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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 019 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1250)  

[Traduction]

    Merci beaucoup. La séance est maintenant publique.
    Monsieur Dorion, veuillez poursuivre avec votre motion. Pourriez-vous reprendre du début, s'il vous plaît?

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Il s'agit d'une motion d'appui au Conseil des droits de l'homme de l'ONU et à l'Examen périodique universel. Elle se lit comme suit:
Que le Sous-comité des droits internationaux de la personne demande au gouvernement qu’il renouvelle sa candidature au Conseil des droits de l’homme de l’ONU et manifeste tout son appui à cet organisme; Que le Sous-comité demande également au gouvernement du Canada de profiter de l’examen qui s’amorce sur les activités et le fonctionnement du Conseil des droits de l’homme pour appuyer le renforcement de l’efficacité et de la crédibilité de l’Examen périodique universel en suggérant notamment: Que soit attribué à l’examen davantage d’heures que les trois heures actuellement accordées; Que plus de place soit faite aux ONG et aux institutions nationales lors du dialogue interactif; Que des experts indépendants soient entendus; Et que le Sous-comité fasse rapport de cette motion au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international afin que ce dernier en fasse rapport à la Chambre.
    Monsieur le président, lors de la dernière réunion du comité, mardi, MM. Sweet, Cotler et Marston ont tous tenu à faire ajouter, dans la première partie du rapport, certaines préoccupations des témoins sur le processus même de l'Examen périodique universel. La motion que je présente aujourd'hui va exactement dans ce sens. En effet, il m'apparaît essentiel que le Canada participe à la révision de l'Examen périodique universel que vient d'entamer le Conseil des droits de l'homme. Le processus en est à la moitié de son premier cycle de quatre ans. Évidemment, pour que le Canada puisse participer à l'amélioration du processus, encore faut-il qu'il soit membre du Conseil des droits de l'homme.
    Récemment, j'ai assisté à une table ronde avec de nombreux experts sur le processus de révision de l'EPU et le bilan de mi-cycle. De nombreux avantages et succès de l'Examen périodique universel ont été soulignés, mais aussi d'importantes lacunes. Le processus fonctionne et il est efficace, mais plusieurs changements pourraient le rendre encore plus fonctionnel et efficace. Pour ce faire, il faut que le Canada renouvelle son adhésion au Conseil des droits de l'homme et qu'il ajoute sa voix aux discussions entourant l'Examen périodique universel. Je comprends que la partie gouvernementale souhaite parfois remettre en cause la crédibilité même du Conseil des droits de l'homme. En effet, si je comprends bien ce que certains ont déclaré lors de la dernière réunion du comité, des pays membres du CDH violent les droits de l'homme. Il est à noter qu'aux yeux d'autres pays, le Canada viole aussi des droits, ceux des Autochtones, notamment. Par ailleurs, la politique de la chaise vide n'a jamais été une bonne politique. Il ne faut pas s'exclure du débat, il faut y contribuer. Rappelons que même les États-Unis ont adhéré au Conseil des droits de l'homme en 2009 et que le Canada aurait dû renouveler son adhésion à ce moment-là, mais ne l'a pas fait.
    La motion présente les principaux changements proposés par des experts en la matière à l'échelle internationale. J'ai d'ailleurs préparé une brève mise en contexte qui présente ces experts et les circonstances dans lesquelles l'idée m'est venue de rédiger la présente motion. Je crois qu'il faut absolument que le Canada fasse preuve de leadership pour ce qui est de l'amélioration du processus de l'Examen périodique universel. Si la motion est adoptée, monsieur le président, on pourrait même inclure certains éléments de cette réflexion à la partie I de notre rapport, par exemple le renouvellement de l'adhésion du Canada au Conseil des droits de l'homme afin de participer au processus de révision de mi-cycle de l'Examen périodique universel et d'apporter des améliorations à ce dernier.
    Monsieur le président, c'est le but de cette motion.
     Y a-t-il d'autres commentaires?
    Mr. Marston, please.

[Traduction]

    Monsieur le président, j'aimerais simplement dire que, dans toute cette discussion sur le Conseil des droits de l'homme, des inquiétudes sont assez souvent soulevées par rapport à certains pays qui siègent au conseil, dont la réputation est très discutable en matière de droits de l'homme. Puisqu'il s'agit d'une des très rares occasions sur la scène internationale, si ce n'est la seule, de pouvoir lutter contre le racisme et contre les violations des droits de la personne, je pense qu'il est essentiel, étant donné la réputation du Canada, que nous siégions au conseil. Nous ne pouvons nous contenter d'observer la scène et de montrer du doigt les mauvais acteurs. Nous devons donner l'exemple et orienter les autres selon notre point de vue.
    Nous ne sommes pas des saints en matière de droits de la personne, mais notre pays a quand même un bon bilan. Je demande avec beaucoup d'insistance aux membres du comité d'appuyer cette motion.
    J'aimerais simplement rappeler aux membres que, puisque nous travaillons à huis clos sur notre rapport, nous ne pouvons pas aborder... Le fait que nous travaillons sur un rapport n'est un secret pour personne, mais pour l'instant, nous ne pouvons faire aucunement référence à l'information qu'il contient lors d'une séance publique. Merci.
    Est-ce que quelqu'un d'autre a des commentaires? Monsieur Silva, s'il vous plaît.
    J'essaie de trouver une façon de pouvoir appuyer la motion. Évidemment, je veux que le Canada renouvelle sa candidature au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, mais, en même temps, j'ai un problème avec le conseil tel qu'il est.
    J'aimerais donc proposer un amendement favorable, s'il est acceptable. À la suite des mots « manifeste tout son appui », j'aimerais ajouter « pour réformer et consolider le conseil ». De cette façon, je pourrais appuyer la motion. Sinon, je ne le pourrais pas, car je crois que le conseil tel qu'il est a sérieusement besoin d'être réformé. Il y a beaucoup de préoccupations au sujet du conseil. Il y a maintenant certains pays qui votent en bloc pour faire valoir leurs propres intérêts aux dépens de ceux de certaines démocraties occidentales.
    Des professeurs des droits de la personne, dont certains m'ont enseigné, m'ont dit que la situation est pire qu'à l'époque de la commission.

  (1255)  

    Donc « réformer et consolider le conseil » est un amendement. Voyons voir si M. Dorion considère qu'il s'agit d'un amendement favorable. Dans l'affirmative, nous pouvons l'adopter sans en discuter, mais sinon, il faudra en débattre.

[Français]

    Monsieur Dorion, est-ce que c'est un amendement acceptable, selon vous?
    Est-ce qu'on ne pourrait pas faire un compromis et parler plutôt d'améliorer le conseil?
    Améliorer le conseil?
    C'est dans l'esprit de ce que propose M. Silva, mais c'est peut-être un peu moins radical.

[Traduction]

    Monsieur Silva, comme point de départ, est-ce que ce serait...?
    Le mot « améliorer » signifie rendre meilleur, mais je ne suis pas certain qu'il signifie aussi réformer.
    Les deux mots ne veulent pas dire la même chose. « Réformer » ne signifie pas nécessairement « améliorer ».
    M. Dorion a fait savoir que la modification, telle que proposée au départ, n'est pas un amendement favorable. Nous discutons donc maintenant de l'amendement.
    Est-ce que quelqu'un veut en discuter, ou bien pouvons-nous passer au vote?
    Monsieur Marston.
    Ma question porte sur le but de la motion proposée. La motion est-elle traitée de façon autonome ou bien est-ce quelque chose que nous essayons d'intégrer à notre rapport? J'ai cru comprendre qu'il s'agit d'une motion autonome sans lien avec le rapport.
    C'est exact. Telle que proposée, la motion est traitée de façon autonome. Rien ne nous empêche d'ajouter quelque chose de semblable dans le rapport. Il faudrait toutefois suivre un autre mécanisme.
    Je n'espérais pas qu'elle soit ajoutée au rapport, car je donne mon appui à la motion parce qu'il s'agit d'une motion autonome, distincte de...
    Pour l'instant, c'est comme cela que nous la traitons.
    Nous discutons maintenant de l'amendement.
    Monsieur Hiebert.
    Je me demandais seulement si quelqu'un pouvait me donner plus d'information. Savons-nous si le Canada a renouvelé sa candidature? S'il ne l'a pas fait, a-t-on obtenu des explications à cet égard?

[Français]

    Monsieur Dorion?
    À ma connaissance, le Canada n'a pas fait cette demande, à moins que les gens du gouvernement ne possèdent des informations que nous n'avons pas.

[Traduction]

    Avant que nous passions au vote sur la motion, je préférerais que nous vérifiions si c'est effectivement le cas. Je crois que nous devons avoir toute l'information en main. Soit que le Canada a renouvelé sa candidature, soit qu'il ne l'a pas fait, parce qu'il avait peut-être de bonnes raisons de ne pas le faire. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure d'en juger ou de savoir ce qu'il en est.
    Très bien. Le temps nous presse en ce moment.
    Je vais vérifier la procédure auprès de la greffière.
    La greffière me dit que, si nous interrompons la discussion maintenant, nous devrons la reprendre là où nous l'avons arrêtée, ce qui signifie essentiellement que l'amendement n'existera plus. Il pourrait être présenté une nouvelle fois, mais nous le reprendrions ou... Quoi qu'il en soit, nous n'avons plus le temps de poursuivre cette discussion.
    N'y aurait-il pas un débat au sujet de l'amendement?
    Selon la procédure, il semblerait que non, mais, franchement, c'est une question que nous pouvons régler hors session, car les règles seront les mêmes, que je vous les expose correctement maintenant ou non.
    Lors d'une prochaine réunion, il va falloir déterminer un temps pour aborder la question. Puisque nous recevons un témoin dans quelques minutes, je vais devoir planifier cela plus tard. Je demanderais à la greffière de prévoir une réunion extraordinaire pour que nous puissions poursuivre la discussion. J'espère que tout le monde est d'accord.
    Très bien. Je suspends la séance. En réalité, cette séance est levée, et nous en commencerons une nouvelle bien que ce ne soit pas officiellement le cas. Je suspends la séance pour laisser entrer le témoin.
    Merci beaucoup.

  (1305)  

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude des droits de la personne au Venezuela.
    Nous accueillons aujourd'hui Ligia Bolivar, co-fondatrice et membre du conseil d'administration du Programme vénézuélien d'éducation — Action en droits humains. Nous sommes très heureux qu'elle ait pu se joindre à nous. Elle a parcouru des milliers de kilomètres pour être ici. Donnons-lui toute notre attention pendant qu'elle nous présente son exposé. Merci beaucoup.
    Vous pouvez commencer dès que cela vous conviendra.

[Français]

[Traduction]

    Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité des droits internationaux de la personne.
    Au cours de l'été 1999, le Venezuela a adopté une nouvelle constitution comprenant l'une des listes de dispositions les plus complètes en matière de droits de l'homme, mais son cadre institutionnel plutôt faible ne permet pas d'assurer le respect et l'exercice de ces droits. Le gouvernement s'est habilement servi de la nouvelle constitution pour prendre progressivement le contrôle de presque toutes les institutions. Le manque d'indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire, de l'appareil électoral et du prétendu « pouvoir du citoyen » vis-à-vis du pouvoir exécutif tient non seulement au fait que les membres qui sont nommés sont manifestement associés au parti au pouvoir, mais aussi à l'ingérence directe dans leurs fonctions.
    L'un des exemples probablement les plus scandaleux à cet égard est une déclaration de la présidente de la Cour suprême en décembre 2009: « Nous ne pouvons pas continuer à penser au partage des pouvoirs parce que c'est un principe qui affaiblit l'État. »
    Il est vrai que les droits de l'homme peuvent être violés n'importe où, et qu'ils le sont effectivement. Toutefois, l'existence de freins et de contrepoids dans une société démocratique permet aux victimes d'obtenir réparation. Les pouvoirs ne sont pas partagés au Venezuela, et c'est ce qui rend les victimes impuissantes.
    En matière de droit à la liberté d'expression, le gouvernement vénézuélien se sentirait bien plus à l'aise s'il pouvait contrôler tous les pouvoirs non officiels, comme les médias. C'est ce qui explique les tentatives répétées du gouvernement de réduire l'influence du journalisme indépendant. Dans ce secteur, on voit couramment: la fermeture de médias qui critiquent le gouvernement; la confiscation d'équipement; le retrait des permis de diffusion de stations de radio; et la détention de photojournalistes pour de courtes périodes, dont le matériel est confisqué et détruit.
    Aussi, nous savons qu'au moins un journaliste a fait l'objet de poursuites criminelles et qu'il a passé huit mois et demi en prison. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans et demi pour des allégations de corruption. L'affaire a été dénoncée par le système interaméricain de même que par des ONG internationales.
    Des agences de publicité ont fait l'objet de pressions de la part du gouvernement pour qu'elles retirent des publicités diffusées par certains médias critiques à l'endroit du gouvernement. Il est important de noter que la seule entreprise pour laquelle nous savons qu'il existe une preuve écrite de ces pressions est une entreprise canadienne. De plus, des médias, des propriétaires de médias et des journalistes ont été soumis à des procédures disciplinaires, administratives et criminelles. Des groupes civils proches du gouvernement ont attaqué le siège social de certains médias et le domicile de certains journalistes à l'aide d'armes à feu et d'explosifs.
    Le droit à la liberté d'expression comprend aussi le droit à la recherche d'information. Toutefois, il arrive bien souvent que des organismes publics n'invitent pas les journalistes et les médias critiques à l'égard du gouvernement aux points de presse, ou bien qu'ils leur en interdisent l'accès. Les porte-parole du gouvernement refusent de faire des déclarations aux médias, et il est difficile d'avoir accès aux renseignements et aux statistiques ayant trait à des questions d'ordre public comme la santé, l'éducation, l'emploi et le logement.
    En ce qui concerne le droit à la propriété, l'« Observatorio de la Propiedad » dit qu'il y aurait eu 762 expropriations entre 2005 et 2009. Cela touche une grande variété de propriétés, comme des terres agricoles, des terrains urbains, des bâtiments et des logements, des universités, des centres culturels, des entreprises ou des usines, des médias, des entreprises de télécommunications, des commerces, des centres commerciaux, des hôtels, des sites touristiques, des entrepôts, des grossistes et des banques.
    Selon la loi, seuls les tribunaux peuvent donner un avis d'expropriation, qui doit être accompagnée d'une compensation. Cependant, dans bien des cas, l'avis d'expropriation a été donné par voie d'acte administratif, et la compensation, déterminée de façon unilatérale, n'a été payée qu'avec extrêmement de retard, le cas échéant. Seules les sociétés multinationales expropriées ont reçu une compensation. Aucun société nationale n'a été expropriée. Dernièrement, la tendance montre qu'on s'est servi des expropriations à titre de sanction pour des violations présumées aux règlements administratifs ou économiques, commises dans certains cas pour des motifs politiques.
    Pour ce qui est du droit de protester pacifiquement, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a remarqué que les articles 357 et 360 du code pénal restreignent le droit de manifester pacifiquement et celui de faire la grève pour des revendications professionnelles.

  (1310)  

    De plus, l'article 56 de la Loi organique sur la sécurité nationale prévoit des peines d'emprisonnement de 5 à 10 ans pour toute personne réputée avoir créé des conditions propices à un conflit sur un lieu de travail appartenant aux principales industries de l'État.
    La commission a obtenu des renseignements selon lesquels cet article aurait été invoqué à plus de 70 reprises au cours de l'année 2008. Selon Provea et Espacio Publico, le nombre de protestations pacifiques a presque doublé entre 2006 et 2009, et la répression s'est aussi intensifiée. En novembre 2009, Provea a dénombré 2 240 personnes qui faisaient face à des accusations criminelles pour avoir pris part aux manifestations. Ce sont pour la plupart des travailleurs, des dirigeants syndicaux, des étudiants et des leaders sociaux. Par exemple, il s'agit de 1 507 paysans, détenus en attendant leur procès; de métallurgistes qui travaillent pour SIDOR, détenus depuis 2006 en attendant leur procès même s'ils devaient l'être pour un maximum de deux ans; et d'employés de la mairie de la métropole.
    Il est aussi important de prendre note que la moitié des travailleurs et des dirigeants syndicaux qui font face à des accusations criminelles pour avoir manifesté sont des « Chavistas », c'est-à-dire des sympathisants et des partisans du président Chávez. En un an, six personnes ont été tuées au cours de manifestations. Le plus souvent, les revendications des manifestants portent sur les droits des travailleurs, les services sociaux et les droits en matière d'éducation.
    En ce qui a trait à la persécution politique, quelque 40 personnes sont toujours en prison pour des motifs politiques, et bien d'autres subissent un procès ou ont été condamnées. Bien que les porte-parole du gouvernement affirment qu'il n'y a aucun prisonnier politique, mais qu'il y a plutôt des politiciens en prison, presque tous les cas présentent des caractéristiques semblables: les procès durent extrêmement longtemps; la majorité des appels et des autres recours sont rejetés systématiquement; les accusations criminelles sont exagérées afin de garder l'accusé en prison; les accusations de corruption sont souvent trafiquées à des fins politiques; et les preuves à l'avantage des prévenus sont fréquemment écartées. En somme, le droit à un procès équitable est sérieusement menacé.
    En outre, au cours des dernières années, on a utilisé un mécanisme pour limiter les chances que des membres de l'opposition puissent se porter candidats à une charge publique, une restriction découlant de résolutions administratives. Selon la loi, de telles restrictions, appelées inhabilitaciones, peuvent seulement être appliquées lors de procès criminels à titre de peine accessoire, après que la peine finale a été déterminée.
    Avant les élections régionales de novembre 2008, les droits politiques de quelque 400 personnes ont été brimés par des mesures administratives. Au cours des deux dernières semaines, au moins huit — il y en avait sept lorsque j'ai envoyé mon texte, mais huit hier soir — candidats à l'Assemblée nationale ont été soumis à de telles restrictions en prévision des élections du Congrès qui devraient avoir lieu en septembre 2010.
    Il arrive fréquemment que les défenseurs des droits de la personne soient harcelés, privés de l'exercice de leurs droits, menacés et incriminés, tant dans les déclarations publiques des porte-parole du gouvernement qu'au moyen de gestes directs. La Commission interaméricaine des droits de l'homme ou la Cour interaméricaine des droits de l'homme ont pris des mesures pour assurer la protection d'au moins cinq défenseurs ou groupes de défenseurs des droits de la personne.
    Un projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale pour réglementer la coopération internationale afin de limiter l'aide internationale accordée aux ONG locales, y compris les organismes pour les droits de la personne. Le libellé du projet de loi est extrêmement vague, laissant libre cours à l'interprétation discriminatoire. Bien que le projet de loi n'ait pas encore été adopté, certaines des dispositions qu'il contient ont déjà été imposées à des organismes oeuvrant pour les droits de la personne.

  (1315)  

    Dans le cadre des enquêtes entourant la tentative de coup d'État en avril 2002, un document, publié par l'Assemblée nationale, désignait un certain nombre d'organisations qui travailleraient prétendument dans le sens des « objectifs de l'Empire »: l'Association interaméricaine de la presse, Human Rights Watch, les partis de droite au sein du Parlement européen et du Mercosur, le département du Trésor des États-Unis, l'Internationale démocrate-chrétienne et l'Organisation démocrate chrétienne d'Amérique, les prétendus responsables de la lutte antidrogue aux États-Unis, la FBI, la CIA, le Mossad et leurs agents au sein de différents services de renseignement partout au monde, le Rendon Group, les réseaux de télévision CNN, ABC News, Televisa, Univision, FOX, CBS, TV Azteca et TV Globo, le groupe PRISA, la presse écrite contrôlée par l'élite dans des pays qui se plient aux intérêts des États-Unis, la Commission interaméricaine sur les droits de l'homme et l'International Republican Institute.
    Comme je viens de l'expliquer, le manque d'indépendance entre les différents pouvoirs menace sérieusement le respect des droits de la personne. La permanence des juges a toujours été un problème au Venezuela. D'ailleurs, le premier rapport annuel que Provea a publié en 1989 en faisait mention. Pendant quelques années, on a pu observer une hausse du nombre de juges de carrière. Cette tendance s'est sérieusement renversée après 1999, lorsque l'assemblée constitutionnelle a décrété l'état d'urgence au sein du système judiciaire. Depuis, la proportion de juges de carrière a chuté pour atteindre 10 p. 100. Pour comprendre les problèmes afférents à l'administration de la justice, il est essentiel de connaître ce manque de stabilité, de même que de savoir que les avocats qui intègrent le système judiciaire sont embauchés sur une base discrétionnaire.
    Une étude récente montre que l'autorité responsable de trancher lors de poursuites contre l'administration publique — le Contencioso administrativo — évite de se prononcer sur les affaires sur le fond. Ses décisions semblent se limiter à des formalités. Il est important de mentionner qu'en octobre 2003, trois des cinq magistrats de la Cour suprême des litiges au sein de l'administration ont été renvoyés pour une présumée erreur judiciaire impardonnable dans un dossier qui allait à l'encontre de l'administration centrale.
    Il est facile de comprendre pourquoi les nouveaux magistrats évitent de se mêler des questions de fonds pouvant prêter à controverse au détriment de l'administration, quand on sait que leurs trois autres prédécesseurs ont été renvoyés sans procédure administrative ni disciplinaire. La Commission interaméricaine a porté l'affaire devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui a donné raison aux magistrats. Toutefois, la Cour suprême a déterminé que cette décision ne pouvait pas s'appliquer. C'était la première fois que la Cour suprême se prononçait ouvertement à l'encontre d'une décision rendue par la Cour interaméricaine.
    Monsieur le président, je ne peux pas conclure mon exposé sans mentionner le cas de Maria Lourdes Afiuni, une juge permanente depuis 2006. Le 10 décembre 2009, après que plusieurs juges et procureurs aient refusé de tenir une audience sur le dossier d'Eligio Cedeño, la juge Afiundi a accepté d'entendre l'affaire. Cedeño était en détention préventive sans procès depuis plus de deux ans. Au cours de l'audience, la défense a présenté sa requête de nouveau, et le juge Afiuni a décidé de mettre Cedeño en libération conditionnelle en attendant son procès et de lui imposer d'autres restrictions, plutôt que de le garder en détention préventive.
    Dans l'affaire Cedeño, la juge a basé sa décision sur le code criminel du Venezuela de même que sur des recommandations d'un rapport publié par le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire. Moins d'une heure après que la juge Afiuni ait pris sa décision, un groupe de policiers des services du renseignement et de la prévention se sont rendus au bureau central du tribunal pour procéder à son arrestation, de même qu'à celle de deux officiers de justice, et ce, sans mandat.
    Le 11 décembre, le président Chávez a dit que la juge Afiuni était un bandit qui méritait 30 ans d'emprisonnement. Sa déclaration a été diffusée simultanément sur les ondes de la télévision et de la radio nationales. Le même jour, le procureur général, qui a assisté à la déclaration présidentielle, a contraint la juge Afiuni de comparaître devant un tribunal pénal pour répondre à des accusations de corruption, d'abus de pouvoir, d'évasion fiscale et de manoeuvres frauduleuses, et il a déterminé que la juge Afiuni serait détenue à l'Institut national d'orientation féminine, ou INOF.

  (1320)  

    Dans le cadre de son travail, la juge Afiuni avait prononcé la peine de 24 autres détenues de l'INOF, dont sa voisine de cellule. Depuis qu'elle y est, des prisonnières extrêmement dangereuses, dont certaines ont été condamnées pour homicides multiples et pour trafic de stupéfiants, l'ont plusieurs fois menacée de mort et ont tenté de l'assassiner à plusieurs reprises. Le 10 juin, la juge Afiuni aura passé six mois dans cette prison. Des organismes défenseurs des droits internationaux de la personne ont essayé à plusieurs reprises de porter l'affaire en appel en son nom, mais en vain.
    L'administration de la justice a tout d'abord ignoré les décisions des organismes des droits internationaux de la personne, avant de les déclarer non applicables, pour finir par emprisonner une juge qui a osé appliquer une décision de l'ONU.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous disposons de 40 minutes. La meilleure façon de diviser notre temps, c'est d'accorder 10 minutes à chaque série de questions et réponses. Comme d'habitude, nous allons commencer par les libéraux, puis les bloquistes, les néo-démocrates et les conservateurs.
    Monsieur Silva, on vous écoute.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier infiniment pour votre exposé. C'était très bien détaillé.
    Une des questions sur lesquelles vous avez insisté, c'est le manque de séparation des pouvoirs. Vous avez montré comment cette séparation est nécessaire pour qu'il y ait des freins et contrepoids au sein du gouvernement, particulièrement dans le système judiciaire. Vous avez d'ailleurs cité les propos très troublants faits par le président de la Cour suprême: « Nous ne pouvons pas continuer à penser à une division des pouvoirs parce que c'est un principe qui affaiblit l'État. »
    J'ai également entendu dire — et vous pourriez peut-être nous éclaircir là-dessus —, que M. Chávez a remanié la Cour suprême et qu'il a élargi sa composition de façon à inclure tous ses partisans. Il y a donc eu un changement à la Cour suprême: on a augmenté le nombre de ses membres et on a placé uniquement des gens qui sont de vrais révolutionnaires, comme M. Chávez les appelle, pour s'assurer que son programme est suivi.
    Pourriez-vous nous parler un peu de cette situation et nous expliquer ce qui s'est passé?

  (1325)  

    Voulez-vous dire la nomination de nouveaux...
    C'est exact.
    Dans la nouvelle Constitution, le nombre de membres de la Cour suprême a augmenté. De plus, une disposition stipule que les nominations des juges à la Cour suprême, de même que les nominations du procureur général, de l'ombudsman et d'autres figures clés du système judiciaire doivent être effectuées à la suite d'un processus dans cadre duquel un comité de sélection étudie le dossier des candidats.
    Ne prenez pas les chiffres au sérieux, mais je pense qu'il y a environ 11 représentants de la société. C'est ce que la Constitution prévoit: 11 personnes ou représentants de la société. Le hic, c'est que l'Assemblée nationale a interprété que ces gens sont des représentants de la société. La plupart de ces 11 postes ont donc été transférés au comité de l'examen. Autrement dit, la participation de la société civile est presque symbolique. Et bon nombre des représentants de la société civile sont étroitement impliqués dans le projet révolutionnaire du président.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    En partie, mais d'après ce que j'ai cru comprendre — et c'est pourquoi j'aimerais que vous me corrigiez si je me trompe —, peu importe le nombre des membres à la Cour suprême, le nombre a été révisé à la hausse. Je me rappelle avoir entendu M. Chávez dire, à un moment donné, qu'il veillerait à ce que toutes les personnes nommées soient, pour reprendre ces mots, je crois, « de vrais révolutionnaires ». Il ne s'excuse pas de vouloir créer une révolution à la cubaine au Venezuela et il nomme des gens qui partagent ce point de vue. C'est ce que j'avais lu et entendu, mais je tenais à ce que vous nous éclairiez là-dessus. Je veux également m'assurer de l'exactitude des faits dont je dispose.
    Votre interprétation est juste. Je n'irais pas jusqu'à dire que la situation ressemble à celle de Cuba, même si je suis sûre que M. Chávez aimerait que ce soit le cas. Ce n'est pas tout à fait la même situation parce qu'il existe toujours une certaine résistance dans la société, bien que cette résistance soit largement symbolique; dans la pratique, c'est vrai. La Constitution prévoit un plus grand nombre de membres de la Cour suprême et, dans la pratique, ces membres ont été nommés selon la volonté de M. Chávez, qui est de nommer « des gens étroitement impliqués dans le processus ». Par exemple, à la séance d'ouverture de la Cour suprême, il y a trois ans, qui marquait l'ouverture officielle de l'année judiciaire, tous les juges présents se sont mis à crier, à applaudir et à chanter « Oh, ah, Chávez ne s'en va pas », « O, ah, Chávez no se va ». Et on parle bien des juges.
    Alors, vous diriez qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas de séparation entre le gouvernement, le système judiciaire et les procureurs. C'est tout lié. Est-ce l'argument que vous voulez faire valoir au comité?
    Oui, c'est l'un des points que je voulais soulever: le manque d'indépendance et l'absence de freins et contrepoids.

  (1330)  

    D'accord. Merci beaucoup.
    Y a-t-il d'autres questions? Il reste encore un peu de temps.
    Oui, monsieur Pacetti, allez-y.
    Merci pour votre déclaration.
    J'ai une question à vous poser à titre d'information. À la page 3 de votre mémoire, vous dites: « Il est intéressant de noter que la moitié des travailleurs et des dirigeants syndicaux face à des accusations criminelles pour des démonstrations sont des “chavistes”... » Ils sont donc, malgré tout, emprisonnés. N'y a-t-il pas là une contradiction?
    Ce que je veux dire, c'est que toute personne qui est perçue par les autorités comme étant contre le soi-disant processus sera persécutée de toute façon. Mentionnons le cas emblématique de Rubén Gonzáles, un dirigeant du syndicat des métallurgistes. Il est en prison pour avoir déclenché une grève. L'industrie métallurgique est considérée comme une industrie clé pour la sécurité du pays, d'où l'interdiction des grèves. En réalité, le syndicat réclamait quelque chose de fondamental pour tout travailleur, à savoir l'expiration de leur convention collective. Ce dirigeant syndical est maintenant en prison; par la suite, un autre groupe de travailleurs a manifesté dans les rues pour protester contre son emprisonnement, mais ils ont été, eux aussi, emprisonnés.
    Vous dites que personne n'est vraiment protégé au Venezuela. Que vous soyez un sympathisant ou non, cela peut arriver n'importe quand.
    C'est la tendance actuelle. Ce n'était pas le cas il y a quelques années, mais c'est ce qui se passe de plus en plus maintenant. Même si vous exprimez votre soutien au projet du président Chávez, si vos gestes sont interprétés comme étant susceptibles de compromettre son projet, alors attendez-vous à des conséquences.
    J'ai une question sur les expropriations. Quand on effectue une expropriation, ne signe-t-on pas de contrat? N'y a-t-il rien de signé? Est-ce seulement une petite phrase comme « Merci, et à plus tard. »
    C'est plus ou moins le cas.
    Comme je l'ai dit, en vertu de la loi et de la Constitution, les expropriations ne peuvent avoir lieu qu'au terme d'une procédure judiciaire, mais ce sont des lois administratives. C'est plus ou moins comme si on disait: « Merci, et on verra si on peut vous payer. » Les seules fois où des compensations ont été payées, ce sont dans les cas des multinationales et des banques, entre autres.
    J'ai revérifié cette information parce que je savais que j'allais dire quelque chose qui paraîtrait très exagéré, et c'est confirmé. Pas une seule entreprise nationale n'a reçu de compensation pour l'expropriation.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Dorion, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Récemment au Venezuela, on a assisté au sein du gouvernement à la démission de personnages importants qui, à ce jour, avaient appuyé le gouvernement Chávez. Selon vous, y a-t-il un lien entre ces démissions et la question des droits de la personne?

[Traduction]

    À l'appui de quoi...? Je n'ai pas pu saisir la question.
    Pouvez-vous préciser?

[Français]

    Les médias ont fait état du fait que des personnes avaient démissionné et qu'il s'agissait de gens qui, quelques semaines ou quelques mois auparavant, soutenaient le président Chávez. Y a-t-il un lien entre ces démissions et l'évolution de la situation des droits de la personne au Venezuela?

[Traduction]

    Je pense que vous faites allusion au gouverneur de Lara et à l'ancien directeur de l'organisme national de lutte contre les catastrophes et...?
    M. Jean Dorion: Oui.
    Mme Ligia Bolivar Osuna: Je dirais qu'indirectement, oui, mais pas directement. Dans le cas du gouverneur de Lara, comme dans d’autres cas, Chávez a décidé un jour, dans les coulisses, d’exproprier les entrepôts de Polar. Polar est le plus grand producteur alimentaire au Venezuela, et l’entreprise subit maintenant d'importantes pressions de la part du gouvernement. Les usines de Polar se trouvaient à Lara. Toutefois, le gouverneur de la région a refusé de procéder à l’expropriation parce que le motif de Chávez était apparemment de construire des ensembles résidentiels là-bas. Le gouverneur a expliqué son refus en disant: « Ce n'est pas un quartier résidentiel; c'est un quartier industriel, et cela fait partie du plan de la ville. Je veux parler aux gens d’ici, ouvrir un dialogue avec les propriétaires de Polar et trouver des solutions de rechange. » Je pense que le mot « dialogue » n'a pas la cote auprès du président Chávez. C'est ce qui explique la confrontation.
    Le gouverneur a fini par démissionner de son parti et changer d'allégeance politique. Il fait maintenant face à un procès et à une persécution. Il est ouvertement qualifié de traître et de tout le reste.
    Alors, il était indirectement lié à ce cas particulier, qui se rapporte également aux droits de propriété.
    Dans le cas de l'ancien directeur de la protection secrète, ou peu importe le nom de la division, il n'a pas parlé directement de droits de la personne. Mais il a convoqué une conférence de presse où il a fait des accusations très sérieuses — je ne peux pas vous donner les détails parce que ce n'est pas lié à mon domaine d'intérêt — en ce qui concerne la présence de Cubains dans les forces armées. C'était tout.

  (1335)  

[Français]

    Nous avons entendu des témoignages comme le vôtre, mais nous avons aussi entendu des points de vue différents. En ce qui concerne les stations de radio et de télévision qui ont perdu leur permis, certains disent qu'il s'agissait de stations qui prônaient le renversement du gouvernement par la violence.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

[Traduction]

    Je n'ai pas besoin de répondre à cette question directement. Je pourrais vous renvoyer... et si le comité le veut, je peux vous remettre l'information plus tard. L'excuse officielle, c'est que leur permis était venu à échéance. Mais dans la pratique, on peut dire qu'il y a une certaine motivation politique, notamment le fait de les accuser d'appuyer des gens qui conspirent contre le gouvernement. C'est l'excuse officieuse. Mais la raison officielle a toujours été désignée comme le résultat d'une décision juridique. Dans le cas de Radio Caracas Televisión, c'était lié à l’expiration du permis, et le gouvernement avait décidé d'user de son droit souverain pour ne pas le renouveler.

[Français]

     Quels que soient les excuses ou les motifs officiels ou officieux, j'aimerais savoir ce que vous pensez des fréquentes accusations selon lesquelles ces stations de radio et de télévision prônaient le renversement du gouvernement par la violence.

[Traduction]

    Si c'était le cas, la procédure aurait été un procès pénal, et non pas une décision administrative de retirer les antennes ou d'arrêter la transmission du signal. On peut dire que dans le contexte de polarisation au Venezuela, les deux camps, pour ainsi dire, se sont montrés très agressifs dans les médias — tant les médias appartenant au gouvernement que ceux de l'opposition. Par contre, je ne me souviens d'aucun appel particulier à renverser le gouvernement. Le cas échéant, il aurait dû y avoir des procédures pénales, et non pas administratives, contre les auteurs.

  (1340)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Des gens disent qu'on parle des droits politiques et juridiques, mais qu'il y a aussi les droits socioéconomiques, et que la population la plus pauvre du Venezuela a vu sa qualité ou son niveau de vie s'améliorer sous le régime actuel. Croyez-vous que ce soit le cas?

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que le gouvernement du président Chávez a fait des efforts pour améliorer des domaines comme la santé. Si vous vous reportez au mémoire, vous verrez que la plupart des manifestations portent sur des revendications dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les services. Alors, il est évident que les gens ne sont pas très heureux des résultats.

[Français]

    Il a été question d'interventions étrangères au Venezuela, notamment d'interventions cubaines ou américaines.
    Croyez-vous que ce soit un facteur important du combat entre les deux blocs dont vous parliez plus tôt?

[Traduction]

     Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas un domaine qui me préoccupe, car je ne suis pas très attentivement la situation, mais beaucoup de gens ont déclaré qu’ils s’inquiétaient de la présence de Cubains dans des secteurs clés de l’administration du pays, comme l’armée, les services de renseignement, la gestion de tous les renseignements sur l’identité, des pièces d’identité et des choses de ce genre.
     De plus, ils ont leurs entrées au bureau responsable de l’enregistrement des documents relatifs aux propriétés, notarios y revistadores. Et ils participent à autre domaine dont je ne me rappelle plus en ce moment. Une organisation en particulier, connue sous le nom de Control Ciudadano, suit cette situation de très près. En fait, elle a fait l’objet de harcèlement au cours des dernières semaines pour avoir rendu publique cette information.
     Je ne dispose d’aucun renseignement indiquant une ingérence directe de la part du gouvernement américain. Bien entendu, comme je l’ai également mentionné dans mon exposé, la National Endowment for Democracy, que le gouvernement considère comme une section du CIA ou quelque chose de ce genre, finance certaines ONG.
     Par conséquent, oui, cette fondation américaine apporte un certain soutien, mais je pense que le problème va plus loin. Toute personne qui ose critiquer le gouvernement sera perçue comme une alliée de l’empire, comme vous le dites.
     Depuis janvier, on met sur pied une nouvelle ONG à Washington, et elle est dirigée par des Vénézuéliens qui vivent là-bas depuis très longtemps. Nous les avons rencontrés en mars, et ils nous ont présenté des projets. Le directeur de Provea a soulevé la question et a déclaré: « Je ne crois pas que vous puissiez nous être d’aucune aide, car vous êtes établis aux États-Unis. » J’ai répliqué: « Écoutez, si mère Teresa revenait du paradis et critiquait le président Chávez, elle serait considérée comme une alliée de l’empire. D’une manière ou d’une autre, toute personne qui émet des critiques est criminalisée et disqualifiée de toute façon. »

  (1345)  

[Français]

     Merci, madame.

[Traduction]

    Monsieur Marston, vous avez 10 minutes pour poser vos questions et obtenir des réponses.
     Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier le témoin de son exposé.
     Votre exposé était très différent de celui de certains des témoins que nous avons entendus auparavant, mais j’aimerais poursuivre un peu la discussion sur le sujet dont M. Dorion parlait. Les États-Unis, par le biais de la CIA, et Cuba ont la réputation d’exercer des activités partout dans cette région. Cela remonte à de nombreuses années.
     En ce qui concerne la différence entre votre témoignage et celui des autres — et je ne remets nullement en question le témoignage que vous avez apporté —, je ne fais qu’établir une comparaison. Pour ce qui est de la Constitution, certains des témoins que nous avons entendus nous ont dit que les citoyens moyens étaient tellement fiers de leur Constitution que bon nombre d’entre eux la portaient sur eux, qu’un dialogue s’était instauré dans les rues et au sein des collectivités et que la population éprouvait un sentiment d’engagement qu’en réalité, les Canadiens leur envieraient.
     Vous avez mentionné les soins de santé. Dans leur témoignage, ils ont aussi indiqué que la situation des pauvres s’était considérablement améliorée dans le domaine de l’éducation.
     Encore une fois, je veux discuter un peu de la question que M. Dorion a soulevée à propos des stations de télévision. On a témoigné ici qu’une station de télévision en particulier avait réellement mené le coup d’État. Toutefois, les autres témoignages concordaient avec le vôtre en ce qui concerne la fermeture des autres stations par le régime. C’est précisément le témoignage que vous avez apporté.
     On a indiqué que le pire problème dont souffrait le pays n’était pas l’armée ou le gouvernement, mais que c’était les policiers eux-mêmes. Les membres du gouvernement ont constaté qu’ils ne déployaient pas suffisamment d’efforts pour surveiller et peut-être éduquer les policiers et que ceux-ci commettaient beaucoup d’injustices.
     Personnellement, je ne suis pas tellement surpris qu’un durcissement se produise dans un pays où le gouvernement a subi une tentative de coup d’État. Les témoignages s’entendent pour dire que le gouvernement est plus déterminé que jamais et que son approche s’est durcie.
     Vous avez mentionné les nominations, et je ne suis pas tellement certain que vos propos visaient uniquement les juges de la Cour suprême, mais ici, au Canada, une série de gouvernements ont nommé au Sénat des gens qui, politiquement parlant, leur étaient acquis, y compris le gouvernement actuel. Cette pratique n’est pas jugée particulièrement déplorable parce que, lorsqu’on a une idée de la façon dont on veut faire avancer le pays, s’appuyer ainsi… Mais, encore une fois, l’indépendance du système judiciaire est un principe qui doit être préservé.
     Si vous voulez répondre à l’une ou l’autre de ces remarques ou à chacune d’entre elles, n’hésitez pas à le faire. Puis, nous pourrons peut-être aller plus loin.
     Je pense que cela a été l’un des effets positifs de notre Constitution actuelle, dont nous bénéficions depuis 1999. Son mérite découle précisément du fait qu’elle a déclenché une énorme discussion au sein du pays et que les droits de la personne étaient l’un des principaux sujets de cette discussion. Donc, cela a été l’une des conséquences très positives de la discussion qui a eu lieu en 1999.
     À mon avis, le problème que vit le gouvernement à l’heure actuelle, c’est qu’à l’époque, ses membres étaient majoritaires — ils ne formaient pas le gouvernement, mais les gens qui sympathisaient avec Chávez étaient probablement majoritaires à l’assemblée nationale constitutionnelle. À mon sens, ils ont signé la Constitution comme s’ils étaient membres de l’opposition. Mais, un jour, ils ont constaté qu’ils étaient au pouvoir, qu’ils allaient devoir remplir les promesses que contient la Constitution et qu’ils allaient devoir l’appliquer et la respecter. C’est la difficulté à laquelle ils se heurtent maintenant.
     Comme je l’ai dit au début de mon exposé, la question des droits de la personne était cruciale. Je pense que c’est la raison pour laquelle les gens sont fiers de la Constitution et pour laquelle ils réclament les droits qu’elle reconnaît. C’est pourquoi le nombre de manifestations s’est considérablement accru au cours des dernières années. Au début, il était très facile de dire: « Nous sommes un nouveau gouvernement, et tous les problèmes découlent de l’ancien régime » ou, si vous voulez, de La Cuarta República de Venezuela , comme ils l’appellent.
     Les gens faisaient confiance au gouvernement et disaient: « Eh bien, attendons un peu. Ce n’est pas de votre faute. Nous devons avoir confiance en vous, et vous ferez de votre mieux. » Mais après 9, 10 ou 11 ans, l’absence de résultats commence à rendre les gens très mal à l’aise et mécontents. C’est pourquoi les gens se promènent maintenant avec la Constitution en main. Ils en sont toujours fiers, mais ils l’utilisent d’une manière qui déplaît au gouvernement.
     En ce qui concerne le rôle que les stations de télévision ont joué dans le cadre du coup d’État, il y a eu une interruption totale de l’information; c’est vrai. Les médias privés ont complètement cessé de diffuser des renseignements. Ils ont tous leur part de responsabilité. Les quatre principales stations de télévision partagent cette responsabilité. Elles ne l’admettent pas, bien entendu, mais elles sont responsables de l’embargo sur les nouvelles qui a eu lieu pendant cette période.
     J’en ai été moi-même la victime. Je tentais de m’approcher d’une des stations radio quand un membre du régime du président Chávez a été arrêté. Je suis allée le visiter, mais on ne m’a pas permis de le voir dans la prison politique. Je n’ai pas été en mesure de me faire entendre sur les ondes de ce canal de télévision avant 23 h, heure à laquelle un journaliste et ami à moi a décrété: « D’accord, je vais ouvrir le microphone ». Malheureusement, il était 23 h.
     Donc, il y a eu une interruption de l’information. Nous ne pouvons pas prétendre que les médias privés sont innocents. Ce que je dis, c’est qu’ils sont coupables et qu’ils doivent être poursuivis en justice. Il est impossible de résoudre ce problème en prenant des mesures administratives qui n’ont rien à voir avec les motifs d’accusation.
     En ce qui concerne la police, nous avons probablement quelques bonnes nouvelles à communiquer à propos d’une question. Un service national de police a été créé, il y a quelques années. La personne qui a été nommée secrétaire générale et qui est responsable de concevoir et de surveiller toute la mise en oeuvre du processus est une personne issue du mouvement des ONG en faveur des droits de la personne. Elle s’appelle Soraya El Achkar. C’est une éminente défenseure des droits de la personne au Venezuela, et je suis certaine qu’elle fait de son mieux pour que les choses bougent, malgré la très grande résistance que lui oppose son patron, le ministre de l’Intérieur.

  (1350)  

    Les membres de mon équipe, Provea et les membres de toutes les organisations de défense des droits de la personne font de leur mieux pour que les choses bougent. Tous les mercredis, nous contribuons à renseigner les nouveaux policiers sur les droits de la personne. C’est notre seul moyen d’entrer directement en rapport avec le gouvernement et d’avoir des échanges positifs avec lui, mais c’en est un excellent.
     Désolée, il s’agit du service national de police. Cela ne s’applique pas aux autres corps de police. Par conséquent, le problème reste entier.
    Je comprends. Ils ont été embauchés en raison de certains des problèmes qu’occasionnent les autres forces policières.
     Je suis curieux. Nous connaissons votre titre et votre organisation. Que faisiez-vous avant d’entreprendre ce travail?
    Avant d’entreprendre ce travail, j’étais étudiante. Je travaille dans ce domaine depuis 30 ans. J’ai étudié en sociologie. J’avais l’intention de faire des études supérieures en criminologie, mais je ne l’ai jamais fait. Je me suis intéressée aux conditions d’incarcération des prisonniers politiques, et cela m’a conduite, je ne sais comment, à défendre les droits de la personne.
    C’est formidable.
     Pour ce qui est du respect actuel des droits de la personne au Venezuela, comparé à celui de l’ancien régime ou à celui de la Colombie et de la Bolivie, où classeriez-vous votre pays par rapport à ces autres exemples?
    En comparaison…
     Comparativement au comportement de votre ancien régime à l’égard des droits de la personne et comparativement à celui de la Bolivie et de la Colombie.

  (1355)  

     J’ai toujours eu pour politique de ne pas établir de comparaisons entre les pays. Je compare mon pays à la Constitution. Si je compare mon pays à sa Constitution, je constate que nous avons toujours eu des problèmes de droits de la personne.
     À titre de membre fondateur de Provea, je me consacre à cette question depuis 30 ans…
    C’est la raison pour laquelle j’ai posé la question.
     …et j’ai été confrontée à divers gouvernements depuis 1988. Provea a été officiellement fondé le 1er octobre 1988 et, le 29 octobre, le premier massacre auquel j’ai dû accorder mon attention a eu lieu.
     Si je compare le gouvernement actuel à la Constitution, je pense que les choses sont pires qu’elles l’étaient auparavant — pour d’autres raisons. Premièrement, comme je le disais, on avait pris l’habitude de veiller à accroître le nombre de juges de carrière afin qu’à la longue, ils occupent tous les postes. Maintenant, cette tendance a tellement été renversée que les choses sont pires qu’elles l’étaient quand nous avons commencé le moratoire en 1988.
     Comme je le disais, des violations des droits de la personne peuvent survenir partout mais, selon moi, la chose à retenir, c’est que, sans un système judiciaire indépendant, on n’est pas en mesure de les corriger. En ce sens, la situation devient plus difficile qu’auparavant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Marston.
     Les deux dernières séries de questions ont duré quelques minutes de plus qu’elles devaient. J’ai pensé que les réponses étaient excellentes et qu’il serait inapproprié de les interrompre. Mais, pour que notre dernière série de questions soit complète, j’aimerais que le comité m’autorise à prolonger la séance de quelques minutes, après 14 h.
    Des voix: D’accord.
     Le président: Monsieur Sweet.
     Señora Bolivar, je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
     Je veux confirmer quelques-uns de ses éléments, puis vous poser une question. Vous avez cité des statistiques telles que le fait que 1 507 paysans soient détenus à l’heure actuelle, et vous avez mentionné que certains métallurgistes comparaissaient devant les tribunaux.
     Provea possède une bonne réputation. En fait, vous êtes allés visiter des gens en prison et, de temps en temps, votre organisation surveille aussi les procédures judiciaires. Vous avez également indiqué clairement que toute personne qui critique Chávez devient son ennemi et un ami de l’empire.
     Ne craignez-vous pas pour votre propre sécurité?
    Les chiffres que j’ai cités ici proviennent d’un rapport préparé par Provea et Espacio Público, une organisation qui défend la liberté d’expression et qui organise également des manifestations. Ces chiffres sont cohérents parce que les membres de celle-ci entretiennent des relations avec les syndicats ouvriers et les organisations de paysans, et ils suivent effectivement certaines affaires dont le système judiciaire est saisi, comme celle que j’ai mentionnée, celle de Rubén González, entre autres. Je pense donc qu’il y a de bonnes raisons de penser que ces renseignements sont fiables.
     En ce qui concerne la sûreté et la sécurité, je n’ai pas eu d’ennuis de cette nature jusqu’à maintenant, mais d’autres en ont eu. Cela ne me rend pas plus heureuse, mais je ne tiens pas à être dans leur mire de toute manière.
    Oui, mais vous critiquez le régime du président Chávez.
    À vrai dire, j'ai bien pensé que j’aurais pu commencer à avoir des problèmes à la suite de cette rencontre pour cette raison, mais cela fait partie de notre travail.
    Nous avons déjà entendu des témoignages intéressants. Certains témoins nous ont dit — et je les paraphrase, mais c’est ainsi que j’ai interprété leurs propos — que l'armée était en quelque sorte un moyen amical pour le gouvernement de rejoindre la population pour promouvoir la liberté et que les militaires se mêlaient aux gens et célébraient la Constitution avec eux régulièrement. Ensuite, nous avons également entendu des témoignages qui…

  (1400)  

    Je suis désolée, vous disiez que l’armée était amicale?
    Ce témoignage laissait entendre que les soldats se mêlaient aux gens et constituaient un moyen pour le gouvernement de rejoindre la population ou un comité d’accueil amical, en quelque sorte.
    Nous avons également entendu dire que l'armée est en train de former des civils vénézuéliens à manier des armes parce que les gens craignent un soulèvement et parce qu'il y a un danger imminent, évident et bien réel d’une invasion par la Colombie. Est-ce que c’est ce que croit le Vénézuélien moyen?
    En ce qui concerne la première question, comme vous le savez probablement, le président Chavez a créé ce que l’on appelle des misiones, des missions, dans de nombreux domaines — l’éducation, la santé, l'alphabétisation, l’alimentation et ainsi de suite. Dans ces missions, les derniers rangs de l’armée jouent un rôle très important. C'est une manière de les rapprocher de la population et des problèmes sociaux. On se demande depuis longtemps comment combler le fossé entre les militaires et la société, et le président Chavez a probablement pensé que c'était un bon moyen positif de le faire.
    Je n'ai vraiment aucune objection à ce lien étroit entre la société civile et les militaires, car j’estime que c'est pour le bien de la démocratie. Cependant, cette démarche comporte aussi des risques — lorsqu’on commence notamment à donner des armes, sans surveillance, à des civils ne faisant pas partie de l'organisation de l'État. Notre Constitution est très claire; nous avons quatre branches. Or, nous en avons maintenant une cinquième qui ne fait pas partie de la Constitution et qui rend directement des comptes au président Chavez.
    La dernière parade militaire a eu lieu le 19 avril, lors de la célébration civile de nos 200 ans d'indépendance. La célébration principale officielle était un défilé militaire auquel ont participé 30 000 civils armés. La population en était très choquée. L'ancien directeur de la sécurité publique pour les catástrofes — je suis désolée, mais je ne me souviens jamais de l’équivalent français — a fait une critique juste après cette parade, car la scène était très choquante pour de nombreux militaires. De fait, ils voyaient leurs collègues, ou anciens collègues, marchant et scandant des slogans en faveur de la révolution et du socialisme. Derrière eux, 30 000 civils marchaient avec des armes appartenant à l’État et donc à nous. Il ne s’agissait pas d’un groupe particulier associé à un projet politique.
    Pour ce qui est de la Colombie, comme vous le savez probablement, beaucoup de gouvernements dont la popularité s’effrite ont souvent comme dernier recours d’inventer un ennemi étranger. Fujimori l’a fait, de même que la junte militaire, en Argentine. Il existe de nombreux exemples de personnes qui ont utilisé des ennemis étrangers fictifs pour unir le pays. Heureusement pour le Vénézuéla et pour notre paix, Chavez a été incapable de mettre ce recours en mouvement. Les gens ne sont pas prêts à partir en guerre contre la Colombie. Nous avons tous des amis et de la famille en Colombie. Ma grand-mère venait de la Colombie.
    Quelques jours après avoir commencé cela l'an dernier, quand il a ordonné au ministre de la Défense d’envoyer je ne sais combien de personnes à la frontière… En passant, Dieu merci, ils ne se sont jamais rendus. On entendait à la radio les mêmes commentaires: nous ne voulons pas de confrontation avec la Colombie; nous sommes frères et soeurs et nous n'avons pas besoin de cela.

  (1405)  

    C’était très différent de la réaction qu’avaient les Vénézuéliens au cours de la crise des îles Malouines, où tout le monde était contre les États-Unis et le Royaume-Uni. De même, c’était très différent de la crise survenue il y a plusieurs années quand le navire colombien Caldas est entré dans ce que nous considérions comme étant nos eaux nationales. Cette situation avait créé une grande confrontation. Les gens criaient dans les rues et faisaient des déclarations très agressives à la radio et la télévision. Cela ne s’est pas produit cette fois-ci.
    Je vous remercie.
    De combien de temps est-ce que je dispose, monsieur le président?
    Vous avez quelques minutes.
    D’accord.
    Madame Bolivar, dans votre témoignage, vous avez parlé du manque d'indépendance au sein de l’appareil judiciaire et vous avez dit qu'il y a eu de l’ingérence directe. Vous avez même attiré notre attention sur la déclaration du président de la Cour suprême en décembre dernier: « Nous ne pouvons pas continuer à penser en fonction d’une division des pouvoirs parce que c'est un principe qui affaiblit l'État. »
    Quand on parle de la division des pouvoirs et de l'indépendance de l’appareil judiciaire, il s’agit là d’une question fondamentale de la démocratie. En tant que juriste, je peux comprendre votre préoccupation du point de vue de la pratique, mais vous n'êtes pas la première à attirer notre attention là-dessus. Avant vous, des fonctionnaires nous ont déjà parlé de l'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant, ce qui rend l’enjeu d’autant plus important.
    En outre, nous avons entendu une citation du rapporteur spécial de l’ONU sur l'indépendance des juges et des avocats, qui a également soulevé des inquiétudes quant à l’absence d'indépendance judiciaire au Vénézuéla. Ensuite, vous avez évoqué la situation de la juge Afiuni, ce qui semble être pour vous une expérience bouleversante.
    Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure il est fondé d’affirmer que la fragilité de l’appareil judiciaire vénézuélien perpétue les violations des droits de la personne?
    Je crois que votre déclaration est tout à fait fondée. L’absence de sanction a lieu essentiellement parce qu'il y a un manque d'indépendance entre les autorités.
    Vous avez parlé du cas de Mme Afiuni où, le lendemain de sa déclaration, un message a été diffusé à la télévision et à la radio nationales, puis elle a été incarcérée. Si les tribunaux — l’appareil judiciaire — sont si disposés à accéder à la demande du président Chavez, reste-t-il d’autres moyens de vérifier ce que fait le président Chavez?
    Je crois que nous comptons sur la communauté internationale. Malgré cela, c’est très difficile. Ce matin, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a tenu une audience à propos de Mme Afiuni. Je crois comprendre, mais je n’en ai pas été témoin, qu'il y a eu une très forte confrontation entre l'ambassadeur vénézuélien aux organismes des Nations Unies à Genève et le rapporteur spécial.
    Ainsi, êtes-vous en train de dire qu'il n'y a plus aucun mécanisme régulateur relativement au président au sein du pays?
    Il y en a très peu. Il arrive que certains membres du congrès dénoncent certaines choses. Disons qu’il est possible de s'exprimer, mais cela n'a pas de conséquences pratiques.
    Cela m'amène à une autre situation dont nous avons entendu parler. On nous a dit qu’une personne qui profère des paroles insultantes à l’égard du président est passible d’une peine d’emprisonnement de 6 à 30 mois sans possibilité de libération sous caution. Est-ce vrai?
    Oui. Au début de l’année, si je me souviens bien, nous avons eu le cas d'une manifestation étudiante à Barcelona et à Puerto La Cruz, sur la côte Est du Vénézuéla. C’était l’une de ces manifestations soi-disant autorisées; elle n’aurait pas dû subir de répression. Or, dans la déclaration écrite qui repose dans les tribunaux, la raison donnée pour la répression de la manifestation, c’est que l'un des policiers aurait entendu certains étudiants crier des mots offensants contre leur président. Les policiers ont donc été forcés d'utiliser des armes chimiques. Avec cet exemple, je crois pouvoir…

  (1410)  

    L’une de mes dernières questions a rapport à ce que vous avez porté à notre attention concernant le nombre de juges de carrière, qui a chuté de 10 p. 100 environ. Pourriez-vous nous donner plus détails? Qu'est-ce que cela signifie?
    À quel sujet?
    Le nombre de juges de carrière a chuté de 10 p. 100 environ. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que signifie cette baisse?
    C’est important parce que les nominations sont discrétionnaires. Si quelqu'un ne peut pas intégrer le système judiciaire au moyen de concursos, d’un examen des titres de compétences ou d’un test quelconque — auparavant, les candidats devaient notamment subir des tests psychologiques et avoir des attestations d’études de troisième cycle — et si l’on peut tout simplement nommer les personnes de manière discrétionnaire, les gens sont essentiellement nommés par des amis.
    Je vais vous donner un exemple. La présidente des tribunaux pénaux de Caracas est très proche du président Chavez. Dans sa circonscription, son fils a une influence directe dans les décisions. Il est rémunéré par l’appareil judiciaire. Personne ne sait vraiment ce qu'il fait là. De plus, il est le petit ami de la même juge qui instruit l’affaire de la juge Afiuni. Conformément à la loi, il est interdit d’attribuer une cause à un juge. On doit procéder par un processus informatisé de distribution. Or, on lui a donné cette affaire en mains propres et non au moyen du processus de distribution.
    Elle est également chargée d’instruire l'affaire de deux étudiants qui sont des leaders très importants du mouvement étudiant. Elle est également chargée d’instruire l'affaire de Richard Blanco, un conseiller du maire de la région métropolitaine de Caracas. Dans ces cas, elle a toujours fait incarcérer les inculpés. Dans deux cas, ils ont déjà été libérés, mais ils sont sous caution. L'affaire se poursuit.
    De surcroît, elle est chargée d’instruire deux autres cas… Il s’agit d’un attentat à la bombe majeur contre une synagogue de Caracas et d’attaques ouvertement reconnues pour avoir été perpétrées par le groupe La Piedrita contre Globovisión et des bureaux publics d'autres médias, ainsi que des menaces contre les journalistes. La Piedrita est presque un groupe paramilitaire. Elle est chargée de l'enquête. À un moment donné, la situation de La Piedrita dérangeait tellement que même le président Chavez a déclaré qu’il fallait enquêter sur son chef. Le lendemain, il était en dehors du pays. On est en train d’enquêter sur le reste des membres de La Piedrita.
    Toutes ces affaires sont instruites dans son tribunal, et elle est la petite amie du fils de la présidente de cette circonscription. Il y a un an et demi, elle était secrétaire.
    Elle n’a aucune formation juridique?
    Elle est avocate, mais c’est tout. Elle n’a même pas 30 ans. Elle est très jeune.
    Je fournis des exemples, car j’estime que c’est le meilleur moyen d’illustrer mes propos.
    Il en va de même dans de nombreux autres cas.

  (1415)  

    Malheureusement, c’est tout le temps que nous avons.
    Je vous suis très reconnaissant d’avoir été des nôtres et de nous avoir accordé autant de temps malgré le préavis très court.
    Je remercie les membres du comité d’avoir accepté de prolonger un peu la séance pour que nous puissions entendre votre témoignage un peu plus longtemps que d’habitude.
    J’aimerais rappeler aux membres du comité qu’ils ont une échéance pour notre rapport sur l’examen périodique universel. Vous devez présenter les modifications que vous voulez apporter d’ici mardi prochain. Si vous voulez ajouter un élément à la liste de recommandations du rapport, vous devez le faire d’ici mardi à 17 heures. Vous êtes dûment avertis.
    Encore une fois, je tiens à remercier chacun d’entre vous, particulièrement notre témoin.
    La séance est levée.
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