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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 021 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1315)  

[Traduction]

    Aujourd'hui, mardi 8 juin 2010, nous entamons la 21e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Nous accueillons cet après-midi quatre témoins du Bélarus: le président du Centre de recherche scientifique Mises, Jaroslav Romanchuk; Andrey Dmitriev, qui représente le Bureau international du Parti civil uni du Bélarus; le président du cabinet fantôme du Comité national des Forces démocratiques unies du Bélarus, Anatoly Liabedzka; et enfin, Vladimir Prokofyevich Naklyayev, le directeur du Forward Movement Research and Education Establishment du Bélarus.
    Monsieur Romanchuk, je vous cède la parole.
    Merci, mesdames et messieurs. C'est pour moi un honneur de témoigner devant vous, et je suis très heureux d'être au Canada. Nous sommes ravis de pouvoir vous parler de ce qui se passe dans notre pays.
    Je suis candidat aux élections présidentielles de cette année. C'est une occasion unique de nous attaquer à certains problèmes qui nous préoccupent tous énormément.
    Parlons d'abord des droits et libertés de la personne. Le gouvernement Loukachenko n'a pas le moindrement allégé le climat entourant les droits et libertés. La toute dernière campagne électorale locale n'a fait que démontrer que c'est même encore pire qu'avant.
    La violente répression du mouvement « Dire la vérité! » le 17 mai dénonce le choix de Loukachenko de mener une campagne fondée sur la force brute plutôt que sur un dialogue constructif avec toutes les forces politiques. Une campagne présidentielle présente donc pour nous une occasion de changer radicalement la situation au chapitre des droits de la personne.
    Deuxièmement, le gouvernement n'a pas amélioré la loi électorale comme il le devait. Il y a donc fort à parier qu'il y aura falsification massive des résultats des élections. C'est pourquoi nous sommes déterminés à défendre notre victoire en dépit de la répression qu'exerce le gouvernement.
    La liberté d'expression nous tient beaucoup à coeur et la campagne présidentielle présente une occasion d'améliorer la situation à ce chapitre. Des journalistes se font régulièrement poursuivre en justice; des activistes sont jetés en prison. Andrey Bandarenka et Victor Aftohovitch, par exemple, sont en prison depuis cinq ou six ans pour avoir participé à la campagne électorale parlementaire et tenté de résister aux autorités.
    Enfin, nous voyons dans la campagne présidentielle une occasion de mettre un terme à la réputation qu'a le Bélarus d'être une source de danger pour les autres pays. C'est une chose que notre gouvernement présente un danger pour le peuple du Bélarus; c'en est une autre que les rapports qu'il entretient avec des pays comme l'Iran, la Syrie et d'autres encore fassent planer le danger sur la communauté internationale. Ces rapports, le plus souvent, manquent de transparence. Nous souhaitons retourner au sein de la communauté internationale et nous voudrions nous joindre aux membres du Conseil de l'Europe. C'est pourquoi notre campagne vise à démocratiser le Bélarus et à faire en sorte que la liberté y règne.
    Nous espérons avoir l'appui du Canada, qui peut jouer un rôle unique de nos jours, en tant que pays qui peut se permettre d'avoir, et qui a, des politiques fondées sur les valeurs plutôt que sur le pragmatisme. Nous serons heureux de pouvoir approfondir nos rapports.
    Je laisse la parole à mes collègues.

[Français]

    La communauté internationale sous-estime vraiment le problème de la Biélorussie. Pour la plupart des hommes politiques de la région euro-atlantique, ce problème n'est pas à l'ordre du jour. Pour eux, ce n'est qu'un problème local qui ne traverse pas les frontières biélorusses. C'est une illusion. La Biélorussie est un vrai laboratoire expérimental qui produit l'idéologie, l'autoritarisme, que nous appelons « loukachisme ». Le « loukachisme » est un mélange de communisme, de fascisme et de populisme latino-américain. C'est aujourd'hui le produit essentiel que la Biélorussie exporte. Il faut bien reconnaître que ce régime est très populaire aujourd'hui dans les pays post-soviétiques. Il est aussi à noter que la Russie et d'autres pays post-soviétiques suivent l'exemple de la Biélorussie. C'est une tendance dangereuse à laquelle on ne fait pas suffisamment attention dans les pays occidentaux.
    Que se passe t-il en Biélorussie? Depuis plusieurs années, la Biélorussie est en état de vraie guerre froide civile. Un groupe de personnalités, le clan Loukachenko, contrôle la situation en Biélorussie en utilisant le pouvoir d'État. Il détruit toute alternative politique. L'État néosoviétique, c'est ainsi, [Note de la rédaction: inaudible] tous les droits civiques. L'État, le clan Loukachenko, monopolise les droits dans les secteurs politique, économique et social.
    Le contrat social n'existe pas en Biélorussie. L'État de droit n'existe pas non plus. C'est Loukachenko qui rend la justice. C'est pourquoi [Note de la rédaction: inaudible] les tribunaux indépendants. Les citoyens ne participent pas à la question de l'État de facto. Le pouvoir est toujours aux mains de la même personne. Le régime autoritaire de Loukachenko existe depuis longtemps. La concurrence politique est interdite de facto par Loukachenko. Les membres de l'opposition ne peuvent pas être élus sous l'autorité locale et républicaine.
    Mesdames et messieurs, j'ai honte que la Biélorussie reste la dernière dictature en Europe. Je sais que la Biélorussie et son peuple méritent mieux. Nous avons droit à la démocratie selon les normes et valeurs européennes. Il faut résoudre la question biélorusse en Biélorussie. Personne ne va résoudre nos problèmes à notre place. Personne ne viendra chez nous de la Lituanie ou du Canada pour construire la démocratie. C'est notre pays et notre responsabilité. Merci beaucoup.

  (1320)  

    D'accord, merci.

[Traduction]

    Allez-vous poursuivre, monsieur Neklyayev? Je vous en prie.
    Je suis Vladimir Neklyayev, le poète, et j'ai été forcé d'entrer en politique alors que je n'y étais pas enclin. Le régime politique nous a amenés à un point critique, la culture nationale et moi, de même que la langue nationale et la société civile dans son ensemble.
    Je suis le dirigeant de la campagne intitulée « Dire la vérité! », lancée il y a trois mois. C'est une organisation de la société civile mise sur pied juste avant le début de la campagne présidentielle. L'organisation a été attaquée d'une manière qui s'apparente au banditisme; tous ses biens et son bureau ont été saisis. On a même pris son argent et on l'a forcée à se dissoudre. J'ai été arrêté, de même qu'Andrey Dmitriev, qui est aussi avec nous aujourd'hui. Nous avons été relâchés grâce aux pressions qu'a exercées la communauté internationale, et la situation a changé.
    Il est impossible d'enregistrer la moindre ONG ou un mouvement politique dissident, qui s'oppose au gouvernement. Il est impossible de travailler dans une organisation de ce genre sans être opprimé et sans craindre pour sa propre sécurité et celle de ses proches.
    Nous n'avons plus de statut juridique. Le groupe juridique avec lequel nous travaillions a lui aussi été dissout, de sorte que, quand nous retournerons au Bélarus, nos activités seront considérées comme celles d'un groupe non enregistré et illégal, parce que le groupe qui avait été enregistré n'existe plus. Nos vies et notre pays sont donc maintenant en danger.
    À la veille des élections présidentielles, nous souhaitons jouer un rôle d'information. Nous n'avons pas les moyens de nous faire entendre du peuple.
    Nous souhaitons aussi obtenir de l'aide. Nous avons besoin de locaux, d'équipement, pour travailler. Il faut aider les familles des opprimés qui ont été jetés en prison. Leur famille voudrait savoir ce qu'il advient d'eux et comment ils supportent la vie en prison.
    Je vous remercie.

  (1325)  

    Merci, monsieur Neklyayev.
    Monsieur Dmitiriev.
    Je m'appelle Andrey Dmitriev et je participe aussi à la campagne Dire la vérité. J'aimerais aujourd'hui expliquer ce qui arrive aux droits religieux et aux droits des groupes minoritaires, et aussi parler un peu de la société civile.
    La situation, aujourd'hui, au Bélarus est telle que le gouvernement cherche en substance à avoir un monopole sur tout ce qui tient une personne en vie, la religion ne faisant pas exception. Alors, depuis environ huit ans maintenant, il est impossible d'enregistrer la moindre organisation. Toutes les organisations religieuses qui existent au Bélarus ont constamment des problèmes avec les autorités.
    Par exemple, la communauté protestante de Minsk se bat depuis un an contre le comité exécutif municipal, parce que la municipalité a saisi son immeuble. C'est la communauté qui avait acheté l'immeuble quand ce n'était guère plus qu'une vieille étable, mais elle l'a rénové et y a mis tout ce dont elle avait besoin. Dès que l'immeuble a commencé à être intéressant, la municipalité a décidé de le saisir.
    Plus d'une centaine de personnes ont fait la grève de la faim pendant un mois pour empêcher la municipalité de prendre l'immeuble. Elles ont pu garder l'immeuble pendant un certain temps, mais dès que les choses se sont un peu calmées, la municipalité est revenue à la charge et a tenté encore une fois de s'emparer de l'immeuble. Ce genre de situation survient dans tout le pays.
    Le gouvernement dit que la religion orthodoxe est la principale religion du pays et que toutes les autres religions lui sont inférieures, ce qui signifie que la communauté orthodoxe a une entente avec l'armée et avec les écoles. Elle a une entente avec toutes les institutions publiques pour obtenir de l'aide, alors que les communautés religieuses catholiques, protestantes, juives et autres n'ont rien de comparable et ne profitent d'aucun soutien. Aussi, il devient difficile d'enregistrer une nouvelle organisation, parce que, pour le gouvernement, toute communauté religieuse est une autre association, un autre groupe qu'il ne peut contrôler et qui serait susceptible de ne pas appuyer ses politiques.
    Le même problème se pose pour les minorités ethniques. Le gouvernement a divisé la communauté polonaise. D'un côté, il y a ceux qui ont pu s'enregistrer et avoir des biens; c'est l'ancien syndicat des Polonais du Bélarus. Ceux qui avaient des ententes... L'association polonaise, pour sa part, a vu ses biens saisis, et elle n'a plus le droit d'exprimer un avis dissident, parce que c'est un groupe qui parle de liberté d'association, de liberté d'expression, et ses dirigeants sont constamment opprimés. Ses militants sont constamment la cible de poursuites au criminel. La télévision cherche toujours à les discréditer.
    Aujourd'hui, le gouvernement, même s'il prétend souhaiter résoudre le problème, ne fait rien. La seule façon qu'il a de résoudre les problèmes, c'est d'obliger la population à l'appuyer en utilisant la force, l'incarcération et d'autres mesures de coercition.
    Il en va de même pour la société civile. Le problème, c'est que, pour le gouvernement, la société civile se compose seulement de jeunes et groupes syndicaux qui l'appuient... Aussitôt qu'une dizaine de personnes de la société civile essaient de former même un petit groupe qui veut agir librement, le gouvernement décrète que c'est une guerre contre lui. Il est impossible d'enregistrer une organisation, et vous seriez étonnés de ce qui se passe.
    Vous voulez enregistrer votre organisation. Pour ce faire, vous devez vous adresser au ministre de la Justice. Il refuse, n'est-ce pas? Alors, en vertu du Code criminel qu'a ratifié ce même gouvernement, vous pouvez vous retrouver en prison pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans rien que pour avoir agi au nom de cette organisation. Donc, le gouvernement essaie de nous contrôler. Il cherche à contrôler tous nos gestes.

  (1330)  

    Prenons l'exemple de la campagne Dire la vérité. Nous avons passé un certain temps en prison, et nous tenons à ce que vous sachiez ce que nous avons fait. Nous n'avons rien dit contre le gouvernement. Nous avons dit « Faisons circuler une pétition à l'échelle locale, et essayons de régler certains problèmes locaux ». Il s'agissait de choses comme, disons, la réfection des routes...
    Trois mois plus tard, le 18 mai, le KGB a rendu visite à nos militants dans 22 villes. Les agents ont perquisitionné et procédé à des fouilles personnelles. Ils ont pris tout le contenu des appartements et des bureaux. Pourquoi? Parce que le gouvernement n'est pas prêt pour la libéralisation, et ne la souhaite pas non plus. Il ne veut pas de changement.
    Pour terminer, je tiens à vous remercier de nous avoir offert cette occasion unique de participer à cette audience et de vous parler du Bélarus dans l'espoir que vous pourrez nous aider à obtenir le soutien du Canada.
    Je tiens à remercier Michael Mostyn et son organisation pour nous avoir aidés à organiser ceci.
    Merci beaucoup. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup à tous nos témoins.
    Il nous reste assez de temps pour une série d'interventions de sept minutes. Nous commencerons par le Parti libéral.
    Monsieur Silva, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leur exposé.
    Ce qui ressort de cet exposé, c'est un tableau assez troublant de la situation au Bélarus, l'absence de liberté d'expression, l'arrestation et la poursuite en justice de journalistes, le fait que certaines minorités ethniques et religieuses sont privées de liberté, les élections prochaines et les problèmes qui pourraient en découler.
    J'ai quelques questions à poser, notamment au sujet du Conseil de l'Europe. Avez-vous été en rapport avec lui, ou avez-vous le moindrement participé à ses travaux, et le Conseil de l'Europe a-t-il fait la moindre déclaration relativement à votre situation?
    Deuxièmement, y a-t-il eu des pressions de la communauté internationale, particulièrement du Canada, pour la présence d'observateurs pendant les élections? La communauté européenne y enverrait-elle aussi des observateurs?
    Troisièmement, qu'attendez-vous directement de nous, les parlementaires? Que pourrions-nous faire, à votre avis, pour contribuer à améliorer la situation dans votre pays?
    L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a eu un débat sur le Bélarus. J'y ai participé, de même que les autorités du Bélarus, le seul pays qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe.
    À l'issue de cette discussion, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a décidé de suspendre ses rapports avec le gouvernement du Bélarus au plus haut niveau à cause du refus du gouvernement officiel de Minsk de mettre fin à la peine de mort, ou d'imposer un moratoire sur la peine de mort. La décision figure dans les résolutions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
    Une des résolutions concerne les agissements au Bélarus de ce qu'on appelle l'escadron de la mort. Il y a deux ou trois ans, quelques divisions des services secrets et de la police ont organisé l'enlèvement et l'exécution de plusieurs personnes qui envisageaient de participer à la campagne présidentielle.
    Il s'agit d'une résolution spéciale donnant des noms — les noms de représentants des services secrets et de la police — et une enquête indépendante et objective est censée être menée sur ces actes criminels. Plusieurs années se sont écoulées toutefois, et il y a maintenant un risque très réel que les escadrons de la mort resurgissent du passé.
    Notre visite pourrait peut-être inciter le Parlement du Canada à prendre diverses mesures avant la campagne présidentielle. Il serait avantageux pour nous qu'un groupe spécial de députés pour un Bélarus démocratique soit mis sur pied, un groupe qui observerait la situation et pourrait communiquer avec la société civile et l'opposition politique au Bélarus. Nous sommes aussi intéressés à avoir des rapports directs avec les partis politiques, à conclure des ententes avec eux.
    Pour ce qui est de l'observation par l'OSCE, il est certain que nous souhaiterions une représentation maximale de députés du Canada au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, qui pourraient venir au Bélarus pendant la campagne présidentielle jouer un rôle d'observateurs impartiaux.
    Merci beaucoup.

  (1335)  

    Monsieur Silva.
    Je crois que vous nous avez donné d’excellentes réponses en ce qui concerne le rôle du Conseil de l’Europe.
    J’ai une autre question à vous poser concernant le rôle que vous aimeriez voir jouer le Parlement du Canada. Plus précisément, comme les élections approchent, croyez-vous que nous devrions assumer un rôle plus actif? Voilà la question pour laquelle j’aimerais obtenir une réponse.
    Il serait très important de mettre sur pied un groupe parlementaire d’« amis du Bélarus », composé de membres du Parlement du Canada. Ce groupe aurait pour but de prendre des initiatives, de faire des déclarations ou de tenir des missions d’information quant à notre pays, pour que les Canadiens et les membres du gouvernement soient bien conscients de ce qui s’y passe.
    Deuxièmement, nous nous réjouirions de la création d'un groupe ou d’une société Bélarus-Canada qui regrouperait non seulement des députés, mais aussi des représentants de différentes collectivités et des ONG. Il serait chargé de se pencher sur des questions plus vastes comme celles que nous abordons dans la campagne Speak the Truth. Une telle collaboration serait la bienvenue, car elle permettrait de renseigner les entrepreneurs quant aux avenues de développement économique entre nos pays et de régler les questions de la société civile en général.
    En outre, ce qui est très pratique, et le Parlement pourrait y jouer un rôle, c’est d’exhorter l'ACDI à créer un programme technique particulier pour le Bélarus pour aider à la mise en oeuvre de diverses initiatives. Cela renforcerait ainsi la coopération entre le Canada et le Bélarus. On offrirait assurément au Canada une perspective unique, car les droits de la personne et les politiques fondées sur les valeurs sont actuellement chose rare, malheureusement.
    Le Canada est unique, car il pratique une politique fondée sur des valeurs. Il ne dépend pas du gaz et du pétrole de la Russie, n'a pas d’argent sale russe et n'est pas tenu par des accords avec la Russie sur l'Afghanistan et l'Iran, comme c’est le cas des États-Unis. Le Canada est donc tout à fait unique et peut vraiment, pour la première fois de l'histoire, jouer un rôle majeur pour changer la situation de notre pays.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Dorion, je vous en prie.
    Vous nous informez davantage au sujet d'un régime qui, finalement, est très peu connu en Occident. La description que vous nous en faites donne un peu froid dans le dos. Il y a concentration du pouvoir entre les mains, finalement, d'une seule personne.
    Tout d'abord, en ce qui concerne la nature de la société biélorusse, est-ce qu'on retrouve ce qu'on a retrouvé en Russie, c'est-à-dire que des éléments privés se sont emparés du capital qui était entre les mains de l'État? Ou est-ce encore une économie d'État? Je crois que c'est une question très intéressante parce que qui détient le pouvoir économique détient habituellement le reste de façon directe ou indirecte.
    J'aimerais savoir quelle est la nature du système économique biélorusse. Vous mentionnez aussi la relation étroite avec le gouvernement de Russie. Il y a quelques années, les médias nous disaient que le président Loukachenko préconisait pratiquement une fusion entre les deux États, entre la Russie et la Biélorussie. Ce projet n'a pas fonctionné.
    Pourriez-vous nous éclairer un peu sur les raisons pour lesquelles la Russie a refusé, en quelque sorte, d'avaler un plus petit partenaire. On ne voit pas quel danger il pouvait y avoir pour la Russie, mais il y en a peut-être un. Alors, il faudrait que vous nous expliquiez cela.
    Il serait peut-être utile que nous fassions pression non seulement sur le régime Loukachenko, mais aussi sur la Russie elle-même. Dans quelle mesure trouvez-vous qu'il serait pertinent de le faire?

  (1340)  

[Traduction]

    Merci pour vos questions.
    Le Bélarus est avant tout un pays à économie centralisée où 80 p. 100 de tous les actifs appartiennent à l’État. Vous avez tout à fait raison quand vous dites qu’il s’agit d’une réplique miniature de l’Union soviétique. Nous avons un organisme de planification centrale qui est chargé d'organiser l’ensemble de l’économie. Le président va même nommer jusqu’au gestionnaire d’une petite usine. Nous sommes dans une situation de réglementation des prix.
    En même temps, le régime a eu la chance d’obtenir une aide énorme de la part de la Russie. On parle ici de 15 ou 20 p. 100 du PIB environ. Lorsqu’un pays octroie une telle somme au pays voisin, il s’agit d’une situation unique et sans précédent dans le monde. Bien sûr, la Russie ne l’a pas fait par amitié. Elle l’a plutôt fait en raison de ses ambitions impériales.
    M. Loukachenko ne voulait rien savoir d’une fusion. Il voulait être le président d'une nouvelle Union soviétique. Lorsque son plan a échoué et que Poutine a pris le pouvoir, il a décidé de faire le meilleur usage possible des ressources russes et il a vendu à la Russie des contrats politiques à terme. Elle les a achetés, mais elle en a maintenant marre. Elle réduit les subventions.
    Aujourd’hui, en 2010, la subvention se chiffre à 7 p. 100 du PIB environ et elle va continuer de chuter. Le Bélarus n’a pas réussi à mettre sur pied une union douanière, et la Russie estime maintenant que la seule stratégie possible consiste à exercer davantage de pression au moyen d’outils et de mécanismes économiques, ce qui se traduit par des hausses du prix du gaz. Mais, encore une fois, même les pays de l'Ouest ne peuvent pas se plaindre, car le Bélarus achète du gaz à un prix trois fois inférieur à celui de l'Allemagne, par exemple. C'était une sorte de subvention. Le Bélarus est très dépendant du marché et de l'énergie russes.
    Le président Loukachenko n'a pas réussi à diversifier l'économie et à entamer des réformes du marché, même en utilisant l'argent du FMI. C'est pourquoi nous, les candidats à l'élection présidentielle, sommes extrêmement préoccupés par la viabilité du modèle bélarussien. Nous voulons que le gouvernement canadien, le Parlement canadien, nous appuie dès maintenant et qu'il nous offre son soutien lorsque nous serons au pouvoir.
    Étant donné ce patrimoine qu’est le nôtre, il sera extrêmement difficile de procéder à des réformes, et nous voulons absolument éviter de répéter le scénario ukrainien. Après les élections de 2004, le gouvernement ukrainien n'a pas tenu les promesses qu’il avait faites à la population. Nous voulons que nos réformes soient une réussite, et pas seulement pour redistribuer la richesse.
    [Le témoin s'exprime en russe.]
    Un instant, je vous prie. Nous ne vous entendons pas. Je suis désolé.

  (1345)  

    Entre-temps, je peux parler de la Russie et de la manière dont le Canada peut traiter la Russie. Bien entendu, le Canada est l'un des acteurs clés des principales organisations internationales, le G20 ou le G7. Si vous rappelez à la Russie quelles sont ses obligations internationales ainsi que l'importance de respecter les règlements internationaux, ce sera extrêmement utile parce que la Russie a manifestement un rôle à jouer.
    Nous craignons une invasion russe par des moyens économiques. En fin de compte, la Russie ne considère pas le Bélarus comme un pays indépendant. C'est la raison pour laquelle le pays ne veut pas appuyer la démocratie et le pluralisme politique. Il aimerait plutôt contraindre M. Loukachenko et le forcer à faire une fusion quelconque.

[Français]

    Il ne vous reste qu'une minute.
    Dans quelle mesure les Biélorusses se voient-ils comme des Russes? Est-ce que le sentiment d'identité nationale est fort ou est-ce que certains aimeraient au contraire être rattachés à la Russie?

[Traduction]

    Le caractère unique du Bélarus, c’est que, dans la conscience du peuple, le volet économique n'est pas l’aspect principal. Ce que je veux dire, c'est qu’au cours de l’élaboration de la campagne préélectorale de notre candidat à la présidence, l'impact des phénomènes tels que la crise n’était pas un facteur déterminant, contrairement à d’autres pays. Il y avait d'autres questions à régler.
    L'histoire de ce peuple se tisse de pauvreté. Les gens se rappellent la peur et l’horreur que leurs pères, leurs grands-pères et leurs ancêtres ont vécues. Quand le président Loukachenko parle de la possibilité de manger et d’avoir un toit, ce n’est pas ce qu’ils voient. Ils voient plutôt cela comme étant peut-être un signe de prospérité. Quand on regarde la richesse du Canada, 99 p. 100 des gens voient ce qui se passe au Canada, mais seulement 0,9 p. 100 y sont déjà venus. Nous ne parlons donc pas de la conscience nationale, mais de la connaissance de soi, la prise de conscience dont ils ont besoin pour survivre.
    Dans notre société, nous disons la vérité. Nous mettons de côté les questions du pouvoir politique et de l'économie. Nous parlons aux gens d'une seule chose, soit du fait qu’on leur dit qu’ils vivent bien. Pour comparer, nous leur montrons un ongle et nous leur disons qu’ils en obtiennent aussi peu, puis nous leur demandons jusqu’à quel point on leur dit ce qu'on leur donne. Ils nous répondent qu’ils reçoivent un sac plein, mais ce n'est pas vrai.
    Non, ce n'est pas vrai. Le peuple lui-même en a fait une blague. Il suffit de demander à un Bélarussien dans quel pays il aimerait vivre. Même s’il vit actuellement au Bélarus, il va répondre qu’il aimerait y vivre, tout en précisant qu’il s’agit du Bélarus que l’on montre à la télévision.
    Il existe un décalage entre la propagande télévisuelle et ce que les gens vivent vraiment dans leur économie. Les gens en ont assez des mensonges. On leur ment et on les humilie constamment. On n'écoute pas la conscience des gens et on ne respecte pas les valeurs humaines fondamentales. Ce sont donc des questions pénibles. C'est ce sur quoi nous travaillons dans notre campagne.
    Pour ce qui est de la connaissance de soi et des liens avec la Russie, rien ne change. C'est une constante. La moitié se tournent vers la Russie. Environ 40 p. 100 des gens se tournent vers l’Occident et 60 p. 100... C'est un facteur dont il faut tenir compte. Une vraie histoire soviétique est à l’oeuvre. La Russie et le Bélarus ont toujours été soudés. Ils se sont toujours entraidés, mais il n'y a jamais eu d’histoire de guerre interminable.
    Sur le plan de la sociologie, de 5 à 6 p. 100 des personnes interrogées se disent favorables à l'unification politique complète avec la Fédération de Russie, ce qui signifie qu'environ 94 p. 100 des gens veulent vivre dans leur propre maison. C'est une grande réalisation de la part de l'opposition politique qui, pendant toutes ces années, a fait la promotion de la construction d'une patrie bélarussienne.
    Le président Loukachenko doit dire que ses adversaires ont fait du chemin ces derniers temps. Le gouvernement s’est activement approprié les slogans de l'opposition. Il y a 15 ans, on scandait des slogans pour un Bélarus libre et indépendant, ce qui a mené à des emprisonnements. Aujourd'hui, M. Loukachenko parle d’indépendance, mais ce concept représente autre chose pour lui. L'indépendance est un instrument qui lui sert à renforcer son propre pouvoir.

  (1350)  

    Monsieur Dmitriev.
    Je vais répondre brièvement à votre question sur la connaissance de soi et l'identité. De nos jours, c'est une tragédie au Bélarus parce qu’au cours des 15 dernières années, le gouvernement a constamment annihilé, dans l’esprit des gens, leurs liens avec leur histoire, leur culture et leur langue. C'est une situation paradoxale dans un pays où il faut préserver sa langue nationale, qui fait partie des deux langues officielles. Il s’agit de la première langue officielle, et la majorité des gens ne la parle pas parce qu’au cours des 15 dernières années, on a créé toutes les conditions possibles pour faire d’une autre langue la première langue officielle. Il s’agit du russe, la langue dans laquelle je m’adresse à vous aujourd’hui, et non du biélorusse.
    Ainsi, au cours des 15 dernières années au Bélarus, on a fermé les écoles qui enseignaient en biélorusse. Auparavant, les gens provenaient habituellement des écoles du village où tout le monde parlait le biélorusse. Les personnes qui ont reçu leur éducation dans des écoles du village et qui se rendaient à l'université faisaient un examen écrit de langue russe, ce qui signifie que le gouvernement a tout fait... Vous comprendrez ce que je veux dire quand on parle de l'histoire centenaire du Bélarus, où les gens parlaient leur propre langue et discutaient de leur culture nationale. Cependant, il aurait été difficile de parler d'unification du pays — pas d’un partenariat, mais je parle d’unification.
    Notre histoire a commencé avec la Russie à la fin des années 1900, mais le président affirme qu’il faut être débordant de joie, car il n'y a pas de guerre et tout va bien. C'est ce dont il est question quand on parle des problèmes de société.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Marston.
    Il y a un certain nombre de points dont je veux parler.
    D’abord, ce qui m’intrigue, c'est que lorsque nous avons commencé à voir des changements en Chine, les Chinois avaient ce qu'ils appelaient le « bol de riz en fer », où le gouvernement offrait des services alimentaires à un grand nombre de personnes. Avant les changements apportés à l'Union soviétique, y avait-il une situation semblable dans votre pays?
    En outre, cela va vous sembler assez contrastant, mais j’aimerais savoir si l’on a utilisé les tribunaux contre des personnes en ce qui a trait aux exécutions sommaires dont vous parliez.
    J’ai une autre question à vous poser. Durant votre séjour au Canada, avez-vous eu ou allez-vous avoir l'occasion de rencontrer notre ministre des Affaires étrangères?
    Commençons par ces questions et nous verrons s’il nous reste du temps.
    Je vais répondre à la première question sur la situation du Bélarus. À la fin des années 1980, le Bélarus était plus prospère que la Pologne, la République tchèque ou la Slovaquie, car il était situé dans l'Ouest de l'Union soviétique, et les chefs voulaient que le pays s’inspire de l'Occident. C’était comme la situation entre l'Allemagne de l’Est et l'Allemagne de l’Ouest. Il s’agissait d’un contraste énorme, mais le monopole de l'information donnait l'illusion que nous étions très prospères.
    En 1994, le salaire moyen était d'environ 30 $. Il s’agissait de temps très durs et difficiles. Nous avons atteint le fond. Par la suite, l'économie a commencé à croître. M. Loukachenko était alors au pouvoir. Il s'agit d'une coïncidence, mais de nombreuses personnes ont associé cette croissance aux politiques du président Loukachenko.
    Anatoly.
    J'ai beaucoup d'expérience relativement à l’appareil judiciaire bélarussien, car j'ai été incarcéré plus de 10 fois. Je dois dire qu’au Bélarus, lorsqu’il y a un bâtiment sur lequel on peut lire « Cour suprême » et « tribunal constitutionnel », ce n’est qu’une façade. C’est vide de contenu à l’intérieur. Il n'y a pas de pouvoir judiciaire indépendant.
    Ce système existe. Tous les juges, sans exception, sont nommés par Alexandre Loukachenko. Le système est très développé et fonctionne « sur appel », c’est-à-dire qu’un juge rend sa décision lorsque l'administration l’appelle, sans qu’il ait examiné la constitution et les textes de loi.
    Je vais vous donner un exemple pour que vous me compreniez parfaitement. On a infligé une peine d’emprisonnement de 15 jours à un jeune homme dans le cadre d’une affaire parce qu’il avait scandé des slogans contre le président, comme le décrit la décision. Or, ce jeune homme était sourd et muet; il n’aurait pas pu crier quoi que ce soit. C'était sa tragédie personnelle, mais il a tout de même été condamné à une peine d’emprisonnement. Ce n'est qu'un exemple des poursuites judiciaires du Bélarus.
    Nous avons un énorme problème à surmonter. Il y aura des changements. Le gouvernement du Bélarus changera, et l’appareil judiciaire constituera un énorme problème pour mettre sur place un nouveau Bélarus démocratique, plus européen. Nous avons besoin de l'aide, de l'expérience et du savoir-faire du Canada. Ce serait très pertinent pour nous.
    Pour ce qui est des enquêtes sur les assassinats, les meurtres et les enlèvements, l'Assemblée parlementaire de l'OSCE en a discuté. Il s’agit d’un sujet très pertinent aujourd'hui, juste avant la campagne présidentielle.

  (1355)  

    Vous avez terminé en parlant d’une enquête. Pourriez-vous nous donner un nombre de personnes disparues — je vous ai entendu dire « enlèvement » — que l’on a retrouvées mortes?
    Je vais poser une autre question. De cette façon, vous pourrez répondre aux deux questions.
    La campagne Speak the Truth m’intéresse grandement. Dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé de la propagande qui rend la vie plus glorieuse qu’elle ne l’est vraiment. Ici, nous sommes habitués à Internet. Nous avons accès à toutes sortes de médias au Canada. Jusqu’à quel point est-ce efficace et comment allez-vous rejoindre les gens pour qu’ils disent la vérité?
    Voici quatre exemples précis d'enlèvements et de meurtres: Victor Gonchar, l'un des chefs du Parlement et du Soviet suprême du 14e Congrès; Yuri Zakharenko, ancien ministre de l'Intérieur; Anatoly Krasovsky, homme d'affaires qui a travaillé avec l'opposition; et Dmitry Zavadski, journaliste indépendant.
    Ce sont là quatre exemples précis d'enlèvements et de meurtres avec une excellente documentation probante: les noms de famille des personnes qui ont enlevé et assassiné ces victimes. Cependant, il n'y a pas eu d'examen judiciaire indépendant et, par conséquent, l'affaire est toujours en cours.
    En ce qui concerne les moyens utilisés pour établir un dialogue avec les gens, il ne fait aucun doute que nous utilisons le porte-à-porte, qui est très efficace. La seule façon de rencontrer les gens est de leur fournir directement des renseignements sur les différentes questions.
    Puis, il y a Internet, qui est de plus en plus populaire. Au Bélarus, environ 3,5 millions de personnes l'utilisent dans leur vie de tous les jours, même si elles ne lisent pas les nouvelles politiques. De plus, nous utilisons différents réseaux sociaux pour entrer en contact avec eux et nous assurer de leur participation.
    Un autre moyen important, c'est de nous assurer le concours des ONG qui disposent de réseaux nationaux, et de nous adjoindre la participation des associations de gens d'affaires, d'entrepreneurs, des femmes, des jeunes et des syndicats des Polonais qui jouent un rôle dans ces activités. De plus, nous avons des chaînes de télévision par satellite — que l'on nomme Belsat — appuyées par le gouvernement polonais. Un des domaines pour lesquels le gouvernement canadien peut influencer le cours des choses, c'est celui d'offrir son appui à Belsat, de considérer qu'il s'agit d'un projet international qui diffuse, pour le Bélarus, des émissions en biélorusse.
    En ce qui concerne Internet, je voudrais aussi ajouter qu'en ce moment, on prépare un décret présidentiel dont le but est de limiter la capacité des gens d'avoir accès à des renseignements sur Internet. Aujourd'hui, que ce soit au gouvernement ou dans les universités, il n'est pas possible de mettre sur pied un site Web pour le compte d'un organisme d'opposition. Tout est bloqué. Le matériel nécessaire a été acheté en Chine. Il s'agit d'une expérience.
    Je peux vous donner un exemple d'une discussion au sein du ministère des Communications électroniques: pourrez-vous enregistrer votre adresse courriel auprès des institutions gouvernementales ou non? Cela devrait-il être gratuit? Devrait-on payer pour l'enregistrement? Pensez-y. C'est fou. Ce qu'on nous impose, c'est de la folie: pour lire vos courriels, vous devrez vous rendre dans un organisme gouvernemental, payer des frais, certifier qu'il s'agit bien de vos courriels. Voilà ce que notre gouvernement pense qu'il faut faire en matière de renseignements sur Internet.

  (1400)  

    Pour ce qui est de la campagne Dire la vérité, l'idée derrière cela, c'est que nous avons développé des technologies pour faire connaître notre campagne, et en moins de trois mois, notre notoriété au pays est passée de 0 p. 100 à 20 p. 100. Il s'agit d'un succès retentissant, si vous connaissez un peu les technologies de l'information. Donc, nous avons mis au point nos technologies, mais les gens ont soif de vérité, vous savez, et ils peuvent enfin entendre des mots qui ont une vraie signification et de la substance, ce qui signifie que les gens viennent...
    Nous devons dire la vérité dans notre pays. Nous sommes opprimés. Il est impossible de tenir une assemblée sans que les services spéciaux soient présents. Les services spéciaux de police assistent aux assemblées, À Mazyr, ils ont dit que nous avions apporté de la drogue et que les gens venaient pour fumer plutôt que pour assister à une assemblée. Permettez-moi de vous dire que la société n'en peut plus d'entendre ces mensonges, et elle est prête à nous aider.
    Pour quelles raisons sommes-nous opprimés? Parce qu'il n'y a pas de partis politiques depuis un certain temps... même s'il existe un certain nombre d'autres partis et de pouvoirs. Cette répression a cours parce que dans notre pays, l'idéologie de l'État, c'est le mensonge. Lukashenko cherche une idéologie d'État. Eh bien, il en a trouvé une: cela s'appelle le mensonge. Voilà pourquoi nous recherchons la vérité. Sa vérité est un mensonge.
    Merci beaucoup. Cela met fin à la série de questions.
    Pour nous permettre d'avoir une série de questions de la part des députés conservateurs, je vais considérer que l'horloge indique qu'il est sept minutes avant l'heure, comme je l'ai fait ce matin.
    Monsieur Hiebert, veuillez commencer.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue.
    Un certain nombre d'entre vous a parlé des prochaines élections. Quand auront-elles lieu?
    Nous ne connaissons pas la date parce que c'est Alexander Lukashenko lui-même qui la détermine. La date limite est le 9 février. Nous avons des renseignements privilégiés qui indiquent que ce sera au cours du mois de décembre prochain.
    D'accord. Une demande a-t-elle été présentée auprès d'un organisme international, quel qu'il soit, pour observer les résultats de l'élection? Pouvez-vous nous le confirmer?
    Nous avons demandé au BIDDH de jouer le rôle d'observateur à long terme, mais ils ont besoin d'une demande officielle de la part des autorités bélarussiennes. Ils attendent que les autorités leur demandent de venir observer à long terme, et la demande ne peut être déposée avant que la date soit déterminée.
    Je vois.
    J'ai deux autres questions avant de céder la parole à mon collègue. La première concerne l'ampleur du contrôle des médias par le gouvernement. Sont-ils entièrement contrôlés par l'État?
    Deuxièmement, l'un d'entre vous a parlé du danger que le Bélarus représente pour le monde, plus particulièrement en raison des ententes avec la Syrie et l'Iran. Le comité a consacré beaucoup de temps à l'étude de l'Iran et de la menace qu'il représente. Je me demande si l'un d'entre vous pourrait nous donner plus de détails à ce sujet.
    Tous les médias sont sans contredit contrôlés par l'État et appartiennent à l'État. Même si les autorités permettent à des journaux privés d'exister, elles exercent beaucoup de pression sur les journalistes. Récemment, le KGB a mené une enquête sur quatre journalistes — des femmes —, qui ont, pour ainsi dire, été interrogées au sujet de la couverture qu'elles ont faite à propos d'affaires de corruption, mais cela n'était qu'un prétexte. La véritable raison, c'est qu'elles font partie des médias d'opposition et qu'elles sont très respectées.
    En ce qui concerne l'Iran, en ma qualité d'économiste, je me demande toujours pourquoi des projets économiques et d'investissements sont en place. Nous avons une usine d'assemblage de la voiture iranienne, la Samand, qui fabrique 250 voitures par année, mais qui prévoit en assembler 30 000. Les voies de communication étaient toujours ouvertes entre l'Iran et le Bélarus; il y avait une banque iranienne et de nombreux projets au Bélarus.
    On considère le Bélarus comme un pays qui pourrait servir d'intermédiaire entre la Russie et l'Iran pour les technologies qui sont destinées — comme nous le supposons tous — pour la fabrication d'armes nucléaires. Bien entendu, nous n'en avons aucune preuve, mais il y a de nombreuses rumeurs au Bélarus. Parler aux gens nous donne des preuves qu'en ce qui concerne ces relations économiques, l'écran de fumée officiel cache quelque chose. J'ai entendu parler d'un accord d'échange de pétrole entre l'Iran, la Russie et le Bélarus, par exemple.
    En l'absence de transparence en matière de flux d'armes et d'argent, il ne fait aucun doute que vous soupçonnez que ce genre d'ententes ne sont pas que des transactions de nature économique.

  (1405)  

     Monsieur Sweet.
    Merci beaucoup d'être venus ici et d'avoir adopté cette prise de position courageuse.
    Vous avez parlé de génocide culturel. Vous avez parlé de l'absence de liberté d'expression, de liberté de conscience et de liberté de réunion sauf, bien entendu, si Lukashenko décide que vous pouvez exercer un de ces droits. Il n'y a pas d'indépendance des tribunaux. Les arrestations sont faites au hasard. Vous devez maintenant vous enregistrer pour avoir accès au courriel et à Internet.
    Y a-t-il une source quelconque...? Vous avez parlé de journalistes qui ont... Bien sûr, comme vous l'avez aussi dit, le KGB russe est actif au Bélarus. Qu'en est-il des journalistes étrangers? Sont-ils en mesure de propager les nouvelles? Jouissent-ils d'une forme de liberté quelconque, ou Lukashenko les traite-t-il avec la même irrévérence et la même impunité?
    En ce qui concerne la présence internationale en matière d'information, il existe certaines occasions en Russie. Comme au Bélarus, il y a environ cinq ou six chaînes de télévision. Cependant, les autorités bélarussiennes ont interdit certaines émissions russes en raison des problèmes qu'elles ont eus récemment avec le Kremlin. Pour ce qui est du reste, tout est étroitement contrôlé. Comme mes collègues l'ont dit, la chaîne de télévision Belsat a tenté, sans succès, d'obtenir une accréditation officielle. Elle travaille donc dans l'illégalité et pourrait, selon toute vraisemblance, faire l'objet de poursuites judiciaires.
    Au cours de la campagne présidentielle de 2006, il y avait environ 1 000 personnes en prison en même temps que moi. Parmi celles-ci, il y avait un certain nombre de journalistes étrangers, dont certains venaient du Canada. L'un d'entre eux était mon voisin de cellule.
    Nous aimerions beaucoup que des journalistes canadiens viennent au Bélarus. Ils pourraient observer la situation et rapporter ce qui s'y passe. C'est si important. Il est primordial que des renseignements sur le Bélarus parviennent aux médias canadiens. Ainsi, il serait plus facile, pour les politiciens et les responsables canadiens d'avoir une incidence sur la situation.
    Monsieur le président, je veux simplement conclure avec ceci: j'ai devant moi un profil du Bélarus préparé par la BBC qui dit, au cas où quiconque douterait de la validité des témoignages et du courage de nos témoins, que le président Lukashenko est le « dernier dictateur de l'Europe ».
    Je veux simplement dire à nos témoins — et je suis certain que je peux parler au nom de mes collègues — que l'aide que vous avez demandée et vos recommandations particulières seront sans aucun doute étudiées sérieusement et que nous assurerons un suivi par la suite.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Puisque nous avons dépassé l'heure limite que nous nous étions fixée, je tiens à profiter de l'occasion pour remercier les témoins d'être venus et pour remercier les membres du comité d'avoir accepté d'assister à deux séances aujourd'hui pour accommoder les deux groupes de témoins que nous avons accueillis. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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