PACP Rapport du Comité
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L’Accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre
Principaux constats de la vérificatrice générale du Canada
- L’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’Agence) et Emploi et Développement social Canada (EDSC ou le Ministère) avaient une vue d’ensemble incomplète des personnes qui pourraient être admissibles et qui ne recevaient pas de prestations.
- L’Agence et le Ministère ignoraient si la plupart de leurs activités ciblées de sensibilisation avaient contribué à faire augmenter le taux d’utilisation des prestations parmi les populations difficiles à joindre.
- L’Agence et le Ministère n’avaient pas une stratégie suffisamment intégrée pour les personnes ayant besoin d’une aide supplémentaire.
Sommaire des recommandations du Comité et échéances
Tableau 1 — Sommaires des recommendations du Comité et échéances
Recommandation |
Mesure recommandée |
Échéance |
Recommandation 1 |
L’Agence du revenu du Canada, en collaboration avec le commissaire à la protection de la vie privée, doit étudier les limites imposées par les lois relatives à la protection de la vie privée, et la possibilité de modifier le cadre juridique pour permettre un meilleur partage des données entre l’Agence du revenu du Canada, Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada, tout en s’assurant de maintenir la protection des renseignements personnels. |
n.d. |
Recommandation 2 |
L’ARC, EDSC et Statistique Canada doivent présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport conjoint sur les mesures prises pour améliorer la mesure de l’utilisation des prestations comme l’Allocation canadienne pour enfants, l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le Supplément de revenu garanti et le Bon d’études canadien, notamment : son évaluation des données existantes sur les populations difficiles à joindre; la mise en œuvre de mesures visant à recueillir les données manquantes; et les mesures prises pour mieux utiliser ces données. |
30 avril 2023 et 30 avril 2024 |
Recommandation 3 |
L’ARC et EDSC doivent présenter au Comité un rapport conjoint sur les progrès réalisés afin de mieux mesurer l’efficacité de leurs stratégies de sensibilisation, notamment sur leurs indicateurs de rendement clés; et sur leurs projets pilotes et leur collaboration en vue de définir et mettre en œuvre des mesures de rendement uniforme. |
30 juin 2023 et 30 juin 2024 |
Recommandation 4 |
L’ARC et EDSC doivent présenter au Comité un rapport conjoint sur les mesures prises afin d’assurer une meilleure intégration de leurs activités de sensibilisation et avec celles d’autres ministères et agences, visant les personnes qui nécessitent un niveau de soutien élevé pour accéder aux prestations. |
30 juin 2023 et 30 juin 2024 |
Recommandation 5 |
EDSC doit présenter au Comité un rapport indiquant : 1) les principaux facteurs expliquant les faibles taux de participation au Bon d’études canadien, en particulier chez les enfants autochtones; 2) les mesures que le Ministère entend prendre pour améliorer les taux de participation au Bon d’études canadien, en particulier chez les enfants autochtones; 3) le taux de participation des enfants autochtones et non-autochtones au Bon d’études canadien, en utilisant les données du Recensement de 2021. |
30 avril 2023 |
Introduction
Contexte
Le 31 mai 2022, les Rapports de la vérificatrice générale du Canada ont été déposés à la Chambre des communes et renvoyés au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) pour étude[1]. Parmi ceux-ci se trouvait un rapport d’audit intitulé « L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre ». Le présent rapport résume celui du Bureau du vérificateur général (BVG) et énonce les recommandations du Comité à l’endroit des organisations auditées.
Paramètres de l’audit
Les principaux paramètres de l’audit de performance du BVG sont résumés au tableau 2.
Tableau 2 — Paramètres de l’audit
Organisations auditées |
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Objectif de l’audit |
Déterminer si l’ARC et EDSC veillaient, directement ou par l’entremise d’autres ministères fédéraux et d’entités non fédérales, à ce que les populations difficiles à joindre connaissent l’Allocation canadienne pour enfants, l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le Supplément de revenu garanti et le Bon d’études canadien (BEC), et puissent y avoir accès. |
Période d’audit |
La conclusion de l’audit s’applique à la période allant du 1er avril 2019 au 31 août 2021. |
Source : Bureau du vérificateur général du Canada, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada.
Définitions
Certains termes spécifiques sont définis au tableau 3.
Tableau 3 — Définitions
Populations difficiles à joindre ou populations vulnérables |
L’ARC et EDSC ont désigné plusieurs groupes de personnes dont les revenus sont souvent modestes et qui doivent surmonter un ou plusieurs obstacles pour obtenir des prestations. Le Ministère et l’Agence désignent parfois ces groupes par l’expression « populations vulnérables ». Il s’agit des groupes suivants :
|
Obstacles |
Les recherches menées par le Ministère et l’Agence ont permis de relever un éventail d’obstacles à l’accès aux prestations. Voici certains obstacles typiques auxquels sont confrontées les personnes difficiles à joindre :
Il convient de noter qu’une personne peut faire partie de plus d’une population vulnérable et faire face à bon nombre des obstacles décrits. |
Source : Bureau du vérificateur général du Canada, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada.
Réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes
Le 25 octobre 2022, le Comité a organisé une réunion sur le rapport du BVG. Les personnes suivantes y ont participé :
- BVG — Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, et Nicholas Swales, directeur principal
- ARC — Bob Hamilton, commissaire du revenu; Maxime Guénette, sous-commissaire, Direction générale du service, de l'innovation et de l'intégration; Gillian Pranke, sous-commissaire, Direction générale de cotisation, de prestation et de service
- EDSC — Lori MacDonald, sous-ministre déléguée principale et chef de l’exploitation pour Service Canada; Tammy Bélanger, sous-ministre adjointe principale, Direction générale des prestations et des services intégrés; Atiq Rahman, sous-ministre adjoint, Direction générale de l'apprentissage; Hugues Vaillancourt, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques et de service
- Statistique Canada — Josée Bégin, directrice générale, Marché du travail, de l'éducation et du bien-être socio-économique, et Andrew Heisz, directeur, Centre de la statistique du revenu et du bien-être socioéconomique[2]
Constats et recommandations
Selon le BVG, « les organismes fédéraux ont mis en œuvre une vaste gamme de stratégies et d’initiatives de sensibilisation visant à encourager les gens à faire des demandes en vue d’obtenir les prestations auxquelles ils peuvent être admissibles[3] ». Bob Hamilton, commissaire de l’ARC, a donné l’exemple suivant :
En ce qui concerne les populations difficiles à joindre, l'Agence a pris de nombreuses mesures pour continuer à joindre les plus vulnérables. En fait, lorsque les nombreux comptoirs d'impôts faisant partie du Programme communautaire des bénévoles en matière d'impôt, ou PCBMI, devaient fermer en mars 2020, l'Agence a rapidement réorienté ses activités pour modifier les processus afin de maintenir les comptoirs en activité, beaucoup sous forme virtuelle. Ces approches restent en place et offrent une flexibilité et un accès beaucoup plus grands à ceux qui en ont besoin[4].
Lori McDonald, sous-ministre déléguée principale, EDSC, et chef de l’exploitation pour Service Canada a quant à elle offert l’exemple suivant :
En 2020, Service Canada a lancé l'initiative Servir tous les Canadiens, conçue précisément pour accroître le nombre de demandes de prestations et éliminer les obstacles à l'accès et au versement. Dans le cadre de cette initiative, nous avons établi des liens directs avec des communautés et des organisations qui peuvent diriger des clients vers nous ou nous aider à identifier de nouveaux clients que nous ne connaîtrions pas autrement[5].
A. Vue d’ensemble des personnes ne recevant pas les prestations auxquelles elles pourraient avoir droit
Selon le BVG, l’ARC et EDSC « n’avaient pas une vue d’ensemble précise et complète des personnes ne recevant pas les prestations auxquelles elles pouvaient être admissibles[6] ».
1. Mesure incomplète de l’utilisation des prestations
Le BVG a constaté que l’ARC et EDSC « ne disposaient pas d’une estimation complète des taux globaux d’utilisation des prestations retenues aux fins de l’audit. Le Ministère et l’Agence ne connaissaient pas non plus les taux d’utilisation des prestations de certaines populations difficiles à joindre qui doivent souvent surmonter des obstacles pour accéder aux prestations, comme les personnes en situation de logement précaire, les personnes nouvellement arrivées au Canada, les personnes en situation de handicap et les personnes autochtones[7]. »
La figure 1 illustre les plus récentes estimations des taux d’utilisation des prestations. Selon le BVG, ces estimations « brossent un tableau incomplet des taux d’utilisation des prestations parce que les calculs ne tiennent pas compte des personnes n’ayant pas produit de déclarations de revenus[8] ».
Figure 1 — Taux d’utilisation de quatre prestations
Source : Bureau du vérificateur général du Canada, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, Pièce 1.3.
Selon Gillian Pranke, sous-commissaire de l’ARC :
Depuis maintenant plus de cinq ans, nous collaborons avec Statistique Canada pour mener ce que nous appelons des études de couplage, grâce auxquelles nous pouvons en fait relier discrètement les citoyens qui participent au recensement aux données fiscales. Bien entendu, ces données sont anonymisées. Nous pouvons ainsi nous faire une idée des personnes qui ne se prévalent pas des prestations et des crédits.
Ces cinq dernières années, l'Agence du revenu du Canada a mené ce que nous appelons un programme de sensibilisation aux prestations pour les non‑déclarants, dans le cadre duquel nous communiquons avec des personnes qui, selon nos dossiers, selon l'information dont nous disposons, n'ont pas produit de déclaration, mais qui, selon nos données, auraient droit à une prestation ou à un crédit. Ces personnes n'auraient pas à payer des impôts, mais elles auraient droit à des prestations[9].
Au cours de l’audience, une discussion a eu lieu sur la possibilité d’automatiser le plus possible l’accès aux prestations. Par exemple, Bob Hamilton a indiqué :
Pour l'Allocation canadienne pour enfants, il existe un processus de demande automatique dans le cadre duquel nous pouvons inscrire quelqu'un à la naissance, ce qui est fort efficace. Pour l'Allocation canadienne pour les travailleurs, nous avons fait en sorte qu'un certain nombre de personnes y soient automatiquement admissibles. Nous tentons de recourir à l'automatisation quand nous le pouvons, mais dans d'autre cas, nous avons emprunté d'autres voies pour simplifier les choses[10].
Cependant, Atiq Rahman, EDSC, a expliqué que cela pourrait être plus complexe dans le cas du BEC :
Les familles qui veulent demander le Bon d'études canadien doivent ouvrir un REEE, et ce n'est que dans une institution financière qu'ils peuvent le faire. Cette institution doit être le point d'accès. Pour les familles qui éprouvent de la difficulté à le faire, nous collaborons avec environ 350 organisations communautaires pour les aider à ouvrir un REEE dans une institution financière. Parfois, nous organisons même des activités auxquelles participent nos partenaires de l'ARC, d'institutions financières et des gouvernements provinciaux pour les aider à ouvrir un compte. Les gens doivent parfois demander un numéro d'assurance sociale, et Service Canada leur en fournira un sur le champ[11].
L’identification des personnes difficiles à joindre au moyen de bases de données gouvernementales est aussi rendue difficile par des lois protégeant les informations personnelles. Selon Bob Hamilton :
Il s'agit d'un des compromis auquel nous sommes toujours confrontés quand nous tentons de recueillir des informations pour nous aider à orienter les mesures à venir. Nous devons respecter les lois relatives à la protection de la vie privée, comme toute autre organisation, ainsi que l'article 241 de la Loi sur l'impôt sur le revenu, qui encadre la confidentialité des informations que nous recevons[12].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 1 – Sur protection des renseignements personnels
Que l’Agence du revenu du Canada, en collaboration avec le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, étudie les limites imposées par les lois relatives à la protection de la vie privée, et la possibilité de modifier le cadre juridique pour permettre un meilleur partage des données entre l’Agence du revenu du Canada, Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada, tout en s’assurant de maintenir la protection des renseignements personnels.
2. Absence de stratégie globale visant à améliorer la mesure de l’utilisation des prestations
Selon le BVG, l’ARC et EDSC « n’avaient pas établi de plan global pour améliorer leur façon de mesurer l’utilisation des prestations. Le Ministère et l’Agence ont tous deux reconnu la nécessité de produire des données plus exhaustives, exactes et opportunes sur l’utilisation des prestations pour la population canadienne dans son ensemble ainsi que pour les populations exposées à un risque accru de ne pas recevoir de prestations[13]. »
Le BVG a constaté « qu’aucun progrès tangible n’avait encore été réalisé quant à la collecte, à la mesure ou à l’analyse des données sur l’utilisation des prestations. [L’ARC] n’avait pas clairement défini les responsabilités associées à l’amélioration de la mesure de l’utilisation des prestations parmi les administrateurs de programme de prestations, les porte-parole de la fonction de visibilité ministérielle et sa propre dirigeante principale des données. En outre, Statistique Canada, [EDSC et l’ARC] n’avaient pas clairement défini leurs rôles respectifs en vue de relever leur défi collectif, soit l’amélioration de la mesure de l’utilisation des prestations[14]. » C’est pourquoi le BVG a formulé la recommandation suivante :
L’Agence du revenu du Canada, Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada devraient établir un processus commun de fixation des priorités, de planification, de surveillance et de production de rapports afin d’améliorer la façon dont ils mesurent l’utilisation des prestations, qui comprend :
- l’évaluation des banques de données disponibles propres aux populations difficiles à joindre;
- la définition et la mise en œuvre de mesures visant à recueillir d’autres données sur certaines populations ciblées difficiles à joindre;
- une meilleure utilisation des données qui servent à mesurer l’utilisation des prestations et la source des écarts connexes[15].
L’ARC, EDSC et Statistique Canada ont établi le plan suivant pour répondre à cette recommandation :
- Septembre à décembre 2022 — L’ARC, EDSC et Statistique Canada vont officialiser la gouvernance de l’établissement des priorités, de la planification et de l’établissement de rapports continus relatifs à l’utilisation des prestations par les populations difficilement accessibles.
- Janvier à mars 2023 — L’ARC travaillera avec EDSC et Statistique Canada sur une deuxième version d’un projet visant à tirer parti du plus récent recensement afin d’avoir un portrait plus juste des tendances en matière d’utilisation des prestations dans différents segments de la population. EDSC compte recenser et examiner les données et la méthodologie actuellement utilisées pour mesurer le recours aux prestations parmi les populations difficiles à joindre; et créer des plans d’acquisition de données et de mesure pour chaque programme pour les populations difficiles à joindre visées.
- Avril à juin 2023 — EDSC compte terminer une évaluation des pratiques, des méthodologies et des données actuelles utilisées pour mesurer le recours aux prestations, et déterminer les améliorations possibles à apporter aux mesures de chaque programme.
- Juillet à septembre 2023 — L’ARC, EDSC et Statistique Canada mettront la touche finale à une évaluation des pratiques, méthodes et données actuellement utilisées pour la planification, la surveillance et l’établissement de rapports relatifs à l’utilisation des prestations, en plus de déterminer les possibilités et les mesures précises permettant d’améliorer les processus, y compris l’harmonisation des définitions, la précision des rôles et des responsabilités ainsi que les exigences connexes en matière de données.
- Octobre à décembre 2023 — L’ARC et Statistique Canada entreprendront la mise en œuvre des stratégies déterminées plus tôt permettant d’améliorer l’utilisation des données disponibles et la collecte de données, y compris les données administratives et qualitatives. EDSC compte mettre en œuvre des méthodologies révisées pour mesurer le recours aux prestations par programme, y compris des mesures pour améliorer les processus, et établir un plan pour la production de rapports continus et uniformes sur le recours aux prestations.
- Janvier à mars 2024 — L’ARC et Statistique Canada comptent évaluer l’état d’avancement des travaux et établir un plan d’amélioration et de peaufinage continus de la mesure de l’utilisation des prestations par les populations difficilement accessibles[16].
Pour s’assurer que ce travail a bien été effectué, le Comité recommande :
Recommandation 2 — Sur l’amélioration de la mesure de l’utilisation des prestations
Que, d’ici le 30 avril 2023, l’Agence du revenu du Canada , Emploi et Développement social Canada et Statistique Canada présentent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d’étape conjoint sur les mesures prises pour améliorer la mesure de l’utilisation des prestations comme l’Allocation canadienne pour enfants, l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le Supplément de revenu garanti et le Bon d’études canadien, notamment : son évaluation des données existantes sur les populations difficiles à joindre; la mise en œuvre de mesures visant à recueillir les données manquantes; et les mesures prises pour mieux utiliser ces données. Un rapport final conjoint devra aussi être présenté au plus tard le 30 avril 2024.
B. L’impact des activités de sensibilisation
Selon le BVG, l’ARC et EDSC « ignoraient si la plupart de leurs activités ciblées de sensibilisation avaient contribué à la hausse des taux d’utilisation des prestations de certaines populations ciblées difficiles à joindre[17] ».
Le BVG a constaté que le Ministère et l’Agence ont « élaboré des mesures limitées pour démontrer certains des résultats des efforts ciblés de sensibilisation :
- Résultats des visites ciblées de sensibilisation dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités du Nord. [EDSC] a mesuré le volume des transactions effectuées à la suite de chacune des visites, par exemple le nombre de demandes d’Allocation canadienne pour enfant soumises.
- Taux de réponse lié à diverses campagnes d’envoi de lettres ciblées. [L’ARC] a mesuré le nombre de personnes qui avaient rempli une déclaration de revenus après avoir reçu une lettre et la valeur des prestations versées à quelqu’un qui avait produit une déclaration de revenus après avoir reçu une telle lettre. [EDSC] a mesuré le nombre de demandes de Supplément de revenu garanti reçues à la suite d’une campagne d’envoi de lettres ciblées[18]. »
Selon le BVG, malgré ces efforts, « le Ministère et l’Agence n’avaient pas élaboré de mesures leur permettant d’évaluer l’incidence des activités de sensibilisation[19] ». En 2021, l’ARC a entrepris une analyse des moyens qui permettraient de mieux démontrer les résultats des stratégies ciblées de sensibilisation, et EDSC a amorcé la conception d’un modèle logique qui servirait de base à la mesure du rendement et des résultats de ses stratégies ciblées de sensibilisation. Au moment de l’audit, « ces deux initiatives en étaient à un stade précoce et n’avaient pas encore permis d’améliorer la mesure de l’incidence des stratégies de sensibilisation[20] ». Le BVG a donc formulé la recommandation suivante :
Afin de mieux comprendre l’efficacité des stratégies de sensibilisation, l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada devraient définir et mettre en œuvre des mesures de rendement uniformes axées sur les résultats pour ce qui est des activités de sensibilisation ciblant les populations difficiles à joindre[21].
Selon son plan d’action, au printemps et à l’été 2022, l’ARC a mis sur pied sur pied un groupe de travail interne responsable d’examiner et de peaufiner les indicateurs de rendement clés (IRC) pour la visibilité des prestations. Ces IRC doivent être pleinement intégrés dans les activités de l’Agence en 2023–2024. L’Agence a aussi conçu un projet pilote pour les activités de visibilité afin de mesurer l’efficacité du programme. À l’hiver 2022, l’ARC doit examiner la mise en œuvre du projet pilote et effectuer des rajustements au besoin en vue du déploiement à l’échelle du programme[22].
De son côté, EDSC entend, entre janvier et mars 2023, créer un groupe de travail interne pour examiner et affiner les IRC de l’initiative Servir tous les Canadiens, une initiative horizontale visant à améliorer la prestation des services dans l’ensemble de ses modes de prestation de services et de ses programmes de prestations, plus précisément à accroître la participation aux programmes de prestations et à éliminer les obstacles à la prestation des programmes et des services. Entre avril et juin 2023, EDSC compte mettre en œuvre le projet pilote des IRC pour certaines activités de sensibilisation et activités de Servir tous les Canadiens. Entre avril et juin 2024, EDSC élaborera un rapport d’étape sur la mise en œuvre du projet pilote[23].
ESDC et l’Agence souhaitent collaborer en élaborant et mettant en œuvre un plan pour créer des IRC normalisés, en échangeant les expériences et les IRC révisés, et en poursuivant l’intégration et la coordination des mesures de rendement au fil du temps[24]. Cette volonté a aussi été exprimée au cours de l’audience par le commissaire de l’Agence, Bob Hamilton :
Je pense qu'EDSC et notre agence unissent vraiment leurs efforts. EDSC est responsable de certains programmes — vous avez mentionné la [sécurité de la vieillesse] et le [supplément de revenu garanti] — et notre agence est responsable d'autres programmes, mais nous avons le même défi. Je ne pense pas que le fait que nous devions travailler en partenariat soit un problème. Nos deux organismes se sentent tous les deux responsables[25].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 3 — Sur la mesure de l’efficacité des stratégies de sensibilisation
Que, d’ici au 30 juin 2023, l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada présentent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d’étape conjoint sur les progrès réalisés afin de mieux mesurer l’efficacité de leurs stratégies de sensibilisation, notamment sur leurs indicateurs de rendement clés; et sur leurs projets pilotes et leur collaboration en vue de définir et mettre en œuvre des mesures de rendement uniforme. Un rapport final conjoint devra aussi être présenté d’ici au 30 juin 2024.
C. Stratégie intégrée pour les personnes ayant besoin d’une aide supplémentaire
Selon le BVG, l’ARC et EDSC « ne disposaient pas d’une stratégie pour assurer un service à la clientèle global, continu et cohérent permettant d’aider les gens ayant besoin d’un soutien personnalisé fourni par une personne compétente à s’y retrouver dans les multiples exigences auxquelles ils doivent répondre pour avoir accès aux prestations[26] ».
Le BVG a constaté que « les stratégies axées sur les services visant à aider les personnes qui avaient besoin d’un niveau de soutien plus élevé que la moyenne pour surmonter les obstacles et satisfaire aux exigences gouvernementales afin d’obtenir des prestations n’étaient pas suffisamment intégrées entre l’ARC et EDSC. Pour aider ces personnes à avoir accès aux prestations, il faut un service personnalisé et compétent, adapté à leur situation particulière[27]. »
Le BVG a fourni l’exemple suivant du manque d’intégration entre les deux organisations :
En janvier 2021, [EDSC] a lancé son initiative « Servir tous les Canadiens » sous l’égide d’un comité directeur ministériel, dont le projet pilote d’accès aux partenariats communautaires faisait partie. Dans le cadre de ce projet, les organismes communautaires qui offraient un soutien personnalisé aux personnes difficiles à joindre pouvaient renvoyer au Ministère les personnes ayant de la difficulté à accéder à des prestations. Un fonctionnaire du Ministère effectuait ensuite un suivi direct auprès de la personne pour l’aider, par exemple, à remplir une demande de Supplément de revenu garanti. Nous avons constaté que même si le service d’aiguillage permettait au Ministère de fournir une aide directe, il ne permettait pas de répondre aux enjeux liés à [l’ARC]. Par conséquent, si cette même personne avait besoin d’aide pour remplir une déclaration de revenus, ce qui peut constituer un défi pour les personnes difficiles à joindre, il n’était pas possible de faire appel au service d’aiguillage[28].
À la lumière de ce problème, le BVG a formulé la recommandation suivante :
Afin d’améliorer l’intégration et l’efficacité des activités ciblées de sensibilisation, l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada devraient collaborer pour établir une expérience de service à la clientèle continu et cohérent en vue de répondre aux besoins des personnes qui nécessitent un niveau de soutien élevé pour accéder aux prestations[29].
Pour répondre à cette recommandation, un groupe de travail de l’Agence et d’EDSC sur la visibilité a été mis sur pied au printemps 2022, chargé de discuter de la collaboration et de la coordination accrues des activités de visibilité, et analyser le flux de services pour divers groupes de clients communs afin de déterminer les lacunes et de proposer des solutions. Un autre groupe de travail, incluant aussi Services aux Autochtones Canada, travaille sur des options concrètes pour accroître l’utilisation de l’Allocation canadienne pour enfants, en tenant compte des constatations et des recommandations du BVG. De plus, les points permanents à l’ordre du jour des réunions bilatérales existantes de la haute direction de l’ARC et d’EDSC comprennent maintenant l’augmentation de la collaboration en matière de visibilité et l’établissement d’une expérience de service à la clientèle harmonieuse pour les personnes qui nécessitent un niveau élevé de soutien[30].
D’ici mars 2023, le groupe de travail de l’ARC et d’EDSC préparera un rapport de recommandations à l’intention de la haute direction portant sur les possibilités d’améliorer la collaboration et de combler les lacunes en matière de service pour les personnes qui nécessitent un niveau de service élevé. D’ici mars 2024, les recommandations approuvées par le groupe de travail auront été mises en œuvre dans le cadre des programmes pertinents de l’ARC et d’EDSC[31].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 4 — Sur l’intégration des activités ciblées de sensibilisation
Que, d’ici au 30 juin 2023, l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada présentent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d’étape conjoint sur les mesures prises afin d’assurer une meilleure intégration de leurs activités de sensibilisation et avec celles d’autres ministères et agences, visant les personnes qui nécessitent un niveau de soutien élevé pour accéder aux prestations. Un rapport final conjoint devra aussi être fourni le 30 juin 2024.
Observation et recommandation supplémentaire du Comité
Au cours de l’audience, l’ARC et EDSC ont été interrogés sur la faible participation aux prestations, notamment au BEC, chez les populations difficiles à joindre. Selon une réponse écrite reçue par le Comité, en 2021, de manière générale, « 42,6 % des enfants âgés de 0 à 20 ans qui étaient admissibles à recevoir au moins un versement du BEC depuis 2004 avaient reçu un paiement du BEC[32] ». EDSC a aussi indiqué que le Programme canadien pour l’épargne-études a lié ses données administratives aux données du Recensement de 2016 pour divers sous-groupes de la population. Cette année-là, 24,7 % des enfants admissibles à recevoir le BEC l’avaient reçu, et en particulier, 6,8 % des enfants autochtones admissibles, contre 27,7 % parmi les enfants non-autochtones[33].
En réponse à la recommandation 6 du rapport du Comité intitulé « L’aide financière aux étudiantes et étudiants » (43e législature, 2e session), le Ministère a indiqué avoir entrepris à l’automne 2020 une évaluation du Programme canadien pour l’épargne-études pour étudier la faible participation au programme, et que « l’évaluation est en bonne voie d’être achevée en mars 2023[34] ».
À la lumière de la faible participation au BEC, en particulier chez les enfants autochtones, le Comité recommande :
Recommandation 5 — Sur la participation au Bon d’études canadien
Que, d’ici au 30 avril 2023, Emploi et Développement social Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport indiquant : 1) les principaux facteurs expliquant la faible participation au Bon d’études canadien, en particulier chez les enfants autochtones; 2) les mesures que le Ministère entend prendre pour améliorer la participation au Bon d’études canadien, en particulier chez les enfants autochtones; 3) le taux de participation des enfants autochtones et non-autochtones au Bon d’études canadien, en utilisant les données du Recensement de 2021.
Conclusion
Le Comité constate que le BVG a conclu que l’ARC et EDSC n’avaient pas pris suffisamment de mesures pour s’assurer que les populations difficiles à joindre connaissaient l’Allocation canadienne pour enfants, l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le Supplément de revenu garanti ainsi que le Bon d’études canadien, et qu’elles pouvaient y accéder. De plus, bien que le Ministère et l’Agence aient pris des mesures pour atteindre cet objectif, un nombre important de personnes ne recevaient toujours pas les prestations auxquelles elles étaient admissibles. Il est donc possible de faire mieux en vue de combler les lacunes pour mesurer l’utilisation des prestations, démontrer des résultats relatifs aux efforts de sensibilisation et offrir un service continu et cohérent entre les organismes fédéraux afin d’aider les personnes difficiles à accéder à leurs prestations.
Par conséquent, le Comité formule cinq recommandations visant à s’assurer que les recommandations du BVG sont adéquatement suivies, et que le Ministère et l’Agence en fournissent la preuve au Comité au moyen de rapports faisant état des progrès réalisés. Ces recommandations concernent des améliorations à apporter à la mesure de l’utilisation des prestations et de l’efficacité des stratégies de sensibilisation, une meilleure coordination entre le Ministère et l’Agence afin d’améliorer l’intégration et l’efficacité des activités ciblées de sensibilisation, et la participation au Bon d’études canadien.
[2] Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Procès-verbal, 1e session, 44e législature, 25 octobre 2022, réunion no 35.
[3] Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 1.6.
[4] Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 1e session, 44e législature, 25 octobre 2022, réunion no 34, 1545.
[5] Ibid., 1555.
[6] BVG, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 1.15.
[7] Ibid., paragr. 1.21.
[8] Ibid., paragr. 1.22.
[9] Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 1e session, 44e législature, 25 octobre 2022, réunion no 34, 1620.
[10] Ibid., 1650.
[11] Ibid., 1645.
[12] Ibid., 1635.
[13] BVG, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 1.27.
[14] Ibid., paragr. 1.30.
[15] Ibid., paragr. 1.31.
[16] Agence du revenu du Canada (ARC), Plan d’action détaillé, p. 1–2; Emploi et Développement social Canada (EDSC), Plan d’action détaillé, p. 1–3; Statistique Canada, Plan d’action détaillé, p. 1–2.
[17] BVG, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 1.32.
[18] Ibid., paragr. 1.41.
[19] Ibid., paragr. 1.42.
[20] Ibid., paragr. 1.44.
[21] Ibid., paragr. 1.45.
[22] ARC, Plan d’action détaillé, p. 2–3.
[23] EDSC, Plan d’action détaillé, p. 3–5.
[24] Ibid, p. 5.
[25] Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, 1e session, 44e législature, 25 octobre 2022, réunion no 34, 1700.
[26] BVG, L’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, rapport 1 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 1.46.
[27] Ibid., paragr. 1.54.
[28] Ibid., paragr. 1.57.
[29] Ibid., paragr. 1.59.
[30] ARC, Plan d’action détaillé, p. 3.
[31] Ibid., p. 4.
[32] EDSC, Réponse de suivi d’EDSC à la comparution PACP du 25 octobre sur le Rapport 1 de la vérificatrice générale sur l’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre.
[33] Ibid.