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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mars 2008

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous allons débuter la séance.
    Nous nous réunissons aujourd'hui pour étudier les services de santé offerts au personnel des Forces canadiennes, en particulier dans le cas des troubles de stress post-traumatique.
    Je crois qu'il y aura une cloche à 17 h 15 pour annoncer le vote de 17 h 30, alors nous ne nous rendrons pas jusqu'à 17 h 30. Il y aura deux présentations aujourd'hui. J'essaierai peut-être de prendre quelques minutes à notre premier témoin pour les offrir au deuxième, mais nous allons voir comment les choses iront. Nous nous assurerons que tous auront l'occasion de poser une question ou deux.
    Pour commencer nous avons M. Brunet, chercheur à l'Institut Douglas et professeur agrégé du département de psychiatrie à l'Université McGill. Monsieur, nous avions prévu jusqu'à 16 h 30 pour votre témoignage et nous verrons comment les choses se dérouleront.
    Vous avez maintenant la parole pour faire votre exposé, et ensuite nous passerons à une ronde de questions. Veuillez commencer.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de m'avoir fait l'honneur de m'inviter à ce comité.
    Mon nom est Alain Brunet et je suis professeur au Département de psychiatrie de l'Université McGill. Mon domaine d'expertise est le trouble de stress post-traumatique. Je vous ai fait parvenir un document que mon groupe a écrit récemment. Il a analysé, au cours des dernières années, les résultats de l'Enquête sur la santé mentale dans les Forces canadiennes, qui est l'une des plus importantes enquêtes jamais faites auprès des Forces armées canadiennes, auprès d'une armée active. Les armées sont habituellement très réticentes à laisser des enquêteurs faire des enquêtes aussi poussées que celle qui a été faite en 2002. À partir de 2004, les chercheurs ont eu accès aux résultats, lesquels étaient désormais du domaine public. Mon équipe, qui travaille dans ce domaine, a commencé à analyser les données.
    Je vais faire une brève présentation sur un des documents que je vous ai fait parvenir. Je répondrai ensuite à vos questions.
    Il y a très peu de données sur les problèmes de santé mentale dans les armées. Les armées sont typiquement très réticentes à permettre de telles recherches. Donc, l'échantillon auquel on a accès, qui est représentatif des Forces armées canadiennes, est vraiment unique en son genre. Cependant, il faut tenir compte du fait que ces données ont été acquises en 2002 et que toutes les conclusions qu'on en tirerait seraient basées sur la prémisse que les choses n'ont pas changé depuis ce temps, ce qui serait quand même un jugement sévère vis-à-vis de l'armée. Je pense qu'on ne peut pas porter ce jugement.
    L'enquête a porté sur 8 441 répondants. Il s'agit d'une enquête de grande envergure, qui se compare à ce qui se fait de mieux dans le monde. L'échantillon était représentatif des Forces armées canadiennes.
    Quels sont les éléments importants que contient cette recherche et, particulièrement, les données qu'on a publiées récemment? Le premier élément est que beaucoup de soi-disant missions de paix sont aussi stressantes, voire aussi traumatisantes, que des missions de combat. La notion de mission de paix a beaucoup changé au cours des 10 à 20 dernières années. On parle plus souvent, pour employer l'expression anglaise, de peacebuilding mission, plutôt que de peacekeeping.
    Je voudrais aussi porter à votre attention le fait que, dans la population générale des États-Unis, les taux de stress post-traumatique, par exemple, sont d'environ 6,7 p. 100. Il est important de comparer le taux des divers désordres qu'on retrouve dans l'armée à ceux de la population générale, pour déterminer s'ils sont plus élevés ou moins élevés.
    Le document que je vous ai transmis examine les comportements liés à la recherche de soins, dans la mesure où les gens avaient un trouble mental diagnostiquable dans la dernière année. Dans l'échantillon de 8 441 personnes, on a trouvé que 1 220 d'entre elles, soit 15 p. 100, souffraient d'un trouble mental diagnostiquable dans les 12 mois qui avaient précédé l'enquête. Chez ces 1 200 personnes, 43 p. 100 ont eu un contact avec un professionnel de la santé mentale. Par opposition, 67 p. 100 n'en ont jamais eu.
    Quels étaient les désordres dont souffraient ces 1 200 personnes? La dépression majeure touchait 47 p. 100 d'entre elles, la dépendance à l'alcool, 33 p. 100, la phobie sociale, 22 p. 100, le trouble de stress post-traumatique, 16 p. 100, le trouble panique, 12 p. 100, et l'anxiété généralisée, 12 p. 100.

  (1535)  

     Donc, les désordres les plus prévalents étaient la dépression majeure, la dépendance à l'alcool, et un peu plus loin derrière venaient des troubles comme le trouble de stress post-traumatique. Il faut comprendre que la dépression, l'abus d'alcool, les phobies et les troubles paniques peuvent également être déclenchés par une expérience traumatique. Si on tient compte de ce facteur, la prévalence des troubles mentaux déclenchés par un événement traumatique est plus grande que celle qu'on peut dégager de ces données.
    Ensuite, on s'est demandé pourquoi les gens chez qui on arrivait à diagnostiquer un trouble mental ne consultaient pas. Particulièrement en ce qui concerne l'armée canadienne, les gens ont un accès libre à des soins de santé. Quels sont les principaux obstacles à la demande d'une consultation? Trois principaux facteurs sont ressortis. Le premier est le manque de confiance à l'égard des autorités en place. Le deuxième est le fait de ne pas reconnaître avoir un problème de santé mentale. Le troisième facteur est que les gens reconnaissent peut-être avoir un problème de santé mentale, mais pensent qu'ils peuvent s'en sortir et veulent essayer de s'en occuper eux-mêmes.
    On a également découvert qu'avant de demander de l'aide, 73 p. 100 des soldats pouvaient avoir vécu jusqu'à cinq expériences traumatiques, ce qui signifie plus d'un déploiement. Ils avaient vécu beaucoup d'expériences traumatiques avant de demander de l'aide.
    À la lumière de ces résultats, que peut-on faire quand les gens ne reconnaissent pas souffrir d'un trouble mental diagnostiquable? Une des choses qu'on devrait envisager est de faire davantage de psycho-éducation. Les gens doivent être davantage éduqués afin qu'ils aient une meilleure idée de ce dont ils souffrent. Cela est d'autant plus important que pour la plupart des troubles mentaux que j'ai mentionnés, il existe des traitements efficaces. Ils ne sont pas efficaces à 100 p. 100, mais ils existent. On a l'impression que c'est un élément que les gens ne connaissent pas. Non seulement ils ne savent pas nécessairement qu'ils souffrent d'un trouble mental, mais même quand ils le savent, ils ne savent pas qu'il existe des traitements efficaces.
    Un autre élément qui est ressorti est la notion de confidentialité et la notion de stigmatisation qui entourent les problèmes de santé mentale. En ce qui concerne la confidentialité, certains participants au sondage avaient l'impression que ce qui se trouvait dans leur dossier médical était susceptible d'arriver aux oreilles de leur supérieur. Comme le Canada dispose d'une armée de gens déployables, vous comprendrez que si votre supérieur apprenait que vous n'êtes peut-être pas aussi déployable qu'il le faudrait, cela pourrait mettre en jeu votre emploi. Une forme de honte, de culture machiste, que l'on peut désigner sous l'expression « parapluie de stigma », est aussi prévalente. C'est comme si le fait de devenir un soldat endurci qui met de côté ses émotions et le reste et reconnaître qu'on puisse être touché psychologiquement et émotionnellement par une expérience fort traumatisante était contradictoire. C'est comme s'il y avait des attentes un peu contradictoires face au soldat.

  (1540)  

    Je pense que les membres de ce comité devraient s'interroger sur la confidentialité. La confidentialité devrait-elle être améliorée? Dans quelle mesure cette confidentialité a-t-elle besoin d'être brisée? Je pense qu'il faut se poser cette question.
    Un dernier élément ressort assez fortement. En ce qui a trait aux évaluations psychologiques, on ne devrait pas attendre que les gens viennent nous voir pour nous dire qu'ils ont peut-être un problème. On devrait rendre les évaluations obligatoires quand les gens reviennent de mission.
    Certaines de ces recommandations ont déjà été implantées ou sont déjà à l'essai présentement dans les Forces armées canadiennes. Par contre, il y aurait peut-être lieu de pousser plus loin ces initiatives.
    J'arrête ici et je répondrai aux questions des membres du comité, en anglais ou en français.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous vous remercions de ces informations.
    Nous allons débuter la période des questions avec M. Coderre.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Brunet. J'ai lu votre étude et je ne me suis pas endormi. C'était bien. Elle contenait beaucoup de chiffres, beaucoup de statistiques et beaucoup de règles de trois.
    En somme, vous nous dites qu'il y aurait un lien entre le fait qu'on ne veuille pas nécessairement se faire traiter par les forces armées et le refus du traitement. Ne pas vouloir que ça se sache est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles on ne veut pas se faire traiter.
    Je ne sais pas si c'est la raison fondamentale, mais c'est une des principales raisons mentionnées par les 8 441 participants à cette enquête menée en 2002.
    Au fond, les questions qu'on va vous poser sont basées sur l'étude. C'est un peu comme un polaroïd ou un sociogramme. Vous avez fait des règles de trois, entre autres. Ce sera le sujet du prochain témoin, lorsqu'on va étudier la situation dans les forces armées.
    À la lumière de ce que vous avez vu et étudié, avez-vous le sentiment qu'il faut aussi une meilleure évaluation psychologique? Ce n'est pas qu'une situation curative, il faut aussi faire de la prévention. La mission a changé et l'Afghanistan n'est pas le Rwanda ou la Bosnie, quoique toute mission puisse être traumatisante. Le changement de mission peut changer la donne, et on a des chiffres à partir de 2007-2008.
    Que pensez-vous du recrutement? Avez-vous vécu des choses par rapport à cela? Devrait-on peut-être aussi améliorer la façon dont on recrute nos troupes? J'imagine qu'en tant qu'expert de ce syndrome, on est à même de constater qui est plus sensible à cela. Dans les facteurs qui prédisposent, il y peut-être aussi les traumatismes sexuels vécus par le passé ou des événements de la vie de tous les jours. On peut donc avoir le portrait des gens prédisposés à ce syndrome.

  (1545)  

    Il y avait deux questions. La première question était de savoir si on devrait améliorer les évaluations. Selon les discussions que j'ai eues avec des membres des forces armées et selon ce que j'entends dire, le dépistage et l'évaluation seraient maintenant davantage systématisés qu'auparavant. D'après ce que j'ai entendu dire, entre le troisième et le quatrième mois, les gens feraient l'objet d'un dépistage systématique. Ce dépistage devrait-il être amélioré? Je ne suis pas suffisamment au courant de la façon dont cela se fait, mais je trouve que l'idée de faire du dépistage systématique est déjà une énorme amélioration.
    La deuxième question est de savoir si on connaît des facteurs de risque et s'ils devraient nous guider dans le recrutement du personnel. La réponse est oui, mais il y a aussi un aspect éthique à cela. D'abord, il faut être absolument certain de ce qu'on avance quand on dit que telle ou telle chose est un facteur de risque. À mon avis, le fait de ne pas engager quelqu'un sur la base de cet élément pourrait poser des problèmes éthiques.
    Il pourrait quand même y avoir des répercussions.
    Si on refuse d'engager une personne parce qu'elle a été victime d'un abus dans son enfance...
    Ce n'était pas le sens de ma question. Je vous demande si nous sommes en mesure d'évaluer, compte tenu du vécu d'un individu, s'il sera plus susceptible de souffrir du syndrome de stress post-traumatique que d'autres.
    Dans votre étude, il était question de cas sexués, de cas asexués, quand on considérait les facteurs de compréhension. On peut comprendre après coup ce qui s'est passé, mais il faut aussi avoir une stratégie de prévention. De quelle façon pourrait-on faire un test d'évaluation, au même titre qu'un test d'évaluation physique?
    Si on fait un bon triage et une bonne évaluation en se basant sur les symptômes de stress post-traumatique, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de savoir si la personne a été abusée sexuellement dans son enfance, que ce soit un facteur de risque ou pas. En fait, on veut savoir, lorsqu'elle revient de mission trois ou quatre mois plus tard, si elle a des symptômes de stress post-traumatique, si elle est cliniquement déprimée, si elle abuse d'alcool à ce moment, etc. Finalement, c'est tout ce qu'on doit connaître à son sujet.
    On a parlé de religion. Après une visite en Afghanistan, on est à même de constater que l'aumônier joue un rôle important, par exemple lors de traumatismes importants tels que le décès de confrères. On leur offre des séances de décompression entre eux.
    Que pouvez-vous nous dire relativement à la religion? Le fait d'avoir recours à des gens qui travaillent sur le plan spirituel peut aider, j'imagine. Il ne s'agit pas simplement d'une question de médicaments.
    J'ai repris vos mots, car je ne suis pas obsédé par la religion.
    Il semble que cela puisse être un facteur de protection pour ceux qui sont religieux. J'imagine qu'avoir accès à une personne à qui ils peuvent se confier peut les aider.
    J'aimerais revenir à la fameuse question de la stigmatisation.
    Présentement, croyez-vous que la décompression soit adéquate après les missions?
    À ma connaissance, la décompression dure cinq jours et elle a lieu à Chypre. La décompression en soi me semble être une bonne idée. Je pense que cela peut avoir un effet bénéfique, parce que se retrouver dans son salon 24 heures après être parti de l'Afghanistan n'est peut-être pas évident.
    Avez-vous fait une distinction entre les réservistes et les réguliers? Il semble qu'il y ait une différence à cet égard.
    L'approche serait-elle différente pour un réserviste et un régulier?

  (1550)  

    Je pense que la décompression est une bonne chose pour tout le monde, y compris les réservistes.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord vous féliciter, monsieur Brunet, car nous voyons rarement des études aussi poussées. Je me considère comme un parlementaire expérimenté, puisque je suis ici depuis 14 ans, mais il m'arrive de buter sur certains éléments spécifiques de vos études. J'aimerais vous interroger à ce sujet.
    J'imagine que vous avez la même préoccupation que l'ombudsman des Forces armées canadiennes, selon qui les centres de traumatologie en santé mentale ne devraient pas être situés sur les bases, comme celle de Valcartier, par exemple. Quand elles le sont, il n'y a pas tellement de confidentialité, à partir du moment de l'admission au centre de traumatologie en santé mentale. Croyez-vous, comme l'ombudsman, qu'il faille tenir ces cliniques à l'extérieur de la base militaire?
    Je suis d'accord avec vous: il n'y a pas beaucoup de confidentialité et cela affecte certains. Par contre, il y a peut-être des avantages à ce que la clinique soit sur la base, en termes de proximité et d'accessibilité. Je suis plutôt partagé sur cette question.
    Nous, les parlementaires, regardons les caractéristiques d'un échantillonnage et nous demandons, par exemple, s'il existe un groupe d'âge plus susceptible qu'un autre d'être victime du syndrome de stress post-traumatique. La situation familiale ou le sexe de la personne ont-ils une influence là-dessus?
    Au tableau 1, on peut voir une caractéristique de l'échantillon sur la variable démographique et militaire. Sur cette question, je suis un peu déçu...
    De quel tableau parlez-vous?
    Il s'agit du tableau 1. Vous y répertoriez 1 220 cas sur 8 441 où, comme vous me l'avez expliqué plus tôt, les personnes ont reçu un traitement au cours de l'année précédente.
    Il s'agit de personnes qui ont souffert d'un trouble mental au cours de l'année précédente.
    Oui. Je note que pour 349 des 1 220 cas, il s'agit d'individus âgés de 17 à 25 ans, mais on n'indique pas à côté combien d'entre eux souffrent d'un trouble mental. Le problème est le même partout dans votre échantillonnage. N'aurait-il pas été intéressant pour nous de savoir que les gens du groupe des 35 à 44 ans, par exemple, souffrent plus fréquemment de ce symptôme, ou d'avoir des données en fonction du sexe et de la scolarité de ces individus?
    Ce répertoire représente les gens âgés de 17 à 25 ans que vous avez interviewés dans le cadre de l'étude, mais vous ne nous dites pas si, compte tenu de leur profil, ils sont davantage susceptibles de souffrir d'une maladie mentale. On ne trouve cette information nulle part dans l'étude?
    Dans chaque document publié, on ne peut présenter qu'un certain nombre de données. En ce qui concerne la présente étude, elle inclut toutes les personnes qui souffraient d'un trouble mental au cours de la dernière année. L'échantillon détaille les caractéristiques de ces 1 220 personnes. Il serait théoriquement possible de croiser un certain nombre d'informations, comme vous le suggérez. Quoi qu'il en soit, il est vrai que ces renseignements ne se trouvent pas dans ce document.
    Êtes-vous d'accord pour dire que cette information serait intéressante pour nous? On se demande parfois si le syndrome de stress post-traumatique est relié à un certain profil. Quand on cherche à établir ce profil, on a tendance à regarder les divisions que vous avez établies, soit l'âge, la situation familiale, et ainsi de suite. Un bon statisticien pourrait-il reprendre votre étude et effectuer les fameux croisements dont vous parliez?

  (1555)  

    Des études ont déjà été publiées à partir de cette enquête. Je ne serais pas surpris qu'une partie de ce travail soit déjà faite. Par exemple, on sait que les femmes rapportent davantage de troubles mentaux que les hommes, et que c'est probablement le cas chez les jeunes également. Un certain nombre de données qui ont été publiées ne se trouvent pas nécessairement dans cette étude.
    J'ai constaté que beaucoup de ces études étaient réalisées auprès de la population civile, mais qu'on ne pouvait pas en appliquer les résultats aux militaires. À votre connaissance, des études ont-elles été effectuées auprès de gens appartenant à des corps de métier confrontés à un haut niveau de risque, par exemple les policiers et les pompiers?
    Je me souviens très bien qu'on ait posé cette question à des professeurs en Grande-Bretagne qui étudiaient le syndrome de stress post-traumatique dans ce pays. Je voudrais savoir s'il se peut que les militaires en zone de combat soient soumis à un stress de la plus haute intensité et que, par conséquent, ils soient plus fréquemment atteints de troubles de santé mentale.
    Je ne sais pas quoi vous répondre. On a essayé de comparer les données obtenues auprès de la population générale. Des études sont parfois réalisées auprès de gens appartenant à des corps de métiers spécialisés, mais savoir si ces études sont représentatives est toujours un problème. En outre, il faut voir si les personnes étudiées ont le même profil sociodémographique. Par exemple, si on compare un corps de métier qui compte plus de femmes que d'hommes, il faut ajuster les taux. Il faut faire un grand nombre d'ajustements statistiques quand on veut vraiment comparer deux études côte à côte. Autrement, on en vient à comparer des pommes à des oranges.
    Mon temps est-il écoulé?

[Traduction]

    Vous avez une minute.

[Français]

    Est-il vrai que les critères de diagnostic ont été resserrés et que la capacité de déceler les troubles s'en est trouvée améliorée? Peut-on avoir une idée claire de la grille d'analyse utilisée pour l'évaluation dans le cadre d'un échantillonnage? Utilise-t-on une mesure universelle ou s'agit-il de mesures qui varient d'une étude à l'autre?
    On est devenu assez bon pour ce qui est de diagnostiquer les troubles mentaux. La façon de les diagnostiquer est maintenant assez standardisée.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Mme Black est la suivante.
    Merci d'être venu et d'avoir partagé ces informations avec nous. J'ai lu deux des documents et je les ai trouvés très intéressants.
    Si j'ai bien compris, cette étude a été faite auprès de 8 841 membres des Forces armées canadiennes qui ne revenaient pas nécessairement du combat; ils faisaient partie, si vous me permettez l'expression, de la population générale des Forces canadiennes, qui ne revient pas d'un conflit. De ce groupe, vous avez trouvé que 1 220 avaient un trouble diagnosticable, et que 67 p. 100 d'entre eux n'avaient reçu aucun traitement ou n'avaient pas pris contact avec des professionnels de la santé mentale. C'est assez saisissant, je pense.
    Dans votre article, vous avez aussi fait des observations que j'ai trouvées assez intéressantes. Une avait trait à la comorbidité. Je pense que les gens ordinaires parleraient de diagnostic double. Je pense qu'il est clair que le SSPT a été mal diagnostiqué lorsqu'il y a eu des diagnostics par le passé, on l'a confondu avec d'autres troubles. Alors, on peut se poser la question suivante: quel diagnostic vient le plus souvent en premier? Est-ce qu'il y a premièrement une dépression, une dépendance à la drogue ou à l'alcool, et ensuite vous comprenez que c'est le syndrome de stress post-traumatique, ou est-ce que la plupart du temps, c'est l'inverse qui se produit?
    Je me demandais également quel était l'effet de cette situation sur le traitement. En tant que profane, je croirais que les traitements pour la dépression grave sont différents de ceux pour le syndrome de stress post-traumatique et différents de ceux pour traiter la dépendance à la drogue ou à l'alcool. Donc, j'aimerais savoir quels sont les effets sur le traitement.

  (1600)  

[Français]

    Vous voulez savoir s'il y a un désordre qui vient avant l'autre, par exemple le trouble de stress post-traumatique versus la dépression. Environ 90 p. 100 des gens qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique chronique développent également une dépression majeure.
    En ce qui concerne les autres désordres, je ne suis pas en mesure de vous répondre. On observe tous les patterns. Les gens peuvent commencer à consommer une grande quantité d'alcool, ils deviennent ensuite déprimés. On observe tous les patterns.
    Pour ce qui est des traitements, ils diffèrent en fonction du trouble diagnostiqué le plus important. Mais les traitements peuvent aussi se recouper. Par exemple, les antidépresseurs sont utilisés tant pour traiter le trouble de stress post-traumatique que la dépression. Dans ces cas, le traitement, s'il est d'ordre pharmacologique, est simplifié.

[Traduction]

    D'après ce que j'ai lu dans différentes études, il semble que le traitement qui produit les meilleurs résultats, est la thérapie comportementale cognitive. Est-ce exact?

[Français]

    À l'heure actuelle, les traitements les plus efficaces pour le trouble de stress post-traumatique et pour la plupart des troubles mentaux sont la psychothérapie, suivie de la médication. Les deux traitements sont à peu près également efficaces. On observe que chez les gens traités par la psychothérapie, les résultats positifs sont généralement plus durables. Dans bien des cas, effectivement, la psychothérapie la plus utilisée est l'approche cognitivo-comportementale.

[Traduction]

    Donc, d'après votre expérience, lorsqu'il est difficile de poser un diagnostic, et lorsqu'il y a souvent plus d'un trouble, est-ce que cela présente des défis particuliers pour décider quel traitement offrir à la personne?

[Français]

    Oui. Ce sont peut-être des cas un peu plus complexes. Néanmoins, les professionnels de la santé voient souvent ce genre de cas, qui sont traités aussi bien que les autres.

[Traduction]

    J'ai deux autres questions. La première — vous l'avez souligné dans votre article, mais il serait bon de le mentionner aux fins du compte rendu —, pourquoi croyez-vous que 67 p. 100 des personnes ayant participé à l'étude et chez qui on a diagnostiqué un trouble n'ont pas eu de contact avec un professionnel de la santé mentale?
    La deuxième question est la suivante: si vous pouviez faire une recommandation à ce comité ou aux Forces canadiennes quant aux mesures qui devraient être prises pour améliorer le diagnostic et le traitement des membres des Forces canadiennes souffrant de SSPT ou d'autres désordres, quelle serait-elle? Qu'en est-il des lésions cérébrales acquises? Quel est leur lien avec les autres troubles mentionnés?

[Français]

    Comme je l'ai mentionné, les principaux obstacles au traitement étaient le manque de confiance à l'égard des autorités, le fait que les problèmes de santé mentale ne soient pas reconnus par les membres des Forces canadiennes et le désir de régler le problème soi-même.
    J'ai parlé du problème de confidentialité et de la stigmatisation rattachés à la maladie mentale. Une des recommandations à envisager devrait consister à offrir davantage de psycho-éducation aux membres des forces armées sur les troubles mentaux et sur la façon dont ils se présentent. Les gens devraient savoir que ces troubles peuvent être traités assez efficacement.
    J'ai aussi parlé du besoin de protéger le lien de confiance qui existe entre le professionnel traitant et son patient en ce qui concerne la confidentialité. J'ai dit aussi que les évaluations devraient être obligatoires.

  (1605)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Lunney.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai quelques questions, monsieur Brunet.
    Premièrement, je me demande si vous pourriez clarifier les statistiques pour nous, parce que des 1 200 personnes que vous avez examinées, j'ai entendu que 43 p. 100 avaient été en contact avec les services de santé. Je pensais avoir entendu en premier que 67 p. 100 n'avaient pas été en contact. Ces chiffres sont contradictoires.

[Français]

    C'était 57 p. 100.

[Traduction]

    C'était 57 p. 100, merci.
    Pour le compte rendu, c'est bien d'avoir les bons chiffres.
    Vous avez dit également que même les missions classiques de maintien de la paix sont stressantes, comparativement aux missions de combat. Je me demande quelle est la différence entre le SSPT et ce que le ministère désigne comme les traumatismes liés au stress opérationnel? Est-ce que pour vous, c'est la même chose, ou dites-vous qu'il y a des critères clairs pour le diagnostic du SSPT qui sont différents de ceux du traumatisme lié au stress opérationnel?

[Français]

    L'operational stress injury n'est pas un diagnostic.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Dans la nomenclature psychiatrique, l'operational stress injury n'est pas un diagnostic. L'operational stress injury est un terme parapluie qui fait référence à un ensemble de conditions psychiatriques comme la dépression, le trouble de stress post-traumatique et d'autres désordres qui peuvent être déclenchés par un stress intense, voire extrême, dans le cadre d'une mission. C'est ce qu'on appelle l'operational stress injury. C'est une façon de dire que les problèmes de santé mentale sont une sorte de blessure. Quand on a une blessure physique, on obtient une forme de reconnaissance. On parle de blessure et non de maladie. Donc, on sort d'un côté plus pathologique. Entre vous et moi, c'est un euphémisme.

[Traduction]

    Merci.
    Nous avons déjà discuté des groupes d'âges qui sont plus vulnérables aux blessures diagnostiquées. Il y a de nombreuses femmes soldats qui servent là-bas. Est-ce que ce commentaire était lié à une possible différence entre les sexes quant au nombre de personnes faisant une déclaration?

[Français]

    Dans notre étude, et dans les autres études qui ont été publiées, typiquement, on trouve que les femmes rapportent davantage de problèmes de santé mentale que les hommes.
    La question est de savoir si les femmes sont plus vulnérables ou si elles sont davantage enclines à admettre et à discuter de leurs problèmes de santé mentale. En ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique, dans la population civile, il a été démontré que le risque... Même quand on tenait compte des différentes formes de trauma, etc., même quand on vérifiait un tas de facteurs, les femmes développaient encore davantage des troubles de stress post-traumatique.
    En ce qui concerne la dépression, on dit parfois que les femmes sont déprimées et que les hommes boivent. Il s'agit plutôt d'une façon différente pour les hommes et les femmes de gérer leurs problèmes.

[Traduction]

    Touché. Je pense que la plupart d'entre nous reconnaissons la validité de cette observation.
    Votre étude a été faite en 2002 et vous savez sûrement que les Forces canadiennes ont fait des efforts concertés pour accroître le personnel disponible pour le counselling et les services psychologiques, de même que pour le counselling avant et après déploiement, il y a bien sûr la décompression dont vous avez parlé, et d'autres mesures.
    Concernant la pertinence de l'incidence ou de la gravité, croyez-vous que des progrès ont été réalisés? Êtes-vous en mesure de commenter à ce sujet depuis que vous avez fait votre étude?

  (1610)  

[Français]

    D'après ce que je sais, des progrès importants ont été faits. Un grand nombre d'initiatives ont été prises depuis 2002. Donc, on peut avoir des raisons de penser que les choses se sont améliorées depuis ce temps. Ce serait uneducated guess, une impression aussi que je ressens en parlant avec des collègues des forces armées, d'autres chercheurs, etc. J'ai l'impression que les choses se sont beaucoup améliorées. On partait de loin dans les Forces armées canadiennes. Par exemple, il y a 12 ans, rien ne se faisait, pratiquement. Énormément de ressources et d'efforts ont été investis. Je pense que c'est sur le point de porter fruit.

[Traduction]

    Il y a certaines indications que non seulement un certain pourcentage est hésitant à chercher de l'aide, mais il y a aussi une résistance face au traitement par des médicaments en particulier; les gens ne voulaient pas prendre de médicaments.
    Je me suis aperçu que vous avez écrit à propos du propranolol, et je pense avoir entendu que vous saviez que ce médicament réduisait l'intensité des souvenirs, parfois, mais qu'il ne réglait pas le problème.
    Je pense aussi que vous avez parlé de l'approche comportementale cognitive. Selon votre expérience, croyez-vous que l'approche comportementale est meilleure que l'approche médicale, ou est-ce que l'on doit y aller au cas par cas, ou est-ce qu'une combinaison des thérapies est meilleure?

[Français]

    Je pense que les deux méthodes sont utiles et font partie d'un coffre à outils d'intervention. Il y a des gens qui préfèrent la médication, d'autres la psychothérapie. Dans certains cas, les deux sont utilisées conjointement.
    En ce qui concerne le propranolol, c'est un traitement expérimental que mon équipe est en train de tester, et on obtient des résultats vraiment intéressants. L'objectif de cette forme de pharmacothérapie est de réactiver le souvenir traumatique et, au moment du réencodage, d'essayer d'en atténuer la force émotionnelle.
    L'idée n'est pas d'effacer les souvenirs des gens, mais simplement d'en réduire la force émotionnelle, parce qu'on pense que le problème, dans le cas du trouble de stress post-traumatique, est que la force émotionnelle du souvenir est trop intense.

[Traduction]

    Je suis désolé, il ne vous reste plus de temps.
    Vous aurez une autre occasion de poser des questions très bientôt. Nous avons suffisamment de temps pour environ trois personnes.
    Monsieur McGuire.
    Merci, monsieur le président.
    Concernant les 8 000 personnes que vous avez examinées, s'agissait-il dans tous les cas de personnes qui étaient en première ligne ou s'agissait-il simplement de personnes qui ont été déployées?

[Français]

    Les 8 441 sujets qui font partie de l'échantillon ont été sélectionnés au hasard dans l'armée canadienne. C'est donc un échantillon représentatif.

[Traduction]

    Alors, un grand nombre de ces personnes n'ont peut-être jamais été dans l'action?

[Français]

    La plupart de ces gens avaient été envoyés sur le terrain à plusieurs reprises. Très peu de personnes n'y étaient jamais allées.

[Traduction]

    Bien. Alors, s'ils ont été déployés, est-ce qu'ils ont été déployés en première ligne ou en tant que réserve? Dans le cas de l'Afghanistan, la plupart des gens à la base ne quittent jamais la base. Il y en a 600 à 800 qui sont en première ligne. Il devrait y avoir une grande différence entre les deux groupes. Est-ce que vous cherchez à déceler ces différences?

[Français]

    C'est une information à laquelle on n'avait pas accès.

[Traduction]

    Non? En ce qui concerne les inquiétudes quant à la confidentialité, les supérieurs ne devraient-ils pas chercher à savoir si leurs troupes sont en bonne santé mentale ou non? Est-ce que c'est une information qu'ils reçoivent automatiquement?

[Français]

    Certaines personnes disent ou pensent que les supérieurs devraient avoir accès à ces données, à ces informations, parce que cela peut avoir son importance, particulièrement lors d'un déploiement. Une fois que les soldats sont revenus à la base, cela a-t-il la même pertinence? Je ne sais pas.

[Traduction]

    S'ils voulaient faire carrière dans les Forces et obtenir une promotion, l'opinion de leurs supérieurs quant à leur état de santé mentale serait probablement très importante.

[Français]

    Le problème est que ça a un effet pervers. Si les superviseurs ont accès au dossier médical et psychologique de la personne, ça a un effet pervers en ce sens que les personnes seront peut-être portées à garder leurs problèmes pour elles-mêmes, et plus elles le font, plus elles peuvent, éventuellement, devenir des time bombs. Par contre, si elles allaient consulter quelqu'un un peu plus tôt et qu'elles recevaient de l'aide, les chances sont qu'elles pourraient obtenir une aide suffisante pour leur permettre de s'en remettre et de continuer leur carrière. Ce sont des craintes qui existent au sein du personnel des forces armées. Des demandes un peu contradictoires leur sont faites, si vous voulez. Ce n'est pas un problème facile.

  (1615)  

[Traduction]

    Oui, ce n'est pas facile.
    Avez-vous comparé vos constatations avec des situations représentatives aux États-Unis ou en Grande-Bretagne? Avez-vous fait une analyse comparative avec d'autres armées?

[Français]

    Comme je vous le disais précédemment, cette étude est la première et la seule, à notre connaissance, où on a utilisé un échantillon représentatif de l'armée canadienne. Les Américains et les Britanniques n'ont peut-être pas encore osé faire une étude pareille. On a toujours accès à des sous-échantillons et à des sous-sections. On ne sait jamais si c'est représentatif de l'ensemble. Il est donc difficile de comparer.

[Traduction]

    Dites-vous que les Américains et les Britanniques n'ont jamais fait une telle étude?

[Français]

    Les Américains et les Britanniques n'ont pas fait d'étude à partir d'un échantillon représentatif de leur armée.

[Traduction]

    Je vois.
    Avez-vous fait un suivi depuis 2002?

[Français]

    Non, ce n'est pas nous qui avons amassé les données, elles l'ont été par Statistique Canada, qui n'a pas fait de suivi auprès de ces gens.

[Traduction]

    Merci, monsieur McGuire.
    Nous allons passer à M. Hawn et ensuite, nous reviendrons au Bloc.
    Merci,monsieur le président.
    Merci d'être venu monsieur Brunet. Votre participation est précieuse.
    On est beaucoup plus conscient du SSPT et des autres traumatismes liés au stress opérationnel, et bien sûr beaucoup de cas sont déclarés, et c'est ce qu'il faut. C'est quelque chose qui est important pour nous; c'est pour cela que nous sommes ici.
    Les gens ont l'impression qu'il y a beaucoup plus de cas, et c'est probablement vrai. Je sais que vous ne pouvez pas me donner une réponse précise, mais quelle proportion de cette augmentation est due à une plus grande sensibilisation et à une plus grande déclaration des cas, et quelle proportion correspond à une augmentation réelle de l'incidence?

[Français]

    Comme vous le dites, il est difficile de répondre à cette question. Selon moi, il n'y a pas vraiment plus de stress post-traumatique qu'avant, on y est simplement davantage conscientisé. Il n'y en pas nécessairement plus. J'ai passé beaucoup de temps à l'hôpital Sainte-Anne. J'ai rencontré beaucoup de patients qui avaient plus de 80 ans et qui faisaient des cauchemars traumatiques toutes les nuits, et pourtant, aucun diagnostic n'a indiqué qu'ils souffraient de syndrome de stress post-traumatique à quelque moment que ce soit au cours de leur vie.

[Traduction]

    Il y a de nombreuses années, j'étais dans un hôpital avec un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, et chaque nuit, il se réveillait en criant que des gens passaient par le plafond pour venir le chercher. Donc, je connais un peu la situation. Se faire tirer dessus et d'autres situations semblables créent un stress évident.
    Nous avons eu des gens en Bosnie et ailleurs qui étaient limités par les règles d'engagement et qui ne pouvaient pas assurer une défense proactive. Ils ont été forcés d'assister, impuissants, à des atrocités. Je crois qu'une grande partie des traumatismes opérationnels ou du SSPT suite à la Bosnie et aux autres endroits semblables ont probablement été aggravés par l'impuissance devant ces événements.
    Comment compareriez-vous ce type de SSPT et celui qui vient du véritable combat, où l'on doit faire face à l'ennemi?

  (1620)  

[Français]

    Un peu plus tôt, je mentionnais que les missions de paix étaient aussi traumatogènes que beaucoup de missions de combat. C'est ce à quoi je faisais allusion. Dans bien des cas, être forcé d'assister, impuissant, à des atrocités peut être aussi traumatisant que d'aller au front et d'être impliqué dans un combat militaire.
    La nature des traumatismes varie typiquement d'une guerre à l'autre, c'est certain. Les traumatismes varient, mais les symptômes centraux, les symptômes cardinaux, restent essentiellement les mêmes.

[Traduction]

    Lorsque nous parlons de protéger les troupes, il est évident que l'on ne décide pas des règles d'engagement pour cette raison uniquement. Lorsque l'on décide des règles d'engagement pour tout environnement, croyez-vous que l'on prend en compte la protection des troupes contre ce type de risque?

[Français]

    Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.

[Traduction]

    Devrions-nous prendre en compte le risque pour nos troupes quant à l'exposition à ce type de traumatismes opérationnels lorsque nous déterminons les règles d'engagement pour toute opération à laquelle nous participons?

[Français]

     Ça m'apparaît difficile à faire. Typiquement, quand des forces sont déployées, ça se fait très rapidement et on n'a pas le temps de finasser. Ça m'apparaît désirable, peut-être, mais difficile à faire.

[Traduction]

    Veuillez terminer, monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence et vous félicite pour vos recommandations, qui m'apparaissent pratiques.
    Vous dites que l'on devrait instaurer l'évaluation de façon systématique, étant donné que les gens sont réticents ou encore gênés de recevoir un diagnostic ou de faire appel à un professionnel.
    Si on procédait de façon systématique, cela serait-il coûteux? Faudrait-il recruter beaucoup plus de professionnels, ou cela pourrait-il se faire avec les ressources actuelles?
    Ce n'est pas une opération coûteuse. Je pense que le ratio coût-bénéfice serait largement à l'avantage des bénéfices. Je pense que ce serait un petit coût pour un grand bénéfice, en d'autres termes.
    Il y a moyen de faire des évaluations très peu coûteuses avec des questionnaires auto-administrés . Il y a moyen de faire un bon bout de chemin en une heure d'évaluation, par exemple.
    Je pense que le bénéfice serait grand et que le coût serait faible.
    D'autre part, selon vous, 57 p. 100 des militaires ne consultent pas de professionnels parce qu'ils craignent que ce soit noté à leur dossier et que ça puisse nuire à leur avancement ou être perçu de façon négative par leurs supérieurs.
    Avez-vous une recommandation qui permettrait d'augmenter la compréhension des patrons? Vous avez une approche au niveau militaire, mais serait-il possible de travailler avec les supérieurs pour leur donner de l'information ou leur faire comprendre qu'un militaire aux prises avec des troubles de santé mentale peut être réhabilité et redevenir fonctionnel, comme c'est le cas pour certains troubles physiques?

  (1625)  

    En ce qui a trait aux problèmes de santé mentale, il y a moyen de se réhabiliter dans plusieurs cas. Une chose est un peu embêtante. Contrairement à d'autres armées, l'armée canadienne ne vous met pas derrière un bureau si vous avez souffert de syndrome de stress post-traumatique. Cela peut prendre un certain nombre d'années, mais on ne garde pas les gens que l'on ne peut plus déployer, éventuellement. Des tentatives sont faites pour essayer de les placer dans d'autres postes, mais ultimement, l'armée canadienne est une armée de personnel que l'on peut déployer. C'est un choix qui a été fait. Je pense que cela explique aussi pourquoi on recrute beaucoup de monde, mais aussi pourquoi beaucoup de gens s'en vont. Selon moi, il y a des avantages et des inconvénients à cela. Je dirais qu'un des inconvénients est la perte d'une certaine expertise.
    J'ai une dernière question. Au cours des derniers 10 ans, 132 militaires canadiens se sont suicidés. Entre 1997 et 2007, on enregistre annuellement de 10 à 14 suicides chez les soldats. Vous avez réalisé une étude avec des données de 2002. Je présume que cela a été fait auparavant.
    Avez-vous abordé cet aspect? Êtes-vous en mesure de commenter cet aspect? Y a-t-il une tendance à la hausse en ce qui a trait aux suicides? Il est difficile de voir si c'était plus élevé en 1997 qu'en 2007.
    Je n'ai pas de données précises à vous donner, mais je peux vous dire qu'au Québec, le taux de suicide se situe entre 12 et 18 par tranche de 100 000 habitants. Quand on rapporte un taux de suicide — par exemple si on dit que 130 militaires se sont suicidés au cours de telle période —, il faut considérer combien de suicides ça représente par année et ce que ça représente par rapport au nombre total de militaires. Autrement dit, il faut tenir compte du taux et faire une comparaison avec des gens comparables dans la population générale. Le taux est peut-être plus élevé; peut-être qu'il ne l'est pas. Il faut faire cette comparaison si on veut que cette statistique ou ce nombre veuille dire quelque chose. À ma connaissance, cela n'a pas été fait.

[Traduction]

    Merci beaucoup. monsieur, d'être venu, et d'avoir partagé avec nous votre expertise. Nous en sommes reconnaissants.
    Membres du comité, nous allons passer rapidement à notre prochain témoin.
    Merci.

    


    

  (1630)  

    Nous allons reprendre la séance, s'il vous plaît.
    Nous souhaitons la bienvenue à notre prochain témoin, la colonel Girvin, psychiatre, Services de santé mentale, BFC Edmonton.
    Vous avez vu comment nous fonctionnons. Vous avez quelques minutes pour faire votre exposé, et ensuite il y aura des questions de chaque parti. Vous avez la parole.
    Je vais me présenter, je suis la docteure Theresa Girvin. Je suis une lieutenant-colonel dans les forces militaires. Je me suis enrôlée il y a maintenant 19 ans. J'ai une formation de spécialiste en psychiatrie. Je me suis enrôlée dans les Forces il y a 19 ans alors que j'étudiais à l'Université de la Colombie-Britannique. Par la suite, j'ai complété une résidence de deux ans en médecine familiale à McGill, et plus tard, j'ai fait une résidence en psychiatrie à l'Université d'Ottawa.
    Au cours de ma carrière, j'ai servi dans des bases en tant que médecin militaire de soins généraux à Esquimalt, c'est-à-dire Victoria, et ensuite j'ai servi à Ottawa avec une formation de spécialiste en psychiatrie au Centre médical de la Défense nationale. Dans ce poste, j'ai aussi offert des conseils au leadership supérieur des Forces canadiennes sur des sujets touchant la psychiatrie et la santé mentale. J'ai aussi prodigué des soins cliniques. En plus d'Ottawa, j'ai participé à des cliniques à Petawawa, Kingston et Gadgetown et j'ai aussi voyagé dans d'autres endroits, y compris au collège du personnel de Toronto et à Trenton, pour faire de l'enseignement dans le domaine de la santé mentale.
    J'ai été affectée à Edmonton en 2002 et je travaille maintenant dans la clinique des services en santé mentale là-bas. En plus d'évaluer et de traiter les patients des FC, j'offre le leadership clinique en psychiatrie au niveau régional, et j'ai aussi participé à des ateliers de travail nationaux en santé mentale pour les Forces canadiennes.
    En septembre 2005, j'ai débuté une formation post-diplôme professionnel en psychiatrie médico-légale à l'Université de l'Alberta. J'ai dû interrompre ce cours d'un an quand j'ai été déployée à Kandahar d'août à novembre 2006, et j'ai pu reprendre les trois derniers mois de ma formation et je viens de la terminer en novembre dernier. Bien que j'aie une formation de spécialiste en psychiatrie médico-légale, mon domaine d'intérêt principal et mon secteur principal de travail clinique consiste à offrir des soins aux membres des Forces canadiennes, mes patients, qui ont des difficultés de nature psychiatrique, et à les évaluer et à les traiter.
    Ceci complète mon exposé. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup pour cet exposé. Nous aurons des questions, j'en suis certain, et nous allons débuter avec M. Coderre.
    Bonjour, colonel Girvin. Puisque nous pouvons maintenant poser des questions sur des sujets cliniques, faisons-le.
    Nous avons parlé de psychothérapie et nous avons parlé de médicaments. En tant que psychiatre, vous pouvez prescrire des médicaments, donc quel genre de médicaments donnez-vous à un soldat qui souffre du syndrome de stress post-traumatique?
    Un processus d'évaluation est intimement lié à cela. Donc, je ne fais pas que prescrire; je pose un diagnostic. Je fais d'abord l'évaluation du patient.
    Je vous crois.
    Donc, si je fais une évaluation et que je pose un diagnostic de syndrome post-traumatique, l'entrevue de diagnostic que je fais ne se concentre pas seulement sur le syndrome de stress post-traumatique. L'entrevue couvre une vaste gamme de problèmes psychiatriques. Donc, très souvent, et c'est ce que M. Brunet vous a dit également, une personne souffrira également de trouble dépressifs graves comorbides ou coexistants, et cela aura un effet sur la pharmacothérapie que je recommanderai.
    Présentement en psychiatrie, pour la pharmacothérapie du syndrome de stress post-traumatique, nous avons de très bonnes études randomisées à double insu contrôlées par placebo sur l'efficacité du traitement du syndrome du stress post-traumatique par des médicaments que l'on appelle SSRI, ou inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine. Il y a de très bonnes études sur deux de ces médicaments. Je ne sais pas si vous voulez les noms.

  (1635)  

    Oui, s'il vous plaît.
    Nous avons des études sur la paroxétine et sur la sertraline. Il y a aussi une quantité intéressante de données sur la fluoxétine.
    Il faut souligner que ces médicaments sont des antidépresseurs, donc ils sont aussi très efficaces contre la dépression. En général, et d'après mon expérience clinique, ces médicaments seraient les premiers recommandés pour traiter une personne qui répond aux critères diagnostiques, qui a été informée de ses choix de traitement, et qui décide qu'elle veut essayer ce traitement.
    J'imagine que ce sont des médicaments très puissants. Est-ce que ces médicaments sont très puissants?
    Je vais vous dire pourquoi, parce que lorsque nous avons discuté avec le général Jaeger...
    Ils sont efficaces, oui.
    ... nous parlions de réinsertion, et il semble que maintenant nous avons des soldats qui veulent être réintégrés et renvoyés sur le terrain, et ils s'occupent de transport ou autres choses... Est-ce un type différent de médicaments? Et quelle est votre opinion à ce sujet, renvoyer un soldat sur le terrain alors qu'il prend des médicaments?
    L'avantage réel de ces médicaments, c'est que les gens les tolèrent assez bien. De prime abord, il n'y a pas beaucoup d'effets secondaires liés à leur consommation.
    Lorsque l'on prescrit un médicament, que ce soit au Canada ou à l'aéroport de Kandahar, on veut s'assurer avant tout que la personne tolère le médicament. Dans ma pratique, les patients qui acceptent l'ordonnance reçoivent du counselling sur les effets secondaires les plus communs, ce à quoi ils doivent s'attendre et les façons de composer avec les effets secondaires. Je les fais revenir peu de temps après le début du traitement pour voir leur réaction. Si le médicament leur cause des problèmes, nous envisageons des solutions de remplacement.
    Quel est le pourcentage des gens que nous retournons sur le terrain? Connaissez-vous le pourcentage des soldats qui prennent des médicaments que nous voulons retourner sur le terrain? Quel serait ce pourcentage?
    Je voudrais clarifier votre question. Vous me demandez à propos de la situation à Kandahar, alors que je voyais des patients avec des difficultés — quel est le pourcentage de ces patients qui sont retournés travailler et qui prenaient des médicaments?
    Oui.
    Je n'ai pas de statistiques à vous donner, mais le nombre est assez restreint. Je n'ai pas de chiffres exacts.
    Alors, avez-vous des chiffres d'ordre général? Je sais que vous travaillez sur la base, mais avez-vous des chiffres généraux? Bien sûr, nous avons l'étude de M. Brunet, mais à l'heure actuelle pouvez-vous nous dire s'il y a beaucoup de ces soldats qui prennent des médicaments qui sont retournés sur le terrain?
    Non, je dirais qu'il n'y en a pas beaucoup.
    Il n'y en a pas beaucoup.
    Je ne peux pas vous donner plus de précisions. Je crois que le général Jaeger tente de mettre la main sur ces chiffres pour les donner au comité.
    Je pense que c'est important. Certains douteront de la sagesse de retourner ces gens sur le terrain. J'ai aussi entendu dire qu'il y avait des soldats qui, à cause de la culture machiste, se débarrassaient de ces médicaments une fois sur le terrain. Qu'en dites-vous?
    Pouvez-vous aussi nous parler de la sécurité des autres soldats sur le terrain qui travaillent avec ces personnes qui prennent des médicaments?
    Il me semble que vous avez trois questions. La première...
    Allez-y.
    ... en substance, que penseraient les autres si leur caporal revenait et qu'il prenait des médicaments. C'est au caporal de décider s'il veut informer ses collègues de travail du fait qu'il prend des médicaments, si tel est le cas. Encore une fois, j'aimerais vous rappeler que ces cas sont assez peu nombreux.
    De plus, la majorité de ces médicaments sont probablement des somnifères, par exemple. De fait — et ça revient à votre deuxième question, et je n'ai pas les chiffres à l'appui —, je crois que beaucoup d'entre eux ne prennent pas leur médicament avant une sortie. En effet, ils prendront leur décision en évaluant si le médicament pourrait nuire à leur capacité de faire leur travail.
    Lorsque je traite des patients à Kandahar, je ne veux pas exposer ni les patients ni leurs collègues à des risques plus élevés sur le théâtre des opérations. Ainsi, toutes mes interventions sont axées sur une réduction de ces risques.
    Mais nous sommes d'accord, colonel, que nous ne savons pas quelle pourrait être la réaction? Parce que nous ne savons pas quel type de stress pourrait se produire et causer des flashbacks... Comment faites-vous le suivi pour vous assurer qu'il n'y aura pas, comme nous disons en français, une rechute?
    Comment dites-vous rechute en anglais? Je pose la question à la mauvaise personne.
    Une voix:Relapse.
    L'hon. Denis Coderre: Merci.

  (1640)  

    Si je traite une personne qui me préoccupe beaucoup, je m'assurerai qu'il y ait un suivi. De même, un des très grands avantages d'être militaire, c'est que vous faites partie d'une équipe. Vous ne travaillez pas de façon isolée; vous avez des collègues et des superviseurs, et nous nous occupons tous les uns des autres.
    J'imagine qu'à tout moment...
    Alors voilà l'explication. J'essaie simplement de me mettre à leur place. Ils sont gênés. Probablement qu'ils n'aiment pas être différents. Ils doivent prendre ces médicaments, et tout le monde est ensemble, et c'est pourquoi, parfois, il est stressant pour eux de prendre un médicament en présence des troupes. Il y a comorbidité, et ils essayent de trouver une autre autotraitement, quel qu'il soit.
    C'est pourquoi, s'ils prennent un médicament d'un certain niveau, et ils s'en débarrassent... Vous prescrivez un médicament à cette personne pour l'aider, et si cette personne ne prend pas le médicament, elle causera peut-être des problèmes pour le reste des troupes. Comment pouvons-nous faire ce type de suivi pour s'assurer que ces personnes font ce qu'elles doivent faire?
    Une réponse courte, si vous en avez une, Theresa.
    Vous posez une question au sujet de l'adhésion au traitement lorsque des médicaments sont prescrits. La plupart du temps quand des médicaments sont prescrits, ils servent à améliorer les symptômes. J'imagine que vous pourriez faire une comparaison entre cette situation et le fait de donner un comprimé de Tylenol à quelqu'un pour soigner un mal de tête. La personne est libre de ne pas prendre le comprimé et d'avoir ce mal de tête. La question est de savoir si ce mal de tête réduira sa capacité opérationnelle, et c'est ce que j'examine.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous avez mentionné dans votre présentation que vous êtes allée à Kandahar. J'aimerais que vous nous en parliez un peu. Combien de psychiatres y avait-il à Kandahar? Étiez-vous la seule? Y avait-il d'autres médecins psychiatres qui vous accompagnaient dans le camp de Kandahar?

[Traduction]

    Lorsque je suis arrivée, il y avait une psychiatre américaine, et elle est partie après un mois et demi ou deux mois. Elle faisait partie de l'armée américaine. Leur équipe, qui comprenait la psychiatre, était en rotation et une nouvelle équipe avec une composition différente est arrivée.

[Français]

    Je comprends que lorsqu'on est un psychiatre canadien et qu'on va à Kandahar à ce titre, il se peut qu'on ait à traiter des cas d'Américains, de Néerlandais ou d'Estoniens. Est-ce ce qui se passe sur le terrain?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Au moment du départ de l'Américaine, vous étiez la seule psychiatre. Donc, il n'y avait qu'un seul psychiatre pour environ 15 000 personnes dans le camp de Kandahar. Est-ce bien le ratio?

[Traduction]

    Je crois. Je pense que la population à la base canadienne est plutôt d'environ 10 000, mais je me trompe peut-être.

[Français]

    D'accord. J'imagine que vous étiez là à temps plein. Suffisiez-vous à la tâche? Vous me surprenez. Je pensais que les médecins et les psychiatres qu'on envoyait là-bas étaient au service des Canadiens seulement.
    Un seul psychiatre pour 10 000 ou 12 000 personnes, est-ce suffisant?

[Traduction]

    Le personnel des installations médicales est multinational, donc, nous avons travaillé avec nos collègues américains, hollandais, finlandais et, parfois, australiens et britanniques. En général, les Britanniques ont leur propre personnel médical, et les militaires britanniques utilisaient leur propre clinique, donc nous ne voyions pas beaucoup de Britanniques.
    Nous avions des heures de clinique régulières, du lundi au dimanche, et nous pouvions être sur appel à tout moment. Mais il y avait aussi un médecin sur appel 24 heures sur 24, sept jours sur sept, donc, si quelqu'un avait besoin d'être traité au beau milieu de la nuit, un médecin était disponible. Ce n'était peut-être pas un psychiatre, mais s'il avait des inquiétudes et voulait me consulter, il pouvait toujours m'appeler.

  (1645)  

[Français]

    Selon votre expérience, ceux qui sont au front, qui participent à des opérations de combat, subissent-ils des traumatismes psychologiques plus grands que ceux qui restent à l'intérieur du camp?

[Traduction]

    Je ne suis pas certaine. Pouvez-vous répéter la question?
    Ceux qui vont dans les zones de combat sont-ils plus prédisposés à souffrir de SSPT que ceux qui restent à l'arrière, les gens ordinaires qui travaillent dans camp?
    Je peux vous donner des réponses générales. Elles sont basées sur les expériences du passé, du travail fait durant d'autres conflits dans d'autres armées, et du travail fait en psychiatrie civile.
    Vous serez plus enclin à souffrir du syndrome de stress post-traumatique si vous avez subi un stress traumatique qui est psychologiquement plus grave. Oui, être au combat en première ligne est généralement plus stressant. Mais il ne faut pas oublier que ces hommes sont très bien entraînés. C'est leur travail, leur carrière. Je pense que cela leur offre un certain degré de protection.
    Quelqu'un des FAC qui ne s'attend pas à voir une roquette tomber dans le camp pourrait trouver cette expérience très traumatisante psychologiquement. Alors, bien qu'ils puissent vivre moins d'expériences traumatisantes, leur risque de souffrir de SSPT peut être aussi élevé.

[Français]

    On a parlé plus tôt de la confidentialité. On a dit que les soldats avaient peur, s'ils allaient voir un psychiatre comme vous ou dans un centre post-traumatique comme celui de Valcartier, que les données de leur dossier soient connues des commandants.
    Est-il possible que ça arrive? Jusqu'à quel point le traitement de ces soldats est-il confidentiel?

[Traduction]

    L'information médicale concernant une personne, son dossier médical, est confidentielle.
    Il y a deux éléments d'information qui sont transmis aux commandants pour qu'ils puissent commander efficacement. La première, c'est si les activités de cette personne devraient être limitées. La deuxième, c'est le pronostic, ou en gros combien de temps les activités de cette personne devraient être limitées.
    Le diagnostic et l'information médicale personnelle ne sont pas communiqués. Le dossier médical d'une personne, le document lui-même, appartient aux FC, mais l'information contenue dans ce dossier appartient vraiment au patient. Si une personne en veut une copie et veut la donner à son supérieur ou veut en discuter avec le superviseur, c'est sa décision. Ce n'est pas du tout interdit. Mais jamais un professionnel de la santé transmet de l'information sur le diagnostic médical ou le dossier médical d'une personne aux commandants.

[Français]

    Comment le syndrome de stress post-traumatique est-il perçu dans les Forces canadiennes? Je me rappelle d'événements tristes qui ont eu lieu récemment à Edmonton où, au moyen d'un char allégorique, on tournait en ridicule le syndrome de stress post-traumatique. Est-ce vraiment pris au sérieux dans les Forces canadiennes? Selon vous, les soldats qui sont traités pour le syndrome de stress post-traumatique reçoivent-ils un bon traitement? Fait-on tous les efforts possibles pour les réhabiliter?

[Traduction]

    Monsieur, votre question concerne la perception générale du syndrome de stress post-traumatique chez les militaires. C'est une question que les fournisseurs de soins de santé, les fournisseurs de soins de santé mentale, prennent évidemment très au sérieux.
    Qu'en est-il des haut gradés?
    C'est la même chose. Il y a des séminaires continuellement, il y a de la formation continue qui est intégrée à tous les niveaux des enseignements de base pour les médecins militaires. Les gens étudient les différents problèmes de santé mentale et les effets du stress. L'information est disponible, mais comme vous le savez peut-être, offrir de l'information exacte ne suffit pas toujours pour écarter totalement les préjugés des gens.

  (1650)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Black.
    Merci beaucoup.
    Merci d'être venue. J'ai aimé votre exposé. Vous avez eu une carrière très intéressante pendant ces 19 années.
    Certains membres de ce comité ont visité Edmonton, et nous avons rencontré certaines familles là-bas. Je me demandais quelle était votre expérience des effets du SSPT sur la famille. Est-ce que toute la famille doit participer au traitement? Si oui, quels défis cela pose-t-il pour les gens qui n'ont pas de famille rapprochée? Est-ce que le traitement est différent pour les gens qui n'ont pas de famille ou de famille rapprochée?
    Je me demande aussi quel est l'effet sur les soins de santé pour les membres des Forces canadiennes qui sont sous responsabilité militaire, alors que les soins de santé pour les membres de la famille relèvent de la compétence des gouvernements de la province où ils demeurent.
    Je suis certaine d'avoir oublié certaines des questions. Premièrement, comment la famille est-elle touchée.
    Fait-elle partie du traitement?
    Plus souvent qu'autrement, le syndrome de stress post-traumatique comprend des symptômes comme l'irritabilité et la colère. Vous pouvez imaginer à quel point cela peut avoir des conséquences sur la relation intime entre un conjoint et un membre des Forces ou entre les enfants et le parent.
    C'est ce dont je voulais parler.
    Oui, c'est quelque chose qui les touche beaucoup. Dès le début, on les invite, par exemple, à participer au processus d'évaluation. Si une personne a une famille, les services sociaux sont consultés.
    Je remarque aussi que souvent, le conjoint ou la conjointe est en fait la personne qui encourage le membre à obtenir de l'aide. C'est quelque peu lié aux études du Dr Brunet. Les gens ne remarquent pas qu'ils ont des problèmes, mais leur conjoint ou conjointe remarque le changement.
    Alors comment participent-ils? Ils participent au processus d'évaluation. Ils ont droit à certains services de soutien et de traitement de la part des services sociaux militaires. Toutefois, ils n'ont pas droit aux soins médicaux. Nous n'avons pas le mandat de fournir des traitements médicaux aux personnes qui ne sont pas membres des Forces canadiennes.
    À Petawawa, des enfants n'ont pu avoir accès à des services de counselling. Est-ce toujours un problème dans la région d'Edmonton, où vous êtes?
    Eh bien, Edmonton n'est pas une ville aussi isolée, quoi que les services psychiatriques à l'intention des enfants sont assez rares partout au Canada, et cela est vrai également pour Edmonton. Alors, si un enfant a besoin de services psychiatriques, il aurait le même accès que les autres civils dans sa région, accès qui laisse d'ailleurs souvent à désirer.
    En 19 ans de carrière à titre de militaire, quelle a été votre expérience? Avez-vous vu des changements dans la façon dont le SSPT est perçu? Évidemment, nous assurons maintenant un dépistage post-déploiement lorsque les soldats reviennent d'Afghanistan. Avez-vous de l'expérience relativement à ce dépistage et au suivi qui est assuré?
    Oui.
    Pouvez-vous nous en parler?
    Aussi, à votre avis, les défis auxquels les soldats de retour d'Afghanistan doivent faire face sont-ils plus grands que ceux auxquels les soldats ayant participé à d'autres missions ont eu à faire face?
    Pour ce qui est de la perception du syndrome de stress post-traumatique, j'estime que depuis 19 ans on y accorde beaucoup plus d'importance, et les gens y sont davantage sensibilisés. Si vous regardez l'enquête des Forces canadiennes, vous constaterez qu'il y a des désordres qui sont plus courants, mais il semble qu'en ce moment, une bonne partie de l'attention est consacrée au syndrome de stress post-traumatique. Selon moi, cela s'explique probablement par le fait que l'on peut très facilement faire le lien entre le traumatisme lié au stress et le combat.
    Les gens sont donc davantage sensibilisés. Je vous dirais qu'il est presque impossible pour un membre des Forces canadiennes de ne pas être exposé à de l'information sur le syndrome de stress post-traumatique.
    Oui, j'ai déjà participé, à trois reprises il me semble, au dépistage post-déploiement. La plupart des patients qui me sont recommandés viennent me voir parce que le dépistage a permis de déceler des difficultés et la nécessité de procéder à une évaluation plus approfondie — parce qu'il s'agit d'un dépistage et non d'une évaluation diagnostique.
    Je suis désolée, je ne me souviens plus de vos autres questions.

  (1655)  

    Je me demande si vous avez constaté une différence entre les soldats qui reviennent d'Afghanistan et ceux qui reviennent d'autres missions, en ce qui a trait au syndrome de stress post-traumatique.
    Je ne peux que vous donner mes impressions générales. Beaucoup de gens vont en Afghanistan, alors, vous en voyez davantage.
    Avec le dépistage post-déploiement, davantage de soldats viennent nous voir, tandis qu'avant, comme l'étude du Dr Brunet en 2002 l'a démontré, de nombreuses personnes ne voyaient même pas qu'elles avaient un problème, alors, comment pouvaient-elles obtenir de l'aide? De cette façon, on recommande aux soldats d'effectuer un suivi, et tout est consigné. Ils doivent voir leur médecin militaire, ils doivent consulter, ils doivent savoir ce qui se passe. Ainsi, nous voyons beaucoup plus de gens.
    Plus on en sait sur la mission, plus on sait à quoi s'attendre. Pour les missions au Rwanda, en Somalie et dans les Balkans, je crois que peut-être les gens ne s'attendaient pas à ces choses-là; ainsi, d'une certaine façon, c'était plus difficile pour eux. La perception populaire de ce qu'un déploiement implique est maintenant différente ici au Canada, en ce qui concerne l'Afghanistan comparativement aux autres missions précédentes. Les soldats se sentent probablement davantage appuyés maintenant au Canada et ce, peut-être plus que lors de l'un de ces déploiements antérieurs.
    J'ai une autre question sur les lésions cérébrales traumatiques ou acquises, comme on les appelle. Des études effectuées aux États-Unis indiquent que des soldats exposés à plusieurs explosions revenaient avec divers genres de lésions cérébrales. Quelqu'un m'a expliqué que c'était semblable au syndrome du bébé secoué. Voyez-vous ce genre de problème également dans le cadre des traitements post-déploiement que vous effectuez?
    J'ai lu dans le New England Journal of Medicine à propos d'une étude qui examinait un groupe de blessés. L'étude se concentrait sur les gens dans ce groupe qui avaient un traumatisme crânien quelconque avec séquelles — ou commotion, si vous voulez. On a ensuite examiné, pour ce sous-groupe, l'incidence ou la prévalence du syndrome de stress post-traumatique. Et voilà, je crois qu'environ 40 p. 100 des gens qui avaient une importante commotion souffraient aussi du syndrome de stress post-traumatique.
    Je me suis demandée, en lisant l'étude, si c'était comme le fait d'être à proximité des combats et du danger, c'est-à-dire le risque dans le cas du syndrome de stress post-traumatique, n'est-ce pas? Si vous êtes exposé à une explosion assez importante pour vous faire perdre connaissance et que votre vie est en danger, vous répondez assez bien au critère A du syndrome de stress post-traumatique, soit un traumatisme psychologique. Je crois donc que ça puisse être un indicateur.
    Merci beaucoup, madame Black.
    Nous passons au gouvernement et à Mme Gallant.
    Je vais partager mon temps avec le Dr Lunney, s'il reste du temps.
    Docteur Girvin, j'aimerais vous lire une lettre d'un commettant, et puis je vais poser ma question. Ma circonscription comprend la base des Forces canadiennes de Petawawa.
Madame la députée,
Je vous écris aujourd'hui pour porter à votre attention la situation de vos soldats qui reviennent d'Afghanistan et qui souffrent de SSPT ou d'autres problèmes de santé mentale. Mon fiancé est de retour depuis août 2007 et il a demandé l'aide des forces armées pour ses problèmes de santé mentale. Nous nous présentons aux rendez-vous médicaux, allons aux cliniques de santé mentale et parlons à qui veut bien nous écouter. Tout ce que les Forces ont fait, c'est de lui accorder des congés et de lui rendre la vie difficile parce qu'il doit s'occuper du problème.
À la fin de la semaine dernière, on l'a envoyé voir un médecin à la base à Ottawa, et on lui a dit qu'il souffrait du SSPT et qu'il est fort probable qu'il soit libéré des Forces pour des raisons médicales en raison de ces problèmes de santé mentale. Mon fiancé ne vit que pour l'armée, et de mettre fin à son service est bien la dernière chose qu'il souhaiterait. Il veut obtenir les bons soins nécessaires pour pouvoir surmonter ce problème.
Je suis très bouleversée de voir que notre gouvernement, qui est censé aider et soutenir nos troupes, se lave rapidement les mains des hommes et des femmes qui reviennent de leurs missions à l'étranger avec des problèmes de santé mentale. Je comprends qu'il y a des centaines de femmes et d'hommes qui ont besoin d'aide en matière de santé mentale à leur retour au Canada et que nous ne nous sommes pas équipés pour nous occuper d'eux, puisque la demande n'a jamais été aussi grande depuis les deux guerres mondiales. Je crois toutefois que le problème doit être signalé à nos gouvernements et que quelqu'un doit faire quelque chose pour aider nos jeunes hommes et femmes, parce qu'on ne peut pas simplement les abandonner. Et ce problème touche non seulement nos soldats, mais aussi leur famille, de même que notre pays dans son ensemble.
Je vous remercie de votre temps. J'attends votre réponse avec impatience.
    Ma question est la suivante: Que dois-je répondre à cette personne?

  (1700)  

    Si j'avais la lettre devant moi, je pourrais vous proposer une approche, mais je ne pense pas que vous voulez vraiment que je réponde...
    Pas à cette personne en particulier, mais de façon générale, parce que cette lettre aurait très bien pu m'être envoyée par de nombreuses autres personnes également.
    Certaines choses ressortent de cette lettre: que le gouvernement ne se soucie pas de ses soldats, et que personne ne fait rien. Je crois que cette audience du comité démontre que c'est le cas.
    J'imagine que la prochaine étape, avant de répondre à la lettre, consisterait à avoir davantage d'information. Par exemple... vous voyez, je vous parle du point de vue médical. Vous obtenez le point de vue de la fiancée, et je ne sais pas si le fiancé a la même opinion. À votre place, je tenterais d'obtenir davantage d'information avant de répondre.
    Le problème semble surtout venir du fait que les médecins à Ottawa ont dit à cette personne qu'on mettra vraisemblablement fin à son service pour des raisons médicales parce qu'elle souffre du SSPT. C'est un problème qu'il faut régler, parce que les hauts dirigeants nous disent que ces personnes ne seront pas nécessairement chassées des forces armées.
    Comment veiller à ce que ces gens obtiennent des soins plutôt qu'une libération?
    Selon le processus actuel, la personne se présente pour obtenir de l'aide, tout comme l'a fait le fiancé de cette femme. Il obtient un rendez-vous en clinique, il fait l'objet d'une évaluation, puis on lui offre un traitement. Je ne veux pas vous donner l'impression qu'une fois qu'une personne a consulté et fait l'objet d'une évaluation, qu'elle est libérée. Ce n'est pas la façon dont les choses se déroulent. On lui offre un traitement, mais comme les Forces exigent qu'une personne puisse être déployée, on s'attend qu'avec le traitement, la personne recouvre la santé après une certaine période de temps. Une fois qu'elle a recouvré la santé, elle retourne à toutes ses tâches et redevient entièrement déployable; elle n'est pas libérée.
    Comme je n'étais pas dans le bureau avec ce patient ou le médecin, je ne sais pas ce qui a été dit, mais de prédire dès le début qu'une personne sera libérée me semble prématuré.
    Merci.
    Deux minutes, monsieur Hawn.
    J'aimerais poursuivre sur cette lancée, docteure Girvin.
    À votre avis, après 19 ans d'expérience en ce qui a trait à nos soit-disant missions de maintien de la paix en Bosnie et ainsi de suite, et maintenant en Afghanistan, quelle est votre opinion professionnelle des progrès qui ont été réalisés dans les forces armées et au gouvernement relativement à la sensibilisation du système — et je parle du système en entier — pour ce qui est du traitement sérieux de la question et de l'accès, pour les personnes touchées, aux soins et à l'attention mérités?
    Je crois que nous avons parcouru énormément de chemin. Il y a eu un changement énorme, et non pas seulement au cours de la dernière année ou deux. Ce changement s'effectue de manière continue depuis 1997.
    Est-ce juste de dire qu'il y aura toujours quelqu'un qui trouve que le système est inadéquat, peu importe la qualité du système?
    J'imagine que oui.
    Est-ce la nature humaine?
    Cela revient à dire qu'on ne peut plaire à tout le monde tout le temps. Je crois que oui.
    Oui, ça ressemble à ça. D'accord.
    J'aimerais passer la parole à M. Lunney.
    Une minute.
    D'accord, je tenterai d'être rapide.
    Je crois que vous avez dit que les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine sont toujours le traitement de choix pour les gens qui souffrent de certains symptômes post-traumatiques. Ces inhibiteurs n'ont-ils pas récemment fait l'objet de reportages dans les médias?
    Partout dans le monde, on parle d'importantes études qui démontrent qu'ils ne sont guère plus efficaces qu'un placebo pour traiter ces symptômes. J'ai écouté Westminster, où le premier ministre britannique répondait à des questions. Ne discutons-nous pas de la même catégorie de médicaments?
    Êtes-vous au courant d'une approche non pharmacologique, appelée EMDR, qui est approuvée par l'American Psychiatric Association? Israël s'en sert, de même que l'Australie.

  (1705)  

    Oui, j'ai reçu une formation sur cette méthode EMDR, et pour certains patients, c'est une très bonne approche. Elle ne convient pas à tout le monde, tout comme les médicaments ne conviennent pas à tout le monde.
    Je n'ai pas vu cette méta-analyse qui examine les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine pour le traitement de la dépression, mais je vous dirais qu'ils s'appliquent aux cas modérés et légers, et non aux cas graves. Je ne sais pas s'il est approprié d'étendre les résultats de l'étude qui ont fait l'objet de reportages dans les médias aux patients qui souffrent de SSPT, peu importe la gravité des symptômes.
    Merci.
    Très bien; le premier tour est terminé. Nous allons manquer de temps, mais nous allons poursuivre aussi longtemps que possible.
    Monsieur Coderre, à vous de commencer le deuxième tour; vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je tiens tout d'abord à vous remercier. J'aime beaucoup votre candeur, qui est aujourd'hui comme un vent de fraîcheur. On aime obtenir ce genre de réponses.
    Je veux vous parler de la décompression. Dans les journaux d'aujourd'hui, on a pu lire que des soldats canadiens auraient battu une personne vivant à Chypre. Évidemment, il s'agit d'un cas isolé. La justice suivra son cours, s'il y a lieu.
    Il y a eu un temps où on envoyait les gens chez eux immédiatement après leur mission. Il y avait des cas assez pathétiques. La décompression fonctionne-t-elle vraiment? Comment cela se passe-t-il? On dit que le syndrome du stress post-traumatique n'apparaît pas du jour au lendemain. Au cours de la période de décompression qui a lieu après la mission, on ne peut pas dire si quelqu'un souffrira du syndrome post-traumatique.
    Comment évaluez-vous la façon de faire pendant la période de décompression? Peut-on déterminer s'il y aura plus de cas? Il est vrai que peu importe la mission, il y a des situations stressantes. Cependant, la mission en Afghanistan représente un changement de situation pour les troupes, qui vivent un autre genre de stress.
    Au cours de la décompression, pouvez-vous déterminer le nombre de cas de syndrome de stress post-traumatique?

[Traduction]

    D'abord, je ne suis pas experte en matière de décompression, mais je sais de quoi il s'agit. Il ne s'agit pas d'une évaluation ni d'un traitement. On donne la chance aux personnes qui ont été dans le désert...un endroit austère ou un environnement de combat de changer de rythme avant de revenir au Canada.
    Cette pratique remonte à la Deuxième Guerre mondiale. Les Britanniques avaient des maisons de santé de transition pour les anciens combattants qui revenaient du front. Ils ont trouvé que c'était hors de prix, mais assez efficace.
    Voilà ce en quoi consiste la décompression. Il s'agit d'une période de transition et d'une occasion pour donner aux soldats de l'information. Certaines personnes se conduisent mal, si elles en ont l'occasion, et je suis heureux de vous entendre reconnaître qu'il s'agit d'incidents rares. Je crois que...
    C'est un cas isolé.
    Oui, c'est un cas isolé, et c'est une bonne chose, parce que c'est gênant, et je ne voudrais pas qu'il y ait des répercussions sur cette approche, qui est très bien reçue par les troupes. Je ne voudrais pas qu'on leur enlève cette opportunité.
    Il y a une chose qui me dérange depuis le début... Évidemment, tout le monde dira qu'il y a eu certaines améliorations, mais il me semble qu'elles se font davantage sentir au niveau du traitement et de l'évaluation après coup. Je ne crois pas qu'on accorde assez d'attention à la prévention; je crois qu'il faudrait améliorer les méthodes de recrutement. On ne sait jamais ce qui va se passer dans les périodes de grand stress, mais j'imagine qu'il devrait y avoir une grille ou un système de freins et contrepoids qui pourrait être utilisé.
    Qu'est-ce que vous recommanderiez?
    Je suis vraiment heureuse que vous posiez la question, parce que dans le cadre de mes lectures sur l'histoire, j'ai appris qu'au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les forces armées américaines...

  (1710)  

    J'étais beaucoup trop jeune à cette époque-là.
    Les forces armées américaines ont déployé des efforts pour recruter des gens qui seraient moins susceptibles d'être victimes du stress de combat. Il s'agit probablement d'un équivalent: d'abord le stress de combat, puis la réaction au stress et enfin le SSPT. Vers la fin de la guerre, les forces armées rejetaient jusqu'à 70 p. 100 des recrues parce qu'elles présentaient un trop grand risque. Toutefois, cette mesure n'a eu aucun effet significatif sur le nombre de soldats atteints de la CSR.
    Sauf quelques personnes, qui sont clairement en détresse et qui souffrent de symptômes de maladie mentale ou qui peut-être sont handicapées intellectuelles ou ne peuvent suivre la formation, on ne peut rejeter de nombreuses personnes. Si vous pensez qu'on puisse trouver une série de facteurs indiquant qu'une personne ne peut être recrutée parce qu'elle présente un trop grand risque, eh bien, vous allez devoir attendre, car nous n'en sommes pas encore là.
    Serait-il possible, après les résultats d'une simulation, de faire une telle évaluation, après coup?
    Non, il n'y a pas de simulations en laboratoire, mais il y a l'instruction de base et la formation continue. Avant qu'une personne ne puisse participer à une mission, elle doit avoir réussi l'instruction de base, suivi la formation relative à la mission et avoir suivi la formation relative à son métier. C'est un peu comme un test ou une série d'étapes à passer pour prouver qu'une personne a ce qu'il faut et qu'elle est prête à être déployée. Voilà un peu comment cela fonctionne.
    La formation est-elle exactement conçue à cette fin? Non, la formation est offerte, et elle est offerte dans un contexte réaliste de stress afin de préparer les gens, parce qu'on a prouvé dans une certaine mesure qu'une formation très réaliste et très difficile en vue d'une mission peut réduire l'incidence du stress lors des déploiements. Voilà donc un des éléments, j'imagine, dans lequel le leadership joue un rôle très important pour réduire le nombre de victimes du stress, soit en couvrant les éléments de base, par exemple.
    Le leadership, par lequel on s'occupe des éléments de base pour les troupes, réduit le stress. Parmi les sources de stress dans le cadre d'un déploiement, on compte par exemple un manque d'eau au début d'une rotation zéro, et des stress physiques comme celui-ci, comme ne pas pouvoir prendre une douche ou ne pas pouvoir répondre à des besoins de base, ce qui peut être stressant. Ces problèmes peuvent être réglés et ils sont réglés. Vous vous êtes rendu sur place et vous avez vu qu'il y avait beaucoup de services. J'ai participé à l'une des premières séries d'évaluations post-déploiement, et nombre de soldats ont affirmé que le gymnase était une des meilleures choses qui leur était arrivée. À ce moment-là, au lieu d'utiliser ce qu'ils utilisaient avant pour faire de l'exercice — des pierres, ou peu importe —, ils pouvaient aller au gymnase et s'entraîner.
    Offrir des services, répondre aux besoins de base et offrir une formation difficile et réaliste contribuent grandement à réduire les problèmes de stress sur le terrain.
    Merci.
    Il ne reste presque plus de temps, mais la prochaine question sera posée par le gouvernement.
    Je vais revenir à ce dont nous parlions tout à l'heure. J'étais ravi de vous entendre dire que vous connaissiez l'approche EMDR. Je sais que cette approche est approuvée par l'American Psychiatric Association à titre de traitement efficace du SSPT; il s'agit aussi de l'une des trois approches approuvées en Israël; elle est également approuvée en Irlande, en Angleterre, aux Pays-Bas, en France et dans de nombreux autres pays.
    Pourriez-vous donner aux membres du comité une brève description de cette approche et de son rôle dans les Forces canadiennes.
    La désensibilisation des mouvements oculaires et retraitement a été développée par Francine Shapiro. Dans le cadre des traitements qu'elle offrait aux gens qui souffraient de souvenirs traumatiques, elle a observé des mouvements saccadés au niveau de l'oeil. Grâce à cette observation et à d'autres observations, elle s'est demandé si le fait de reproduire ces mouvements chez ses patients tout en travaillant avec eux sur leurs souvenirs traumatiques, ne pourrait atténuer leurs symptômes liés au syndrome de stress post-traumatique. Elle a ensuite développé un processus, l'a consigné et l'a étudié pour voir s'il s'agissait d'un traitement efficace pour le SSPT.
    Il faut évidemment faire une évaluation. Il faut aussi savoir ce que l'on traite, alors on fait un diagnostic. Ensuite, il faut établir que le patient peut se rappeler certains souvenirs liés à des images qui symbolisent pour eux leurs souvenirs les plus troublants. Ensuite il faut les aider à décrire à l'aide de mots ce qui est troublant pour eux exactement. Il faut qu'ils gardent en tête cette image et ces pensées. On leur demande de penser à ces choses tout en procédant à une série de mouvements rapides alternants des yeux. Après un certain temps, on leur demande où ils sont.
    Il s'agit d'une très brève description. Mais je sais que cette approche fait appel à l'aspect de l'exposition. Nous savons que la thérapie par exposition aide les gens qui souffrent du SSPT, parce qu'elle les force à faire face à leurs peurs, si vous voulez, ou à confronter leurs souvenirs les plus troublants. Cette approche fait appel à la thérapie cognitivo-comportementale, puisqu'elle encourage la personne à remplacer ces pensées par d'autres. Elle leur donne quelque chose à faire. Je crois qu'il y a un aspect de suggestion.

  (1715)  

    Pouvez-vous nous dire à quelle fréquence vous et vos collègues des services de santé des Forces canadiennes utilisez cette approche?
    Je crois que dans toutes les bases, dans toutes les bases CSTSO, il y a des personnes qui sont formées à l'approche EMDR. C'est certainement le cas à Edmonton. Je sais qu'on l'utilise à Halifax.
    Pouvez-vous nous dire à quelle fréquence on l'utilise et quels sont les résultats obtenus par rapport à d'autres approches?
    Non, je ne peux pas vous donner des statistiques, mais je peux vous dire qu'il y a certains patients qui écartent immédiatement cette possibilité, tout comme il y en a qui écartent la possibilité d'utiliser des médicaments pour réduire leurs symptômes. Il y a des gens qui, d'entrée de jeu, ne s'y intéressent pas. Pour utiliser l'analogie du Dr Brunet, il nous faut plusieurs outils dans la boîte à outils, et c'en est un.
    Merci.
    On nous appelle à voter à la Chambre.
    Je veux vous remercier de votre contribution aujourd'hui et pour tout ce que vous faites pour nos soldats. Si vous estimez qu'il y a des choses que nous n'avons pas eu le temps d'aborder pendant le peu de temps que nous avons passé ensemble, n'hésitez pas à nous faire part de vos idées par écrit. Vous avez répondu à une question en disant que vous étiez ravie qu'on vous la pose. Si une question à laquelle vous auriez aimé répondre ne vous a pas été posée, n'hésitez pas à nous en faire part.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.