:
Bonjour. Je m'appelle Mohamed Harkat.
Il y a cinq ans, le 10 décembre — Journée des droits de l'homme — notre cauchemar a commencé. Après 43 mois de détention sans faire l'objet d'accusation ni avoir accès à la preuve, après un an d'isolement cellulaire, une bonne période passée à Guantanamo-Nord, et un an et demi de détention à domicile, sans oublier qu'on m'a infligé les conditions de libération sous caution les plus sévères jamais vues dans toute l'histoire du Canada, je me présente devant vous pour demander justice.
Depuis 18 mois, ma femme et moi sommes prisonniers dans notre propre domicile. Des caméras de surveillance sont installées dans la maison. Je porte un dispositif de repérage avec GPS. Ma femme ou ma belle-mère doit me surveiller 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Je n'ai jamais été laissé seul ni dans la maison, ni dans ma cour arrière. Tous les visiteurs et tous les membres de la famille qui viennent à la maison doivent faire l'objet d'une vérification de sécurité par l'ACSF. La pièce où se trouve l'ordinateur est sous clé et on m'impose une heure de rentrée. Nous avons droit à seulement trois sorties de quatre heures, et toutes les sorties sont enregistrées et préapprouvées par l'ACSF au moins 48 heures à l'avance. Tout le courrier et tous les appels téléphoniques sont interceptés. Deux agents de l'ACSF me suivent toujours. Et je pourrais continuer.
Ma vie est un cauchemar inimaginable, alors que je n'ai jamais été accusé d'un crime. Je ne suis même pas au courant des preuves qu'on a contre moi.
Cette grave injustice continue à toucher ma famille et moi-même. Ce n'est pas le Canada auquel je rêvais. Je me présente donc devant vous aujourd'hui pour exhorter le gouvernement canadien à m'accorder un procès juste et transparent, pour que je puisse me défendre en toute transparence. Je suis fermement convaincu que les certificats de sécurité ne m'emmèneront pas bien loin. Mes espoirs en ce qui concerne la possibilité de faire l'objet d'un procès juste et équitable ont disparu lors du dépôt du . Cette mesure législative aura pour résultat de continuer à enfreindre mes droits, de même que la Charte.
Donc, le peu d'espoir que j'avais d'obtenir justice a maintenant disparu. C'est la pire forme d'injustice. Toutes ces allégations contre moi ont gâché notre vie.
Je suis outré de constater que le dossier qui a été monté contre moi s'appuie sur des preuves secrètes qui seront utilisées dans le cadre de mon procès. Je me présente devant vous aujourd'hui parce que je voudrais que tous les Canadiens sachent la vérité. Je veux que la vérité sorte. Je veux obtenir justice. Je mérite qu'on me donne la possibilité de blanchir ma réputation, et c'est ce que d'autres Canadiens revendiquent également.
Pendant combien de temps va-t-on m'infliger ce traitement inadmissible — des conditions de libération sous caution inhumaines et la torture psychologique — traitement qui m'est infligé par le gouvernement canadien?
J'exhorte chacun d'entre vous à réfléchir à ce nouveau projet de loi et à vous demander si vous aimeriez être à ma place. Accepteriez-vous un tel processus? Voudriez-vous mettre votre vie entre les mains d'un défenseur qui n'a pas le droit de communiquer ouvertement avec vous?
Pourquoi ce système à deux vitesses? Pourquoi me punit-on même si je n'ai jamais été accusé de quoi que ce soit? Je n'ai jamais commis de crime.
La démarche prévoyant le recours à un défenseur est-elle suffisante? Cela suppose néanmoins des années de détention sans avoir droit à l'égalité devant la loi, alors que les vrais criminels n'ont pas besoin d'un défenseur. Faites-vous suffisamment confiance à ce système pour accepter de mettre votre vie entre les mains d'un avocat désigné pour vous représenter sans que vous l'ayez choisi?
Donc, j'exhorte le gouvernement canadien à m'accorder un procès équitable. Ma collectivité, d'autres organismes, ma famille et moi continuerons à nous battre tant que nous n'aurons pas obtenu justice. En tant qu'être humain vivant dans ce pays, je m'attends à obtenir justice, et c'est ce que je revendique aujourd'hui.
Je remercie le comité de m'avoir accordé la possibilité de m'exprimer devant lui.
:
En ce qui concerne le projet de loi , notre comité le considère comme une tentative du gouvernement de donner l'impression que ces modifications au certificat de sécurité le rendront plus juste et conforme aux normes modernes d'application de la loi et de la justice fondamentale.
Sous couvert de protection des droits, il fait le contraire. Il continue d'entretenir l'hystérie sur la question du terrorisme pour ériger un pouvoir d'exception en loi et bloquer toute discussion calme et rationnelle du problème du terrorisme ou de la sécurité.
Comment se pose ce problème? Comment l'aborder? Nous considérons qu'il doit y avoir une discussion complète sur les raisons pour lesquelles le certificat de sécurité et les procès secrets doivent être abolis. Le projet de loi garde intact le certificat de sécurité et, parfois, l'aggrave. Il maintient les procès secrets, la preuve secrète et l'impunité des agences de répression de l'État, notamment la police politique qu'est le SCRS. Toutes les condamnations et critiques du certificat de sécurité que le Comité Justice pour Mohamed Harkat a indiquées devant le Sous-comité de la sécurité publique et nationale le 21 septembre 2005, puis devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration le 9 novembre 2006, sont toujours d'actualité, et j'inviterais les membres de ce comité à les lire. Nous disions alors que le certificat de sécurité et les procès secrets sont des instruments médiévaux, une violation des droits fondamentaux et qu'ils n'ont pas leur place dans une société moderne.
Le projet de loi est présenté comme la réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui, Harkat, Almrei et justifié par des circonstances exceptionnelles: le besoin de lutter contre le terrorisme. Non seulement le projet de loi ne satisfait pas aux demandes du jugement de la Cour suprême de se conformer à plusieurs articles de la Charte canadienne des droits et libertés, mais il trahit l'essentiel de ce jugement: que ces violations des droits ne sont pas acceptables, sont rejetées par le peuple canadien et sont anticonstitutionnelles.
Avec le projet de loi , ce que l'on nous dit exceptionnel et isolé devient la norme. À cela s'ajoute le maintien de l'impunité de l'État et de ses organes de répression, qui n'est certainement pas la voie à emprunter pour assurer la sécurité collective de la société. Nous voyons que dans le projet de loi est proposé un avocat spécial, une version étriquée du modèle britannique, lui-même conçu pour accorder le minimum de droits et de justice et contourner les principes de justice fondamentale. Cet avocat spécial ne peut parler à personne sans l'autorisation du juge. Il ne peut pas parler à la personne visée par le certificat de sécurité et peut être renvoyé par le juge, ce qui nuit à son indépendance.
Le secret des preuves, s'il y en a — car jusqu'à présent, nous n'avons vu que des allégations —, est maintenu. Il n'interdit pas l'usage de preuves ou de renseignements obtenus par la torture. La norme de preuve du certificat de sécurité reste la même: le caractère raisonnable, le plus bas niveau de preuve du système canadien. Le projet de loi maintient qu'une décision peut être prise sur des renseignements plutôt que sur une preuve. Des informations ou des éléments de preuve inadmissibles devant un tribunal normal sont admissibles dans ce processus. Il perpétue la menace d'expulsion vers la torture, la disparition ou la mort.
Le droit d'appel proposé est un droit d'appel tronqué et incohérent. Ce sera au juge qui maintient le certificat de sécurité d'indiquer en même temps les pistes d'appel. Les mesures transitoires contenues dans ce projet de loi, entre autres, légalisent la détention pour une période indéterminée. Il est évident que la nouvelle version du certificat de sécurité et de procès secret ne fait que reconduire, intact, ce qui existe actuellement. Aucun droit ne se trouve renforcé par ce projet de loi, bien au contraire. Cette tentative de réforme du certificat de sécurité vient confirmer que cela n'est pas possible et que cet instrument médiéval doit être aboli une fois pour toutes.
Je vous remercie.
:
Je m'appelle Sameer Zuberi. Je travaille au Conseil canadien des relations islamo-américaines. Nous sommes un groupe de revendication basé à Ottawa qui mène ses activités à l'échelle du Canada, puisque nous avons des représentants d'un bout à l'autre du pays, soit de Montréal à Vancouver. Nous nous intéressons à une vaste gamme de dossiers, allant de la Commission d'enquête sur Maher Arar aux certificats de sécurité en passant par le débat sur les accommodements raisonnables au Québec. Voilà le genre de dossiers auxquels nous travaillons au Conseil.
Nous menons nos activités à l'échelle nationale dans le cadre de campagnes auxquelles les gens sont sensibilisés, comme celles sur les certificats, et nous travaillons également dans le cadre de plus petites campagnes au sujet des dossiers qui n'ont pas été médiatisés.
Je désire remercier tous les membres du comité de nous avoir entendu. Je suis sûr que vous devez consacrer beaucoup de temps à ce genre d'activité tout le temps, et je sais que ce n'est pas nécessairement facile.
Je voudrais aussi vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous adresser la parole parce que je sais qu'il était prévu au départ que vous fassiez cet examen assez rapidement, de façon à pouvoir faire adopter le projet de loi, ce qui est tout à fait juste et responsable. Je voudrais également vous remercier d'avoir pris le temps de nous entendre parce que, même si nous avons de graves préoccupations en tant que conseil, nous savons que d'autres personnes ont également de graves préoccupations.
En guise de préambule, je voudrais vous dire, tout d'abord, que, à mon avis, nous, les citoyens canadiens, et le Canada dans son ensemble devrions traiter le problème du terrorisme avec toute la vigueur nécessaire. Il faut appliquer aux terroristes le principe de la tolérance zéro, et il convient donc de les poursuivre en justice et de s'assurer que de tels actes ne puissent pas être perpétrés. Telle a toujours été notre position.
En même temps, nous ne pouvons faire fi des droits humains simplement parce que nous voulons trouver des terroristes.
Ce qu'il faut faire, et ce que nous cherchons à faire, c'est établir le bon équilibre dans la recherche de personnes qui commettent de tels crimes et la protection des droits individuels, pour que les gens ne soient pas mis en prison alors qu'ils n'ont commis aucun crime, ou encore quand il nous est impossible de prouver qu'ils ont commis un crime. Voilà donc ce que je voulais vous dire en guise de préambule.
Nous nous présentons devant vous aujourd'hui pour parler du rôle du défenseur. Notre examen de l'historique des certificats de sécurité au Canada nous a permis de constater que cette question revêt une grande importance pour la communauté musulmane au Canada. C'est une question qui préoccupe au plus haut point la communauté musulmane, qui correspond à 2 p. 100 de la population canadienne, et dont elle est consciente en permanence. Nous en entendons parler tous les jours. Si vous parlez aux gens dans la rue de cette question, vous vous apercevez qu'ils en ont entendu parler; les gens suivent ce dossier.
Ce qui se fait dans cette salle est important pour les citoyens canadiens. Les statistiques ont été diffusées l'autre jour, et selon elles, 20 p. 100 des Canadiens sont nés à l'étranger; et ces citoyens correspondant à 20 p. 100 de la population s'intéressent vivement à des questions comme le recours aux certificats de sécurité parce que cela leur permet de savoir en définitive si le gouvernement est sensible ou non aux préoccupations des nouveaux Canadiens.
S'agissant maintenant des certificats de sécurité et du , nous estimons que les normes du droit criminel devraient s'appliquer aux certificats. Je ne vais pas vous dire que les certificats de sécurité et leur utilisation ne devraient pas relever de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, mais je peux certainement vous affirmer que si cet outil continue de relever de la Loi en question, il est essentiel de prévoir l'application des normes du droit criminel pour que les gens sachent à qui s'attendre. On peut toujours garder ce mécanisme dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés; il n'y a pas de problème sur ce plan-là. Mais, à ce moment-là, il faut prévoir l'application des normes du droit criminel afin que les gens puissent avoir accès à la preuve qui sera utilisée contre eux. Ce n'est que justice.
J'étais assis dans cette salle l'autre jour quand Warren Allmand faisait son exposé, et il a fait valoir un argument très sensé. Il dit qu'il ne faut pas renvoyer dans d'autres pays des personnes qui, à notre avis, présentent une menace grave car ce ne serait pas une façon responsable d'agir, d'une part, et parce que nous déchargeons alors nos responsabilités sur le reste du monde. Nous vivons à présent dans une société de plus en plus mondialisée, si bien que ce qui arrive au Canada touche d'autres régions du monde, et inversement; en conséquence, si nous ne réglons pas les problèmes qui se présentent au Canada de manière responsable, il est possible que nous en subissions les conséquences plus tard. Et nous ne voulons pas que cela nous arrive.
Le régime des défenseurs ne règle absolument pas la question des certificats dans un système judiciaire à deux vitesses, où s'appliquent deux normes judiciaires: l'une pour les immigrants et l'autre pour les citoyens. Ce n'est pas juste; ce n'est pas équitable; ce n'est pas la façon de faire des Canadiens. Si nous qui sommes présents dans cette salle subissions le même traitement, nous ne serions certainement pas très contents.
Les modifications touchant le rôle du défenseur n'apportent pas de solution en ce qui concerne la détention pour une période indéterminée et l'expulsion vers des pays qui pratiquent la torture. Pour nous, au Conseil canadien des relations islamo-américaines, ces deux éléments sont extrêmement importants et préoccupants, et nous estimons qu'il faut continuer à les examiner.
La détention pour une période indéterminée ne doit être autorisée. C'est une mesure qui est tout simplement injuste. Et le fait d'expulser les gens est tout à fait odieuse et, en tant que Canadiens, nous ne pouvons tolérer une telle pratique. Pourquoi? Parce que les populations du monde entier prennent appui sur les modèles que nous élaborons pour savoir comment rédiger leurs propres lois. Ils se tournent vers le Canada pour savoir comment ils devraient mettre en oeuvre leurs propres politiques, et si nous permettons aux autorités d'expulser les gens vers des pays qui pratiquent la torture, d'autres pays feront de même. Ils suivront notre modèle.
Enfin, je voudrais conclure mon exposé sur la mesure dans laquelle le projet de loi traite de façon responsable la question de la preuve dans le cadre des formalités liées au certificat de sécurité. Le projet de loi C-3 autorise la production de preuves secrètes. Il est vrai que le projet de loi prévoit qu'une autre personne pourra examiner les renseignements. Toutefois, il y a lieu de se demander si cette personne pourra vraiment examiner de façon complète les renseignements en question. De plus, il n'y aura pas de communications réciproques entre le défenseur et la personne visée par le certificat. Nous trouvons cela préoccupant. Comment le défenseur pourra-t-il s'assurer que les renseignements sont exacts et valables s'il lui est impossible de dialoguer avec l'intéressé?
Ce que nous avons constaté grâce au travail de la Commission d'enquête sur Maher Arar, et notamment les documents diffusés dernièrement, c'est que les demandes de protection des renseignements liées à la sécurité nationale ont simplement permis de ne pas divulguer des renseignements embarrassants qui auraient démontré que les organismes chargés de protéger la sécurité nationale s'étaient trompés. A-t-on la certitude que la démarche prévoyant le recours au défenseur ne conduira pas au même genre de situations: peut-être voudra-t-on invoquer la sécurité nationale pour refuser de divulguer certains renseignements, dans le seul dessein d'éviter l'embarras que leur divulgation pourrait causer au SCRS ou à la GRC?
Nous sommes tous au courant de l'incident du taser et, même s'il n'est aucunement lié aux certificats de sécurité, cela nous a permis de constater que lorsque les preuves sont présentées ouvertement et que les gens ont la possibilité de les évaluer, il est possible de découvrir la vérité. Si le passager en question n'avait pas décidé de filmer l'incident avec sa caméscope, est-ce que nous aurions su qu'en fait, l'intéressé, le Polonais, n'avait opposé aucune résistance contre les policiers? Peut-être que non. Peut-être aurions-nous accepté l'explication qu'on nous a fournie. Mais, grâce à la preuve que nous avons obtenue, et parce que les gens ont pu voir la vidéo, il a été possible de découvrir la vérité. En fin de compte, cela fait du Canada un meilleur pays et, de nous, des citoyens plus responsables et plus à même de régler les problèmes.
Pour ce qui est de l'équilibre à établir entre la protection des droits et la nécessité de poursuivre en justice les vrais criminels, nous estimons que c'est une question importante qu'il faut examiner avec sérieux. Mais, si nous souhaitons vraiment éliminer le terrorisme au Canada et dans le monde entier, il faut y arriver par des moyens justes et équitables. Sinon, nous ne réussirons jamais à trouver des solutions et à aller au fond du problème.
Je vais conclure là-dessus. Il faut comprendre que cela préoccupe au plus haut point les musulmans canadiens et les immigrants en général.
:
Bonjour à tous. Je vais parler français.
J'aimerais commencer par vous remercier de m'offrir l'occasion de m'adresser à cet honorable comité. Avant de parler du projet de loi , j'aimerais me présenter. Si vous lisez les rapports du SCRS, vous allez constater qu'on me présente comme un monstre, un dangereux terroriste, un membre d'Al-Qaïda, quelqu'un qu'on doit contrôler, qu'on doit menotter, qu'on doit mettre dans une cellule, dans une cage. Ce discours, vous l'avez peut-être entendu pendant des mois, des années.
Je suis vraiment enchanté d'avoir l'occasion de vous donner un autre son de cloche. En effet, si vous écoutez seulement le SCRS, avec toute la propagande qui se fait contre la communauté musulmane, et spécialement contre des personnes immigrantes qui n'ont pas pleinement la protection de la Charte des droits et libertés, il peut se produire des abus, comme la Cour suprême l'a constaté dans sa décision concernant Charkaoui, Harkat et Almrei.
Je suis né au Maroc en 1973, dans une famille de deux enfants; j'ai une soeur. En 1995, nous avons décidé d'immigrer ici, au Canada, mon père, ma mère, qui sont présents ici, et ma soeur. Pour moi, le Canada a toujours été un rêve: le rêve de vivre en français, parce que je suis francophone, et de vivre dans un pays multiculturel qui respecte la Charte des droits et libertés et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Au Maroc, j'étais étudiant en littérature française. Je tiens donc aux valeurs de la Révolution française.
Quand je suis venu dans ce pays, je ne m'attendais pas à être traité de la sorte. J'ai été traité comme un animal, comme un sauvage, ce que je ne suis pas. Nous sommes arrivés en 1995 et j'ai commencé à entreprendre des études universitaires en littérature française à l'Université de Montréal. J'ai vécu en tant non pas que citoyen canadien, parce que je ne l'étais pas encore, mais en tant que résident permanent.
Quand M. Stockwell Day va dire sur toutes les tribunes que nous sommes des étrangers, des terroristes et des gens dangereux, c'est faux. C'est de la propagande. Je ne suis pas un terroriste. Je n'ai pas été accusé en vertu du Code criminel. Je n'ai pas commis de crime. Les allégations de M. Stockwell Day sont donc fausses. Je suis un honnête citoyen et je n'ai rien à me reprocher. Si le gouvernement prétend — et je parle du SCRS —, que je suis terroriste, il y a des tribunaux. Il peut m'accuser et montrer ses preuves.
En 1995, je suis arrivé avec mes parents et je rêvais d'un monde meilleur, d'un pays où je pourrais vivre et bâtir mon avenir. Aujourd'hui, je suis marié, j'ai trois enfants, deux filles et un garçon, qui sont tous canadiens. Mes parents sont canadiens. Je suis résident permanent. Je ne suis pas un étranger, je n'ai pas atterri au Canada en parachute, j'ai été sélectionné. J'ai démontré que je n'avais pas d'antécédent criminel: Interpol a fait une enquête. Donc, quand je suis venu au Canada, ce n'était pas un ennemi dangereux qui arrivait au Canada, mais un résident permanent.
J'ai terminé mes études universitaires et j'ai commencé à travailler comme professeur. J'ai fait ma demande de citoyenneté canadienne en 1999 et je me suis rendu à une entrevue de sécurité dans le bâtiment d'Immigration Canada.
Ce qui est frappant, c'est qu'aujourd'hui je viens vous parler au Comité permanent de la sécurité publique et nationale et non pas à un comité d'immigration. Ce que nous dit le certificat de sécurité, c'est qu'il doit y avoir deux systèmes: l'un pour les immigrants, l'autre pour les citoyens.
Cette loi ou ce projet de loi ne change rien, en fait, à part quelques modifications esthétiques comme l'ajout d'un avocat spécial qui n'a pas de privilèges avocat-client et qui ne me défendra pas, une sorte de clown. Pour moi, l'avocat spécial, it's a clown. Pour moi, c'est no circus and no clown. Je ne veux pas de cirque, je veux un procès juste et équitable.
Je me suis rendu à Immigration Canada et on m'a demandé de monter. J'ai rencontré le SCRS. On m'a posé des questions sur ma religion, mes prières et la mosquée. Je ne suis pas un fondamentaliste, je ne suis pas un extrémiste, je ne suis pas un intégriste, mais on m'a posé des questions sur mes valeurs, sur ce que je pensais du conflit en Palestine, sur ce que je pensais de Saddam Hussein. Ces questions n'ont rien à voir avec la citoyenneté canadienne.
Je leur ai dit que je n'étais pas un terroriste et que je pensais que la Palestine était occupée. D'ailleurs, on appelle cela « les territoires occupés ». Je leur ai dit que j'étais contre le terrorisme, contre la violence.
En 1999, on m'a demandé de travailler pour le SCRS et de devenir un mouchard contre ma propre communauté. J'ai dit non. Le SCRS ne m'a jamais lâché. C'était en 1999. On est en 2007 et je subis toujours des mesures de rétorsion de la part du SCRS.
Malheureusement, ce projet de loi ne peut me protéger contre les abus du SCRS, tout simplement pour plusieurs raisons.
Je vais arrêter de parler de moi. Je suis désolé. Parce que j'ai seulement 10 minutes, je n'ai pas présenté la Coalition Justice pour Adil Charkaoui, qui a fait de l'excellent travail.
Je vais passer au projet de loi .
Quand on m'a arrêté, on m'a menotté, on m'a mis dans une cellule de deux mètres sur trois mètres. Heureusement que j'étais au Québec — je le dis et je le répète —, parce que les autres détenus ont été traités comme des animaux en Ontario. On m'a dit: « Monsieur Charkaoui, nous avons des preuves que vous avez le profil d'un agent dormant d'Al-Qaïda ». Ce furent les premières allégations.
On m'a donné 400 pages de preuves. Je les ai épluchées en prison; je les ai lues et relues. Dans mon dossier il y avait une dizaine de biographies d'Oussama ben Laden, un document sur la façon de fabriquer des bombes, des documents sur des discours de Saddam Hussein, un rapport sur les armes de destruction massive en Irak. Il y avait 14 pages sur moi. Dans ces 14 pages, on dit que M. Charkaoui parle plusieurs langues: l'anglais, le français et l'arabe; qu'il est étudiant universitaire, fait des études de maîtrise et veut entreprendre un doctorat; qu'il est marié — le mariage est une couverture, pour eux —; qu'il a un restaurant avec sa famille pour financer le terrorisme. Il n'y a pas de preuve, ce sont des allégations vagues. On dit aussi qu'il a entrepris un voyage au Pakistan. Je n'ai pas voyagé au Pakistan. J'ai voyagé partout au monde, mais on a retenu seulement un seul voyage et on a fait fi de tous les voyages aux États-Unis, en Allemagne, en Espagne, en Égypte. On n'a parlé que d'un seul voyage. Ensuite on a parlé de personnes que je ne connais pas, avec lesquelles je n'ai aucun contact; on a écrit leurs noms. On a commencé à parler de la famille Khadr, des gens que je ne connais pas mais dont les noms ont été insérés dans mon dossier pour faire de la propagande, pour faire peur au juge.
Le juge Simon Noël m'a détenu pendant 21 mois parce que je refusais de témoigner. Pour moi, c'est une parodie de justice. Ce n'est pas de la justice quand la preuve est secrète, quand on a un nombre de preuves et les motifs raisonnables de croire, quand la torture est autorisée. L'un des prétendus délateurs, c'est Abu Zubaydah. M. Bush vient d'avouer publiquement qu'il était détenu dans un black site, une prison secrète de la CIA. Comment peut-on accepter ses paroles? Le gouvernement canadien, jusqu'à aujourd'hui, l'utilise toujours contre moi, bien que la cour l'ait rejeté temporairement. C'était le premier portrait: j'avais le profil d'un agent dormant.
Lorsque je m'apprêtais à sortir de prison, ils ont changé les allégations. Ils ont dit que je n'avais plus le profil d'un agent dormant. D'ailleurs, le responsable du contre-terrorisme islamique sunnite — je ne connais pas son nom parce qu'il est secret, un agent du SCRS — est venu témoigner à la cour et il a dit qu'il n'avait pas de preuve que M. Charkaoui est membre d'Al-Qaïda. Après ma libération, j'ai passé un test de polygraphie à quatre reprises pour démontrer que je n'étais pas un terroriste. Ils ont changé d'allégations et ils ont dit que j'étais un membre d'Al-Qaïda. Après ma sortie, un autre changement d'allégations. Ils disent que je ne suis plus membre d'Al-Qaïda, je suis membre du GICM, un groupe marocain.
Alors chaque fois que nous avons apporté une preuve, mes avocates et moi, pour démontrer que ces allégations étaient absurdes, le gouvernement, tout simplement — je parle du SCRS toujours, parce que ce n'est pas le gouvernement, ce n'est pas la GRC, c'est le SCRS —, change d'allégations.
En ce qui concerne la preuve qu'on m'a donnée et qu'on a rendue publique par la suite...
:
Le meilleur moyen d'améliorer le certificat de sécurité serait de le rendre conforme à la justice fondamentale et aux normes de justice internationale. Ce serait la première chose à faire. Or, le projet de loi ne le fait pas.
J'ai un peu de difficulté à répondre à votre question parce que ce n'est pas notre rôle de perfectionner un système qui persécute des gens comme Mohamed Harkat, Adil Charkaoui, Mohamed Mahjoub, M. Jaballah et Hassan Almrei. Ce n'est pas notre rôle en tant que comité. Cependant, j'ai énuméré un certain nombre de points insatisfaisants et inadmissibles dans le projet de loi , et vous devriez corriger exactement ce qu'on leur reproche.
On peut s'attarder à n'importe laquelle des mesures transitoires du projet de loi. Elles légalisent la détention pour une période indéterminée. Ça devrait être changé. Les personnes qui sont sous le coup d'un certificat de sécurité devraient être libérées.
Le droit d'appel proposé est un droit d'appel tronqué et incohérent. Ce serait au juge qui maintient la raisonnabilité du certificat d'indiquer en même temps les pistes d'appel. Ça doit être changé. Un droit d'appel véritable doit être institué.
Le projet de loi perpétue la menace d'expulsion vers la torture, la disparition ou la mort. Le projet de loi C-3 devrait affirmer que c'est un absolu au Canada: personne ne peut être déporté vers la disparition, la torture ou la mort. Le droit international l'affirme, mais le Canada a choisi une solution made in Canada qui autorise cela, tout simplement. Ce n'est pas un équilibre concevable et acceptable.
Le standard de preuve du certificat de sécurité reste le même, c'est-à-dire la raisonnabilité, qui est le plus bas niveau. Les critères du Code pénal devraient être adoptés, et les personnes qui sont sous le coup d'un certificat de sécurité devraient avoir droit à un procès juste et équitable.
Le secret de la preuve n'interdit pas l'usage de preuves ou de renseignements obtenus par la torture. Le projet de loi devrait dire que ce n'est pas acceptable. Il y a encore toutes sortes d'autres choses comme ça.
L'avocat spécial ne peut parler à personne sans l'autorisation du juge. Il peut être limogé par le juge. Changez ça. Donnez un avocat. Je ne pense pas que les juges de la Cour fédérale accepteront cet avocat spécial. Ils l'ont refusé dans le cas de Mohamed Harkat. Les juges pensent qu'ils sont compétents et n'ont pas besoin qu'une personne indépendante plus compétente leur soit adjointe. Avec ça, on a un juge indépendant, on aura un avocat indépendant, qui vont décider d'un renseignement fourni par un service incompétent. Où est la logique? Abolissez cela.
Ce sont les points principaux qui ressortent lorsqu'on parcourt rapidement le projet de loi .
Je l'ai signalé, l'essentiel du jugement de la Cour suprême est que le certificat de sécurité est inconstitutionnel. Ça, c'est la perception du peuple canadien. Maintenant, le gouvernement vient et présente un projet de loi qui propose exactement la même chose que ce qui existe à l'heure actuelle, mis à part quelques modifications.
:
Pour revenir à ma vie, c'est sûr que les voyages forment la jeunesse. J'ai failli être mis au monde à Malaga, en Espagne. Vous savez, le Maroc est au sud de l'Espagne, il y a seulement la mer Méditerranée qui nous sépare de l'Espagne. Chaque fin de mois, on entreprenait un voyage ensemble.
À l'âge de 17 ans, j'ai commencé à voyager tout seul. Je suis allé en Égypte. Finalement, on est venus au Canada. Je suis arrivé à l'âge de 21 ans, en 1995, et j'ai commencé à faire des voyages aux États-Unis et en Europe. Il n'y a pas seulement eu le Pakistan. Le voyage au Pakistan n'était pas vraiment un projet d'adolescence puisque j'avais quand même 24 ans à l'époque. Mais je voulais découvrir une partie de ma propre culture. Vous me direz que je suis arabe et que le Pakistan n'est pas de culture arabe, mais c'est une culture musulmane. J'avais le choix entre plusieurs pays. Il y avait la Syrie, l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Le plus pratique pour moi, sur le plan monétaire, c'était le Pakistan, où la vie était moins chère. Je suis parti, sac au dos, pendant cinq mois et j'ai fait le tour du pays. J'ai découvert la culture musulmane pakistanaise, qui est différente de la culture arabe et qui s'apparente plus à la culture indienne sur le plan, par exemple, de l'art culinaire et de la culture locale. Je suis revenu au Canada. J'y suis allé avec un visa légal. Je n'ai pas utilisé de faux documents comme le prétend le gouvernement à chaque fois. J'ai déposé cela en preuve devant le juge et je lui ai donné des explications détaillées sur ce voyage. C'est après cela qu'il m'a relâché. Ça, c'est pour les voyages.
Le problème fondamental des certificats de sécurité, c'est qu'on peut prendre n'importe quel aspect de ma vie et me faire passer pour un terroriste. Si je dis que je n'ai pas de barbe et que je ne m'habille pas comme un taliban, ils diront que je suis un agent dormant. Mais si j'ai une barbe et que je suis extrêmement pratiquant, je passe pour un extrémiste. Un extrémiste aussi peut être déporté du pays s'il représente un danger. Si je ne suis pas marié, je suis candidat pour devenir un kamikaze; si je suis marié, c'est une couverture. Si je ne travaille pas, je suis financé de l'étranger; si je travaille, je finance les autres. Si je suis instruit, si je fais un doctorat et si je pars en voyage, ils diront que je suis un idéologue; si je ne suis pas instruit, ils diront qu'on va me faire un lavage de cerveau. Dans tous les cas, je suis perdant. Ce n'est pas un procès juste et équitable, ce sont des rumeurs et des allégations sans preuve. C'est la théorie du [Note de la rédaction: inaudible]. Je suis toujours perdant dans ce genre de situation.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous de votre présence ce matin, et aux membres de vos familles qui assistent à la réunion.
Avant de poser mes questions, je fais toujours un petit préambule pour permettre aux gens de savoir ce qui suscite les questions que je pose.
Comme vous le savez peut-être, le NPD n'est pas favorable à ce projet de loi car, selon nous, certaines atteintes aux principes démocratiques sont inévitables aux termes du . Malgré le mécanisme du défenseur et d'autres éléments dont on nous a parlé, en ce qui me concerne, ces mesures ne compensent aucunement la violation de droits démocratiques fondamentaux.
Mais, si vous me permettez, j'aimerais vous poser une ou deux questions.
Je voudrais demander, soit à M. Harkat, soit à M. Charkaoui, de me dire ceci: quand vous avez voyagé dans d'autres pays — et il est évident que vous l'avez fait — avez-vous rencontré des difficultés semblables — sans doute pas les mêmes, mais comparables? Autrement dit, est-ce que vous avez été accusés d'activités suspectes du fait de voyager dans tel pays ou est-ce qu'on vous a accusés de certains actes parce que vous aviez visité un certain pays, et que votre passeport permettait de le savoir?
:
Excusez-moi, mais je voudrais répondre en français.
[Français]
Je n'ai jamais été inquiété, mais mes ennuis ont commencé après mes premiers contacts avec le SCRS, quand j'ai fait une demande de citoyenneté canadienne. En 2000, je m'apprêtais à faire un voyage au Maroc avec ma femme, qui était enceinte de trois mois à l'époque. J'ai été arrêté à l'aéroport de Dorval, on a fouillé mes bagages, et le caporal Duval, un agent de la GRC qui est venu témoigner dans ma cause, m'a mis en garde en me disant que si je prenais cet avion, je serais inquiété au Maroc. Je lui ai alors demandé pourquoi je le serais. Il m'a répondu que mon nom figurait sur une liste. C'était la première fois que je constatais que j'étais suivi par le SCRS. Je lui ai dit que je n'avais rien à me reprocher et que j'allais quand même partir.
Je suis parti et, en arrivant à l'aéroport au Maroc, on a fouillé encore une fois mes bagages et on m'a posé des questions. Un membre de ma famille travaille à l'aéroport, et on lui avait dit que quelqu'un avait téléphoné du Canada pour dire que le plus dangereux terroriste allait arriver au Maroc ce jour-là. On m'a relâché avec ma femme. On m'a suivi partout. Deux voitures banalisées me suivaient partout et elles passaient la nuit carrément sur le trottoir de ma maison familiale, au Maroc.
Sur le chemin du retour, j'ai été carrément kidnappé par le FBI, et ça, c'est documenté. Le gouvernement canadien l'a reconnu. Comme M. Maher Arar, on m'a sorti de l'avion, on a braqué des armes sur moi et on m'a dit: « follow me or I will shoot you ». Je suis descendu de l'avion avec ma femme; elle avait tellement peur. J'ai dit que j'étais citoyen marocain et résident permanent au Canada. Ils m'ont dit que j'étais sur le territoire américain. Je suis resté une dizaine d'heures dans la cave de l'aéroport JFK et on m'a posé des questions sur toute ma vie. Ils connaissaient tout de moi. Ils m'ont finalement relâché. L'agent du FBI m'a dit qu'il n'avait rien contre moi et que j'avais un problème à Ottawa.
Donc, ceux qui m'ont mis dans le pétrin — veuillez excuser le terme —, ce sont les gens du SCRS. C'est documenté devant les tribunaux et je peux vous acheminer toute cette preuve.
J'ai quelques autres questions.
Le fait est que ce projet de loi a déjà passé l'étape de la deuxième lecture et a donc été renvoyé au comité. On peut donc en conclure que la Chambre des communes ne souhaite pas que ce projet de loi meure de sa belle mort en février; sinon, la Chambre ne l'aurait pas adopté à l'étape de la deuxième lecture, pour qu'il soit renvoyé devant ce comité.
Dans le rapport du Comité justice pour Mohamed Harkat, sous la rubrique intitulée « Rhétorique », on dit que la décision de la Cour suprême consistant à affirmer la validité du processus entourant le certificat de sécurité est trompeuse. Mais, le fait est que la Cour suprême a affirmé la constitutionnalité de ce processus, et si nous sommes là, c'est pour essayer de voir comment on peut l'améliorer. Je sais que M. Dosanjh vous a déjà posé la question mais, selon moi, il convient vraiment de se concentrer là-dessus le plus possible.
Je sais très bien qu'à votre avis, l'ensemble du processus devrait disparaître mais, pour le moment, nous pouvons, soit l'améliorer — et c'est ça l'objectif du comité — soit faire autre chose. Je sais que vous aimeriez qu'on y prévoie l'application de normes qui sous-tendent le droit criminel, mais à mon sens, la Cour souhaite qu'on établisse le bon équilibre entre la sécurité des Canadiens et la protection des droits de la personne.
Donc, à vous la parole. Chacun d'entre vous pourra intervenir, et je pense qu'il nous restera peut-être même quelques minutes après. Donc, allez-y.
:
Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, il y ait un équilibre entre ces droits. Les raisons de sécurité nationale sont élevées au-dessus des considérations de la Charte des droits et libertés, et au-dessus des considérations de droits humains et du respect des droits au Canada. Sous le couvert de la sécurité nationale, tout passe. C'est justement cette impunité et le fait de placer la sécurité nationale au-dessus des droits des Canadiens qui rendent tout ce processus illégal.
Le rôle du SCRS a été mentionné. Le SCRS n'est pas uniquement responsable des certificats de sécurité, il est aussi responsable de la déportation, de l'expulsion du pays de 9 000 à 10 000 étrangers immigrants réfugiés par année.
On dit que le SCRS a été bâti pour assurer la sécurité nationale et que sans lui, personne ne peut rentrer au Canada, alors que c'est une police politique. Le SCRS a été créé à la suite de la Commission McDonald, qui démontrait le rôle de la GRC dans la violation des droits au Canada.
À mon avis, il faut retirer au SCRS tout rôle en matière d'immigration. C'est l'une des choses qui devrait être faite. Ce n'est pas au SCRS de décider qui doit vivre au Canada et qui ne le doit pas. Il y a d'autres moyens.
Maintenant, voyons la constitutionnalité. La Charte des droits et libertés représente des droits limités, dans le sens où tous les droits n'y sont pas inclus. Plusieurs la jugent archaïque et d'inspiration britannique. Le fait est que beaucoup de droits ne sont pas protégés par la Charte des droits et libertés, d'où la difficulté de rendre une telle loi, comme le certificat de sécurité, constitutionnelle. Ce n'est pas le Parlement qui a dit que le certificat de sécurité ne correspondait pas à certains articles de la Charte des droits et libertés, ce sont des juges.
Le rôle de ce comité et des députés est justement de produire une loi qui respecte en tout point les droits humains. L'impression qu'on a — et je pense que c'est l'impression de pas mal de gens dans la communauté —, c'est qu'un poignard nous a été enfoncé 20 cm dans le corps. Avec cette loi, on nous dit qu'on nous le retire de quelques centimètres et on prétend que c'est ça, le progrès. Ça ne fonctionne pas ainsi. Ce n'est pas ce que vivent les personnes qui font l'objet d'un certificat de sécurité; ce n'est pas ce que vit la communauté arabe et musulmane; ce n'est pas ce que vivent les réfugiés; et ce n'est pas non plus ce que vit le peuple canadien. La plupart des dispositions du certificat de sécurité se retrouvent dans la Loi antiterroriste.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais exprimer ma gratitude envers les témoins, et surtout M. Harkat et M. Charkaoui.
Le gouvernement a rarement eu recours aux certificats de sécurité au fil des ans, mais le fait est que lorsqu'il y a recours, les effets sur des personnes comme vous peuvent être très importants, et je voudrais donc vous remercier d'être venus nous parler aujourd'hui.
Je sais que vous vous opposez au projet de loi et au mécanisme du certificat de sécurité, mais l'un des éléments qui est proposé, en ce qui concerne le défenseur, c'est que, si ce projet de loi est adopté sous une forme ou une autre, un défenseur aura la possibilité de remettre en question les renseignements produits par le SCRS, la GRC et d'autres sources. Je sais que les avis sont partagés sur la mesure dans laquelle ce processus est exhaustif et efficace, mais au moins ce genre d'examen serait possible.
Je sais que vous vous y opposez parce que vous souhaitez rétablir votre réputation.
Monsieur Harkat, dans le mémoire que vous avez distribué, on dit que « l'information récente sur les droits humains en Algérie démontre plus clairement que jamais que sa déportation dans ce pays serait une sentence de torture ».
Monsieur Charkaoui, vous nous dites essentiellement qu'il en serait de même pour vous si vous retourniez au Maroc. Monsieur Charkaoui, je sais que vous affirmez que les déclarations de CIC sont fondées sur les renseignements que possède ce dernier ou plutôt sur les renseignements qu'il ne possède pas.
Mais pour quelles raisons les autorités algériennes ou marocaines voudraient vous torturer, si vous retourniez dans vos pays d'origine respectifs? L'on a normalement recours à la torture pour punir quelqu'un ou pour lui extraire des renseignements. À votre avis, pourquoi les autorités voudraient vous faire du mal si vous retourniez dans vos pays d'origine?
:
J'aimerais répondre en deux volets à votre question.
Mon premier point est le suivant. Les services secrets dans ces pays ne sont pas constitués de fous qui sautent sur le premier venu pour le torturer par plaisir. Il reste qu'on assiste à ce que j'appellerais une « fabrication de terroristes ». En 1999, donc même avant 2003, j'étais libre; je n'avais pas de bracelet et je me promenais à Montréal. Si vous aviez tapé mon nom dans Google, vous n'auriez rien trouvé. Si vous le faites aujourd'hui, vous allez voir ce qu'il en est. Je suis passé d'illustre inconnu à gros poisson. Tout le monde parle de Charkaoui. Dans mon pays d'origine, les gens suivent la presse, les médias. On construit, à partir d'allégations, une sorte de terroriste emblématique. Les gens, quand ils me rencontrent, hésitent et se demandent si les allégations sont vraies. C'est ce doute qui dérange, avant tout.
Mon deuxième point est le suivant. L'une de mes lectures préférées pendant la dernière année a été le rapport O’Connor sur l’affaire Arar. Je ne comprends pas, alors que le gouvernement canadien a dépensé une telle somme pour tenir cette commission, qu'on n'applique pas les recommandations du juge O'Connor. C'est incroyable; je n'arrive pas à comprendre. M. Maher Arar a été torturé en Syrie par des geôliers, et ceux-ci lui disaient qu'ils le savaient innocent, mais qu'on leur avait demandé de vérifier si c'était le cas. On lui a fait avouer des choses. Il a d'ailleurs témoigné contre M. Harkat, ce qui est incroyable. On lui a fait avouer des choses qui n'existaient pas. Il a été forcé de signer des rapports. Dans ces pays, le renseignement est un commerce lucratif. Ces gens vendent de l'information, et le SCRS en achète. C'est tout un marché.
Pour ma part, je n'ai pas peur d'aller au Maroc. On m'a dit que j'allais être torturé. Je n'ai rien à me reprocher. Je suis très proche des conservateurs canadiens, qui mont toujours appuyé, mais si on me torturait, je pourrais dire que j'étais financé par le Parti conservateur, par exemple. Je pourrais dire n'importe quoi sous la torture.