Le processus législatif / Divers

Motion d’attribution de temps, recevabilité : étape de la deuxième lecture

Débats, p. 17860-17861

Contexte

Le 31 mars 1993, M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona) invoque le Règlement pour demander au Président de refuser la motion d’attribution de temps à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C‑115 concernant l’Accord de libre-échange nord-américain, que le gouvernement vient de proposer[1]. M. Blaikie fait valoir que la motion limite le débat de façon déraisonnable et cite abondamment une décision antérieure du Président au sujet des droits de la majorité et de la minorité. Le Président entend également des arguments de divers autres députés à ce sujet[2], et rend immédiatement sa décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Je répondrai avec circonspection aux propos qu’ont tenus les députés. Une chose est claire, le projet de loi dont il est question est très important. Tous les députés et probablement tous les Canadiens en conviendront.

Certains ont rappelé une décision que j’ai prise il y a quelques années dans des circonstances difficiles et ont laissé entendre que je pourrais l’appliquer de nouveau dans ce cas-ci. À l’époque, j’ai avoué qu’il me semblait important, en tant que parlementaire, de débattre assez longuement les questions. Je pense que nous devions agir en conséquence.

Je dois cependant demander l’indulgence de la Chambre et lui signaler que la présidence doit prendre des décisions conformes au Règlement. On oublie parfois que la présidence doit se plier au Règlement adopté par la Chambre.

Il n’est donc pas étonnant que certains députés ou même certains électeurs jugent parfois que les règles que nous nous sommes imposées sont pour le moins déraisonnables. Toutefois, il est extrêmement important, à mon avis, que la présidence respecte le Règlement jusqu’à ce que la Chambre se décide à le modifier.

Je ne veux pas parler du contenu d’un rapport de comité qui n’a pas encore été déposé à la Chambre, mais le député de Winnipeg Transcona a laissé entendre et a même affirmé qu’un comité pourrait bientôt déposer à la Chambre un rapport abordant cette question. Il semblait indiquer que le comité recommanderait d’accorder à la présidence plus de pouvoirs discrétionnaires qu’elle n’en a à l’heure actuelle.

On a mentionné que, au Parlement britannique, le président de la Chambre peut exercer son pouvoir discrétionnaire dans des circonstances comme celles-ci. Je crois comprendre toutefois que ce pouvoir discrétionnaire, ce droit, est bien défini dans le Règlement britannique. Le leader à la Chambre (l’hon. Harvie Andre) nous a par ailleurs rappelé que les débats au Parlement britannique sont généralement plus courts qu’à la Chambre des communes du Canada. Il s’agit d’un argument intéressant, mais qui ne m’est pas très utile.

Je dois, bien entendu, tenir compte de l’alinéa 78(3)a) du Règlement, que les députés connaissent bien. La Chambre a adopté cette disposition en avril 1991. Le leader à la Chambre soutient que le gouvernement a respecté le Règlement à la lettre et, à mon avis, il a raison.

Je rappelle à la Chambre une décision que j’ai rendue le 9 décembre 1992. Je vais vous la lire, parce que je faisais alors face au même dilemme qu’aujourd’hui. J’ai dit :

Je sais que la Chambre voudrait que je réponde aux députés de Kamloops, de Cape Breton—Richmond-Est et d’Annapolis Valley—Hants, qui ont soulevé ici une question, à savoir, pour parler en termes simples, que le gouvernement ne devrait pas proposer maintenant l’attribution de temps. Ils ont cité certaines observations que j’ai faites par le passé. Bien sûr, j’ai écouté très attentivement mes anciennes paroles.
À mon avis, le problème qui se pose pour les députés qui ont présenté cette motion, c’est que, comme le leader à la Chambre le souligne, le Règlement a été modifié et le gouvernement l’a respecté à la lettre.
On a laissé entendre que le Règlement actuel a été adopté sans le plein consentement de tous les députés de la Chambre. C’est peut-être le cas, mais le pouvoir discrétionnaire de la présidence est toujours quelque peu limité. Dans ce cas-ci, il est manifestement très limité.

Je dois informer les députés[3]

J’ai ensuite donné mon avis à la Chambre. À ce moment, j’ai dû faire abstraction de mes sentiments personnels et me plier au Règlement. Si la Chambre, ce qu’elle n’a pas fait en l’occurrence, donnait au Président le pouvoir de se prononcer sur le bien-fondé de la règle, je n’hésiterais pas à le faire, comme tout Président de la Chambre le ferait en pareilles circonstances. Je me prononcerais en tenant compte de tous les éléments pertinents.

Je crois aussi que je m’appuierais sur plus de 20 ans d’expérience à la Chambre. Je dois faire savoir à la Chambre que le Règlement est clair. Le gouvernement est tout à fait libre de l’invoquer. Je ne vois aucun moyen légal me permettant d’autoriser unilatéralement une infraction à une règle très claire.

J’ai écouté les interventions. J’ai écouté les arguments du député de Winnipeg Transcona et des autres. Il y avait des motifs sérieux d’entendre ce rappel au Règlement aujourd’hui. Entre autres, le député de Winnipeg Transcona a été l’un des membres les plus actifs et les plus utiles du comité de la réforme, qui a été créé il y a quelques années et qui était composé de députés de tous les partis, et il s’est intéressé de très près à la réforme du Règlement de la Chambre

Je dois dire, et j’espère que la Chambre fera preuve de sympathie et de compréhension à mon égard, qu’en vertu du Règlement, je ne peux pas agir unilatéralement dans cette affaire.

Par conséquent, je dois mettre la question aux voix.

Post-scriptum

Immédiatement après avoir rendu sa décision, le Président met aux voix la motion d’attribution de temps qui est adoptée par un vote par appel nominal.

F0506-f

34-3

1993-03-31

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[1] Débats, 31 mars 1993, p. 17854.

[2] Débats, 31 mars 1993, pp. 17854-60.

[3] Débats, 9 décembre 1992, p. 14922.