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NDVA Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 : LES MILITAIRES CANADIENS ET LA STABILITÉ INTERNATIONALE

A.     État de préparation de l’Armée de terre

Un caporal du Peloton de reconnaissance, 2e Bataillon, The Royal Canadian Regiment, rencontre un jeune résident dans le cadre d'une patrouille de familiarisation en Érythrée.

À maintes occasions par le passé, le Canada a reconnu qu’il ne pouvait pas garantir la sécurité de son territoire et de ses citoyens sans contribuer au maintien de la paix internationale. Il a participé à des guerres importantes ainsi qu’à des opérations de maintien de la paix et à d’autres missions multinationales, au cours desquelles il a consenti à des sacrifices, pour mettre fin à des agressions, rétablir la paix dans des points chauds et contribuer à assurer la stabilité internationale. Même en temps de paix, certains éléments de nos forces maritimes, aériennes et terrestres peuvent être déployés dans diverses parties du monde pour s’entraîner avec nos alliés, tisser des liens plus étroits avec eux, faire appliquer des sanctions ou encore mener des opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies ou d’autres organisations internationales. Lorsque les membres des coalitions multinationales déterminent que des opérations de combat sont nécessaires afin de mettre fin à une agression ou de restaurer la paix, les unités militaires canadiennes se retrouvent sur le théâtre des opérations, comme ce fut le cas au Kosovo en 1999 et en Afghanistan aujourd’hui. Au cours des dernières années, la participation du Canada à des opérations multinationales prouve que nos forces militaires sont en mesure de participer aux efforts visant à favoriser la paix internationale, mais cette participation constitue l’un des facteurs qui ont réduit la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, particulièrement celle de l’Armée de terre.

En fait, la dernière décennie a été l’une des périodes les plus mouvementées de l’histoire des Forces canadiennes (FC). Pendant cette période, les FC ont acquis une expérience opérationnelle considérable, mais leur état de préparation au combat a été réduit quelque peu étant donné les exigences des nombreuses opérations de maintien de la paix et autres missions. C’est surtout l’Armée de terre qui a été mise à contribution au cours de la dernière décennie en raison des forces terrestres importantes qu’il a fallu déployer dans différents points chauds du monde. Par conséquent, c’est l’état de préparation de l’Armée de terre qui est la source des plus grandes préoccupations. En fait, la contribution exigée de l’Armée de terre ne diminuera pas beaucoup dans l’immédiat, le Canada s’étant engagé à long terme dans le cadre de certaines opérations de maintien de la paix, notamment en Bosnie-Herzégovine, où nos troupes doivent déployer bien des efforts et consacrer beaucoup de temps pour que les affrontements ne reprennent pas entre les communautés ethniques. Par rapport aux missions de maintien de la paix sinon par rapport aux opérations de combat, il serait imprudent en outre de prédire que la demande chutera suffisamment au cours de la prochaine décennie pour accorder à l’Armée de terre le répit dont elle aurait besoin. Les récents événements nous ont montré une fois de plus que nous pouvons être pris au dépourvu.

C’est pourquoi l’Armée de terre continuera sans aucun doute à devoir entraîner de nouveaux contingents ou constituer des troupes provenant de diverses unités au Canada pour remplacer tous les six mois les militaires déjà déployés à l’étranger. Voici quels ont été les propos du major général (à la retraite) Lewis MacKenzie à ce sujet : « […] l’Armée fait tout ce qu’elle peut pour trouver mille ou deux mille soldats pour faire la rotation et, pendant qu’ils font cela, parce qu’ils sont si peu nombreux, ils ne peuvent pas s’entraîner pour les rôles de combat dont il était question dans le Livre blanc47. » En résumé, outre le sacrifice consenti par certains casques bleus canadiens qui ont donné leur vie pour la paix, la participation de notre pays aux opérations de maintien de la paix a entraîné d’autres coûts sur le plan de l’état de préparation. Lorsqu’ils s’entraînent en fonction des circonstances propres aux opérations de maintien de la paix, notamment la surveillance des cessez-le-feu et les négociations avec les combattants, les militaires ont moins de temps pour s’exercer aux opérations de combat. On a souvent répété par le passé que les troupes canadiennes s’acquittent efficacement de leurs misions de maintien de la paix parce qu’elles sont bien entraînées au combat et possèdent donc la discipline et la maîtrise leur permettant de composer avec toute situation complexe. Si l’état de préparation au combat de nos troupes diminue trop, on s’interrogera alors sur leur capacité opérationnelle d’assurer le maintien de la paix.

Tout cela ne signifie pas que les missions de maintien de la paix ne sont pas valables et qu’elles sont à l’origine de tous les problèmes de l’Armée de terre sur le plan de la capacité opérationnelle. Au contraire, nos forces terrestres ont acquis, lors de ces missions, une expérience qui les aide à évaluer leurs capacités relatives au commandement, aux communications et à la logistique dans un environnement opérationnel. Elles ont pu ainsi tirer des leçons qui leur seront utiles lors des opérations de combat et dans d’autres situations à l’avenir. De plus, le rendement exceptionnel du 3e Bataillon de la Princess Patricia’s Light Canadian Infantry en Afghanistan prouve que les unités de l’Armée de terre ont maintenu un niveau de préparation leur permettant de mener des opérations de combat de concert avec des unités américaines. Il n’en demeure pas moins que c’est l’entraînement au combat qui en a souffert en raison de tous les préparatifs que nécessitent les missions à l’étranger. Les contingents qui assurent la rotation se composent de militaires provenant de diverses unités, ce qui restreint la cohésion des éléments respectifs de l’Armée de terre tout en épuisant le personnel.

Le lieutenant général Mike Jeffery, chef d’état-major de l’Armée de terre, est tout à fait conscient que le rythme des opérations et les restrictions budgétaires de la dernière décennie ont entraîné des répercussions considérables sur l’entraînement de l’Armée de terre. Le Comité se réjouit de sa détermination à modifier le régime d’entraînement pour faire en sorte que « […] toutes les unités opérationnelles de la Force régulière de l’Armée de terre reçoivent tout l’entraînement nécessaire, l’entraînement au combat […]48 ». En fait, des troupes bien entraînées peuvent réagir rapidement à toute situation opérationnelle avec laquelle elles peuvent être aux prises et devraient par conséquent pouvoir réduire au maximum le nombre de pertes. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 8

Que lArmée de terre modifie le plus rapidement possible son régime dentraînement pour sassurer que toutes ses unités reçoivent régulièrement tout lentraînement au combat qui leur permettra de parvenir à un niveau de préparation supérieur et de le maintenir, y compris l’entraînement aux niveaux de la brigade et du bataillon.

Le rythme des opérations a certainement entraîné des répercussions, mais les restrictions budgétaires, qui ont été imposées à l’Armée de terre à la fin des années 90 dans le cadre des compressions visant l’ensemble des dépenses de tous les ministères, ont porté également un dur coup à l’état de préparation de l’Armée de terre. Le lieutenant général Mike Jeffery, chef d’état-major de l’Armée de terre, a indiqué franchement devant le Comité et d’autres tribunes que l’Armée de terre avait vécu au‑dessus de ses moyens au cours des dernières années. Tout en s’efforçant de respecter ses engagements, l’Armée de terre a vu son budget de fonctionnement être amputé et demeurer à un niveau inférieur ne lui permettant pas de donner tout l’entraînement et d’acquérir le matériel nécessaire. Bien des témoins ont déploré le fait que, pendant de nombreuses années, il n’y ait eu aucun exercice mettant en cause une brigade complète. Certains ont signalé également que, pour chaque véhicule Coyote ou VBL III dont l’Armée de terre a fait l’acquisition, on retrouve de nombreux vieux véhicules comme les Iltis qui auraient dû être remplacés depuis longtemps. Les budgets restreints ont certes compliqué la tâche à l’Armée de terre dans ses efforts visant à maintenir l’entraînement au niveau nécessaire et à assurer le remplacement opportun du vieux matériel. De plus, le Comité doute fort que les majorations récemment annoncées dans le budget de la défense procureront à l’Armée de terre les crédits dont elle a besoin pour résoudre ses problèmes en matière d’entraînement et d’équipement. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 9

Que le budget de lArmée de terre soit majoré au cours des prochains exercices afin quelle puisse améliorer son niveau de préparation, particulièrement en ce qui concerne lentraînement au combat et le remplacement du matériel désuet.

B.     Transformation de l’Armée de terre

Même avec un budget majoré, l’Armée de terre aura fort à faire pour porter à un niveau plus que satisfaisant son entraînement au combat et son parc de matériel. Comme si elle n’avait pas suffisamment de problèmes, elle doit également se transformer pour devenir une force terrestre capable de relever les défis du champ de bataille du XXIe siècle. Elle doit donc constituer ses unités et organiser sa structure de commandement afin que ses militaires puissent intervenir efficacement et survivre sur le champ de bataille d’aujourd’hui. Sans négliger le type d’entraînement en fonction des conditions et des types de terrain, comme ceux en Afghanistan, elle doit tabler le plus possible sur le matériel technologique révolutionnaire mis au point dans le domaine militaire.

De plus, les témoins ont beaucoup souligné que les armées de terre devraient mettre l’accent sur des forces pouvant être déployées facilement et rapidement dans un point chaud du monde. On ne privilégie plus les forces terrestres davantage adaptées au combat entre chars et aux grands mouvements de troupes que les spécialistes de la planification militaire de la guerre froide avaient prévus en Europe centrale si les hostilités avaient éclaté entre les pays de l’OTAN et ceux du Pacte de Varsovie. Les progrès technologiques ont permis l’utilisation de véhicules de combat qui sont plus légers et plus facilement aérotransportables que les chars de combat principaux et les autres véhicules lourds, mais qui peuvent donner une puissance de feu permettant d’appuyer l’infanterie. Les États-Unis et les autres pays de l’OTAN mettent au point actuellement de nouveaux véhicules de combat qui possèderont essentiellement les mêmes capacités que les chars lourds mais qui seront beaucoup plus légers et seront équipés des récents dispositifs.

Cependant, la mise au rancart des chars de combat principaux, comme nous les connaissons aujourd’hui, a été annoncée à maintes occasions par le passé et ceux-ci constituent encore un élément important de nos armées de terre modernes. Même lors des missions de maintien de la paix, il se produit plusieurs situations justifiant leur utilisation, mais certains témoins ignoraient s’il était opportun de conserver et de moderniser les vieux chars Leopard, compte tenu particulièrement du budget restreint de l’Armée de terre. Le lieutenant général Jeffery a signalé que l’Armée de terre sait qu’elle a besoin de la capacité qu’offre le char, mais qu’elle ignore si ce dernier constitue la meilleure solution par rapport à cette capacité. Il a ajouté que le véhicule blindé de combat de remplacement ressemblerait davantage au véhicule à roues VBL III, mais qu’il posséderait autant, sinon plus de puissance de feu que les chars actuels49.

Néanmoins, il faudra peut‑être attendre de nombreuses années avant de pouvoir faire l’acquisition d’un tel véhicule. En outre, si le Canada souhaite continuer de participer utilement aux efforts multinationaux visant à assurer la paix dans le monde, l’Armée de terre canadienne devra suivre le rythme de la plupart, sinon de la totalité des progrès technologiques modifiant les opérations menées par les forces terrestres sur le champ de bataille. Il faudra y consacrer beaucoup d’efforts et d’argent, car les armes et le matériel de communications à la fine pointe de la technologie devraient, semble-t-il, accroître considérablement les capacités de l’infanterie. C’est pourquoi l’Armée de terre décidera du type de nouveaux véhicules de combat en fonction de la composition future des forces terrestres canadiennes et des ressources susceptibles d’être affectées à la mise en vigueur de ces changements. Il sera difficile de déterminer s’il convient de garder toutes les capacités actuelles ou s’il faut se concentrer uniquement sur celles qui peuvent être maintenues efficacement.

C.     Participation des industries canadiennes

L’Armée de terre a déjà déployé des efforts importants pour suivre le rythme des progrès technologiques, l’un des meilleurs exemples étant les dispositifs de surveillance dont sont dotés les véhicules Coyote et qui ont fait l’objet d’un concert de louanges. Nous pouvons donc en conclure que les industries de défense canadiennes peuvent satisfaire aux exigences de l’Armée de terre en matière de technologie de pointe et concurrencer également les fabricants étrangers pour offrir aux forces alliées des produits analogues. De plus, le secteur civil peut aussi tirer profit du rôle important que l’industrie canadienne peut jouer dans la mise au point de produits de haute technologie à l’intention des militaires.

Certains produits technologiques peuvent être utilisés dans le secteur civil, notamment dans le domaine de la sécurité et de la santé, tandis que la concurrence livrée par les sociétés canadiennes sur le marché international favorise la croissance économique. La technologie assumant un rôle plus important que jamais auparavant en fournissant aux militaires ce dont ils ont besoin, il faut continuer d’encourager et de soutenir la recherche et le développement en matière de défense. Au fil des ans, la construction navale et la fabrication de matériel militaire a régressé quelque peu au Canada, mais nous ne pouvons pas perdre beaucoup plus de notre infrastructure industrielle de défense, particulièrement au moment où les ordinateurs et les autres produits de haute technologie sont de plus en plus essentiels à l’efficacité des militaires canadiens.

Dans la course aux nouvelles technologies, l’Armée de terre et les autres éléments des Forces canadiennes doivent cependant faire preuve de prudence dans le choix et l’achat du matériel. Nous n’avons pas toujours eu la main heureuse dans nos projets d’acquisition. Citons notamment l’achat de matériel de haute technologie comme les satellites. L’acquisition du nouvel uniforme de combat a entraîné des problèmes et des retards qui ne constituent qu’un exemple des difficultés auxquelles l’Armée de terre a été confrontée en matière d’acquisition.

Lors des travaux du Comité pendant l’étude sur la qualité de vie en 1998, bien des promesses ont été faites par les responsables du projet Habillez le soldat pour le nouvel uniforme militaire, et de nombreuses plaintes ont été formulées par le personnel subalterne au sujet des retards dans la livraison. Les unités ont finalement obtenu le nouvel uniforme de combat, mais le vêtement de camouflage adapté au climat désertique se trouve encore aux premières étapes de la production tandis que les vieux uniformes ont déjà été mis au rancart. L’Armée de terre devra être très prudente dans la gestion de ses stocks d’uniformes de combat et des autres pièces d’équipement pour s’assurer que les troupes ne manquent pas de matériel essentiel.

Néanmoins, les problèmes découlant parfois de l’acquisition du nouvel équipement ne devraient pas dissuader les militaires de rechercher les produits technologiques canadiens, particulièrement lorsque ceux‑ci sont aussi bons, sinon meilleurs que ce qui est offert sur le marché international. Bien des pays alliés ont acheté des véhicules blindés légers ou VBL fabriqués au Canada, et les dispositifs dont sont dotés les véhicules Coyote ont suscité beaucoup d’intérêt à l’étranger, ce qui prouve sans l’ombre d’un doute les possibilités des industries canadiennes. Ces dernières pourront satisfaire aux exigences des militaires canadiens tant qu’elles seront en mesure d’exécuter la recherche et le développement nécessaires à la production de l’équipement pouvant être utilisé par nos alliés et nos militaires. Le Ministère doit également continuer d’appuyer la recherche et le développement en matière de défense dans le cadre de ses efforts visant à améliorer l’état de préparation de l’Armée de terre en fonction des opérations d’aujourd’hui et de demain qui nécessitent un matériel à la fine pointe de la technologie. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 10

Que le ministère de la Défense nationale continue dappuyer activement la recherche et le développement en matière de défense et de collaborer avec les industries canadiennes à la conception et à la fabrication du matériel militaire à la fine pointe de la technologie.

D.     Force spéciale

Pendant qu’elle se transforme en une force très mobile et à la fine pointe de la technologie, l’Armée de terre doit tenir compte des modifications dans la doctrine et de l’expérience des forces armées des autres pays. Par exemple, l’une des caractéristiques les plus remarquables des opérations de combat menées en Afghanistan a été le recours abondant à la force spéciale qui non seulement a affronté l’ennemi sur son terrain, mais a identifié les objectifs au sol pour le compte des aéronefs de combat alliés. La collaboration s’est révélée efficace entre la force spéciale au sol qui peut désigner les objectifs et les aéronefs de combat qui peuvent les localiser.

Les opérations menées par la force spéciale en Afghanistan ont permis aux militaires canadiens de dégager certaines leçons importantes. En fait, le Canada a affecté certains membres de sa Force opérationnelle interarmées 2 (FOI2) au sein des troupes américaines en Afghanistan. La FOI2 assume un rôle important dans la lutte contre le terrorisme au Canada. Dans notre rapport provisoire de novembre 2001, le Comité a recommandé que l’effectif de cette force soit augmenté afin que celle‑ci puisse être en mesure d’intervenir à la suite d’une prise d’otages ou d’un autre acte terroriste au Canada, et de participer utilement à la lutte internationale contre le terrorisme. Le Comité se réjouit donc de la décision du gouvernement de prévoir des montants supplémentaires dans son budget de 2001 afin d’augmenter les capacités et les moyens de la FOI2.

Cependant, on ignore dans quelle mesure la FOI2 devient une force spéciale analogue à celle des États-Unis et si cette solution est souhaitable pour les Forces canadiennes qui éprouvent déjà des difficultés à obtenir les ressources et le personnel nécessaires. Même si, de toute évidence, il faut conserver la FOI2 comme une unité à haut niveau de préparation affectée à la lutte contre le terrorisme, il faudrait se pencher attentivement sur les répercussions de la participation des membres de la FOI2 à des opérations à l’étranger. En effet, il faudrait examiner à la fois les effets de cette participation sur la capacité opérationnelle de la FOI2 d’intervenir à la suite d’actes terroristes au Canada et sur la capacité du Canada de jouer un rôle utile lors des opérations menées par des forces coalisées à l’étranger. Il faudrait peut‑être également tenir compte de la possibilité que la FOI2 recrute dans la police civile. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 11

Que le ministère de la Défense nationale exécute une étude sur lavenir de la FOI2 afin de déterminer les exigences à long terme de celle‑ci sur le plan des ressources, les répercussions des déploiements à létranger de certains des membres de cette force ainsi que les avantages et les désavantages de constituer une force spéciale canadienne analogue à celles des États-Unis et du Royaume‑Uni actuellement à lœuvre en Afghanistan; que le Ministère communique au Comité les conclusions générales de cette étude et ses décisions éventuelles sur lopportunité dune telle force spéciale.

E.     Restructuration de la Réserve de la Force terrestre

Les efforts déployés par les forces terrestres et les autres éléments des FC pour s’adapter aux nouvelles réalités de l’environnement de combat impliquent également une transformation au sein de la Réserve. Les forces terrestres modernes, même celles d’un pays puissant comme les États-Unis, peuvent compter sur leur réserve pour disposer de militaires entraînés qui ne font pas partie à temps plein des forces régulières mais qui peuvent facilement être intégrés aux unités se préparant à un déploiement en raison d’une crise appréhendée ou réelle au pays ou à l’étranger. Au Canada, la Réserve constitue un élément important des Forces canadiennes. La Réserve de l’Armée de terre est de loin la plus importante de toutes les réserves des Forces canadiennes. En novembre 2001, la Réserve de l’Armée de terre disposait d’un effectif de 15 326 militaires, alors que le total de réservistes au sein des Forces canadiennes s’établissait à 27 85150. Enfin, plusieurs réservistes ont participé à des opérations de maintien de la paix à l’étranger. Comme l’a signalé le major général (à la retraite) Lewis MacKenzie et plusieurs autres personnes à maintes occasions, les réservistes ont été tout aussi efficaces et dévoués que les membres de la Force régulière pendant ces opérations.

Cependant, les armées de terre doivent se transformer pour relever les défis du XXIe siècle, et leurs réserves doivent leur emboîter le pas. Puisque l’Armée de terre canadienne a l’intention de se transformer en ce qu’on appelle l’« armée de demain » au cours de la prochaine décennie pour devenir l’« armée de l’avenir » au cours de la décennie suivante, sa Réserve doit également s’adapter au nouveau contexte opérationnel.

Le 6 octobre 2000, le ministre de la Défense nationale a annoncé la revitalisation et la restructuration de la Réserve de l’Armée de terre. Il a indiqué que la restructuration de la Réserve de la Force terrestre (RRFT) s’inspirerait des recommandations du rapport de 1999 présenté par l’honorable John A. Fraser et du Plan stratégique de la RRFT rédigé par le chef d’état-major de l’Armée de terre. Il a également annoncé des mesures visant à faciliter la mise en œuvre opportune et efficace de la restructuration : porter l’effectif de la Réserve de l’Armée de terre à environ 18 500 militaires d’ici la fin de l’exercice 2005‑2006; poursuivre la réflexion sur la nécessité d’établir des plans de mobilisation nationale; nommer l’honorable John A. Fraser et le major général
(à la retraite) Reginald Lewis pour assurer le suivi de cette restructuration; nommer un directeur de projet pour la RRFT.

Le lieutenant général Jeffery avait alors énoncé les trois principes fondamentaux de son plan stratégique. Le premier consistait à améliorer la capacité opérationnelle de la Réserve de l’Armée de terre en fonction des modifications apportées à l’ensemble de l’Armée de terre. Comme deuxième principe, il a parlé du respect de l’institution, en ajoutant qu’il faut « en reconnaître les valeurs et accepter la vocation de la Réserve de l’Armée de terre dans le cadre d’une Armée de terre unifiée ». Le troisième principe portait sur l’administration et la consultation de tous les intervenants (notamment les membres de la Force régulière, ceux de la Réserve et les autres). Le lieutenant général Jeffery a rassuré les réservistes en leur indiquant qu’ils continueront d’avoir voix au chapitre et d’assumer un rôle clé dans la restructuration.

Le lieutenant général Jeffery a expliqué également que la restructuration comprendrait deux étapes. De 2000 à 2003, l’étape 1 de la RRFT est censée rétablir la « santé et la confiance » de la Réserve de l’Armée de terre notamment en améliorant le recrutement et en portant son effectif à 15 500 d’ici 2002. Pendant l’étape 1, le plan détaillé de l’« Armée de demain » devrait être élaboré avant que cette dernière ne devienne l’« Armée de l’avenir » après 2011. Au cours de l’étape 2, qui devrait commencer en 2003-2004, les modifications seront donc apportées à la Réserve en fonction de la « nouvelle » Armée de terre dont nous disposerons.

Cependant, on s’est interrogé sur l’engagement du Ministère à l’égard de l’étape 2 étant donné que le financement est aléatoire. Publié en février 2002, le Rapport sur la restructuration de la Réserve de la force terrestre du Comité de surveillance du ministre de la Défense nationale (présidé par John A. Fraser) indiquait à la page 2 que, même si les ressources ont été affectées à l’étape 1, l’énoncé de politique du 6 octobre 2000 « ne présente pas d’engagement absolu à mener à bonne fin l’expansion de la Réserve de l’Armée de terre prévue à l’étape 2 ». Entre-temps, le lieutenant général Jeffery faisait valoir, lors d’une récente réunion de la Conférence des associations de la défense, que l’Armée de terre manquait de ressources pour s’acquitter de ses nombreux engagements. Lorsqu’il a comparu devant le Comité pour examiner la restructuration, il a déclaré clairement : « Je ne peux pas retirer plus d’argent de la Force régulière pour l’injecter dans la Force de réserve. Je marche déjà sur la corde raide 51.» En l’absence d’un engagement financier clair de la part du Ministère à l’égard de l’étape 2 de la restructuration, tout l’avenir du processus devient incertain.

Cette incertitude nous cause bien des préoccupations non seulement parce qu’elle risque de retarder la restructuration, mais également parce que la Réserve de l’Armée de terre a grandement besoin d’être revitalisée et restructurée, et qu’il ne faudrait pas l’oublier une fois de plus. Lorsque la restructuration a été annoncée en octobre 2000, on a beaucoup insisté sur la nécessité de rétablir la confiance entre la Réserve et la Force régulière. Dans le cadre de cet engagement, on a considéré qu’il était très important d’informer les intéressés sur les progrès réalisés pendant la restructuration. Compte tenu des relations souvent tendues entre la Réserve et la Force régulière par le passé, il convient de louer ces mesures. Cependant, le travail visant à rétablir la confiance est nullement terminé, et retarder longtemps la mise en œuvre de l’étape 2 constitue la dernière chose dont tous ont besoin à l’heure actuelle.

Les réservistes se sont fait promettre plus d’attention et plus de matériel bien des fois par le passé pour se retrouver devant rien, les ressources qui leur étaient destinées ayant été affectées ailleurs. Si le même scénario devait se répéter avec la restructuration annoncée il y a deux ans à peine, les sceptiques auront eu raison encore une fois, et ce sont l’Armée de terre et sa réserve qui écoperont. Des témoins et, en fait, des membres du Comité se sont dit préoccupés par l’état dans lequel se trouvent certaines unités de la Réserve de l’Armée de terre. Ils ne sont nullement rassurés par le fait que, en cas d’urgence au Canada ou à l’étranger, ces unités fourniront tout le personnel disponible. En résumé, la revitalisation de la Réserve l’Armée de terre doit se poursuivre le plus rapidement possible, sinon la situation continuera de se détériorer. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 12

Que le ministère de la Défense nationale sengage le plus rapidement possible à financer létape 2 de la restructuration de la Réserve de la Force terrestre afin que sa revitalisation et sa restructuration puissent se poursuivre selon ce qui est prévu actuellement.

Même si la restructuration de la Réserve de l’Armée de terre est cruciale, il ne faudrait pas négliger la Réserve navale ni la Réserve aérienne même si leurs effectifs respectifs sont moins importants. La Réserve navale joue un rôle important au sein de la Marine canadienne lors des déploiements à l’étranger et, particulièrement, lors des activités de protection des eaux côtières canadiennes, puisque la plupart des membres de l’équipage à bord des navires de défense côtière sont des réservistes. Quant à eux, les membres de la Réserve aérienne occupent des postes clés au sein de la Force aérienne. Certains pilotes sont des réservistes, mais certaines unités de soutien, qui sont essentielles lors des déploiements de la Force aérienne au pays et à l’étranger, comptent beaucoup sur les membres de la Réserve aérienne. Leurs homologues au sein de la Réserve des communications apportent également une contribution importante à la capacité opérationnelle des Forces canadiennes. Les Rangers constituent un autre élément clé de la Réserve, particulièrement lors des opérations dans le Nord canadien. Le Comité suppose que les autres éléments de la Réserve seront également revitalisés afin que les Forces canadiennes puissent maintenir une capacité opérationnelle élevée.

La protection des emplois des réservistes affectés à des situations d’urgence comme un conflit international constitue une mesure susceptible d’assurer que la Réserve peut favoriser efficacement l’état de préparation. Même si ces rappels se produisent et se produiront, espérons-le, rarement, une telle mesure de protection encouragerait les réservistes à se rapporter sans s’inquiéter des effets de leur absence sur leur emploi. Elle contribuerait à garantir aux commandants et aux planificateurs militaires qu’un nombre important de réservistes pourrait être mobilisé dans une situation d’urgence, ce qui assurerait un niveau élevé de la capacité opérationnelle des unités déployées. La protection des emplois des réservistes lors d’une situation d’urgence importante a été l’une des modifications proposées à la Loi sur la défense nationale dans le projet de loi C-42 présenté à la suite des événements du 11 septembre, ainsi que dans le projet de loi C‑55 amendé qui a été déposé en avril 2002. Le Comité appuie vigoureusement une telle mesure de protection ainsi que les efforts soutenus de la part du Ministère et, particulièrement, du Conseil de liaison des Forces canadiennes visant à encourager les employeurs à libérer les réservistes pour qu’ils puissent participer aux exercices militaires et à la formation. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 13

Que la Loi sur la défense nationale soit modifiée le plus rapidement possible pour assurer la protection des emplois des réservistes mobilisés pendant une situation durgence importante comme un conflit, et que les efforts soient poursuivis, notamment par le Conseil de liaison des Forces canadiennes, afin dencourager les employeurs à libérer les réservistes pour quils participent aux exercices militaires avec la protection des emplois.

F.     Engagement du Canada à participer aux forces multinationales

La revitalisation de la Réserve de l’Armée de terre, la transformation de l’Armée de terre et la modernisation du matériel sont les éléments clés qui assureront l’état de préparation des forces terrestres canadiennes. Certains pourraient faire valoir que l’Armée de terre n’accuserait pas un retard sur le plan de la formation au combat si le Canada avait participé à moins d’opérations de maintien de la paix au cours des dernières années. D’autres pourraient prétendre qu’il serait inutile de suivre le rythme de tous les progrès technologiques se rapportant au champ de bataille si l’Armée de terre ne se concentre que sur les missions de maintien de la paix. Cependant, la différence entre les opérations de combat et le maintien de la paix est devenue si floue qu’il serait imprudent de déployer des casques bleus incapables de se défendre lorsqu’un cessez‑le‑feu est transgressé. Il serait également inefficace de conserver des troupes de combat très entraînées qui ne pourraient pas mener à bien les missions de maintien de la paix essentielles aux efforts visant à prévenir l’instabilité internationale.

En outre, les Canadiens veulent que leur pays apporte une contribution utile aux efforts multinationaux visant à rétablir la paix dans les régions aux prises avec des conflits, qu’il s’agisse d’opérations de combat ou de missions de maintien de la paix. Précisant qu’il est un expert en politique étrangère plutôt qu’un spécialiste des questions militaires, le professeur Denis Stairs de l’Université Dalhousie convient que c’est l’Armée de terre qui « a le plus besoin d’une attention immédiate ». Cependant, il explique que c’est elle qui doit assumer l’essentiel du fardeau parce que « les dirigeants politiques et l’ensemble des Canadiens s’attendent à ce que le Canada soit toujours prêt à répondre à l’appel des Nations Unies, des États‑Unis ou de l’OTAN à n’importe quel endroit où l’on a besoin de lui52 ».

Ces attentes constantes peuvent mener les militaires à l’épuisement si cette situation n’est pas gérée correctement. Cependant, notre pays a répondu à l’appel tellement souvent par le passé que les Canadiens et les pays alliés s’attendent à ce que les Forces canadiennes participent aux efforts multinationaux toutes les fois qu’on le leur demande. Cette attitude est naturelle puisque notre pays reconnaît que la stabilité internationale ne peut pas se détériorer jusqu’au point de restreindre les droits, les libertés et le bien-être économique des citoyens du Canada et des autres pays.

L’appui énergique que le Canada apporte à la Brigade multinationale d’intervention rapide des forces en attente au service des Nations Unies (BIRFA) révèle que la stabilité internationale lui tient à cœur. Cette brigade a été constituée dans la foulée des problèmes auxquels a été confrontée la mission des Nations Unies au Rwanda qui n’avait pu empêcher la tuerie en 1995. Plusieurs pays, y compris le Canada, la Finlande, la Pologne et la Suède, se sont engagés à fournir le personnel permettant de constituer à brève échéance une brigade d’entre 4 000 et 5 000 casques bleus. Le Canada a affecté à la BIRFA un groupement tactique et sept officiers d’état-major comme personnel d’appoint.

Lorsque le récent conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée a finalement pris fin grâce à un accord de cessez-le-feu, le Canada a pu participer aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies qui ont contribué à rétablir la paix dans la région. La brigade canadienne affectée au sein de la BIRFA était prête à fournir des militaires dans le cadre des missions de maintien de la paix. Lorsque deux pays parviennent finalement à un accord de cessez-le-feu après un violent conflit, les casques bleus doivent souvent être déployés rapidement afin d’empêcher la reprise des hostilités. C’est ainsi que la BIRFA joue un rôle important en permettant à la communauté internationale d’intervenir rapidement lorsqu’un conflit prend fin ou lorsque des tensions menacent d’enflammer une région.

G.     Nécessité d’une capacité de transport maritime

Que les troupes canadiennes soient déployées sous l’égide de la BIRFA, de l’OTAN ou d’une force multinationale contre le terrorisme international, il faut toutefois transporter ces troupes et leur matériel jusqu’à la zone d’opérations. Pendant la guerre froide, d’importantes troupes canadiennes étaient en sol européen. Il était donc possible de déployer le personnel et le matériel à une autre zone d’opérations. Sauf pour les militaires déjà affectés aux opérations de combat ou de maintien de la paix, presque tout le personnel et le matériel militaires canadiens se trouvent au Canada aujourd’hui et doivent être transportés rapidement lorsque leur présence est nécessaire dans une région du monde. Lorsque la conjoncture est idéale, le transport des troupes, de leur matériel et de leur équipement est une tâche difficile. Étant donné les ressources restreintes du Canada et les grandes distances à franchir, la tâche se complique et entraîne des coûts supplémentaires.

Par exemple, la Marine canadienne ne dispose plus que de deux ravitailleurs qui pourraient à la rigueur transporter de petites quantités de matériel et un certain nombre de militaires. Cependant, elle a désespérément besoin de ces navires pour acheminer le carburant et le matériel dont les frégates et les destroyers ont besoin pendant leur long séjour sur les océans. De plus, la fin de la durée utile de ces deux ravitailleurs approche à grands pas. Ceux-ci devront donc être remplacés dans un proche avenir, sinon la capacité de la Marine canadienne de participer à de longs déploiements en mer sera considérablement restreinte. Les frégates et les destroyers canadiens peuvent être ravitaillés en mer par des navires de soutien des marines alliées, particulièrement lors des opérations des forces coalisées. Cependant, le Canada ne peut pas toujours se fier à ce que les navires de soutien étrangers seront au bon endroit au moment opportun pour ravitailler nos frégates et nos destroyers. De plus, comme l’a expliqué le contre-amiral Ron Buck, chef d’état-major de la Marine, une marine peut affecter ses navires de soutien au ravitaillement des navires de guerre d’une marine alliée si elle sait qu’on lui rendra le même service lorsque ses navires de guerre se retrouveront dans la même situation ultérieurement.

En fait, il est possible de combiner ces deux capacités. Lorsque le Canada a entrepris sa première opération de maintien de la paix importante, c’est‑à‑dire à Suez en 1956, l’Armée de terre a pu compter sur le porte-avions NCSM Magnificent pour transporter ses véhicules jusqu’à la zone d’opérations, mais aucun des navires de guerre d’aujourd’hui ne peut assumer ce rôle. Par conséquent, la seule solution consiste à louer des navires de charge ou de l’espace à bord de ceux-ci pour pouvoir acheminer les véhicules et le matériel. L’expérience du Canada à cet égard n’a pas toujours été heureuse, comme nous avons pu le constater en 2000 lorsque les militaires canadiens ont dû arraisonner du GTS Katie qui, en raison de différends contractuels, est arrivé en retard au port pour décharger les véhicules et les armes revenant d’outre-mer. Si le différend contractuel s’était produit avec un navire de charge transportant des véhicules et du matériel canadiens à destination de l’étranger, on peut facilement imaginer comment un tel retard et une telle situation ambiguë auraient pu mettre en péril le succès de la mission et miner la réputation du Canada. Par conséquent, il y a des arguments en faveur de l’acquisition par la Marine canadienne de navires rouliers pouvant transporter les camions, les véhicules de combat et l’équipement dont ont besoin les forces terrestres qui se déploient à l’étranger lors d’une opération de maintien de la paix ou de combat.

En se dotant de quelques navires de transport militaires, le Canada ne serait pas complètement à la merci des caprices de l’industrie du transport maritime. On aurait encore recours aux navires de charge de la marine marchande, mais au moins le matériel essentiel des forces terrestres, comme les systèmes d’armes, serait acheminé en toute sécurité à bord de navires militaires canadiens. En raison de l’omniprésence de la menace terroriste, il faut envisager la possibilité que des armes transportées à bord de navires de la marine marchande puissent se retrouver entre les mains de personnes non autorisées. Quels que soient le nombre et la fréquence des déploiements des forces terrestres, on pourrait recourir abondamment à ces nouveaux navires de soutien car ils pourraient également assurer l’avitaillement en carburant et le réapprovisionnement des navires de guerre canadiens au large de nos côtes ou outre-mer.

Les navires ayant besoin d’une maintenance importante régulièrement et de radoub à quelques années d’intervalle, il faudrait au moins acquérir trois nouveaux ravitailleurs pour procurer à la flotte la souplesse nécessaire. Comme nous disposons de seulement deux navires de ravitaillement, il nous est impossible de mener les opérations de ravitaillement sur l’une des côtes canadiennes pendant de longues périodes, parce que l’un de ces navires fait l’objet d’un radoub. Le NCSM Protecteur de la côte Ouest a fait l’objet d’un radoub pendant que le NCSM Preserver a sillonné le golfe arabo-persique pendant plusieurs mois. Autrement dit, notre capacité d’appuyer un groupe opérationnel naval loin du territoire canadien est par conséquent très limité, étant donné que notre flotte ne dispose actuellement que de deux navires de ravitaillement. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 14

Que le gouvernement approuve loctroi de crédits pour lacquisition, échelonnée sur dix ans, dau moins deux navires de ravitaillement rouliers afin de procurer une capacité de transport maritime stratégique lors des déploiements à létranger et de remplacer les deux ravitailleurs dont dispose actuellement la flotte.

Comme nous le soulignons dans la partie C, les industries canadiennes ont contribué et continuent de contribuer considérablement à la capacité opérationnelle des Forces canadiennes en fabriquant du matériel dont la qualité est égale et souvent supérieure à ce que produit le marché mondial. En fait, les frégates de la classe Halifax sont des navires de guerre à la fine pointe de la technologie qui sont capables de mener des opérations avec les porte-avions de la marine américaine et les autres bâtiments ultra-modernes. Le Canada doit déployer tous les efforts nécessaires pour conserver ses capacités en matière de construction navale afin de maintenir une assise industrielle solide qui pourra fournir aux Forces canadiennes la majeure partie du matériel dont elles auront besoin. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 15

Que les nouveaux navires de ravitaillement et autres bâtiments destinés à la Marine canadienne soient construits dans les chantiers navals canadiens pour appuyer les efforts visant à conserver les capacités de notre pays en matière de construction navale et à maintenir une assise industrielle dans le domaine de la défense en général.

H.     Transport aérien stratégique et tactique

Cependant, il y a des circonstances où le temps compte et bien qu’une partie du matériel puisse être acheminé par mer, les militaires et la majeure partie de leur équipement doivent être transportés par air afin que les troupes puissent entreprendre le plus rapidement possible leurs opérations de combat ou de maintien de la paix. Le Canada possède une capacité restreinte en matière de transport aérien stratégique et tactique. Il dispose d’une flotte de 32 C-130 Hercules, dont 19 ont été achetés dans le milieu des années 1960, et de cinq Airbus A-310, que les Forces canadiennes appellent les C‑150 Polaris. Les Airbus A-310 constituent l’essentiel du transport aérien stratégique des troupes et de certains équipements, mais non des véhicules. Les Hercules peuvent également être mis à contribution à cet égard même si, comme l’a signalé le chef d’état‑major de la Force aérienne, leur rayon d’action ne leur permet pas d’être efficaces à ce chapitre53.

De plus, certains des 32 C-130 sont affectés aux opérations de recherche et de sauvetage au Canada tandis que d’autres doivent faire l’objet de maintenance courante ou imprévue. Par conséquent, seuls quelques Hercules à la fois peuvent en fait effectuer du transport aérien. Les Hercules et les cinq C-150 peuvent acheminer la majeure partie du personnel et du matériel nécessaires lors des opérations à l’étranger, mais si certains de ces appareils ne sont plus utilisables temporairement, nous nous retrouvons aux prises avec des retards gênants comme ce fut le cas lors de l’opération au Timor‑Oriental.

Par conséquent, l’âge de la flotte actuelle de Hercules laisse planer des doutes au sujet de la capacité du Canada de déployer efficacement des troupes dans des points chauds. En outre, il faut composer avec les retards supplémentaires en raison de la capacité restreinte de ces appareils de transporter des véhicules de combat, des camions et d’autres pièces d’équipement parce qu’ils sont trop imposants ou trop lourds. Un Hercules peut transporter un véhicule de reconnaissance Coyote, mais la tourelle doit être démontée afin que le véhicule puisse être embarqué dans l’aéronef. Le temps nécessaire au démontage et à la remise en place de l’équipement peut retarder un déploiement et nuire à son efficacité tout en compliquant la tâche du personnel. Cependant, il n’en demeure pas moins que le Coyote est aérotransportable. De plus, malgré les contraintes du Hercules sur le plan des dimensions du matériel qu’il peut contenir, cet appareil demeure un moyen de transport utile, comme le prouve sa présence dans la flotte de la plupart des forces aériennes dans le monde.

Pour accélérer les déploiements ou acheminer du matériel trop imposant ou trop lourd pour les Hercules ou les C-150, le Canada a souvent eu recours aux aéronefs de transport lourd de l’armée de l’air américaine, comme le C-17 Globemaster III, le C‑5 Galaxy ou le C-141 Starlifter. Parfois, le Canada de compagnies russes, ukrainiennes ou d’autres nationalités des Antonov de fabrication russe. Il n’est pas toujours possible de louer ce type d’appareils lorsque nous en avons besoin, particulièrement parce que bien d’autres pays de l’OTAN les convoitent également lorsqu’une crise éclate. Parfois, les exigences des déploiements des forces américaines à l’étranger mettent beaucoup à contribution la flotte américaine, et certains des plus vieux aéronefs sont aux prises avec leurs propres problèmes de capacité opérationnelle. Autrement dit, le Canada peut habituellement compter sur certains appareils de transport américains pour l’aider dans ses déploiements ou pour intervenir lors de situations particulières, comme ce fut le cas pendant la tempête de verglas. Les appareils de transport américains avaient alors acheminé du matériel lourd jusqu’à certains endroits au Canada. Cependant, notre pays doit attendre son tour parce que les Américains doivent d’abord satisfaire à leurs exigences. Nous ne pouvons pas être assurés d’avoir accès aux appareils américains au moment le plus opportun.

Le recours aux avions nolisés ou aux appareils des pays alliés pour assurer le transport aérien lourd comporte des risques et des désavantages qui ont entraîné des propositions recommandant que le Canada achètent ce type d’aéronefs. Dans son rapport provisoire de novembre 2001, le Comité proposait en fait, à la Recommandation 10, que le Canada devrait « se procurer de nouveaux appareils de transport lourd pour renouveler son parc actuel afin d’avoir les moyens de transport aérien stratégique et tactique dont il a besoin » afin de déployer ses troupes rapidement et efficacement. En disposant de quelques appareils de transport lourd, le Canada dépendrait moins de ses alliés et des appareils nolisés, et il pourrait notamment mieux affirmer sa souveraineté. Par exemple, lors des missions de maintien de la paix auxquelles les forces américaines ne participent pas ou ne sont pas invitées à participer, le Canada pourrait disposer de ses aéronefs de transport lourd pour déployer ses troupes et leur équipement. Il pourrait aussi survenir des situations où il faudrait évacuer rapidement des casques bleus canadiens d’un théâtre des opérations en raison de la fin d’un accord de cessez-le-feu et d’une flambée de violence qui mettraient en péril la force de maintien de la paix. S’il disposait de ses propres appareils de transport lourd, le Canada pourrait rapidement sortir ses militaires d’une situation très dangereuse.

Comme l’a expliqué le colonel Pat Dowsett, gestionnaire du projet sur le ravitaillement en vol stratégique et du projet de recherche d’un transporteur aérien stratégique, le Ministère a examiné plusieurs options afin d’améliorer la capacité de transport aérien stratégique du Canada. Notamment, le Canada pourrait devoir décider entre acheter des aéronefs ou les louer pendant plusieurs années, éventuellement dans le cadre d’une entente de location-achat. Comme le colonel Dowsett l’a signalé cependant, il faut tenir compte des répercussions à court et à long termes de l’achat ou de la location. Il a ajouté que le Canada pouvait acheter ou louer des aéronefs pour ensuite les louer à une troisième partie pendant une brève période, lorsqu’il n’en a pas besoin dans le cadre de ses opérations, l’objectif étant de produire des recettes pour payer les frais d’acquisition et d’exploitation de ces appareils.

De telles mesures pourraient se révéler nécessaires, sinon le coût d’acquisition d’aéronefs de transport lourd pourrait entraîner des réductions dans les ressources affectées à d’autres secteurs de la Force aérienne ou pourrait éventuellement retarder le remplacement de certains appareils comme les plus vieux aéronefs Hercules. Dans une large mesure, il ne serait plus avantageux d’acheter des appareils de transport lourd si nous n’améliorons pas la capacité opérationnelle de la flotte des C‑150 et des Hercules. Autrement dit, ce n’est pas uniquement une question de choisir l’un des appareils très performants que le marché offre actuellement ou offrira bientôt, mais il s’agit également de déterminer les répercussions de cette acquisition sur la capacité actuelle du Canada en matière de transport aérien.

Par conséquent, le Comité est d’avis que la Force aérienne agit sagement en continuant d’examiner les besoins et les capacités de sa flotte d’aéronefs de transport ainsi qu’en se penchant sur toutes les solutions possibles. Par exemple, nous pourrions conserver ou remplacer l’appareil Buffalo qui doit être mis au rancart à la livraison des nouveaux hélicoptères Cormoran de recherche et de sauvetage. Si le Buffalo n’est pas remplacé, il faudra peut-être affecter certains Hercules aux opérations de recherche et de sauvetage sur la côte Ouest du Canada, ce qui mettra éventuellement davantage de pression sur notre flotte d’aéronefs de transport. De plus, l’avion de transport lourd est trop gros pour participer efficacement aux opérations de recherche et de sauvetage. Il faudra donc se doter d’une version moderne du Hercules ou d’un appareil analogue, quelle que soit la décision prise concernant le transport aérien stratégique.

En résumé, notre capacité de transport aérien stratégique et tactique nous cause des problèmes. Si le Canada veut continuer à pouvoir déployer le plus rapidement possible la plupart sinon la totalité de son personnel, de son matériel et de son équipement à l’étranger, il faudra sous peu prendre une décision sur l’opportunité d’améliorer cette capacité. Grâce à l’acquisition d’un aéronef de transport lourd, les Forces canadiennes pourront certes se déployer plus facilement dans un point chaud du monde et participer aux efforts multinationaux visant à rétablir la stabilité internationale, satisfaisant ainsi aux attentes des citoyens du Canada et des autres pays. Que nous décidions d’acquérir ou de ne pas acquérir des aéronefs de transport lourd, il faudra, dans quelques années, remplacer au moins une partie de notre flotte d’appareils de transport aérien. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 16

Que le Canada fasse lacquisition daéronefs de transport lourd et remplace les vieux modèles afin de sassurer que sa capacité de transport aérien stratégique et tactique lui permettra de déployer rapidement et efficacement le personnel et le matériel nécessaires dans le cadre des opérations à létranger.

I.       Logistique

Acheminer des troupes et leur équipement dans un point chaud du monde est une chose, poursuivre les opérations pendant des semaines, voire des mois, en est une autre. Napoléon aurait déjà dit que « les amateurs parlent de stratégie alors que les professionnels parlent de logistique ». On ne soulignera jamais assez l’importance de la logistique pour toute organisation militaire. Une fois que les troupes et l’équipement ont atteint leur destination outre-mer, par voie aérienne ou maritime, il faut établir une chaîne d’approvisionnement stable entre le Canada et la zone des opérations. À l’heure actuelle, la flotte d’avions de transport du Canada constitue le principal lien entre les troupes terrestres et leurs sources d’approvisionnement en sol canadien. Une fois que les troupes et l’équipement sont en place, les avions doivent continuer de faire des allers-retours pour transporter le matériel nécessaire et renouveler les stocks. En l’absence d’une capacité stratégique de transport naval, il est possible d’obtenir de l’espace sur des navires commerciaux pour expédier du matériel.

Les forces terrestres requièrent beaucoup de matériel pour mener leurs opérations. Elles ont besoin de munitions, d’équipement de communication, de pièces de rechange pour les véhicules, de nourriture et d’une foule d’autres articles. Bien que certains articles puissent être fournis par les partenaires d’une coalition, les Canadiens frémissent à l’idée de voir leurs troupes dépendre des alliés pour obtenir des articles essentiels, ne serait-ce qu’en attendant l’arrivée du matériel en provenance du Canada. Les retards dans la livraison de matériel et d’équipement aux troupes déployées en Afghanistan a soulevé des inquiétudes dans la population canadienne, notamment chez les familles des soldats. En raison des quantités considérables d’articles nécessaires et de l’énorme pression imposée aux ressources de transport des forces canadiennes et alliées, il n’est pas possible de livrer simultanément le matériel et les troupes dans un théâtre d’opérations. Toutefois, il faut déployer des efforts pour veiller à ce que les troupes canadiennes reçoivent la majorité de leur matériel le plus rapidement possible.

Étant donné que les Forces canadiennes disposent d’une capacité de transport aérien et maritime limitée pour acheminer du matériel aux unités déployées, notamment en affrétant des navires commerciaux, la disponibilité du matériel ici-même au pays et la privatisation de nombreuses composantes de la chaîne d’approvisionnement et des services d’appui soulèvent des inquiétudes. Au fil des ans, divers rapports du Bureau du vérificateur général et certains observateurs ont émis des doutes quant à la capacité des Forces canadiennes à fournir l’appui logistique nécessaire aux unités déployées pendant des périodes prolongées. Les problèmes survenus vers la fin des années 1990 au sujet de la livraison de divers articles des uniformes de combat ne sont que quelques-unes des situations qui ont par le passé suscité des inquiétudes en matière de soutenabilité. La pénurie de pièces de rechange ou les retards pour les acheminer dans les zones d’opérations peuvent avoir de sérieuses conséquences sur l’état de préparation des troupes, sans compter les effets sur leur moral.

Il arrive que des véhicules et des aéronefs ne soient pas opérationnels jusqu’à l’arrivée de pièces de rechange pour des composantes mineures mais néanmoins cruciales. Le prélèvement de pièces sur des aéronefs ou des véhicules en état de marche pour en faire fonctionner d’autres ne fait qu’aggraver le problème plutôt que le régler. Des études récentes menées par l’armée des États-Unis ont fait ressortir l’impact négatif de cette pratique sur le moral et l’état de préparation du personnel. Il est essentiel de maintenir des stocks suffisants afin d’éviter la cannibalisation des pièces et les longues périodes pendant lesquelles il est impossible de réparer l’équipement en raison du manque de pièces de rechange.

Il y a certains avantages à appliquer le principe du « juste à temps » pour fournir aux unités le matériel au moment où elles en ont besoin. Toutefois, la nature des opérations de combat et la nécessité d’assurer la livraison rapide du matériel au moment opportun font que des quantités considérables de munitions et d’autres articles doivent être conservés et préparés en vue de leur livraison. Les soldats qui manquent de munitions dans une zone d’opérations de combat ne peuvent pas se permettre d’attendre que des contrats soient accordés pour la fabrication de nouvelles munitions. Il ne faut pas réduire les stocks de matériel essentiel par simple souci d’économie. Si nos troupes n’ont pas suffisamment de munitions pour la conduite efficace des opérations d’entraînement et de combat, cela équivaudra à économiser un dollar pour en dépenser mille.

Nous nous intéressons à la gestion de la chaîne d’approvisionnement des Forces canadiennes et à la capacité de ces dernières à livrer le plus rapidement possible du matériel et des pièces de rechange aux unités en déploiement, et nous espérons pouvoir étudier cette question plus en détail. Les avantages reliés à la privatisation de diverses composantes de la chaîne d’approvisionnement et de divers services d’appui n’ont pas encore été établis. La privatisation de certains services de soutien, notamment les services alimentaires destinés aux troupes déployées dans des théâtres d’opérations comme la Bosnie, s’est jusqu’ici avérée prometteuse. Avec la privatisation de services de soutien, on craint que la détérioration de la situation et le recours nécessaire aux opérations de combat dans les zones concernées n’entraînent le départ d’employés civils et donc l’abandon possible de certains services essentiels. Il est impératif de veiller à ce que des plans de secours soient clairement établis à cet égard. Il sera crucial de disposer des ressources nécessaires pour assurer la sécurité et la stabilité des fonctions de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre des déploiements dans des points chauds du monde et des déploiements de longue durée.

En somme, la logistique est un élément crucial et souvent négligé qui joue un rôle de premier plan dans la capacité des forces terrestres à effectuer des missions de maintien de la paix et d’autres types d’opérations. Ces forces ont besoin de matériel en quantité considérable et d’une panoplie d’armes et d’appareils de communication. Toutefois, le maintien d’une armée efficiente ne constitue qu’un seul aspect de la question. Il est en effet essentiel de maintenir également un niveau élevé de préparation opérationnelle pour les forces navales et aériennes, avec ce que cela comporte d’exigences en matière d’équipement sophistiqué et de logistique. Dans certains cas, les forces terrestres ont besoin de l’appui des forces navales et aériennes pour bien s’acquitter de leurs missions alors qu’en d’autres occasions, le Canada peut uniquement affecter des forces navales ou aériennes à une campagne multinationale visant à rétablir la paix dans une région donnée du monde. À titre d’exemple, la Marine canadienne a largement contribué aux efforts de la communauté internationale pour faire respecter les sanctions des Nations Unies contre l’Iraq en plus de jouer un rôle de soutien important lors de la campagne du Kosovo menée par l’OTAN en 1999. Les opérations qui se déroulent actuellement dans la mer d’Arabie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international est un autre exemple de la participation des forces navales.

J.     Force maritime

La force navale du Canada a été en mesure de contribuer efficacement aux efforts internationaux de maintien de la paix non seulement en comptant sur le dévouement et le professionnalisme des équipages de ses navires et de ses aéronefs de surveillance mais aussi grâce à la qualité d’une grande partie de son équipement. Comme l’ont mentionné des témoins, la Marine est relativement mieux équipée que l’Armée et la Force aérienne parce qu’elle récolte les fruits des efforts déployés dans les années 1980 et 1990 pour la doter d’une flotte de bâtiments modernes. Les 12 nouvelles frégates mises en service dans les années 1990 sont équipées d’armement et de matériel de communication à la fine pointe et leur interopérabilité avec les groupes opérationnels aéronavals de la marine des États-Unis a été démontrée à maintes reprises. Grâce au Projet de modernisation des navires de classe Tribal (MNCT), la modernisation des quatre destroyers de classe Tribal permet à ces navires de prendre part efficacement à des opérations de l’OTAN ou à d’autres initiatives multinationales. Comme elle l’a démontré peu après les attaques du 11 septembre, la marine canadienne peut déployer des navires dans n’importe quelle région du monde sur bref préavis, sans devoir installer des armes à la hâte comme ce fut le cas en 1990 lorsqu’elle a déployé des bâtiments dans le golfe arabo-persique. De nombreuses inquiétudes persistent néanmoins au sujet de l’état de préparation opérationnelle de la force navale du Canada.

D’abord, les longues affectations en mer étant éprouvantes pour les équipages, il est essentiel que la Marine examine continuellement les questions liées à la qualité de vie sur les navires et qu’elle s’efforce d’offrir les meilleures conditions possibles au personnel. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre portant sur le personnel, les questions reliées à la qualité de vie ont une incidence sur le recrutement et le taux de maintien des effectifs. Bien que la Marine semble avoir atteint bon nombre des objectifs de sa campagne de recrutement actuelle, la situation à cet égard doit être suivie de près. Le Canada dispose d’une flotte de navires de combat très limitée; le fait qu’un navire comme le destroyer NCSM Huron ait un équipage réduit et soit constamment tenu à quai afin de fournir suffisamment de personnel aux navires de la côte du Pacifique constitue évidemment une source d’inquiétude. En raison du temps nécessaire à la formation des recrues et de l’impact des affectations prolongées en mer sur les membres du personnel et leurs familles, la Marine doit accorder une attention particulière à l’aspect de la qualité de vie et intensifier ses efforts de recrutement.

Bien qu’elles soient relativement récentes, les frégates, comme tout navire de combat, devront inévitablement subir des travaux de révision dans un avenir prochain; leurs armes et leur matériel de communication devront être mis à niveau pour tenir compte des derniers progrès technologiques. Notre fierté de disposer de navires qui peuvent être déployés côte à côte avec ceux de la force navale la plus avancée au monde, celle des États-Unis, pourrait s’estomper au cours des prochaines années si la mise à niveau nécessaire des frégates est retardée en raison du budget limité de la Défense nationale. Il faut que la flotte de navires de combats du Canada soit en mesure de remplir son rôle en dépit des progrès technologiques réalisés dans cet environnement hautement sophistiqué qu’est la guerre navale moderne. Du même coup, il ne faut pas négliger l’entretien de ces navires au nom de la réduction à court terme des coûts, car des pannes mécaniques nous empêcheront d’y faire appel au moment où nous en aurons réellement besoin.

Comme l’a souligné le contre-amiral  (à la retraite) Moore, de l’Association des Officiers de la Marine du Canada, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les frégates et les autres navires de combat se détériorer au point d’atteindre le niveau de désuétude gênant qui caractérisait notre flotte dans les années 1970 et 1980. À cette époque, nos navires constituaient plus souvent un fardeau qu’un atout pour l’OTAN et d’autres forces multinationales. S’il veut éviter de se trouver à nouveau dans cette situation et conserver sa capacité d’apporter une contribution importante aux initiatives multinationales, le Canada devra s’engager au moment opportun à réaliser la mise à niveau de ses frégates.

La modernisation, voire le remplacement, des quatre destroyers de classe Tribal sera une question de plus en plus préoccupante au cours des prochaines années. Grâce au projet MNCT, ces navires possèdent des capacités de défense antiaérienne, de commandement et de contrôle qui augmenteront l’efficacité des opérations menées par les groupes opérationnels dont ils font partie. Il faudra bientôt décider de procéder une fois de plus à la mise à niveau de l’équipement à bord de ces navires ou alors de les remplacer, cette dernière option pouvant s’avérer la plus rentable compte tenu de l’âge des destroyers. Puisque le Canada ne dispose que de 12 frégates et 4 destroyers pour apporter une contribution valable aux initiatives internationales de maintien de la paix et pour patrouiller les eaux canadiennes, il ne peut pas se permettre de laisser les destroyers de classe Tribal se détériorer et ne pas les remplacer par la suite. Nous recommandons donc :

RECOMMANDATION 17

Que le projet de remplacement des quatre destroyers de classe Tribal par de nouveaux navires de combat dotés de capacités supérieures de commandement et contrôle ainsi que de défense antiaérienne soit mis en branle.

Nous recommandons également :

RECOMMANDATION 18

Que la modernisation et la remise en état à mi-vie des 12 frégates se voient accorder une grande priorité pour éviter que les capacités navales du Canada ne tombent au niveau de désuétude qui a si souvent été noté dans le passé.

La capacité de la Marine sera également accrue en temps voulu grâce à l’ajout de quatre sous-marins de classe Victoria acquis récemment du Royaume-Uni pour remplacer les bâtiments de classe Oberon. Cette nouvelle flotte permettra éventuellement à la force navale d’améliorer considérablement sa capacité sous-marine et l’aidera à respecter ses engagements en matière de défense du Canada et d’opérations multinationales. Le terme « éventuellement » est utilisé ici en raison des retards qui ont marqué la préparation des sous-marins en vue de leur traversée de l’Atlantique après des années de mise au rancart, ce qui a retardé la formation des équipages et les travaux ayant pour but d’adapter les navires aux opérations canadiennes. Nous reconnaissons qu’il faut un certain temps pour rétablir le niveau opérationnel d’appareils sophistiqués et réitérons qu’il faut donner la priorité à la sécurité des équipages affectés au transfert des sous-marins vers le Canada et à la formation du personnel, tout en s’assurant que les navires sont opérationnels. Cependant, nous avons bon espoir que la Marine pourra régler les problèmes techniques dans les meilleurs délais afin que les sous-marins puissent apporter une importante contribution à la capacité navale du Canada, conformément à l’objectif poursuivi lors de l’achat des bâtiments auprès du Royaume-Uni.

K.     Aéronefs maritimes

Notre flotte de navires de surface est dans l’ensemble en bon état et notre capacité opérationnelles sous-marine sera, nous l’espérons, améliorée dans un proche avenir. Par contre, l’état de nos aéronefs maritimes continue de soulever beaucoup d’inquiétude, en particulier celui des hélicoptères Sea King. Depuis les années 1960, ces hélicoptères sont utilisés à partir des frégates, des destroyers et d’autres navires. Or, comme tout autre aéronef ayant rendu de fiers services, il vient un temps où il faut absolument le remplacer.

Il faut d’abord mentionner que les Sea King ont été conçus principalement pour la lutte anti-sous-marine. Cependant, dans le contexte de l’après-guerre froide, l’équipement électronique à bord des hélicoptères maritimes modernes est davantage utilisé à la surveillance en surface et aux opérations côtières qu’à la surveillance sous-marine. Dotés d’équipement à la fine pointe, les hélicoptères maritimes améliorent considérablement la capacité de surveillance des navires de surface. Le remplacement des Sea King est toutefois nécessaire car la cellule des appareils porte le poids des années et le nombre d’heures de travaux d’entretien nécessaires pour chaque heure de vol continue d’augmenter. La Force aérienne, qui exploite les Sea King, a déployé beaucoup d’efforts pour s’assurer que les hélicoptères pourront voler de façon sécuritaire pendant les années qui mèneront au choix et à l’acquisition des nouveaux aéronefs. Le Sea King ne comporte pas uniquement des composantes qui datent d’une quarantaine d’années, ayant été équipé de nouveaux moteurs et de nouvelles boîtes de transmission.

Néanmoins, étant donné que le personnel affecté au Sea King est plus jeune que l’aéronef et que les coûts d’entretien des vieux appareils finissent par atteindre un niveau tel qu’il est plus logique d’en acquérir de nouveaux, le remplacement de ces hélicoptères ne doit pas être retardé davantage. En dépit des assurances données à maintes reprises au sujet de la sécurité des Sea King, l’utilisation d’aéronefs aussi vieux continue de soulever beaucoup d’inquiétude. D’ailleurs, il est absurde de disposer de frégates possédant une capacité égale sinon supérieure à celle de navires semblables des forces navales étrangères mais qui soient équipées d’hélicoptères vieux de 40 ans qui ne peuvent pas toujours être réparés. Il est vrai que les Sea King se sont avérés efficaces dans le cadre des opérations menées dans la mer d’Arabie et ailleurs, mais ces réalisations sont en grande partie attribuables au dévouement et au travail acharné des équipages et du personnel d’entretien. À la lumière de la mise au rancart récente des T‑33 et de la majorité des avions d’entraînement Tutor, le Sea King constitue sans l’ombre d’un doute, avec certains modèles moins récents du Hercules, le plus vieil aéronef de toute la flotte d’appareils des Forces canadiennes.

Maintenant que le gouvernement a finalement décidé de procéder à l’acquisition de nouveaux hélicoptères maritimes, le Comité craint fortement que le processus de sélection et d’acquisition des nouveaux appareils ne prenne trop de temps. Le Comité ne possède pas les connaissances qui lui permettraient d’établir si les nouveaux hélicoptères offriront un rayon d’action suffisant, des performances adéquates par temps chaud et d’autres caractéristiques jugées nécessaires à la conduite efficiente des opérations. Nous ne doutons pas que les Forces canadiennes ont mis à profit l’expérience acquise au cours de plusieurs décennies d’utilisation d’hélicoptères maritimes pour établir avec soin les exigences techniques de l’appareil et de son équipement en fonction des besoins opérationnels du Canada. Nous avons cependant moins confiance dans le processus d’attribution des contrats adopté pour réaliser l’acquisition des nouveaux appareils.

Certains témoins ont mis en doute la nécessité de créer deux contrats dans le cadre du projet d’acquisition des hélicoptères maritimes, soit un contrat pour l’appareil et un autre pour l’équipement électronique de bord. Deux contrats distincts seront également accordés pour les services d’entretien liés à chacune de ces composantes. Le fait d’accorder deux contrats pour le même projet risque de compliquer l’intégration de l’équipement électronique au nouvel appareil. Bien que certaines personnes au sein du Ministère aient fait valoir que cette approche permettra au Canada d’obtenir le meilleur hélicoptère et le meilleur équipement au meilleur prix possible, nous craignons surtout que la complexité du processus d’acquisition ne se traduise par d’autres retards. Les délais nécessaires pour la conception et la livraison de nouveaux uniformes dans le cadre du projet Habillez le soldat n’inspirent pas confiance et ne portent pas à croire que le processus d’acquisition permettra de prendre livraison des nouveaux hélicoptères maritimes dans les meilleurs délais.

Même en supposant que tout se déroule comme prévu, il faudra un certain temps pour intégrer les nouveaux appareils à la flotte de la Force aérienne et assurer la formation des pilotes et des techniciens d’entretien. Le nouvel hélicoptère de recherche et de sauvetage, le Cormorant, commence à peine à sortir d’usine et le remplacement complet des vieux Labrador prendra encore un certain temps. En outre, les nouveaux appareils Cormorant possèdent relativement peu d’équipement électronique en comparaison des systèmes de mission sophistiqués qui formeront la majeure partie de la capacité opérationnelle des nouveaux hélicoptères maritimes. Par conséquent, on ne peut pas présumer qu’une mise en service relativement aisée des nouveaux appareils de recherche et de sauvetage signifiera qu’il sera aussi facile de donner aux nouveaux hélicoptères maritimes leur pleine capacité opérationnelle.

En somme, il est clair qu’il s’écoulera de nombreuses années avant que les nouveaux hélicoptères maritimes soient opérationnels et que tous les appareils Sea King aient été mis au rancart. La livraison au Canada de la première cellule marquera certainement une étape importante, mais le processus sera loin d’être terminé en raison de l’installation subséquente de l’équipement électronique et des systèmes de mission. Le Ministère devra par conséquent administrer le processus d’acquisition avec le plus grand soin possible afin d’éviter tout retard supplémentaire. Nous recommandons donc :

RECOMMANDATION 19

Que lon accélère le processus de sélection et dacquisition de la cellule (ou véhicule de base) et de léquipement électronique du nouvel hélicoptère maritime afin dassurer le remplacement de tous les appareils Sea King avant la fin de la présente décennie.

Lorsqu’une flotte de vieux aéronefs approche la fin de sa durée utile, les planificateurs en matière de défense ont tendance à hésiter avant de doter les appareils d’équipement plus sophistiqué, notamment de radios ou de matériel de communication. La population considère parfois que toute dépense consacrée à de vieux aéronefs quelques mois seulement avant leur mise au rancart constitue du gaspillage. Il arrive cependant que de telles dépenses soient nécessaires pour maintenir l’exploitation sûre des vieux appareils. Étant donné l’âge avancé des Sea King et l’importance de leur capacité opérationnelle pour la surveillance des eaux canadiennes et les déploiements outre-mer, il faudra peut-être remplacer ou remettre en état une partie de leur équipement au cours des nombreuses années qui précéderont l’entrée en service des nouveaux hélicoptères. Ce serait une fausse économie, notamment sur le plan de la sécurité, que de lésiner sur les dépenses liées à l’installation de nouvel équipement sur les Sea King sous prétexte que ces appareils seront bientôt mis au rancart. Nous faisons donc la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 20

Que tous les efforts nécessaires soient déployés pour doter les hélicoptères Sea King de léquipement mécanique, électronique ou autre qui assurera leur utilisation sûre et efficiente jusquà ce quils soient mis hors service.

Le deuxième aéronef de surveillance du Canada, l’avion de patrouille à long rayon d’action Aurora, est deux fois moins âgé que le Sea King. Toutefois, une remise en état de l’Aurora s’impose depuis un certain nombre d’années déjà et la Force aérienne a finalement amorcé le processus, même si celui-ci se déroulera en plusieurs étapes. Il s’agit essentiellement d’une révision à mi-vie qui permettra d’exploiter l’Aurora pendant de nombreuses années encore et d’adapter son équipement électronique aux réalités de ce début de XXIe siècle.

D’ailleurs, à l’instar des nouveaux hélicoptères maritimes, les Aurora révisés serviront davantage à la surveillance en surface qu’à la lutte anti-sous-marine. La révision permettra également de doter les avions d’une capacité stratégique et tactique qui répondra aux besoins de la force navale, notamment dans le cadre de ses opérations côtières, comme à ceux de la force terrestre. Certains appareils P-3 Orion de la marine des États-Unis, dont la cellule est pratiquement identique à celle de l’Aurora, ont joué un rôle de premier plan lors des opérations américaines en Afghanistan, en fournissant de l’information sur le mouvement des troupes ennemies aux contingents spéciaux et à d’autres unités terrestres. Une fois mis à niveau, l’Aurora sera en mesure de fournir le même type de renseignements aux commandants canadiens participant à divers déploiements outre-mer, notamment des opérations de maintien de la paix.

Cependant, comme cela a été le cas dans d’autres pays de l’OTAN, l’accroissement de la capacité se traduit souvent par une réduction du nombre d’aéronefs ou de navires affectés aux opérations dans le but d’aligner le coût des mises à niveau sur le budget des opérations. Au cours des dernières années, la Force aérienne a constamment réduit le nombre de types d’aéronefs composant sa flotte afin de respecter son budget d’exploitation. La mise au rancart de vieux avions d’entraînement est une chose. Par contre, la réduction envisagée du nombre d’appareils Aurora suscite inévitablement des inquiétudes. Non seulement le Canada participe à de nombreuses opérations à l’étranger dans lesquelles l’Aurora se voit confier des tâches diverses, mais le pays possède également les côtes parmi les plus longues au monde et de vastes territoires dans le Nord. À une époque où la capacité de surveillance est plus importante que jamais, la possibilité de perdre une partie de la flotte d’appareils Aurora est préoccupante. Puisque les Aurora participent souvent à des missions de recherche et de sauvetage en eaux canadiennes et en haute mer, donnant ainsi un peu de répit aux Hercules hautement sollicités qui effectuent le gros de ces missions, il existe encore plus de raisons de conserver le plus grand nombre possible d’avions Aurora. Nous recommandons :

RECOMMANDATION 21

Que les 18 avions de patrouille à long rayon daction Aurora soient modernisés et conservés au sein de la flotte dappareils de la Force aérienne pour qu’ils continuent à s’acquitter de leurs tâches, notamment les missions de recherche et de sauvetage et les missions de surveillance dans le Nord canadien.

L.     La modernisation du reste de la Force aérienne

Au cours des audiences du Comité, certains témoins ont fait état des études entreprises par le Ministère pour établir si les véhicules aériens télépilotés (VAT) pourraient être affectés aux opérations de surveillance le long des côtes canadiennes et peut-être aux opérations outre-mer. Les VAT américains ont joué un rôle important lors des opérations en Afghanistan et il existe à l’heure actuelle une volonté accrue pour perfectionner ces véhicules afin de leur confier des missions de reconnaissance et d’autres tâches. Il reste toutefois à établir dans quelle mesure les VAT peuvent appuyer, voire remplacer, des aéronefs de reconnaissance comme l’Aurora. Pour un pays comme le Canada, qui dispose de ressources limitées, les VAT présentent certaines applications intéressantes et abordables. Toutefois, cette technologie devra vraisemblablement évoluer pendant encore quelques années avant que le Canada puisse en tirer pleinement profit.

Dans l’intervalle, on envisage de plus en plus la possibilité que d’ici 20 à 30 ans, les VAT seront en mesure d’appuyer, sinon de remplacer, les avions de chasse pilotés parce qu’ils pourront larguer des bombes ou lancer des missiles avec la même précision que les aéronefs actuels. Il faudra surveiller attentivement les progrès réalisés par les États-Unis et d’autres alliés de l’OTAN afin d’établir les avantages et les désavantages de l’introduction de cette technologie et de son utilisation éventuelle au sein de la Force aérienne du Canada.

L’ère du chasseur-bombardier piloté est cependant loin d’être terminée. La mise au point de l’avion d’attaque interarmées (JSF) par les États-Unis et leurs partenaires ainsi que d’autres projets d’avions de chasse en cours aux États-Unis et ailleurs dans le monde contribueront à fournir des capacités largement supérieures dans ce domaine au cours de la prochaine décennie. La décision du Canada de participer au projet du JSF à titre de partenaire secondaire arrive à point puisqu’elle lui permet de prendre part à un important programme de technologie de pointe qui pourrait s’avérer très avantageux pour les industries canadiennes. Cette initiative permettra également au Canada de disposer d’une foule d’options s’il décide de remplacer ses chasseurs CF‑18 dans 10 ou 20 ans.

Dans l’intervalle, le Canada continue de compter sur sa flotte de chasseurs CF-18 pour apporter une contribution importante à des opérations multinationales qui ont pour but de maintenir ou de rétablir la paix et la stabilité. Les CF-18 devraient demeurer en service jusqu’en 2020 environ. Lors de la campagne au Kosovo en 1999, l’OTAN s’est principalement servie de chasseurs-bombardiers pour créer les conditions nécessaires au déploiement de forces multinationales de maintien de la paix et ainsi rétablir l’ordre dans la région. En Afghanistan, les chasseurs-bombardiers des porte-avions américains ont joué un rôle de premier plan dans les missions de combat. Il ne fait donc aucun doute que la flotte d’avions de chasse du Canada représente un atout important que le pays peut déployer aux côtés des forces alliées lors de missions outre-mer. Dans certains cas, il vaut mieux pour le Canada que sa participation à des opérations internationales prenne une autre forme que le déploiement de chasseurs-bombardiers. En Afghanistan par exemple, on a fait largement usage d’avions de chasse embarqués en raison du manque de terrains d’aviation à proximité des zones ennemies. Dans d’autres cas, les CF-18 sont appelés à appuyer des forces terrestres canadiennes participant à une mission de maintien de la paix ou à des opérations de combat menées par une coalition.

Il faut toutefois maintenir la capacité opérationnelle des chasseurs-bombardiers CF-18 à un niveau technique élevé. Le radar et l’équipement électronique du CF-18 sont les mêmes qui se trouvaient à bord de l’appareil lors de sa livraison dans les années 1980. Or, tout le monde sait qu’il n’y a pas de comparaison possible entre la technologie informatique des années 1970 et 1980 et celle d’aujourd’hui. Bien que la cellule du CF-18 comme telle soit généralement en bon état, l’équipement électronique et le matériel de communication désuets de cet aéronef compromettent sa capacité à remplir son rôle de façon sûre et efficiente aux côtés des forces alliées en situations de combat.

Dans le but de continuer à apporter une contribution importante aux initiatives de paix internationales, le Canada a judicieusement investi dans un programme de modernisation de ses CF-18 qui permettra d’accroître la capacité du radar et du système d’armes du chasseur. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que le programme ne vient que de commencer et qu’il ne sera pas terminé avant 2006, et que seulement 80 des quelque 120 CF-18 canadiens seront modernisés. Il faudra entreprendre des projets de suivi dans les années subséquentes afin d’accroître davantage les capacités de l’appareil. Nous osons croire que le processus de modernisation ne subira pas de retard et que les CF-18 révisés seront remis en service à un rythme régulier pour que le Canada soit en mesure de participer le plus efficacement possible à toute opération multinationale qui pourrait s’avérer nécessaire.

Outre le fait qu’il ait finalement amorcé la modernisation de sa flotte de chasseurs, le Canada a également pris des mesures lui permettant au besoin de déployer les CF-18 de façon rapide et efficiente. Pour tirer pleinement profit des capacités accrues de cet appareil, les Forces canadiennes doivent pouvoir elles-mêmes procéder au ravitaillement en vol des chasseurs affectés à des missions outre-mer. À l’heure actuelle, la capacité de ravitaillement en vol de la Force aérienne est limitée puisque seuls quelques appareils Hercules sont dotés de l’équipement nécessaire. Toutefois, dans le cas de certains déploiements stratégiques, notamment lorsqu’il faut traverser l’océan Atlantique, les avions de transport à réaction s’avèrent plus efficaces que les Hercules pour ce type d’opération de ravitaillement car leur vitesse et leur rayon d’action supérieurs facilitent la tâche aux CF-18 et leur permettent de maintenir une bonne vitesse de croisière.

Lorsqu’elle possédait deux appareils de transport Boeing 707 adaptés au ravitaillement en vol, la Force aérienne pouvait non seulement déployer rapidement plusieurs de ses CF-18 outre-mer, mais elle était également en mesure, comme pendant la guerre du Golfe, de prêter main forte à la flotte d’avions ravitailleurs qui appuyaient les chasseurs alliés en mission opérationnelle. C’est pourquoi le Comité accueille favorablement le projet qui vise à modifier deux des cinq avions de transport C‑150 Polaris (appareils de type Airbus 310) de la Force aérienne pour le ravitaillement en vol. Le fait que la force aérienne de l’Allemagne procède également à ce type de modification sur ses Airbus 310 permet de réduire une grande partie des risques et des coûts associés à un projet de ce genre visant à modifier pour la première fois un type d’appareil qui n’a jamais servi au ravitaillement en vol.

Fait encore plus important, le Canada disposera, dans deux ans environ, d’une capacité tactique et stratégique de ravitaillement en vol qui lui évitera de faire appel à des avions alliés ou affrétés auprès d’une compagnie privée lorsque viendra le temps de déployer ses CF-18 outre-mer. En somme, exploités conjointement avec les CF-18 aux capacités accrues, les appareils Airbus 310 adaptés au ravitaillement en vol permettront au Canada de s’acquitter de ses engagements pour fournir une force aérienne de combat efficace dans le cadre d’opérations de l’OTAN et d’autres initiatives multinationales ayant pour but de maintenir la stabilité mondiale.

M.    À propos de la planification à long terme

La période qui sépare la perte d’une grande partie de la capacité stratégique de ravitaillement en vol du Canada et le recouvrement de cette capacité dans un proche avenir rappelle beaucoup la situation de la capacité sous-marine du pays, les vieux bâtiments ayant été mis au rancart bien avant que la flotte de nouveaux sous-marins ne devienne opérationnelle. En fait, l’histoire militaire du Canada est ponctuée de nombreux cas où des capacités opérationnelles qui se sont perdues ou détériorées de façon importante ont été rétablies par la suite, mais pas nécessairement à leur niveau précédent.

L’état de préparation opérationnelle souffre inévitablement du fait que l’équipement doit demeurer en service bien après qu’il est tombé en désuétude ou que son utilisation a cessé d’être rentable. L’argent dépensé pour couvrir les coûts plus élevés relatifs à l’entretien d’aéronefs, de navires et de véhicules désuets peut avoir pour effet de réduire le budget affecté à l’achat de nouvel équipement ou ne procurer que la somme nécessaire à l’acquisition d’équipement adéquat, sans plus. Les contraintes budgétaires et le rythme des opérations continuent de donner lieu à ce genre de situations. De plus, même les grandes puissances militaires comme les États-Unis continuent d’exploiter une panoplie de vieux appareils tout en introduisant de temps à autre quelques systèmes d’armes techniquement avancés. À titre d’exemple, le vieillissement de nombreux chasseurs et avions de transport de l’armée des États-Unis suscite une certaine inquiétude chez les observateurs militaires américains.

Au Canada cependant, il y a lieu de s’inquiéter du fait que le secteur de la défense en est presque rendu au point où ses efforts pour renouveler l’équipement ne suffisent tout simplement pas à contrer les effets des retards dans les processus d’acquisition, des coûts reliés à l’utilisation d’équipement qui n’est vraiment plus à la hauteur et des dépenses insuffisantes en matière de défense. Cette situation pourrait entraîner la dégradation constante de l’état de préparation opérationnelle du Canada. En fait, les progrès technologiques sont si rapides qu’il faudra peut-être moderniser l’équipement à de nombreuses reprises au cours de sa durée utile.

Le problème auquel le Canada est confronté est qu’il devra remplacer de nombreux appareils d’importance d’ici 10 ou 15 ans et que cette obligation et la modernisation d’autres appareils nécessiteront des dépenses considérables. Comme l’a souligné le colonel (à la retraite) Brian MacDonald, président du Conseil atlantique du Canada, la partie du budget de la défense consacrée à l’achat d’équipement a diminué considérablement au fil des ans54. Si le Canada continue de dépenser aussi peu sur des projets d’acquisition d’équipement militaire, les Forces canadiennes devront faire face aux coûts élevés de l’exploitation de vieux appareils au-delà de leur durée utile et elles ne seront pas en mesure d’investir dans de nouvelles technologies qui permettraient d’accroître leur capacité. L’état de préparation des Forces canadiennes s’en trouvera inévitablement réduit.



47Major général (à la retraite) Lewis MacKenzie, Délibérations, 8 mai 2001.
48Lieutenant général M.K. Jeffery, Délibérations, 19 mars 2002.
49Lieutenant général M.K. Jeffery, Délibérations, 17 mai 2001.
50Canada, Défense nationale, Comité de surveillance du ministre de la Défense nationale, Rapport sur la restructuration de la Réserve de la Force terrestre (RRFT), février 2002. (L’effectif de la Réserve navale s’établissait à 3 730 personnes, celui de la Réserve aérienne à 2 172, celui de la Réserve des communications à 2 010 et celui des Rangers à 3 483.)
51Lieutenant général M.K. Jeffery, Délibérations, 19 mars 2002.
52Professeur Denis Stairs, Délibérations, 19 novembre 2001.
53Lieutenant général Lloyd Campbell, Délibérations, 9 avril 2002.
54Lieutenant général Lloyd Campbell, Délibérations, 9 avril 2002.