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SNSN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 14 décembre 2004




» 1730
V         Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.))
V         M. Frank Graves (président, Les Associés de recherche Ekos inc.)
V         Le président
V         M. Frank Graves

» 1735

» 1740

» 1745

» 1750
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         M. Frank Graves
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Frank Graves
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Frank Graves
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)

» 1755
V         M. Frank Graves
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Frank Graves

¼ 1800
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         M. Frank Graves
V         M. Serge Ménard
V         M. Frank Graves
V         M. Serge Ménard
V         M. Frank Graves
V         M. Serge Ménard
V         M. Frank Graves
V         M. Serge Ménard
V         M. Frank Graves
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)

¼ 1805
V         M. Frank Graves
V         M. Joe Comartin
V         M. Frank Graves
V         M. Joe Comartin
V         M. Frank Graves
V         M. Joe Comartin
V         Le président










CANADA

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 14 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

»  +(1730)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.)): Collègues, à l'ordre.

    Je veux souhaiter la bienvenue à Frank Graves, des Associés de recherche Ekos Inc.

    Avez-vous une déclaration à faire pour commencer?

+-

    M. Frank Graves (président, Les Associés de recherche Ekos inc.): Oui.

+-

    Le président: La parole est à vous.

+-

    M. Frank Graves: Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.

    Je vais prendre 15 ou 20 minutes—en essayant d'être bref parce que je sais que le temps vous presse—pour vous donner un aperçu de ce que la population canadienne pense de certaines des questions entourant notamment la sécurité, les libertés civiles et la protection civile.

    Je vais tenter de vous expliquer des données, dont certaines vont vous paraître évidentes et d'autres surprenantes. Je veux les présenter pour démentir les idées reçues à propos de ce que la population pense de certaines questions.

    Nos conclusions et nos recherches—qui feront heureusement l'objet d'un très petit nombre de diapositives aujourd'hui—se fondent sur des enquêtes détaillées que nous avons commencé à effectuer sur le sujet dès le lendemain du 11 septembre. En plus de sonder l'opinion publique canadienne, nous avons suivi l'opinion publique aux États-Unis, ce qui fournit un contexte intéressant, et nous allons aussi vous donner quelques explications là-dessus.

    Je vais vous résumer nos conclusions sur l'opinion de la population et je vais également essayer de faire ressortir rapidement certaines données récentes, tirées de recherches qui datent seulement de quelques semaines.

    Il y a quatre grandes questions que je vais examiner avec vous aujourd'hui. D'abord, j'aimerais parler d'une des tendances les plus importantes qui se manifeste, à savoir un engagement grandissant à l'égard d'une éthique en matière de sécurité au Canada. Il y a beaucoup d'observations particulières à faire à ce sujet. Je vais vous les exposer rapidement quand je traiterai de ce que nous appelons le «paradoxe de risque». L'engagement grandissant à l'égard d'une éthique en matière de sécurité semble coexister avec une perception assez modérée des niveaux de risque auxquels les Canadiens sont confrontés, surtout pour ce qui est du terrorisme, et nous allons essayer de comprendre un peu pourquoi il en est ainsi.

    Ensuite, nous allons discuter de la difficulté de concilier la sécurité et les libertés civiles et de la façon dont cela s'organise, et je vais conclure en examinant comment cette situation influence nos relations avec les États-Unis, qui sont entourées d'une certaine incertitude, ce qui pose des problèmes considérables.

    Pour commencer par ce que j'ai appelé «l'éthique en matière de sécurité», à partir de différents indicateurs et critères que nous avons appliqués, nous constatons que les Canadiens attachent beaucoup plus d'importance à la sécurité. Pour ceux qui pensent que les gouvernements n'ont pas répondu aux attentes à ce sujet—et il faut dire que les gouvernements font de l'assez bon travail de l'avis des Canadiens—il est certain que les gens privilégient une approche plus énergique et non pas le contraire. Donc, le nombre de ceux qui veulent qu'on accélère le rythme où vont les choses et qu'on fasse davantage est beaucoup plus important que le nombre de ceux qui demandent qu'on ralentisse la cadence.

    Plus important encore, quand on pose des questions plus concrètes et terre à terre comme «Seriez-vous en faveur d'une carte d'identité ou de l'utilisation de données biométriques?» ou «Que pensez-vous de payer une taxe à la sécurité de 24 $ à l'aéroport?» ou encore «Que pensez-vous de l'installation de caméras de surveillance dans votre quartier?», nous constatons systématiquement que les gens veulent plus de sécurité. Ils ne considèrent donc pas que c'est important seulement en théorie, mais aussi en pratique; dans la réalité de tous les jours, ils semblent résolument favoriser une plus grande sécurité.

    Je dois cependant émettre des réserves parce que nous avons constaté récemment un certain recul en raison d'inquiétudes à propos des libertés civiles, en particulier de la protection des renseignements personnels, et je vous en dirai davantage là-dessus en cours de route.

    En général, la population est d'avis que les gouvernements réussissent plus ou moins à affecter les ressources voulues et à prendre les mesures nécessaires pour répondre à l'urgence du problème. En fait, quand on compare l'opinion des Canadiens à celle des Américains sur ces questions, nous constatons qu'il existe un malaise plus grand aux États-Unis qu'au Canada quant à savoir si on agit trop vite et si on va trop loin. Personne ne crie de joie à propos de ce que les gouvernements font à ce sujet, mais les gens pensent que, par rapport à la plupart des autres politiques publiques, le gouvernement vise plutôt juste.

    Ceux qui sont moins d'accord—et il y a des divisions marquées—ont tendance à se partager en deux groupes; celui qui réunit le plus de gens revendique qu'on agisse plus rapidement et de façon plus musclée en matière de sécurité et l'autre, moins important mais peut-être plus engagé, s'inquiète du rythme où vont les choses et surtout des répercussions sur la protection des renseignements personnels et les droits de la personne.

    Je signalerais que le plus petit groupe a été récemment encouragé par certaines tendances, notamment une montée du nationalisme ou peut-être plus exactement les inquiétudes exprimées à propos de l'orientation du gouvernement américain relativement à la guerre au terrorisme.

    Il convient aussi de noter que des faits précis comme l'affaire Arar ont eu somme toute peu d'effet sur la population dans l'ensemble de la situation.

    Les indicateurs sont assez représentatifs en réponse à la question suivante: «Tout compte fait, diriez-vous que le gouvernement du Canada est sur la bonne ou la mauvaise voie en ce qui concerne la sécurité nationale?»

»  +-(1735)  

    Nous voyons que c'est très stable ici. J'ai beaucoup d'autres données prises à intervalles réguliers. Il n'y a pas beaucoup de différence, de désaccord. Nous en voyons plus pour d'autres questions, selon les régions et les groupes au Canada mais, en général, dans une proportion de deux contre un, on répond de façon assez constante, que, tout compte fait, nous sommes sur la bonne voie—alors que les chiffres sont beaucoup moins favorables quand on pose la même question pour l'ensemble des mesures gouvernementales.

    La question sur l'équilibre est révélatrice puisque, quand on demande «En ce qui concerne les mesures de sécurité prises en réaction au terrorisme, diriez-vous que nous sommes allés trop loin, que nous ne sommes pas allés assez loin ou que nous avons réagi comme il fallait?», la majorité, une forte pluralité, disons, estime que nous faisons ce qu'il faut. Par contre, dans une proportion de six contre un, ceux qui ne sont pas de cet avis estiment que nous devrions réagir plus rapidement, non pas plus lentement.

    Par rapport aux données américaines sur ce sujet, on constate que la polarisation est plus grande, parce qu'il y a un Américain sur cinq qui s'inquiète du rythme où vont les choses, alors que le résultat est seulement de 7 p. 100 au Canada.

    À ce propos, nous constatons une segmentation assez importante dans la population. En effet, les résidants du Québec et les jeunes Canadiens ne sont pas aussi convaincus que nous devons agir plus rapidement. Ceux qui estiment qu'il est nécessaire d'accélérer le rythme sont plus nombreux en Alberta et en Ontario ainsi que parmi les Canadiens plus âgés et les baby boomers.

    J'ai parlé rapidement du paradoxe du risque un peu plus tôt. Il y a deux ou trois choses à dire là-dessus. D'abord, il est important de remarquer que l'engagement grandissant l'égard de la sécurité semble exister malgré le fait qu'on évalue de façon assez modérée les risques imminents, surtout pour ce qui est des actes de terrorisme qui pourraient me toucher, moi, ma famille ou même le pays dans son ensemble. La population reconnaît facilement que ces menaces visent les États-Unis, mais le nombre de Canadiens qui les jugent fort probables ici est assez limité.

    C'est du domaine du possible, mais ce n'est pas quelque chose de très probable pour les Canadiens. Alors pourquoi, dans les choix que nous proposons et les questions que nous posons, y a-t-il un si fort penchant pour la sécurité?

    Je pense qu'un certain nombre de facteurs entrent en ligne de compte. D'abord, même si ce n'est pas probable, c'est une éventualité, qui semble si terrible que les Canadiens sont prêts à investir beaucoup et à faire des sacrifices pour empêcher qu'elle ne se produise.

    Ensuite, nous avons constaté que, même s'ils ne pensent pas être une cible pour les terroristes, les Canadiens sont bien convaincus, en majorité, qu'il y a beaucoup d'activités à l'appui du terrorisme à l'intérieur de nos frontières et qu'il ne faut surtout pas avoir la réputation d'exporter du terrorisme, en particulier aux États-Unis.

    Enfin, même si les Canadiens hésitent à reconnaître jusqu'à quel point c'est important—il y a certaines ambiguïtés là-dessus—les relations du Canada avec les États-Unis les inquiètent beaucoup et ils ne voudraient vraiment pas, si un autre problème de sécurité survenait et surtout s'il mettait en cause le Canada, qu'on ferme la frontière entre nos deux pays.

    Si on parle à plus long terme, on constate des changements sur les plans démographique et culturel, parce que ceux qui ont grandi dans le souvenir de la Seconde Guerre mondiale, qui ont subi l'influence d'Orwell et ont été témoins de ce que le socialisme d'État et le fascisme pouvaient faire, sont moins catégoriques. Aujourd'hui, ce sont les images du 11 septembre qui frappent le plus l'imagination, de sorte que le Big Brother et les craintes qui y sont associées semblent avoir perdu de leur impact sur la société contemporaine, surtout au Canada.

    Il y a un autre aspect au paradoxe du risque quand on interroge les gens sur des risques précis s'ils voyagent aux États-Unis, prennent l'avion, sont exposés à un virus étrange ou même vivent un acte terroriste; dans ce cas, les gens répondent que la probabilité d'incidents du genre diminue. Ils se sentent plus en sécurité. Mais nous constatons en même temps que le sentiment de peur est très généralisé à l'égard du monde dans lequel nous vivons, surtout par rapport à ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières. Le monde est donc considéré comme plus dangereux aujourd'hui, et les Canadiens sont plus nerveux et inquiets au sujet de ce qui doit être fait.

    Il est aussi important de se rendre compte que la sécurité, pour la population, est une notion très vaste qui ne se limite pas au terrorisme mais qui est rattachée à des aspects comme l'environnement, la santé, les urgences climatiques et le reste.

    En général, nous constatons que l'on s'attend de plus en plus à ce que le gouvernement joue un rôle plus important de gardien ou de gestionnaire du risque. Il y aura un défi de plus en plus grand à relever à mesure que l'écart entre la perception du risque et le traitement statistique de ce risque, ou du moins le niveau objectif de risque, va se creuser. C'est d'autant plus vrai si nous examinons ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières.

»  +-(1740)  

    Je vais vous montrer des diapositives là-dessus. Vous pouvez constater que la plupart des gens pensent que le Canada est moins sécuritaire qu'il ne l'était, disons, il y a cinq ans. Il y a une légère tendance à considérer que le pays est moins sécuritaire mais, pour ce qui est du monde en général, les gens sont de plus en plus nombreux à penser qu'il est plus dangereux d'y vivre.

    Voici le problème: quand on interroge les gens sur les répercussions de ce qui se passe à l'extérieur du pays, dans différents secteurs d'activités, y compris les domaines sociaux et économiques, mais aussi ceux liés à la sécurité, ils répondent que les problèmes qui nous touchent sont de plus en plus causés par ce qui se passe à l'étranger.

    Je vais m'expliquer. Cette étude, qui a commencé au lendemain du 11 septembre, indique le nombre de gens qui pensent qu'il est hautement probable ou fort probable qu'ils vont subir un acte terroriste. C'est ce que montre la courbe du bas, qui enregistre les résultats les plus faibles qui se situent à environ 5 p. 100. La deuxième courbe indique le pourcentage de gens qui pensent que le pays va connaître un événement terroriste, et la courbe du dessus, montre qu'un pourcentage beaucoup plus élevé de gens pensent que les États-Unis vont connaître un acte de ce genre. Vous pouvez voir que l'appui pour un investissement important dans la sécurité n'est pas motivé par la crainte que cela va m'arriver à moi, ou à notre pays dans un proche avenir.

    Maintenant, passons à cette question très complexe et je dirais trouble de la sécurité et des libertés civiles. Nous constatons que la population canadienne est d'avis que la situation est assez bien équilibrée. Quand nous opposons les questions de libertés civiles aux impératifs de sécurité, la population semblait favoriser davantage la sécurité, même si quelques autres données indiquent que la question est devenue plus ambiguë et complexe au cours des derniers mois.

    Nous remarquons que les gens font bien confiance aux services de police et de sécurité. Les gens ne leur donnent pas carte blanche mais la latitude que les Canadiens accordent aux forces policières pour traiter ces problèmes est très grande.

    Même quand les Canadiens expriment des doutes quant à savoir, par exemple, si l'accès à plus d'informations sur Internet ou par des moyens de communication électronique devrait améliorer leur sécurité, ils semblent croire assez fermement, quoique ce ne soit pas nécessairement clair, que les services de police et de sécurité doivent pouvoir recourir à ces moyens puisque les terroristes et les criminels les utilisent aujourd'hui. Cela correspond à ce que les Canadiens estiment être les mesures qui conviennent le mieux pour s'attaquer au terrorisme et aux problèmes de sécurité. La population considère que les renseignements de sécurité sont essentiels.

    Nous constatons maintenant que les inquiétudes en matière de protection des renseignements personnels sont grandes. Il semble que, pour la population, la limite à ne pas dépasser a trait à la protection des renseignements personnels, et les inquiétudes à ce sujet augmenteraient. On se préoccupe davantage de la protection de ses propres renseignements personnels que de celle des autres. Les profils raciaux sembleraient acceptables. On accepterait même assez fortement que ses propres communications Internet soient interceptées, particulièrement pour le genre de renseignements recherchés.

    Je pense que les gens ont répondu de façon est assez révélatrice à la question bien simple qu'on leur a posée et qui est la suivante: tout en reconnaissant l'importance des deux mesures suivantes dans le monde actuel, le gouvernement du Canada devrait-il selon vous s'efforcer davantage de protéger la sécurité publique ou bien de garantir les libertés civiles? Les gens ont répondu à 62 p. 100 de protéger la sécurité publique et à 32 p. 100 de protéger les libertés civiles. Les gens sont déchirés parce que les deux protections sont importantes et qu'ils n'acceptent pas que la protection de l'une empêche la protection des autres. En revanche, quand il faut choisir, il semble qu'un nombre assez considérable de gens soient portés à favoriser la sécurité.

    Ce que je veux vous montrer ici, c'est qu'il y a des données contradictoires. Vous verriez que les tendances sont très constantes si je vous montrais les réponses intermédiaires, qui ne sont pas disponibles. Il faudrait accorder plus de pouvoir aux services de police et de renseignement pour assurer la sécurité même si cela oblige les Canadiens à renoncer à certaines garanties quant à la protection de leur vie privée. Les gens étaient nettement favorables à cela au lendemain du 11 septembre, dans une proportion de presque trois contre un mais, maintenant, on constate que cet énoncé recueille l'appui de moins de la majorité. Il y a seulement une pluralité des gens qui conviennent qu'il faudrait accorder plus de pouvoir à la police. Donc, la protection des renseignements personnels semble renverser un peu la tendance.

    Je veux vous parler rapidement du fait que nos relations avec les États-Unis sont rendues de plus en plus difficiles en raison de ce débat. Nous constatons que la vision que les Canadiens ont des États-Unis est empreinte d'une profonde ambivalence et d'une profonde instabilité. Des changements s'opèrent et on veut de plus en plus qu'on adopte une solution typiquement canadienne.

»  +-(1745)  

Nous pouvons être d'accord avec les Américains sur la signification du problème et les ressources à y consacrer, mais il semble y avoir des désaccords profonds quant aux causes du problème et aux meilleurs moyens de le régler.

Les Canadiens nous disent, à la suite des élections américaines, qui étaient à leur avis plus importantes pour leur avenir que les élections canadiennes, et dont ils appréhendaient le résultat obtenu, qu'ils préféreraient que le gouvernement du Canada accentue les différences entre les deux pays au lieu d'essayer d'être plus accommodant et conciliant à l'égard de la stratégie sur le terrorisme et la sécurité, et ils voudraient qu'il adopte une approche plus globale à l'égard des relations étrangères. C'est ce que les Canadiens pensent même s'ils considèrent qu'une plus grande intégration avec les États-Unis sur les plans de la sécurité et de l'économie est inévitable, ce qui leur paraît acceptable.

    On se rend compte qu'il y a des contradictions importantes ici. Il y a notamment des divergences d'attitudes frappantes en matière d'immigration. L'opposition des Canadiens à l'immigration était récemment à son niveau le plus bas de l'histoire, alors qu'il y a deux fois plus d'Américains qui s'y opposent malgré le fait qu'ils reçoivent deux fois moins d'immigrants. Il y a aussi une foule de questions à propos desquelles nos opinions divergent, ce qui annonce, à mon avis, des frictions entre la vision américaine et la vision canadienne sur les questions de sécurité et les solutions à y apporter.

    Par ailleurs, même si des questions comme la défense antimissile balistique sont très controversées, la question du périmètre de sécurité reçoit un appui solide tant au Canada qu'aux États-Unis.

    Nous avons vraiment été surpris de ce qu'on nous a répondu à cette question, posée il y a seulement quelques semaines, après les élections américaines. En effet, quand on a demandé si nos politiques en matière de sécurité nationale devraient faire ressortir la différence dans nos valeurs, ou si le Canada devrait s'efforcer de mieux conformer ses politiques en matière de sécurité nationale à celles des États-Unis, les résultats ont été étonnants puisque la grande majorité a répondu que nous devrions mettre l'accent sur les valeurs qui nous distinguent.

    J'ai pensé qu'il serait intéressant d'examiner l'évolution à long terme de l'opposition à l'immigration. Il y a à peu près 10 ans, plus de la moitié des Canadiens trouvaient que nous accueillions trop d'immigrants. Vous pouvez voir que ce point de vue a accusé un recul constant jusqu'au 11 septembre, qui correspond à la ligne pointillée sur le graphique, alors que les préoccupations au sujet de l'immigration ont connu une très forte hausse. Mais vous voyez que l'opposition continue de diminuer davantage.

    Les données américaines, sur lesquelles je n'ai pas beaucoup de détails, montrent que l'opposition est de plus de 55 p. 100 chez nos voisins, alors qu'elle est de 26 p. 100 au Canada. Il y a donc des différences d'attitudes de plus en plus importantes entre nos deux pays à propos de l'immigration et plus généralement pour ce qui est de la tolérance à l'égard de la diversité et du multiculturalisme. Beaucoup de Canadiens pensent que c'est un moyen de prévention qui doit faire partie d'une stratégie à long terme en matière de sécurité et de terrorisme, alors que ce point de vue n'est pas répandu aux États-Unis.

    Si je continue, vous pouvez remarquer que, malgré les divergences d'opinions et le désir des Canadiens d'avoir des stratégies différentes de celles de leurs voisins du Sud, le périmètre de sécurité commun reçoit un appui solide et stable au Canada, même s'il est légèrement inférieur à celui qui existe aux États-Unis. Fait intéressant, autant au Canada qu'aux États-Unis, on est de plus en plus favorable à des frontières plus marquées. Autant les Canadiens que les Américains semblent vouloir plus de protection que pas assez, et c'est un peu la motivation ici.

    Pour conclure, j'aimerais indiquer brièvement quels sont les principaux éléments à surveiller et ce que nous pouvons tirer de cette étude. D'abord, l'éthique en matière de sécurité semble solidement ancrée dans la société canadienne et ne pas être une réaction éphémère et fragile aux attentats du 11 septembre. Elle semble persister et a même pris de la vigueur, malgré le fait qu'il n'y a pas eu d'autres incidents du même genre au Canada ou en Amérique du Nord.

    On semble faire assez confiance au gouvernement et aux services de sécurité et—particulièrement au Canada—on s'attend de plus en plus à ce que le gouvernement réoriente ses priorités pour assumer un rôle de gardien ou de gestionnaire du risque. La question de la protection des renseignements personnels et peut-être celle de la diversité sont en train de contrer la tendance voulant qu'on se concentre davantage sur la sécurité. Pour beaucoup de gens, la protection des renseignements personnels semble être la limite à ne pas dépasser dans ce débat. La plupart des Canadiens sont d'avis qu'il faut vraiment débattre de ces sujets. C'est de plus en plus ce que les gens déclarent depuis quelques mois.

    Mais les Canadiens semblent avoir une idée bien différente des causes de ces problèmes dans le monde aujourd'hui, et peut-être au Canada, ainsi que des solutions à adopter pour les régler à long terme. Ils accordent la priorité aux renseignements de sécurité, au multiculturalisme et à l'immigration.

    Le paradoxe du risque dont j'ai parlé représente un défi important pour le gouvernement qui doit essayer de concilier la gestion rationnelle du risque et la perception irrationnelle du risque.

»  +-(1750)  

J'ai lu dans un livre qui vient d'être publié qu'aux États-Unis, 20 p. 100 des Américains croient qu'il est fortement probable qu'ils vont connaître un acte de terrorisme d'ici un ou deux ans. Pour que cela ait pu être statiquement vrai, il aurait fallu qu'il y ait eu des attentats semblables à ceux du 11 septembre tous les jours depuis cette date. Il y a donc un écart énorme entre les perceptions et la réalité. Quoi qu'il en soit, la population est juge et détermine ses attentes à l'égard du gouvernement en fonction de ses perceptions.

    Enfin, il y a un facteur déconcertant qui indique des divergences avec les États-Unis, ce sur quoi je ne veux pas trop insister parce qu'il y a encore énormément de similitudes ainsi que de valeurs et d'intérêts communs qui sont peut-être plus marqués. Cependant, dans des domaines comme la sécurité, l'immigration et peut-être l'environnement, il y a des risques de conflit qui semblent s'amplifier et non diminuer.

    Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.

+-

    Le président: Merci de votre exposé captivant, monsieur Graves. C'est très intéressant.

    M. Sorenson sera le premier intervenant.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): J'ai une très brève question à poser. Avez-vous constaté des différences marquées dans vos recherches entre le Canada anglais et le Québec? Vous avez mentionné que le besoin de sécurité est très important en Alberta. Mais y avait-il une différence remarquable entre le Québec et le Canada anglais?

+-

    M. Frank Graves: Oui. Parmi les différences significatives, il y en a trois que j'aimerais faire ressortir. D'abord, au Québec, les gens affichaient, par rapport aux questions de risque, une attitude en général plus blasée—ils avaient le sentiment que les efforts déployés étaient suffisants et que les niveaux de risque étaient peut-être importants, mais on était moins inquiet que dans des provinces comme l'Alberta, par exemple.

    Une deuxième différence qui est nouvelle, c'est que les Québécois ont une opinion beaucoup plus négative des États-Unis et particulièrement du gouvernement américain que ce n'était le cas par le passé. Cela a beaucoup influencé leurs réponses à certaines des questions.

    En troisième lieu, et c'est assez contradictoire pour le Québec, même si les Québécois accordent habituellement beaucoup d'importance aux droits de la personne et voient l'immigration de façon plus favorable qu'ailleurs dans le reste du pays, pour ce qui est des profils raciaux et de l'attitude à adopter à l'égard des immigrants provenant de pays islamiques ou d'origine arabe, les réponses au Québec étaient en général plus négatives, c'est-à-dire qu'on approuvait davantage les profils raciaux que dans les autres régions du pays.

    Il y a d'autres différences, mais ce sont les principales.

+-

    M. Kevin Sorenson: Quand vous dites qu'il y a des différences «importantes», jusqu'à quel point le sont-elles? Pour certaines questions, la différence est énorme, mais jusqu'à quel point est-elle importante?

+-

    M. Frank Graves: Elle est importante statistiquement, au-delà des critères conventionnels, et je dirais surtout qu'elle l'est fondamentalement. Dans certains cas, il y avait des différences de 20 et 30 points de pourcentage, et peut-être même plus, entre les gens en accord ou ceux en désaccord sur certaines des questions que je vous ai exposées aujourd'hui. Donc, les différences étaient très importantes. Selon les critères que nous utilisons habituellement, les différences dont j'ai parlé se situeraient entre 10 et 30 points, et se rapprocheraient probablement des 30 points dans la plupart des cas.

+-

    M. Kevin Sorenson: Pour les sondages, combien de gens avez-vous interrogés, 5 000 peut-être?

+-

    M. Frank Graves: Les échantillons comprennent habituellement entre 1 000 et 1 500 personnes mais, comme on les a répétés sur plusieurs années maintenant, on a obtenu les résultats dont je vous ai parlé de sondage en sondage, et on ne peut absolument pas prétendre qu'il y a eu des problèmes d'échantillons. Il y a eu littéralement des dizaines de milliers de répondants et, même au Québec, ils sont plusieurs milliers.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Graves.

    À propos d'un périmètre de sécurité commun, et je pense que nous en avons discuté ici, c'est une expression assez lourde de sens. Je me demande si les gens qui ont répondu à la question la comprenaient vraiment complètement. C'est comme pour la maternité, les problèmes résident dans les menus détails. Est-ce à dire, par exemple, qu'il faudrait avoir des politiques d'immigration uniformes? Nous devrions peut-être adopter la même attitude à l'égard des armes à feu, ou les mêmes politiques pour harmoniser les normes sur les produits, par exemple. J'aimerais donc que vous nous fournissiez des explications rapides là-dessus.

»  +-(1755)  

+-

    M. Frank Graves: C'est une excellente question. Si on avait posé la question en donnant les exemples que vous avez proposés, l'appui inconditionnel aurait été moindre.

    L'appui, à mon avis, repose surtout sur le désir sincère d'assurer la sécurité du Canada et des États-Unis. C'est une motivation très profonde dans les deux pays. L'appui s'explique aussi par le fait qu'on veut continuer d'avoir accès à des perspectives commerciales développées qui sont associées à l'énorme économie de notre voisin du Sud et, si jamais un autre attentat survenait, la frontière entre nos deux pays ne serait pas fermée. On peut se demander si les réponses dépendent des questions, comme celles sur l'immigration.

    Sur des sujets comme la décriminalisation de la marijuana, nous avons constaté que l'appui s'affaiblit. Dans certains cas, il reste majoritaire, mais dans d'autres il est moins clair.

    On a vu que les gens ont une bien piètre opinion du gouvernement américain pour ce qui est de sa politique en matière d'affaires étrangères, particulièrement en Irak. Si on remonte dans le temps, par exemple, quand la guerre en Irak a été déclenchée, à peu près 60 p. 100 des Canadiens appuyaient la position du gouvernement, mais environ 45 p. 100 étaient d'avis que les Américains avaient aussi raison; donc, l'ambivalence était grande. La dernière fois que nous avons posé cette question, il y a environ un mois, les pourcentages étaient maintenant de 85 et 25 p. 100. On pense aujourd'hui que Canadiens et Américains ne peuvent avoir tous les deux raison, et que c'est eux qui ont tort.

    Ainsi, l'opinion sur l'intégration des politiques s'est peut-être aussi effritée dans une certain mesure. Plus précisément, pour ce qui est de la défense antimissile balistique, à propos de laquelle l'évaluation de la population n'a pas beaucoup changé, les niveaux d'appui ont diminué parce qu'on se dit: «Si vous aviez tort là-dessus, que dire du reste?»

    Je pense aussi que les Canadiens—et c'est malheureux—croient à tort que les Américains en veulent au Canada pour la position qu'il a prise à propos de l'Irak, par exemple, peut-être parce qu'ils regardent CNBC. Pourtant, quand on interroge les Américains, la position que nous avons prise n'a eu aucun effet sur leur opinion, ou en a eu un légèrement favorable. Le Canada est devenu un peu l'emblème des aspirations libérales perdues en Amérique et un bon nombre d'Américains, qui n'approuvaient pas la position des États-Unis, respectaient plus ou moins celle du Canada.

    Cela ne persistera peut-être pas, mais on a le sentiment maintenant qu'il faut être plus prudent sur ces sujets. J'ai parlé de la question de l'immigration pour laquelle l'orientation est assez différente. Je ne pense pas que les Canadiens accepteraient d'harmoniser leurs politiques d'immigration, surtout compte tenu des différences constatées. Accepteraient-ils, par exemple, d'harmoniser les politiques sur l'inspection des aliments? Probablement que oui, et je pense qu'il y a un ensemble de mesures qui seraient jugées d'un point de vue pratique par les Canadiens. Mais il est clair qu'il y a des question qui les inquiéteraient beaucoup.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Puis-je poser une autre brève question?

    Je sais que vous ne faites pas l'analyse psychologique des gens qui répondent aux sondages, mais vous comprenez évidemment bien le sens de ce que les répondants vous disent, vous lisez entre les lignes en quelque sorte. Pour ce qui est des solutions au terrorisme et à l'immigration, en général les Américains sont sur leurs gardes—et pour utiliser un langage convenu—ils veulent de moins en moins de ceux qui pourraient leur nuire, alors que les Canadiens qui acceptent plus facilement les autres cultures, ce qui nous aide à comprendre les gens, comme les intégristes islamistes, ou nous assurent plus de sécurité parce qu'ils ne vont pas commettre d'actes de terrorisme contre les leurs. Qu'est-ce que cela vous dit?

+-

    M. Frank Graves: Je ne sais pas jusqu'à quel point les Canadiens ont réfléchi à la question mais quand on propose des choix sur ce qu'il faudrait faire, des réponses comme la politique sur le multiculturalisme et l'immigration obtiennent des résultats élevés. Elles ne figurent pas en haut de la liste, mais elles se classent après les renseignements et les mesures de sécurité liées au contre-espionnage.

    Au fait, je vous ai expliqué certaines divergences à propos de l'immigration. Elles se manifestent aussi à propos d'attitudes et de valeurs beaucoup plus primordiales de tolérance ou d'ouverture à l'égard des étrangers. Il y a des différences d'attitudes entre les Canadiens et les Américains. Les Canadiens sont plus susceptibles d'avoir un passeport. Ils voyagent plus; ils sont aussi plus favorables, par exemple, aux institutions multilatérales et croient en leur importance dans le monde.

    D'après les données démographiques du Canada, la diversité ethnique des gens de moins de 30 ans est beaucoup plus grande ici qu'aux États-Unis. Tous ces facteurs laissent croire que les différences vont plutôt s'accentuer que diminuer avec le temps. Je le dis tout en sachant très bien que les États-Unis sont une société pluraliste, généralement libérale à propos de ces questions.

    Par exemple, les Canadiens croient que certains des problèmes de sécurité et de terrorisme sont en fait liés aux idées et aux attitudes que les États-Unis véhiculent dans le monde sur les plans économique et politique. Ils ne sont pas les seuls à le penser; c'est ce qu'on croit de plus en plus dans les autres pays. On veut peut-être en quelque sorte ne pas être perçus comme les responsables de la soit-disant guerre de civilisation ou des disparités économiques qui existent entre les pays développés et les pays en développement, ce qui est à l'origine du problème pour beaucoup plus de Canadiens que d'Américains.

    On a un peu le sentiment qu'une société caractérisée par une diversité ethnique et raciale, qui est plus ouverte au monde et cosmopolite, serait moins susceptible de connaître ce genre de problème et d'être une cible de choix.

¼  +-(1800)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Graves.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Si je comprends bien, votre exposé est basé sur plusieurs sondages qui ont été faits, n'est-ce pas?

[Traduction]

+-

    M. Frank Graves: Oui. Il tient compte de plusieurs sondages, probablement 15 ou 20...

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Comme nous sommes en public, votre exposé est public.

[Traduction]

+-

    M. Frank Graves: Oui.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous n'auriez donc pas d'objection à nous faire parvenir une copie électronique de votre présentation PowerPoint.

[Traduction]

+-

    M. Frank Graves: Non, pas du tout.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Ma question ira dans le même sens que celle que M. Sorenson vous a posée plus tôt. Avez-vous une analyse, sinon par province à tout le moins par langue—le français et l'anglais—portant sur les questions?

[Traduction]

+-

    M. Frank Graves: Oui, je pense avoir déjà souligné les grandes différences sur ces questions. Si je passe les questions en revue, je peux assurément vous dire quelles sont les principales différences.

    À propos de l'immigration, comme je l'ai dit, l'opposition à l'immigration est plus faible au Québec. Pour ce qui est de l'appui aux profils raciaux, il est plus important au Québec. Les inquiétudes quant aux risques associés au terrorisme et à la sécurité sont moins grandes au Québec, et les Québécois ont aussi moins le sentiment qu'ailleurs au pays qu'il faudrait agir de façon plus énergique ou plus rapide à ce sujet.

    Il y a évidemment d'autres différences importantes entre les provinces et les régions ainsi que les groupes démographiques. Ce qui est très frappant, c'est que les jeunes Canadiens semblent plus que les baby-boomers et les Canadiens âgés partager la vision du Québec. Autrement dit, ils ne pensent pas que les risques sont aussi graves que les autres groupes de la population. Ils sont plus méfiants à l'égard des politiques américaines sur le sujet et un peu plus inquiets de l'accélération du rythme. La situation actuelle leur convient mieux.

    Il y a aussi d'autres différences, mais celles que je viens de vous exposer sont les plus importantes.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: J'apprécie beaucoup le travail que vous avez fait, mais sans vous donner trop de travail supplémentaire, serait-il possible, lorsque vous nous enverrez une copie de cette présentation graphique, que vous y ajoutiez quelques pages illustrant cette différence?

[Traduction]

+-

    M. Frank Graves: Oui, j'ai déjà des notes là-dessus. Moi ou mes associés pourrons vous fournir des données démographiques par région, langue, âge et le reste. Je ne vais pas indiquer toutes les différences. Je vais me limiter aux principales, à celles qui sont les plus significatives.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard.

    Monsieur Comartin, c'est à vous.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Nous constatons que les gens ont l'impression que la criminalité est pire qu'en réalité. Si vous posez la question au Canadien moyen, vous allez avoir l'impression que le nombre de crimes est de 100 ou 1 000 p. 100 plus élevé que dans les faits. Vos propos me laissent croire que les Américains ont aussi une perception nettement exagérée des risques que des actes terroristes ne se produisent, mais vous n'avez fait aucun commentaire au sujet de ce que les Canadiens pensent. Est-ce que notre perception des risques est vraiment exagérée par rapport à la réalité?

¼  -(1805)  

+-

    M. Frank Graves: À vrai dire, je pense que les Canadiens évaluent les risques avec assez de prudence, et pensent qu'ils sont moins importants au Canada qu'ils ne le sont aux États-Unis.

    J'ai des indicateurs directs là-dessus, mais je peux aussi déduire d'autres données que c'est plutôt la prudence que le sentiment d'un danger imminent qui anime les Canadiens. Nous ne voulons vraiment pas que ces problèmes soient exportés aux États-Unis; ce serait vraiment dramatique. Nous ne le voudrions pas pour des raisons morales, mais surtout pour nos intérêts économiques. Je pense qu'un pragmatisme bien légitime s'ajoute aux impératifs moraux.

    Nous n'avons pas le temps de nous étendre là-dessus, mais c'était une question fascinante.

    L'écart entre l'évaluation des risques individuels et les données statistiques à ce sujet est très intéressant. Dans bien des domaines, je dirais qu'il s'amenuise avec le temps. Autrement dit, les Canadiens et probablement les Américains évaluent avec plus d'exactitude les risques réels associés au tabagisme, à la conduite automobile et aux voyages en avion. C'est lié à un meilleur niveau d'instruction, à l'influence des médias et le reste.

    Il semble que l'écart entre les risques statistiques et la perception de ces risques est plus grand quand les phénomènes sont éloignés de nous, autant sur le plan géographique que par rapport à ce que les psychologues appellent la source de détermination. C'est la raison pour laquelle vous vous sentez plus à l'aise au volant de votre voiture qu'à bord d'un avion, même si les risques que vous mourriez d'un accident de voiture sont beaucoup plus élevés.

    Plus particulièrement, nous constatons aujourd'hui que les gens sont très inquiets au sujet de l'instabilité géopolitique, de ce qui se passe au Moyen-Orient ou des activités insoupçonnées que pourrait mener une étrange cellule terroriste. Ces préoccupations augmentent le niveau d'anxiété et je crois que c'est aussi lié à l'évolution démographique de notre société. La cohorte des baby-boomers est grande, et il semble qu'on s'inquiète davantage à mesure qu'on vieillit.

+-

    M. Joe Comartin: J'ai une dernière brève question à poser, parce que tout le monde veut partir.

    Les gens craignent que les dispositions et les lois sur la sécurité ne portent atteinte à leurs droits à la vie privée. Les médias se sont beaucoup intéressés à la question au cours des derniers mois, du moins depuis les dernières élections fédérales et beaucoup plus qu'au printemps, quand vous avez fait vos derniers sondages. Est-il possible que cette préoccupation à propos de la protection des renseignements personnels soit de courte durée? Va-t-elle s'atténuer quand il n'en sera plus question dans les nouvelles?

+-

    M. Frank Graves: Votre question est très pertinente. D'abord, les inquiétudes exprimées dans les médias, qui sont des mises en garde positives probablement, ne reflètent pas l'opinion publique générale à ce moment-ci. Le public est d'avis que c'est très important mais, contrairement aux Américains, les Canadiens ne croient pas que les gouvernements recueillent ces informations, par exemple, pour exercer une surveillance insidieuse, contrôler les citoyens ou dans un but non avoué. Au pire, ils vont peut-être penser que vous prenez votre temps pour rien et que vous monopolisez trop de ressources, mais ils ne craignent pas vraiment que vous ayez des desseins secrets.

    Je pense que c'est une caractéristique de la société canadienne que des gens comme Seymour Martin Lipset ont décrite depuis longtemps. Nous respectons un peu plus l'autorité dans ces matières, et cela ne s'applique pas seulement au gouvernement mais aussi aux services de police et de sécurité.

+-

    M. Joe Comartin: Mais cela figure comme un facteur important?

+-

    M. Frank Graves: L'aspect le plus important de tout cela est la question de la vie privée et de la protection des renseignements personnels. C'est un aspect pour lequel les Canadiens disent qu'ils... Et ils sont sincèrement très inquiets.

    Mais je soulignerais que, dans la réalité, ils n'ont pas encore rejeté l'idée des données biométriques ou de l'identité nationale. En général, la majorité vont clairement favoriser la sécurité, malgré de grandes inquiétudes. Maintenant, je trouve que la population est bien vigilante. Si elle constate qu'il y a vraiment des irrégularités à l'égard de la charte, elle va demander qu'on arrête.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

-

    Le président: Merci, monsieur Graves. Votre exposé a été très intéressant et vous nous avez fourni beaucoup d'informations. Je veux vous remercier, vous et vos collègues, du travail que vous avez fait; vous nous laissez beaucoup de matière à réflexion pour la période de festivités. C'est de l'excellent travail.

    La séance est levée.