INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 26 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
Mme Janet Yale (présidente et directrice générale, Association canadienne de la télévision par câble) |
Le président |
Mme Janet Yale |
M. Jim Shaw (chef de la direction, Shaw Communications inc., Association canadienne de la télévision par câble) |
¹ | 1535 |
M. Louis Audet (président et chef de la direction, COGECO inc., Association canadienne de la télévision par câble) |
¹ | 1540 |
M. John Tory (président et chef de la direction, Rogers Cable Inc., Association canadienne de la télévision par câble) |
Mme Janet Yale |
¹ | 1545 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
Le président |
M. James Rajotte |
M. John Tory |
¹ | 1550 |
M. James Rajotte |
M. Jim Shaw |
M. James Rajotte |
M. Jim Shaw |
¹ | 1555 |
M. Louis Audet |
M. John Tory |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. Jim Shaw |
º | 1600 |
M. Louis Audet |
M. John Tory |
M. Andy Savoy |
M. Louis Audet |
M. Andy Savoy |
M. Andy Savoy |
º | 1605 |
Mme Michèle Rioux (professeure, directrice de recherche au CEIM, Départment de science politique, Université du Québec à Montréal) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ) |
Mme Michèle Rioux |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
º | 1620 |
Mme Michèle Rioux |
M. Louis Audet |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
º | 1625 |
M. Louis Audet |
Le président |
M. John Tory |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
Mme Janet Yale |
M. Joseph Volpe |
Mme Janet Yale |
M. John Tory |
M. Joseph Volpe |
M. John Tory |
º | 1630 |
M. Joseph Volpe |
M. John Tory |
M. Joseph Volpe |
M. Jim Shaw |
Mme Janet Yale |
º | 1635 |
M. Louis Audet |
M. John Tory |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. John Tory |
º | 1640 |
Mme Janet Yale |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Mathieu Arès |
Le président |
M. Brian Masse |
M. John Tory |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Jim Shaw |
M. Brian Masse |
º | 1645 |
M. Mathieu Arès |
M. Brian Masse |
M. Jim Shaw |
M. Louis Audet |
º | 1650 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
M. Louis Audet |
º | 1655 |
M. Serge Marcil |
Mme Michèle Rioux |
» | 1700 |
M. Serge Marcil |
Mme Michèle Rioux |
Le président |
M. Louis Audet |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Jim Shaw |
M. John Tory |
» | 1705 |
M. Louis Audet |
M. James Rajotte |
Mme Michèle Rioux |
M. James Rajotte |
» | 1710 |
M. Mathieu Arès |
Le président |
M. Andy Savoy |
» | 1715 |
Mme Janet Yale |
M. Jim Shaw |
» | 1720 |
M. John Tory |
M. Louis Audet |
M. Andy Savoy |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Jim Shaw |
» | 1725 |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Jim Shaw |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Audet |
Le président |
M. Serge Marcil |
Le président |
M. James Rajotte |
» | 1730 |
Mme Michèle Rioux |
M. James Rajotte |
Mme Michèle Rioux |
Le président |
M. Louis Audet |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 26 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons un examen des restrictions à l'investissement étranger dans les entreprises de télécommunications.
Je sais que tous les témoins ne sont pas encore là, mais j'espère qu'ils arriveront bientôt. C'est pourquoi nous allons commencer par ceux qui sont déjà ici, soit l'Association canadienne de la télévision par câble, représentée par Janet Yale, Louis Audet, Jim Shaw et John Tory.
Madame Yale, je crois comprendre que c'est vous qui allez commencer.
Mme Janet Yale (présidente et directrice générale, Association canadienne de la télévision par câble): Oui.
Le président: Merci beaucoup. Nous vous écoutons.
[Français]
Mme Janet Yale: Merci, monsieur le président, et merci également aux membres du comité. Je m'appelle Janet Yale et je suis présidente et chef de la direction de l'ACTC.
[Traduction]
Je suis accompagnée aujourd'hui de Jim Shaw, chef de la direction de Shaw Communications, de M. Louis Audet, président et chef de la direction de COGECO inc. et de John Tory, président et chef de la direction de Rogers Cable Inc. Nous allons faire un exposé commun, et je vous encourage à être très attentifs.
Je vais commencer par vous brosser un tableau général de l'industrie de la câblodistribution au Canada. Nous sommes une industrie qui compte 7,9 millions d'abonnés, 2 millions d'abonnés aux services Internet à large bande, 9,4 millions de foyers ayant accès à l'Internet à large bande et une infrastructure de réseau de 210 000 kilomètres de long.
Je voudrais brièvement vous faire part de nos recommandations aujourd'hui. Le plus important, c'est que l'industrie de la câblodistribution est en faveur d'une libéralisation des règlements sur la propriété étrangère qui s'appliquent aux entreprises de distribution de radiodiffusion et aux compagnies de télécommunications. Nous croyons que d'importants avantages découleront de l'accès à de plus grandes sources de capitaux à des coûts moindres. Cela créerait en outre un encouragement supplémentaire au développement des réseaux numériques à large bande et stimulerait la concurrence et l'innovation dans ces industries. Je tiens à préciser que le Canada est le seul pays développé qui n'autorise pas la propriété étrangère dans les entreprises de câblodistribution. Le Canada est donc devenu une exception parmi nos principaux partenaires commerciaux. J'en parlerai davantage plus tard.
Je voudrais maintenant céder la parole à Jim Shaw, qui vous parlera des avantages découlant de nos recommandations.
M. Jim Shaw (chef de la direction, Shaw Communications inc., Association canadienne de la télévision par câble): Merci, Janet, et merci aux membres du comité de nous avoir invités ici aujourd'hui.
La plupart des gens croient qu'une licence de câblodistribution est une source intarissable de revenu. En fait, à bien y penser, c'est plutôt une licence pour dépenser de l'argent. Pour tout vous dire, notre directeur financier passe plus de la moitié de son temps à parcourir l'Amérique du Nord et l'Europe en quête d'investissements pour financer l'expansion que nous connaissons au Canada. Le capital se fait rare au Canada. De nos jours, les banques sont en train de réduire le segment du capital-risque, et ce, à l'échelle de toutes les industries, notamment la câblodistribution et les télécommunications. Vous n'avez pas idée combien de fois je me suis adressé à une grande institution financière ou une compagnie d'assurances pour me faire dire qu'elles en ont assez des demandes de Shaw et que je devrais m'adresser ailleurs pour du financement.
À l'heure actuelle, quand on s'adresse à la communauté des investisseurs du monde entier, et particulièrement en Amérique du Nord, les investisseurs passent en revue une liste d'exigences. Je veux bien investir au Canada, mais quelles sont les règles? Mon investissement risque-t-il d'être bloqué là-bas? Aurai-je la possibilité de le retirer à long terme? Le Canada est-il un abri sûr où je pourrai faire fructifier mon investissement? Une fois que les investisseurs ont passé en revue toute la liste d'exigences, s'ils ne nous donnent pas la note de passage pour une rubrique quelconque, cela nous retarde quelque peu par rapport aux autres. Cela étant, ce ne sont pas des problèmes insurmontables, mais j'aimerais que l'on n'ait plus à se soumettre à cette liste d'exigences et qu'au lieu d'être exclus, le Canada devienne un lieu de choix.
S'il est vrai que nous avons réalisé des avancées importantes en matière d'Internet numérique à haute vitesse, et nous sommes un chef de file à l'échelle mondiale, et de câblodistribution, et nous sommes là encore l'un des pays les plus branchés du monde et nos systèmes sont parmi les meilleurs au monde, il est vrai aussi que nous n'offrons pas de services que dans les principaux centres. En effet, nous offrons des services dans des petites collectivités à l'échelle du Canada. Vous le savez mieux que quiconque, ces petites localités ont de plus en plus besoin de services. Or, pour être en mesure d'offrir davantage de produits sur ces marchés, nous avons besoin de capital. À notre avis, nous pourrions continuer de créer des emplois en étendant nos réseaux et en nous dotant d'installations concurrentielles.
J'aimerais maintenant passer la parole à M. Louis Audet de COGECO qui vous en parlera davantage.
¹ (1535)
M. Louis Audet (président et chef de la direction, COGECO inc., Association canadienne de la télévision par câble): Merci, Jim. Bonjour.
Je voudrais vous parler maintenant de convergence et d'équité concurrentielle. J'entends par convergence le sens matériel du terme, c'est-à-dire la convergence de services sur le même câble.
¹ (1540)
[Français]
Cette section s'intitule donc «Convergence et équité concurrentielle».
Dès 1996, le CRTC, dans le cadre de sa décision 96-1, créait un régime de concurrence par lequel il encourageait les entreprises de distribution de signaux de radiodiffusion à entrer en concurrence avec les télécommunications et, du même coup, il invitait les télécommunicateurs à entrer dans le domaine de la distribution de signaux de télévision. Ainsi, aujourd'hui, chacun des concurrents fait essentiellement le même travail que l'autre, c'est-à-dire distribuer des signaux vidéo, des signaux Internet, des signaux téléphoniques et ce, sur un seul et même câble.
Nous le faisons dans l'industrie du câble, et nos concurrents, les compagnies de téléphone, le font également. C'est l'objet de l'illustration qui se trouve à la page 12; on y montre essentiellement deux réseaux filaires parallèles qui partagent souvent la même infrastructure pour distribuer tous les services.
Du côté téléphonique, il y a bien sûr la téléphonie, qui est leur raison d'être au départ, l'Internet au début, la distribution de signaux de radiodiffusion--remarquez que certains joueurs de l'industrie téléphonique ont également choisi d'utiliser le satellite--, la télévision à haute définition et la télévision interactive.
Du côté de l'industrie du câble, nous avons commencé par la distribution de signaux de radiodiffusion. Nous y avons ajouté la vidéo sur demande à très haute définition. Nous arrivons à la télévision interactive. Nous sommes déjà, comme Jim le disait plus tôt, un leader dans le monde entier pour ce qui est d'Internet haut débit, et certaines régions du Canada bénéficient déjà de services téléphoniques par câble. Éventuellement, l'industrie du câble sera sans doute la seule alternative par laquelle ce pays pourra offrir la téléphonie à partir d'installations distinctes et concurrentes.
Il faut donc s'assurer que le régime d'accès aux capitaux soit concurrentiel de façon à ce qu'il y ait une concurrence juste entre les acteurs en présence.
Dans les faits, comme j'espère l'avoir démontré jusqu'ici, vous avez affaire à deux sortes d'entreprises, et chacune d'entre elles, que ce soit les compagnies de téléphone ou les compagnies de câble, est hybride. Ce sont des entreprises de télécommunications régies en vertu de la Loi sur les télécommunications, ainsi que des entreprises de distribution régies en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. À l'heure où nous nous parlons, les deux activités sont intimement liées sur chaque réseau et ne peuvent plus être dissociées parce que ces réseaux sont pleinement intégrés. C'est pourquoi nous suggérons que l'équité concurrentielle exige que les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone bénéficient du même traitement dans le cadre de la libéralisation des règlements sur la propriété étrangère.
[Traduction]
Tout ce qui n'assurerait pas un traitement égal serait dangereux, inéquitable et contraire à l'intérêt public.
Sur ce, je cède la parole à John Tory.
M. John Tory (président et chef de la direction, Rogers Cable Inc., Association canadienne de la télévision par câble): Merci, Louis. Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs.
Comme mes collègues l'ont indiqué, les réseaux de câblodistribution offrent déjà des services à 93 p. 100 de foyers canadiens, y compris plus de 1,3 million de foyers dans des collectivités rurales et éloignées. Nous avons été en mesure de réaliser cette pénétration et d'offrir des services aux Canadiens grâce à la mise à niveau des réseaux de câblodistribution existants, sans oublier les mises de fonds substantielles qu'a nécessitées cette mise à niveau, et cela nous a permis de devenir des chefs de file mondiaux en matière de lancement et d'implantation accélérés de services de pointe. Nous croyons que le déploiement de ces services de pointe est ce qui a favorisé le plus la concurrence, qui nous a permis de demeurer concurrentiels par rapport à d'autres dans le même secteur et de promouvoir l'innovation au Canada. Citons à titre d'exemple le fait que les services Internet à large bande confortent aujourd'hui la position du Canada et la capacité des Canadiens à tirer avantage du commerce électronique, de la santé électronique et des possibilités d'apprentissage par voie électronique. Notre câblodistribution électronique sur ces réseaux de pointe nous permet d'offrir des produits comme la télévision à haute définition, la vidéo sur demande et d'autres services interactifs du genre. En regardant tout l'éventail de services et en gardant à l'esprit les points que mon collègue Louis vient de soulever, vous verrez que les compagnies de câblodistribution pourraient très bien être le seul concurrent viable et propriétaire de ses propres installations sur le marché résidentiel.
Louis vient de vous dire il y a quelques instants qu'il n'était pas possible de distinguer les compagnies de télécommunications des services de télévision par câble qui sont offerts sur des réseaux intégrés. En effet, les réseaux intégrés ne peuvent être dissociés. Cela étant, nous croyons, et à mon avis les règles existantes nous donnent raison, qu'il est possible de dissocier le contenu de la diffusion, qui sont des activités distinctes, à notre avis. La séparation de ces deux activités permettra de faire en sorte que la libéralisation des règles de propriété régissant la télécommunication et la câblodistribution ne touchera pas les fournisseurs de contenu. Il sera relativement facile, par voie de politique ou de législation, de distinguer entre propriétaire de mode de diffusion et propriétaire de contenu. Je pense que dans le cadre de vos délibérations, il faudra que vous vous attaquiez à cette question tôt ou tard, puisque les compagnies de télécommunications que vous examinez dans le cadre de votre étude ont déjà dans bien des cas des activités touchant le contenu. Donc, même ces compagnies, si elles étaient assujetties à des règles de propriété libéralisées, nécessiteront une disposition quelconque pour dissocier les avoirs concernant la diffusion et ceux touchant le contenu.
Nous vous soumettons respectueusement, en fait nous affirmons avec beaucoup de conviction, que la libéralisation des règles de propriété étrangère pour les entreprises de distribution n'aura pas d'incidence sur le système canadien de radiodiffusion. Changer les règles de propriété dans le secteur de la diffusion n'entraîne pas inéluctablement de changement dans le contenu. Soyons clairs, nous ne vous demandons pas ici ou ailleurs d'apporter des changements concernant les règles de propriété s'appliquant aux fournisseurs de contenu. Nous ne le recommandons pas non plus. Nous ne disons pas non plus, ni ici ni ailleurs, qu'il faudra aussi changer les autres règles s'appliquant aux entreprises de distribution et de programmation. D'autres types d'obligations doivent s'accompagner de règles et de liens qui créent effectivement un créneau spécial pour les services appartenant à des entreprises canadiennes au sein du système de radiodiffusion canadien, de même qu'il faudra s'assurer que ces règles renforcent le système de radiodiffusion canadien. Nous pensons que l'industrie de la distribution, notamment en ce qui a trait à la question de la diffusion et de la manière dont les produits sont commercialisés, est déjà fortement réglementée par rapport au reste du monde. Je ne me plains pas; je ne fais qu'affirmer l'évidence. Nous ne sommes pas ici pour vous demander d'apporter des changements à ces règles, même que vous devriez être rassurés en entendant notre affirmation, à savoir que vous pourriez changer les règles de propriété s'appliquant aux entreprises de distribution sans pour autant que cela n'ait une incidence négative ou positive, sur le statut des fournisseurs de contenu, ni sur les règles s'y rattachant.
Janet.
Mme Janet Yale: Je vous remercie.
Je voudrais simplement vous préciser notre position sur cette question par rapport à nos principaux partenaires commerciaux et vous parler brièvement d'une étude effectuée pour le compte de l'Association par Paul Corriveau, étude dans laquelle il a examiné les règles de propriété étrangère régissant les entreprises de radiodiffusion dans de nombreux pays. Nous avons soumis le rapport complet au comité. Il est clair que le Canada accuse un retard par rapport à ses principaux partenaires commerciaux, puisque ceux-ci ont véritablement compris qu'un investissement dans les réseaux de câblodistribution entraîne un accroissement de la concurrence et de l'innovation.
¹ (1545)
[Français]
En guise de conclusion, j'aimerais souligner deux faits très importants.
Premièrement, l'investissement étranger dans la câblodistribution est autorisé et répandu partout, sauf au Canada.
Deuxièmement, on peut atteindre les objectifs culturels en considérant le contenu et la diffusion séparément.
[Traduction]
Pour conclure, monsieur le président, j'aimerais dire que nous avons l'intime conviction que la levée des restrictions à l'investissement aurait des avantages considérables. En effet, cela réduirait le coût des immobilisations, accroîtrait l'investissement dans les installations, renforcerait la concurrence et, somme toute, favoriserait l'innovation. C'est pour cette raison que nous avons recommandé la libéralisation des règles de propriété étrangère qui s'appliquent aux entreprises de distribution de radiodiffusion et aux compagnies de télécommunications.
Nous vous remercions de votre attention et sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie infiniment.
Nous commencerons nos tours de questions avec M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Combien de temps est-ce que j'ai, monsieur le président?
Le président: Vous avez huit minutes.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui et merci pour votre exposé.
Tout d'abord, votre déclaration à la page 12 au sujet de la convergence ainsi que la description que vous offrez semblent, à mon avis, très utiles. Je pense qu'il est important pour nous, les membres du comité, de nous rendre compte que vous ne faites pas face à une concurrence restreinte, que la concurrence ne se fait pas simplement entre câblodistributeurs et entreprises de téléphonie, mais de plus en plus elle vous oppose à des services par satellite et même des services mobiles, qui est presque une catégorie en soi. Je prends comme exemple mes habitudes personnelles. J'ai un téléphone cellulaire de Bell, une ligne téléphonique chez moi à Edmonton de Telus, un service Internet par câble de Shaw, la télévision de Rogers et un Blackberry de Rogers également. Il est donc évident qu'il y a de plus en plus de convergence dans tous ces domaines. Je crois que c'est tout à fait vrai.
Une des préoccupations exprimées par de nombreux témoins, et vous en avez certainement parlé vous aussi, c'est que l'on ne fera pas vraiment la distinction entre la diffusion et le contenu. Je sais qu'à la page 16 et à la page 17, vous dites que cette séparation structurelle peut se produire, et vous dites, et je cite « il sera relativement facile de dissocier les éléments d'actifs selon qu'ils relèvent de la diffusion ou du contenu ». Cela dit, de nombreux témoins ont soulevé une inquiétude à cet égard. J'aimerais donc que vous nous expliquiez comment cette séparation structurelle se produirait, ne serait-ce que pour répondre à ces préoccupations.
M. John Tory: Aucune des compagnies qui sont ici, en tout cas moi je suis ici pour représenter Ted Rogers et l'entreprise Rogers—mes amis pourront parler en leur propre nom—,n'est venue ici avec l'idée de vendre son entreprise. En effet, nous sommes ici pour parler de la nécessité d'accroître l'accès à un éventail élargi de sources de capitaux. Toutefois, dans l'éventualité que nous décidions que nous voulons émettre des actions à un étranger et si nous voulions peut-être inviter quelqu'un à devenir partenaire stratégique de l'une de ces entreprises, ce n'est pas très compliqué de prendre les actifs des médias, si ceux-ci appartenaient à la même entreprise, ou encore de prendre des actifs ayant rapport avec le contenu pour les mettre dans un différent régime de propriété de manière à les exempter du changement de propriétaire, même s'il s'agissait d'un actionnaire majoritaire. C'est vraiment de cela que nous voulons vous parler ici : les gens craignent que s'il y avait un propriétaire majoritaire d'actifs de câblodistribution, par exemple, cela pourrait avoir une incidence sur la propriété ou même sur la gestion des actifs ayant trait au contenu. Ce n'est pas une question compliquée.
Même au-delà de cette question, le point que j'ai tenté de faire ressortir plus tôt est que s'il est vrai que nous croyons que la séparation de propriétaires pourrait être réalisée avec une facilité relative de nombreuses façons, il n'empêche que les règles régissant la manière dont les entreprises de distribution, les câblodistributeurs offrent des services de diffusion de contenu resteraient inchangées. Nous ne vous demandons pas de changer les règles. Ces règles, nous les vivons au quotidien. Ces règles ont déjà permis aux services de radiodiffusion canadiens de devenir un chef de file, d'occuper une place prépondérante qui assure la force du système de radiodiffusion canadien.
Je voudrais vous raconter une histoire, au risque d'ennuyer mes collègues qui l'ont déjà entendue, mais j'ai toujours trouvé que c'était une bonne analogie. J'ai déjà occupé le poste de commissaire de la Ligue canadienne de football, et l'équipe de football de Montréal avait besoin de se trouver un nouveau propriétaire. Quelqu'un de New York, le propriétaire actuel de l'équipe, était venu nous voir, et nous lui avons vendu l'équipe. Nous avons donc recapitalisé l'équipe de Montréal, en nous assurant du capital étranger, et l'équipe est maintenant techniquement 100 p. 100 américaine. Cela dit, à aucun moment, une fois qu'il s'était porté acquéreur de l'équipe, il n'a dit qu'étant donné qu'il était Américain et que nous lui avions permis d'acheter l'équipe, nous devions changer les règles pour qu'il y ait quatre essais et pour que le terrain soit plus court de 10 verges. Il avait simplement compris qu'en investissant dans l'équipe de football de Montréal, il devait jouer selon les règles canadiennes.
Ces deux points pourraient donc vous rassurer, c'est-à-dire que d'une part, vous pouvez séparer les actifs se rapportant au contenu de ceux ayant trait à la distribution en ayant des propriétaires différents, et d'autre part, quoi qu'il en soit, les règles régissant la manière dont les services canadiens sont diffusés et la manière dont on en fait la promotion demeureront inchangées. Nous ne vous demandons pas d'apporter des changements.
¹ (1550)
M. James Rajotte: Merci beaucoup pour cette réponse.
Ma deuxième question se rapporte à quelque chose que vous avez mentionné dans votre déclaration. Vous avez dit que vous n'étiez pas ici pour vendre vos entreprises respectives, mais plutôt parce que vous voulez avoir un meilleur accès au capital étranger. Encore une fois, je vous répète ce que des témoins précédents nous ont dit. Je crois que c'était Ian Morrison qui nous a fait part de sa crainte que des étrangers ne deviennent actionnaires majoritaires de la famille Shaw, par exemple, et que celle-ci décide de leur vendre une compagnie qu'elle a bâtie pour faire un profit. J'ai été étonné que cela le préoccupe, mais de toute évidence, cela inquiète des groupes comme les Amis de la radiodiffusion canadienne. Est-ce que M. Shaw ou quelqu'un d'autre voudrait répondre à cette question?
M. Jim Shaw: De façon globale, nous n'avons aucunement l'intention de vendre. Il y a depuis longtemps au Canada des entreprises familiales qui ont toutes été courtisées par des acheteurs étrangers. Elles auraient pu être vendues il y a longtemps, mais cela ne s'est pas passé au Canada. Les Canadiens sont fiers de leurs entreprises et veulent les développer à long terme. S'il est vrai que Shaw est l'actionnaire dominant, beaucoup de Canadiens sont également propriétaires de Shaw Communications et de Rogers, entre autres. C'est une entreprise dont beaucoup de Canadiens sont propriétaires. En fait, nous avons besoin d'argent pour mettre en valeur nos actifs, pas pour liquider notre entreprise. Il me suffirait d'un appel pour vendre mon entreprise à Ted Rogers et obtenir tout l'argent que je voudrais. Mais ce n'est pas pour cela que nous voulons de l'argent, mais bien pour contribuer au développement des collectivités du Canada et pour être des chefs de file du secteur des services à large bande.
Par conséquent, il est totalement faux de prétendre que la famille Shaw a besoin des Américains pour pouvoir vendre l'entreprise et faire de l'argent. Nous pourrions le faire n'importe quand. Si nous ne le faisons pas, c'est parce que cela ira à l'encontre de nos valeurs; nous sommes une famille solide établie dans l'Ouest, et nous avons fondé ces entreprises. Je pense que si nous avions plus de marge de manoeuvre, nous aurions beaucoup plus de moyens pour améliorer l'ensemble du système, ce qui serait excellent.
M. James Rajotte: Beaucoup de témoins, et particulièrement des entreprises de télécommunications, ont cependant avancé devant le comité qu'ils ont déjà accès à des capitaux suffisants et qu'il en est de même pour l'ensemble du marché canadien. En fait, il peut être souhaitable d'opter pour cette voie, mais cela n'est pas nécessaire pour que les compagnies aient accès aux capitaux dont elles ont besoin. Pour revenir à votre déclaration, pourriez-vous préciser vos besoins actuels et futurs en matière de capitaux, d'après la croissance prévue de votre secteur?
M. Jim Shaw: Je vais donner un exemple pour expliquer ce qui en est. Les renseignements que je vais vous communiquer ne sont pas confidentiels et n'importe qui peut y avoir accès. Shaw a conclu une entente de sept ans avec une banque. Trois années sont écoulées, alors il en reste quatre. Nous avons fait des démarches auprès de toutes les grandes banques en leur expliquant que nous avons des installations d'une valeur de 1,3 milliard de dollars et que nous voulions renouveler notre prêt tout de suite pour sept ou dix années de plus. Les banques nous ont répondu qu'elles ne faisaient plus de telles transactions. Que faites-vous alors leur ai-je demandé? Elles m'ont répondu qu'elles préféraient consentir des prêts étalés sur trois ou quatre ans, ou encore sur une plus courte période si possible. Elles nous ont dit que nous ne pourrions plus jamais trouver un prêt pour un terme aussi long. Elles nous ont également dit qu'elles s'étaient fait dire par le Comité des banques, leur comité d'administration, qu'elles avaient trop d'argent d'investi dans le secteur de la câblodistribution. Nous avons prêté de l'argent à plusieurs entreprises de ce secteur et 20 p. 100 de nos actifs y sont investis. Nous devons ramener cette proportion à 10 p. 100. J'ai alors demandé d'où viendrait cet argent.
Au Canada, nous n'avons pas les bassins de capitaux qui existent ailleurs dans le monde. Certes, nous pouvons attirer des investisseurs pour qu'ils viennent s'installer au Canada avec leurs capitaux, tant que leurs investissements peuvent rapporter et tant que ces investisseurs ne redoutent pas une intervention gouvernementale qui empêcherait une libéralisation des marchés. Il serait donc avantageux de s'ouvrir aux capitaux étrangers. Regardez ce qui se passe à la Banque TD ou à la Banque Royale ou à une autre banque. Elles ont décidé de resserrer l'accès aux prêts, mais nous, nous avons encore besoin d'avoir des capitaux. Je me suis adressé aux représentants de Canada-Vie, qui m'ont répondu qu'ils m'avaient déjà consenti un prêt de l00 millions. J'ai répliqué que nous avions quand même des passifs d'une valeur de 4,2 milliards de dollars, mais ils ont refusé de me prêter davantage. Je suis dans une impasse à moins de renoncer à développer notre entreprise à Prince Albert, par exemple. Je pourrais devoir mettre le projet de Saskatoon en veilleuse et ne réaliser que celui de Vancouver, ou encore aller de l'avant avec le projet de Vancouver mais oublier celui de Kelowna. Nous ne souhaitons pas nous trouver devant de pareilles alternatives.
Au cours des deux dernières années, il y a eu des fusions et le bassin de capitaux s'est rétréci. Il est de plus en plus difficile d'obtenir un prêt. Le contexte a beaucoup changé depuis deux ou trois ans.
¹ (1555)
M. Louis Audet: J'aimerais renchérir sur ce que vous dites. En novembre 2001, nous avons dû aller aux États-Unis pour obtenir des prêts d'une valeur d'environ 400 millions de dollars canadiens. Il était tout simplement impossible d'obtenir cet argent sur le marché canadien.
Quant aux propos de certains témoins que vous avez repris, je tiens à signaler que beaucoup des intervenants qui ont tenu de tels propos étaient soit des entreprises concurrentes beaucoup plus grosses que les nôtres, qui ont intérêt à faire en sorte que nous n'ayons pas accès aux capitaux dont nous avons besoin, soit des représentants d'organismes qui n'ont pas besoin de capitaux très importants pour assurer leur croissance. Sauf le respect que je vous dois, je dirais que leur point de vue n'est pas nécessairement impartial dans les circonstances.
M. John Tory: À l'appui de ce que Louis vient de dire, je pense que les chiffres sont assez éloquents. Au cours des trois dernières années, Rogers a investi près de 2 milliards de dollars en immobilisations pour que nos installations puissent offrir ces services perfectionnés et innovateurs à la population du Canada. Prenez, par exemple, les sommes que n'importe quelle entreprise de diffusion investit dans le contenu. Ce sont ces entreprises qui prétendent que nous n'avons pas besoin d'avoir accès à des capitaux étrangers. Si on faisait la somme de tout l'argent que ces entreprises investissent dans le contenu, on obtiendrait bien moins que les 2 milliards de dollars que nous avons investis. Mes collègues pourraient confirmer la justesse de ces chiffres. Nos entreprises sont très capitalistiques, et cet argent sert à offrir des services innovateurs à la population canadienne, via un réseau à large bande.
Il y a aussi un autre argument que personne encore n'a soulevé. Il ne s'agit pas uniquement d'aller chercher de l'argent, mais aussi dans certains cas d'attirer des partenaires stratégiques, lesquels ne veulent pas nécessairement acquérir une participation majoritaire dans une entreprise de distribution canadienne. Dans certains cas, cela ne les intéresse pas du tout. Si nous voulons innover et continuer à être des chefs de file à l'échelle mondiale, nous devrons nous associer à des entreprises d'autres pays, pas seulement les États-Unis, qui peuvent disposer d'un actif tout à fait unique qui nous aidera à atteindre ce but. Or, à l'heure actuelle, beaucoup de ces entreprises hésiteraient à investir au Canada, étant donné les règles en vigueur dans notre pays.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Savoy, avant de revenir à nos deux témoins qui viennent tout juste d'arriver.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie pour votre exposé.
Selon certains de vos détracteurs, il est très facile de recueillir les capitaux nécessaires, d'abord sur le marché américain, mais dans d'autres pays également, au moyen d'actions sans droit de vote. Ils font valoir que la question des actions avec et sans droit de vote ne pose pas réellement de problème pour les grands investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension. Quel est votre avis à ce sujet? Cet argument a été avancé avec force par ceux qui prétendent que les règles sur la propriété ne posent pas de problème.
M. Jim Shaw: L'autre jour, je lisais que le plus gros fonds de pension, le RPC, s'accompagnait de règles qui n'appuient pas la citoyenneté à deux catégories, et en fait, c'est à cause des règles sur la radiodiffusion que nous l'avons au Canada. Il y a des quantités de gens au Canada et aux États-Unis qui ne veulent pas investir dans des actions de type citoyenneté à deux catégories, certaines avec droit de vote et d'autres sans droit de vote. On peut toujours trouver du capital, mais si je dois aller trouver du capital et concurrencer au taux de 20 p. 100 une personne qui peut en faire plus et avoir plus de souplesse alors que son capital lui coûte 10 p. 100, je suis sérieusement désavantagé. On peut donc trouver du capital, mais il faut qu'il y ait suffisamment de capitaux disponibles à l'échelle générale, et nous voulons avoir accès à ce capital au taux du marché, et non pas être la proie d'un fonds à vautour qui va nous imposer une clause de participation et toutes sortes de conditions.
Je sais que cela semble très simple d'émettre simplement plus de B et ne plus émettre de A pour régler le problème, mais les choses ne fonctionnent pas vraiment de cette façon, parce qu'à ce moment-là la composante A va contrôler 5 p. 100 du capital-actions total alors que les B vont en contrôler beaucoup plus et vont exiger plus de contrôle. Il y a donc de nombreux facteurs restrictifs dans cette structure du capital.
º (1600)
M. Louis Audet: Le fait est que l'évaluation du capital-actions de nos entreprises est très inférieure au Canada à ce qu'elle est dans l'ouest de l'Amérique du Nord. Nous soutenons que si nous pouvions vendre ce capital-actions à des citoyens américains, les prix monteraient et les actions canadiennes seraient moins diluées pour les actionnaires. Comme nous l'avons déjà dit, il ne s'agit pas de vendre l'entreprise, il s'agit de vendre du capital-actions à prix équitable de façon à maintenir un bon équilibre entre la dette et les capitaux propres. Il est clair que le marché est trop resserré au Canada. C'est une des raisons pour lesquelles les multiplicateurs sont inférieurs et pour lesquelles nous sommes ici.
M. John Tory: Je tiens à souligner cela. Il ne s'agit pas d'actions de type A ou de type B, d'actions avec droit de vote ou sans droit de vote. Quel que soit le type d'actions dont vous parlez, elles sont dévaluées dans une certaine mesure, dans une mesure certaine, du fait de ces restrictions à la propriété. En conséquence, quel que soit le type d'actions que nous émettons sur le marché, elles sont dévaluées en raison de ces règles, ce qui veut dire que cela nous coûte plus cher d'aller chercher l'argent dont nous avons besoin pour financer la construction de ces réseaux qui coûtent des milliards. Ou nous payons plus cher pour emprunter de l'argent, ou nous payons plus indirectement en émettant du capital-actions parce que nous vendons ce capital-actions nettement moins cher que nos compatriotes américains dans le même secteur. La question n'est donc pas de savoir s'il s'agit d'actions avec droit de vote ou sans droit de vote, le problème, c'est que les règles de propriété entraînent une dépréciation des actions des câblodistributeurs sur le marché américain en particulier.
M. Andy Savoy: Par ailleurs, vous parlez d'une différence d'appui à la levée des restrictions à la propriété étrangère selon la taille des entreprises; les grandes et les petites ne sont pas nécessairement d'accord, mais les entreprises de taille moyenne ont tendance à être d'accord. Pouvez-vous m'expliquer encore cette différence?
M. Louis Audet: Il y a deux très grosses compagnies de téléphone—pour ne pas les nommer—qui sont actuellement en situation de monopole et qui sont naturellement tout à fait prospères. Comparativement à nous, leurs besoins de capital sont moindres. Ces gens-là ont donc ce qu'ils veulent et ils vont vous dire que tout va très bien. Mais ce n'est pas vrai, parce que nous investissons beaucoup plus, proportionnellement, compte tenu de notre taille. À l'autre extrémité du spectre, les radiodiffuseurs ont depuis des années beaucoup de cash-flow disponible. Nous le savons parce que nous avons une filiale de radiodiffusion—totalement séparée sur le plan structurel, je le signale—dans une autre entreprise. Ces compagnies ont donc très peu besoin d'emprunter du capital, sauf lorsqu'elles acquièrent une propriété ou lancent une entreprise, et elles ont très peu besoin d'émettre du capital-actions parce qu'elles s'autosuffisent. C'est ce contraste que j'ai essayé de vous montrer.
M. Andy Savoy: Merci, monsieur le président.
M. Andy Savoy: Je vous remercie beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins suivants, de l'Université du Québec à Montréal. Mme Michèle Rioux va faire quelques remarques, et nous reprendrons ensuite les questions. Je vous souhaite la bienvenue et vous prie de nous excuser pour cette confusion dans les salles.
º (1605)
Mme Michèle Rioux (professeure, directrice de recherche au CEIM, Départment de science politique, Université du Québec à Montréal): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Nous sommes heureux de vous rencontrer. Nous sommes désolés d'être en retard, mais nous attendions dans l'autre salle. On ne nous avait pas prévenus du changement de salle.
Je suis directrice d'un projet de recherche sur la nouvelle économie politique des télécommunications à l'Université du Québec à Montréal. Nous étudions le secteur des télécommunications au Canada, mais aussi en Amérique du Nord, dans la perspective d'une intégration des Amériques. Nous sommes venus vous dire aujourd'hui qu'à notre avis il n'est pas dans l'intérêt du Canada de modifier les règles de propriété étrangère. Nous sommes opposés à la suppression ou à l'allégement des restrictions à l'investissement étranger, et dans les dix minutes dont je dispose je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Nous estimons que la levée ou l'allégement de ces restrictions comporte de nombreux risques, non seulement pour l'indépendance économique du Canada, mais aussi pour son autonomie politique. Je vais vous lire un résumé de nos conclusions et je prendrai ensuite quelques minutes pour développer plus en détail trois principaux arguments.
S'il est vrai que le Canada doit trouver des moyens d'attirer les investissements nécessaires pour la nouvelle infrastructure et les nouveaux services, nous estimons qu'il n'est pas dans l'intérêt du Canada d'ouvrir le secteur des télécommunications au capital étranger. Une telle réforme entraînerait à notre avis l'érosion des valeurs, de l'identité et de la souveraineté du Canada. Il est important de les préserver, et elles dépendent en grande partie de ces restrictions actuellement imposées. Cette réforme entraînerait aussi une perte de compétitivité des entreprises canadiennes, notamment en raison des risques de délocalisation des activités de R et D. Nous estimons que le Canada est un leader dans ce secteur et ce, en dépit, ou plus certainement grâce à l'existence des restrictions à l'investissement étranger.
Nous pensons aussi qu'elle entraînerait une réduction de notre capacité de réglementation dans ce secteur. La poursuite des objectifs nationaux serait rendue plus difficile en raison des pressions que risqueraient d'exercer des pays et des entreprises étrangères à la suite de la levée de ces restrictions. Nous pensons qu'elle entraînerait une plus grande instabilité du secteur des télécommunications. Jusqu'à présent, ces restrictions ont eu l'effet positif de protéger le marché canadien de l'instabilité qui sévit sur les marchés étrangers, notamment aux États-Unis. Cette réforme entraînerait aussi une plus grande dépendance du Canada envers les États-Unis et les entreprises américaines et une plus grande concentration de l'industrie canadienne des télécommunications, synonyme de perte d'emplois dans le secteur et de perte de la diversité du paysage industriel et culturel canadien.
Permettez-moi en quelques minutes de revenir aux divers arguments que nous avons avancés.
Notre démarche a peut-être l'air dépassé dans le contexte actuel de la mondialisation, mais nous ne le croyons pas. Il est vrai que les politiques économiques du Canada ont plutôt tendance à promouvoir qu'à freiner l'internationalisation et la libéralisation de l'économie. Nous essayons de profiter des investissements étrangers et, dans certains cas, c'est sans doute une bonne chose. Nous pensons aussi que ces restrictions appartiennent à un modèle que nous avons abandonné, et évidemment nous pouvons penser qu'il y a une sorte d'
[Français]
anachronisme dans le modèle actuel, qui repose sur la concurrence et sur l'autorégulation des marchés plutôt que sur la présence de monopoles et de la réglementation.
Mais, cela dit, nous pensons que ces restrictions sont encore valables et pertinentes dans le cas du Canada, surtout à l'égard des objectifs que nous avons à l'échelle nationale.
[Traduction]
Nous avons trois arguments principaux. Tout d'abord, en matière d'innovation, nous pensons qu'il est exact que...
[Français]
Je vais continuer en français, si vous me le permettez. Il est certain que des investissements importants sont nécessaires et que, surtout dans la conjoncture actuelle, il est difficile d'attirer les investissements. Certains voient dans la levée de ces restrictions un moyen efficace de relancer l'investissement, d'assainir la situation financière des entreprises et de créer un environnement économique porteur d'innovation grâce aux capitaux étrangers, mais nous en doutons.
Nous pensons que le domaine des télécommunications est l'un des secteurs où le Canada a su le mieux affirmer son leadership technologique, et cela, je le répète, en dépit ou peut-être en raison des restrictions à la propriété étrangère.
Comme la performance canadienne en témoigne, nous avons un réseau de très grande capacité et nous avons aussi un taux de pénétration des services à large bande très élevé comparativement aux autres pays du monde. L'élimination des restrictions pourrait paradoxalement et fort probablement favoriser un repli des performances de l'économie canadienne en matière d'innovation et surtout de diffusion de l'innovation à l'ensemble des Canadiens.
Le risque de délocalisation des activités en recherche et développement ne doit pas être sous-estimé, non plus que la perte possible de plusieurs avantages concurrentiels qu'une plus grande participation des entreprises étrangères ne manquerait pas de diffuser hors du Canada.
En dernier lieu, les décisions économiques qui orientent le développement de l'économie canadienne pourraient de plus en plus être prises à l'extérieur du Canada. Le Canada serait alors dans une situation beaucoup plus préoccupante que celle qu'il connaît actuellement, et cela se traduirait notamment par la fin de son leadership dans la nouvelle économie et par une dépendance accrue envers les États-Unis.
L'investissement étranger n'est pas une solution appropriée pour dynamiser l'innovation au Canada. Nous pensons qu'il est plus juste et plus important de soutenir et d'améliorer la capacité d'innovation des Canadiens, ce qui aura beaucoup plus d'effets et de retombées sur la prospérité du Canada et des Canadiens.
Voyons maintenant l'argument qui porte sur la concurrence. Nous pensons que concrètement, l'élimination ou l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère pourrait entraîner la disparition de plusieurs entreprises canadiennes après leur acquisition par des entreprises américaines dont la puissance, nous le savons, est sans comparaison avec celle des entreprises canadiennes.
Quelle est la probabilité que les entreprises canadiennes puissent résister à la concurrence des entreprises, notamment à celle des entreprises américaines? Certains avanceront l'idée que les entreprises canadiennes sont concurrentielles et qu'elles sont en mesure d'accroître leur présence sur les marchés. Mais cette confiance ne vient-elle pas justement du fait qu'elles ont bénéficié d'une position de protection sur le marché canadien? En réalité, il faut plutôt remarquer que dans un marché de plus en plus nord-américain, les asymétries ne jouent pas en faveur du Canada et des entreprises canadiennes.
º (1610)
Le secteur des télécommunications, ces 20 dernières années, et ces 10 dernières années au Canada, a traversé un genre de paradoxe. L'introduction de la concurrence par les gouvernements se traduit, de manière surprenante, par une concentration phénoménale du marché dont témoigne la multiplication des fusions et des acquisitions.
L'idée selon laquelle l'existence d'une structure de marché concurrentielle au Canada passe par la concurrence étrangère est déconnectée de toute observation empirique. D'ailleurs, tout indique que nous sommes à l'aube d'une vague de concentration sans précédent sur le marché américain. Ceci est vrai dans le secteur des télécommunications et ceci est aussi vrai dans le secteur des médias, ce qui amène la problématique supplémentaire de nos règles en vue de promouvoir et de protéger le contenu canadien.
Par ailleurs, l'ouverture accrue du secteur des télécommunications à la concurrence étrangère dans les médias et dans les télécommunications ne sera pas sans impliquer aussi l'émergence d'une revendication commune chez les entreprises canadiennes pour soutenir un mouvement de concentration de leur part. La concentration pourrait être défendue justement pour garantir une voix plus forte, en termes de contenu, sur la scène internationale pour le Canada, afin de favoriser par la même occasion l'innovation, même si cela signifie qu'il faut sacrifier la diversité de notre paysage industriel et culturel.
[Traduction]
Le dernier point est peut-être le plus important.
[Français]
L'ouverture à la concurrence internationale soulève d'importants débats sur la capacité réelle des États à promouvoir l'intérêt public. L'élimination des restrictions compliquera l'action réglementaire dans les télécommunications et dans la radiodiffusion, et diminuera les possibilités pour les Canadiens d'influencer les décisions des entreprises. Cette perte d'influence se réaliserait très certainement au détriment des Canadiens, du public en général et plus particulièrement des Canadiens dans les zones rurales.
L'investissement étranger pourrait être le vecteur d'une évolution de l'approche réglementaire canadienne au détriment de l'intérêt public. Il est ici important de souligner encore une fois le poids de notre relation très spéciale avec les États-Unis. À n'en pas douter, ils sont opposés à la réglementation. Ainsi, un nivellement par le bas du cadre réglementaire canadien pour s'ajuster à l'environnement américain est à craindre.
À l'heure où l'intégration de nos deux économies est la plus profonde, c'est la défense de nos valeurs qui exprime avec le plus de force notre identité canadienne. Éliminer les restrictions à la propriété étrangère mettrait en péril ces valeurs.
Nous croyons que l'enjeu principal de ce débat est notre capacité de préserver l'identité et la souveraineté canadiennes, toutes deux essentielles à la construction d'une société de l'information qui réponde à nos aspirations. Toute décision relative à la participation étrangère dans les télécommunications ou la radiodiffusion devrait reposer sur l'assurance que nous pouvons trouver des instruments efficaces au niveau national ainsi qu'au niveau international pour éviter l'accroissement incontrôlé du pouvoir économique de quelques grandes entreprises dans ces secteurs.
La difficulté en Amérique du Nord, et nous le savons fort bien, est l'aversion féroce que portent les États-Unis à quasiment toute forme de régulation des marchés, surtout dans les secteurs où ils sont les plus performants. Et pourtant, les dysfonctionnements, toujours plus nombreux, et l'inefficience de la concurrence dans ce domaine nous démontrent que les mécanismes du marché ne seront pas suffisants pour nous faire entrer dans l'ère de l'information.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président et membres du comité, nous croyons qu'il faut s'opposer à tout changement et à toute réforme de la loi concernant les restrictions à la propriété étrangère. Je vous remercie.
º (1615)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant poursuivre les questions.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président.
Messieurs, madame, je tiens à dire que j'endosse pleinement tous les propos de madame. En effet, le Bloc québécois s'oppose lui aussi à la levée des restrictions qui sont imposées présentement dans le domaine des télécommunications.
J'aimerais revenir sur un passage du mémoire que monsieur a présenté et dans lequel on disait que la séparation entre la diffusion et le contenu n'affecterait pas la radiodiffusion. Dans le cadre de l'étude que vous avez déposée devant ce comité, avez-vous analysé cette façon de penser? Pour leur part, ils séparent vraiment la diffusion et la radiodiffusion.
Mme Michèle Rioux: Je pense que dans le contexte de la convergence industrielle, cette séparation est de plus en plus mise à mal. Il semble y avoir beaucoup d'incertitude. On peut arguer que nous avons des instruments, mais à mon avis, il règne une incertitude qui a trait surtout à la réglementation.
À mon avis, le fait de ne pas réglementer Internet, notamment, cause des problèmes, étant donné qu'éventuellement, c'est le canal qu'empruntera le contenu. Il me semble donc indiqué d'être plutôt conservateur et prudent.
Je ne sais pas si tu voulais ajouter quelque chose.
M. Mathieu Arès (attaché de recherche principal, Amérique latine, Groupe de recherche et d'étude sur l'économie et la sécurité de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal): Peut-être. Le grand problème n'est pas surtout le contenu. On en a eu un bel exemple hier, quand M. Pierre Karl Péladeau a dit qu'on pouvait désormais avoir une société intégrée en matière de diffusion et de contenu, et que cela deviendrait la norme.
En ce qui a trait à la convergence, il y a eu un échec retentissant. J'ai l'impression que cela sera repris dans les mois et les années à venir, et que c'est le modèle de l'avenir. Il peut donc en effet y avoir un certain risque, et il est difficile d'établir une démarcation claire entre le contenant et le contenu.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: On a rencontré des gens qui venaient du monde de la diffusion et de la production. Ils nous ont dit que présentement, les balises qui existent en vertu de la loi les fragilisent au plan de la diffusion et de la production. Même pour ce qui est de la langue française, on doit toujours se battre pour avoir notre place dans le domaine de la production.
En ce qui vous concerne, pensez-vous que le CRTC a présentement tout ce qu'il faut pour imposer des normes à l'égard de la diffusion des programmations québécoise et canadienne, ou qu'il faudrait plutôt lui donner des moyens additionnels?
º (1620)
Mme Michèle Rioux: Je pense que ça fragilise effectivement notre capacité d'avoir et de préserver le contenu canadien, surtout avec le broadband. Quand on parle des services à large bande, on parle de broadcast tv; on est en Amérique du Nord et on sait ce que cela va signifier. Il y a un risque de dumping culturel de la part des entreprises américaines qu'il ne faut pas sous-estimer ou négliger de prendre en considération.
Le CRTC a quand même fait un travail assez exceptionnel jusqu'à maintenant, surtout avec la tendance à la déréglementation. Il a tenté de soupeser et d'équilibrer différents objectifs parfois contradictoires. À mon avis, cette ouverture à la concurrence étrangère va fragiliser ou compliquer son travail.
Je ne crois pas que ces instruments puissent être imaginés dès demain. Il faut les concevoir à l'échelle non seulement nationale mais aussi internationale, parce qu'il existe des possibilités de bypass ou, en français, de contournement. Ce sont là des problèmes qui ne seront pas faciles à résoudre pour un organisme de réglementation national.
M. Louis Audet: Je pense que vous avez mis le doigt sur un point important. Dans notre présentation, nous ne confondons pas les contenus et leur distribution. Or, d'après la présentation que je viens d'entendre, les contenus et la distribution seraient une seule et même activité.
Il est évident que certaines compagnies, et nous en sommes, ont pour but de réunir plusieurs activités parallèles sous le même chapeau. La question n'est pas de savoir si on veut ou si on ne veut pas le faire, mais bien de savoir si le gouvernement a le pouvoir de décréter que les activités de distribution et de contenu seront structurellement séparées. Le gouvernement a ce pouvoir. Il dispose de tous les mécanismes pour l'imposer, ce qui permettrait au secteur de la distribution de trouver tous les capitaux dont il a besoin pour faire son travail.
Il ne s'agit donc pas de savoir s'il y a ou non confusion; il suffit que le Parlement se prononce, comme il l'a déjà fait, par l'entremise du CRTC, sur les règles de distribution et d'assemblage, sur la priorité aux signaux canadiens ou sur le non-favoritisme à l'égard d'un distributeur et d'un contenu qui appartiennent à la même compagnie. Toutes ces règles sont déjà en vigueur. Il suffit que le Parlement exprime sa volonté pour que les entrepreneurs la respectent; ils n'ont en effet d'autre choix que de la respecter, que ce soit en radiodiffusion, en exploitation minière ou dans tout autre domaine.
En outre, on parle ici beaucoup de la concurrence étrangère et de ce qui menace les valeurs canadiennes. Celles-ci sont véhiculées par les contenus canadiens et, comme nous l'avons dit plus tôt, nous sommes tout à fait d'avis que les entreprises de programmation canadiennes devraient conserver un contenu canadien. Cette question-là, en ce qui nous concerne, n'est donc absolument pas en jeu.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Permettez-moi d'en douter, monsieur. Quand on ouvre une boîte de Pandore, le désordre s'installe. Si les Américains prennent le contrôle de nos entreprises, ils auront le contrôle du contenu. Je n'endosse pas votre position parce qu'à mon avis, on ne peut pas séparer ces deux éléments. Si j'ai bien compris, le pourcentage permis d'investissements étrangers n'est pas encore atteint.
Permettez-moi donc d'en douter et permettez-moi aussi de vous dire que la culture ne se négocie pas. Quand on veut diffuser sa culture, il faut prendre tous les moyens pour la protéger. Je pense que créer une ouverture de ce côté-là... Si vous étiez législateur, permettriez-vous qu'on ouvre cette porte quand on sait que lorsque les Américains prennent le contrôle, on ne peut rien leur interdire?
J'ai beaucoup de difficulté à me rallier à votre point de vue.
º (1625)
M. Louis Audet: Il me fait plaisir de répondre à votre question, madame Girard-Bujold.
La famille que je représente oeuvre dans le domaine de la télévision depuis 1957, dans celui de la radio depuis 1985, et dans celui de la câblodistribution depuis 1972. Notre entreprise a participé à maintes reprises à des assemblées comme celles-ci et a aidé à façonner la réglementation; ainsi, nous sommes tout à fait à l'aise face aux positions que nous adoptons aujourd'hui. Pourquoi? Parce que les contenus que nous produisons--quant à ce qui peut et ne peut pas être fait--en radio et en télévision sont réglementés par le CRTC. De surcroît, les moyens par lesquels ces produits ou d'autres encore doivent être distribués prioritairement sur les réseaux de câble sont prescrits et observés par tous les joueurs de l'industrie de la distribution.
L'observation de ces prescriptions n'a aucun lien avec la propriété de l'entreprise de distribution.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
M. Tory veut faire une remarque, et ensuite je passerai à quelqu'un d'autre.
M. John Tory: Je voudrais simplement ajouter, pour souligner encore l'argument que nous avons essayé de développer, que nous ne demandons pas, nous ne recommandons pas de changement des règles concernant la propriété des entreprises de contenu et la façon dont les services canadiens et autres sont distribués.
Revenant à un point abordé par Janet tout à l'heure, nous sommes l'un des rares pays à conserver encore ce genre de restrictions pour les entreprises de télécommunications ou de câblodistribution. J'imagine, pour répondre à mes amis de l'Université du Québec, que le fait que la plus grosse compagnie de télévision par câble du Japon appartienne à des Américains n'a pas remis en question la culture japonaise ni les règles que les Japonais imposent aux entreprises de contenu au Japon. En Espagne, la deuxième compagnie de câblodistribution en importance est contrôlée par des investisseurs étrangers, notamment la Caisse de dépôt du Québec, et je pense là encore que le fait que cette entreprise de câblodistribution soit entre les mains d'investisseurs étrangers n'a nullement affecté la culture et l'identité espagnoles. Je suis sûr que c'est à cause du régime que les Espagnols ont choisi pour réglementer ce qui est distribué, par opposition à la compagnie de distribution elle-même. Je pense que ces pays se sont rendu compte qu'ils avaient besoin de capital étranger pour innover et permettre à ces entreprises d'être fortes pour pouvoir distribuer de nombreux services.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Tory, je me demande si l'amendement proposé que je vois à la page 26 a été soumis au ministère. Le sous-ministre est venu nous dire qu'il était perplexe et se demandait ce que le ministère devait faire, et qu'il nous demandait nos conseils. Je me demande si vous lui avez donné les mêmes que ceux que vous êtes en train de nous donner.
Mme Janet Yale: Nous avons bien montré comment on pourrait réaliser le changement que nous proposons en modifiant les orientations fixées au CRTC. À votre intention, nous avons précisé dans cette annexe la façon dont cela pourrait se faire pour le secteur des télécommunications et celui de la câblodistribution. Ils sont différents, puisqu'il y a deux lois différentes. Nous donnons ces deux informations ici, mais nous les avons aussi largement partagées.
M. Joseph Volpe: Quand vous dites largement, vous voulez dire que vous les avez partagées avec le ministère du Patrimoine?
Mme Janet Yale: Oui.
M. John Tory: Et avec le Comité du patrimoine de la Chambre des communes, monsieur Volpe. Nous avons comparu devant ce comité et lui avons fait les mêmes suggestions.
M. Joseph Volpe: Et avez-vous eu plus de succès qu'ici avec Mme Rioux et d'autres témoins quand vous avez présenté cette argumentation?
M. John Tory: Je ne parle qu'en mon nom personnel, mais mes collègues peuvent aussi intervenir. Je crois que notre argumentation a été très bien reçue au Comité du patrimoine de la Chambre des communes. Bien sûr, nous avons subi un interrogatoire aussi serré qu'ici, mais je pense que les membres du comité comprenaient bien ce que nous leur expliquions. Ce que nous recommandons ici, ce sont des mesures qui nous aideraient, par le biais d'une libéralisation des règles de propriété, à trouver le capital nécessaire pour consolider nos entreprises et offrir des services plus novateurs aux Canadiens. Nous ne sommes pas là pour recommander un changement qui toucherait les entreprises qui s'occupent de contenu et leur propriété, la façon dont on les traite, dont on distribue le contenu et toutes les choses dont Louis a parlé, alors que nous avons probablement au Canada l'une des industries les plus étroitement réglementées au monde. Nous ne sommes pas là pour nous plaindre ou pour critiquer cela; nous acceptons parfaitement ces règles et nous allons continuer de les accepter. Tout ce que nous demandons, c'est qu'on modifie les règles de propriété, et j'ai été très agréablement surpris par la réception très équilibrée que nous avons reçue d'un groupe dont le mandat, je crois, est de se préoccuper tout particulièrement de questions que votre collègue évoquait il y a un instant. Je crois que c'est parce qu'ils ont reconnu la distinction que nous faisions entre propriété des entreprises de distribution et réglementation des entreprises de contenu.
º (1630)
M. Joseph Volpe: Vous avez l'air très convaincant, mais votre pedigree risque de se ternir un peu si vous continuez à parler sans arrêt de «libéralisation».
M. John Tory: J'essaie d'éviter ce genre de pedigree actuellement, monsieur Volpe. Je m'occupe de politique locale maintenant, sans aucun parti pris.
M. Joseph Volpe: Je me demande si votre évaluation de votre niveau de succès est juste. Mon collège d'en face et d'autres autour de cette table n'ont cessé d'insister sur la nécessité de protéger la culture. L'intervention de Mme Rioux n'est que le dernier exemple de cette position particulière, un point de vue tout à fait valable qu'il ne faut en aucune façon dénigrer. Mais c'est la première fois qu'on soumet à notre comité un amendement aussi bien ciselé. D'autres témoins ont fait d'excellents exposés, mais les entreprises de télécommunications ont tendance à réclamer une libéralisation du système alors que ceux qui s'occupent de programmation ou de création de contenu ne partagent pas votre optimisme et votre assurance, en dépit du fait qu'on considère le CRTC comme votre outil.
M. Jim Shaw: Quand nous discutons avec le Conseil, les radiodiffuseurs, en particulier les gens qui s'occupent des services, les nouveaux réseaux numériques, etc., tout le monde nous demande sans arrêt, à nous les entreprises de télécommunications, de leur donner un peu plus de place—est-ce que vous auriez une cinquantaine de canaux supplémentaires pour moi Jim et pour Louis et pour John? Si je pouvais trouver de la place pour quelques produits supplémentaires, je pourrais développer mon entreprise. On voit CHUM passer de 12 canaux à 20 ou 25 et plus, et nous devons constamment fournir l'infrastructure nécessaire à la transmission de ces services au Canada. Tous ces gens-là ne se rendent pas compte de ce que cela implique de fournir l'Internet à 2 millions d'abonnés au Canada, d'assurer un service de câblodistribution, de passer 100 canaux sur le câble, de devoir sans arrêt améliorer le dispositif. Essentiellement, ce sont des questions d'ordre technique et de câblage. Tout ce que les gens disent, c'est qu'ils voudraient que nous leur fassions un peu plus de place. Et ce que nous disons, c'est que nous aurions besoin d'avoir accès à du capital pour pouvoir construire l'infrastructure qu'on nous réclame et avancer. On nous dit sans arrêt que c'est parfait, que nous n'avons qu'à le faire, mais en même temps on ne veut pas nous donner les outils nécessaires. Quand on creuse, on a besoin d'une pelle, et tout ce que nous demandons ici, ce sont des outils de base pour développer le système. Est-ce que le Canada va progresser s'il ne se passe rien au comité? Oui. Est-ce qu'il progressera au rythme où il devrait le faire? Non. Ces entreprise sont totalement isolées par toutes les règles en vigueur au Canada, et le Canada a tout un ensemble de règles bien confortables pour ces entreprises, et il n'y a aucun rapport entre ce que j'essaie de faire pour développer l'industrie de la câblodistribution et faire progresser l'infrastructure par câble pour les réseaux à bande large au Canada et ce que ces entreprises essaient de faire pour développer un contenu canadien pour les Canadiens.
Mme Janet Yale: Toute cette conversation semble reposer en grande partie sur l'idée qu'il n'y a pas d'inconvénient, qu'il n'y a pas de risque à ne pas aller de l'avant. On parle simplement des risques et des préoccupations liés au changement. Je sais bien que les gens ont peur du changement, mais nous avons tenu à bien préciser qu'il y avait un inconvénient à ne pas progresser. On considère à Ottawa que nous sommes des fournisseurs dont les installations sont censées être à la pointe du progrès dans toutes sortes de domaines nouveaux, la vidéo sur demande, les services interactifs, la téléphonie en concurrence avec les compagnies de téléphone. Mais ce sont des investissements massifs en infrastructure que nous devons faire pour ces entreprises. Pour ceux qui souhaitent l'innovation et la concurrence sur ces marchés, je crois que c'est un sérieux inconvénient de ne pas aller de l'avant.
Pour ce qui est de la question culturelle, je pense qu'il est utile de rappeler que de nombreux autres pays se préoccupent beaucoup de leur politique culturelle. La France est bien connue pour cela. Tous ces pays ont reconnu—et nous l'avons établi pour chacun d'entre eux—que l'élargissement de l'accès au capital leur avait permis de libéraliser leur marché. Ils ont conservé les restrictions à la propriété pour les entreprises qui s'occupent de contenu et ils ont réussi à protéger leur culture. Tout ce que nous voulons, c'est simplement faire la même chose que ce que font pratiquement tous les autres pays au monde.
º (1635)
M. Louis Audet: Pour compléter ce qu'a dit Janet, des représentants du Royaume-Uni vous ont fait un exposé tout à fait objectif. Or, c'est là un exemple de pays qui a su se servir très astucieusement du capital étranger, du capital non britannique, pour construire un réseau parallèle de câblodistribution et susciter une excellente concurrence entre l'industrie de la câblodistribution et British Telecom pour le plus grand bien des citoyens britanniques. Et malgré cela, je pense que nous sommes tous d'accord pour constater que les Britanniques n'ont pas renoncé pour autant à une once de leur souveraineté culturelle.
M. John Tory: Au cours de sa brève histoire, l'industrie de la câblodistribution au Canada a joué un rôle de chef de file mondial. Ce sont ici que les choses ont débuté. Par exemple, c'est au Canada que l'Internet par câble a démarré. C'est au Canada qu'il y a la plus grande pénétration au monde en matière de large bande. Et je crois que cela n'est pas le résultat des restrictions à la propriété imposées à nos entreprises. Je crois que cela s'est fait à cause de notre géographie et de notre climat et parce que nous avons réfléchi au moyen d'être à la pointe dans le domaine des télécommunications. Ce que nous disons maintenant c'est que nous ne voulons absolument rien sacrifier au Canada, mais que nous avons besoin d'avoir accès au capital étranger pour préserver ce rôle de chef de file mondial et ne pas être obligés de jouer les seconds rôles, tous les quatre, quand nous irons à des congrès en Amérique du Nord, à cause de l'état de nos réalisations, de nos réseaux, etc. Nous avons effectué des investissements intellectuels et financiers considérables, et nous avons besoin de plus d'argent pour rester un chef de file mondial. Comme Jim l'a très bien dit au début, nous ne pouvons pas trouver cet argent à des taux compétitifs ou à des conditions acceptables au Canada, et nous avons donc besoin d'aller chercher de l'argent et du capital-actions ailleurs.
Le président: Merci, monsieur Volpe.
Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
À la page 27, vous avez un tableau comparatif des investissements par abonné au Canada et aux États-Unis. Compte tenu de ce que vous venez de nous dire sur notre situation actuelle, notre histoire et l'infrastructure que nous avons déjà mise en place, il est évident que les États-Unis ont de beaucoup plus gros investissements dans ce domaine. Certains témoins nous ont dit qu'on pouvait parler de surinvestissement à certains égards, d'investissements qui dépassaient leurs moyens. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que la capitalisation n'est pas la clé d'une industrie saine? Si nous avons un meilleur produit, un meilleur service, une large bande et ces choses dont vous avez parlé dans votre exposé et vos remarques, l'accès au capital n'est pas forcément l'élément le plus important pour doter cette industrie d'une solide infrastructure au Canada.
M. John Tory: Sauf votre respect, je crois qu'il y a peut-être quelque chose que vous ne comprenez pas. Il est question ici du différentiel entre l'investissement par abonné au Canada et cette même donnée aux États-Unis, exprimée en dollars canadiens. Il semble que nous ayons dépensé moins d'argent par abonné tout en nous assurant la position de chef de file mondial dans certains domaines, comme je l'ai mentionné, mais nous ne nous demandons pas si nous devrions dépenser plus d'argent par abonné. Je suis fier que nous ayons pu décrocher cette position de chef de file mondial en dépensant ce que nous avons dépensé par abonné. Prenons Rogers, à titre d'exemple. À la fin du présent exercice, nous aurons dépensé, sur une période de trois ans, 2 milliards de dollars dans la mise à niveau de nos réseaux. Peu importe ce que cela représente par abonné, il devient de plus en plus difficile de trouver l'argent nécessaire pour continuer la politique d'investissement qui nous maintient en tête au Canada, et il devient de plus en plus nécessaire pour nous d'aller chercher ailleurs ces investissements et de s'assurer, dans certains cas, ces partenaires stratégiques qui nous aideront à maintenir l'avantage dont jouissent notre entreprise et notre industrie au pays.
º (1640)
Mme Janet Yale: L'un des points clés que nous essayons de faire passer est le coût élevé que nous payons pour le capital. Nous avons soumis à votre comité une étude qui s'est penchée sur le fait que les entreprises canadiennes de téléphonie et de câblodistribution sont pénalisées, ce qui se traduit par un coût réel par abonné, en raison du prix élevé que nous payons pour le capital ce qui, ensuite, nous oblige à dépenser moins. L'étude laisse entendre—et je vous en recommande la lecture—que les entreprises canadiennes de câblodistribution paient une prime de 2,61 $ par mois par abonné. Cela résulte du coût différent du capital au Canada par rapport aux États-Unis. Voilà la conséquence clé de ce différentiel que nous soulignons.
M. Brian Masse: D'accord.
Le président: Monsieur Arès, vous vouliez intervenir.
[Français]
M. Mathieu Arès: J'aimerais répondre en partie à l'argument qui a été présenté plus tôt concernant le fait que la Grande-Bretagne a permis la participation étrangère. En termes d'investissements réels, de façon globale, la Grande-Bretagne devance le Canada; j'ai sous les yeux les statistiques de l'OCDE à cet égard. Cependant, de façon générale, le niveau d'investissements de l'industrie est presque identique dans le cadre d'un régime réglementé ou d'un régime ouvert. Il s'agit donc d'un impact nul.
Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Masse, je vous en prie, continuez.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne l'investissement qui vous vient de l'étranger, êtes-vous plafonnés à l'heure actuelle? Est-ce que toutes vos entreprises ont atteint leur maximum, ou reste-t-il une certaine marge?
M. John Tory: Je crois que nous avons probablement tous, dans une certaine mesure, une marge disponible, parce qu'il nous faut rester en-deçà du seuil, mais je crois que cela soulève une question intéressante. Bien sûr, quelqu'un à New York ou à Chicago pourrait bien vouloir acheter 1 000 actions, voire 100 000, et nous pourrions malgré cela rester en-deçà des limites. Mais si l'entreprise veut attirer un investisseur, il s'agit souvent, de nos jours, d'investissements non pas de l'ordre des 50 000 actions, mais de l'ordre du million d'actions, ou encore quelqu'un qui veut être un partenaire stratégique à la faveur d'un investissement de dizaines et de dizaines de millions de dollars afin de détenir un réel intérêt dans votre entreprise. Or, dans bien des cas, si les investisseurs potentiels voient que vous vous rapprochez déjà de la limite, et aussi longtemps qu'il y aura des seuils en place, ils renonceront à de tels investissements parce qu'ils ne voudraient pas se retrouver plus tard avec un investissement bloqué parce qu'ils ne peuvent pas vraiment s'en départir. Voilà donc un problème en soi. Bien sûr que nous sommes en-deçà du plafond, puisque ce sont les règles que nous devons respecter, mais cela restreint notre capacité d'approcher des investisseurs américains et de leur offrir une occasion d'investissement en leur demandant les capitaux nécessaires pour alimenter nos entreprises.
M. Brian Masse: Donc, vous êtes près du plafond.
Le président: Monsieur Shaw.
M. Jim Shaw: Au cours des dernières années, vous avez vu notre entreprise connaître une certaine expansion. Par voie d'acquisition, nous avons intégré un important câblodistributeur de Grande-Bretagne. Nous avons investi beaucoup d'argent là-bas mais, en fin de compte, nous avons dû sortir de ce marché parce que nous ne pouvions nous permettre les capitaux nécessaires tout en redéployant l'argent au pays pour une utilisation plus judicieuse. Je crois que c'est une société néerlandaise qui a racheté le câblodistributeur. Le modèle britannique fonctionnait bien parce qu'il interdisait l'entrée sur le marché de nouveaux concurrents et il a vraiment attiré beaucoup de capitaux, dont beaucoup de capitaux canadiens au début. Récemment, notre entreprise a vendu ses actifs américains—nous n'en avions que quelques-uns—, et nous avons essayé de rapatrier ces 300 millions de dollars pour favoriser notre bilan ici et pour poursuivre l'expansion au pays. Nous avons jugé que cela était une meilleure utilisation de nos fonds et capitaux dans une perspective progressiste.
Avec le rétrécissement de la capitalisation à l'échelle mondiale, je crois que l'on voit beaucoup d'entreprises se replier au Canada, ce qui témoigne du fait qu'il nous faut utiliser nos capitaux au pays. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour obtenir un accès amélioré au capital.
M. Brian Masse: La question s'adresse à l'un ou l'autre des professeurs. Vous avez noté une perte de concurrence et la délocalisation de la R-D. Y a-t-il une théorie à l'appui, ou encore, pouvez-vous avancer des exemples concrets d'une telle évolution dans d'autres pays qui ont libéralisé leur régime?
º (1645)
M. Mathieu Arès: L'analyse est de nature plus théorique, mais pourquoi chercher à l'étranger lorsque toutes les installations sont sur le marché national? Il y a le risque de devenir des filiales des États-Unis. Cela est un fait dans la plupart des secteurs, sauf dans le domaine des télécommunications. C'est l'une des trois ou quatre de nos industries qui jouit d'une base nationale d'innovation qui protège le leadership et crée des emplois. L'argument principal que nous présentons aujourd'hui est le suivant : pourquoi modifier quelque chose qui fonctionne? Le système fonctionne. C'est tout. C'est ce que nous voulions dire.
M. Brian Masse: Ma question s'adresse aux entreprises de câblodistribution. Dans votre exposé, à la page 19, vous notez qu'il y aura de nouveaux types d'innovation. Pouvez-vous préciser quels seront les types d'innovation que les investissements en capital engendreront, et qu'est-ce que cela représente pour le consommateur? À quel genre d'innovation serions-nous en droit d'assister si nous libéralisions le régime?
M. Jim Shaw: À l'heure actuelle, nous étudions la vidéo sur demande dans le cadre d'essais sur l'Internet, et la formule conjugue une diffusion sur large bande et la vidéo en continu qui sont toutes deux acheminées dans votre foyer, et qui seraient contrôlées par l'entremise de votre ordinateur et de votre décodeur à la maison, assortis de toutes les fonctionnalités en continu—la possibilité d'interrompre, ou de revoir les bandes sur 48 heures, par exemple. Par ailleurs, nous examinons de près la télévision haute définition, qui représente l'avant-garde, avec cette évolution vers une qualité accrue. Chez Shaw, personne ne nous a jamais téléphoné pour en obtenir moins. Si nous ne mettons pas au point ces nouveautés dès maintenant, les clients nous appelleront sans doute pour se plaindre qu'ils n'en obtiennent pas assez. Mais ce qui est sûr, c'est que personne n'en réclame moins. Ce serait comme si quelqu'un à qui on offre le choix entre une voiture neuve et une vieille voiture, choisissait la vieille voiture. À mesure que nous développons ces réseaux, la haute définition vient s'ajouter, et la téléphonie au premier plan, même si ce n'est pas pour tout de suite, car il faut beaucoup de temps pour mettre ces réseaux à niveau de façon à être concurrentiels au Canada.
Nous assistons donc à beaucoup d'innovation. Je sais que les autres entreprises élaborent d'autres projets et le Canada, même pour la vidéo sur demande et d'autres services, est un chef de file à l'échelle nord-américaine et mondiale.
M. Louis Audet: Pour la vidéo sur demande, nous accélérons le déploiement, mais nous en sommes aux toutes premières étapes pour la téléphonie. En effet, nous offrons la téléphonie locale par câble. Cela supposera un effort énorme. Je vous l'accorde, la plupart de ces produits de téléphonie ont été mis au point aux États-Unis, parce que c'est là que se trouve la masse critique pour établir des normes et mener une production à grand volume. En règle générale, le matériel est conçu, sinon aux États-Unis, peut-être au Canada, mais en fonction d'une normalisation adaptée au marché américain. Cela dit, il ne faut pas sous-estimer la taille du défi sur le plan du capital, de l'imagination, du déploiement du service afin de pouvoir, grâce à de nouvelles entrées de capitaux, bien entendu, livrer une concurrence réelle aux entreprises desservant les indicatifs locaux. Voilà le prochain grand défi qui nous attend.
La télévision interactive en est un autre. Nous sommes tous actifs dans ce dossier à différents degrés, mais il n'en demeure pas moins que le véritable potentiel de la télévision interactive demeure jusqu'ici inexploré. Ce potentiel est si vaste et si multiple que les entreprises ont eu énormément de mal à en créer un modèle économique et à identifier les différents aspects de ce service qui intéresseraient les clients. Nous avons une idée générale, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.
Je dirais donc que deux activités importantes exigeront beaucoup de créativité, mais il nous faut admettre que l'impulsion pour le développement de l'équipement et son déploiement dans les foyers canadiens vient des États-Unis. Peut-être que notre pays n'aime pas beaucoup l'admettre, mais c'est un fait.
º (1650)
Le président: Merci.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien votre texte, vous êtes en faveur des mesures visant à permettre aux entreprises canadiennes d'avoir accès à des capitaux étrangers. Présentement, le manque de capitaux est un obstacle au développement de vos entreprises.
Vous dites également que votre association ne propose de modifications ni au règlement régissant les entreprises chargées du contenu de radiodiffusion ni au cadre réglementaire régissant la distribution, la radiodiffusion et la télécommunication.
En outre, dans l'étude de M. Corriveau, qui a été mise de l'avant, on conclut de la façon suivante:
Dans les dix-huit pays examinés tout au long de cette étude, on ne trouve aucun exemple permettant d'affirmer qu'un organisme réglementaire a été moins efficace du fait que certaines EDR étaient entre les mains d'étrangers; pas plus qu'on ne peut citer d'objectifs culturels, comme par exemple la promotion d'émissions produites nationalement, qui aient été entravés en conséquence de cette propriété étrangère. |
Cette étude a été menée dans 18 pays. Nous avons reçu, comme mes collègues l'ont dit plus tôt, des représentants du Royaume-Uni. Leur gouvernement a décidé de privatiser ce domaine; ils ont donc accepté des capitaux étrangers et ils ont établi un cadre réglementaire pour protéger leur souveraineté culturelle.
J'ai l'impression que la souveraineté culturelle est aussi pour les Canadiens et les Canadiennes--du moins pour les parlementaires---une préoccupation majeure. Comment peut-on la protéger? Il semble presque impossible de dissocier le contenu du contenant. Par contre, monsieur Audet, votre entreprise est subdivisée, et il semble que ce soit aussi le cas de Shaw et de Rogers; vos entreprises sont subdivisées de façon très claire.
Comme mon ami Volpe l'a mentionné plus tôt, vous proposez au CRTC certaines modifications:
Il est ordonné au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de ne pas délivrer de licences pour l'exploitation d'un réseau ou d'une entreprise de programmation ni d'accorder de modification ou de renouvellement de telles licences aux demandeurs qui sont des non-Canadiens. |
On s'entend pour dire que vous n'êtes pas là pour faire de la pastorale mais bien pour faire des affaires. Or, quand on veut se développer, on cherche des capitaux pour augmenter la plus-value de l'entreprise.
À l'heure actuelle, vous êtes régis par une réglementation qui vous oblige à desservir équitablement toute la population canadienne, peu importe l'endroit où elle se trouve sur le territoire et la langue qu'elle utilise.
Madame Yale, monsieur Audet et vous tous, imaginons le scénario suivant. Vous êtes à la recherche de capital et une entreprise étrangère--pas nécessairement américaine; elle pourrait être japonaise, allemande ou française, peu importe-- répond à votre demande de capitaux et veut par la même occasion occuper une position stratégique dans l'entreprise pour être en mesure de décider des orientations. À la longue, le contrôle vous échappe et votre entreprise devient de plus en plus une compagnie étrangère. Dans l'hypothèse--les professeurs travaillent beaucoup avec des cadres théoriques, moi je vais utiliser un cadre hypothétique--où la propriété d'une entreprise comme Rogers ou Cogeco deviendrait majoritairement étrangère, pourrait-on appliquer la même modification et lui retirer la licence actuelle?
M. Louis Audet: Je pense que cela va de soi. En fait, c'est l'essence même de la proposition que nous avons présentée au comité. À partir du moment où, pour des raisons étapistes, un étranger deviendrait accidentellement--c'est bien de cela qu'on parle dans votre scénario--propriétaire d'entreprises de contenu, il serait ipso facto obligé de s'en départir. Cela serait prévu dans les règlements; il s'agit de l'essence même de ce que nous proposons au comité.
º (1655)
M. Serge Marcil: J'aimerais poser une question à madame. Le CRTC applique présentement une loi qui a été votée par le Parlement, et le Bureau de la concurrence voit à déterminer s'il y a collusion, par exemple, ou si la concurrence existe réellement.
Si on déréglementait ce domaine et qu'on permettait aux entreprises canadiennes d'accéder à des capitaux étrangers, est-ce que le CRTC et le Bureau de la concurrence pourraient exercer un certain contrôle pour ce qui est de protéger la souveraineté culturelle et d'éviter que l'ensemble des entreprises en télécommunications et en radiodiffusion tombent dans les mains d'une seule entreprise?
D'après votre expérience, si le Parlement légiférait en ce se sens, est-ce qu'on pourrait, à partir de ces deux organismes existants, en modifiant le cadre réglementaire et en adoptant la modification proposée par l'association, donner à cette loi assez de mordant pour que, peu importe les propriétaire de l'entreprise, le contenu canadien soit obligatoire et que les entreprises soient obligées de desservir l'ensemble de la population dans toutes les régions?
Mme Michèle Rioux: Votre question comporte plusieurs parties.
» (1700)
M. Serge Marcil: C'est qu'on n'a pas beaucoup de temps pour les poser.
Mme Michèle Rioux: Je vous remercie; c'est une très bonne question. J'ai d'ailleurs beaucoup étudié la question des politiques sur la concurrence, notamment la prévention des positions dominantes sur les marchés.
Les lois existent, et il y a même des accords de coopération entre les États-Unis et le Canada en matière de concurrence afin de coordonner les efforts et d'empêcher les pratiques anticoncurrentielles. Même dans l'ALENA, il y a des dispositions qui visent à empêcher les pratiques anticoncurrentielles, ce qui oblige le CRTC à prendre des mesures pour discipliner les entreprise canadiennes qui utilisent leurs pouvoirs de marché de façon anticoncurrentielle.
Toutefois, à cet égard, il faut à mon avis tenir compte de plusieurs facteurs. Si les lois existent dans les deux pays qui m'intéressent particulièrement--nous sommes situés en Amérique du Nord, ce qui rend la situation très particulière et j'y reviendrai plus tard--, on peut dire néanmoins que dans les deux cas, les politiques de concurrence ont été très souples; on faisait toujours référence aux changements technologiques et à la concurrence internationale pour justifier certaines pratiques. L'innovation a même été un argument utilisé pour justifier la relative souplesse des lois sur la concurrence, tant au Canada qu'aux États-Unis.
Au niveau national, nous avons nous-mêmes laissé faire la concentration et cherché plutôt à assurer l'innovation, la compétitivité et l'efficacité. Il existe à cet égard un genre de tolérance qui me donne à penser qu'il ne s'agit pas là d'un instrument sur lequel, en tant que public, on peut compter. Si on ne parle que de considérations industrielles, c'est différent. Mais si on considère que la concentration n'est pas dans notre intérêt, en tant que public, il faut se poser de sérieuses questions.
Si, en outre, on parle des lois antitrust, il faut prendre en considération que ce sont les États-Unis qui vont pouvoir, par le biais de toutes sortes d'instruments, notamment leur puissante loi antitrust, venir bloquer des fusions canadiennes. Je vois mal le Canada s'opposer à la fusion de deux entreprises de médias, de télécommunications ou de radiodiffusion aux États-Unis. Il y a donc une asymétrie même au niveau des pouvoirs. On sait qu'il y a des considérations et des enjeux stratégiques très importants, et il m'apparaît qu'on ne peut pas compter sur cela. En matière de concurrence, je pense qu'on peut avoir de sérieux doutes quant à ces instruments.
Pour ce qui est du contenu, j'aimerais mentionner le fait que récemment, j'ai relu un livre de Kari Levitt qui s'intitule Silent Surrender. Il a été écrit dans les années 70 et démontrait comment l'ouverture au capital étranger remettait en cause une certaine indépendance économique, l'autonomie politique et les valeurs canadiennes. On ne vit plus dans les années 70, mais le livre a été réédité il y a deux ou trois semaines. Il faut toujours tenir compte du fait qu'au Canada, nous sommes en Amérique du Nord et que de ce fait, notre situation géographique et culturelle est particulière.
Quand on parle du Japon qui, dans l'immédiat, n'est pas menacé par la propriété étrangère, ça me fait plutôt rigoler. On parle aussi de l'Espagne ou de l'Angleterre, mais il reste qu'en Europe, la diversité culturelle est une réalité; le paysage y est par conséquent complètement différent. Partout au monde, en Europe comme ici, le syndrome du contenu menacé est dû à une peur de l'emprise américaine. Nous sommes trop collés à eux; nous devons donc être très prudents.
Je finirai en vous recommandant de relire ce livre avant de prendre une décision aussi importante. Il pourrait vous faire réfléchir.
[Traduction]
Le président: Monsieur Audet.
[Français]
M. Louis Audet: Il me semble nécessaire de faire certaines distinctions.
Nos représentations devant ce comité, aujourd'hui, ont pour but de faciliter l'accès au capital des entreprises de distribution. Si, par contre, ce comité s'avère insatisfait du travail du CRTC, il lui incombe alors de lui donner de nouvelles directives, de modifier la loi pour lui donner des pouvoirs accrus ou, tout simplement, de lui dire quoi faire. Il en va de même pour le directeur du Bureau de la concurrence. Si vous êtes d'avis qu'il ne fait pas son travail, il vous incombe alors de lui dire ce qu'il doit faire et de mieux le faire; s'il ne le fait pas, vous devez lui dire qu'il sera remplacé. C'est plutôt simple.
Par contre, ce n'est pas parce que quelqu'un serait insatisfait du travail actuel du CRTC ou du Bureau de la concurrence qu'il faudrait décréter que les entreprises de distribution ne peuvent s'approvisionner en capital par le biais du mécanisme que nous proposons aujourd'hui. Ce sont des choses tout à fait séparées.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Marcil.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse au représentant des entreprises—je sais que vous en avez parlé pendant votre exposé—quelles seraient les conséquences du statu quo? Qu'arrivera-t-il, premièrement, si, de façon générale, nous ne rabaissons pas les seuils de restrictions à l'investissement étranger, tant pour les entreprises de télécommunications que pour les câblodistributeurs et si, deuxièmement, notre comité recommande de réduire les restrictions pour les entreprises de télécommunications mais non pour les câblodistributeurs?
M. Jim Shaw: Lorsqu'on examine la concurrence fondée sur la mise à disposition des installations, cela revient à une question de routes, d'autoroutes et de ponts. C'est souvent de ce point de vue que nous devons envisager notre infrastructure à mesure que nous progressons, nous construisons en quelque sorte ces routes et ces ponts. Il se trouve que ces infrastructures acheminent des données, des signaux de radiodiffusion et toutes sortes d'autres contenus. Dans le contexte du développement du pays, nous nous trouvons à faillir à notre devoir si nous ne faisons pas progresser les deux en même temps ou si nous laissons les deux derrière, si toutefois nous procédons ainsi. Je suis plutôt d'avis qu'il serait plus judicieux de faire avancer les deux, de se lancer dans la mêlée et de construire nos réseaux pour nous doter d'entreprises de télécommunications et de câblodistribution fortes. Le fait d'imposer un handicap à une industrie tout en permettant à l'autre d'aller de l'avant et d'accéder à tout ne constitue pas une situation heureuse pour le Canada, et cela n'aiderait pas non plus à mettre au point les outils de radiodiffusion dont nous avons besoin ou les niveaux de distribution dont ces entreprises ont besoin dans leurs activités.
M. John Tory: Je crois que cette façon de faire ne ferait que perpétuer une situation de désavantage, à savoir, la situation actuelle qui limite notre accès à tous les capitaux dont nous avons besoin, tout en créant un nouveau désavantage qui consiste à nous interdire l'accès à ceux qui sont nos concurrents et qui continueront de l'être sur une base élargie, à terme. Ce sont les consommateurs qui seront les perdants en dernière analyse, parce que nous sommes en mesure de nous affirmer comme des concurrents encore plus formidables, mieux financés et dotés des capitaux qu'il faut, surtout dans le domaine de la téléphonie, ce qui est dans l'intérêt de l'innovation au Canada et de la concurrence, et tout cela est, en fin de compte, dans le meilleur intérêt des consommateurs. Ainsi, ces derniers se trouveraient à payer pour la création d'un nouveau désavantage si vous choisissez un régime à deux vitesses alors que, comme Louis l'a dit dans son exposé, ces deux industries se résument à des fils qui raccordent les foyers et assurent des services semblables alors que, en fait, les deux services convergent, chacun offrant les services qu'offre l'autre.
» (1705)
M. Louis Audet: Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit, mais je vous prie du fond du coeur de ne pas procéder ainsi. Ce serait vraiment un désastre. Sachez-le.
M. James Rajotte: Je vous remercie.
J'aimerais poser une question au professeur Rioux à propos de la pénétration des réseaux à large bande. Vous avez dit que cela serait moins probable si on permettait de diminuer les restrictions à la propriété étrangère. À titre d'exemple, je viens de l'Ouest canadien, donc je traite principalement avec Telus et Shaw, et l'accès à Internet haute vitesse en Colombie-Britannique et en Alberta ne s'est produit en fait qu'après que Shaw ait assuré le service, étant donné que cela a incité Telus à offrir aussi ce service, parce qu'elle voulait exercer une concurrence. C'est donc la concurrence qui a amélioré l'accès à Internet haute vitesse dans l'Ouest du Canada. Je crois que M. Shaw conviendrait, et même Telus, qu'ils n'ont pas assuré ces services aussi rapidement qu'ils auraient dû le faire, mais l'arrivée de Shaw sur ce marché a été considérée comme un défi par Telus qui a décidé à son tour de s'établir sur ce marché. C'est pourquoi, je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi le fait d'autoriser une plus grande concurrence entre les câblodistributeurs et les compagnies téléphoniques nuirait à la pénétration des systèmes de transmission à large bande, et même l'entrée sur ce marché des systèmes de communications mobiles et des sociétés de communications par satellite. Je ne comprends vraiment pas l'argument avancé, et j'aimerais obtenir une explication.
Mme Michèle Rioux: La concurrence est une chose très étrange. C'est un processus très fragile. Il y aura peut-être de la concurrence au début, mais au fur et à mesure que les entreprises adoptent des mesures stratégiques pour réagir contre leurs concurrents, on risque de se retrouver avec une ou deux entreprises, et d'aboutir alors à la concentration. Je trouve ce phénomène très intéressant. J'ai moi-même étudié comment la concurrence entraîne la concentration, laquelle entraîne une concurrence accrue. On ouvre un plus grand nombre de secteurs, et l'ouverture de ces secteurs attire de nouveaux investisseurs, mais une fois que vous ouvrez ce marché aux investissements étrangers, qu'allez-vous ouvrir ensuite? Il faut compter sur la «destruction créatrice», la notion avancée par le célèbre économiste Schumpeter: la concurrence provient toujours de l'avenir, c'est-à-dire de l'innovation même, donc les monopoles se font concurrence à eux-mêmes. Mais c'est vraiment pousser les choses un peu loin. Je tenais simplement à dire que la concurrence est un processus fragile et que cela aurait pu parfois fonctionner au Canada pendant un moment, mais je crois que l'industrie des télécommunications se caractérise plus par son comportement oligopolistique que par la concurrence. Nous devons être prudents lorsque nous parlons de concurrence car il s'agit d'un terme très vague.
M. James Rajotte: Je crois que nous devrions alors préciser que les témoins qui ont comparu devant nous et qui ont le plus défendu l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère imposées aux entreprises de télécommunications sont les petites entreprises de télécommunications au Canada. C'est tout à fait vrai. Les grandes entreprises de télécommunications y sont favorables, mais pas autant. Donc en matière de concurrence, c'est un argument qu'il faudra certainement invoquer.
Vous avez dit que sacrifier la diversité de notre structure culturelle et industrielle et autoriser les investissements américains et étrangers entraîneraient un nivellement vers le cas, mais j'aimerais que vous répondiez à la question suivante. M. Tory a donné l'exemple de l'Espagne et du Japon, M. Audet a présenté l'exemple de la Grande-Bretagne et les représentants de l'industrie britannique qui ont comparu ici ont été très convaincants lorsqu'ils ont dit que le fait d'autoriser une plus grande participation étrangère dans leur industrie des télécommunications ne compromettait pas la réalisation par la BBC d'une excellente émission comme Pride and Prejudice de Jane Austen. Et si vous examinez l'étude qui nous a été présentée par l'ACTC, les câblodistributeurs ne font l'objet d'aucune restriction dans les principaux pays qui y sont énumérés, et les restrictions imposées aux entreprises de télécommunications sont beaucoup moins sévères que celles qui existent au Canada. Est-ce simplement la crainte du méchant géant américain qui nous incite à imposer des restrictions plus sévères que celles qui existent ailleurs dans le monde?
» (1710)
M. Mathieu Arès: Je tâcherai de répondre à vos deux questions.
[Français]
Je vais parler en français, si vous me le permettez; c'est plus facile pour moi.
Je comprends la position des gens qui sont ici. Je suis d'accord pour dire que ceux qui sont en demande, ce sont les plus petits joueurs qui doivent faire face à deux grands joueurs, que je ne nommerai pas. Je dirai, plutôt à titre personnel qu'au nom du groupe, que cela me dérange beaucoup moins qu'il y ait un peu d'aide étrangère, mais de là à leur permettre... Évidemment, il y aurait des restrictions. Cependant, si on accorde ce droit aux petits joueurs, comment peut-on ne pas l'accorder aux gros joueurs? Mais si on le leur accorde, on va perdre le contrôle.
À Montréal, présentement, la compagnie Fido a des problèmes, et un apport de capital étranger l'aiderait peut-être à traverser ses difficultés. Peut-être. Mais il sera difficile d'aider les petites entreprises et de refuser cette aide aux grandes entreprises comme Bell Canada. Qu'est-ce qu'on va faire? Voilà le problème. On ne peut pas créer deux normes.
Nous sommes d'avis que le leadership vient de la concurrence, mais à quoi ressemble cette concurrence? Ce sont quelques petits joueurs qui, bien sûr, disent à M. Bell qu'il a intérêt à bien faire son travail parce qu'on le surveille. En matière de téléphonie et de broadcast, entre autres, c'est essentiellement en quoi consiste la déréglementation depuis 10 ou 20 ans au Canada.
Plutôt que ce soit le CRTC qui réglemente directement le coût du téléphone ou les services qui peuvent être offerts et les conditions dans lesquelles ils doivent l'être, c'est le marché qui agit, notamment par le biais d'une concurrence accrue des autres compagnies canadiennes. C'est ce qui prévaut au Canada depuis une vingtaine d'années. Jusqu'à un certain point, ça a bien fonctionné; les prix sont bons, le niveau de pénétration est très bon, le niveau de technologie est acceptable et cela nous assure une certaine souveraineté culturelle, même si elle n'est pas idéale.
Évidemment, je suis francophone et par le fait même moins menacé. Les francophones consomment beaucoup plus de produits québécois. Toutefois, d'après ce que je sais, ailleurs au Canada, ce que les gens regardent à la télévision est essentiellement américain. Dans ce contexte, on peut dire que la protection ou la promotion culturelle, du côté du Canada anglais, n'a pas été une réussite; c'est du moins ce que j'en sais. Excusez-moi.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.
Monsieur Savoy.
M. Andy Savoy: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais aborder une question plus générale, celle du programme du gouvernement libéral du Canada. Nous aimerions être l'un des pays les plus novateurs d'ici 2010. C'est ce que nous avons déclaré. Nous voulons nous classer parmi les cinq premiers. Nous savons que le Canada affiche un écart par rapport aux États-Unis en matière de productivité, et nous devons y remédier. Nous devons examiner l'efficacité de nos brevets, nos demandes de brevet; notre taux de réussite est très faible. Je crois que l'infrastructure des communications est l'un des aspects essentiels de cette orientation. Il existe deux lignes de pensée en ce qui concerne la propriété étrangère. Dans un cas, on considère que si on limite la participation étrangère à une participation sans droit de contrôle, par exemple, les établissements de R-D quitteront le Canada pour s'installer vraisemblablement dans les pays étrangers qui détiennent la participation majoritaire, les sièges sociaux déménageront, on assistera donc au départ d'un grand nombre de services. D'autres diront qu'en raison de l'augmentation des capitaux, nous serons en mesure d'accroître la transmission à large bande, nous pourrons faire un plus grand nombre de travaux de R-D puisque désormais le Canada y sera un endroit propice, grâce à un crédit d'impôt de 35 p. 100, nous pourrons multiplier les innovations et constater une augmentation du nombre de brevets. Les arguments sont donc nombreux de part et d'autre. J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous pense de ces arguments et comment vous envisagez la situation, particulièrement en ce qui concerne vos propres activités dans le cas des câblodistributeurs, et quels pourraient être les avantages sur le plan de l'innovation, de la productivité, de la R-D, de la transmission à large bande et ainsi de suite.
» (1715)
Mme Janet Yale: J'aborderai peut-être la question d'un point de vue que nous n'avons pas encore présenté. Lorsque nous parlons de la crainte que les installations de R-D, les sièges sociaux aillent s'installer ailleurs et que le Canada perde des emplois, je crois que nous parlons surtout de l'aspect fabrication, où rien n'est vraiment situé dans un pays en particulier; donc vous pouvez envisager qu'une entreprise au complet déménage ailleurs. Mais nous servons les clients dans leurs foyers—ces foyers ne déménagent pas. Nous parlons de câbles qui sont reliés à ces foyers, à chaque région du pays, à chaque client chez eux. C'est de cette infrastructure dont nous parlons, que nous voulons élargir, améliorer, afin d'en faire une infrastructure de pointe. Le Canada a besoin de capitaux et c'est là qu'interviennent les investissements dont nous parlons. J'ai donc de la difficulté à comprendre comment vous pouvez parler de fuites importantes. Ce dont nous parlons et ce que nos études ont indiqué dans le cas des autres pays, c'est l'incroyable afflux de capitaux qui découle de l'ouverture du marché. Ces capitaux permettront d'améliorer et de rendre ultramoderne l'infrastructure qui permet aux consommateurs canadiens de recevoir des services dans leur foyer. Je crois que c'est un aspect important qu'il ne faut pas perdre de vue.
M. Jim Shaw: Je comprends vraiment pourquoi on demande des explications aux cadres du Canada. J'opère à partir de Calgary, je vis à Calgary, et le segment pétrolier et gazier est assez déréglementé et voit l'arrivée des Américains, l'arrivée des Européens, le départ des Européens, le départ des Américains, le rachat par des Canadiens. Ce secteur fait à l'heure actuelle l'objet d'innombrables acquisitions et fusions. Même si une petite entreprise qui a commencé ici est désormais dirigée à partir de Dallas, vous en verrez deux ou trois autres mises sur pied par des Canadiens pour remplir le créneau et prendre de l'expansion. Nous avons constaté récemment la création de EnCana. Nous avons donc pour ainsi dire une superpuissance au Canada dans le secteur pétrolier, ce qui n'a pas été le cas depuis très longtemps. Mais je crois qu'il s'agit d'une question tout à fait différente de celle dont nous parlons ici aujourd'hui. Nous servons essentiellement le Canada résidentiel. Si un événement survenait, le PDG ne serait peut-être pas forcément ici, mais tous les autres membres de l'entreprise seraient ici. Ce sont des opérations qu'il faut diriger de façon quotidienne, et plus vous êtes proche de vos consommateurs, mieux l'entreprise fonctionnera. Je ne crois pas que ce soit différent de la façon dont vous fonctionnez ici au Parlement. Vous devez rester près de vos électeurs et plus vous entretenez des relations étroites, mieux les choses fonctionnent. Et probablement, plus vous passez du temps ici et moins vous passez du temps là-bas, plus les choses deviennent difficiles. C'est ainsi que cela fonctionne pour moi. Donc que le PDG vive à Houston plutôt qu'à Calgary, ce n'est pas là vraiment que se situe le problème. Notre groupe compte 6 500 employés, et l'année prochaine notre chiffre d'affaires sera de 2 milliards de dollars environ. Nous avons besoin de tout notre effectif sur le terrain simplement pour continuer à en assurer le fonctionnement. Nous engageons deux ou trois personnes par jour et pour pouvoir administrer ce genre d'activité, il faut le faire localement.
En ce qui concerne la R-D, nous avons mis au point un grand nombre de produits nous-mêmes, bien que nous appuyions des groupes partout dans le monde. Si l'Europe innove et produit un nouveau gadget en matière de câblodistribution, cela nous intéresse énormément. Nous sommes associés à des entreprises Internet qui font tous leurs travaux de R-D à Ottawa et qui sont en fait des entreprises de Silicon Valley en Californie. Elles aiment ce qui se fait à Ottawa en matière de R-D, elles aiment les milieux universitaires canadiens. Je ne crois pas que nous devrions nous sous-estimer en matière de R-D. Nous ne déménagerons pas forcément les laboratoires de Bell à New York ou les laboratoires de câblodistribution à Denver. Nous faisons beaucoup de bonnes choses ici. Je crois que Rogers est un véritable innovateur en R-D au Canada.
» (1720)
M. John Tory: C'est l'une des difficultés que j'ai mentionnées plus tôt. Nous voulons maintenir cette position de chef de file mondial en matière d'innovation et de câblodistribution. C'est la concurrence qui alimente l'innovation et c'est l'innovation qui alimente la concurrence. Il semble que nous éprouvions le plus de craintes dans les secteurs où nous sommes devenus des chefs de file à l'échelle mondiale. Nous n'avons aucune raison d'être craintifs. Nous sommes des exemples pour le reste du monde. Nous disons simplement que nous devons avoir accès aux plus vastes sources possibles de capitaux pour continuer à alimenter cette innovation pour qu'elle se fasse ici.
On ne peut plus innover de façon isolée. Il faut travailler avec les Américains, les Français, les Japonais, entre autres. La technologie que nous utilisons aujourd'hui provient d'un peu partout dans le monde. Mais une partie de cette technologie provient du Canada et nous voulons pouvoir poursuivre nos efforts en ce sens et trouver de nouveaux moyens de servir les collectivités qui, par exemple, ne reçoivent pas de services à large bande aujourd'hui parce qu'il est difficile pour nous de justifier cet investissement sur le plan économique, plutôt que de simplement dire que quelqu'un d'autre paiera sinon elles ne recevront jamais ce service. C'est le genre de choses auxquelles nous voulons pouvoir continuer à travailler, mais nous n'en aurons pas les moyens si nous ne finançons pas correctement nos entreprises.
M. Louis Audet: Malgré toute la créativité dont nous faisons preuve dans notre travail chaque jour et la fierté que nous tirons de leur réalisation, le fait est que notre société n'a aucune demande de brevet, et j'ignore combien en ont mes collègues câblodistributeurs. Les câblodistributeurs ne préparent pas de demandes de brevet. Ils s'affairent à servir leurs clients. Ils font preuve d'innovation, de création et ceux qui auront à diriger ce type d'entreprise devront faire preuve d'innovation et de créativité. L'hiver, les câbles se contractent de deux pieds par portée puis se dilatent de deux pieds par portée, et cela crée toutes sortes de difficultés. Il faudra que les gens continuent de faire preuve de créativité, mais je suis désolé nous ne créons pas de brevets. Les fabricants d'équipement créent des brevets, créent de nouveaux produits. En général, ils les créent pour le marché américain et les font normaliser sur le marché américain, après quoi nous les utilisons. Comme nous sommes pas mal rapides, nous les utilisons les premiers. Il faut que vous sachiez que cette façon de faire ne cessera pas.
M. Andy Savoy: L'accroissement des capitaux créera des possibilités de brevets, que ce soit de la part des câblodistributeurs ou d'autres entreprises. C'est ce que je voulais faire valoir.
Le président: Je vous remercie.
Les questions deviennent toujours plus longues plus nous approchons de la fin.
Madame Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Comme le professeur Arès, je comprends votre position, mais malgré cela, je sais qu'il existe d'autres problèmes. Il y a des gros et vous êtes parmi les petits.
Il y a aussi la protection de notre identité culturelle. Pour moi, c'est une préoccupation qui prime sur toutes les autres. M. le professeur disait plus tôt qu'il se sentait moins menacé du fait qu'il était Québécois. Nous avons en effet d'excellentes productions que nous avons réussi à réaliser à l'intérieur de certaines balises. Cependant, je suis d'avis que la levée des restrictions sur les capitaux étrangers nous fragiliserait; c'est ce que nous ont dit des intervenants hier. Je pense qu'il s'agit ici de la vraie problématique et qu'elle va au-delà des besoins.
M. Shaw disait que cela lui permettrait d'augmenter le nombre de canaux. De quels canaux vouliez-vous parler? Vous avez parlé plus tôt de canaux venant d'autres pays, soit d'autres canaux américains qui permettraient de mieux diffuser chez nous. De quoi s'agit-il?
Il est vrai que présentement, en termes de radiodiffusion, le reste du Canada est de plus en plus américanisé; en revanche, au Québec, on a la chance d'avoir d'excellents producteurs.
Pour ma part, je pense que s'il y a une ouverture at large, nous serons menacés. Nous ne pouvons pas nous permettre cela.
[Traduction]
M. Jim Shaw: Je ne suis pas sûr du nombre de canaux qui existent à Montréal, parce que nous ne servons pas cette région, mais à Edmonton, Calgary ou des endroits de ce genre, nous avons à l'heure actuelle 110 à 120 canaux. C'est un nombre assez uniforme du moins dans les grandes régions. Si je vous demandais combien il y a de canaux américains, quelle serait votre réponse?
» (1725)
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je vous le demande, moi. Je vais vous dire franchement que je ne suis pas une amatrice de télévision.
[Traduction]
M. Jim Shaw: Il y en a 25. Il est difficile de dire que le système canadien est submergé de canaux américains. Si les Canadiens choisissent de regarder ces émissions, c'est autre chose. Ils sont Canadiens parce qu'ils le veulent, non pas parce qu'ils doivent l'être. Ils choisissent de regarder des émissions américaines. Ce ne sont pas les Américains qui transforment les Canadiens en Américains. Ce sont les Canadiens qui décident de regarder une émission plutôt qu'une autre. Les produits que nous diffusons sont en majorité canadiens, selon les règles et de façon délibérée, et l'espace disponible dont je parlais sur le réseau concerne les canaux numériques de la première et de la deuxième catégories qui n'ont pas encore reçu de licence de la part du Conseil—il reste 20 canaux qui attendent cette autorisation. Je dis simplement que j'ai besoin des capitaux pour faire de la place sur le réseau pour que nous puissions offrir aussi ces canaux canadiens.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Hier, il y a un M. Paradis qui est venu nous voir et il nous a fait part des résultats d'un sondage. Il a dit qu'environ 72 p. 100 des Canadiens étaient opposés à la levée de la restriction. Qu'est-ce que vous dites de ça, monsieur?
M. Louis Audet: Il y a eu bien des cas dans l'histoire où si la question avait été réglée par référendum, plusieurs injustices auraient été commises. Je pense que ce comité-ci devrait utiliser son bon jugement pour trouver la bonne solution.
Maintenant, avec tout le respect que je vous dois, madame, nous avons revu aujourd'hui en détail quelle est la façon pour vous de procéder pour ne pas que les objectifs culturels canadiens soient à risque de quelque façon que ce soit. Nous avons clairement indiqué que dans notre esprit, la propriété des entreprises de programmation demeurerait canadienne. Nous avons présenté des études internationales qui démontrent que les objectifs culturels des autres pays qui ont élargi les règles de propriété pour les entreprises de distribution ont été atteints. Ces pays ont atteint à la fois leurs objectifs de capitalisation et leurs objectifs culturels. Alors, de quoi avons-nous peur, franchement? Avec tout le respect que je vous dois, je pense que la démonstration est limpide.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Marcil, vous avez une brève question.
[Français]
M. Serge Marcil: Je vais terminer en parlant du forum sur les institutions démocratiques qui a eu lieu à Québec le week-end dernier. J'écoutais le professeur Henri Brun dire qu'il était fatigué de recevoir à l'université, à la Faculté de droit, des étudiants et des étudiantes qui ne savent même pas faire la différence entre les deux paliers de gouvernement. Donc, les valeurs canadiennes se transmettent, ou devraient se transmettre, davantage par les familles et par l'école que par la télévision. C'est tout ce que je voulais dire.
[Traduction]
Le président: S'agit-il d'une question? Je ne le crois pas.
Monsieur Rajotte, une dernière et brève question.
M. James Rajotte: Je suis tout à fait d'accord avec cela.
Et je crois que cela a été très valable, surtout que je sais maintenant que je peux téléphoner directement à Jim Shaw pour lui parler de mon service par câble.
J'aimerais enchaîner sur une question que j'ai posée aux deux professeurs. Les câblodistributeurs dans la présentation qu'ils ont faite ont indiqué que les restrictions pour les câblodistributeurs et les entreprises de télécommunications sont moins strictes dans d'autres pays. Il s'agit d'exemples comparatifs de la situation telle qu'elle existe aujourd'hui et la culture de ces pays n'a pas été compromise, à ma connaissance. Compte tenu de ces exemples contemporains et compte tenu des exemples historiques de l'Athènes de l'époque de Périclès, de l'Angleterre de l'époque élizabéthaine, de l'Italie de la Renaissance, de pays qui ont eu un rayonnement à l'échelle mondiale et où la créativité culturelle a connu un grand essor, j'aimerais quand même savoir comment la culture du Canada se trouve compromise d'une quelque façon par l'assouplissement de restrictions qui ne concernent essentiellement, comme Mme Yale l'a indiqué, que l'infrastructure.
» (1730)
Mme Michèle Rioux: Je répéterai que je ne crois pas qu'il soit clair que nous puissions séparer structurellement ces choses. Je crois que la libéralisation de l'industrie des télécommunications au cours des 20 dernières années l'a prouvé. La séparation structurelle que nous avons tâché de maintenir a été détruite, d'où ma crainte. Nous pouvons croire qu'une telle chose est possible, mais il n'existe aucun exemple important dans l'histoire de la possibilité de maintenir une telle séparation, non au niveau du contenu mais des services à valeur ajoutée.
M. James Rajotte: Que faites-vous des exemples du Royaume-Uni, de l'Australie, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne, de la France, du Japon?
Mme Michèle Rioux: Comme je l'ai dit, je crois qu'il faut tenir compte de l'aspect géographique de la question. Par ailleurs, j'accorde beaucoup d'importance au processus en vigueur au sein de l'Union européenne consistant à définir des services d'intérêt général, à définir aussi une politique culturelle.
[Français]
Je pense que ce n'est pas un processus qui est engagé en Amérique du Nord, et qu'ils peuvent se sentir un peu plus confiants et penser développer des instruments plus efficaces parce qu'ils ont peut-être un terrain d'entente beaucoup plus grand que celui que nous pouvons avoir avec les États-Unis sur ces questions.
[Traduction]
Le président: Monsieur Audet.
M. Louis Audet: Essentiellement, je tiens à répéter que le gouvernement du Canada a tous les pouvoirs voulus pour dicter les règles et que ces règles seront suivies. L'exemple le plus récent que nous ayons est celui d'une ordonnance rendue par le CRTC demandant à Craig Broadcasting Systems de révoquer les droits que cette entreprise avait accordés à son associé américain, MTV, parce que le CRTC les jugeait contraires à l'intérêt public. Dans ce cas particulier, soit ils obéissaient aux instructions, soit ils perdaient leur licence, et c'est très simple. Le présent gouvernement a tous les pouvoirs voulus pour assurer l'application de ses règles et faire en sorte que les recommandations que nous avons déposées aujourd'hui soient mises en oeuvre dans l'intérêt public.
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier les témoins pour le débat animé que nous avons eu aujourd'hui.
Je tiens à rappeler aux collègues les changements apportés au courriel que vous avez reçu vendredi. La réunion de demain aura lieu à la pièce 371 de l'édifice de l'Ouest. Je vous demanderais d'être à l'heure. Nous entendrons des témoins au cours de la première heure et demie, après quoi nous aurons deux heures et demie de débat entre les membres.
La séance est levée.