La Chambre reprend l'étude, interrompue le 2 mai, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis ici aujourd'hui pour parler d'une question qui touche la vie de chaque Canadien — la façon dont nous mourons. Ce n'est pas une question dont nous aimons habituellement discuter, mais, compte tenu de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter, cette question figure maintenant à l'avant-plan du programme du gouvernement en matière de politique et de santé. Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a déclaré à l'unanimité que l'interdiction de l'aide médicale à mourir prévue dans le Code criminel était inconstitutionnelle. Les modifications entreront en vigueur le 6 juin prochain. Tous les gouvernements sont en train de préparer une réponse.
Les consultations auprès du public ont permis d'établir clairement que la mesure portant sur l'aide médicale à mourir jouit d'un appui généralisé. Selon un sondage Angus Reid dont les résultats ont été publiés plus tôt au cours du mois, 90 % des Canadiens interrogés estiment qu'une forme quelconque d'aide médicale à mourir devrait être autorisée. Le gouvernement prend au sérieux la décision de la Cour suprême du Canada.
Il s'agit d'une question très délicate qui touche profondément tous les Canadiens, et nous comprenons que l'application de la nouvelle mesure législative devra faire l'objet d'un examen minutieux. C'est pourquoi le gouvernement a établi un cadre de travail fondé sur l'empathie, sur des mesures de protection appropriées à l'intention des Canadiens vulnérables et sur la nécessité d'offrir un choix. Les critères d'admissibilité, les mesures de sauvegarde de fond et de forme, ainsi que les recommandations relatives au suivi et à la production de rapports ont fait l'objet d'un examen exhaustif.
Toutefois, je souhaite également qu’il soit clair que l’aide médicale à mourir n’est pas le seul choix pour une mort paisible dans la dignité. Peu importe l’opinion des gens quant aux enjeux concernant l’aide médicale à mourir, ils conviennent tous que nous devons améliorer les soins palliatifs. L'expression « soins palliatifs » désigne une approche multidisciplinaire aux soins de santé pour les particuliers et les familles qui vivent avec une maladie mortelle, ainsi que d'autres maladies. Les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie grâce à la prévention et au soulagement des souffrances physiques et psychologiques, et les plans de traitement sont adaptés aux besoins du patient et de sa famille.
Les rapports sur l’état des soins palliatifs au Canada suggèrent que la prestation des soins palliatifs et de fin de vie, ainsi que l’accès à ceux-ci, varient grandement dans l’ensemble du pays en raison des différences démographiques régionales, des besoins sociaux, de l’organisation des soins de santé et du niveau de financement.
Lorsqu’on leur demande, la plupart des Canadiens indiquent qu’ils préféreraient mourir à la maison, en présence de leurs proches. Il faut clairement combler ce fossé et que tous les ordres de gouvernement tiennent compte des besoins et des désirs des Canadiens à la fin de leur vie, soit de recevoir les soins de compassion appropriés en temps opportun. Au fil des années, de nombreuses organisations ont soulevé à maintes reprises les lacunes en matière de soins palliatifs. De toute évidence, les Canadiens comptent sur leurs gouvernements pour corriger ces lacunes.
Par le passé, les soins palliatifs au Canada étaient offerts principalement dans les hôpitaux par des spécialistes, et en grande partie à des patients atteints de cancer qui en étaient aux derniers stades de la maladie. Bien que beaucoup les associent encore aux hôpitaux et aux patients atteints de cancer exclusivement, les soins palliatifs peuvent être offerts à divers patients et dans divers milieux, y compris dans des établissements de soins de longue durée, voire à domicile.
On estime que le système de santé est actuellement incapable de fournir des soins palliatifs à 70 % de ceux qui pourraient en bénéficier. Voilà pourquoi le gouvernement prend des mesures immédiates pour remédier à cette insuffisance et collabore avec les provinces et les territoires pour que plus de Canadiens aient accès aux options de soins qui sont adaptées à leurs besoins au moment où ils en ont besoin.
Le gouvernement finance actuellement la Fondation Pallium du Canada pour appuyer la formation en soins palliatifs des travailleurs de première ligne du milieu de la santé. Cette initiative vient compléter une initiative antérieure appelée Aller de l'avant, qui vise à créer une approche palliative intégrée dans l'ensemble du système de santé et auprès d'un éventail de fournisseurs de soins et de milieux.
Le gouvernement fédéral soutient également de nombreuses initiatives pour sensibiliser la population: éducation et formation des professionnels de la santé, pratiques nationales exemplaires, normes et recherche. Les investissements fédéraux dans la recherche approfondissent et élargissent également la compréhension des problèmes liés aux soins de fin de vie et la meilleure façon d'y remédier.
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu'il affectera 14 millions de dollars sur deux ans à la Fondation canadienne pour l'amélioration des services de santé afin de soutenir la recherche appliquée sur les services de santé et les travaux de la Fondation en vue de rationaliser le système de santé, y compris en ce qui concerne les soins palliatifs. Dans le budget de 2016, le gouvernement s'est également engagé à faciliter l'accès aux prestations de compassion, tout en en rendant les modalités plus flexibles et plus inclusives pour les personnes qui prennent soin d'un proche gravement malade, et à assouplir les modalités d'accès aux prestations de congé parental afin de mieux tenir compte des situations familiales et professionnelles particulières.
À l'instar des autres services de santé, la prestation de soins palliatifs relève principalement des provinces et des territoires. Même si chaque province et chaque territoire offrent des soins palliatifs et que certains gouvernements vont de l'avant en adoptant des cadres ou des stratégies, il y a de grands écarts au sein même des administrations et d'une administration à l'autre. Bon nombre de provinces et de territoires essaient d'intégrer les soins palliatifs à d'autres types de soins à l'échelle des établissements et des services. Néanmoins, la capacité des Canadiens d'accéder à des soins palliatifs demeure variable et dépend de l'endroit où ils vivent.
Le gouvernement du Canada s'est engagé à élaborer des mesures non législatives pour favoriser l'amélioration d'une gamme complète d'options relativement aux soins en fin de vie. Dans les discussions avec les provinces et les territoires en vue de conclure un nouvel accord sur la santé, le gouvernement libéral s'est engagé à verser 3 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années pour améliorer les soins à domicile, y compris les soins palliatifs.
Je crois fermement que mon expérience personnelle des soins de fin de vie n'est pas unique et qu'elle ressemble à celle de milliers de Canadiens. Je n'ai jamais oublié le décès de mon grand-père, John, de ma mère, Gaye, et de ma tante Babs. Ces personnes étaient des piliers dans ma vie. Ma mère et ma tante Babs m'ont appris l'enthousiasme, la détermination et le don de soi, mais aussi ce que signifie être femme. Elles ont toutes deux marqué profondément chaque jour de ma vie. Si je suis ici aujourd'hui, c'est grâce à l'héritage d'excellence qu'elles m'ont laissé.
Ces deux femmes remarquablement fortes qui étaient dévouées à leur famille et à leur collectivité ont terriblement souffert des maladies qui les ont terrassées. J'ai appris ce que c'est que dormir par terre jour après jour parce qu'elles avaient peur d'être seules. J'ai appris à administrer de la morphine et de l'Ativan ainsi qu'à leur en donner davantage au moindre gémissement parce que cela voulait dire que leur corps était déchiré par la douleur.
J'ai appris à monter et à baisser un lit d'hôpital. J'ai découvert l'importance des soins palliatifs et de l'accès à ceux-ci, mais j'aurais préféré ne jamais devoir appendre tout cela. J'ai également découvert que, pendant les derniers jours de leur vie, la douleur ne leur avait pas laissé un moment de répit. La dignité avait fait place à une terrible incertitude. Il n'y avait aucune noblesse dans toute cette souffrance. J'ai découvert la pitié.
Je suis fière de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour exprimer mon appui à ce projet de loi essentiel. Non seulement il donne suite à la décision rendue par la Cour suprême du Canada en modifiant le Code criminel, mais il fournit aussi un excellent cadre pour faciliter l'adoption des changements nécessaires dans notre système de santé, conformément à la décision de la Cour.
Le gouvernement a écouté les Canadiens. Le gouvernement a écouté les experts. Nous avons élaboré une approche qui, à notre sens, tient compte de leurs commentaires. Il est maintenant temps de faire adopter cette mesure législative afin que les particuliers, les familles et les professionnels de la santé puissent avoir plus d'options en matière de soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir.
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Madame la Présidente, je suis reconnaissante de pouvoir ajouter ma voix à la discussion sur le projet de loi , sur l'aide médicale à mourir.
La Cour suprême du Canada a imposé ce qui me semble un délai insuffisant à la Chambre pour cette mesure législative parce qu'elle a conclu que le Code criminel du Canada est inconstitutionnel lorsqu'il érige en infraction le fait de causer la mort d'une personne qui consent à mourir ou d'aider une personne à mettre fin à ses jours.
Je me suis entretenue la semaine dernière avec un électeur très inquiet qui fréquentait la faculté de droit lorsque la Charte a été édictée. Il a dit que les professeurs de droit à l'époque ont garanti à une classe de finissants troublés que ce qui se passe aujourd'hui ne se produirait jamais.
Nous en sommes maintenant à un point où, en tentant de garantir les droits et les libertés individuels en vertu de la Charte, nous mettons en péril les droits et les libertés d'autrui. Il faudrait un mélange de sagesse et d'abnégation pour faire la part entre ce qui est préférable pour soi-même et ce qui est préférable pour autrui. Ce n'est pas parce que nous pouvons faire quelque chose que nous devons le faire.
Or, si nous devons effectivement prendre une décision à ce sujet, je crois qu'il serait sage de jeter un coup d'oeil à ceux qui l'ont déjà prise et qui regrettent leur choix. Il faudrait pour ce faire tirer des leçons de l'histoire récente plutôt que de prétendre que ce que nous sommes en train de faire constitue une sorte de progrès, alors qu'il a déjà été prouvé ailleurs qu'il s'agit d'un recul.
La Cour suprême a choisi de ne pas tenir compte de sa décision précédente à cet égard ni de la position des six différentes législatures qui ont rejeté l'aide au suicide. Il semble que la ligne droite n'est pas ce qui convient le mieux à la société et à la race humaine dans son ensemble, mais plutôt la dernière tendance progressiste, celle-là même qui exerce une telle pression sur notre façon de vivre et sur notre façon de percevoir la société.
Je suis mariée à un pasteur et j'ai travaillé comme personne soignante dans des hôpitaux et des maisons de soins de niveau 4. J'ai travaillé dans un hôpital psychiatrique. J'ai été aide-éducatrice auprès d'enfants de la maternelle et d'élèves du secondaire ayant des besoins spéciaux.
Je suis la fille d'un homme atteint d'Alzheimer, la grand-mère d'un petit-fils autiste qui se débrouille très bien; l'un de mes proches souffre d'une maladie mentale. Je suis moi-même très au fait des aléas de l'existence. Je crois personnellement que la vie est sacrée, de sa conception jusqu'à sa fin « naturelle », et que la protection des plus vulnérables de la société doit toujours être l'idée maîtresse qui détermine notre façon de gouverner et de faire des lois pour le Canada.
Je partage ce point de vue avec les gens de ma circonscription et d'un peu partout au Canada qui m'en ont souvent parlé. Aujourd'hui, le débat qui se tient aux Communes doit être très équilibré et nous permettre de présenter les opinions de tous les Canadiens.
La vie est difficile et la mort l'est aussi souvent pour la personne qui meurt et encore davantage, à certains égards, pour ceux qui accompagnent la personne à la fin de sa vie. Je crois que c'est aussi une dimension valable de la question.
Malheureusement, le projet de loi causera beaucoup plus de douleur qu'il n'en apaisera. Légaliser une chose ne la rend pas morale pour autant. Les gens qui demandent l'aide d'un médecin pour mourir peuvent être motivés par divers facteurs n'ayant aucun lien avec leur état de santé. Ces facteurs peuvent faire en sorte que certaines personnes demandent de l'aide pour mourir alors qu'en fait, elles voudraient et mériteraient un meilleur traitement et des soins palliatifs.
Soulignons que la loi belge sur l'euthanasie ne s'applique pas aux patients inaptes à prendre une décision et ne permet pas d'abréger délibérément leur vie. Le système de la loi sur l'euthanasie en Belgique, qui est calqué dans le projet de loi , a fait l'objet d'abus et s'est révélé insuffisant pour surveiller le processus décisionnel.
Par exemple, Raphael Cohen-Almagor, un défenseur des droits de la personne qui est titulaire de la chaire de politique à l'Université de Hull, est l'auteur d'un compte rendu de recherche publié dans le Journal of Medical Ethics. L'article s'intitule « First do no harm: intentionally shortening lives of patients without their explicit request in Belgium » et porte principalement sur les données publiées au sujet de la pratique consistant à causer la mort sans que le patient le demande en Belgique.
Les données indiquent que cette pratique demeure courante et qu'elle entraîne chaque année plus de 1 000 décès prématurés sans qu'une demande ait été faite, soit 32 % des cas d'euthanasie. De plus, les médecins ont refusé de signaler presque la moitié de ces cas à l'organisme de surveillance même si la loi les oblige à le faire.
Voilà un exemple montrant clairement qu'il manque, dans la loi, un mécanisme permettant à une tierce partie indépendante d'assurer une surveillance avant que l'on donne la mort à un patient. Force est de constater que, malheureusement, les mesures de sauvegarde prévues dans le projet de loi sont susceptibles d'être insuffisantes et inefficaces dans le monde réel.
En outre, le projet de loi s'applique aux personnes atteintes d'une maladie physique ou psychologique dont les problèmes de santé leur causent des souffrances persistantes et intolérables. Nous devons d'abord axer nos efforts sur l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des soins palliatifs comme moyen de soulager de façon humaine la souffrance, la solitude et la peur pour le patient en fin de vie, ainsi que d'encourager, de guider et de soutenir les proches au cours du processus naturel de fin de vie. Le projet de loi C-14 n'exige pas que l'on emprunte d'abord la voie des soins palliatifs, ni que le patient ait essayé d'autres traitements avant de demander l'aide médicale à mourir.
De plus, je m'inquiète encore beaucoup pour les nombreux professionnels de la santé qui ont communiqué avec moi, car ils pourraient subir de graves conséquences s'ils refusent d'aider une personne à mettre fin à ses jours, pour quelque raison que ce soit. Personne dans ce pays ne devrait être obligé de soutenir ou de fournir un service qui va à l'encontre de sa conscience. La loi du gouvernement fédéral laisse les provinces s'occuper de cette question cruciale, ce qui peut donner lieu à encore plus d'interprétations du libellé général.
Il faudrait mettre en place un système national structuré pour examiner les dossiers lorsque des médecins ou un organisme de soins de santé financé par l'État refusent, peu importe la raison, de fournir l'aide médicale à mourir que demande le patient.
Par ailleurs, le projet de loi étend la portée des modifications du Code criminel aux médecins, aux infirmiers et aux infirmiers auxiliaires autorisés. Sa portée est plus vaste que toute autre mesure adoptée dans le reste du monde, ce qui rend impossible la création d'un système national transparent.
Il faut tenir compte des effets psychologiques que le projet de loi pourrait favoriser. La laïcité des tribunaux s'appuie sur la prémisse que tout est déterminé par la société, avec comme résultat que le droit joue un rôle important dans l'évolution de l'éthique culturelle, façonne les attitudes culturelles envers certains comportements et a une incidence sur les normes morales. Les lois sur l'aide médicale à mourir laissent entendre que, dans certaines circonstances, le suicide est une issue raisonnable. Le problème, c'est que ce message sera reçu non seulement par ceux qui souffrent d'une maladie en phase terminale, mais aussi par ceux qui sont tentés de croire qu'ils ne peuvent plus continuer à vivre.
Une étude menée par David Jones et David Paton a démontré que, dans d'autres États, la légalisation de l'aide à mourir a mené à une hausse du nombre total de suicides, avec ou sans aide. Cela nuit gravement aux efforts menés au sein des organismes et des programmes de prévention du suicide.
En tant que porte-parole adjointe du Parti conservateur pour les anciens combattants et membre du comité des anciens combattants, je crois que la légalisation de l'aide au suicide ne ferait que rendre plus difficile la mise en oeuvre des services de santé mentale et des initiatives de prévention du suicide qui ciblent les personnes souffrant de troubles de stress post-traumatique.
J'abonde dans le sens du député libéral de , qui a déclaré hier soir que le gouvernement devrait à tout le moins attendre de 5 à 10 ans avant de légaliser le suicide assisté, car il faut d'abord savoir quelles seraient les répercussions exactes de ce changement d'un bout à l'autre du pays. Ses préoccupations sont justifiées dans ce contexte où l'on cherche à apaiser les pensées suicidaires qui hantent les réserves du Canada.
D'après une autre étude, publiée en 2011 dans Current Oncology, l'euthanasie a changé considérablement pendant les 30 ans qui ont suivi son adoption aux Pays-Bas. L'aide médicale à mourir conçue pour les malades en phase terminale s'est étendue aux personnes souffrant d'une maladie chronique; après les problèmes de santé physiques, le programme s'est étendu aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale, puis de détresse psychologique attribuable à l'état de santé mentale. Et maintenant, les personnes de plus de 70 ans simplement lasses de vivre peuvent choisir l'euthanasie.
Dans la culture actuelle, l'euthanasie est perçue comme la solution normale, alors que les soins palliatifs sont de plus en plus présentés et perçus comme une option égoïste. C'est ce qu'on pouvait lire dans le Daily Mail, un journal du Royaume-Uni, le 24 septembre 2013.
Bref, ce projet de loi ne toucherait pas seulement les personnes qui choisissent, de façon rationnelle et délibérée, de mettre fin à leurs jours. Il aurait des répercussions beaucoup plus vastes, notamment sur de grands groupes sociaux et sur les professionnels qui seraient tenus d'offrir ces services s'ils ne veulent pas mettre en péril leur droit d'exercer leur profession.
En tant que législateurs, quelle doit être notre priorité lorsque nous sommes confrontés à un choix, comme c'est le cas ici? Parce que la Cour suprême du Canada nous a imposé d'adopter une mesure législative hautement controversée, malgré les piètres résultats obtenus dans d'autres pays; parce que le comité a choisi de gérer les témoins comme il le fait et a décidé de faire des recommandations dont la portée dépasse largement les exigences de l'arrêt dans la causeCarter; parce qu'il importe, avant tout, que le gouvernement fasse des soins palliatifs de qualité l'une de ses valeurs et de ses priorités, je ne peux pas, en toute bonne foi, appuyer le projet de loi .
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi , qui traite de l'aide médicale à mourir.
Le gouvernement a écouté très attentivement les Canadiens et s'est attardé aux précieuses contributions du comité mixte spécial composé de députés et de sénateurs, du groupe externe d'experts, du groupe consultatif provincial-territorial d'experts et de nombreux autres intervenants au pays.
Le projet de loi reconnaît de façon appropriée l'autonomie des Canadiens de choisir l'aide médicale à mourir, tout en protégeant les personnes vulnérables et en respectant l'arrêt dans la cause Carter de la Cour suprême du Canada.
Mes observations se centreront sur les critères d'admissibilité et les garanties procédurales, qui sont au coeur du projet de loi.
Comme l'a dit la , le projet de loi vise à aborder les questions soulevées dans l'arrêt dans la cause Carter. Le gouvernement s'est engagé à recueillir et à analyser les données probantes sur la façon dont l'aide médicale à mourir fonctionne en pratique et à étudier les résultats des études indépendantes sur d'autres questions qui n'ont pas été abordées dans l'arrêt dans la cause Carter, et qui le seront après l'adoption du projet de loi.
Étant donné les questions sociétales et médicales fondamentales que soulève l'aide médicale à mourir au pays, il importe d'adopter une approche prudente. Les enjeux sont trop importants.
Le projet de loi contient cinq critères d'admissibilité clés.
Premièrement, il exigerait que la personne qui demande de l'aide médicale pour mourir soit âgée d'au moins 18 ans et capable de prendre elle-même les décisions touchant sa santé.
Plusieurs des témoins entendus par le comité mixte spécial, dont les représentants de la Société canadienne de pédiatrie, ont fait remarquer que l'aide médicale à mourir soulevait des questions particulières dès qu'elle s'appliquait aux jeunes. Il est difficile d'évaluer la capacité d'un mineur à demander de l'aide médicale pour mourir, car les enjeux sont extrêmement élevés et les conséquences, irréversibles.
Je signale par ailleurs que certains témoins ont aussi dit au comité qu'à l'heure actuelle, le Canada ne disposait pas de données pédiatriques permettant de savoir si des jeunes avaient demandé l'aide médicale à mourir ou si les pédiatres du pays seraient disposés à l'administrer. La prudence et le gros bon sens nous disent que cette question extrêmement délicate doit d'être étudiée plus en profondeur.
Pour ce qui est de la capacité, les gens doivent être capables de confirmer leur choix au moment où l'aide médicale à mourir leur sera administrée. C'est donc dire que le projet de loi interdirait ce qu'on appelle communément les « demandes anticipées ».
Les risques d'erreurs et d'abus seraient en effet trop grands pour que l'on permette à des patients incapables d'exprimer leur volonté de recevoir de l'aide pour mourir, car il se peut qu'une personne qui aurait déjà exprimé le souhait de mourir ait changé d'avis et souhaite désormais continuer à vivre.
Autrement dit, les demandes anticipées priveraient les gens de leur droit de changer d'avis une fois qu'ils ont perdu leurs facultés.
Dans l’approche proposée, on reconnaît également que les médecins et les professionnels de la santé ont souvent de la difficulté à interpréter et à appliquer d’autres directives touchant les preuves. Les demandes anticipées d’aide médicale à mourir seraient même plus complexes à administrer. Il faut clairement mener d’autres études et établir les faits justifiant les demandes anticipées.
Le projet de loi prévoit également des critères d’admissibilité aux termes desquels on fait une demande volontaire d’aide médicale à mourir en donnant un consentement éclairé.
Ces exigences relèvent du bon sens.
L’aide médicale à mourir ne peut être une solution de rechange dans les cas où les patients pourraient préférer un traitement différent, mais qu'ils ne savent pas qu'il existe, et dans les cas où ils ne connaissent pas leur diagnostic ou l’évolution probable de la maladie. L’aide médicale à mourir ne doit pas non plus découler de pressions externes ou du sentiment que l’on a d’être un fardeau.
De plus, le projet de loi exigerait que la personne soit affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. La définition de ce terme comprend plusieurs éléments, notamment le fait que la maladie soit grave et incurable, que le malade se trouve dans une situation caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, que la maladie cause des souffrances persistantes et que la mort naturelle soit devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de la situation médicale sans pour autant qu’un pronostic n’ait été établi.
Le projet de loi vise à permettre l'aide médicale à mourir dans le cas des Canadiens qui sont en fin de vie. Comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada à divers endroits dans l'arrêt dans la cause Carter, l'aide médicale à mourir est semblable à des formes de soins de fin de vie, comme la sédation palliative ou le retrait d'un traitement vital. Cette définition vise à accorder aux médecins et aux infirmiers praticiens la souplesse nécessaire pour tenir compte de l'ensemble de la situation médicale d'une personne.
Le projet de loi stipule clairement qu'il n'est pas nécessaire d'établir un pronostic précis quant à l'espérance de vie. En outre, une personne pourrait être admissible à l'aide médicale à mourir en raison de l'effet cumulatif de nombreux problèmes de santé ou de circonstances médicales qui, pris individuellement, ne sont peut-être pas mortels, mais qui, mis ensemble, font en sorte que la mort de cette personne est raisonnablement prévisible. Par exemple, les personnes se trouvant dans une situation médicale semblable à celle qu'ont connue Kay Carter, Gloria Taylor, Sue Rodriguez et les patients ayant obtenu une exemption constitutionnelle au Canada depuis la décision rendue par la Cour suprême en janvier dernier seraient toutes admissibles à l'aide médicale à mourir en vertu de cette mesure législative.
L'aide médicale à mourir n'est cependant pas une solution à tous les problèmes de santé. La voir ainsi susciterait des risques inacceptables, en particulier pour les personnes vulnérables de notre société. Prenons l'exemple de quelqu'un qui souffre d'un handicap physique ou mental, mais qui est en bonne santé par ailleurs et dont la mort naturelle est encore loin. Rendre l'aide médicale à mourir accessible à cette personne risque de renforcer des stéréotypes négatifs sur la vie des personnes handicapées et pourrait laisser entendre que la mort est une solution de rechange acceptable aux handicaps ou aux problèmes de santé, quelle qu'en soit la gravité. Cela pourrait nuire à nos efforts pour combattre le suicide, un sérieux problème de santé publique touchant non seulement la personne qui s'enlève la vie, mais également sa famille, ses amis et l'ensemble de la collectivité.
En outre, pour que les Canadiens puissent avoir la certitude que l'aide médicale à mourir est appliquée correctement, le projet de loi renferme des mesures de sauvegarde qui correspondent de façon générale aux recommandations du comité mixte spécial. Ainsi, les demandes devront être faites par écrit devant deux témoins indépendants, et un délai de 15 jours devra être observé entre le jour de la demande et celui où l'aide sera fournie afin que les personnes qui auront pris une décision trop hâtive puissent se raviser. En ce qui a trait à la période d'attente, une certaine souplesse est prévue dans les cas où la mort de la personne ou la perte de sa capacité à donner un consentement éclairé est imminente.
Plus important encore, deux médecins ou infirmiers praticiens indépendants devront évaluer et confirmer l'admissibilité de la personne. Cette dernière aura aussi le droit de retirer sa demande d'aide médicale à mourir et pourra le faire jusqu'au moment où la procédure est censée avoir lieu. Ces mesures de sauvegarde permettront de protéger les Canadiens, mais elles ne seront pas contraignantes au point de restreindre l'accès à l'aide médicale à mourir.
Enfin, le projet de loi prévoit que la personne doit être admissible à des soins de santé financés par l'État au Canada. Cette exigence a été instaurée pour que le Canada ne devienne pas une terre d'accueil pour les gens d'autres pays qui viendraient ici simplement pour avoir accès à l'aide médicale à mourir. Par contre, étant donné que les Canadiens déménagent souvent dans une autre province ou vont parfois vivre à l'étranger pendant de longues périodes, le projet de loi prévoit une exception; nous veillons ainsi à ce que ces personnes ne soient pas exclues simplement parce qu'elles doivent observer une période d'attente ou respecter une exigence concernant la résidence avant d'avoir accès aux soins de santé publics.
L'aide médicale à mourir figure parmi les enjeux sociaux et juridiques les plus complexes de notre époque, surtout en raison du vieillissement de la population. Cela dit, le gouvernement s'est attaqué à cette question et il a écouté attentivement les divers points de vue exprimés par les Canadiens.
Le projet de loi dont le Parlement est saisi aujourd'hui a été rédigé avec compassion et lucidité. Il s'agit d'une mesure législative mûrement réfléchie et reposant sur des principes, qui donne aux Canadiens la possibilité de choisir l'aide médicale à mourir, protège les personnes vulnérables et est conforme à la décision de la Cour suprême.
J'invite tous les députés à appuyer ce projet de loi.
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Madame la Présidente, pour commencer, j'aimerais souligner la délicatesse, la sensibilité et la courtoisie que requiert le sujet à l'étude. Le thème du présent débat, l'aide médicale à mourir, soulève des questions de la plus profonde importance, puisqu'il est question de vie ou de mort.
Cela vient chercher nos plus profonds sentiments, non seulement en tant que parlementaires, mais aussi en tant qu'êtres humains. Cela fait appel à notre conscience, à notre moralité, à notre éthique, à nos valeurs, à nos philosophies, à notre spiritualité, à notre individualité et à notre dignité. Je crois que nous devons aborder ces questions avec la plus grande prudence, avec compassion et avec respect, car les Canadiens ont des opinions diversifiées et profondément ancrées sur le sujet, et toutes valent la peine d'être considérées et respectées.
Le contexte du débat est clair: on craint la mort, la souffrance et la perte de contrôle. Grâce aux progrès de la médecine moderne, les gens peuvent et d'ailleurs doivent aujourd'hui envisager de vivre sans une qualité de vie acceptable, d'être en vie sans profiter de la vie, de posséder les fonctions physiques de base sans faculté, sans dignité et sans espoir.
En même temps, nous craignons la diminution du caractère sacré de la vie, la possibilité que des personnes vulnérables soient victimes d'abus, et la possibilité de s'engager sur une pente glissante qui remet en question les principes fondamentaux de longue date visant la préservation de la vie humaine. Ce débat porte sur un affrontement fondamental entre deux valeurs: l'une se fonde sur l'instinct de vivre et de préserver la vie en toutes circonstances et l'autre se fonde sur le droit de contrôler notre mort inévitable à titre de partie intégrante de notre individualisme et de notre liberté personnelle.
J'espère que nous allons aborder les questions de ce débat avec compassion et respect, comme il se doit, parce que nous devons tenir compte de façon simultanée des notions de mort dans la dignité et de vie dans la dignité. Personne n'a raison et personne n'a tort. Il faut seulement être prêts à faire des compromis, à faire preuve de compréhension et à aller de l'avant avec le plus de sagesse et de sensibilité possible.
À bien des égards, nous avons eu un parcours malencontreux jusqu'ici. Nous sommes ici en vertu du processus judiciaire qui repose sur une analyse fondée sur les droits et une décision émanant du mandat d'un tribunal, de façon tout à fait légitime, en raison d'un argument fondé sur la Charte qui contestait les dispositions criminelles sous prétexte qu'elles violent les droits constitutionnels individuels.
Nous ne sommes pas ici à la suite d'un débat fondé sur la foi, la conscience ou l'éthique. Bon nombre de Canadiens se sentent pressés par la situation et ont l'impression d'être privés d'une discussion en bonne et due forme qui aurait dû avoir lieu sur une question d'une aussi grande importance sur le plan social. Par conséquent, le débat ne porte pas sur la pertinence d'autoriser l'aide médicale à mourir, mais plutôt sur la meilleure manière de la baliser.
Cependant, je trouve un certain réconfort en me disant que la Cour suprême du Canada est parvenue unanimement à cette décision, ce qui n'arrive pas souvent. Cela me rassure que les plus éminents juristes au pays aient la conviction que nous, en tant que parlementaires, pouvons et devons élaborer un système en vue de permettre aux Canadiens de demander et d'obtenir une aide médicale pour mettre fin à leurs jours dans des circonstances bien définies.
Mes commentaires et mes réflexions porteront essentiellement sur deux sujets, soit les soins palliatifs et les principaux éléments du projet de loi. À titre de porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de santé, j'examine cette question du point de vue non seulement des valeurs, de l'éthique ou de la morale, mais aussi des soins de santé. À mon avis, les soins palliatifs doivent être l'un des aspects centraux du débat. Si nous voulons être honnêtes, nous reconnaîtrons que nous, en tant que nation, n'avons pas réussi à offrir l'éventail de soins en fin de vie de qualité dont les Canadiens ont besoin pour les rassurer et leur permettre de pleinement profiter de leur vie.
La société canadienne a fait preuve de négligence et a tardé à mettre sur pied un système de soins palliatifs, ce qui est pourtant absolument essentiel compte tenu des problèmes de fin de vie dont nous sommes témoins. Nous devons faire de notre mieux pour créer des conditions où les Canadiens voudront recourir à l'aide à mourir uniquement dans des situations très rares, et nous devons pour ce faire prendre de nombreuses mesures préalables.
Nous devons créer des programmes de gestion de la douleur pour avoir le plus de ressources possible afin que les patients soient relativement à l'aise, quels que soient leurs problèmes de santé et sans égard au fait qu'ils arrivent en fin de vie. Nous devons organiser un système de soins à domicile pour faire en sorte que les patients, particulièrement les aînés, puissent terminer leurs jours dans le confort de leur foyer, entourés de leur communauté, de leurs souvenirs, de leurs amis et des membres de leur famille.
Nous devons construire des unités de soins palliatifs partout au Canada pour permettre aux gens qui arrivent en fin de vie d'avoir un milieu de vie confortable, enrichissant, agréable et intéressant où le conjoint, les enfants, les membres de la famille et les amis peuvent se retrouver dans un cadre intime et respectueux. Les gens qui arrivent en fin de vie devraient recevoir les meilleurs soins médicaux qu'un pays développé comme le Canada peut déployer. Si nous investissons dans des soins palliatifs de niveau mondial, vraisemblablement peu de Canadiens demanderont l'aide à mourir.
Quelle que soit notre position dans le présent débat, nous convenons tous, je crois, qu'il faut encourager les Canadiens à vivre pleinement leur vie. Ce projet de loi, le gouvernement et le récent budget ne reconnaissent pas la nécessité de mettre sur pied au Canada un système de soins palliatifs de niveau mondial et ne fournissent pas non plus les ressources nécessaires pour le faire. Les paroles ne suffisent pas; il faut passer à l'action. Nous, du Nouveau Parti démocratique, travaillerons sans relâche afin que le gouvernement accorde les ressources nécessaires pour établir, à l'échelle du Canada, un système de soins palliatifs de calibre mondial. Nous inciterons également les gouvernements des provinces et des territoires à collaborer pour que ce système soit à la portée de l'ensemble des Canadiens, quel que soit l'endroit où ils habitent.
J'aimerais faire certaines observations extrêmement importantes.
Je crois personnellement que les adultes capables ont le droit de choisir les conditions de leur décès si les critères définis par la Cour suprême sont réunis, c'est-à-dire qu'il faut que leurs problèmes de santé soient graves et irrémédiables et leur causent des souffrances qu'ils jugent intolérables. Le processus doit aussi être bien conçu et bien balisé pour que leur volonté puisse être établie avec certitude. Comme le projet de loi dont nous sommes saisis s'écarte de la décision rendue par la Cour, il doit être amendé.
Si c'est bien vrai que la principale personne ayant obtenu gain de cause dans cette affaire, Mme Kay Carter, n'aurait pas pu obtenir d'aide médicale pour mourir si la mesure législative dont nous sommes saisis avait été en vigueur, nous faisons évidemment fausse route. J'estime qu'il faut faire preuve de beaucoup de prudence et agir de façon mesurée.
J'ai écouté attentivement les propos des députés qui sont favorables à l'élargissement de l'aide médicale à mourir bien au-delà des paramètres prudents définis par la Cour suprême, mais je ne suis pas d'accord avec eux. Selon moi, il faut procéder avec prudence dans les dossiers délicats comme celui-ci. Les questions des mineurs matures, des souffrances psychologiques et du consentement anticipé s'accompagnent de considérations épineuses. Ce qui est le plus sage, selon moi, c'est de consulter pleinement les Canadiens avant de légiférer à ces égards. Nous passons d'une société qui impose depuis des siècles des sanctions criminelles dans les cas de suicide et d'aide à mourir, à une autre qui est en train d'élaborer un régime correspondant aux critères définis par la Cour suprême dans l'arrêt dans la cause Carter. Selon moi, cette mesure législative suffit pour le moment, et nous devrions plutôt veiller à ce que les principes de l'arrêt Carter soient bien inscrits dans la loi.
En tant que père d'un enfant ayant des besoins spéciaux, je veux m'assurer que tous les Canadiens vulnérables sont entièrement protégés en la matière. Je comprends ceux qui craignent que nous nous engagions sur une pente glissante qui exposera les personnes vulnérables à des risques, et je conviens qu'il faut veiller à instaurer des paramètres rigoureux pour éviter une telle éventualité. J'estime que nous pouvons et devons bien nous assurer que les droits à la liberté de religion et de conscience du personnel médical et des établissements de soins sont protégés en tous points. J'estime également qu'il faut respecter le choix non seulement des Canadiens qui souhaitent exercer leurs droits en vertu de la Charte pour accéder à l'aide médicale à mourir, mais également celui des personnes qui choisissent de ne pas se mêler de telles questions en raison de leurs convictions religieuses ou de leurs valeurs. Il ne faut pas chercher à faire respecter les droits constitutionnels de quelques Canadiens au détriment de ceux d'autres Canadiens.
Par ailleurs, j'estime que les établissements de santé confessionnels sont le prolongement direct des groupes confessionnels qui les parrainent et, à ce titre, ils incarnent des valeurs qui méritent assurément d'être protégées. Je suis convaincu que nous pouvons veiller à ce que tous les Canadiens aient accès aux droits prévus dans l'arrêt dans la cause Carter, tout en protégeant les droits tout aussi importants de ceux dont la conscience ne permet pas de participer à de telles activités.
En fin de compte, j'ai la conviction fondamentale que nous, les parlementaires, pouvons et devons élaborer une mesure législative qui est le reflet de ce que sont véritablement les Canadiens: des gens qui chérissent les droits et les libertés individuels, qui se soucient réellement du bien-être de leurs semblables, qui sont compatissants et soucieux de justice et qui sont déterminés à faire en sorte que notre société soit régie par la primauté du droit, la sagesse et le respect de tous.
Je ferai tout mon possible pour prôner ces valeurs tout au long du processus d'élaboration de cette mesure législative d'importance pour les Canadiens.
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Madame la Présidente, je prends la parole aujourd'hui concernant le projet de loi , qui porte sur l'aide médicale à mourir.
À mon avis, c'est un projet de loi qui reflète bien l'état actuel de la réflexion au sein de la société. Il correspond au point de vue de la majorité des Canadiens et constitue une base solide pour asseoir les mesures futures. Il est conforme au principe de la valeur inhérente et égale de chaque vie et il respecte la dignité et l'autonomie de la personne, qui a le droit d'opter pour l'aide médicale à mourir pourvu qu'elle soit admissible et que des règles et des conditions bien définies soient respectées.
Le projet de loi contient un long préambule et constitue un changement fondamental dans l'idée que nous nous faisons, nous, les Canadiens, du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne au Canada.
J'avoue que ce n'est pas une question facile à aborder pour moi, mais elle est importante pour les gens de la circonscription de Davenport, que je suis honorée et fière de représenter. On ne parle pas souvent de la mort dans notre société. C'est un sujet qui nous rend nerveux. Alors, ce projet de loi, qui crée un cadre d'accès à l'aide médicale à mourir au Canada, pour les personnes admissibles, est un sujet particulièrement sensible.
Je tiens à souligner qu'il y a une importante communauté catholique dans ma circonscription, que beaucoup de ses membres croient que seul Dieu peut décider du moment de notre mort et que nous devrions laisser cela entre ses mains. Or, il y a également plusieurs groupes, à Davenport, qui estiment que le projet de loi ne va pas assez loin. Compte tenu de l'heureuse diversité des opinions, j'ai invité les dirigeants communautaires à venir me rencontrer afin que nous discutions du projet de loi et qu'ils me fassent part de leurs préoccupations.
J'ai dû rappeler à bon nombre d'entre eux que les neuf membres de la Cour suprême du Canada, en février 2015, ont décidé à l'unanimité d'annuler les articles du Code criminel qui interdisaient à quiconque, y compris aux médecins, de causer la mort d'une personne qui consent à mourir, ou d'aider une personne à mettre fin à ses jours. Je leur ai rappelé que la Cour suprême a statué que l'interdiction de l'aide médicale à mourir porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et que cette atteinte ne respecte pas les principes de justice fondamentale.
La Cour suprême a accordé au gouvernement une certaine période pour présenter une mesure législative. Il a jusqu'au 6 juin pour le faire, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Soit dit en passant, j'étais curieuse de savoir combien de fois la Cour suprême avait rendu un jugement unanime; elle l'a fait seulement 35 fois depuis 1979.
Il ne faisait aucun doute que l'aide médicale à mourir allait devenir légale au Canada. Ce qui restait à déterminer, c'est le genre de projet de loi qui allait être présenté.
L'arrêt de la Cour suprême a marqué un tournant important dans la façon dont notre société perçoit l'autonomie personnelle. Il a fait valoir que le sens de la dignité d'une personne est intimement lié à sa façon de percevoir sa qualité de vie. La décision de permettre aux Canadiens de recourir à l'aide médicale à mourir nous éclaire sur l'évolution du rôle de notre système de santé et sur le rôle du patient dans la prise de décision.
Les Canadiens s'attendent à ce que les médecins et les infirmiers les soignent et les aident à maintenir leur qualité de vie. Cependant, quand cette qualité n'est plus accessible, les Canadiens veulent avoir l'assurance que les professionnels de la santé seront aussi là pour les aider lorsqu'ils décideront de mettre fin à leurs jours dans la dignité.
Outre la consultation, j'ai reçu de nombreuses lettres de résidants de Davenport. Certains croient qu'on ne devrait pas du tout légiférer, d'autres pensent que le projet de loi n'en fait pas assez pour protéger la liberté de conscience des médecins ou les plus vulnérables, et d'autres encore craignent que le projet de loi n'aille pas assez loin, et que le gouvernement s'est fondé sur une interprétation trop étroite de l'arrêt de la Cour suprême. Je vais répondre à toutes ces préoccupations au cours des prochaines minutes.
J'aimerais d'abord répondre à ceux qui ne croient pas qu'il y a lieu d'adopter une loi. Ce que bien des gens ne comprennent peut-être pas est que, si le gouvernement libéral n'adopte pas de nouvelle loi d'ici le 6 juin prochain, l'aide médicale à mourir sera légale pour autant qu'elle soit offerte dans le respect des considérations énoncées par la Cour suprême dans l'arrêt dans la cause Carter. Les Canadiens se retrouveraient alors sans cadre national et sans loi, ce qui, selon moi, créerait un désordre dans lequel quiconque pourrait interpréter l'arrêt Carter, et risquerait d'ouvrir la porte à des excès.
En déposant le projet de loi , le gouvernement libéral a délibérément élaboré une mesure législative qui respecte le plus scrupuleusement possible l'arrêt de la Cour suprême. Si la portée de ce projet de loi est étroite, c'est parce qu'il est destiné à n'être qu'une première étape et à donner un fondement adéquat à la mesure législative.
La mesure législative ferait trois choses. Elle permettrait aux médecins, aux infirmiers et à ceux qui les secondent d'offrir une aide médicale à mourir aux patients admissibles sans risquer de faire l'objet d'accusations. Elle fournirait aussi des mesures de protection pour veiller à ce que ceux qui reçoivent une aide médicale à mourir y soient admissibles, donnent leur consentement éclairé et la demandent de leur plein gré. Enfin, elle jetterait les bases permettant à la ministre de la Santé de prendre des règlements afin de mettre en place un processus de surveillance et de déclaration de l'aide médicale à mourir.
Je prends un instant pour insister sur le premier point, car, comme je l'ai déjà dit, beaucoup de personnes m'ont écrit pour souligner que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne protège pas la liberté de conscience des médecins. Je tiens à dire clairement que rien, dans le projet de loi, n'oblige un médecin ou un membre du personnel infirmier à fournir une aide médicale à mourir ou à renvoyer un patient à un autre professionnel. Cette mesure vise à trouver un juste équilibre entre l'accès à l'aide médicale à mourir et le respect des convictions personnelles des professionnels de la santé.
Les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir sont également limpides. Il doit s'agir d'une personne d'au moins 18 ans, mentalement capable, qui fait volontairement une demande d'aide médicale à mourir et y consent de manière éclairée. Elle doit être atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables; sa situation médicale doit se caractériser par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; son état de santé doit lui causer des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables; et sa vie doit évidemment tirer à sa fin. Sa mort naturelle doit être raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale.
Le projet de loi renferme aussi plusieurs mesures de sauvegarde afin de garantir que le patient admissible donne son consentement en toute connaissance de cause. Sa demande d'aide médicale à mourir doit notamment être présentée par écrit et être signée par deux témoins indépendants. Deux médecins indépendants doivent aussi confirmer qu'il répond à tous les critères. Grâce à ces deux mesures, on saura avec certitude que les demandes d'aide médicale à mourir seront faites de manière réellement volontaire, qu'elles correspondront aux volontés du patient concerné et qu'elles ne seront pas le fruit de la coercition ou d'une quelconque forme de pression.
De trop nombreux électeurs de ma circonscription m'ont dit qu'ils s'étaient sentis forcés d'abréger la vie d'un proche hospitalisé. Je leur répondais que le projet de loi y verrait puisque les patients doivent faire leur demande par écrit et que celle-ci doit être signée par deux témoins indépendants et être confirmée par deux médecins indépendants eux aussi.
La deuxième exigence permet en outre de rassurer les médecins administrant l'aide médicale à mourir, qui n'auront pas besoin de se demander si ce qu'ils font est légal ou conforme aux connaissances et pratiques médicales raisonnablement acceptées.
Pour être admissibles, les patients devront aussi observer une période d'attente de 15 jours, pendant laquelle ils pourront retirer leur demande à tout moment. Ils devront ensuite confirmer leur consentement juste avant que l'aide médicale à mourir ne leur soit administrée. Il s'agit selon moi d'un protocole rigoureux et de mesures de sauvegarde à toute épreuve.
Par ailleurs, le projet de loi jette les bases qui permettront à la d'établir un processus pour encadrer le recours à l'aide médicale à mourir et en rendre compte. Nous devons nous assurer, à la satisfaction des Canadiens, que le système fonctionne comme voulu, c'est-à-dire en respectant l'autonomie des personnes admissibles et en protégeant les personnes vulnérables.
Il est essentiel de maintenir la confiance du public et de faire preuve de transparence dans la mise en oeuvre de l'aide médicale à mourir. Le système d'encadrement et de reddition de comptes servira aussi à détecter tout problème ou toute conséquence imprévue.
Grâce au système d'encadrement, nous aurons accès à des données canadiennes comparables et de qualité, de sorte que nous pourrons nous fonder sur les meilleures données possible lorsqu'il faudra discuter d'éventuels changements au régime d'aide médicale à mourir. Rappelons-nous en effet que la loi sera examinée dans cinq ans, ce qui pourrait entraîner des modifications fondées sur les données recueillies durant cette période.
Que les personnes qui considèrent que le projet de loi est trop timide se rassurent: nous nous engageons à réaliser des études indépendantes sur trois questions fondamentales auxquelles la Cour suprême a choisi de ne pas répondre dans l'arrêt dans la cause Carter. Ces questions sont l'admissibilité des personnes âgées de moins de 18 ans, les demandes anticipées et les demandes d'aide médicale à mourir pour des motifs uniquement liés à la santé mentale.
Il faut également mentionner que les soins palliatifs, qui permettent à tous les Canadiens de vivre le mieux possible jusqu’à leur décès, sont tout aussi importants pour le gouvernement. Hier encore, la est intervenue à la Chambre pour réaffirmer l’engagement qu’a pris le gouvernement de consacrer 3 milliards de dollars sur quatre ans aux soins à domicile.
Avec ses homologues canadiens, la ministre travaille d’arrache-pied sur la prochaine version de l’accord sur la santé, et les soins palliatifs de qualité pour tous les Canadiens sont un élément névralgique de leurs délibérations.
Je dois également mentionner que l’un des effets très positifs de la présentation de ce texte législatif est le vaste débat qui se tient à l'échelle du pays. Nous devons discuter pleinement de la question et bien la comprendre.
Pour terminer, je tiens à saluer l’excellent travail que le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a accompli sous la présidence éclairée de mon collègue le député de . Je tiens également à remercier la et la de l’excellent travail qu’elles ont accompli à l’occasion de la présentation du projet de loi.
Le projet de loi se veut le fondement législatif qui nous permettra d’avancer. Il reconnaît la valeur inhérente et l’égalité de chaque vie humaine, et il respecte la dignité et l’autonomie de toute personne admissible à l’aide médicale à mourir selon des règles et des conditions bien définies. Il est adapté à la société canadienne contemporaine, et je l’appuierai.
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Madame la Présidente, j’aimerais dire d’emblée que la prière dite par notre Président ce matin, comme chaque matin, qui nous a rappelés à notre devoir de bons législateurs au service des Canadiens, a eu une signification tout à fait particulière pour moi, et sans doute aussi pour beaucoup de mes collègues.
Je tiens à remercier mes collègues et les députés d’en face des discours qu’ils ont prononcés à propos de cette question très sérieuse qui participe à la fois de l’éthique, de la morale, du droit et de la religion. Même si je ne suis pas d’accord avec tous les arguments qui ont été défendus jusqu’à présent, je ne doute pas un seul instant que les députés qui les ont présentés l’ont fait avec tout le sérieux, toute la sincérité et tout le respect dont ils sont capables.
Malheureusement, je n’ai pas le temps de parler de tous les aspects de ce projet de loi qui me préoccupent. Je mentionnerai à titre d’exemple, sans toutefois m’y limiter, celui que ma collègue, la députée de , a exposé avec une grande éloquence, à savoir l’influence délétère que le projet de loi va avoir sur les mentalités, en réduisant la valeur intrinsèque de la vie à une mesure de la capacité ou de la fonction d’une personne, plutôt que de sa propre valeur et de sa propre dignité, et en encourageant des Canadiens qui n’auraient jamais envisagé de se suicider à le faire.
Comme l’a dit le député de , le projet de loi va susciter, dès son entrée en vigueur, des pressions pour qu’on aille plus loin, ce qui est très inquiétant.
Le danger dont on n’a pas suffisamment parlé est celui qui menace les groupes vulnérables.
Comme je l’ai dit, étant donné que mon temps est limité, je vais me concentrer sur deux aspects du projet de loi, mais encore une fois ce ne sont pas mes deux seules préoccupations. Premièrement, je regrette que nous n’ayons pas pu avoir davantage de discussions sur les soins palliatifs avant la préparation de ce projet de loi. Deuxièmement, nous avons tous le devoir, en qualité de députés, de veiller au respect et à la protection de la liberté de conscience des médecins et du personnel soignant.
Avant de développer ces deux points, j’aimerais faire un bref récapitulatif des événements qui nous ont amenés jusqu’ici.
Il y a à peine six ans que nous avons discuté de la même question et que nous avons rejeté le projet de loi , un projet de loi d’initiative parlementaire qui avait été présenté par un ancien député. Je rappelle que c’était la deuxième fois que cet ancien député présentait le même projet de loi d’initiative parlementaire. La première fois, il s’agissait du projet de loi .
Je me suis opposé à ces deux projets de loi et je l’ai dit clairement, non seulement parce que c’est ma conviction personnelle, mais aussi parce que je suis fermement convaincu que ces projets de loi ne respectaient pas l’obligation morale que nous avons, en qualité de parlementaires, de protéger les personnes vulnérables et de protéger la dignité intrinsèque de tout être humain.
Les projets de loi et comportaient de graves lacunes parce qu’ils prêtaient le flanc à des conséquences tout à fait indésirables et qu’ils nous entraînaient sur une pente très glissante, comme l’ont dit ici de nombreux députés à propos du dilemme éthique qui se poserait aux familles, aux médecins et aux travailleurs de la santé.
J’ai les mêmes réserves aujourd’hui. Pourquoi n’a-t-on pas mis davantage l’accent sur les soins palliatifs?
Ne vaudrait-il pas mieux renforcer les soins palliatifs et les soins de fin de vie afin que les Canadiens ne soient pas amenés à penser que l’euthanasie ou le suicide assisté sont la seule option ou la meilleure option à leurs souffrances?
N’est-il pas de notre devoir de défendre la valeur et la dignité de la vie humaine?
Dans ma collectivité de Hamilton, nous avons des organisations formidables comme l'Emmanuel House et le Dr. Bob Kemp Hospice, qui s’emploient quotidiennement à améliorer la fin de vie des malades. Je sais que des centres de soins palliatifs font un travail exceptionnel dans toutes les collectivités du pays.
Il est vrai que la décision de la Cour suprême dans l’affaire Carter nous oblige à faire face à une nouvelle réalité, à savoir que nous devons respecter sa décision au sujet des droits garantis par la Charte de ceux qui se trouvent dans une grande détresse, tout en assurant le respect de la dignité de la vie. Je trouve cependant fort regrettable que nous n’ayons pas examiné la possibilité de développer les soins palliatifs et d’investir dans la construction de centres de soins, avant ou pendant l’élaboration de ce projet de loi.
Même si, dans sa réponse à la décision de la Cour suprême dans l’affaire Carter, le gouvernement fédéral mentionne la nécessité d’offrir toute une gamme d’options pour les soins de fin de vie, il n’a pratiquement rien fait de concret, si ce n’est de le mentionner dans une réponse qui n’est pas un texte législatif.
Cela n’est pas acceptable, et je crois que tous les Canadiens sont du même avis.
Il y a bien eu une vague référence à un accord pluriannuel sur la santé, qui offrirait notamment l’option des soins à domicile et des soins palliatifs, mais de cela il n’a été question ni dans le discours du Trône, ni dans le budget.
Et pourtant, si l’engagement était sérieux, pourquoi n’a-t-il pas été accompagné de financement?
Voilà ce qui fait défaut. Si nous voulons vraiment autoriser l'aide médicale à mourir, par respect des droits garantis par la Charte, nous autres parlementaires avons alors le devoir, tout comme le gouvernement du Canada, de prendre d’abord des mesures pour renforcer les soins palliatifs.
C’était là la conclusion de deux études menées par le Sénat, que j’avais eu l’occasion de citer en 2010 lorsque j’ai dénoncé le projet de loi . Il y a eu d’abord, en 1995, le rapport du Comité sénatorial spécial sur l’euthanasie et l’aide au suicide, qui était intitulé « De la vie et de la mort » et qui comprenait un certain nombre de recommandations visant à améliorer l’accès aux soins palliatifs, la qualité des soins, et la formation des professionnels de la santé.
En 2000, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie a publié un autre rapport intitulé « Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadien et Canadienne y a droit », lequel recommandait lui aussi une stratégie précise et une grande amélioration des soins de fin de vie, ainsi que des services de soutien pour les aidants naturels, des soins à domicile, de la recherche et de la surveillance.
Cela me fend le cœur, et c’est sans doute la même chose pour tous les députés ici présents, de savoir que des gens souffrent. Pas plus tard que l’été dernier, en pleine campagne électorale, j’ai vu mon plus jeune frère succomber aux ravages d’un cancer lymphatique, et j’ai grandement apprécié les soins, la compréhension et la compassion de tout le personnel d’Emmanuel House, le centre de soins palliatifs où il a fini ses jours.
Je sais que le projet de loi tente de répondre aux besoins des personnes qui ont abandonné tout espoir. Pourtant, je crois qu’il y a, la plupart du temps, de meilleures façons de soulager leurs souffrances. Nous avons le devoir de recourir au maximum aux soins palliatifs, pour donner une lueur d’espoir et une certaine mesure de confort et de paix à ceux qui souffrent à la fin de leur vie et à leurs familles, qui souffrent elles aussi. Je le répète, je crois que cette discussion aurait dû avoir lieu avant le dépôt du projet de loi.
Le dernier point que je veux aborder aujourd’hui a déjà été soulevé par d’autres députés, je le sais, mais permettez-moi de réitérer leurs préoccupations. Je veux parler de la protection du droit des médecins à agir suivant leur conscience et, honnêtement, du droit des autres professionnels de la santé et fournisseurs de soins qui font partie des équipes médicales et qui pourraient se trouver devant une situation devenue possible en raison du projet de loi.
Premièrement, je ne crois pas que l’on puisse douter de la nécessité d’offrir des mesures de protection claires et incontestables à ceux qui refusent d’intervenir pour des motifs d’ordre éthique, moral ou religieux. Pour ces questions de vie ou de mort, ce n’est pas seulement ce qu’il convient de faire, c’est la seule chose à faire.
Deuxièmement, je crois que pour envoyer un signal important au milieu médical, aux familles, aux personnes qui souffrent et à tous les Canadiens, ces mesures de protection de la conscience des médecins doivent figurer dans le projet de loi lui-même, et non pas seulement dans le préambule. Le projet de loi doit faire mention d’une mesure punitive pour quiconque tenterait d’exercer des pressions pour forcer ou contraindre une personne à aider quelqu’un à s’enlever la vie.
Je vous remercie de m’avoir permis de vous faire part de ces réflexions. Je sais que tous les députés de la Chambre vont réfléchir très sérieusement, sonder leurs cœurs et prier pour réussir à déterminer ce qu’il convient de faire de ce projet de loi. J’espère sincèrement que nous poursuivrons nos discussions avec une extrême prudence. Que Dieu bénisse le Canada.
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Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement l'ensemble de mes collègues.
J'ai participé, hier, aux auditions du comité. C'est la première fois que je vais avoir l'occasion de prendre la parole à la Chambre.
Je ne dispose que de 10 minutes, mais d'entrée de jeu, je voudrais signifier que tout le monde ici est bienveillant. Tout le monde veut le bien des personnes en fin de vie et veut le meilleur pour elles. Toutefois, ce n'est pas parce qu'on a la volonté d'être bienveillant qu'on est nécessairement bienfaisant. On ne fait pas nécessairement le bien lorsqu'on porte atteinte à l'autonomie et à l'autodétermination d'une personne.
Au sens moral du terme, la dignité d'une personne est liée au respect de son autodétermination. C'est la base conceptuelle à partir de laquelle le débat doit se faire. Hier, en comité, j'ai entendu qu'il fallait juger la dignité d'une personne en fonction de son affection; on se demande si elle porte des couches ou non et on se dit que c'est bien effrayant. Seule la personne elle-même peut décider de la qualité de sa vie et on ne peut pas comparer une vie à une autre.
En guise d'introduction, parce que le projet de loi se fonce beaucoup sur une partie de la loi québécoise, je voudrais situer les fondements de cette loi. À la demande des médecins spécialistes du Québec et d'autres groupes de la société civile, à l'automne 2009, l'Assemblée nationale du Québec a créé un espace de délibération, afin de permettre aux citoyens de se prononcer sur une question on ne peut plus intime pour la personne, avec un grand P, de l'humain, soit celle de sa propre fin de vie.
Dès cet instant, le statu quo n'était plus possible pour les parlementaires québécois. Le 5 juin 2014, soit cinq ans plus tard, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi no 52 intitulé « Loi concernant les soins de fin de vie », dont l'aide médicale à mourir est un des volets.
Sur le fond, cette réflexion reposait sur deux prémisses. D'abord, ma mort comme ma vie m'appartiennent. Ensuite, l'autonomie consacrée en droit par le principe de l'autodétermination, et sa règle corollaire en contexte biomédical, soit le consentement libre et éclairé, n'étant jamais remise en question tout au long de notre vie, même en situation de fragilité ou d'urgence extrême, pourquoi en serait-il autrement en fin de vie?
Pourquoi un mourant en phase terminale de sa vie n'aurait-il plus le droit à l'autodétermination de sa personne, et au nom de quoi? Y a-t-il un moment plus intime et singulier dans la vie d'un être humain que celui de sa propre mort? Que peut-on souhaiter de mieux à la personne de l'humain que de franchir le seuil de la mort en toute sérénité et en toute quiétude, sans avoir peur de souffrir et sans souffrance? N'est-ce pas ce qu'on souhaite tous et ce qu'on peut souhaiter de mieux à l'être humain?
La force du consensus issu de la démarche québécoise a été d'inscrire ces prémisses dans un continuum de soins, qui a fait en sorte de ne plus opposer deux réalités dans l'histoire de cette problématique: les soins palliatifs à l'encontre de l'euthanasie. Pourquoi renvoyer dos à dos les soins palliatifs et l'euthanasie? Cette question est en filigrane de plusieurs interventions de mes collègues conservateurs, parce que, contrairement au Québec, nous n'avons pas fait ici le débat sur le droit de mourir, qui était associé, à l'époque, à l'euthanasie passive.
Il a fallu combattre pour obtenir le droit de mourir. À l'époque, des médecins paternalistes allaient vers le curatif, et les gens mouraient de la chimiothérapie et non de leur cancer. Au cours de l'histoire, nous sommes passés de l'euthanasie passive aux soins palliatifs. L'être humain a donc acquis le droit de mourir.
Les soins palliatifs, c'est l'accompagnement global vers la mort. Ce concept datant de 1967 est né en Angleterre, grâce à Cicely Saunders. Pourquoi une demande d'aide à mourir émergeant d'un bon processus d'accompagnement vers la mort devrait-elle être considérée comme un échec? Le processus de mort est déjà amorcé et il est irréversible.
Il est possible qu'une personne, un beau matin, dise volontairement qu'elle est prête à lâcher prise. Il est aussi possible que ce ne soit pas le cas et qu'elle ait la volonté de continuer, de mourir à petit feu. La loi québécoise n'empêche aucunement l'un ou l'autre, parce qu'elle a inscrit les soins de fin de vie dans un continuum de soins.
Depuis plus de 30 ans, les soins palliatifs étaient considérés comme étant la seule solution pour mourir dans la dignité en fin de vie. Or on s'est aperçu que cela ne répondait pas à tous les besoins. Dans la plupart des cas, les demandes de mort émergent d'une dynamique de soins palliatifs. Il est très rare qu'une personne qui reçoit son diagnostic d'un médecin qui lui dit ne pouvoir rien faire pour elle demande tout de suite une injection. Si c'est le cas, tout dépend de l'état de développement du cancer. On pourrait lui fournir quelques antidépresseurs et lui demander de régler sa fin de vie. Il y a des choses à faire avant de mourir.
Un des écueils du projet de loi est qu'il assimile sous le même vocable de l'aide médicale à mourir deux réalités. L'une est couverte par le Québec, soit l'euthanasie et les soins de fin de vie, qui comprennent les soins palliatifs; l'autre est le suicide assisté. Ce choix induit une confusion conceptuelle qui est à l'origine de l'impasse de nos débats.
Le suicide assisté, ce n'est pas l'euthanasie. La différence réside dans le fait qu'on peut être en phase terminale d'une maladie dégénérative sans être en situation de mort imminente. Une personne peut souffrir énormément sans toutefois être dans une situation de mort naturelle vraisemblablement prévisible.
La Cour suprême a commandé aux législateurs que nous sommes d'encadrer le suicide assisté. Voici ce qu'elle nous dit, en vertu de l'article 7:
Dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir que peuvent demander des adultes capables affectés de problèmes de santé graves et irrémédiables qui leur causent des souffrances persistantes et intolérables, l’al. 241b) et l’art. 14 du Code criminel privent ces adultes du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que leur garantit l’art. 7 de la Charte. Le droit à la vie entre en jeu lorsqu’une mesure ou une loi prise par l’État a directement ou indirectement pour effet d’imposer la mort à une personne ou de l’exposer à un risque accru de mort. En l’espèce, la prohibition prive certaines personnes de la vie car elle a pour effet de forcer certaines personnes à s’enlever prématurément la vie, par crainte d’être incapables de le faire lorsque leurs souffrances deviendraient insupportables.
C'est à cela qu'on est convié, et c'est cela qu'il faut régler.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer aujourd’hui à ce débat sur le projet de loi . La Chambre a toujours suivi un principe important: il est essentiel d’édifier les lois sur des fondements solides. Or, ce projet de loi ne repose pas sur une base solide.
La décision que la Cour suprême a rendue il y a des années dans l’affaire Rodriguez était très claire. Cependant, il y a à peine plus d’un an, comme il arrive à tant d’autres décisions et à tant d’autres directions, la Cour suprême a annulé sa décision. Tout irait bien si elle avait eu de très bonnes raisons de le faire, mais la raison qu’elle a donnée était très intéressante. La Cour suprême a attribué cela à une erreur de perception. Les juges ont expliqué qu’ils en sont arrivés à ces conclusions en constatant un changement de l'ensemble des faits législatifs et sociaux. Je m’inquiète, et plusieurs autres avec moi, de ce que nos lois — ainsi que l’interprétation des droits que la Charte nous garantit — dépendent des opinions d’un très petit groupe de personnes. Je m’étendrai sur l'ensemble des faits législatifs et sociaux dans quelques minutes.
De mon point de vue, ce n’est pas une amélioration. Bon nombre de mes collègues des deux côtés de la Chambre se sont exprimés sur le projet de loi , certains y étant favorables, d’autres opposés. Certains éléments sont absents dans le projet de loi et c’est pourquoi nous devons poursuivre notre débat. J’ai entendu quelques commentaires concernant l'échéancier, à quel point il était serré, et la nécessité d'adopter la mesure. Ces pressions nous empêchent en fait de consacrer le temps voulu à la discussion et à une analyse un peu plus poussée.
Le projet de loi ne définit pas clairement le terme « irrémédiable ». Avoir un problème de santé irrémédiable est pourtant un critère d’admissibilité à l’aide médicale à mourir.
Je m’inquiète de voir que les infirmiers praticiens pourront participer à ce processus, et non seulement les médecins. Des gens se demandent même pourquoi le personnel médical doit participer à ce processus. Ils se demandent s’il ne serait pas possible d’exécuter cet acte ailleurs qu’à l’hôpital, de sorte que lorsqu’une personne doit aller à l’hôpital pour y recevoir des soins de santé, elle n’ait aucune crainte de recevoir le contraire.
Les personnes qui participent à un acte d’euthanasie feront l’objet d’une exemption pénale, mais aucune mesure de protection n’est prévue à l’égard des personnes qui refuseront d’y participer. De vives inquiétudes ont été exprimées au sujet de ce qu’on appelle la liberté de conscience et l’absence de protection à cet égard.
Le projet de loi demeure également flou au sujet des troubles psychologiques et la manière dont ils seront pris en compte. Beaucoup de gens se préoccupent également de voir que l’évaluation de la vulnérabilité est absente du projet de loi. Il faut pourtant prendre le temps de voir si une personne est soumise à des pressions ou si elle se trouve dans un état de vulnérabilité qui l’a peut être incitée à prendre une mauvaise décision.
Certains ont demandé la tenue d’un examen judiciaire préalable. Le projet de loi n’en fait pas mention.
Il y a également un flou concernant la collecte de données. Cela a posé problème à certains égards. Est-ce que les données recueillies seront pertinentes? Quelqu’un sera-t-il responsable de maintenir un registre de données pertinentes sur le déroulement de ce processus?
Beaucoup ont déploré l’absence d’engagement clair au sujet des soins palliatifs. Un député ministériel vient justement de soulever ce point. Durant la campagne électorale, les libéraux ont pourtant pris un engagement à cet égard. Ils disaient que cela relevait de leur compétence et ont promis de verser trois milliards de dollars pour les soins palliatifs. Maintenant qu’ils sont au pouvoir, ils prétendent que cela ne relève pas de leur compétence. On dirait que les libéraux essaient de se dérober à leurs responsabilités dans ce domaine.
Qu'on me permette de revenir à la décision de la Cour suprême. La Cour a renié son ancienne position. Elle l’a renversée et nous a laissé le champ libre en ce qui a trait au suicide assisté ou à l’aide à mourir. La seule chose que la Cour suprême a dit dans la décision Carter, c’est que la personne devait donner son consentement et qu’elle devait être atteinte de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes et intolérables. Quand nous regardons cela de près, nous constatons qu’elle laisse le champ tout à fait libre.
Comme je l'ai dit plus tôt, un bon projet de loi doit avoir des bases solides, et je ne crois pas que ce soit le cas ici en raison du jugement de la Cour suprême. Le projet de loi se base sur l'arrêt dans la cause Carter, et cela peut difficilement être considéré comme une assise solide pour rédiger un bon projet de loi.
Je présume que nous ne réglerons pas la question aujourd'hui et que nous y reviendrons à une autre étape du projet de loi. Cependant, j'aimerais prendre quelques minutes pour discuter brièvement du récent jugement de la Cour suprême dans l'affaire Carter c. Canada. C'est évidemment un jugement très controversé qui porte sur un sujet délicat pour bon nombre de Canadiens, parce que les deux camps ont des convictions bien ancrées.
La Cour suprême a reconnu que l'interdiction de l'aide au suicide constituait généralement un exercice valide de la compétence en matière de droit criminel conférée au gouvernement fédéral. Il a également été convenu que la loi allait trop loin et qu'elle ne s'appliquait pas dans le cas d'un adulte capable affecté de problèmes de santé graves consentant à mettre fin à ses jours. Je trouve cette décision troublante pour diverses raisons.
Premièrement, la Cour suprême n'a pas tenu compte du consensus parlementaire. Dans sa décision, elle expliquait que le changement par rapport à sa position précédente dans l'affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique était nécessaire en raison de l'ensemble des faits législatifs et sociaux différents. Or, ce prétendu ensemble de faits différents ne tient pas compte du consensus parlementaire clair et inchangé contre le suicide assisté.
Entre 1991 et 2012, neuf projets de loi d'initiative parlementaire ont été présentés à la Chambre des communes visant à modifier le Code criminel pour décriminaliser le suicide assisté ou l'euthanasie. Six ont été mis aux voix et ils ont tous été rejetés. Lors de son examen de l'ensemble des faits législatifs, la Cour suprême a tenu compte de l'évolution législative en Belgique, en Suisse, en Oregon, dans l'État de Washington et aux Pays-Bas, mais pas du bilan législatif du Parlement du Canada.
Deuxièmement, la Cour suprême a statué qu'il n'existait pas de consensus dans la société canadienne sur cette question. Dans sa décision, la juge Smith de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui a entendu l'affaire Carter c. Canada en première instance, a écrit ce qui suit: « En ce qui concerne l'aide médicale à mourir, après appréciation de l'ensemble de la preuve, j'estime qu'il n'existe pas de consensus social clair dans un sens ou dans l'autre. » Il est donc évident que, quelles que soient les conséquences des changements dans l'ensemble des faits législatifs et sociaux, elles ne comprennent pas un consensus clair au sein de la population canadienne.
Cette absence de consensus n'a pas changé au cours des 22 années qui se sont écoulées depuis l'arrêt dans la cause Rodriguez, dans lequel la Cour suprême a déclaré: « On ne peut conclure à l'existence d'un consensus en faveur de la décriminalisation du suicide assisté. S'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit être respectée. »
De toute évidence, la Cour a conclu à l'absence d'un consensus parmi les pays occidentaux. Tout en insistant sur le fait que l’ensemble des faits législatifs et sociaux avait changé depuis sa dernière décision sur cette question, la Cour suprême a admis que l’aide médicale à mourir demeurait néanmoins une infraction criminelle dans la plupart des pays occidentaux. Elle a tout de même choisi de se ranger aux côtés de la minorité de pays qui autorisent cette pratique.
Je crois que la Cour a mal interprété l'objectif du Parlement derrière la prohibition de l'aide au suicide. Dans son jugement, la Cour suprême accorde beaucoup de poids à l’objectif poursuivi par le Parlement au moyen de l’alinéa 241b) et de l’article 14 du Code criminel, qui prohibent l’aide à mourir. De l’avis de la Cour, ces dispositions ont été adoptées à seule fin de réaliser l’objectif de l’État qui consiste à protéger les personnes vulnérables. Or, dans l’arrêt Rodriguez, la Cour avait défini l’objectif de cet article comme n’étant pas seulement de « protéger la personne vulnérable », mais également de « préserver la vie ».
La Cour suprême a écrit ce qui suit: « On ne conteste pas, dans le présent pourvoi, la validité et l’opportunité générales de l’alinéa 241b) puisqu’il répond à l’objectif du gouvernement de préserver la vie et de protéger la personne vulnérable. » Cette position a été réaffirmée à plusieurs reprises.
En insistant sur le fait que, dans l'arrêt dans la cause Carter, l'unique objet de l'article 241 était de protéger la personne vulnérable, la Cour suprême a été en mesure de conclure que la prohibition s'applique à des personnes qui n'entrent pas dans cette catégorie et que des personnes n'ont pas besoin d'être protégées par celle-ci. La Cour a conclu que la loi actuelle avait une portée excessive et qu'elle était totalement disproportionnée par rapport à ses objectifs. Elle a aussi ajouté que le Parlement devait mettre en place des mesures de protection pour faire en sorte que les personnes qui souhaitent vraiment être euthanasiées puissent avoir accès à ce service.
Cette interprétation bafoue l'intention du Parlement de préserver la vie. Si on avait pleinement tenu compte de l'objectif de ces articles du Code criminel, plutôt que de s'en tenir à la protection des personnes vulnérables, le résultat aurait été très différent, selon moi.
Je veux soulever un dernier point avant que mon temps de parole ne soit écoulé. En réalité, la cour laisse au patient le soin de définir le terme « irrémédiable ». En effet, la cour a décidé qu'un état irrémédiable n'obligeait pas le patient à subir un traitement qu'il jugeait inacceptable. Autrement dit, même si un traitement existe, l'état du patient est considéré comme irrémédiable si celui-ci refuse le traitement.
Je tenais à exprimer mes craintes. Je pense toutefois que nous reviendrons sur certains points soulevés par la Cour suprême, de même que sur la confusion qui existe entre le droit à mourir et le droit à la vie ainsi que sur d'autres questions.
:
Monsieur le Président, c'est un privilège pour moi de prendre la parole dans cette enceinte pour appuyer le projet de loi , qui porte sur l'aide médicale à mourir.
J'appuie le projet de loi, non seulement parce qu'il a été prescrit par la Cour suprême du Canada, mais aussi pour des raisons très personnelles. Je crois que cette mesure législative, cette politique, respecte les droits des Canadiens qui sont aux prises avec des souffrances intolérables. Elle respecte leur droit de mourir paisiblement.
[Français]
Je me lève aujourd'hui pour me prononcer en faveur de ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas parce que la Cour suprême a décidé d'invalider la législation pénale qui interdit l'aide médicale à mourir, mais plutôt pour des raisons très personnelles.
[Traduction]
Pour commencer, dans le projet de loi, il est question d'aide médicale à mourir, et non d'aide médicale au suicide. Je définis le suicide — et je crois que c'est une définition communément acceptée par la société — comme l'acte de s'enlever la vie intentionnellement, sans que la mort soit imminente. Le projet de loi prévoit des conditions précises qui permettent à une personne d'être admissible à l'aide médicale à mourir. L'une d'elles, bien entendu, est l'imminence réelle de la mort pour cette personne.
Je crois donc qu'il faut dorénavant cesser de parler de suicide, parce que la question à l'étude n'a clairement rien à voir avec le suicide tel que nous l'entendons communément. J'estime également qu'il n'y a pas lieu de faire des parallèles avec la très triste et tragique épidémie de suicides qui frappe les communautés autochtones d'un bout à l'autre de notre grand pays. À mes yeux, il s'agit d'une tout autre paire de manches. On ne devrait pas comparer les deux.
La question de l'aide médicale à mourir suscite un débat très personnel et très émotif. Pour ma part, cette question m'a amené à faire une longue réflexion personnelle. Comme beaucoup de Canadiens et comme beaucoup d'autres parlementaires, j'ai vu un trop grand nombre de mes proches et amis souffrir inutilement de douleurs atroces, alors que la mort était imminente.
J'ai vécu une expérience très personnelle le 2 août dernier, le jour du déclenchement des élections, lorsque ma mère est décédée. Elle avait 96 ans et elle vivait seule depuis 20 ans. Au cours des cinq dernières années de sa vie, elle était alitée dans une maison de santé, en proie à des douleurs.
Ma mère était très pratiquante et avait un rapport spécial avec Dieu. Elle priait tous les jours. Elle me reprochait de ne pas aller à l'église aussi souvent que je l'aurais dû. Au cours des 20 dernières années de sa vie, sa santé physique s'était détériorée, mais elle avait gardé l'esprit vif et entendait encore très bien. Dans ses 10 dernières années, elle m'a fait part de son désir d'arrêter de vivre. Les progrès de la médecine lui avaient permis de prolonger son existence, mais sa qualité de vie avait considérablement diminué. Les cinq dernières années, elle était confinée au lit et, les quatre dernières années, des masses et des tumeurs malignes étaient apparues sur tout le bas de son corps. Comme elle souffrait de douleurs constantes, un protocole de gestion de la douleur avait été mis en place. En femme forte qu'elle avait toujours été, ma mère a continué à respirer, à prier et à espérer que Dieu vienne la chercher. Elle a continué ses prières et a gardé espoir pendant des années.
Ma mère était saine d'esprit. C'était une pratiquante qui était en paix avec Dieu. Des membres de la famille, des religieuses et un prêtre lui rendaient fidèlement visite. Ces gens lui apportaient du réconfort, mais elle continuait à me dire qu'elle souhaitait mourir en paix et en douceur. Elle souhaitait trouver un moyen de mettre fin à l'insoutenable souffrance physique qui la tenaillait et qui ne pouvait plus être gérée en dépit des soins qu'on lui prodiguait. J'aurais aimé qu'elle ait un tel choix et j'estime qu'elle aurait dû l'avoir.
À mon avis, le projet de loi ne va pas assez loin. J'aurais préféré que les personnes qui éprouvent des souffrances persistantes et intolérables et dont l'état de santé ne pourra jamais s'améliorer puissent recourir à l'aide médicale à mourir moyennant les conditions strictes prévues dans le projet de loi.
Cependant, je comprends également que cette mesure législative change le paradigme de façon si profonde que nous devrons réexaminer la question dans l'avenir. La loi sera améliorée et des données probantes seront recueillies. J'espère que certains mythes seront déboulonnés et qu'on favorisera la dignité humaine, l'autodétermination et la liberté de choix.
[Français]
Ce choix est à la base de nos discussions aujourd'hui. Nous souhaitons offrir ce choix à ceux et celles qui, dans leurs derniers moments sur terre, souffrent de problèmes de santé graves et irrémédiables dont la souffrance physique est intolérable. Ce n'est pas un débat sur le suicide. C'est un débat visant à assurer la dignité de la personne mourante. Tout au long de notre vie, nous faisons des choix sur les soins que nous recevons. Il est déplorable qu'à la fin de notre vie, ce choix nous soit enlevé.
[Traduction]
Il est vrai que la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter c. Canada rend nécessaire l'adoption d'une loi sur l'aide médicale à mourir. Je crois que beaucoup de députés ont indiqué que l'échéancier était loin d'être idéal. Aurais-je préféré que nous disposions de six mois de plus pour les débats, les consultations et les discussions avant d'adopter le projet de loi? Évidemment que j'aurais préféré cela. Je crois que tous les parlementaires fédéraux auraient préféré qu'il en soit ainsi.
Quoi qu'il en soit, aux yeux de certaines personnes, le projet de loi ne va pas assez loin, tandis que d'autres personnes sont totalement opposées à l'assistance médicale à mourir. J'en ai beaucoup discuté avec les gens de ma circonscription.
[Français]
Je représente la circonscription de Saint-Boniface—Saint Vital. Il y a beaucoup de catholiques dans ma circonscription et ils ont tous fait part très clairement de leur point de vue.
[Traduction]
Quelle que soit leur position dans ce débat, tous veulent garantir la protection et le respect de la dignité des personnes. La notion de dignité, dont il a souvent été question au Parlement canadien, a un caractère hautement individuel. Le parcours de la personne, ses croyances et son état de santé déterminent le sens qu'elle donne à la dignité et, j'ajouterais, à son droit de disposer d'elle-même.
[Français]
Mourir dans la dignité est un choix personnel qu'il faut respecter. Ce projet de loi est nécessaire. En tant que société, nous devons nous assurer que les meilleurs soins possibles sont disponibles pour tous nos concitoyens et nos concitoyennes.
[Traduction]
Nous vivons un moment important de notre histoire, où la consultation a joué un rôle important dans le passé et jouera encore un rôle important à l'avenir. Je félicite le gouvernement d'avoir effectué de vastes consultations au Canada et à l'étranger pour que le projet de loi défende la liberté des gens de faire leurs propres choix tout en protégeant les plus vulnérables et en respectant les convictions personnelles des fournisseurs de services de santé.
Je félicite aussi le gouvernement d'avoir pris le temps de continuer les consultations et la discussion très importantes à propos des mineurs matures, des personnes atteintes de maladie mentale et des personnes qui voudraient pouvoir donner leurs instructions à l'avance.
[Français]
De plus, j'appuie entièrement l'engagement du gouvernement quant à une gamme complète d'options de soins de fin de vie de qualité, y compris les soins palliatifs, un domaine dans lequel l'Hôpital St-Boniface, dans mon comté, est un chef de file. Ce projet de loi établit des mesures responsables visant à favoriser une approche uniforme de l'aide médicale à mourir à l'échelle du Canada. Il reconnaît la valeur inhérente et l'égalité de chaque vie humaine.
[Traduction]
Le projet de loi établit un cadre régissant l'aide médicale à mourir dans l'ensemble du pays. Il prévoit en outre un examen après cinq ans. C'est un projet de loi équilibré, responsable et empreint d'une grande compassion qui s'applique à des problèmes très difficiles et très personnels.
:
Monsieur le Président, rarement dans la vie d'un parlementaire est-on appelé à débattre d'un sujet d'une si grande importance, d'un enjeu qui commande autant de gravité, de rigueur, de sensibilité et de compassion.
À cet égard, je veux d'abord saluer le professionnalisme de toutes mes consoeurs et de tous mes confrères de la Chambre qui, depuis le début de l'étude du projet de loi , ont fait fi de la partisanerie et font de ce débat davantage une discussion qu'un débat à proprement parler.
La question qu'il nous incombe d'aborder aujourd'hui en est une qui, inévitablement, soulève des passions sincères et touche une corde sensible pour tous, tant ici à Ottawa que d'un océan à l'autre. La question de l'encadrement de l'aide médicale à mourir demande de trouver l'équilibre entre, d'une part, la mise en oeuvre d'un droit dont les conséquences sont sans appel et, d'autre part, la protection des personnes vulnérables face à ce droit.
De quel droit s'agit-il? Il s'agit du droit, pour une personne adulte capable qui y consent librement et qui est affectée d'une maladie grave et irrémédiable dont les souffrances lui sont intolérables, d'expirer au moment voulu, avec l'aide et le soutien médical nécessaires. Il s'agit là d'un droit que garantit l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Il s'agit là d'un droit qui a été reconnu à l'unanimité par la Cour suprême du Canada, le 6 février 2015, dans l'affaire Carter. Il s'agit là d'un droit qui protège la vie, parce que l'interdiction tous azimuts du Code criminel à l'article 14 et au paragraphe 241b) d'aider un autre à se suicider ou de le lui conseiller avait pour effet que les personnes atteintes de maladie grave et irrémédiable se voyaient forcées de mettre fin à leurs jours dans l'anticipation et la crainte que l'évolution de leur maladie ne les en rende incapables et que leurs souffrances ne deviennent insupportables.
De par son caractère absolu, l'interdiction généralisée de l'aide médicale à mourir privait donc des personnes d'une partie de leur vie dont elles auraient pu autrement souhaiter jouir. Il s'agit là aussi d'un droit qui protège la liberté et la sécurité de la personne.
Comme l'explique la Cour suprême au paragraphe 66 de l'arrêt dans la cause Carter, en niant à une personne le droit de demander l'assistance d'un médecin pour mourir, le Code criminel privait ces personnes « de la possibilité de prendre des décisions relatives à leur intégrité corporelle et aux soins médicaux ». Ce faisant, la loi empiétait sur leur liberté. L'absence de cette option faisait que les Canadiennes et les Canadiens étaient contraints de subir des souffrances intolérables, ce qui empiétait aussi, de fait, sur leur droit à la sécurité de leur personne.
Même si la Cour suprême a reconnu que l'aide médicale à mourir est un droit que garantit la Charte à son article 7, les droits ne sont pas absolus. Ils peuvent être balisés et restreints, selon le principe énoncé dans l'affaire Oakes, qui se fonde sur l'article 1 de la Charte, soit les principes de l'atteinte minimale et d'un objectif gouvernemental important.
Or c'est à travers ce prisme qu'il nous faut analyser le projet de loi C-14. Alors qu'on doit donner aux personnes qui ont des souffrances graves et irrémédiables le moyen et le droit de mourir dans la dignité, ce droit n'est pas absolu, et l'on doit également protéger les personnes vulnérables ou inaptes à consentir de manière éclairée, ou encore qui pourraient être l'objet de pressions indues.
D'entrée de jeu, je veux préciser que ma position risque d'évoluer, alors que je continue d'entendre mes collègues et mes concitoyens et que je poursuis ma réflexion sur le sujet.
Cependant, il m'apparaît que d'exclure de la portée de cette loi les mineurs et les personnes souffrant de maladies mentales est une bonne chose. Eu égard aux mineurs, je pense, comme plusieurs députés de la Chambre et comme l'Assemblée nationale du Québec au terme de ses travaux, que cela aurait posé des questions quasiment insolubles en matière de consentement, pour reprendre l'expression utilisée par mon collègue conservateur de .
Quant aux personnes souffrant de maladie mentale, je crois également qu'en l'absence d'un consentement entier et éclairé, le caractère sacré de la vie doit primer et que, comme un tel consentement est pratiquement impossible à obtenir dans les circonstances, il est plus prudent d'exclure les personnes souffrant de maladie mentale du giron de la loi.
En revanche, je crois que certains éléments du projet de loi suscitent des questions. Premièrement, le caractère raisonnablement prévisible de la mort que veut introduire le gouvernement, alors qu'il ne faisait pas partie de l'arrêt dans l'affaire Carter, soulève des questions.
La Cour a reconnu que le fait de ne pas pouvoir faire appel à l'aide médicale à mourir peut provoquer, chez une personne, des souffrances intolérables et que, conséquemment, cela empiète sur son droit à la sécurité de la personne.
Aussi, il me semble qu'une personne qui souffre d'une maladie grave et irrémédiable mais qui n'est pas en fin de vie, comme c'est malheureusement le cas de plusieurs au Canada, se voit ainsi privée du droit à la sécurité et l'intégrité de la personne.
Je crains qu'avec cet ajout, un des appelants de l'affaire Carter n'aurait pas eu accès à l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas certain non plus qu'une telle restriction constitue, tel qu'on l'a vu dans l'affaire Oakes, une atteinte minimale à un droit garanti par la Charte.
Deuxièmement, bien que je sois conscient de la nécessité d'avoir des protections robustes et que le projet de loi en comporte plusieurs, ce qui est par ailleurs une bonne chose sans l'ombre d'un doute, il y a une protection dont je doute. Il s'agit de la disposition qu'on retrouve à l'alinéa 241.2(3)h). Celle-ci stipule que, immédiatement avant l'administration de l'aide médicale à mourir, un patient doit réitérer son consentement libre, éclairé et entier.
Or, dans les faits, pour obtenir ce consentement, il faudrait que les médecins cessent d'administrer un médicament tel que de la morphine, qui atténue les douleurs du patient, afin de pouvoir obtenir ce consentement entier. Je crains que, par cette disposition, on place des personnes dans des souffrances excessives au moment même où elles désirent quitter en douceur les souffrances qui les accablent.
Troisièmement, je n'étais pas convaincu que le consentement anticipé soit une bonne chose, mais j'ai été éclairé par les lumières de mes collègues. Bien que je ne sois toujours pas convaincu, je vois d'un bon angle la volonté du gouvernement d'étudier davantage cette question.
Enfin, tout comme plusieurs de mes concitoyens, je crois que l'aide médicale à mourir doit s'insérer dans le contexte plus large des soins de fin de vie. À ce titre, je vois également d'un bon oeil la promesse d'investir 3 milliards de dollars sur quatre ans dans les soins à domicile.
À l'image de ce projet de loi, je crois que c'est un pas dans la bonne direction, mais que ce n'est pas la destination ultime. Je voterai donc en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture, et j'encourage mes collègues à en faire autant.
:
Monsieur le Président, je souhaite aujourd’hui prendre la parole au sujet du projet de loi .
Comme nous le savons, le projet de loi est la réponse du gouvernement à la décision rendue par la Cour suprême en février dernier dans l’affaire Carter. La Cour a donné au gouvernement 16 mois au total pour élaborer la législation, raison pour laquelle nous débattons aujourd’hui à la Chambre de ce projet de loi.
J’ai pu constater avec plaisir que ce projet de loi incorporait de nombreuses recommandations présentées par mes collègues conservateurs dans leur rapport dissident par rapport au rapport du comité mixte spécial sur la question. Toutefois, je ne pense pas que le projet de loi soit satisfaisant dans sa forme actuelle.
J’ai trouvé instructifs les discours de mes collègues, et je suis sensible à la passion dont chacun a fait preuve dans la discussion sur le projet de loi à la Chambre. En fait, j’ai procédé à mes propres consultations avec les différentes parties intéressées de ma circonscription, , et j’ai hâte de vous en faire part.
Nous avons reçu beaucoup de suggestions et commentaires sur ce projet de loi, tant de ceux qui trouvent qu’il est trop restrictif que de ceux qui trouvent qu’il ne l’est pas assez. Je suis agréablement surprise de l’intérêt manifesté par le public pour ce projet de loi, et je voudrais continuer à encourager mes concitoyens de qui n’ont pas encore exprimé leur point de vue sur la question à m’écrire ou à écrire mon bureau.
À l'étape de la deuxième lecture, mon vote fera l'objet d'une mûre réflexion et sera fondé sur tous les renseignements disponibles, dont ceux recueillis lors des consultations que j'ai faites auprès des parties concernées dans ma circonscription.
Je veux d'abord parler de quelques-unes de mes expériences personnelles. Lorsque j'étais ministre d'État aux Aînés, j'ai eu l'occasion de travailler avec de nombreux groupes voués à la protection des droits des personnes les plus vulnérables et à la qualité des soins palliatifs. La triste réalité, c'est que beaucoup d'aînés n'ont pas accès à des soins de fin de vie efficaces. Ils sont plutôt victimes de maltraitance et ils font souvent l'objet de pressions pour les amener à prendre des décisions afin qu'ils ne soient pas un fardeau pour leur famille. C'est tragique. Il est absolument essentiel que nous veillions à la mise en place de mesures de protection des aînés contre la maltraitance.
L'une des mesures permettant de protéger les aînés contre l'exploitation financière, une forme malheureusement très courante de maltraitance à l'égard des aînés, consiste simplement à interdire à tout témoin indépendant de tirer un avantage financier du testament ou de la succession d'une personne qui demande l'aide au suicide. C'est ce que recommandent des citoyens que j'ai rencontrés récemment. Ils ont souligné le fait que, dans le projet de loi, les témoins indépendants qui doivent signer le document afin que le patient puisse bénéficier du suicide assisté doivent simplement savoir ou croire qu'ils ne sont pas bénéficiaires de la succession testamentaire de la personne qui fait la demande. Encore une fois, ce n'est tout simplement pas suffisant.
Dans ma circonscription, , je suis un membre actif du Club Rotary de Richmond. Ce club a joué un rôle clé dans la construction du premier centre de soins palliatifs à Richmond. C'est là où les autres membres du club Rotary et moi avons pu constater les avantages des soins palliatifs de qualité. La vie est précieuse à toutes les étapes. Ce qui me préoccupe surtout, en ce qui concerne l'aide au suicide, c'est qu'elle va tout simplement compliquer les décisions en fin de vie. Les personnes qui sont malades ou qui ont besoin de soins supplémentaires se considéreront comme un fardeau et choisiront de mettre fin à leurs jours plutôt que de causer davantage de soucis aux membres de leur famille.
Nous devons plutôt soutenir les aidants naturels et montrer que chaque vie est précieuse.
Comme d'autres l'ont fait remarquer, le budget ne prévoit pas de fonds pour les soins palliatifs. C'est tout à fait inacceptable. Le dossier est en passe de devenir une question d'accès à la mort plutôt que d'accès à la vie. Il est absolument essentiel que le gouvernement s'engage à renforcer les soins palliatifs et incite les gens à se tourner d'abord vers ces soins, qui permettent véritablement de mourir dans la dignité, alors que le suicide assisté par un médecin constitue une mort forcée.
L'année dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer les représentants d'organismes comme le Conseil des Canadiens avec déficiences. Nous avons parlé de leurs préoccupations et de la nécessité de protéger les personnes ayant des déficiences. Récemment, ils ont pu témoigner devant le comité mixte spécial pour exposer leur point de vue sur une mesure législative possible. Fort inquiet des recommandations formulées par le comité, le Conseil des Canadiens avec déficiences a déclaré: « Nous craignons que l’approche permissive du Comité ne mette les personnes vulnérables en danger. »
Nous ne pouvons faire fi des besoins des personnes les plus vulnérables de notre société. Afin que tous les Canadiens soient protégés, il est fondamental que la mesure législative reflète les préoccupations de groupes comme le Conseil des Canadiens avec déficiences.
J'aimerais partager quelques-uns des commentaires que j'ai entendus d'électeurs de ma circonscription au cours des derniers mois. Je souligne que le fait que je répète ces commentaires à la Chambre aujourd'hui ne signifie pas que je les endosse tous. Je veux plutôt donner un aperçu de la diversité des commentaires que j'ai reçus. Je sais que, pour une élue, cela est risqué, car je pourrais être citée hors contexte; toutefois, il est de mon devoir de veiller à ce que ces voix soient entendues.
Un thème principal qui est ressorti de mes consultations est que le projet de loi décriminaliserait seulement l'aide médicale au suicide fournie par des médecins.
J'ajouterais que cette mesure n'aurait aucune répercussion sur la Loi canadienne sur la santé ni ne la modifierait, pas plus qu'elle ne chargerait les provinces de fournir cette aide dans le cadre des services couverts par leur régime d'assurance-maladie. Dans ma province, la Colombie-Britannique, c'est le MSP, le Medical Services Plan.
En général, il semble y avoir beaucoup de confusion quant à savoir si c'est un acte médical que les gouvernements provinciaux fourniraient, et s'ils le paieraient.
Un groupe d'intérêts particuliers a dit souhaiter invoquer la disposition de dérogation pour maintenir les anciennes dispositions du Code criminel. Ce groupe a dit estimer que la terminologie désignant ce qui constitue une maladie terminale est une pente glissante et que la douleur insupportable pourrait être allégée par des soins palliatifs de qualité. Ayant réalisé que ce n'était généralement pas une approche réaliste avec le gouvernement actuel, il a aussi mentionné qu'il souhaitait une bonne protection qui permettrait aux fournisseurs de soins de santé et aux établissements médicaux d'agir selon leur conscience.
Il y avait bien d'autres commentaires, mais je n'ai que 10 minutes pour prononcer mon allocution, alors je répète que j'ai été ravie des manifestations d'intérêt sur le projet de loi que nous avons reçues de la part de groupes d'intervenants et de citoyens engagés. Je déciderai de mon vote après avoir donné aux gens de le plus de temps possible pour me faire part de leurs commentaires.
J'aimerais clore mon allocution en vous racontant une petite histoire. Nous avons beaucoup de professionnels de la santé dans la famille. Même un certain nombre des plus jeunes souhaitent devenir médecins ou infirmiers plus tard. Lorsque je demande à mes jeunes nièces et neveux pourquoi ils veulent être médecins, ils me donnent invariablement la même réponse toute simple: « Je veux sauver des vies. »
:
Monsieur le Président, je suis ravie de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui mettrait en place un cadre législatif fédéral afin d'autoriser l'aide médicale à mourir partout au Canada.
Comme nous l'avons constaté, l'aide médicale à mourir est une question qui touche profondément tous les Canadiens. En tant que parlementaires, nous devons tenir compte d'une foule de points de vue sur cette question complexe. Je sais que nous prenons tous cette responsabilité très au sérieux.
Le processus a évidemment été déclenché le 6 février 2015, avec la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter c. Canada. La cour a conclu à l'unanimité que les lois pénales qui interdisent l'aide médicale à mourir vont à l'encontre de la liberté et de la sécurité de la personne en privant les personnes gravement et irrémédiablement malades du droit de prendre des décisions relatives à leur intégrité corporelle et aux soins médicaux, ce qui les oblige à subir des souffrances persistantes et intolérables.
La cour a également conclu que les lois privent certaines personnes de la vie, car elles ont pour effet de les forcer à s’enlever prématurément la vie, par crainte d’être incapables de le faire lorsque leurs souffrances deviennent insupportables. La cour a admis que l'interdiction criminelle de l'aide à mourir vise à atteindre un objectif législatif réel et urgent: protéger les personnes vulnérables contre toute incitation à se donner la mort dans un moment de faiblesse.
Cependant, la cour a conclu que la création d'un régime permissif comportant des garanties adéquatement conçues et appliquées peut protéger les personnes vulnérables contre les abus et les erreurs, et que l'interdiction absolue va plus loin que nécessaire pour atteindre son objectif. La cour a, à juste titre, laissé au Parlement le soin d'élaborer ce nouveau régime.
Le projet de loi propose, en réponse à l'arrêt dans la cause Carter, un nouveau cadre législatif concernant l'aide médicale à mourir. Il prévoit notamment les mesures de sauvegarde demandées par la Cour afin de réduire les risques d'erreurs et d'abus.
La Cour suprême n'a pas défini le terme « problèmes de santé graves et irrémédiables », mais le projet de loi le fait d'une manière en accord avec ce genre de situations. Ainsi, pour qu'une personne soit admissible à l'aide médicale à mourir, sa situation médicale doit se caractériser par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; elle doit être atteinte d’un problème de santé grave et incurable; son état de santé doit lui causer des souffrances intolérables, et sa mort doit être devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale.
L'existence de cette mesure pourra réconforter les Canadiens; ils sauront qu'une aide est accessible s'ils souffrent intolérablement et voient leurs capacités s'effriter alors que leur vie tire à sa fin.
Comme plusieurs députés qui se sont déjà prononcés sur cette mesure législative épineuse, j'ai vécu une expérience qui donne toute sa pertinence à ce débat. Ma mère, Eleanor Anderson, a passé plus de 10 ans en fauteuil roulant après avoir été victime d'un grave accident cérébrovasculaire à 69 ans. Elle a dû réapprendre à marcher, à parler, à manger, à tout faire. Quand elle a été frappée par un autre accident cérébrovasculaire 5 ans plus tard, elle s'est battue encore une fois. Mais elle perdait un peu plus d'elle-même chaque fois.
Elle refusait de se sentir impuissante. Pendant toutes les années au cours desquelles elle s'est déplacée en fauteuil roulant, ma mère a fait de son mieux pour tout faire par elle-même, que ce soit se vêtir, charger le lave-vaisselle ou simplement essuyer le comptoir de la cuisine. Pendant toutes ces années, elle n'a jamais voulu de notre commisération.
Malgré sa ténacité, ma mère savait qu'un jour, elle ne pourrait plus se battre. Elle a indiqué très clairement à mon père, à mon frère et à moi-même que, lorsqu'elle ne pourrait à peu près plus faire autre chose que s'aliter, elle voulait qu'on la laisse mourir paisiblement. Ce que nous redoutions tous s'est bien sûr produit.
Ma mère a continué d'avoir de petits accidents vasculaires cérébraux, perdant à chaque fois un peu plus de sa mobilité et de ses capacités fonctionnelles, de sorte qu'à un moment donné, elle n'a plus été en mesure de s'asseoir dans son fauteuil roulant, de parler ou même de manger. Nous n'étions même pas certains qu'elle nous reconnaissait encore. Elle retirait si souvent la sonde d'alimentation qui la gardait en vie que les médecins ont voulu en insérer une dans son estomac. Ma mère ne voulait pas vivre de cette façon, et nous avons donc refusé cette solution. Nous avons dû accepter qu'elle nous quitte. Les médecins ont convenu que c'était pour le mieux et qu'elle ne vivrait que quelques jours.
Nous avons demandé qu'elle soit transférée dans un autre hôpital afin d'y recevoir des soins palliatifs. Paradoxalement, on nous a dit qu'elle ne pouvait pas être déplacée, car elle ne survivrait pas; elle mourrait en route. Il nous a donc fallu la laisser dans ce lit d'hôpital et la regarder mourir lentement de faim.
Elle a vécu encore 12 jours, et sa mort a été tout sauf paisible. C’est l’expérience la plus atroce que j’ai vécue; rien ne nous avait préparés à cette mort. Ma mère aurait convenu, je le sais, que cette loi est un pas dans la bonne direction. Elle aurait voulu pouvoir exprimer sa volonté de mourir dans la dignité. Toutefois, elle aurait voulu également que sa famille respecte ses vœux.
Douze ans plus tard, mon père, qui avait attrapé une infection, m’a dit: « Tout ce que je veux, c’est fermer les yeux et ne plus me réveiller. » C’est exactement ce qui est arrivé. Il est parti deux jours après, comme il l’avait souhaité. Beaucoup de gens n’ont cependant pas cette chance, et c’est à eux que nous prêtons notre voix.
Dans son discours à la Chambre, la , a déclaré:
[...] que chaque personne et que chaque situation est unique. Les patients ont toutefois beaucoup de choses en commun: l'espoir de mourir sereinement, la volonté d'être respectés, le souhait que leur autonomie et leur dignité soient respectées par leur famille et le personnel soignant.
a ajouté que son expérience de médecin généraliste avait renforcé son sentiment que nous devons…
:
Monsieur le Président, je trouve extrêmement important de prendre la parole aujourd'hui ou lors d'autres journées de débat sur le projet de loi .
Comme mes collègues le savent probablement, je suis une professionnelle de la santé. Je travaille d'ailleurs encore quelques fois par mois à l'hôpital, principalement aux soins intensifs de l'urgence. C'est important pour moi. Les soins en lien avec la fin de vie sont un élément important. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais appuyé une motion présentée lors de l'ancienne législature par mon collègue de et qui portait sur une stratégie nationale de soins palliatifs.
Pour commencer mon discours, j'aimerais me rapporter au jugement de la Cour suprême pour souligner deux ou trois points que je trouve particulièrement importants dans le cadre de cette discussion. On y dit:
[...] la prohibition [de l'aide médicale à mourir] prive certaines personnes de la vie car elle a pour effet de forcer certaines personnes à s’enlever prématurément la vie, par crainte d’être incapables de le faire lorsque leurs souffrances deviendraient insupportables. [...]
Et en leur laissant subir des souffrances intolérables, elle empiète sur la sécurité de leur personne.
Je trouve important de mentionner que le jugement de la Cour suprême souligne l'obligation de l'État d'agir sur la souffrance que vivent les gens. Il importe aussi de comprendre la distinction entre la souffrance et la douleur. La douleur est une réaction physiologique à un stress, à une blessure, par exemple. La souffrance, quant à elle, se rapporte au vécu émotif.
Prenons l'exemple d'un événement très douloureux, comme l'accouchement. Étant donné que cela est associé à un vécu émotif positif, la naissance d'un enfant, cet événement n'occasionne pas nécessairement de souffrance, mais il occasionne son lot de douleurs importantes.
Une personne peut aussi avoir une blessure somme toute assez mineure, mais à cause du vécu émotif qui y est relié, cela peut être extrêmement souffrant pour elle. Je pense que c'est important de bien faire cette distinction.
Pour ce qui est de la douleur comme telle, de nos jours, nous avons d'excellents moyens thérapeutiques pour la soulager. Des opiacés ont longtemps été utilisés, mais il existe aussi maintenant des pompes analgésiques contrôlées par les patients. Nous pouvons même offrir une sédation palliative continue, similaire à ce que les patients reçoivent aux soins intensifs lorsqu'ils sont intubés, qui permet de s'assurer qu'ils ne ressentent aucune douleur. Il y a plusieurs méthodes extrêmement efficaces pour soulager la douleur, en plus des méthodes non pharmacologiques. Nous avons une bonne panoplie de traitements à offrir à des patients qui vivent de la douleur.
En ce qui concerne spécifiquement la souffrance, qui est liée à un vécu émotif, comme la fin de vie ou le diagnostic de fin de vie par exemple, il est possible de la soulager autrement qu'en offrant une aide médicale à mourir. Dans ce cas-ci, on peut recourir aux soins palliatifs. Le projet de loi s'adresse d'ailleurs à une clientèle adulte atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave incurable, dont la situation est caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités et dont la mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
Nous comprenons bien que l'on parle ici de gens en fin de vie, soit la clientèle visée par les soins palliatifs. Les soins palliatifs ont justement pour but de traiter la souffrance du patient ainsi que de la famille. Au moyen de soins palliatifs, on veut s'assurer de bien entourer les gens et de les aider à traverser le processus de deuil et les épreuves que la maladie apporte.
On veut éliminer toute douleur, mais on veut aussi accompagner la famille.
On peut parler de soins palliatifs optimaux lorsqu'on ne soigne pas seulement le patient, mais l'entièreté de la famille, afin que l'expérience de la mort se vive de la manière la plus douce qui soit. Or, en offrant d'abord l'aide médicale à mourir, alors que les soins palliatifs offerts au pays ne sont pas optimaux, on fonctionne à l'envers.
Lorsque les maisons de soins palliatifs sont sous-financées et qu'elles doivent courir après des dons chaque année, elles ne sont pas en mesure d'offrir des soins palliatifs optimaux. La plupart d'entre elles peuvent seulement accueillir des patients dont la mort est prévue dans moins de trois mois. Or le processus de la maladie est souvent beaucoup plus long, et les gens ont besoin de beaucoup plus d'accompagnement.
Par ailleurs, dans plusieurs régions rurales, les lits en soins palliatifs sont réservés par l'intermédiaire d'unités de médecine chirurgicale. Cela fait en sorte que les infirmières qui s'occupent des patients en soins palliatifs doivent aussi s'occuper de sept ou huit autres patients. Ainsi, il n'y a pas de réponse rapide, on n'accorde pas le temps voulu aux familles et l'expérience de la mort n'est pas vécue de la façon souhaitée.
Pour les gens qui n'ont pas assez de ressources ou qui ne souhaitent pas vivre leur mort à la maison, l'hôpital est malheureusement souvent la seule autre ressource, lorsque les lits en soins palliatifs ne sont pas disponibles. Cette expérience n'est pas la plus facile. Elle peut causer des souffrances, car les patients n'ont pas tout le soutien qu'ils méritent.
Au cours des dernières années, on a fait beaucoup d'efforts pour sortir certains phénomènes naturels des hôpitaux. Entre autres, on a mis sur pied des maisons de naissance, en se disant qu'il serait plus intéressant pour les mères de vivre la grossesse et l'accouchement un peu plus naturellement, lorsqu'il n'y a aucune complication médicale, dans un autre cadre que celui de l'hôpital.
On a fait la même chose avec la mort, qui est un processus naturel. On a sorti ce phénomène des hôpitaux afin de rendre cette expérience beaucoup plus positive, dans un autre cadre que le cadre médical de l'hôpital.
Les maisons de soins palliatifs essaient d'éliminer toute trace des hôpitaux. Elles ont des lits d'hôpitaux, mais elles essaient d'utiliser les couvertures des patients, d'avoir de grandes fenêtres et de leur faire oublier le fait qu'ils ne sont pas à la maison.
Malheureusement, malgré tous les efforts des maisons de soins palliatifs, elles manquent souvent de fonds. Par exemple, la Maison du bouleau blanc, dans ma circonscription, compte quatre lits, dont seulement deux sont subventionnés. Elle doit donc courir après les dons pour maintenir ses deux autres lits. Elle a une grande pièce idéale avec de grandes fenêtres et une douche, mais c'est la seule chambre qu'elle a pu aménager selon sa conception d'une chambre de soins palliatifs idéale.
Ces gens ne peuvent pas se payer des infirmières. Le personnel qui y travaille est donc composé d'infirmières auxiliaires extrêmement dévouées. Toutefois, elles ont des limitations légales. Pour cette raison, on a dû mettre à jour les protocoles concernant les médecins qui travaillent avec les maisons de soins palliatifs, afin de s'occuper des patients adéquatement.
Alors, on pourrait combler plusieurs lacunes et éviter des souffrances aux patients. Si une personne qui reçoit un diagnostic de fin de vie sait qu'elle va recevoir des soins de qualité lorsque son état empirera, elle ne cherchera peut-être pas à s'enlever la vie prématurément. On aura ainsi préservé le droit à la vie.
Cependant, tant qu'on n'agit pas sur les soins palliatifs, on travaille à l'envers. On ne peut pas permettre de renverser la conception du modèle médical lié à la vie pour permettre l'aide médicale à mourir si nos soins palliatifs ne sont pas optimaux ni accessibles à l'entièreté de la population, peu importe où les gens demeurent, même si c'est en région éloignée.
Comme mon temps de parole est écoulé, je répondrai avec plaisir aux questions de mes collègues.
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Monsieur le Président, c'est en effet un sujet difficile pour la majorité des Canadiens. Le suicide assisté est certainement lourd de conséquences. Nous croyions que la loi était suffisante, mais nous nous retrouvons aujourd'hui dans cette situation en vue de trouver des solutions de rechange parce que la Cour suprême a décidé que la loi n'était pas suffisante.
J'aimerais parler de certains enjeux, mais je ne dirais pas que ce sont les plus importants à mes yeux. Je parlerai de ceux-ci un peu plus tard. Cependant, j'aimerais traiter de certains enjeux dont il n'est pas beaucoup question. Le premier se trouve à la page 11 du projet de loi et porte sur la « présomption ». Je vais citer le projet de loi:
Pour l’application de la présente loi, le membre des forces qui a reçu l’aide médicale à mourir est réputé être décédé en raison de la maladie, de l’affection ou du handicap pour lequel il a été jugé admissible à cette aide [...]
À la page suivante, où il est encore une fois question de la « présomption », le projet de loi dit:
Pour l’application de la présente loi, le militaire ou le vétéran qui a reçu l’aide médicale à mourir est réputé être décédé en raison de la maladie, de l’affection ou du handicap pour lequel il a été jugé admissible à cette aide [...]
Je mentionne cela aujourd'hui en tant qu'ancien membre du comité des anciens combattants, qui a étudié la question du trouble de stress post-traumatique et la situation des anciens combattants qui ont subi des traumatismes liés à la guerre ainsi que de parents qui ont subi des traumatismes et qui sont atteints de trouble de stress post-traumatique en raison de la guerre. Je suis extrêmement préoccupé au sujet de cet article du projet de loi, car des familles pourraient s'en servir pour régler certaines situations. Des militaires pourraient décider d'y avoir recours afin d'assurer la sécurité financière de leur famille et de subvenir à ses besoins.
Cet article ouvrirait une porte qui, auparavant, était fermée pour les militaires. Il ne fait aucun doute que nous respectons les militaires qui se sont enlevé la vie, mais ce qui m'inquiète, c'est que cet article ouvrirait la porte toute grande et que, en quelque sorte, il en ferait un exercice légitime, qui pourrait permettre aux familles de recevoir des prestations. Nous devrions chercher de nouvelles façons de venir en aide aux membres des forces et aux anciens combattants qui souffrent de trouble de stress post-traumatique au lieu de les inciter à mettre fin à leurs jours.
La deuxième question que je voudrais aborder, et qui me paraît être un argument plus important, concerne l’idée de contrainte, laquelle peut prendre plusieurs formes. Comme nous l’avons entendu de la bouche de plusieurs médecins qui sont mes amis, et d’infirmières également, un médecin peut-il contraindre une infirmière à administrer un médicament pour accélérer la mort? Un patient peut-il contraindre un médecin à lui administrer un médicament pour accélérer sa mort? Une personne âgée peut-elle se sentir contrainte de mettre un terme à ses jours afin d’alléger le fardeau financier qu’elle représente pour sa famille? Une personne âgée peut-elle se sentir contrainte de mettre un terme à ses jours afin de libérer une place à l’hôpital?
À mon avis, cela suscite toutes sortes d’arguments. Je vais d’abord parler du cas où un médecin contraint une infirmière à poser de certains gestes. Le projet de loi évoque le fait que les médecins ont la liberté d’agir conformément à leurs croyances religieuses ou conformément au principe selon lequel la vie est sacrée, et qu’ils ne veulent pas contribuer à y mettre fin. La plupart d’entre nous savent très bien que la Cour suprême peut être instrumentalisée. Un citoyen a la possibilité de s’adresser à la Cour suprême si un médecin lui refuse ce service.
Si un médecin refuse d’aider une personne à mettre fin à ses jours, l’affaire se retrouvera certainement devant un tribunal, surtout si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle. Les médecins pourraient alors devoir rendre des comptes, surtout si la loi stipule qu’ils ont la responsabilité de fournir ce service aux citoyens canadiens. De même, si les médecins se sentent contraints de fournir ce service, et c’est ce que nous ont dit les médecins qui ont comparu devant le comité, il faut savoir que ce ne sont pas les médecins qui font la piqûre ou qui administrent le médicament mortel. Cette obligation est transmise à un autre membre du personnel médical, généralement une infirmière, et cette personne sera contrainte par un médecin d’administrer le traitement ou le médicament qui accélère la mort. Ce sont des questions extrêmement complexes, et lorsque le moindre maillon de la chaîne cède, on risque de se retrouver devant un tribunal. C’est donc un membre du personnel médical qui sera contraint d’administrer le traitement ou le médicament.
Je vais maintenant parler de la contrainte plus générale qui s’exerce sur les personnes âgées et sur ceux qui sont malades. Mes parents sont des personnes âgées; mon père a 82 ans et ma mère a 72 ans. Je ne voudrais surtout pas qu’ils pensent qu’ils sont un fardeau pour notre système. Ils ont travaillé toute leur vie. Encore aujourd’hui, mon père fait de la menuiserie dans son atelier. Il paie ses impôts. Une personne âgée ne devrait pas en arriver à penser qu’elle doit mettre un terme à ses jours parce que le système de soins de santé a besoin que des places se libèrent ou parce qu’il est tout simplement devenu trop cher.
J’aime mes parents, mais ce n’est pas nécessairement le cas dans toutes les familles. Tous les enfants ne s’entendent pas aussi bien que moi avec leurs parents, et il y a des frictions dans certaines familles. Est-ce qu’à cause de ces frictions, certaines personnes âgées seront amenées à mettre fin à leurs jours parce qu’on leur fait sentir qu’elles sont un fardeau pour notre société? Bien sûr, ce sont des hypothèses, mais avec 30 millions d’habitants, c’est le genre de situation qui va se poser au Canada, si ce n’est déjà le cas. Même si cela n’est qu’une hypothèse, je trouve cela extrêmement préoccupant.
Récemment, il a beaucoup été question des suicides à Attawapiskat et du suicide en général, mais aussi des sentiments qui entourent toute la question du suicide. Je ne pense pas qu’on puisse dorer la pilule. On appelle cela la fin de la vie, d’autres groupes utilisent des termes différents, mais c’est toujours du suicide et de la mort d’une personne dont il est question.
Je suis très préoccupé à l’idée de ce qui pourrait arriver. Imaginons la situation de personnes estimant ne plus avoir leur place dans ce monde. Elles vont voir un médecin qui, après avoir pris connaissance de leurs évaluations psychiatriques, estime qu’il est justifié de mettre fin à leurs jours. Ce qui m’inquiète, c’est que cela ouvre tout grand la porte à l’acceptation du suicide comme manière plus ou moins acceptable de vivre cette vie ou d’y mettre un terme. Cela me préoccupe énormément.
Enfin, j’expliquerai pourquoi je ne pense pas que nous ayons à nous trouver dans cette situation. Cela se résume à la disposition de dérogation. Je parlais avec un juge dans l’avion qui me ramenait chez moi, à Vancouver. Je lui faisais la remarque qu’en tant que députés, nous sommes évalués tous les quatre ans, soit lors des élections. On voit beaucoup de visages différents ici. Les Canadiens nous ont évalués. Certains ont pu revenir, d’autres non. On voit de nouveaux visages. Ils sont arrivés ici parce que le peuple s’est exprimé.
Mais pour l’appareil judiciaire de ce pays, quel genre de vérification fait-on? Ce juge de la Cour suprême m’a répondu qu’il existe un système de vérification: la disposition de dérogation.
Je sais qu’en présence d’une aussi grande diversité, le seul fait d’essayer de donner à ce genre de loi ne serait-ce qu’une forme acceptable constitue un travail remarquable, mais nous avons déjà une loi. Les 338 députés de la Chambre des communes sont là pour promulguer des lois. La Cour suprême, elle, a la tâche de maintenir ces lois. Je crains cependant qu’il n’y ait usurpation de notre pouvoir par la Cour suprême. Je mets au défi le gouvernement d’examiner cela. Il doit vérifier si nous avons déjà une loi ou non. Beaucoup d’entre nous acceptent la loi pour ce qu’elle est. Plutôt que de tenir une discussion sur la réforme et la réécriture de ce qui existe déjà, il conviendrait de revenir en arrière et de réfléchir très sérieusement à la question.
Je suis tout à fait d’accord avec la plupart des personnes ici présentes pour dire que les soins palliatifs au Canada doivent être grandement améliorés. Nous avons tous parlé avec beaucoup de fougue du caractère sacré de la vie. Après tous, nous avons tous été créés égaux.
Il reste que nous devrions réfléchir sérieusement à la possibilité de revenir au libellé antérieur de la loi, comme les Canadiens nous ont demandé de le faire, ou d'assurer le maintien des lois existantes, qui ont été adoptées par nos prédécesseurs à la Chambre. Nous devons faire honneur à ce lieu. Ce lieu est celui où nous adoptons des lois. Il ne s'agit pas seulement des 338 députés que nous sommes. Nous avons été envoyés ici pour représenter plus de 30 millions de personnes. La voix de ces personnes doit être entendue haut et fort.
Il est très difficile de tenir un tel débat en ces lieux. Il existe des deux côtés des enjeux qui nous tiennent beaucoup à cœur, quel qu’en soit l’aspect, mais nous devons envisager avec grand sérieux d’assurer le maintien des lois déjà en place.
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Monsieur le Président, je n’avais pas l’intention de parler de cette histoire de clôture du débat et de mise aux voix, mais je dois dire que c’est un cafouillage complet, et que l’on est en train de transformer en véritable farce ce qui devrait être un débat sérieux et important entre tous les députés. La plupart d’entre nous avons le droit d’avoir un vote libre sur cette question. Les libéraux sont en train de tourner en dérision la chambre, et cela ne m’impressionne pas du tout.
Pour revenir sur la question dont nous sommes saisis, j’estime qu’il est important que nous ayons un véritable débat là-dessus. Je tiens à y participer, en mon nom et au nom de ceux que je représente, et je suis sûr que beaucoup d’autres députés veulent en faire autant.
C’est un projet de loi extrêmement important pour notre pays, et bien sûr des membres de notre caucus conservateur se sont beaucoup démenés au cours des travaux qui ont précédé ce débat. Nous avions d’importantes réserves quant à la façon dont ce projet de loi devrait être formulé et nous les avons exprimées dans un rapport dissident du comité spécial mixte qui a examiné la question. Il est vrai que nous sommes nombreux à constater, avec un certain soulagement, que le projet de loi retient certaines recommandations du rapport dissident, comme les limites à respecter dans le cas de mineurs. Et bien entendu, nous sommes nombreux à reconnaître que, conformément à la décision de la Cour suprême, il faut que le projet de loi assure le respect de la dignité de la personne en fin de vie. Le texte dont nous sommes saisis nous pose toutefois certains problèmes, et je vais vous parler de ceux qu’il me pose personnellement.
[Français]
Malheureusement, ce projet de loi ouvre la porte au suicide assisté pour les gens ayant des troubles mentaux et cela nous préoccupe.
[Traduction]
Le projet de loi contient une disposition sur les souffrances psychologiques. C’est ouvrir grand la porte. Je me demande avec inquiétude comment cela va s’appliquer aux déficients mentaux. Comment va-t-on appliquer cette disposition dans la réalité? La disposition sur les souffrances psychologiques nous entraîne sur une pente très glissante. Je suis sûr qu’il y a une façon de modifier cette disposition, mais selon l’amendement proposé au Code criminel, il faut que, dans le cas de la personne qui fait une demande d’aide médicale à mourir, sa maladie, son affection, son handicap ou le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables. C’est la disposition qui me préoccupe, et en cela, je me fais l’écho de mes collègues qui l’ont dénoncée avant moi.
[Français]
Le Québec s'est doté de sa propre loi concernant l'aide à mourir. Dans la version québécoise, seules les personnes âgées de 18 ans et plus ayant des maladies physiques graves et incurables et dont l'état médical est caractérisé par un déclin avancé et irréversible peuvent demander une aide médicale à mourir.
[Traduction]
Le médecin traitant doit s’assurer que son ou sa patiente consent expressément au suicide assisté par un médecin, notamment qu’il ou elle ne fait pas l’objet de pressions externes, et il doit lui fournir un pronostic complet de son état et des traitements possibles, avec les conséquences prévisibles. Selon la loi québécoise, le médecin doit également s’assurer que la personne maintient son consentement, en la rencontrant à différentes occasions, à intervalles raisonnables, compte tenu de son état. Je pense que ces garde-fous prévus par la loi québécoise sont tout à fait pertinents. J’estime qu’il faudrait avoir les mêmes dans la loi canadienne.
L’autre chose qui nous préoccupe concerne la liberté de conscience des médecins et des établissements de soins.
[Français]
Le droit de conscience du personnel médical nous inquiète grandement.
[Traduction]
Comme le rappelle le rapport dissident, l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à tous les Canadiens la liberté de conscience et de religion. Il est clairement indiqué dans le rapport dissident que presque tous les témoins s’entendaient pour dire que les médecins qui refusent de participer à un suicide assisté pour des raisons de conscience ne devraient pas être tenus de le faire. Même si le projet de loi ne crée pas d’obligation directe relativement au suicide assisté, l’obligation d'aiguiller le patient vers un autre médecin enfreint l’esprit, et je dirais même la lettre, de l’article 2 de la Charte. Je crois donc qu’un tel régime est inutile et je constate que le Canada serait la première compétence au monde à exiger un régime d'aiguillage en bonne et due forme.
Je crois qu’il existe des modèles qui protégeraient mieux les droits que la Charte garantit aux médecins tout en donnant accès au suicide assisté, mais le projet de loi actuel oblige les médecins qui, pour des raisons de conscience, s’opposent au suicide assisté à fournir de l’information à leurs patients sur la façon d’obtenir de tels services et à informer le gouvernement de la demande de ce patient. Je crois que cela est injuste pour les médecins, et que le projet de loi ne protège pas suffisamment leurs droits. Je crois en outre que les établissements de santé qui refusent de faciliter le suicide et d’offrir des services connexes devraient être exemptés, conformément à la décision de la Cour suprême selon laquelle les aspects individuels et collectifs de la liberté de religion et de conscience protégée par la Charte sont indissociables.
Dans ma province, l’Ontario, la politique actuelle du Collège des médecins et chirurgiens prévoit l’obligation non seulement d'aiguiller le patient, mais aussi de fournir le service conformément aux normes de soins en cas d’urgence. Par conséquent, adopter le projet de loi sans y inscrire la protection de la liberté de conscience signifierait que l'aide médicale à mourir figurerait dans les normes de soins et serait assujettie à la politique actuelle du Collège des médecins et chirurgiens de l’Ontario. C’est donc dire que, dans ma province, on pourrait obliger un médecin à participer à ce processus même contre sa volonté. Il s’agit là d’une grave préoccupation pour moi et pour les médecins de ma circonscription.
Il faudrait aussi se demander si le projet de loi respecte l’arrêt dans la cause Carter et résisterait à une contestation fondée sur la Charte. Je pense que nous avons motif de croire que tel ne serait pas le cas. Je le demande à mes collègues: si nous ne pouvons pas adopter un projet de loi qui résisterait à une contestation en vertu de la Charte, pourquoi nous donnons-nous la peine de suivre tout ce processus? C’est un manque de respect à l'égard du processus législatif.
J’espère que le gouvernement, dans la suite du processus, acceptera des amendements pour veiller à ce que tous les droits protégés par la Charte soient respectés, qu’il s’agisse de ceux des médecins et du personnel médical ou de ceux des personnes vulnérables. Nous avons le devoir, face aux Canadiens, de bien faire les choses dès le premier essai, pour protéger la liberté de conscience des médecins et des professionnels de la santé tout en respectant les paramètres de l’arrêt dans la cause Carter.
[Français]
Les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à un travail acharné de notre part et à ce que nous nous assurions que celui-ci est bien fait.
[Traduction]
Je tiens à dire que l'autre point soulevé par mes collègues est important. Où sont les 3 milliards de dollars pour les soins palliatifs? Il n'en est pas question dans le budget. Comme on dit parfois, dans l'univers politique comme dans la vie en général, le diable est dans les détails. D'où viendra l'argent nécessaire? Comment sera-t-il affecté? Il est absolument essentiel que le gouvernement agisse concrètement dans le dossier des soins palliatifs.
Voilà qui met fin à mes observations sur le projet de loi, mais je voudrais dire que les manigances qui ont eu lieu avant que je prenne la parole sont tout à fait inacceptables dans un débat libre et démocratique sur une question de conscience pour de nombreux députés, pour tous les députés. Je m'oppose à ce que la motion soit présentée ainsi. Je m'oppose à la procédure employée par le gouvernement, qui essaie de mettre fin aux débats et d'empêcher des députés de faire valoir leur position et celle de leurs électeurs.