrie ont probablement une très bonne idée des structures de coûts de leurs concurrents et de ce que font leurs concurrents.

    J'aimerais corriger une impression qui me paraît erronée. Nous ne dispensons pas l'industrie de l'automobile; nous lui donnons simplement un objectif différent, un objectif beaucoup plus difficile. De fait, si nous commençons à appliquer l'objectif de l'industrie de l'automobile au secteur du pétrole et du gaz naturel, ça alors, vous verrez qu'il va y avoir des plaintes. Ce serait un monde tout à fait différent.

·  +-(1345)  

+-

    M. James Rajotte: Ce sont les 25 p. 100?

+-

    M. David Anderson: Eh bien, si nous disions au secteur du pétrole et du gaz naturel : assurez-vous que votre produit, une fois utilisé, émet 25 p. 100 de polluants de moins, les gens répondraient que c'est techniquement impossible.

    Il faut se débattre avec ces questions pour en arriver à une formule globale et équitable qui ne défavorise pas un secteur particulier de l'économie ou une région particulière du pays. On ne saurait avoir la certitude implacable que procure une réglementation stricte sans risquer de susciter des injustices.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte. Je dois céder la parole à quelqu'un d'autre.

    Monsieur Marcil.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Bonjour, monsieur le ministre. Je vous ai entendu parler des relations avec le Québec et j'aimerais, à cet effet, continuer dans le même sens que M. Bigras.

    J'aimerais savoir si vous avez eu des échanges avec le nouveau ministre de l'Environnement du Québec à propos de l'environnement en général et de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, en particulier.

+-

    M. David Anderson: Non, nous n'avons pas discuté de Kyoto. Par contre, il sait que nous allons le faire et que ses fonctionnaires sont bien au courant de la position prise par son prédécesseur. Pour ma part, je pense qu'il est courtois de lui donner le temps de déterminer s'il veut adopter totalement la position de son prédécesseur ou s'il désire y apporter des changements. Quand il sera prêt, nous serons prêts nous aussi à continuer. Mais nous ne sommes pas pressés par le temps; rien n'est perdu parce qu'un ministre s'accorde du temps pour prendre une telle décision. Il y a souvent des élections provinciales--il y en a deux ou trois par an ici et là au Canada--et c'est une courtoisie dont on fait preuve avec nos collègues.

+-

    M. Serge Marcil: J'aimerais vous poser une deuxième question.

    Nous vivons dans une fédération; nous avons un système fédéraliste entre des partenaires qui, chez nous, s'appellent les provinces. Aux États-Unis, ce sont les gouverneurs de chacun des États qui deviennent des partenaires. En fait, c'est un gouvernement central.

    Chaque province a sa façon de faire. Ce n'est pas uniquement une question de culture ou de langue, c'est souvent une question d'origine ou de culture, probablement plus que de langue. Par exemple, dans l'Ouest canadien, comme en Colombie-Britannique, dans des provinces centrales ou de l'est, comme l'Ontario ou le Québec, on a des approches souvent similaires et parfois différentes.

    On peut le voir dans le cadre de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. On le voit dans d'autres secteurs également où on donne plus de flexibilité au fédéralisme. Celui-ci permet d'avoir un cadre stratégique national et, à l'intérieur de ce cadre, les provinces vont s'inscrire avec une mise en oeuvre qui peut être différente d'une province à une autre.

    M. Rajotte vous a posé des questions à ce sujet, et la même chose nous a été dite également par les représentants du ministère des Ressources naturelles. Il semble qu'on favoriserait davantage une approche sectorielle qu'une approche globale. Par contre, au plan sectoriel, beaucoup d'industries ont fait des efforts énormes en ce qui concerne l'émission de gaz à effet de serre.

    Si le gouvernement du Québec vous faisait une proposition qui lui est particulière, en respectant l'objectif qu'on s'est fixé, c'est-à-dire une réduction de 6 p. 100, est-ce que le gouvernement du Canada, par le biais du ministre de l'Environnement, aurait une oreille ouverte à cela, ou bien est-ce que c'est coulé dans le béton et on privilégie une approche sectorielle au lieu d'un objectif global, en laissant la chance aux gens, selon leur force et leur capacité, d'intervenir, mais tout en atteignant l'objectif de 6 p. 100?

+-

    M. David Anderson: Vous avez décrit l'exemple où une province et le gouvernement fédéral ont la possibilité d'en venir à un accord bilatéral, où la province devient le secteur pour la réduction des gaz à effet de serre.

    Vous parlez d'une province et du fédéral, mais n'oubliez pas que d'autres provinces peuvent s'opposer à un tel accord parce qu'elles y voient la possibilité d'avoir des régimes différents du point de vue de l'investissement. Une certaine province peut peut-être, par ce moyen, voler l'investissement qui, normalement, irait à une autre province. Vous avez la possibilité que les programmes de réduction des gaz à effet de serre et un accord fédéral-provincial puissent être employés pour détourner l'investissement d'une province vers une autre. Il ne faut pas seulement penser à deux gouvernements, il faut penser aux autres aussi.

    En général, les provinces préfèrent avoir un système par lequel nous n'avons aucun effet sur les décisions, à savoir où une industrie, où une compagnie va investir, si le niveau sera le même, ou si les avantages et les désavantages sont égaux. Nous n'avons pas encore reçu des provinces un clair exemple que c'est ce que vous avez décrit. Si cela arrive, on verra, mais personnellement, je crois qu'il faut penser aux autres provinces, pas seulement à la seule province qui veut avoir une telle situation.

·  +-(1350)  

+-

    M. Serge Marcil: Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas orienter nos efforts vers une seule province. Je vais vous donner un exemple du concept.

    Nous avons une responsabilité partagée avec les provinces au niveau de l'environnement, donc nous n'avons pas une juridiction exclusive. Si on a une responsabilité partagée, cela suppose que les dix provinces et le gouvernement fédéral s'entendent sur un cadre stratégique de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Dans ce cadre stratégique, les dix provinces pourraient proposer au gouvernement du Canada une approche. On pourrait accepter qu'il y ait des approches différentes d'une province à l'autre qui s'intégreraient également dans le cadre stratégique. C'est dans ce sens-là que je posais ma question. Il y a une flexibilité.

    Ma deuxième question, monsieur le président, touche tout le secteur de l'agriculture. Je voudrais savoir comment on envisage l'effort qui devrait être fait par le secteur de l'agriculture dans l'application du Protocole de Kyoto.

+-

    M. David Anderson: Pour l'agriculture, c'est facile. Il y a la possibilité, en vertu du Protocole de Kyoto, d'avoir de nouvelles sources de revenu, à cause du fait que la méthode pour cultiver les terres devient un moyen de réduire les gaz à effet de serre. Un quart des gaz à effet de serre qui est maintenant dans l'atmosphère et qui est causé par les activités humaines vient du secteur agricole ou de la réduction des forêts dans le monde. On parle d'un quart. Il y a donc pas mal de possibilités de créer une certaine source de revenus basés sur 15 $ par tonne ou 35 $, si c'est 35 $. Les agriculteurs peuvent être avantagés.

    Toutefois, on ne peut pas compter sur ce qu'ils font maintenant pour leur donner des fonds tout de suite. Ce que nous avons décidé dans le Protocole de Kyoto, c'est d'avoir une base, soit celle de 1990, et de partir de ce point de départ. Quelquefois, les agriculteurs me demandent d'avoir des avantages pour tout ce qu'ils ont fait jusqu'ici pour réduire les gaz à effet de serre, mais ils ont fait très peu. Leur façon de cultiver les terres est peut-être favorable, mais on ne peut pas les payer pour ce qu'ils font déjà, parce que de cette façon, on aurait un système impossible. Il faut payer pour les réductions par rapport au niveau de 1990.

[Traduction]

+-

    Le président: Non, c'est cela.

    Je vous ai donné du temps de plus, pour la patience dont vous avez fait preuve.

    Monsieur Mills, une question, puis nous allons conclure.

+-

    M. Bob Mills: À propos de la question de la concurrence, je pourrais prendre comme exemple l'industrie du ciment. Les coûts y représentent une question très délicate. La concurrence est très forte. La Thaïlande peut fournir du ciment à un prix concurrentiel. Le procédé chimique qui est employé émet de grandes quantités de CO2 dans l'air. Avec le temps, les gens vont finir par mettre au point les techniques nécessaires, mais pas dans le délai fixé par le protocole de Kyoto. Il y a de nombreuses autres industries, mais comment allez-vous traiter avec une industrie comme celle-là, particulièrement?

·  -(1355)  

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    M. David Anderson: C'est une très bonne question, la question de la concurrence. En dernière analyse, la réponse, c'est que, bien entendu, c'est un accord international qui fait que nous n'allons pas permettre que soit importé au pays, sans frais, sans tarif, dans une économie canadienne ou une autre économie signataire du protocole de Kyoto, peut-être même les États-Unis, d'un acier, d'un ciment ou d'un autre produit provenant d'un pays qui n'est pas signataire du protocole et qui débouche sur des émission plus grandes.

    Cela ne fait aucun doute, il y aura un certain inconvénient à empêcher la substitution de tels produits aux produits canadiens à l'origine de gaz à effet de serre, mais ayant une incidence moindre sur le changement climatique, comme vous le donnez à croire. Il y aura un rajustement du point de vue du commerce. Je crois qu'il est inévitable de devoir faire des rajustements. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, il y en aura.

    La raison est simple. À mesure que nous parvenons à éclaircir la question du changement climatique dans le monde entier, créer le type d'anomalie sur lequel vous venez à juste titre de mettre le doigt, monsieur Mills, n'a simplement aucun sens. Et les restrictions au commerce sont assez faciles à mettre en place, elles peuvent être assez précises, et je crois qu'elles permettraient de régler le problème.

    En sommes-nous au point où nous avons réglé tout cela avec l'OMC et le reste? Non, nous ne l'avons pas fait, mais je suis certain que cela va venir. Après tout, une part très importante de l'économie du monde est assujettie au protocole de Kyoto, comme vous l'avez souligné. C'est 43 p. 100. Par conséquent, je ne crois pas que ce soit un problème qui dure très longtemps.

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    M. Bob Mills: Vous présumez que l'OMC accepterait votre motif pour établir un tarif.

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    M. David Anderson: Eh bien, le protocole entier est vicié si nous permettons que cela se fasse à quelque échelle, à une grande échelle. C'est toute la raison d'être du protocole de Kyoto qui ne vaut plus. J'ajouterais que l'idée même qu'a le président Bush de consacrer quelque 4,5 milliards de dollars aux mesures relatives au changement climatique dans le budget américain devient ridicule si nous permettons ce genre d'infiltration de la part de fournisseurs étrangers. Que cela arrive n'aurait aucun sens, car l'accord n'aurait plus de raison d'être.

    Tous ces pays sont donc conscients du fait qu'ils vont faire face à des obstacles au commerce, à moins de faire en sorte que leurs industries soient conformes aux pratiques des pays signataires du protocole de Kyoto.

    Si, par exemple, en Thaïlande, l'industrie dit: écoutez, nous avons les mêmes normes chez nous, quelles que soient les mesures adoptées par le gouvernement national, nous respectons les objectifs de Kyoto pour la réduction des émissions, à ce moment-là, bien entendu, le ciment exporté ne fait l'objet d'aucune sanction prévue en rapport avec le protocole.

    Je crois qu'il sera très intéressant de pouvoir invoquer l'accord de Kyoto afin d'améliorer des secteurs particuliers des économies de pays en développement qui ne sont pas signataires du protocole. L'Inde, la Chine, la Thaïlande et le Brésil savent très bien qu'ils vont devoir faire face à un obstacle dans un avenir très proche, une fois l'accord de Kyoto ratifié et entré en vigueur.

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    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Merci de venir témoigner aujourd'hui. Comme vous le voyez, le comité de l'industrie s'intéresse beaucoup à la progression du dossier du changement climatique. Je tiens à vous remercier d'être venu nous voir, et je suis sûr que nous allons vous rappeler à l'avenir, pour que vous puissiez nous mettre à jour sur les enjeux et répondre aux questions du comité de l'industrie.

    Merci beaucoup, bonne journée.

    La séance est levée.