La procédure financière / Les travaux des subsides

Absence de quorum au cours des travaux des subsides : ordre du jour permanent relatif aux travaux des subsides périmé; réinscription au Feuilleton

Débats, p. 10119-10121

Contexte

Au cours de l’étude d’une motion de l’opposition relative aux travaux des subsides, le vendredi 30 mars 1990, M. Jim Hawkes (whip en chef du gouvernement) intervient pour signaler à la présidence qu’il n’y a pas quorum. La sonnerie d’appel s’étant fait entendre, comme il n’y a toujours pas quorum, le président suppléant (l’hon. Steven Paproski) ajourne la Chambre conformément à l’article 29(3) du Règlement[1].

Le lundi 2 avril 1990, M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa—Vanier) soulève une question de privilège pour faire valoir que la demande de vérification du quorum, qui a mis fin prématurément au débat, constitue une violation des privilèges de la Chambre. Il affirme que le gouvernement a refusé à l’opposition le droit de débattre d’une motion portant élaboration d’un plan d’action en matière d’environnement et demande en réparation que le premier jour désigné de la période des subsides en cours soit rétabli. Il se dit d’avis que le fait que l’ordre du jour permanent relatif aux travaux des subsides soit devenu périmé annule les travaux des subsides de la session en cours et que la réinscription de l’ordre permanent permettra de rétablir non seulement le premier jour désigné de la période, mais aussi toutes les motions de l’opposition devant faire l’objet d’une mise aux voix. Il allègue que les comités permanents ne sont plus habilités à poursuivre l’étude des prévisions budgétaires et stipule que la motion portant désignation d’un nouvel ordre permanent relève de l’administration des travaux de la Chambre et qu’elle pourra faire l’objet d’un débat aux termes de l’article 67(1)p) du Règlement. D’autres députés interviennent également à ce su jet[2]. Le Président prend la question en délibéré.

Plus tard, au cours de l’étude des Affaires courantes, à l’appel des Motions, l’hon. Harvie Andre (ministre d’État et leader du gouvernement à la Chambre des communes) propose une motion portant rétablissement de l’ordre du jour permanent relatif aux travaux des subsides. Il s’interroge sur la recevabilité de la question de privilège et se demande si l’affaire n’aurait pas dû plutôt faire l’objet d’un rappel au Règlement. Il se dit prêt à retarder la présentation de la motion d’une journée. D’autres intervenants prennent part à la discussion[3]. Le Président invite les présidents des comités permanents à tenir compte de la question soulevée, mais indique qu’il n’a pas l’intention de se prononcer immédiatement à ce sujet parce qu’il s’agit de l’un des points à éclaircir dans le cadre général de l’affaire. Le Président rend sa décision le 3 avril 1990. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Hier, le leader parlementaire de l’opposition officielle a soulevé la question de privilège au sujet des événements survenus le vendredi 30 mars 1990, premier jour désigné de la période des subsides se terminant le 30 juin 1990, en vertu [de l’article] 81(17) du Règlement.

Le député alléguait que le whip en chef du gouvernement avait porté atteinte aux privilèges de l’opposition en demandant de vérifier s’il y avait quorum. Puisque le nombre requis de députés n’a pu être atteint, le président suppléant a ajourné la Chambre conformément [à l’article] 29(3) du Règlement.

Le leader parlementaire de l’Opposition officielle (M. Gauthier) estimait que cette requête refusait aux députés de l’opposition le droit de débattre d’une motion sur un plan concernant l’environnement, ce qui portait atteinte à leurs privilèges. Le député demande en réparation que le premier jour désigné de la présente période des subsides soit rétabli.

La présidence abordera d’abord cet argument fondamental. Les dispositions concernant le quorum existent depuis 1867, sauf pour ce qui est [de l’article] 29(3) du Règlement, ajoutant une sonnerie d’appel de 15 minutes, adopté en 1982. [Cet article] est le suivant :

29(3) S’il est signalé [au Président], pendant une séance de la Chambre, que le quorum n’est pas atteint, [le Président], après avoir constaté qu’il n’y a pas quorum, fait entendre la sonnerie d’appel des députés pendant 15 minutes au plus; à ce moment, on compte les députés présents et, si le quorum n’est toujours pas atteint, [le Président] remet les travaux de la Chambre au prochain jour de séance.

Vendredi dernier, comme en font foi les Procès-verbaux, aucun député du gouvernement n’était présent pour le compte. Puisqu’il n’y avait pas quorum, le président suppléant a levé la séance.

La présidence a examiné soigneusement les événements du 30 mars et a constaté que la Chambre avait entamé l’ordre du jour et que le débat sur la motion de l’opposition était bel et bien commencé. En outre, conformément [à l’article] 26(1) du Règlement, la Chambre a continué de siéger au-delà de l’heure normale d’ajournement pour examiner la motion dont elle était saisie. En d’autres termes, il a été proposé que la Chambre siège au-delà de 15 heures cet après-midi-là et cette proposition a été adoptée; ainsi, le débat s’est poursuivi après l’heure habituelle d’ajournement de 15 heures. Cette motion n’est pas venue des ministériels, mais bien de l’opposition.

Selon l’honorable leader parlementaire de l’Opposition officielle, la demande de quorum de la part du whip en chef du gouvernement aurait tronqué le débat et aurait, en fait, volé à l’opposition la journée qui lui était consacrée.

Cependant, dans les circonstances, il est difficile pour la présidence de conclure que le gouvernement doit être tenu seul responsable de l’ajournement de la Chambre faute de quorum.

On prétend souvent que les journées d’Opposition sont un droit fondamental de l’opposition minoritaire à la Chambre, que cela lui permet de débattre les questions qui la préoccupent. Si on tient pour acquis, comme votre Président le fait, que cette façon de voir les choses est tout à fait juste, on doit également en conclure que l’opposition doit non seulement accepter la nécessité de maintenir le quorum aux fins du débat sur les questions qui l’intéressent, mais qu’elle doit également prendre toutes les mesures nécessaires en ce sens.

Le député d’Esquimalt—Juan de Fuca (M. David Barrett) a dénoncé en termes très vifs les conséquences de la décision des ministériels de ne pas répondre à la sonnerie d’appel. Comme je l’ai déclaré hier, cela fait partie de la panoplie des tactiques parlementaires et je n’ai pas l’impression qu’un côté plus qu’un autre répugne à recourir à ces tactiques.

On pourrait prétendre, il est vrai, que le gouvernement aurait pu trouver 15 députés pour se lever et s’opposer au prolongement des heures. Il n’en a rien fait. Le recours [à l’article] 29(3) du Règlement a peut-être mis fin au débat plus rapidement que l’opposition ne l’aurait souhaité, mais ses répercussions du côté ministériel sont également considérables.

Les députés qui avaient prévu d’intervenir au sujet de la motion sont peut-être déçus de ne pouvoir le faire, mais un examen des circonstances ne permet pas d’affirmer qu’on a empiété de quelque façon que ce soit sur leurs droits ni qu’on a violé leurs privilèges.

Penchons-nous maintenant sur les conséquences de l’ajournement faute de quorum, à savoir le retrait du Feuilleton de l’ordre du jour permanent pour l’étude des travaux des subsides.

Les documents qui font autorité en la matière sont très clairs. À la page 218 de la quatrième édition de Bourinot, on dit ce qui suit :

L’ajournement parce que le quorum n’est pas atteint a toujours pour effet de faire mettre de côté la question dont la Chambre est saisie; si, à ce moment, la Chambre discute une motion l’invitant à se former en comité des subsides, ou demandant la 2e lecture d’un [projet de loi], ou le renvoi d’un [projet de loi] devant un comité, et s’il est constaté que l’assemblée n’est pas en nombre, il faut demander à la Chambre, à une séance subséquente, de rétablir au Feuilleton la question qui a été ainsi rayée.

L’honorable leader parlementaire de l’opposition officielle cite [l’article 81(1)] du Règlement qui se lit ainsi :

Au début de chaque session, la Chambre désignera par motion un ordre du jour permanent pour l’étude des travaux des subsides.

Il ajoute également que le fait que l’ordre du jour permanent en question soit devenu caduc a d’énormes conséquences, à savoir que tous les travaux de subsides au cours de la présente session deviennent également caducs et il précise que le rétablissement de l’ordre en question permettra de rétablir le nombre de motions d’opposition faisant l’objet d’un vote que peuvent présenter les partis d’opposition.

L’honorable député d’Ottawa—Vanier a de plus soulevé avec la présidence l’état des travaux des subsides qui sont présentement déférés aux divers comités permanents de la Chambre, c’est-à-dire les prévisions budgétaires pour l’année financière 1990-1991. Il allègue que comme l’ordre du jour permanent pour l’étude des travaux des subsides est disparu du Feuilleton, les comités permanents ne sont plus habilités à poursuivre l’étude des crédits budgétaires, du moins jusqu’à ce que l’ordre permanent soit rétabli. Je dois dire que l’honorable député a été très habile en présentant ses arguments; cependant, la présidence a beaucoup de difficulté à accepter ses déclarations.

Il est vrai que cette situation est sans précédent, mais je vois mal comment la disparition de l’ordre permanent des subsides puisse rendre nulles les décisions antérieures de la Chambre d’adopter des crédits provisoires ou de charger ses comités de l’étude des crédits budgétaires. Ce qui demeure, c’est le fait que la Chambre ne dispose en ce moment d’aucun mécanisme pour prendre en considération des travaux des subsides jusqu’à ce qu’un ordre permanent ne soit réinstitué au Feuilleton.

La présidence partage l’avis des députés : un ordre du jour permanent doit être désigné de nouveau. Cependant, je ne vois pas comment les événements de vendredi dernier auraient pu annuler les décisions que la Chambre a prises sur les subsides au cours de la présente session. Je renvoie les députés à la liste des motions de subsides déjà étudiées qu’on trouve aux pages 59 à 66 du document État des projets de loi et des motions. En particulier, je signale les décisions du 22 février dernier, soit le no 31 à la page 64 concernant le renvoi du Budget des dépenses principal de 1990-1991 aux comités permanents où il est présentement à l’étude.

Les autorités sont claires au sujet des conséquences de la restauration d’un ordre annulé. Voici un passage de la 21e édition d’Erskine May, à la page 315 :

Lorsque, dans le cas d’un tel ordre du jour, les délibérations ont été interrompues, elles doivent reprendre au point indiqué par la dernière décision de la Chambre, telle que consignée aux Procès-verbaux.

Donc, je décide que l’ordre relatif aux subsides ayant été rétabli, les travaux des subsides reprennent au point où ils en étaient à la dernière décision de la Chambre. Autrement dit, la Chambre attend la désignation de la deuxième journée d’opposition pour la période en cours. Quant au nombre de motions faisant l’objet de votes, nous en sommes là où nous en étions vendredi dernier. Il ne reste plus de motions faisant l’objet de votes pour la période de subsides en cours.

Ensuite, j’aimerais traiter du quatrième et dernier point soulevé par le député d’Ottawa—Vanier. Essentiellement, il demande si la motion du ministre visant la nouvelle désignation de l’ordre du jour permanent peut faire l’objet d’un débat, conformément à [l’article] 67(1)p) du Règlement. Voici l’[article] en question :

p) toutes autres motions, présentées au cours des Affaires courantes ordinaires, nécessaires à l’observation du décorum, au maintien de l’autorité de la Chambre, à la nomination ou à la conduite de ses fonctionnaires, à l’administration de ses affaires, à l’agencement de ses travaux, à l’exactitude de ses archives et à la fixation des jours où elle tient ses séances, ainsi que des heures où elle les ouvre ou les ajourne.

Le député de Kingston et les Îles (M. Peter Milliken) a abondé dans le sens du député d’Ottawa—Vanier et fait valoir en outre qu’un précédent du 3 juillet 1917 n’était pas pertinent parce qu’il s’agissait du rétablissement d’un projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Il a aussi présenté [l’article] 67(1)p) du Règlement comme la disposition-clé qui exige que le rétablissement des travaux des crédits fasse l’objet d’un avis et d’un débat.

L’affaire du 3 juillet 1917 portait bien sur le rétablissement d’un projet de loi et le Président, se fondant sur un texte de la page 219 de la douzième édition de May, a jugé que la motion n’exigeait pas d’avis et ne devait pas faire l’objet d’un débat. La question s’est posée ultérieurement : le 12 mars 1919 et le 1er août 1956, pour ne donner que deux exemples[4]. Le deuxième de ces précédents est important, car la Chambre venait de réexaminer, en 1955, l’équivalent de [l’article] 67(1)p) dont le texte était essentiellement le même qu’aujourd’hui. Pourtant, une motion périmée a été rétablie le 1er août 1956 sans débat ni avis. On n’a pas jugé qu’elle tombait sous le coup de l’équivalent de [l’article] 67(1)p) du Règlement.

Je dois répondre aussi aux arguments du député de Kamloops (M. Nelson Riss) qui prétend qu’un ordre périmé portant étude des crédits pose la question de confiance. Je me contenterai de dire sur ce point qu’une motion périmée n’est pas une décision essentielle de la Chambre. Elle n’est que la conséquence du fait que le Chambre n’a pas désigné de jour pour l’étude de pareille motion. De plus, l’étude de la motion dont la Chambre était saisie vendredi dernier devait se terminer sans mise aux voix aux termes [de l’article] 81(17) du Règlement. On peut donc difficilement invoquer la coutume relative au rejet d’une motion de confiance.

Le député a aussi cité la quatrième édition de Bourinot, à la page 422, où il est question d’une motion périmée au Comité des crédits. Bourinot affirme sans équivoque qu’il faudrait donner avis d’une motion pour que la Chambre puisse se former de nouveau en comité. Ce commentaire se rapporte à l’usage britannique du XIXe siècle. La présidence a toutefois trouvé un cas plus récent au Canada.

Le 9 juin 1938, il y a eu une situation identique au Comité des subsides et la Chambre s’est reformée en comité le 10 juin 1938, c’est -à-dire le lendemain, sans débat ou avis et sans aucune objection[5]. De toute façon, tout le processus d’attribution des crédits a été révisé en 1968 et le Comité des subsides a été aboli. Le cas présent est unique dans nos annales et ne peut être traité que comme un autre ordre abandonné ou remplacé, car la présidence ne peut trouver aucune raison relevant de la logique, des conventions ou du bon sens pour le traiter différemment.

En résumé donc, la présidence conclut que la demande de quorum de la part du gouvernement, qui a conduit à l’ajournement de la Chambre faute de quorum une journée d’opposition, ne constitue pas une violation des privilèges de la Chambre. De plus, la motion de rétablissement de l’ordre relatif aux crédits n’a pas besoin de faire l’objet d’un avis, n’a pas à être débattue et peut être présentée immédiatement par le ministre.

Je voudrais dire une chose à cet égard. Hier, lorsque la Chambre est arrivée aux Motions, j’ai indiqué que j’avais invité le leader à la Chambre à respecter nos difficultés, faute de quoi je serais contraint de prendre une décision immédiate sur une série de points complexes. Il a courtoisement accepté. Nous avions atteint le moment des Motions, et je me trouve dans une situation où je me dois de revenir à ce point et d’inviter le leader à la Chambre, s’il le désire, à présenter sa motion maintenant, car le retard est dû au fait que la présidence a demandé l’indulgence de la Chambre pour pouvoir réserver son jugement.

Post-scriptum

Au moins deux comités ont examiné les prévisions budgétaires de ministères pendant que la présidence étudiait la question de privilège[6].

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1990-04-03

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[1] Débats, 30 mars 1990, p. 10050.

[2] Débats, 2 avril 1990, p. 10076-10089

[3] Débats, 2 avril 1990, p. 10090-10091.

[4] Débats, 12 mars 1919, p. 414 et 1er août 1956, p. 7017.

[5] Débats, 10 juin 1938, p. 3786.

[6] Comité permanent de la consommation et des corporations et de l'administration gouvernementale, Procès-verbaux et témoignages, fasc. no 49; Comité permanent des comptes publics, Procès-verbaux et témoignages, fasc. no 31.