:
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. C'était un honneur de laisser derrière moi le pays des arbres en fleurs, c'est-à-dire Vancouver, pour être avec vous ici aujourd'hui...
Des voix: Oh, oh!
M. J. Joly: ... mais vous avez du beau temps, et je suis donc très heureux d'être ici.
J'ai tout examiné jusqu'à maintenant, et aujourd'hui, j'aimerais vraiment parler des changements, des espoirs et de la façon de bâtir une entreprise, c'est-à-dire mon entreprise, CineCoup. Nous l'avons fondée il y a environ trois ans. C'était une entreprise privée basée à Vancouver, même si nous menons nos activités à l'échelle nationale. Notre objectif était de modifier la façon dont le contenu indépendant est présenté, commercialisé et financé, en commençant par les longs métrages, et récemment, nous avons commencé à travailler dans le domaine de la télévision. Nous servons surtout les personnes de 18 à 34 ans.
Parmi nos partenaires, nous comptons Cineplex pour les films, et dans le domaine de la radiodiffusion, en ce moment, nous avons la CBC. Parmi les membres de mon conseil d'administration et mes investisseurs, il y a Michael Hirsh, de Nelvana, qui est maintenant le président de DHX, et des personnes comme Bob Ezrin et Richard Stursberg, des chefs de file dans leur domaine. Nous avons également formé une équipe d'intervenants de classe mondiale dans le domaine des médias afin de nous aider à développer notre vision non seulement à l'échelle du Canada, mais également à l'échelle mondiale.
Lorsque j'ai préparé cet exposé, j'avais prévu une présentation PowerPoint, mais j'ai décidé de vous faire une brève présentation et d'ensuite laisser l'un de nos créateurs, qui est essentiellement venu par l'entremise de notre plateforme, notre modèle de studio, vous parler de son expérience, car à mon avis, ce sera plus éloquent.
Lorsque j'ai fondé cette entreprise il y a trois ans, les gens pensaient que j'étais devenu fou. Je leur ai dit qu'à mon avis, il y avait une meilleure façon de faire les choses, une façon plus rapide d'envoyer le contenu sur le marché ici, dans notre pays, et que nous pourrions être des chefs de file dans ce domaine, mais que nous devions accepter le changement et embrasser l'accélération du processus et la rapidité d'exécution. Je leur ai dit que nous devions chercher davantage de capitaux privés, que nous devions créer plus de revenus plus tôt dans le système, et devenir essentiellement plus démocratiques et transparents pour donner une place aux Canadiens, aux gens, aux audiences qui représentent notre actif et le facteur le plus important dans les prises de décisions dans la culture et le contenu qu'ils veulent voir. Je crois également que nous devons modifier le modèle pour permettre à de nouvelles voix de s'y ajouter, surtout en ce qui concerne les femmes, comme nous l'a rappelé la Journée internationale de la femme hier. Je suis fier de pouvoir dire que les femmes représentent jusqu'à 38 % de nos créateurs de contenu.
J'ai fondé cette entreprise en me demandant comment je pouvais découvrir des talents où personne ne les cherchait. Il n'est pas nécessaire d'habiter à Montréal, à Toronto ou à Vancouver. Je crois qu'il y a plus de talent dans toutes les régions du pays qu'on ne fait que survoler qu'il y en a dans un centre médiatique. Ce qui est fantastique avec la génération actuelle, la génération sociale, c'est que la technologie a été démocratisée. Il n'y a plus de chasse gardée. En effet, il est facile de trouver une caméra 2K et des logiciels d'édition non linéaire sont installés sur tous les ordinateurs. Il s'ensuit que le facteur qui permet de se distinguer, c'est la façon dont on transforme ces personnes en entrepreneurs. Comment pouvons-nous favoriser une certaine rigueur dans leur milieu, et qu'au lieu de le faire en deux à cinq ans, ils puissent le faire en 90 jours et le commercialiser plus rapidement?
Voici les principes sur lesquels je souhaitais fonder mon entreprise et que j'ai réussi à respecter.
Comment pouvons-nous trouver des talents où personne ne les cherche? Pour vous donner un exemple, Lowell Dean vient de Regina, en Saskatchewan. Et son film a été tourné là-bas, dans une province qui n'offre pas de crédits d'impôt.
Deuxièmement, comment pouvons-nous trouver des idées nouvelles, courageuses et originales et de la nouvelle PI, c'est-à-dire de la nouvelle propriété intellectuelle, qui peuvent être franchisées?
Troisièmement, comment attirons-nous une audience avant de commencer à financer un film, et comment mesurons-nous cette audience?
Quatrièmement, comment pouvons-nous réduire les coûts liés à la découverte? Je ne peux pas me permettre de lire 400 scénarios. Je peux me permettre d'en lire 40, et je dois donc adopter une nouvelle méthode rigoureuse pour y arriver.
Cinquièmement, comment utilisons-nous les analyses pour miser juste lorsqu'il s'agit de ce qu'on appelle « les dépenses en marketing », afin que nous ne tentions pas de dépenser plus que les Américains sur notre propre marché lorsque nous y affichons un film?
Enfin, si nous pouvons réussir cela et construire un pipeline de contenu à petit budget et à haut rendement à l'aide d'une audience déjà établie, c'est ce qui nous permettra de survivre, à l'avenir, dans le monde de Netflix et de tous les autres. Nous ne devrions pas tenter de régler les problèmes aujourd'hui, nous devrions plutôt bâtir une entreprise selon ce qu'elle sera dans trois ans. C'est le problème avec notre situation actuelle. Nous ne devrions pas jeter de l'argent dans quelque chose pour renforcer le statu quo. Nous devons commencer à expérimenter davantage, à prendre plus de risques et à être plus courageux.
Cela dit, je vais vous laisser poser vos questions. Mais tout d'abord, j'aimerais que vous écoutiez l'histoire de Lowell Dean de Regina, en Saskatchewan.
Nous étions son dernier espoir, car tout le monde avait refusé son film lorsqu'il s'est joint à notre plateforme. En moins d'un an, nous avions un film à l'affiche à Cineplex. Il a été vendu dans 20 pays et vendredi dernier, il a pris l'affiche dans 20 cinémas des Philippines. Il a également gagné un prix du jury dans l'un des meilleurs festivals de films, il a inspiré la création d'une figurine animée, d'une bande dessinée et d'un roman et il vient de vendre 1 000 disques en vinyle. Il tourne maintenant WolfCop 2 à Moose Jaw, où il a tourné le premier, avec un budget trois fois plus élevé. Ce cycle a nécessité moins de deux ans.
Sans plus tarder, permettez-moi de vous présenter Lowell Dean et Bernie Hernando, le producteur et le réalisateur de WolfCop, de Regina.
Veuillez faire jouer la vidéo.
Des voix: Oh, oh!
Il fait très beau aujourd'hui à Vancouver, c'est le pays des arbres en fleur, comme l'a dit M. Joly.
Mes antécédents sont un peu différents. Je ne suis pas un producteur de films canadiens, mais je suis un fournisseur de services pour cette industrie. Je travaille avec les réalisateurs et les producteurs aux étapes de la conception, des finances et de la préproduction. Je les conseille en matière de finances pendant les étapes de production. Je les aide avec les rapports de synthèse et les rapports financiers pour veiller à ce qu'ils respectent les divers règlements en vigueur, notamment pour avoir accès aux crédits d'impôt provinciaux et fédéraux pour la production.
Je collabore aussi très étroitement avec les fournisseurs de financement provisoire, par exemple les banques à charte du Canada. Des conseillers juridiques, notamment M. Dhaliwal, me demandent des conseils non seulement sur une estimation fiable des crédits d'impôt qui seront demandés par les producteurs, mais également sur le libellé de la rédaction d'accords juridiques, afin que les producteurs respectent les divers règlements liés aux crédits d'impôt.
Comme M. Joly, je crois que les changements représentent une bonne chose, mais il faut également qu'ils soient sensés. En effet, les avantages générés par ces changements doivent surpasser leurs coûts. N'oubliez pas que mes commentaires sont des commentaires généraux qui découlent de plusieurs années d'expérience dans l'examen des budgets de production, des structures de financement et des rapports sur les coûts. Cette expérience vient aussi de la préparation de déclarations de revenus et de la collaboration avec divers organismes tels le BCPAC, les organismes de films provinciaux et Creative BC, ici en Colombie-Britannique. Je collabore également étroitement avec l'ARC dans le cadre de ses examens des crédits d'impôt et dans ses efforts d'interprétation des diverses lignes directrices.
Mes commentaires se fondent sur ces éléments, mais ils ont également l'objectif de faire en sorte que les examens menés, par exemple le vôtre, donnent à notre pays des moyens de s'améliorer.
Nous avons réussi à bâtir cette industrie de la production dans notre pays et c'est une industrie idolâtrée par de nombreux autres pays. Nous avons également la réputation d'être un chef de file en ce qui concerne les programmes de crédits d'impôt que nous offrons et qui ont été imités partout dans le monde. Cela dit, comment pouvons-nous nous améliorer? Nous pouvons faire plusieurs choses, mais c'est lié à mon expérience des 21 dernières années.
Tout d'abord, étant donné qu'il y a un si grand nombre de parties intéressées dans ce milieu — qu'il s'agisse des organismes gouvernementaux fédéraux et provinciaux, y compris l'ARC —, nous devons tous collaborer. Nous devons travailler pour le bien commun. Nous devons exécuter les divers programmes de la façon la plus uniforme possible et améliorer la cohésion. Il y a beaucoup de bureaucratie dans cette industrie, car les réalisateurs doivent constamment préparer et compiler des renseignements et les envoyer aux divers organismes, qu'il s'agisse d'institutions provinciales ou fédérales, par exemple le BCPAC, le FMC ou l'ARC. Nous devons faciliter les choses aux producteurs, afin qu'ils passent plus de temps à la production ou à la distribution de leurs films, au lieu de le passer à des tâches administratives liées à ces films.
Nous devons commencer à envisager de prendre des mesures incitatives liées à la promotion des films.
Plusieurs producteurs m'ont dit qu'il est facile de réaliser des films, mais qu'il est beaucoup plus difficile de les vendre. C'est très vrai, car la production de films est une activité dispendieuse et risquée. Pendant toutes les années que j'ai passées à examiner des budgets de production, j'ai observé un élément qui revient tout le temps, et c'est que tout l'argent amassé par les producteurs est versé dans la production et non dans les affiches et la publicité, qui sont des coûts entraînés par la distribution des films.
Les crédits d'impôt sont très généreux dans notre pays, et ils servent au financement des productions. Il est très rare de voir des crédits d'impôt en excès générés par une entreprise de production et qui sont réinvestis dans la capitalisation de cette entreprise, ou dans les affiches et la publicité pour la promotion de ses films.
En Colombie-Britannique, nous avons notamment accès à un centre financier international. La Colombie-Britannique a été désignée pour cela. Cela signifie que des entreprises, comme des maisons de courtage, qui travaillent avec des clients étrangers sont en mesure d'avoir accès à une réduction d'impôt provincial fondée sur leur travail ou leurs ventes auprès de ces clients étrangers. C'est fondé sur un revenu net et il s'agit d'un pourcentage de leur revenu net découlant de leurs activités liées au CFI.
Je me disais que si nous pouvions exécuter un programme similaire pour aider les distributeurs de films à avoir accès à une réduction d'impôt sur la vente de longs métrages canadiens, cela contribuerait beaucoup à la promotion de l'industrie de la distribution ici au Canada.
Je suis sûr que vous savez tous maintenant, grâce au témoignage des témoins précédents, que les crédits d'impôt fédéraux actuels sont rajustés à la baisse par les crédits d'impôt provinciaux générés. C'est-à-dire que l'assiette sur laquelle les crédits d'impôt fédéraux sont calculés est beaucoup moins grande que l'assiette utilisée pour les crédits d'impôt provinciaux, car elle tient compte de ces crédits d'impôt provinciaux.
Je sais qu'un mouvement demande l'élimination ou la réduction du rajustement à la baisse. Le seul problème, c'est qu'il faut être prudent en raison des coûts que ces crédits d'impôt supplémentaires pourraient entraîner pour le gouvernement fédéral, mais il faut également se préoccuper de l'uniformité avec d'autres industries, par exemple l'industrie de la technologie dans laquelle les calculs liés à la RS et DE sont aussi rajustés à la baisse en raison de programmes d'aide provinciaux semblables dans ce secteur.
Au bout du compte, cela revient à la viabilité commerciale des longs métrages canadiens. Nous devons déterminer les coûts comparativement aux avantages de protéger le patrimoine canadien plutôt que la viabilité commerciale des productions. L'une des choses que je me suis demandé en élaborant cet exposé, c'est si nous pouvions examiner les éléments soutenant les crédits d'impôt des productions canadiennes certifiées et les ajuster pour aider les producteurs à rendre leurs films plus viables sur le plan commercial.
Nous nous demandons, par exemple, s'il serait possible, dans une certaine mesure, de rendre les lignes directrices sur le contrôle de la production moins strictes. Nous nous demandons notamment s'il est nécessaire d'exiger que les deux acteurs les mieux payés soient canadiens. Pouvons-nous rendre ces lignes directrices moins sévères, afin de pouvoir inclure dans nos productions davantage de talents étrangers qui sont plus reconnaissables à l'échelle mondiale sans entraîner de répercussions négatives sur notre capacité de demander des crédits d'impôt pour les productions canadiennes certifiées? Ou pouvons-nous réduire les critères liés aux dépenses dans les productions canadiennes, afin de pouvoir profiter davantage de l'influence étrangère?
Enfin, le dernier point que j'aimerais faire valoir concerne les productions liées aux traités commerciaux. Comme vous le savez peut-être, il n'y a pas de traité de coproduction avec les États-Unis. Nous avons plusieurs traités de coproduction avec d'autres pays, mais nous avons diverses lignes directrices qui restreignent la capacité des coproducteurs d'utiliser les talents ou les services provenant de l'extérieur de ces pays coproducteurs.
Si nous rendions ces restrictions moins strictes, nous pourrions potentiellement conclure davantage d'ententes de coproduction et faire venir des talents de l'extérieur de ces pays coproducteurs pour tenter de rendre nos productions plus viables sur le plan commercial.
Ce sont quelques points que je tenais à soulever. Je suis sûr que vous avez beaucoup de questions et je vais donc m'arrêter ici. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Je vais essayer de vous les décrire le mieux possible. Je vais me servir d'une production de la Colombie-Britannique en guise d'exemple.
Si vous produisez un film en Colombie-Britannique, vous devez soumettre des demandes à Creative B.C. pour obtenir des certificats d'admissibilité, ce qui vous donnera des crédits d'impôt provinciaux au bout du compte. Vous devez aussi, à l'échelon fédéral, soumettre une demande semblable au BCPAC. L'information est essentiellement la même, mais sur deux formulaires de demande différents, ce qui s'accompagne de coûts.
Si vous financez provisoirement vos crédits d'impôt, il vous faudra avoir ce financement pour cela. En général, à ma connaissance, cela viendra d'une banque à charte canadienne. La banque à charte qui octroie le financement s'adressera à quelqu'un comme moi et me demandera d'aller étudier le budget et toutes les hypothèses qui sous-tendent le budget afin d'obtenir une lettre d'intention décrivant et soutenant les calculs des crédits d'impôt que ce producteur pourrait être en mesure de générer en fonction de son budget de production.
Une fois la production terminée, il faut aussi faire de nouvelles demandes à Creative B.C. et au gouvernement fédéral, au BCPAC, pour obtenir les certificats d'achèvement relatifs à cette production. Encore là, c'est une autre demande, un autre ensemble de documents qui se concentrent davantage sur l'achèvement du film, alors que les demandes initiales se fondent sur de l'information et des hypothèses budgétaires concernant la production du film en question. En cours de route, il y a beaucoup d'administration. Il s'écoule manifestement du temps entre le moment où les demandes sont présentées et le moment où elles sont finalement traitées. De plus, il faut consacrer beaucoup de temps à l'obtention éventuelle des crédits d'impôt, car les crédits d'impôt ne vont pas aux producteurs tant que l'ARC n'a pas reçu puis examiné la déclaration de revenus. Cela peut se produire très longtemps après que la production est terminée, projetée et distribuée sur le marché international, selon le temps qu'il faut. Le producteur doit se soumettre à beaucoup de travail administratif. Vous pouvez imaginer que très peu de producteurs ne vont travailler qu'à une production à la foi. Il se peut qu'ils travaillent à une production, mais ils sont constamment en train de travailler à l'élaboration de nouvelles productions.
En fin de compte, une fois que la production est terminée et livrée, le travail administratif se poursuit quand le producteur passe à l'élaboration d'autres productions à venir. Il y a beaucoup de travail administratif, et ce sont les tracasseries dont je vous parle. Nous nous porterons bien mieux si nous pouvons réduire les tracasseries administratives ou travailler plus rapidement et avec cohérence en tant que groupe d'organisations qui cherchent le bien commun et le développement de l'industrie canadienne.
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Merci, monsieur le président, membres du comité.
Je m'appelle Patrick Roy et je suis ici en tant que représentant de l'entreprise Entertainment One ainsi que de sa filière québécoise Les Films Séville. Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à contribuer à l'étude que vous réalisez sur notre industrie.
Je vous remercie également de noter que nous sommes aussi membres de la CMPA, soit la Canadian Media Production Association, et de l'ACDEF, c'est-à-dire l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films. Nos commentaires d'aujourd'hui sont donc du même ordre et selon le même esprit que ceux soumis par ces deux associations.
[Traduction]
Basés à Toronto et à Montréal, eOne et Les Films Séville sont des chefs de file mondiaux de la distribution de contenu indépendant dans les domaines du cinéma, de la télévision et de la musique. eOne compte 1 700 employés un peu partout dans le monde, dont plus de 800 au Canada, et possède des bureaux dans huit pays.
Au cours de la dernière année, eOne a investi plus de 500 millions de dollars dans du contenu cinématographique et télévisuel. Cotés à la bourse de Londres, nous avons recours au libre marché pour solliciter des investissements dans le contenu canadien. Nous avons bâti une entreprise internationale dont le siège se trouve ici même au Canada.
eOne est d'avis qu'un solide environnement de production et de radiodiffusion est essentiel à la réussite continue de l'industrie canadienne de la télévision et du cinéma, de même qu'à l'atteinte de son objectif de créer et de produire une programmation télévisuelle et cinématographique et du contenu numérique non linéaire auxquels les Canadiens peuvent s'identifier et qui peuvent être exportés avec succès ailleurs dans le monde.
[Français]
En 2014, eOne a investi 17,5 millions de dollars dans des films canadiens de langue française et de langue anglaise qui ont généré des recettes au guichet totalisant 23,5 millions de dollars au Canada. Nous avons distribué plus de 200 longs métrages dans des salles partout dans le monde, dont plusieurs étaient canadiens.
Nous avons aussi crée Séville International, une filiale de vente internationale basée à Montréal. Cette filiale se spécialise dans la distribution de films canadiens en français et en anglais partout dans le monde. Séville International a permis à de nombreux films canadiens de rayonner partout sur la planète, dont des films comme Mommy, de Xavier Dolan, qui a été vendu dans pratiquement tous les pays du monde.
Vous n'êtes pas sans savoir que notre industrie évolue rapidement. Les distributeurs sont au coeur de tous ces changements; par conséquent, nous devons constamment nous réinventer. Les visionnements de films dans les salles de cinéma ont baissé au cours des dernières années et le public peut maintenant découvrir les films sur une panoplie de nouvelles plateformes à la maison. Les canadiens ont maintenant accès à un vaste éventail de services de programmation ainsi qu'à du contenu cinématographique et télévisuel provenant de tous les pays du monde et disponible sur demande, en concurrence constante pour l'attention, le temps et l'argent des consommateurs.
Ces changements et leurs impacts sur la production, la télédiffusion, la distribution et l'exportation des films canadiens sont évidemment d'une grande importance et d'un grand intérêt pour nous. L'accès continu à des films américains et étrangers et le fait que nous puissions distribuer ces films à l'intérieur de nos frontières jouent un rôle primordial dans l'industrie du cinéma canadien.
La grande majorité des recettes générées dans les salles de cinéma au Canada provient des films américains. Malgré le grand talent de nos créateurs, nos ressources et la portée de ce que nous pouvons faire sont forcément limitées par le fait que les États-Unis contrôlent 90 % du marché nord-américain.
[Traduction]
Une politique globale sur la distribution a été mise en place en 1988 en vue d'appuyer les objectifs et de préserver l'intégrité de l'industrie cinématographique canadienne pour atténuer le risque croissant d'empiétement par de nouveaux joueurs américains et étrangers. Même si cette politique continue d'orienter la façon de fonctionner des distributeurs canadiens au sein de notre marché, la non-application de la politique est de plus en plus préoccupante.
Il y a davantage de cas où la politique sur la distribution est manipulée et contournée de toutes sortes de manières qui n'ont pas été prévues.
Nous savons que le comité souhaite entendre notre point de vue à propos de l'efficacité des programmes de financement du gouvernement, des façons de promouvoir la valeur de l'industrie, de la qualité des services de production offerts au Canada, du contenu exceptionnel créé par des Canadiens talentueux et entendre également nos recommandations concernant le soutien offert à l'industrie cinématographique canadienne.
J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier le gouvernement du Canada, la et le ministère du Patrimoine canadien et des langues officielles pour leur contribution en tant que partenaires de notre industrie et pour leur appui continu.
La production cinématographique est une industrie complexe qui exige de l'expertise et des ressources considérables. Au Canada, les fonds nécessaires à la réalisation d'un film proviennent principalement de trois sources: les distributeurs, qui achètent les droits de vendre le film au pays et à des distributeurs à l'étranger; des organismes gouvernementaux, qui financent les crédits d'impôt et Téléfilm Canada; et les radiodiffuseurs, qui acquièrent à l'avance les droits de diffusion télévisuelle. Ce trio — les distributeurs, le gouvernement et les radiodiffuseurs — assure la réalisation des films et leur diffusion à la télévision, là où la plupart des Canadiens regardent la majorité des films. La théorie a toujours été que les contribuables participaient à la création des films, alors ils devaient pouvoir les voir aussi facilement que les films américains et étrangers.
[Français]
En tant que distributeurs nous cherchons sans cesse de nouvelles façons d'innover afin de rejoindre le public; or, la santé et l'existence même de notre secteur d'activité dépendent de l'appui des télédiffuseurs, des propriétaires de salles de cinéma et des partenaires gouvernementaux.
Téléfilm Canada est un partenaire essentiel alors que nous nous efforçons de rendre disponibles des films canadiens de grande qualité. Évidemment, comme dans tout partenariat, des choses peuvent être améliorées. Cela repose, notamment, sur l'allocation de ressources supplémentaires à Téléfilm Canada afin de nous permettre de mieux mettre en marché et de mieux promouvoir le cinéma canadien.
[Traduction]
En ce qui a trait à la radiodiffusion et à l'exploitation, la consolidation a restreint nos options pour la distribution au Canada des films canadiens. C'est particulièrement le cas au Canada anglais, où il y a de moins en moins d'entreprises qui achètent des films canadiens et où la consolidation dans le domaine de l'exploitation des cinémas a concentré la propriété des cinémas dans les mains d'une seule société.
Au Québec, nos radiodiffuseurs investissent souvent dans nos films. Grâce à leur soutien, des films peuvent être réalisés, commercialisés et diffusés à la télévision à des centaines de milliers de personnes à la fois. Le modèle qui existe au Québec nous a permis de présenter d'excellents films au public qui, en retour, s'intéresse beaucoup aux productions locales et en redemande.
Les radiodiffuseurs sont le moteur de notre secteur, car ce sont eux qui offrent l'accès et qui créent la demande. Cependant, l'accessibilité est possible seulement si le secteur de la production au Canada se porte bien et si nous pouvons investir dans des films de qualité destinés à être distribués au pays et ailleurs dans le monde. Ce modèle sera en péril sans le soutien public, et le soutien public est possible seulement si les Canadiens peuvent voir des films de qualité produits ici.
L'industrie cinématographique québécoise se porte bien, notamment parce qu'elle peut compter sur le soutien des radiodiffuseurs, en plus de celui du gouvernement et des distributeurs. Ils respectent leurs obligations envers le CRTC et le public, ce qui leur est profitable. Les choses vont bien grâce aux talents de calibre mondial, au soutien gouvernemental, dont profite également le Canada anglais, et au soutien des radiodiffuseurs.
Comme nous vivons l'âge d'or des émissions scénarisées, les radiodiffuseurs au Canada anglais se concentrent sur les séries et la téléréalité bon marché, mais ils continuent de bénéficier d'un énorme avantage, c'est-à-dire l'accès privilégié aux ondes publiques. Ils sont protégés. En échange de cette protection, ils ont l'importante responsabilité de promouvoir la culture canadienne et d'investir dans l'industrie qui a le double mandat de raconter nos histoires et de créer des occasions économiques pour les dizaines de milliers de Canadiens qui travaillent dans l'industrie du divertissement filmé.
Nous avons récemment comparu devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, et, en ce qui concerne les mandats des radiodiffuseurs, nous avons notamment affirmé que la SRC devrait aspirer à devenir la vitrine du cinéma canadien. Les diffuseurs nationaux des quatre coins du globe sont le premier choix des auditoires locaux pour voir leurs histoires, et nos histoires n'ont jamais été aussi bonnes.
[Français]
En tant que distributeurs, nous sommes aux premières loges pour apprécier l'immense talent de nos créateurs. En effet, nous travaillons avec ces derniers du début du processus de création jusqu'à l'exploitation de leurs oeuvres, et ce, sur toutes les plateformes.
Aujourd'hui, les résultats du travail de nos créateurs sont meilleurs que jamais. D'ailleurs, sept films distribués par eOne en 2014 ont généré des recettes de plus d'un million de dollars. Pourtant, malgré ces succès, il demeure presque impossible de trouver ces films sur des chaînes de télévision canadiennes anglaises.
[Traduction]
Les scénaristes et réalisateurs canadiens, qui connaissent un grand succès des deux côtés de la frontière, veulent travailler chez eux et veulent que leurs films aient non seulement une sensibilité canadienne, mais qu'ils mettent aussi en scène des villes et des histoires d'ici.
Ils le font: Cronenberg, Egoyan, Vallée, Villeneuve, Dowse et Falardeau, pour n'en nommer que quelques-uns.
Ils connaissent également du succès ailleurs dans le monde, prouvant ainsi que les films canadiens peuvent être exportés et que les profits qu'on en tire peuvent être réinvestis si la propriété demeure dans les mains de Canadiens.
Le film Mommy de Xavier Dolan a été vu jusqu'à maintenant par plus de 1,2 million de personnes dans les salles de cinéma en France. Le film La grande séduction a captivé les auditoires partout dans le monde, récoltant plus de 300 000 $ au box-office au Royaume-Uni seulement.
Les films canadiens n'engrangent peut-être pas des revenus mirobolants comme la diffusion simultanée aux États-Unis et coûtent plus cher que les téléréalités, mais ils font partie de notre tissu culturel. Ils constituent aussi un élément important de notre modèle économique. Importer du contenu ne crée pas des emplois et ne permet pas de raconter des histoires d'ici au public canadien ou étranger. Chaque film réalisé au Canada définit davantage notre identité et donne un emploi à des centaines de Canadiens hautement qualifiés. Aujourd'hui, l'industrie cinématographique est confrontée à une nouvelle réalité, mais le modèle avec lequel elle travaille est dépassé.
Que devons-nous faire en prévision de l'avenir? Nous devons faire tout ce qui est possible pour produire des films qui correspondent aux intérêts des marchés intérieur et étranger. Nous devons être propriétaires des sociétés de vente internationales qui font connaître nos histoires partout dans le monde. Nous devons adopter les nouvelles technologies. Nous devons respecter le consommateur numérique, qui veut être en mesure de regarder ce qu'il veut, quand il le veut, sur tous les types d'écran.
Le gouvernement peut jouer un rôle important en veillant à ce que Téléfilm Canada dispose de suffisamment de ressources et de soutien pour appuyer la commercialisation et la promotion des longs métrages canadiens. Cela permettra d'accroître la demande et la production de films ainsi que, par conséquent, le nombre d'emplois dans notre secteur. Le gouvernement peut nous aider en appliquant la politique sur la distribution de 1988 et en veillant à ce que les films canadiens soient présentés à la population canadienne par l'entremise de la télévision de façon constante. Au Canada anglais, l'investissement accru dans le contenu télévisuel et la popularité croissante de ce contenu ont fait en sorte que les films sont devenus moins importants pour les radiodiffuseurs, qui demeurent privilégiés et protégés, mais qui ne respectent pas les exigences relatives à la production cinématographique.
Le CRTC peut appuyer notre secteur en modifiant légèrement la réglementation sur le contenu canadien, précisément en ajoutant une nouvelle catégorie vouée aux films, qui se distingue de celle des séries dramatiques télévisées, afin que les longs métrages constituent une catégorie en soi dotée de ses propres ressources.
[Français]
Faire découvrir les oeuvres cinématographiques canadiennes ici et à l'étranger tout en continuant à encourager la création d'emplois de qualité au Canada est un objectif que nous partageons. Nous sommes passionnés et toujours disponibles pour échanger avec vous sur les défis et les impacts de ces derniers sur notre industrie. N'hésitez surtout pas à faire appel à nous.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir offert la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis disponible pour répondre à vos questions.
Je tiens à remercier les membres du comité d'avoir entrepris cette étude sur l'industrie canadienne du long métrage. Je suis Richard Rapkowski. Je représente l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, ou l'ACDEF.
L'ACDEF est un organisme à but non lucratif qui représente l'industrie de la distribution de films et ses membres dans le cadre d'enjeux d'intérêt national. Nous comptons actuellement parmi nos membres D Films, Elevation Pictures, Entertainment One, Les Films Séville, IndieCan Entertainment, KinoSmith, Métropole Films, Mongrel Media, Pacific Northwest Pictures et Search Engine Films.
Les membres de l'ACDEF s'occupent de la grande majorité des sorties en salle au pays. En fait, ils sortent deux fois et demie plus de films au Canada que les six principaux studios d'Hollywood combinés.
Les membres de l'ACDEF jouent un rôle essentiel dans la production et la distribution de films canadiens. En tant que distributeurs, nous connaissons très bien le marché du cinéma et les goûts des consommateurs. Nous investissons nos fonds privés dans des films canadiens qui, d'après nous, plairont aux consommateurs et présentent un potentiel commercial. Téléfilm Canada s'appuie sur nos décisions en matière d'investissement pour déterminer quels projets cinématographiques recevront des fonds publics. Par conséquent, les membres de l'ACDEF ont tout intérêt à assurer le succès continu de l'industrie cinématographique canadienne. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt tous les travaux qui peuvent avoir et qui auront une incidence sur le cinéma canadien.
Nous croyons que le gouvernement doit se pencher sur trois grands enjeux de politique s'il veut soutenir et renforcer l'industrie canadienne du long métrage: premièrement, l'application de la politique sur la distribution de 1988; deuxièmement, l'examen de cette politique à la lumière de l'importance croissante des vitrines auxiliaires pour la distribution; et troisièmement, la nécessité de renouveler le soutien des diffuseurs, particulièrement celui de la SRC pour les longs métrages canadiens.
Le premier enjeu, et sans doute le plus important, est la nécessité d'appliquer rigoureusement la politique sur la distribution de 1988. Comme les membres du comité le savent, pendant la majeure partie du 20e siècle, il n'était pas facile de produire des longs métrages canadiens et, même lorsqu'on parvenait à en réaliser, il était difficile de les faire projeter dans les salles de cinéma. Cette réalité était largement attribuable à la domination des grands studios américains, qui voyaient le Canada comme le prolongement du marché américain.
Cependant, en 1988, le gouvernement conservateur a lancé une initiative audacieuse pour moderniser l'industrie cinématographique canadienne. Il s'agissait d'une nouvelle politique sur la distribution des films. Cette politique visait à favoriser le dynamisme et la viabilité de l'industrie cinématographique canadienne en faisant du Canada un marché de distribution distinct et à soutenir les distributeurs qui investissent dans des films canadiens et en font la promotion.
À la base, la politique tenait compte du rôle crucial que jouent les distributeurs dans le soutien à la culture canadienne et du fait qu'un secteur dynamique de la distribution est essentiel à la réussite à long terme de l'industrie canadienne du long métrage. Elle tenait compte également du fait que les entreprises de distribution canadiennes doivent pouvoir distribuer des films étrangers pour soutenir les entreprises, qui peuvent ensuite se permettre d'investir dans des films canadiens.
Flora MacDonald, qui était la ministre des Communications à l'époque, a présenté au Parlement le projet de loi sur l'importation des produits cinématographiques, qui aurait accordé aux distributeurs canadiens un accès équitable aux droits de distribution des films au Canada et les protections nécessaires pour éloigner les studios d'Hollywood qui empiétaient toujours davantage sur le marché cinématographique canadien et siphonnaient les recettes de l'industrie du divertissement au Canada. Malheureusement, à cause des efforts intenses de lobbying de la Motion Picture Association of America, qui représente les grands studios, le projet de loi n'a jamais été adopté.
Néanmoins, l'esprit du projet de loi demeure intact grâce à la politique sur la distribution, qui a permis de créer un marché canadien de la distribution et d'exiger que la distribution de films au Canada, pour le visionnement en salle ou à domicile, soit assurée par des entreprises de distribution sous la propriété et le contrôle de Canadiens.
Il y a des exclusions dans cette politique. Elle s'applique uniquement aux produits cinématographiques de non-propriétaires, c'est-à-dire les films qui ne sont pas financés par la compagnie qui souhaite les distribuer au Canada ou qui ne lui appartiennent pas, et elle ne s'applique pas aux studios d'Hollywood de propriété étrangère, comme Universal, Paramount, Disney, 20th Century Fox, Sony et Warner Bros. Ils bénéficient d'une clause de droits acquis, qui leur permettent de continuer de distribuer leurs films au Canada.
Comme Mme MacDonald l'a souligné au moment du dépôt du projet de loi, le gouvernement voulait que les entreprises de distribution de films de propriété étrangère soient en mesure d'importer pour la distribution des films qui comportent pour elles un risque financier important et que nous considérons, à toutes fins pratiques, comme étant leurs films. L'intention de la politique n'était pas de promouvoir le bien-être des distributeurs de films canadiens mais plutôt de leur permettre d'obtenir une juste part du marché cinématographique canadien, de façon à encourager le réinvestissement dans l'industrie cinématographique canadienne.
Pour que cet objectif soit atteint, la politique prévoyait que les films de non-propriétaires soient distribués au Canada par des entreprises de distribution détenues et contrôlées par des Canadiens. La politique a connu un succès sans équivoque et a eu pour effet de renforcer le secteur de la distribution au Canada, qui était désormais enfin en mesure d'investir dans des longs métrages canadiens qui pouvaient être distribués comme il se doit. Le résultat de cette politique est évident: l'année 2014 a été l'une des années où l'industrie cinématographique canadienne a reçu le plus d'éloges. L'année dernière, au Festival international du film de Cannes, le nombre record de trois films canadiens étaient en nomination. Le film d'Atom Egoyan The Captive a reçu une ovation debout, l'actrice Julianne Moore a été primée pour son rôle dans le film de David Cronenberg Maps to the Stars, et Xavier Dolan s'est vu décerner le prix du jury pour le film Mommy.
Malheureusement, les gains durement acquis par Patrimoine Canada dans le secteur sont menacés, car des événements récents indiquent une érosion préoccupante de la politique et de son objectif, une érosion qui mènera inévitablement à un déclin du succès qui est le fruit d'un travail acharné de la part du secteur et du gouvernement pendant près de trois décennies.
Par exemple, Warner Bros. Entertainment Inc. a distribué au Canada en avril 2014 le film Transcendence. Il ne s'agit pas d'un film de propriétaire. Warner Bros. n'a ni la propriété ni le contrôle des droits mondiaux. Il a simplement acquis les droits de distribution au Canada sur le marché libre, qui s'ajoutent à ses droits de distribution du film aux États-Unis. Il n'a pas produit le film et les droits de distribution à l'extérieur de l'Amérique du Nord ne lui appartiennent pas et il ne les contrôle pas non plus.
Même si Warner Bros. est un grand studio américain et que, pourrait-on dire, il bénéficie de la clause de droits acquis que contient la politique sur la distribution des films, il reste que l'objectif de la politique était de créer un marché canadien distinct pour ce type de film indépendant. Lorsque la politique a été mise en place en 1988, les grands studios américains n'ont pas acquis les droits de distribution en Amérique du Nord des films indépendants. Ils s'occupaient uniquement de la distribution de leurs propres films de propriétaire sur les marchés mondiaux, alors ces films ne devaient pas être couverts par cette clause de droits acquis. En permettant aux grands studios d'utiliser cette clause pour distribuer des films indépendants, de non-propriétaires, au Canada, plutôt que de l'employer pour protéger le contenu de propriétaire comme prévu, nous mettons la politique en péril et l'objectif de la politique n'est certes pas atteint.
Le film Story of Your Life constitue un autre exemple récent et encore plus préoccupant. Dans ce cas, Paramount Pictures a inclus les droits de distribution au Canada lorsqu'elle a acquis les droits de distribution aux États-Unis. Encore une fois, le film Story of Your Life n'est pas un produit cinématographique de propriétaire. Un certain nombre de membres de l'ACDEF ont bien essayé d'acquérir les droits de distribution au Canada, mais ils n'ont pas réussi parce que Paramount a fait des droits de distribution au Canada une condition pour la distribution aux États-Unis.
Ce qui est particulièrement irritant à propos de cet exemple, c'est qu'il s'agit d'un film réalisé par Denis Villeneuve, un des réalisateurs canadiens les plus talentueux, dont la carrière a été soutenue par des entreprises de distribution canadiennes et des organismes de financement canadiens. Ses films Polytechnique, Incendies et Enemy sont tous des exemples de films canadiens et qui ont connu un succès commercial et ont été acclamés par les critiques au Canada et à l'étranger. Ce réalisateur est à bien des égards un sous-produit de la réussite de la politique sur la distribution. Même si Story of Your Life n'est pas un film canadien, il demeure un film indépendant, de non-propriétaire, réalisé par un cinéaste canadien et dont la distribution est canadienne, mais que les distributeurs canadiens n'ont pas réussi à distribuer à cause du poids qu'ont les studios américains.
Il s'est produit ensuite une autre situation encore plus alarmante. Récemment, Sony Pictures a accepté de distribuer une série de films au Canada pour lesquels ils ne détiennent même pas les droits de distribution aux États-Unis, ce qui constitue la plus grave violation de la politique jusqu'à maintenant. Dans ce cas-ci, tous les droits de distribution aux États-Unis appartiennent à une entreprise qui s'appelle Open Road Films, qui est une entreprise de distribution américaine qui ne peut pas bénéficier de la clause de droits acquis contenue dans la politique. Plutôt que de confier la distribution des films au Canada à un distributeur de propriété canadienne, elle l'a confiée à Sony. Encore une fois, un certain nombre de nos membres ont cherché à acquérir ces droits lucratifs auprès de Open Road Films.
Cet exemple démontre clairement la pente glissante sur laquelle nous nous engageons en permettant à des studios américains de faire fi de l'esprit et de l'objectif de la politique. L'érosion des protections offertes par la politique met en péril tout ce que le secteur et Patrimoine Canada ont gagné jusqu'à présent. Si nous n'intervenons pas, je peux vous assurer que ces situations vont décimer le secteur canadien de la distribution.
Les distributeurs canadiens jouent un rôle essentiel sur le plan du soutien de la culture canadienne. Ils contribuent à financer les longs métrages canadiens et à mettre en place les stratégies de marketing qui accompagnent la sortie des films. En effet, au cours de la dernière décennie seulement, l'ACDEF a investi plus de 400 millions de dollars dans la production de films canadiens. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, la production annuelle de films canadiens n'est pas suffisante pour soutenir les activités des entreprises de distribution de propriété canadienne. Ces entreprises dépendent de l'accès aux films indépendants étrangers — c'est-à-dire les films étrangers de non-propriétaires — pour générer suffisamment de revenus grâce à l'ensemble des films qu'elles distribuent. Les entreprises de distribution détenues et contrôlées par des Canadiens détiennent une petite part du marché des cinémas canadien par rapport à celle que détiennent leurs homologues hollywoodiens de propriété étrangère.
Pour comprendre la dominance des grands studios hollywoodiens, prenons l'ensemble de données complet le plus récent de Rentrak Box Office Essentials, qui indique un total approximatif de 970 millions de dollars de recettes aux guichets canadiens. Sur cette somme, 748 millions de dollars, soit 77 % de la part du marché, revenaient aux six grands studios américains. Les studios indépendants, quant à eux, ont encaissé 223 millions de dollars de recettes, soit 23 % du marché. Même s'ils détiennent la part du lion du marché, les grands studios hollywoodiens n'investissent pas dans les films canadiens et ne participent pas à leur distribution.
La politique en matière de distribution des films, en tenant compte de cette réalité, a permis la création d'un secteur de distribution rentable, qui est mieux placé pour investir dans les productions canadiennes et les commercialiser. L'engagement continu du gouvernement à l'égard du secteur des longs métrages canadien et le maintien de sa politique en matière de distribution de films sont d'une importance primordiale pour les membres de l'ACDEF qui ont construit leurs entreprises à partir de cette politique, ainsi que pour l'industrie des longs métrages du Canada, qui revêt d'une importance vitale sur le plan culturel et économique.
Si l'on permet aux studios étrangers de faire fi de l'esprit de la politique, il y aura de graves conséquences pour le secteur de distribution canadien et sa capacité continue de financer et de commercialiser des films canadiens. De plus, si l'on permet aux studios étrangers de s'ingérer dans le marché distinct cinématographique canadien, le gouvernement du Canada fera comprendre qu'il ne s'intéresse plus aux considérations culturelles et économiques qui ont donné lieu à la politique et laisse la voie ouverte aux studios américains qui ne tiendront pas compte des distributeurs canadiens et s'accapareront une part encore plus grande des recettes de la distribution de films canadiens à l'extérieur du Canada.
Comme je l'ai déjà indiqué, l'engagement des membres de l'ACDEF vis-à-vis du financement et de la distribution de productions canadiennes dans un contexte rentable sur un marché concurrentiel dépend largement de l'application par le gouvernement de la politique de distribution de films canadiens. Nous sommes également d'avis que le gouvernement devra être prêt à moderniser l'application de la politique afin que son esprit soit conservé dans un environnement changeant.
Notre deuxième initiative en matière de politique porte justement sur cet environnement changeant.
Mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui.
Je m'appelle Naveen Prasad, et je suis vice-président exécutif et directeur général de Elevation Pictures Corp. Nous sommes une société de production canadienne privée, travaillant dans le secteur du film et de la télévision, qui a vu le jour à Toronto il y a un an et demi. J'ai moi-même le privilège de travailler dans le secteur de la distribution du contenu canadien et en partenariat avec la communauté de production cinématographique et télévisuelle indépendante du Canada depuis plus de 15 ans. Comme j'abonde dans le même sens que M. Rapkowski et M. Roy, je me ferai un peu plus bref qu'eux. Je vous fournirai mes observations et mes pensées compte tenu de mes connaissances professionnelles, en soulignant certaines des activités actuelles de ma société.
Le plan d'affaires de ma société prévoit la réalisation de 20 productions cinématographiques par année, dont environ cinq sont certifiées comme ayant un contenu canadien. Certains de nos prochains films canadiens comprennent Into the Forest, de Patricia Rozema, qui mettra en vedette Ellen Page; Room, inspiré d'un roman de la Canadienne Emma Donoghue, qui a paru dans le palmarès du New York Times et qui était en lice pour le prix Booker et le prix du gouverneur général; Regression, une coproduction canado-espagnole de 20 millions de dollars, dont la distribution à grande échelle aux États-Unis sera assurée par la société Weinstein; et Hyena Road, le prochain long métrage de Paul Gross qui porte sur les efforts et les sacrifices des militaires canadiens en Afghanistan. Vous avez peut-être vu la bande-annonce, que nous avons pu associer à The Imitation Game et à American Sniper dans les salles de théâtre. Sinon, je vous encourage à vous renseigner sur ce film. Nous sommes ravis de faire connaître un film canadien de ce calibre.
Je souligne ces productions à titre d'exemple de ce que nous, c'est-à-dire notre industrie, offrons aux auditoires canadiens. Mes amis qui travaillent à eOne et le reste des membres de l'ACDEF ont produit pour le marché de nombreux autres films importants, autant sur le plan des recettes que celui de la culture, et ce faisant, ont encouragé le talent de plusieurs générations d'acteurs. Tous réunis, nous dépensons des millions de dollars annuellement pour appuyer la production, la distribution et la commercialisation des films canadiens. Même si environ le quart des films produits par ma société sont canadiens, nous comptons toujours sur de nombreux films étrangers, dont la majorité sont des films hollywoodiens d'auteurs. Nous devons répartir le contenu et offrir de nombreuses productions pour rentabiliser nos activités.
Nous, les studios indépendants, devons concurrencer les studios américains sur toute la gamme des activités de distribution, dont les sorties en salle, les DVD, les films sur demande et les diffusions à la télévision et par contournement. Nous devons donc être concurrentiels pour la distribution en ce qui concerne nos productions et notre accès. Au final, cependant, nous ne pourrons concurrencer certains des studios qui viennent de s'intéresser aux productions indépendantes, dont M. Rapkowski vient de vous parler.
Je vais répéter ce qui a été dit tantôt. Notre capacité d'investir pour distribuer les films canadiens en salle de cinéma et chez les gens est intimement liée à notre capacité d'obtenir les droits de distribution des productions indépendantes. Nous cherchons à obtenir le soutien du comité pour renforcer davantage la politique en matière de distribution des films de 1988 et nous aider dans nos efforts.
Revenons maintenant aux films canadiens. Je suis très fier de la croissance générale de l'industrie des dernières décennies. Téléfilm Canada, les diffuseurs, ainsi que nous, les distributeurs de films, avons tous joué un rôle important pour appuyer notre secteur de production nationale et la communauté cinématographique. J'ai souvent dit que c'est un banc à trois pattes, mais il est clair maintenant que certaines des pattes ne sont plus tellement solides. Téléfilm Canada a depuis longtemps été le champion et le catalyseur de la réalisation de films canadiens. Je constate, compte tenu du droit de regard de Patrimoine canadien à l'égard de Téléfilm, que ce que je vous dis n'est pas nouveau, mais j'aurais tort de ne pas mentionner au moins à quel point nous, en tant que distributeur, prisons notre partenariat avec Téléfilm. L'importance du soutien financier accordé par Téléfilm au développement, à la production et à la commercialisation de films ne peut être suffisamment soulignée.
Le rapport de Nordicité, publié en 2013 et intitulé Apport économique du secteur cinématographique et télévisuel au Canada, dans lequel Téléfilm occupe un grand rôle, indique qu'en 2011, l'industrie avait généré plus de 260 000 emplois à temps plein, des revenus de 12,8 milliards de dollars pour les travailleurs, 20,4 milliards de dollars en PIB, et 2,4 milliards de dollars en exportations. Les impôts fédéraux sur ces recettes totalisaient 2,8 milliards de dollars. Ce sont des chiffres impressionnants. Je demande au comité de s'assurer que la capacité de financement de Téléfilm n'est non seulement maintenue, afin que Téléfilm puisse continuer à stimuler l'activité économique, mais également ramenée au niveau où elle était avant la suppression de 10,6 millions de dollars imposée en 2012. Pour un homme d'affaires, ce sont des économies de bout de chandelle d'avoir réduit un investissement qui rapporte tant.
Les objectifs de Patrimoine canadien et du CRTC devraient être alignés, mais il y a eu, et je cite la déclaration faite par le Comité permanent du patrimoine canadien en 2005, « l’inexistence d’une politique de la radiodiffusion visant à appuyer la promotion du long métrage canadien ». Malheureusement, cette affirmation est tout aussi valide 10 ans plus tard: on ne prévoit aucune exigence réglementaire en matière de radiodiffusion qui appuie réellement les longs métrages canadiens. Les longs métrages ne font pas l'objet des exigences visant les dépenses des radiodiffuseurs au titre des émissions aux termes des licences par groupe de propriété approuvées par le CRTC.
Néanmoins, la réussite des films canadiens dépend et continuera de dépendre des licences de télédiffusion, à la fois pour les chaînes de télévision payante et les chaînes traditionnelles et spécialisées. Je demande à Patrimoine canadien et au CRTC de collaborer afin de fixer des repères sensés pour la programmation des films canadiens dans toutes les permutations de télédiffusion.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler aujourd'hui. Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.