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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 9 mai 2005




» 1745
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         S.E.M. William Fisher (haut-commissaire, Haut-commissariat pour l'Australie)

» 1750

» 1755

¼ 1800
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)
V         M. William Fisher

¼ 1805
V         Mme Paule Brunelle
V         M. William Fisher
V         Mme Paule Brunelle
V         M. William Fisher
V         Mme Paule Brunelle
V         M. William Fisher
V         Mme Paule Brunelle
V         M. William Fisher
V         Mme Paule Brunelle
V         M. William Fisher
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ)

¼ 1810
V         M. William Fisher
V         M. Réal Ménard
V         M. William Fisher
V         M. Réal Ménard
V         M. William Fisher
V         M. Réal Ménard
V         M. William Fisher
V         M. Réal Ménard
V         M. William Fisher
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. William Fisher
V         Le président
V         M. William Fisher
V         Le président
V         M. William Fisher

¼ 1815
V         Le président
V         M. William Fisher
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité)
V         M. William Fisher
V         Mme Lyne Casavant
V         M. William Fisher
V         Le président

¼ 1820
V         M. William Fisher
V         Le président










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 9 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

»  +(1745)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Je déclare ouverte cette 29e séance du Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Nous accueillons Son Excellence William Fisher, qui est le nouveau haut-commissaire australien au Canada et qui a gentiment accepté de venir témoigner devant nous étant donné que nous ne pouvons pas nous rendre en Australie. C'est trop loin et trop cher. Nous espérons que M. Fisher pourra nous éclairer sur la situation particulière qui prévaut en Australie et que nous aimerions connaître plus en détail.

    Merci, monsieur Fisher, d'être des nôtres aujourd'hui. Nous savons que vous devez nous quitter autour de 18 h 30; nous nous efforcerons donc de ne pas abuser de votre temps.

    Allez-y, monsieur, vous disposez d'environ dix minutes. Vous pouvez peut-être commencer par nous donner un aperçu de la situation en Australie. Suivront ensuite des tours de table d'environ sept minutes au cours desquels les membres de notre comité vous poseront des questions. S'il nous reste du temps, il y aura un second tour de table, et les interventions seront limitées à trois minutes.

+-

    S.E.M. William Fisher (haut-commissaire, Haut-commissariat pour l'Australie): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je vous suis également reconnaissant de m'avoir invité.

    Je me sens un peu comme un imposteur aujourd'hui, et ce, pour deux raisons. La première, c'est que je ne suis au Canada que depuis quelques semaines et que j'ai encore beaucoup à apprendre au sujet des affaires canadiennes. Je ne manque pas du tout d'enthousiasme, mais je suis encore un peu inexpérimenté.

    La deuxième raison est que je ne suis pas du tout ferré en matière de lois sur la prostitution. Je vais donc me limiter à vous rapporter des informations dont j'ai pris connaissance indirectement, mais j'espère quand même que mes remarques vous seront d'une certaine utilité.

    Je vous dirais que lorsque j'ai reçu votre invitation à comparaître, je me suis longuement demandé si je devais l'accepter. Je suis arrivé à la conclusion que même si je n'étais pas un spécialiste de la question, je vous devais bien de me présenter en personne si je pouvais vous être d'un quelconque secours en vous parlant de la situation en Australie. Il me semble que si vous avez pris la peine de vous intéresser à l'expérience australienne dans ce domaine, le moins que je puisse faire était de venir témoigner devant vous, étant donné les liens étroits qui unissent l'Australie et le Canada et les parlements de nos deux pays.

    C'est la raison pour laquelle j'ai accepté cette invitation. J'espère que vous ne me testerez pas trop sur mon niveau de connaissances car je pourrais vous décevoir.

    Je suis retourné en Australie où j'ai compilé quelques informations que je vais partager avec vous et qui, je l'espère, vous serviront dans vos travaux.

    La première chose que je dois vous dire, c'est qu'en Australie, les lois sur la prostitution ne relèvent pas du gouvernement central ou national. La prostitution est entièrement réglementée par les États et les territoires australiens. Dans mon pays, il y a six États et deux territoires, soit autant de gouvernements différents. Je suis sûr que vous serez surpris d'apprendre à quel point les similitudes sont rares entre ces huit administrations.

    Je tiens à préciser, en passant, qu'en tant que représentant du gouvernement national, je ne suis évidemment pas bien placé pour parler de l'efficacité des diverses lois sur la prostitution en vigueur. Pour le savoir, le mieux aurait été de s'adresser directement aux différents États et territoires. Mais étant donné le peu de temps à notre disposition, cela n'a pas été possible.

    Comme je l'ai dit, les lois australiennes en matière de prostitution varient énormément d'un État et d'un territoire à l'autre, mais on peut dire qu'il y a en gros trois différents types de lois régissant la prostitution. Si vous me le permettez, je vais les passer en revue.

    Le premier est celui qui criminalise la plupart des formes de prostitution, comme c'est le cas dans trois des huit États et territoires australiens—en l'occurrence la Tasmanie, l'Australie-Méridionale et l'Australie-Occidentale. Le deuxième groupe de lois décriminalise la prostitution, comme dans l'État de la Nouvelle Galles du Sud. Et puis il y a le troisième groupe de lois en vertu desquelles les activités de prostitution organisées sont légales. C'est le cas dans les États de Victoria et de Queensland, ainsi que dans les deux territoires, à savoir le Territoire Nord et le Territoire de la Capitale australienne.

    Si vous le voulez bien, nous allons examiner ces trois catégories une par une. Les États et territoires faisant partie de la troisième catégorie sont ceux, comme je l'ai dit, qui ont légalisé la prostitution organisée. Il n'en demeure pas moins que leurs lois prévoient des sanctions pour punir certaines infractions courantes en matière de prostitution.

    Il existe quatre types d'infractions punissables.

    Le premier concerne les infractions liées à la propagation de maladies sexuellement transmissibles. Ce genre de dispositions vise à empêcher les prostituées atteintes de maladies sexuellement transmissibles de vendre leurs services, et cela s'applique également à toute personne qui possède ou dirige une maison close ou une agence d'escortes; le but est de décourager le recours à des mesures prophylactiques. La deuxième série d'interdictions concerne les infractions liées à la prostitution juvénile. La troisième touche les interdictions relatives à la prostitution de rue. La quatrième vise les restrictions liées à la publicité.

    Voilà donc les quatre lois particulières en vigueur dans les États qui ont légalisé la prostitution organisée, mais qui interdisent les quatre différents types d'activités que je viens de mentionner.

    Je vais continuer de vous décrire les trois catégories, une à la fois. Comme les différences entre elles sont encore assez significatives, si vous le voulez bien, je vais passer en revue les huit États et territoires pour vous présenter les particularités de chacun.

    Prenons, pour commencer, le groupe de la première catégorie. Si vous vous rappelez bien, il s'agit du groupe d'États qui criminalisent la plupart des formes de prostitution.

    Le premier de ces États est l'Australie-Méridionale. Dans cet État, la prostitution en soi n'est pas illégale, mais la plupart des activités liées à la prostitution le sont.

    Permettez-moi de vous en citer quelques-unes.

    Accoster et racoler une personne ou flâner sur la place publique dans le but de se prostituer est illégal. Inciter les gens à se prostituer, soit en faisant de la publicité, soit en les approchant directement est aussi illégal. Vivre, totalement ou partiellement et en toute connaissance de cause des revenus tirés de la prostitution d'une autre personne est également passible de poursuites. Une autre activité illégale est d'entretenir ou de gérer une maison de débauche ou encore de recevoir de l'argent provenant d'un établissement du genre. La dernière infraction consiste à louer des locaux en sachant qu'ils abriteront une maison close ou à permettre que les locaux soient utilisés pour la prostitution.

    Toutefois, je tiens à vous dire, car je sais que cela vous intéresse, qu'en Australie-Méridionale, il n'y a rien qui vise spécifiquement les agences d'escortes.

    Un autre État qui criminalise la prostitution est la Tasmanie. Dans cet État, la prostitution est régie par la Police Offences Act de 1935, qui établit quatre types d'infractions.

    La première vise la prostitution sur la place publique ou toute activité destinée à solliciter, importuner, accoster quiconque pour des motifs immoraux ou encore à flâner dans le but de se prostituer. Deuxièmement, il est aussi illégal de vivre, en toute connaissance de cause, que ce soit complètement ou en partie, des revenus de la prostitution. Troisièmement, il est illégal de solliciter ou d'importuner des gens sur la place publique à des fins immorales. Enfin, il est illégal d'occuper ou d'exploiter une maison, un magasin, une chambre, une place, un lieu public ou quelqu'autre endroit pour y faire de la prostitution.

    En fait, toutes ces mesures sont destinées à interdire toutes formes de prostitution, sauf celle pratiquée par des exploitants uniques, dans l'État de Tasmanie.

    Le dernier État où la prostitution est considérée comme une activité criminelle est l'Australie-Occidentale. Selon les lois de cet État, il est interdit d'entretenir, de gérer et de participer de près ou de loin à l'exploitation de n'importe quel établissement destiné à la prostitution. On considère également comme une infraction le fait d'être locateur, locataire ou occupant d'un établissement du genre, ou encore de permettre sciemment que les locaux soient utilisés pour y faire de la prostitution. En outre, n'importe quel locateur ou propriétaire sachant que ses locaux sont utilisés à cette fin s'expose à des poursuites. Dans ce cas, peu importe que les locaux abritent une ou plusieurs prostituées.

»  +-(1750)  

    En Australie-Occidentale, la Prostitution Act de 2000 a conféré des pouvoirs accrus à la police pour combattre la prostitution infantile ainsi que les travailleurs du sexe qui arpentent les rues. Les forces policières ont obtenu des pouvoirs supplémentaires pour empêcher les travailleurs du sexe de s'établir dans certains quartiers. Les policiers peuvent demander aux prostituées de partir et émettre des ordonnances d'interdiction afin de limiter les endroits où ces gens peuvent aller ainsi que leurs activités.

    Monsieur le président, je viens donc de vous parler de la situation dans les trois États de la première catégorie, qui sont la Tasmanie, l'Australie-Méridionale et l'Australie-Occidentale. Ces trois États criminalisent la plupart des formes de prostitution.

    Passons maintenant à la deuxième catégorie, où c'est le contraire qui se produit. Il s'agit en l'occurrence de l'État de la Nouvelle Galles du Sud qui, comme je l'ai dit, a pris la direction opposée et qui a décriminalisé la prostitution.

    Dans cet État, la prostitution est décriminalisée depuis l'adoption de la Summary Offences Act de 1988. Les seules activités qui sont illégales sont, tout d'abord, celles consistant à vivre des revenus d'un travailleur du sexe. Cela exclut les gens qui possèdent ou gèrent une maison close. Il est aussi illégal de pousser ou d'inciter les gens à se prostituer. Il est illégal de se servir de locaux présentés comme étant des salons offrant des services de massages, saunas et bains de vapeur ou encore comme des salles d'exercice et des studios de photographie, mais qui sont en fait des maisons de prostitution déguisées. Il est aussi illégal de faire de la publicité pour les locaux destinés à la prostitution et même pour les prostituées. Enfin, il est illégal de faire du racolage à proximité d'une maison d'habitation, d'une école, d'une église ou d'un hôpital. Les autorités locales décident de l'endroit où peut s'établir une maison close et elles ont élaboré des politiques pour la gestion de ces établissements dans leur secteur.

    C'était donc la deuxième catégorie d'États où la prostitution a été décriminalisée et cela s'applique essentiellement à l'État de la Nouvelle Galles du Sud.

    Enfin, il y a le troisième groupe d'États qui ont légalisé uniquement la prostitution organisée, je veux parler des États de Victoria et de l'Australie-Méridionale ainsi que des deux territoires autonomes. Dans Victoria, la prostitution est contrôlée par le Prostitution Control Act de 1994, qui prévoit un système de délivrance de permis pour les fournisseurs de services de prostitution. Tous ceux qui offrent des services de prostitution sans permis sont passibles de poursuites. Toutefois, les petites maisons closes exploitées par leur propriétaire n'ont pas besoin de permis. Pour bénéficier de cette exemption, l'établissement doit être enregistré auprès du Prostitution Control Board. Toute personne, qu'elle ait obtenu un permis ou qu'elle soit exemptée, souhaitant exploiter une maison close doit obtenir un permis des pouvoirs locaux, et la prostitution de rue est toujours interdite. Voilà donc la situation dans l'État de Victoria.

»  +-(1755)  

    L'autre État qui a décriminalisé la prostitution est le Queensland. Les lois sur la prostitution de 1992 y ont été amendées pour viser ceux qui organisent la prostitution et profitent de cette activité, plutôt que de pénaliser les prostituées elles-mêmes. À l'époque, les lois du Queensland interdisaient l'exploitation de maisons de débauche, et ceux qui permettaient l'utilisation de locaux à ces fins étaient passibles de poursuites. Ces lois avaient la réputation d'être les plus sévères d'Australie en matière de prostitution, même si elles ne prévoyaient pas d'interdiction totale. Toutefois, en 1999, ces lois ont été modifiées, et on a créé un système de délivrance de permis pour l'exploitation de maisons closes.

    Ce système comporte trois éléments principaux. Une personne peut demander une licence d'exploitation pour une maison de débauche ou encore un certificat pour gérer un établissement voué à la prostitution au nom du titulaire de la licence. Deuxièmement, une maison close peut être frappée d'une interdiction et une fois que l'interdiction a été émise, toute personne entrant dans l'édifice peut être poursuivie. Enfin, les prostituées travaillant à leur compte peuvent se livrer à leurs activités, bien que la sollicitation publique soit illégale.

    Je vous ai dit que les deux territoires faisaient partie de la troisième catégorie des États et territoires qui ont légalisé la prostitution. Pour commencer, avant 1992, le Territoire du Nord avait de facto un système de réglementation permettant l'exploitation d'agences d'escortes dans un environnement contrôlé par la police. Toutefois, depuis 1992, ce système repose sur des fondements juridiques, et la Prostitution Regulation Act de 1992 régit maintenant les agences d'escortes.

    Les exploitants ou les dirigeants d'agences d'escortes doivent obtenir un permis auprès de l'Escort Agency Licensing Board, lequel évalue les candidatures pour déterminer l'admissibilité et la capacité des candidats. Les personnes âgées de moins de 18 ans ne peuvent demander de permis. Sont aussi inadmissibles les personnes qui ne résident pas dans le Territoire du Nord, qui ont été trouvées coupables d'une infraction entraînant l'inhabilité, ou encore les personnes ayant un associé, un conjoint ou un partenaire d'affaires reconnu coupable d'une d'infraction du genre. Dans le Territoire du Nord, les maisons de débauche et la prostitution de rue sont illégales. Seuls les exploitants indépendants peuvent travailler en toute légalité, mais ils ne sont assujettis à aucune réglementation.

    Le dernier territoire, le Territoire de la Capitale australienne, autour de la capitale nationale qui est Canberra, fait également partie de la troisième catégorie qui regroupe, comme je vous l'ai dit, les États et territoires où la prostitution organisée est autorisée. Dans ce territoire, la prostitution a été décriminalisée en 1992 et, d'après la nouvelle Prostitution Act de 1992, entretenir une maison de débauche, vivre des revenus de la prostitution gagnés par quelqu'un d'autre ou encore inciter une personne à faire de la prostitution n'est pas considéré comme une infraction aux yeux de la loi. Les agences d'escortes et les maisons de débauche doivent toutefois être enregistrées comme entreprises. L'établissement de maisons closes n'est autorisé que dans certains secteurs, mais ces restrictions ne s'appliquent pas aux travailleurs indépendants. Il n'y a pas de limite quant au nombre de chambres dans une maison close, mais la sollicitation et le flânage dans un lieu public pour fins de prostitution demeurent passibles de poursuites dans le Territoire de la Capitale australienne.

    Voilà donc les types de lois assez complexes, j'en ai peur, en vigueur en Australie. Comme je vous l'ai dit, ces lois varient d'un État et d'un territoire à l'autre, mais on peut essentiellement les regrouper en trois catégories différentes selon que la prostitution y est criminalisée, décriminalisée ou légale si c'est une activité organisée.

¼  +-(1800)  

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Fisher.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, monsieur Fisher. Je vous remercie de votre présence.

    Je voudrais comprendre un peu. Je trouve le modèle australien intéressant, dans la mesure où il confère aux États la compétence en matière de droit pénal. Dans quelle mesure pensez-vous que nous pourrions, au Canada, confier cette réglementation aux provinces?

    Lors de notre tournée canadienne, j'ai été frappée de voir dans quelle mesure, à Montréal par exemple, on serait prêt à légaliser le travail du sexe, tandis que dans d'autres villes, on serait plus porté à le criminaliser.

    Dans quelle mesure la Constitution australienne est-elle tellement différente de la Constitution canadienne? Vous savez qu'au Canada, on a des problèmes particuliers. S'il faut rouvrir la Constitution, cela constitue une difficulté majeure.

+-

    M. William Fisher:

    Merci.

    Je n'ai aucune suggestion à faire en ce qui concerne le Canada, parce que je suis simplement le représentant de l'Australie. Donc, il n'entre pas dans mes fonctions de faire des commentaires sur les conditions au Canada.

    En Australie, la différence est que, selon la Constitution, ces lois relèvent de la compétence des États et des territoires. Il n'y a donc pas de système unique du gouvernement national pour gérer ces questions. C'est pour cette raison que ce sont, en Australie, les huit gouvernements locaux — qu'il s'agisse des États ou des territoires — qui gèrent les lois sur la prostitution.

¼  +-(1805)  

+-

    Mme Paule Brunelle: Le gouvernement fédéral n'a-t-il donc aucun rôle dans la réglementation en matière de prostitution?

+-

    M. William Fisher: Effectivement, c'est une question de compétence provinciale.

+-

    Mme Paule Brunelle: Est-ce que vous étiez présent au moment où on a implanté, dans chacun des États, des façons différentes de gérer la criminalisation, la décriminalisation ou la légalisation du travail du sexe? Est-ce parce que l'Australie est un immense pays où les mentalités sont variées? Comment est-on arrivé à des solutions aussi différentes d'un endroit à l'autre?

+-

    M. William Fisher: C'est assez commun, en Australie, que les États optent pour des solutions différentes. Parfois, il y a une concertation pour chercher à harmoniser les lois des États et des territoires. Cependant, une question comme celle-là relève vraiment de la compétence des provinces, d'après la Constitution australienne.

+-

    Mme Paule Brunelle: Ce comité a été formé principalement parce qu'on s'inquiète beaucoup de la violence faite aux femmes. Il y a eu des meurtres de personnes prostituées ici, au Canada. Éviter la violence faite aux femmes est un des mandats de ce comité.

    On nous dit que cela a été décriminalisé en Nouvelle-Galles-du-Sud depuis 1988. Est-ce qu'on sait si la violence faite aux femmes a décru depuis? Est-ce que l'un de ces modèles pourrait être une solution pour nous?

+-

    M. William Fisher: Malheureusement, en tant que diplomate, j'ai très peu d'expertise en de telles matières. Je ne pourrais pas faire de comparaison entre les différents modèles. Bien entendu, je pourrais laisser au comité quelques adresses des États et des territoires. On pourrait peut-être y faire, pour le compte du comité, une comparaison entre les choix qui ont été faits par les États. Cependant, d'un point de vue national, je suis tout à fait incompétent pour faire un commentaire sur les différentes solutions qui ont été retenues par les États.

+-

    Mme Paule Brunelle: Est-ce que vous connaissez l'ampleur de la prostitution en Australie?

+-

    M. William Fisher: L'ampleur de quoi?

+-

    Mme Paule Brunelle: De la prostitution. Est-ce qu'il y a 10 000, 20 000, 100 000 personnes prostituées en Australie?

+-

    M. William Fisher: Je crois qu'il faut chercher une personne qui a plus d'expertise que moi sur cette question. Comme je ne disposais que de quelques jours pour produire ces informations, nous avons fait une recherche un peu rapide auprès des territoires et des États d'Australie. Nous avons donc tenté de trouver des informations sur les lois qui réglementent la prostitution en Australie, plutôt que de faire une enquête sur les conditions générales du problème.

    Je m'excuse, mais je vous ai donné à peu près tout ce que nous avons pu trouver jusqu'à présent.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Merci.

    Je vais essayer de demeurer dans un cadre un peu plus général. Je comprends que dans bien des cas, ces questions font appel à une expertise à laquelle on ne peut s'attendre de la part d'un diplomate. Cela concerne plutôt les gens qui sont responsables de l'application de la loi.

    Dans plusieurs documents qui ont été portés à l'attention du comité, le modèle australien est une référence. On dit qu'à cet égard, l'Australie a inspiré la Nouvelle-Zélande ainsi que d'autres pays. La question que je me permettrai de vous poser concerne strictement la prostitution de rue.

    Est-ce qu'on vous a mentionné que dans les États ayant fait l'objet d'une décriminalisation, les communautés avaient connu une baisse de la prostitution de rue?

¼  +-(1810)  

+-

    M. William Fisher: Je n'ai pas vraiment d'opinion sur ces questions. Comme je vous le disais, j'ai très peu d'expertise en la matière. On parle du modèle australien, mais il est en fait très difficile de choisir parmi les modèles qui existent en Australie. Comme vous l'avez constaté, il y a certainement trois modèles différents, si ce n'est huit. Je n'oserais dire qu'un des modèles a mieux réussi que les autres. Il va sans dire que pour les États, ce sont là des questions assez controversées.

    Pour ma part, je suis un diplomate du gouvernement fédéral, et non un expert en droit pénal. Je n'ose pas choisir l'un ou l'autre des modèles. Par contre, je suis certain que vous pourrez trouver des partisans farouches des deux positions dans chacun des États australiens. Il reste que recueillir des avis à ce sujet ne fait pas partie de mes devoirs.

+-

    M. Réal Ménard: Vous comprendrez que ce comité ne voudrait sous aucun prétexte vous mettre dans l'embarras ou porter atteinte à votre immunité.

+-

    M. William Fisher: Je suis très heureux d'être ici.

+-

    M. Réal Ménard: Nous sommes tous très gentils, même si nous ne sommes pas nombreux.

    Je me permets une dernière question. Est-ce que vous connaissez Mme Sheila Jeffrey, qui est professeure de sciences politiques à l'Université de Melbourne?

+-

    M. William Fisher: Je ne la connais pas personnellement.

+-

    M. Réal Ménard: Il s'agit d'une professeure féministe, spécialiste des politiques sexuelles à l'Université de Melbourne.

+-

    M. William Fisher: Ma collègue en a entendu parlé, mais pas moi.

+-

    M. Réal Ménard: Elle a eu des propos très corrosifs sur les politiques.

    En fin de compte, je ne poursuivrai pas dans cette veine puisque vous n'avez pas l'expertise requise. Cependant, si dans le cadre du gouvernement fédéral, des analyses ou des études étaient réalisées, peut-être seriez-vous assez gentil de les faire parvenir à notre recherchiste, de façon à ce que nous puissions en prendre connaissance.

+-

    M. William Fisher: Merci beaucoup. Je suis tout à fait prêt à laisser au comité quelques suggestions lui permettant d'obtenir l'avis de gens plus experts que moi.

+-

    M. Réal Ménard: D'accord. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: J'aimerais vous poser quelques questions.

    Est-ce que le crime organisé est infiltré dans le commerce du sexe en Australie ou dans l'un ou l'autre des États et territoires qui ont adopté des approches différentes?

+-

    M. William Fisher: C'est le cas à certains endroits, mais probablement pas partout. Je tiens toutefois à vous rappeler que je ne suis pas un expert en la matière et que je vous parle simplement comme une personne qui lit les journaux et qui sait que la police a parfois réussi à arrêter de grands criminels impliqués dans la prostitution.

+-

    Le président: Qu'en est-il du trafic de drogues? Est-ce une activité courante dans les milieux de la prostitution?

+-

    M. William Fisher: Une fois encore, je n'ai qu'une connaissance générale de la question. Je ne peux que vous parler de que j'ai lu dans les journaux. Mon témoignage n'est donc pas celui d'un expert. Mais on a souvent rapporté dans la presse que dans des villes comme Sydney, le trafic de drogues et la prostitution vont malheureusement parfois de pair.

+-

    Le président: L'un des problèmes que nous avons au Canada, c'est que les agressions physiques, pouvant conduire jusqu'au meurtre, ne sont que trop courantes. Qu'en est-il en Australie? Parmi les trois catégories d'États et de territoires que vous avez citées, y en a-t-il où la violence est plus fréquente qu'ailleurs?

+-

    M. William Fisher: Je suis vraiment incompétent pour faire des comparaisons entre les différentes catégories. Je pense qu'il est difficile de comparer les États et territoires en raison de leur taille respective. La situation qui prévaut à Sydney, une très grande ville de plus de quatre millions d'habitants, où le crime organisé est bien présent, est certainement différente de la situation que l'on retrouve dans de plus petites capitales de la taille d'Ottawa, de Windsor ou de Québec, où les conditions sociales sont bien différentes, ne serait-ce qu'en raison de l'importance de la ville, pour ce qui est de la présence du crime organisé.

    En Australie, une partie du débat entourant la décriminalisation de la prostitution a tourné autour de la question de la sécurité des travailleurs du sexe et de la meilleure façon possible de protéger ces personnes. Je viens de Canberra, dans le Territoire de la Capitale australienne, où la prostitution organisée a été décriminalisée. Il existe d'ailleurs un syndicat des travailleurs du sexe qui publie régulièrement des articles dans la presse et fait beaucoup pour faire valoir leurs droits. Il considère que la légalisation de la prostitution a contribué à assurer la sécurité des travailleurs du sexe.

    Mais ce qui peut s'appliquer dans une ville relativement petite comme Canberra, qui compte à peine 350 000 habitants, n'est pas nécessairement vrai dans des agglomérations plus peuplées, comme Sydney et Melbourne où vivent 3,5 et 4,5 millions de personnes respectivement.

    Donc, comme je vous l'ai dit, je suis inexpérimenté en la matière. J'hésite à faire quelque commentaire que ce soit. Je vais toutefois vous communiquer des adresses de site Web que les membres du comité pourront consulter, s'ils le souhaitent. Vous pourrez voir qu'il y a des ardents défenseurs dans les deux camps pour chacun des territoires et États que je vous ai mentionnés.

¼  +-(1815)  

+-

    Le président: Qu'en est-il des stratégies pour aider les prostituées à se sortir de ce milieu—je veux parler des aides accordées aux travailleurs du sexe pour laisser la prostitution et se trouver un autre emploi?

+-

    M. William Fisher: Je crains de ne pouvoir vous informer là-dessus. Je serai heureux de renvoyer ce genre de questions aux autorités compétentes, mais personnellement, je regrette de ne pouvoir vous renseigner.

[Français]

+-

    Le président: Madame Brunelle, avez-vous d'autres questions?

+-

    Mme Paule Brunelle: Non.

[Traduction]

+-

    Le président: Notre attachée de recherche a une question à vous poser.

[Français]

+-

    Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité): Bonjour, j'aimerais reprendre l'idée que le président, M. Maloney, vient de formuler.

    Je comprends que le gouvernement fédéral australien n'a pas juridiction en matière criminelle. Toutefois, a-t-il un rôle à jouer dans la lutte contre la prostitution, par exemple par le biais de programmes ou de prévention de la criminalité? A-t-il un autre rôle à jouer qu'un rôle de réglementation en matière pénale?

[Traduction]

+-

    M. William Fisher: Je regrette, je peux à peine vous entendre. Êtes-vous en train de me demander s'il existe des programmes gouvernementaux destinés à aider les hommes et les femmes désireux de sortir de la prostitution?

+-

    Mme Lyne Casavant: Oui, soit des programmes pour quitter le milieu de la prostitution, soit des programmes de prévention pour s'assurer que les gens ne tombent pas dans la prostitution parce qu'ils n'ont pas d'autre choix dans la vie. Des programmes sociaux, des réformes économiques...

+-

    M. William Fisher: Toutes ces questions relèvent des différents États et territoires. Je suis sûr que cela varie beaucoup de l'un à l'autre.

    Comme je l'ai dit, à Canberra, la ville d'où je viens, le syndicat des travailleurs du sexe est un organisme assez puissant qui considère que ce travail est une activité parfaitement légitime. Je ne pense donc pas qu'il envisage les choses dans cette perspective. Mais dans une grande ville comme Sydney, vous trouverez probablement beaucoup de femmes qui ont été forcées à se prostituer, en raison de circonstances particulières, par malchance, à cause de problèmes personnels ou autres et qui pourraient certainement bénéficier de tels programmes. Malheureusement, je suis incapable de vous les décrire car je ne les connais pas suffisamment.

    Si vous avez une liste de questions comme celle-là, vous pouvez me la transmettre et je serai ravi de la soumettre aux différentes autorités compétentes et de vous fournir les réponses.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions?

    Monsieur Fisher, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous. L'étude que vous avez faite au sujet des trois catégories d'infractions est intéressante. Nous allons certainement donner suite à votre offre consistant à nous fournir des informations supplémentaires. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nos recherchistes pourront communiquer avec votre attaché de recherche au Haut-commissariat.

¼  -(1820)  

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    M. William Fisher: Certainement.

    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup et je vous souhaite bonne chance dans vos travaux. J'aimerais vous exprimer toute la sympathie du Parlement australien, ici, dans cette noble enceinte abritant un autre parlement régi par le système britannique.

    Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.

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    Le président: Merci à vous.

    Je vais lever la séance et nous allons continuer quelques instants à huis clos pour discuter des travaux futurs du comité.

    [La séance se poursuit à huis clos.]