FAIT Rapport du Comité
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Même si la Colombie est officiellement une démocratie depuis fort longtemps, elle a aussi une longue histoire dinégalités, de troubles politiques et de violence. Ainsi, la décennie de violence appelée La Violencia qui a débuté dans les années 40 a fait plus de 200 000 morts et sest achevée par un partage du pouvoir entre les partis libéral et conservateur qui a duré une trentaine dannées. Le conflit actuel entre le gouvernement et les guérilleros marxistes les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) qui comptent 17 000 membres et lArmée de libération nationale (ELN) qui en a 3 500 a commencé au début des années 60 et tourné autour de questions comme la répartition du pouvoir politique et labsence de réforme agraire. Pendant des années, ce conflit en est demeuré un de faible intensité généralement restreint aux régions rurales de Colombie. Le commerce grandissant de la drogue a toutefois touché toutes les parties concernées par le conflit, et lincapacité du gouvernement à protéger les citoyens dans tout le pays a entraîné la formation de groupes dautodéfense ou militants de droite plus communément appelés groupes paramilitaires, dont le plus important est Autodéfenses nies de Colombie (AUC) qui compte 10 500 membres (et connaît la croissance la plus rapide)
6.À la fin des années 90, le conflit sest intensifié et les insurgés ont gagné beaucoup de terrain. Paradoxalement, la situation était due en partie aux manuvres pour se positionner à la suite de la décision du président colombien, Andres Pastrana, en 1998, de céder aux FARC une importante zone démilitarisée en un geste de bonne volonté visant à favoriser un processus de paix plus vaste. Grâce à cette mesure, les FARC se sont présentées à la table des négociations, mais de nombreux officiers de larmée colombienne et dautres intervenants ont soutenu que la zone leur a permis de renforcer leur position sur le plan tant militaire que financier par une augmentation des enlèvements et du narcotrafic.
Certains progrès ont été accomplis depuis 1998, notamment le début dun processus de paix officiel entre le gouvernement et les FARC ainsi que lintervention accrue de la communauté internationale. Il y a toutefois eu une aggravation du conflit de longue date qui a causé la mort de milliers de civils (de 3 000 à 3 500 personnes ont été tuées lannée dernière), le déplacement denviron deux millions de personnes et des violations généralisées et permanentes des droits de la personne par toutes les parties en cause, la mise à rude épreuve de la démocratie en Colombie et peut-être menacé la stabilité de la région andine sous leffet du débordement de la violence, de lafflux de réfugiés et de la production de drogues.
Le conflit colombien est souvent qualifié de « guerre civile », mais cette description est fausse, car les groupes dinsurgés armés nont guère de soutien dans la population. Par contre, elle reflète fidèlement la situation colombienne, malheureusement, en ce sens que le fardeau du conflit retombe de façon disproportionnée sur la population civile. Comme le président Pastrana la expliqué au Sous-comité à Bogotá, « nous navons pas de guerre civile, mais une guerre contre la société civile ». Témoignant devant le Sous-comité, lambassadrice de la Colombie au Canada, Fanny Kertzman a donné des chiffres pour illustrer la terrible violence qui fait rage en Colombie : en 2000, quelque 26 000 Colombiens ont été tués, sur une population de 40 millions dhabitants, ce qui représente 65 morts pour 100 000 habitants; au Canada, 570 personnes ont connu une mort violente sur une population de 30 millions dhabitants, ce qui équivaut à 1,9 mort violente pour 100 000 habitants, soit 32 fois moins quen Colombie
7.La Colombie nen reste pas moins une démocratie qui fonctionne, comme en témoigne le fait quenviron 10 millions de Colombiens ont voté aux élections au Congrès du 10 mars 2002, malgré des risques plus importants. Cependant, lopinion sest durcie et les élections présidentielles qui auront lieu en mai 2002 seront certainement un référendum sur les mesures que doit prendre le gouvernement pour corriger la situation.
II. RELATIONS ENTRE LE CANADA ET LA COLOMBIE ET « PLAN COLOMBIA »À lautomne 2001, M. Jan Egeland, alors conseiller spécial du Secrétaire général de lONU sur la Colombie, a déclaré au Sous-comité :
Il y a beaucoup de concurrence avec les nombreuses autres régions agitées, mais la Colombie est aux prises avec le plus important conflit dans lhémisphère occidental. Elle constitue le plus gros problème de lhémisphère occidental au niveau des droits de la personne; elle présente le plus grave problème de déplacement de lhémisphère occidental; et elle a le plus gros problème de drogue de lhémisphère occidental8.
Tous les témoins se sont entendus pour dire que la situation en Colombie revêt une très grande importance pour le Canada et que ce dernier pourrait y jouer un rôle plus déterminant. Le Canada cultive des relations bilatérales avec la Colombie depuis près de 50 ans, et il y met en uvre un programme de coopération bilatérale depuis les années 1960. En 1999, les deux gouvernements ont signé un nouvel accord de coopération bilatérale, et le nombre de visites de haut niveau entre les deux pays a augmenté9.
Du point de vue de la politique étrangère, la Colombie est importante pour les trois objectifs déclarés de la politique étrangère du Canada :
prospérité et emploi le pays est un marché important et en pleine expansion, et des entreprises canadiennes y ont déjà fait des investissements considérables;
sécurité dans un cadre mondial stable laggravation du conflit en Colombie pourrait entraîner leffondrement du pays ou un conflit régional, dont les conséquences seraient, entre autres, lexpatriation de Colombiens (réfugiés);
projection des valeurs canadiennes à léchelle des Amériques, cest en Colombie que les valeurs canadiennes telles que les droits de la personne et la saine gestion publique sont le plus menacées
Outre ces éléments concrets, la Colombie est plus importante que jamais pour le Canada, car elle constitue un test pour son engagement envers les Amériques et sa capacité de promouvoir la sécurité humaine et une saine gestion publique dans cette partie du monde. Cest là un rôle que le Canada a consolidé en tant que protagoniste clé dans lintervention fructueuse que lOrganisation des États américains (OEA), en 2000, pour protéger la démocratie au Pérou et à titre de pays hôte du troisième Sommet des Amériques à Québec en 2001. Le gouvernement du Canada a alors déclaré quil voulait être un chef de file dans les Amériques; or, la Colombie est malheureusement un pays où subsistent un grand nombre des problèmes de lhémisphère. Compte tenu de lhistoire de la région, il est indéniable que de nombreux États des Amériques considèrent le Canada comme une voix nord-américaine différente de celle des États-Unis.
Les États-Unis ont occupé une position clé dans le débat international entourant la Colombie. Les priorités américaines ont été de réduire lentrée aux États-Unis des drogues qui en proviennent et dassurer la stabilité de la Colombie. Une grande partie de laide américaine a été dispensée dans le cadre du Plan Colombia. Élaboré par le gouvernement de Colombie avec létroite collaboration des États-Unis, le Plan Colombia est un programme triennal de 7,5 milliards de dollars américains qui comporte à la fois des mécanismes de la lutte contre le narcotrafic (militaire) et des mesures de développement. Des ressources de quelque 4 milliards de dollars devaient être fournies par le gouvernement de la Colombie, et on espérait que 3,5 milliards viendraient de la communauté internationale. La contribution de 1,3 milliard de dollars américains au Plan Colombia a été dans une large mesure axée sur la lutte antidrogue (74 p. 100), surtout au moyen de la formation et de lapprovisionnement de larmée colombienne. Étant donné que larmée colombienne a toujours eu un bilan médiocre en matière de droits de la personne, le Plan Colombia a continué de faire lobjet de vives critiques en Europe et ailleurs, malgré les limites strictes imposées par le Congrès américain pour faire en sorte que laide ne serve quà la lutte antidrogue.
En 2001, reconnaissant la nécessité dexaminer les problèmes de la Colombie selon une perspective régionale, ladministration Bush a présenté lInitiative régionale andine, une initiative de 782 millions de dollars américains qui sétend à la fois à la lutte contre le narcotrafic et à des mesures de promotion de la démocratie et des programmes de développement. Près de la moitié de laide financière sera affectée à la Colombie, et le reste aux pays voisins, soit le Pérou, la Bolivie, lÉquateur, le Brésil, Panama et le Venezuela
11.Les FARC, lELN et les AUC figuraient déjà sur la liste des organisations terroristes du gouvernement américain avant les attentats terroristes du 11 septembre 2001, mais ces attentats ont évidemment entraîné un changement de perspective à Washington notamment en ce qui concerne le « narcoterrorisme ». En novembre 2001, le Canada a également porté ces groupes sur la liste des entités liées au terrorisme dont les actifs ont été bloqués et peuvent désormais être saisis en vertu de la nouvelle loi.
Les attaques continues des rebelles contre les oléoducs et dautres infrastructures ont conduit le président Pastrana à demander aux États-Unis, en janvier 2002, délargir leur appui à la Colombie au-delà de la lutte contre le narcotrafic. Au début de février 2002, le président Bush a proposé détendre laide américaine au-delà de la lutte contre le narcotrafic et de consacrer quelque 98 millions de dollars américains à la formation et à léquipement des forces colombiennes pour quelles puissent protéger les infrastructures critiques, à commencer par un important oléoduc dont se sert une société américaine. Le processus de paix ayant été interrompu, ladministration Bush a proposé de lever les restrictions applicables à lutilisation de laide militaire américaine, sans aller jusquà envisager le recours à des forces militaires américaines en Colombie.
À la fin de 2001, Judy Meltzer de la Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL), qui a témoigné devant le Sous-comité, a fait remarquer:
Au Canada, le débat entourant le conflit colombien a tendance à être polarisé. Dune part, les défenseurs des droits de la personne se prononcent contre les approches militaires et limpunité paramilitaire et, dautre part, le gouvernement canadien plaide en faveur dune paix négociée et de la démocratie grâce à lappui du gouvernement colombien et des volets non militaires du Plan Colombia12 . [ Traduction]
Les observations de Mme Meltzer décrivent fidèlement les audiences du Sous-comité à Ottawa. Ce constat est regrettable, étant donné que les deux perspectives doivent faire partie de la politique canadienne. Lambassadeur Rishchynski a déclaré aux membres du Comité : « une solution politique au conflit colombien est la seule solution acceptable pour le pays. Les solutions militaires ne sont tout simplement pas viables, compte tenu de la géographie du territoire et du fait que ce conflit dure depuis 50 ans
13. » Maintenant que le processus de paix a été interrompu, les membres du Sous-comité demeurent convaincus quune solution négociée, bien que plus difficile, demeure en fin de compte la solution idéale.De nombreux témoins à Ottawa et à Bogotá ont critiqué ce quils appellent le « volet militaire » du Plan Colombia et ils ont recommandé que le Canada manifeste publiquement et fortement son opposition. Le secrétaire dÉtat (Amérique latine et Afrique) de lépoque, M. David Kilgour, a déclaré au Sous-comité que « le volet militaire englobe les fonds destinés à aider les forces militaires colombiennes à reprendre le contrôle des régions productrices [de drogues]14. » De plus, un certain nombre de témoins ont critiqué ce quils considèrent comme une faille dans notre politique dexportation darmes, faille qui permet au Département dÉtat américain dacheter des hélicoptères excédentaires auprès des Forces canadiennes et de les envoyer ultérieurement en Colombie. Le Canada ne vend pas de matériel militaire de combat à la Colombie en réalité, il na vendu aucun matériel militaire en 2000, si on en croit le dernier rapport annuel sur lexportation de marchandises militaires du Canada , mais lambassadrice Kertzman a demandé aux membres du Sous-comité dappuyer une demande de la Colombie visant à acheter du matériel de surveillance et dautres « matériels de protection » du Canada
15.Interrogé à ce sujet, M. Kilgour a déclaré au Sous-comité en mars 2001 que le gouvernement du Canada avait beaucoup de doutes au sujet du volet militaire ou antidrogue du Plan Colombia, mais quil avait décidé ni de lappuyer ni de le condamner16. Certains présument quil sagit simplement de respect envers la position américaine sur la Colombie; pourtant, le gouvernement colombien appuie pleinement le volet militaire du Plan Colombia et il a déclaré aux membres du Sous-comité quil était très important. La raison en est peut-être que lopposition publique limiterait laccès du Canada au gouvernement de Colombie et son influence sur celui-ci. Quoiquil en soit, le Plan Colombia nest probablement pas aussi judicieux que ses défenseurs lespéraient, ni aussi mauvais que ses opposants le craignaient17.
Nous exprimons notre assurance que le dialogue et les négociations politiques, fondés sur la primauté du droit et le respect du droit international humanitaire, mèneront à une paix stable, juste, solide et durable, mettant ainsi un terme à la violence et à la souffrance humaine résultant du conflit.
Déclaration dappui au processus de paix en Colombie
Troisième Sommet des Amériques
Québec, 22 avril 2001
La démocratie est toujours une lueur despoir. Le plus ironique, cest que malgré les grands bouleversements et la guerre civile qui se perpétue en Colombie, la démocratie na jamais cessé dy exister. Et beaucoup de représentants du gouvernement, au niveau du président et à dautres niveaux aussi, ont essayé de faire bouger la réforme des droits de la personne, se sont prononcés de façon très musclée là-dessus, et ont adopté certaines initiatives.
Alex Neve
Amnistie internationale
Novembre 200118
Selon une observatrice canadienne qui a témoigné devant le Sous-comité, la Colombie représente lun des plus grands défis pour nos principes de démocratisation de lhémisphère occidental
19. Depuis des décennies, un conflit sauvage et lexpansion du narcotrafic ont entraîné un problème omniprésent de violence, de corruption et dimpunité, et mis à rude épreuve les institutions et les processus démocratiques de Colombie. Parallèlement, la pire récession en plus de 50 ans a aggravé le chômage et affaibli davantage la capacité du gouvernement de corriger les problèmes de grande pauvreté et de développement du pays. Toutefois, le fait que le président Pastrana ait pu mener sa campagne sur un processus de paix et quil ait entrepris celui-ci démontre que le pays fonctionne toujours comme une démocratie. Hal Klepak, professeur au Collège militaire royal, a déclaré dans son témoignage devant le Sous-comité que la Colombie était une « démocratie faible ». Il a toutefois ajouté :Ce gouvernement est un gouvernement démocratique qui, selon les normes latino-américaines nest pas si mauvais. Depuis plusieurs décennies, le pays connaît les circonstances de la guerre, qui ont des conséquences dramatiques. La Grande-Bretagne serait dans un bien triste état aujourdhui si elle avait tenté, en 1940, de mener une guerre aussi sauvage tout en préservant les attributs de la démocratie20.
Si lamorce dun processus de paix et la décision de faire intervenir enfin la communauté internationale ont été en soi de belles réalisations, les progrès accomplis dans les négociations de paix ont été malheureusement minimes. Généralement, même si toutes les parties en Colombie se sont officiellement entendues sur la nécessité de la paix et dune réforme en profondeur du système politique colombien, aucune ne semble suffisamment prête à faire les compromis nécessaires pour atteindre ces objectifs. M. Klepak a déclaré au Sous-comité : « Il ny a rien qui oblige réellement les parties à venir négocier avec un réel désir de parvenir à une paix. Je ne crois pas que lon soit encore rendu à cette étape-là. » Selon lui, lélite colombienne estime quelle na pas à faire de compromis sur des enjeux cruciaux, et les guérilleros ainsi que les groupes paramilitaires sont solidement établis et trop efficaces sur les plans financier et militaire pour le faire21. Stephen Randall, doyen à lUniversité de Calgary, était encore plus pessimiste, déclarant quen raison du narcotrafic et dautres facteurs, ni les guérilleros ni les paramilitaires ne veulent réellement la paix22.
Une violence permanente imprègne la société colombienne. Lambassadrice Kertzman a commencé son témoignage au Sous-comité en projetant une vidéo de reportages colombiens sur des attentats, disant : « je peux vous dire tout ce que je veux sur mon pays, cela naura pas la même force que ces images que nous voyons aux informations quotidiennement
23 ». Ce jugement est entaché de subjectivité, mais certains membres croient que, même en dehors des informations, les émissions télévisées violentes en Colombie contribuent à désensibiliser les jeunes et dautres personnes à une violence devenue permanente, et quune réglementation ou tout au moins une campagne dinformation serait utile.La violence continue a non seulement causé la mort de milliers de Colombiens, mais elle a aussi favorisé la corruption et miné le système judiciaire, ce qui a conduit à un état dimpunité quasi total. Limpunité est un élément central dans les défis de la Colombie concernant les droits de la personne et la démocratie. Elle était au centre dun rapport que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a publié en décembre 1999 et qui traitait de la réaction du gouvernement de la Colombie à un terrible massacre survenu en 1998 dans la ville septentrionale de Barrancabermeja.
Même si le gouvernement de Colombie doit être tenu responsable de navoir pu protéger ou venger ses citoyens au moyen du système judiciaire, il na généralement ni la capacité ni la crédibilité pour ce faire. Lambassadrice Kertzman a déclaré ce qui suit au Sous-comité à lautomne 2001 :
Certains voudraient vous faire croire que le gouvernement est responsable de la violence endémique et du terrorisme qui ravagent mon pays. Rien ne saurait être plus faux. En réalité, lÉtat ne peut pas être présent partout en Colombie.
Nous sommes en train de moderniser notre système juridique, nous investissons dans la santé et léducation, nous construisons des routes dans les zones reculées. Nous faisons de notre mieux avec des ressources limitées. Mais parlez-moi dun autre pays dans le monde qui soit confronté au défit du développement et aux menaces de trois organisations terroristes financées par le narcotrafic, sans mettre en péril son régime démocratique. Il arrive dans ce genre de situations que les gouvernements qui croient à la démocratie soient obligés de faire front commun contre la menace du terrorisme24.
Tout pays démocratique doit assurer la sécurité de ses citoyens. Le gouvernement de Colombie en est toutefois incapable. Selon lambassadrice Kertzman, « le gouvernement de la Colombie na malheureusement pas les moyens dassurer la protection et la sécurité de tous les citoyens du pays »25 Bien que la police nationale ait un bilan relativement bon en matière de droits de la personne, Mme Kertzman a fait remarquer quà la suite dattaques répétées, plus de 200 petites villes de Colombie étaient privées dune présence policière en 2001. Larmée est aussi incapable dassurer la sécurité. Selon M. Klepak, « de nombreux observateurs, même à gauche, affirment depuis longtemps que le problème en Colombie ne tient pas au fait que larmée est trop forte, comme cest le cas dans dautres pays dAmérique latine quon pourrait vous nommer, mais que larmée est trop faible. Cest une armée sédentaire. Elle ne sort pas de sa caserne et ne terrorise personne. Elle reste là, et attend. Cela irrite énormément les Américains, étant donné que le gouvernement na aucune politique active26 ».
On sentend généralement pour dire que, pour être forte et démocratique, la Colombie aura besoin dune armée compétente, et celle-ci sest améliorée considérablement ces dernières années. Toutefois, les efforts pour utiliser laide internationale afin de renforcer les capacités de larmée colombienne sont compliqués par les preuves de longue date établissant des liens entre certains officiers militaires colombiens et les groupes paramilitaires responsables de violations des droits de la personne, même si la situation saméliore. Voilà qui explique partiellement les nombreuses critiques à légard de laide bilatérale américaine axée sur la formation et léquipement de larmée colombienne dans le cadre du Plan Colombia.
La plus grande priorité doit être datténuer les souffrances des Colombiens, mais la vraie sécurité ne sera possible que si le conflit armé se règle. Il appartient aux Colombiens de consentir enfin les compromis nécessaires pour faire régner une paix juste. Le Canada et dautres pays, notamment les membres du G-10 qui ont été invités par le gouvernement colombien et les FARC à faciliter le processus de paix, ont montré que la communauté internationale pouvait jouer un rôle important en aidant les Colombiens dans leur recherche de paix, et ils doivent rester disposés à soutenir la Colombie. LONU elle-même pourrait jouer un rôle plus important pour faire avancer la cause de la paix en Colombie, bien que, de façon réaliste, il faudrait que le gouvernement fasse une demande en ce sens ou accorde son appui à cet égard.
Le Sous-comité croit que le Canada et le reste de la communauté internationale doivent continuer de préconiser un processus de paix en Colombie, qui devrait être adopté comme une politique dÉtat plutôt que celle de différentes administrations présidentielles. Il pourrait également être utile détablir un rôle international officiel dans le processus allant au-delà de lobservation et de la facilitation. Linterruption récente du processus de paix a cependant compliqué la situation, le Canada et les autres pays ayant perdu contact avec les FARC, et lavenue la plus prometteuse consiste probablement à appuyer le gouvernement de Colombie tout en incitant les rebelles à mettre un terme aux enlèvements et aux opérations visant des civils. Un accord sur des principes comme ceux-là pourrait constituer, espère-t-on, le point de départ dune nouvelle série de négociations de paix.
Les États intéressés doivent également appuyer la démocratie colombienne en aidant à renforcer ces institutions démocratiques et à favoriser une culture de dialogue et de réconciliation. En tant que démocratie, toutefois, le gouvernement de Colombie doit respecter, notamment en matière de droits de la personne, des normes plus élevées que celles des terroristes quil combat et qui ont déjà affiché leur mépris pour le processus démocratique et les droits des civils.
Au-delà du règlement du conflit, le renforcement de la démocratie en Colombie exigera le renforcement du secteur de la justice, et le Canada devrait maintenir son aide à cet égard. La société civile et les groupes minoritaires devront aussi jouer un rôle plus important dans la politique du pays, ainsi que dans déventuelles négociations de paix complètes. Des groupes de la société civile colombienne y compris ceux qui ont visité Ottawa dans le cadre de la « tournée des luttes invisibles » ont exprimé au Sous-comité leurs craintes quant à leur capacité de ce faire. Le gouvernement canadien a appuyé des groupes de la société civile et des ONG en Colombie par le passé, et le Sous-comité croit que cette facette de la politique canadienne devrait être renforcée davantage.
RECOMMANDATION 1
Le gouvernement du Canada devrait continuer à travailler avec des organisations et des institutions internationales de même quavec des pays qui partagent ses idées pour appuyer le gouvernement de la Colombie et encourager toutes les parties au conflit colombien à chercher un accord sur les principes humanitaires et une solution négociée. Le Canada devrait également proposer ses bons offices pour continuer à faciliter ces négociations qui, idéalement, aboutiraient à la politique de paix de lÉtat et prévoiraient un rôle officiel pour la communauté internationale. Pour renforcer la démocratie colombienne, le Canada devrait aussi continuer à soutenir des groupes de la société civile et encourager les efforts de réconciliation au niveau local.
Linvestissement étranger et le commerce international seront très importants si la Colombie veut régler ses graves problèmes de pauvreté et renforcer sa démocratie dans son ensemble compte tenu notamment que seulement 20 p. 100 de la population colombienne paie des impôts. Comme on la déjà dit, léconomie habituellement florissante de la Colombie est entrée dans une grave récession avec celle du reste de lAmérique latine en 1998, mais la croissance a repris en 2000. Stéphanie Allard, de lambassade du Canada à Bogotá, a déclaré au Sous-comité à Ottawa que, si les questions de sécurité demeurent préoccupantes et font augmenter les coûts, léconomie colombienne nen reste pas moins attrayante
27. La Colombie est déjà le quatrième marché dexportation en importance du Canada en Amérique latine; le commerce bilatéral sélevait à plus de 600 millions de dollars canadiens en 2000. Le Canada est également un des principaux investisseurs étrangers en Colombie; ses investissements directs y dépassaient 5 milliards de dollars canadiens dans des secteurs clés comme les télécommunications et lénergie28.Les membres du Sous-comité accueillent favorablement la possibilité dinvestissement et déchanges commerciaux mutuellement avantageux entre le Canada et la Colombie, et cest pourquoi ils sont heureux que le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux englobe la Colombie dans son étude sur la Zone de libre-échange des Amériques et sur les relations économiques du Canada avec lAmérique latine et les Antilles. Toutefois, ils étaient soucieux de découvrir si des sociétés canadiennes avaient été complices de violations des droits de la personne ou autres en Colombie. Heureusement, il semble que ce ne soit pas le cas et, selon les témoignages présentés au Sous-comité tant à Ottawa quen Colombie, les entreprises commerciales canadiennes qui y mènent des activités prennent très au sérieux leurs responsabilités sociales.
En plus de recevoir cette assurance de la part de lambassadeur Rishchynski, les membres du Sous-comité ont également interrogé lhonorable Warren Allmand au sujet de la complicité dentreprises canadiennes, à la suite de sa visite en Colombie au milieu de 2001. Il a répondu : « Nous sommes allés là-bas dans le but dessayer de voir sil y avait un lien, mais nous ne lavons pas trouvé. Je vous dirai bien franchement que nous navons pas entendu dhistoires horribles et que nous navons pas vu de méchants. Toutefois, jestime quil ne faut pas perdre la question de vue
29. »Cela rappelle le conseil de M. Kai Alderson, ancien universitaire qui sest occupé de la question de la responsabilité sociale des entreprises. Actuellement vice-président, Recherche et Engagement corporatif, pour une société dinvestissement socialement responsable au Canada, M. Alderson a déclaré :
Nous nexcluons aucune entreprise canadienne ayant des opérations en Colombie nous nexcluons aucune compagnie canadienne déjà installée en Colombie du simple fait quil y a des opérations il sagit moins de se demander si nous avons reçu des preuves quil existe bel et bien un problème il sagit plutôt de reconnaître quil existe des risques et de dialoguer avec les entreprises pour établir si elles ont ou non les systèmes de gestion voulus pour faire face à ces risques30.
Il a ajouté que « les questions de sécurité et les relations en matière de sécurité sont un des enjeux dont tiennent compte les investisseurs qui ont à cur leurs responsabilités sociales
31. »M. Randy Gossen, vice-président, Sécurité, Environnement et Responsabilité sociale, chez NEXEN, compagnie pétrolière canadienne qui a des intérêts grandissants dans la prospection pétrolière en Colombie depuis 1994, a formulé les mêmes préoccupations. Selon lui, les activités de NEXEN en Colombie respectent le Code de déontologie international des entreprises canadiennes, code volontaire adopté en 1996 à la demande du ministre des Affaires étrangères dalors, Lloyd Axworthy. Le code porte sur léthique professionnelle, les droits de la personne, la protection et la sécurité environnementales ainsi que la participation locale. De lavis de M. Gossen :
Il sagit essentiellement du document de politique globale qui guide nos activités là où nous sommes présents. Mais ce ne sont que des mots. Je pense que ce qui est tout à fait essentiel ici, cest que lon joigne lacte à la parole, que lon présente des rapports régulièrement et que lon assure une surveillance et que lon fasse lobjet dune forme de vérification externe. Ce ne sont donc pas là juste de belles paroles. Il faut être prêt à joindre lacte à la parole. Il faut être prêt à se soumettre à un examen public32.
Bien quelle nait pas été accusée de complicité dans des atteintes aux droits de la personne ou dautres violences, Exportation et développement Canada (EDC), anciennement la Société pour lexpansion des exportations (SEE) a été critiquée pour sa participation en 1994 au projet de barrage hydroélectrique Urra au nord de la Colombie. Dans sa réponse au rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de 1999, le gouvernement du Canada a signalé que la participation de la SEE ne représentait quenviron 2,6 p. 100 de ce projet de 700 millions de dollars dirigé par des Scandinaves. Dans un mémoire présenté en novembre 2001 au Sous-comité, EDC a signalé quelle avait pris des mesures pour faire en sorte que les engagements sociaux et environnementaux relatifs au projet soient respectés33.
Cette affaire est dautant plus troublante que, comme le Sous-comité se lest fait dire en Colombie par des représentants du peuple autochtone Embera Katío, la construction du barrage a gravement divisé cette communauté, dont certains membres sopposaient au projet et dautres non. Il y a eu des consultations, aux termes des lois colombiennes, mais beaucoup estiment que les consultations ont été insuffisantes et, par exemple, nont pas satisfait aux exigences de la convention 169 de lOrganisation internationale du travail. À lautomne 2001, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a examiné la nouvelle Loi sur EDC, et la question des activités de lorganisme en Colombie a été soulevée quelques fois au cours du débat sur la qualité de lexamen des questions environnementales et des droits de la personne par le conseil dadministration dEDC.
Dans lensemble, même si lambassade du Canada à Bogotá et les parlementaires à Ottawa doivent continuer dadopter une approche proactive en ce qui a trait à la responsabilité sociale des entreprises, le milieu des affaires canadien en Colombie veille à donner un exemple positif à cet égard.
IV. PROTECTION ET PROMOTION DES DROITS DE LA PERSONNERECOMMANDATION 2
Étant donné que le commerce et linvestissement seront des éléments importants des relations bilatérales du Canada avec la Colombie, le gouvernement du Canada devrait continuer dadopter une approche proactive pour encourager lexercice de la responsabilité sociale tant de la part des entreprises canadiennes en Colombie que de celle dExportation et développement Canada.
On peut discuter du pourcentage de crimes commis quotidiennement qui sont le fait du gouvernement, des paramilitaires, des guérilleros ou de simples criminels, mais cela ne favorisera pas la paix. Ce quil faut savoir, cest que lÉtat colombien na ni le pouvoir ni la crédibilité lui permettant doffrir au citoyen moyen la sécurité que les Canadiens, par exemple, considèrent comme allant de soi.
Certes, les violations des droits de la personne sont répandues, mais le principal instigateur de ces actes nest pas le gouvernement, mais plutôt les militaires. [Traduction]
Stephen Randall
Université de Calgary
Le 29 novembre 200134
La situation des droits de la personne en Colombie est déplorable : violations du droit à la vie, meurtres, disparitions et enlèvements, déplacements forcés et violations du droit dassociation des syndiqués et dautres personnes, dont des enseignants et des mineurs. Outre ces violations, qui découlent aussi bien du conflit même que du niveau général dimpunité, les groupes dinsurgés continuent de se rendre coupables dimportants manquements au droit humanitaire international.
En ce qui concerne les syndicalistes, Sheila Katz, du Congrès du travail du Canada, a dit au Sous-comité : « Les relations industrielles ne sont pas illégales en Colombie [ ] mais cest certainement dangereux. » Elle a poursuivi :
Il est dangereux dêtre syndicaliste en Colombie. Cest une occupation à haut risque [ ] Il savère que la Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. De tous les assassinats, meurtres ou attaques visant des syndicalistes, 90 p. 100 ont lieu en Colombie. Ce nest pas un bilan dont un pays puisse être très fier35.
Outre les syndicalistes, il existe aussi dimportants problèmes liés aux droits des femmes et des enfants. De plus, même si la société colombienne est raisonnablement tolérante pour les homosexuels, les membres du Sous-comité ont appris à Bogotá que les gais et les lesbiennes de Colombie avaient été la cible de graves attaques. Le gouvernement colombien doit veiller à ce que tous les habitants du pays soient parfaitement protégés et respectés, sans égard à leur orientation sexuelle.
Il est probable que certaines violations se poursuivront en Colombie tant que le conflit durera, mais le gouvernement colombien et ses partenaires internationaux ne peuvent se contenter dattendre un règlement de paix avant de sattaquer aux problèmes de droits de la personne. Jan Egeland a déclaré devant le Sous-comité quil importait « de faire de son mieux pour empêcher les violations des droits de la personne en faisant tout son possible pour exercer une pression morale sur toutes les parties et tous les acteurs du conflit. » Il a poursuivi en disant :
Tous les acteurs sont responsables de graves violations des droits de la personne. Daprès les rapports rédigés par des ONG et par nous-mêmes, les forces paramilitaires sont responsables de la majorité des violations des droits de la personne envers les populations civiles. Mais les guérilleros sont également responsables de graves violations généralisées et systématiques des droits de la personne, y compris les enlèvements, qui touchent de vastes segments de la population.
Enfin, il a ajouté : « Nous estimons que le gouvernement colombien peut faire davantage pour empêcher les violations des droits de la personne, peut-être commises plus spécialement par les forces paramilitaires mais également par les guérilleros » Il a également mentionné un consensus croissant sur la nécessité dun accord humanitaire mondial « pour protéger la population civile, parce que les victimes les plus nombreuses de ce conflit sont de loin des femmes, des enfants et des réfugiés. Ce ne sont pas les soldats des deux camps
36. »Voici ce qua déclaré la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de lhomme, Mary Robinson, à la Commission des droits de lhomme en mars 2002 : « Malheureusement, la situation des droits de lhomme sest nettement dégradée tout au long de 200137. » Dans son rapport de 2001 sur la situation des droits de lhomme en Colombie, rédigé par le Bureau des droits de lhomme dans ce pays, elle a insisté tout particulièrement sur les activités paramilitaires. Selon le rapport :
Au cours de lannée 2001, le Bureau a continué à constater le renforcement et la poursuite du phénomène paramilitaire sur une grande partie du territoire national et lefficacité limitée des mesures prises pour prévenir les actes des paramilitaires, freiner leur progrès et répondre à leurs agressions, ainsi que le peu dengagements de lÉtat dans cette lutte. Les membres des groupes paramilitaires non seulement continuent à être les principaux responsables de laugmentation des violations des droits de lhomme, mais contribuent également de façon majeure à laggravation du conflit en ayant systématiquement recours à la violence et en terrorisant les membres de la population civile dans les zones sous leur contrôle et les régions touchées par leurs incursions. Le silence, lappui ou la complicité de fonctionnaires et le non-respect du devoir de garantie face aux diverses actions de ces groupes signifient que lÉtat continue à avoir une responsabilité dans ce domaine38.
On ne sentend guère sur les statistiques concernant les atteintes aux droits de lhomme et les dérogations au droit humanitaire international en Colombie par exemple, le gouvernement de Colombie fait remarquer que la Commission colombienne des juristes ninclut pas lenlèvement dans la violation des droits de la personne39. Toutefois, la tendance est claire. Tout dabord, le nombre de plaintes concernant les droits de la personne portées directement contre les membres de larmée colombienne a nettement diminué ces dernières années, passant de plus de 3 000 en 1998 à 447 en 2001, daprès le gouvernement colombien. Certes, lONU et dautres instances conviennent que la plupart des massacres sont le fait des forces paramilitaires, mais les FARC et lELN se rendent aussi coupables de graves violations, notamment en matière de droit humanitaire international. M. Josh Jones, dAmnistie internationale, a fait remarquer ce qui suit en novembre 2001 :
Nous devons faire la distinction entre les droits de la personne à léchelle internationale et le droit humanitaire international. Les droits de la personne à léchelle internationale sont les droits à la vie, à ne pas être assassiné, à ne pas disparaître, à ne pas être torturé.
Les guérilleros sont de loin le groupe qui viole le plus le droit humanitaire international
par exemple en kidnappant des gens, en les prenant comme otages. Chaque jour en Colombie, une dizaine de personnes sont kidnappées et sur ce nombre, plus de la moitié de ces enlèvements sont luvre soit du FARC ou de lELN. Cest le moyen quils utilisent pour réunir des fonds, mais il sagit dune violation du droit humanitaire international. Il ne sagit pas uniquement denlèvements; les guérilleros assassinent aussi les gens40.Le gouvernement de la Colombie a accompli de grands progrès dans létablissement de structures de protection et de promotion des droits de la personne, notamment la nomination dombudsmans, et il doit être loué à cet égard. Il reste néanmoins encore beaucoup à faire, tant dans laffectation de ressources que dans le changement des mentalités, pour que ces structures donnent leur pleine mesure. De plus, des éléments clés comme un plan national daction sur les droits de la personne, dont le gouvernement colombien a entrepris lélaboration en 1994, nont toujours pas vu le jour.
Alex Neve dAmnistie internationale a soutenu devant le Sous-comité que, même si le président Pastrana et dautres responsables du gouvernement de Colombie ont pris dimportantes mesures à bien des égards pour corriger les problèmes liés aux droits de la personne, ces mesures nont pas entièrement été mises en uvre et il reste beaucoup à faire. Il a précisé :
Le problème, cest que larmée continue dêtre une institution impressionnante dans ce pays et est donc toujours en mesure de bloquer nombre des initiatives que peut présenter le gouvernement ou de ne pas en tenir compte.
Voilà pourquoi des grandes questions comme limpunité, le démantèlement des groupes paramilitaires et le transfert darmes à la Colombie doivent faire lobjet de pressions concertées de la part de la communauté internationale pour que celle-ci fasse tout en son pouvoir pour diminuer le sentiment de puissance et demprise quont les forces armées dans ce pays et pour renforcer la capacité quont les institutions démocratiques de promouvoir les droits de la personne et de les renforcer, ce quils souhaitent parvenir à faire pour la plupart41.
Des membres du Sous-comité qui se sont rendus en Colombie ont rencontré des hauts commandants militaires à Barrancabermeja, ville qui, dans les faits, est contrôlée par les forces paramilitaires. Comme on leur demandait pourquoi larmée nen faisait pas plus pour dissoudre ces forces, le plus haut gradé a soutenu que, à moins que ses hommes ne soient témoins dun crime ou ne voient des paramilitaires portant des armes, il était impossible dintervenir légalement. Et agir illégalement reviendrait à violer les droits de la personne au lieu de les protéger.
Compte tenu des préoccupations relatives à larmée colombienne, le Canada sest également occupé de sensibiliser celle-ci aux droits de la personne et de linciter à les respecter. Plus de 1 000 officiers et sous-officiers ont entrepris des séances de formation fondées sur un programme canadien de formation sur les droits de la personne. De plus, les employés de lambassade, y compris un attaché militaire canadien résidant en Colombie, interviennent quotidiennement pour faire en sorte que larmée colombienne comprenne limportance des droits de la personne et la nécessité de couper tous les liens avec les groupes paramilitaires. Sur ce plan, le Canada peut et devrait faire plus.
Laffectation récente dun attaché canadien de la défense en Colombie a permis daccroître les contacts entre les deux forces armées, ce qui sera très utile pour renforcer le travail sur les droits de la personne. Le gouvernement colombien a aussi affecté un officier haut gradé à Ottawa à titre dattaché de la défense, ce qui sera également utile au maintien de la coopération en matière de droits de la personne. Même si le gouvernement de Colombie sassure que tout officier envoyé au Canada nait pas été lié par des preuves crédibles, à des violations des droits de la personne ni à dautres violences, il est sûr que cet officier fera lobjet dun examen rigoureux de la part des organisations canadiennes, colombiennes et internationales des droits de la personne.
Au moyen dun certain nombre de programmes, le Canada et dautres pays sont intervenus pour protéger et promouvoir les droits de la personne en Colombie, et le Canada met en uvre le plus important programme de réfugiés en Colombie. M. Neve a reconnu lexcellent travail de lambassade à Bogotá pour appuyer les efforts des défenseurs des droits de la personne et il a déclaré au Sous-comité à Ottawa que la principale recommandation dAmnistie internationale viserait à protéger les défenseurs des droits de la personne. Il a déclaré : « Quand il est bien connu que la communauté internationale soutient les individus et les groupes de défense dans leurs efforts, ceux-ci jouissent dune protection bien plus considérable
42. »Un problème relatif aux droits de la personne qui touche particulièrement les Canadiens est la situation critique des Autochtones en Colombie, qui ont adopté une position de neutralité dans le conflit. Lambassadeur Rishchynski a déclaré ce qui suit au Sous-comité, à Ottawa :
À mon avis, le sort des Indigènes de la Colombie est lune des plus grandes tragédies de ce conflit. Ces collectivités, qui ont passé la plus grande partie des années 80 et la transition à la nouvelle constitution des années 90 à se battre pour la reconnaissance de leurs droits inhérents, en tant que communauté, sur les terres et territoires, se retrouvent maintenant, si on peut utiliser une expression commune, comme le saucisson du sandwich dans le conflit colombien43.
Il a ajouté que les Autochtones de Colombie ont besoin de protection et de signes montrant que la communauté internationale les considère comme une priorité. En novembre 2001, lhonorable Warren Allmand, de Droits et démocratie, a comparu devant le Sous-comité pour parler du rapport dune délégation dirigée par lorganisme en collaboration avec lAssemblée des Premières nations (et la présidente du Sous-comité, Beth Phinney, députée). M. Allmand a alors déclaré au Sous-comité : « Nous faisons appel au gouvernement canadien et à la communauté internationale pour quils dénoncent la gravité de la situation concernant la survie des peuples autochtones de la Colombie, et sassurent quun suivi est donné aux solutions proposées eu égard aux préoccupations spécifiques des Autochtones44. » Pour sa part, lambassadeur Rishchynski a fait valoir ce qui suit :
Je pense que la visite de lAPN leur a été très importante. À la suite de cette visite, Rigoberta Menchu du Guatemala, est venue en Colombie et elle a dit espérer que dune façon ou dune autre son organisation, Initiative autochtone pour la paix, pourrait, en collaboration avec lAFN et dautres groupes canadiens, jouer un rôle beaucoup plus important dans le soutien de leurs frères de la Colombie. Je pense que cest le genre de mesures internationales nécessaires pour maintenir, aux yeux de la communauté internationale, la priorité absolue sur leur lutte.45
Le cas Kimy Pernia Domico, qui a témoigné devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international en 1999 afin dexpliquer les préoccupations du peuple Embera Katío, illustre concrètement les dangers qui guettent les chefs autochtones en Colombie. Tragiquement, quelques jours après avoir rencontré la délégation de Droits et démocratie et de lAssemblée de Premières nations en Colombie, il est disparu. Beaucoup craignent quil ne soit mort. Ce cas nest pas unique en son genre, mais il est particulièrement frappant pour les Canadiens. Lenquête policière ne sest pas bien déroulée, et le gouvernement du Canada est intervenu auprès des autorités colombiennes pour réclamer davantage de résultats, et il devrait continuer de le faire. De façon plus générale, les membres du Sous-comité ont rencontré des représentants du peuple Embera Katío et dautres groupes autochtones pendant leur séjour en Colombie, et ils conviennent que les Canadiens et dautres doivent continuer à mettre laccent sur la situation des Autochtones.
On relève un fait nouveau dimportance dans lévolution de la situation des droits de la personne en Colombie, soit louverture dun bureau des droits de lhomme de lONU. Ce bureau a un large mandat et estime que son rôle est daider le gouvernement colombien à améliorer la situation des droits de la personne à lintérieur du pays. Bien que ce soit le gouvernement colombien qui ait réclamé ce bureau, en 1996, ses relations avec lui nont pas toujours été faciles. Un élément central des travaux du bureau est la publication dun rapport annuel sur la situation des droits de la personne dans le pays, rapport qui, généralement, a critiqué le gouvernement colombien lui reprochant, notamment une action trop timide contre les groupes paramilitaires. Le président Pastrana a dit aux membres du Sous-comité que le gouvernement nestimait pas être toujours traité équitablement dans ces rapports, ajoutant quil avait abordé la question avec le Secrétaire général de lONU, Kofi Annan.
Comme la fait remarquer M. Jan Egeland, louverture dun bureau des droits de lhomme à Bogotá était un grand pas en avant. Il a précisé : « Il est actif, il a une présence et il va intensifier ses travaux avec les bureaux régionaux. Il y a un rapport annuel qui est très clair et très explicite. En outre, il y a après tout une déclaration de la présidence accompagnée de recommandations très concrètes qui devraient faire lobjet dun suivi
46. » Le Bureau des droits de lhomme de lONU en Colombie a récemment étendu son rayonnement, en ouvrant des bureaux supplémentaires à Medellin et à Cali. Le Canada lappuie solidement et lui a versé, au cours des quatre dernières années, approximativement 1,6 million de dollars pour soutenir ses activités. Ce bureau est pourtant toujours financé intégralement par des contributions volontaires dÉtats membres, et certains membres croient que le Canada devrait exhorter lONU à prévoir plutôt un financement centralisé de base pour le Bureau.Le gouvernement de la Colombie juge que des organisations non gouvernementales et dautres parties quil croit portées à critiquer ne tiennent pas compte de ses progrès réels sur le chapitre des droits de la personne. Toutefois, alors que le Canada et dautres États continueront dappuyer le gouvernement démocratique de Colombie et de laider à devenir plus fort, celui-ci doit comprendre quils continueront également de considérer le travail professionnel du Bureau des droits de lhomme de lONU comme une évaluation indépendante de ses progrès en la matière et dinsister sur la mise en uvre intégrale des recommandations du Bureau et dautres instances comme la Commission interaméricaine des droits de lhomme. Les mécanismes des droits de lhomme de lONU en Colombie et ailleurs font partie non du problème, mais de la solution à la crise des droits de lhomme en Colombie.
Tout en admettant les progrès accomplis, le Canada, les pays européens et dautres pays ont durement critiqué la situation des droits de la personne en Colombie, notamment devant la Commission des droits de lhomme de lONU à Genève. La Commission agit par consensus et, pour soccuper des pays qui sont aux prises avec une crise des droits de la personne, nomme parfois des rapporteurs spéciaux et adopte des résolutions condamnatoires.
Ce nest pas ce qui sest passé dans le cas de la Colombie, cependant. En mars 2001, Mme Adèle Dion, du ministère des Affaires étrangères et du commerce international, a déclaré au Comité que « le gouvernement de la Colombie a manifesté, de manière bilatérale et à des tribunes de lONU, sa volonté de sattaquer à ce très grave problème
47 ». Au cours des dernières années, plutôt que de notifier une résolution condamnatoire, la Commission a utilisé le mécanisme mis au point par le Canada et consistant à publier une déclaration du président (élaborée sur une base tripartite par le président de la Commission, les États membres concernés et le pays en question) qui reconnaît la collaboration de la Colombie ainsi que son grand niveau dengagement et qui fait ressortir les problèmes persistants. Labsence dune résolution plus sévère peut toutefois inquiéter de nombreuses parties, la Commission ne peut adopter une résolution au sujet de la Colombie que sil se dégage un consensus en ce sens parmi les membres. Même si on ne parvient pas à ce consensus, les membres peuvent tout de même adopter une déclaration du président encore plus sévère à légard de la Colombie.Bien quil soit aux prises avec des contraintes réelles en matière de ressources, le gouvernement de Colombie sera tenu responsable de la mise en uvre de politiques visant à améliorer la situation des droits de la personne dans son territoire. Plus particulièrement, il doit intensifier ses mesures pour combattre le paramilitarisme et sassurer que les tribunaux civils soccupent à la fois des violations civiles et militaires des droits de la personne. Dautres États doivent toutefois appuyer le gouvernement colombien et continuer dexercer des pressions sur lui pour quil poursuive ses efforts.
V. LUTTE CONTRE LE NARCOTRAFICRECOMMANDATION 3
Le gouvernement du Canada devrait continuer à intensifier ses efforts visant le respect des droits de la personne en Colombie. Plus particulièrement, le Canada devrait accroître son appui au Bureau des droits de lhomme de lONU en Colombie et insister encore davantage pour que le gouvernement de Colombie lutte contre la guérilla et les groupes paramilitaires. Enfin, lambassade du Canada à Bogotá devrait continuer de mettre laccent sur la protection des défenseurs des droits de la personne et des Autochtones et intensifier ses efforts de sensibilisation aux droits de la personne auprès de larmée colombienne.
La violence politique et les conflits existaient en Colombie bien avant lémergence du commerce de la drogue dans les années 60 et 70. Bien que les drogues ne soient pas la cause du conflit en Colombie, il ne fait aucun doute quelles lattisent et ce, de deux façons : directement, du fait que les guérilleros et les groupes paramilitaires (appelés en espagnol autodefensas) luttent pour le contrôle des territoires où est cultivé la cocaïne, et indirectement, du fait que la corruption et le crime organisé affaiblissent davantage lÉtat et sa capacité de mettre fin au conflit. Comme la déclaré un témoin : « Toute la Colombie est marquée par le narcotrafic; ce nest pas simplement le fait des guérilleros. Les groupes dautodéfense ne sont nullement à labri du narcotrafic, pas plus que le législatif, le judiciaire ou quelque autre institution. La gauche est coupable elle aussi48. »
La toxicomanie est un problème relativement nouveau, mais croissant, en Colombie qui est toutefois, dans le commerce international de la drogue, le principal fournisseur de la majorité de la cocaïne et dune quantité croissante dhéroïne à léchelle mondiale. Le commerce illégal de la drogue rapporte des milliards de dollars et constitue la principale source de revenu des paramilitaires et, de concert avec les enlèvements, celle des guérilleros. En plus de la violence directe et des crimes, lachat de terres pour la culture des plantes produisant de la drogue a nui à la réforme agraire. Cest là un problème de la plus haute importance, car la majeure partie des terres est toujours aux mains dune petite minorité et que la réforme agraire est une condition préalable à létablissement dune paix juste en Colombie.
Le gouvernement Pastrana a raidi sa position contre le narcotrafic et en a fait un élément clé du Plan Colombia. En raison de laide américaine, la lutte antidrogue dans le cadre du Plan Colombia a progressé beaucoup plus rapidement que le volet de la politique sociale. Plusieurs membres du Sous-comité ont visité le quartier général de la Joint Task Force South, commandement militaire spécial de lutte contre la drogue installé à Tres Esquinas, dans le sud de la Colombie. Ils ont appris que les opérations et les résultats de la lutte antidrogue avaient triplé, à peu près, depuis le début de laide du Plan Colombia.
Lépandage aérien sur de vastes secteurs de la Colombie, à commencer par le Sud, dans le but de détruire les plantations est lun des aspects les plus controversés du Plan Colombia. La production des drogues cause elle-même de graves dommages environnementaux. En effet, comme les membres du Sous-comité ont pu le constater à Tres Esquinas, la production de la cocaïne suppose lutilisation dune grande quantité de produits chimiques dangereux comme de lacide sulfurique, de lacétone (diluant pour peintures), de la soude caustique et de lessence ainsi que du ciment. Ces produits ont un effet dévastateur dans le bassin de lAmazonie, entre autres régions. Cependant, les critiques ont soutenu que lépandage était contreproductif, car il pollue également lenvironnement, mais en plus, il ne fait pas de distinction entre les plantes produisant de la drogue et les autres récoltes et il menace la santé de la population paysanne dans les secteurs visés. Un critique des effets de lépandage aérien est le defensor del pueblo (ombudsman chargé des droits de la personne), M. Eduardo Cifuentes, que les membres du Sous-comité ont rencontré à Bogotá. Compte tenu du débat suscité par la question, lONU a proposé détudier la question de lépandage aérien, mais certains croient que lOrganisation des États américains (OEA) serait mieux en mesure deffectuer une telle étude. Quoiquil en soit, compte tenu de limportance des questions en cause, notamment celle des risques pour la santé, le Sous-comité croit que létude serait très utile.
Autre complication, une grande partie de la production de drogues en Colombie est réalisée par des exploitations criminelles denvergure, qui sont responsables de laboratoires complexes et de léventuelle distribution de la drogue, mais de plus en plus souvent, ces activités sont menées par de petits agriculteurs qui subissent des pressions pour cultiver les plantes dont les drogues sont extraites ou qui sont simplement incapables de cultiver autre chose de valeur égale (ou comparable). Toute la production de drogues est illégale. Cependant, comme la fait remarquer lambassadeur Rishchynski au Sous-comité à Ottawa, sil y a lieu dappliquer la loi pour sattaquer à la production criminelle denvergure, il faudrait, dans le cas de la production à petite échelle, tenir compte des conditions sociales et économiques qui existent en Colombie et offrir des solutions de rechange rentables aux agriculteurs49. Les programmes de remplacement des récoltes sont un exemple de solution de rechange, mais aucun modèle particulier ne réussira probablement à résoudre les nombreux problèmes se rattachant au narcotrafic en Colombie et il reste beaucoup à faire à cet égard. Par exemple, sans que cela ne corrige les problèmes dinfrastructure et dautres problèmes, il importera que le Canada et la communauté internationale continuent de réduire les obstacles commerciaux afin de favoriser le développement alternatif en Colombie.
Enfin, sil faut prendre des mesures pour surveiller lexportation de produits chimiques précurseurs aux moyens des licences dimportation et dexportation et pour combattre le blanchiment dargent peut-être au moyen de loi comme la loi américaine connue sous le nom de Racketeer-Influenced and Corrupt Organizations Act , il est très clair depuis quelques années que le narcotrafic suppose lexistence, à la fois, dune offre et dune demande. Selon cette perspective, une réduction de la demande provenant de lAmérique du Nord et de lEurope pourrait contribuer à régler le problème en Colombie. Comme la déclaré M. Warren Allmand devant le Sous-comité, « cest triste à dire, mais ce sont par conséquent les consommateurs de cocaïne et de marijuana dAmérique du Nord qui contribue avant tout à financer les actes de violence et de mort en Colombie50. »
Un débat de fond samorce actuellement sur lapproche à adopter à légard du commerce international de la drogue, débat qui ne sera pas tranché rapidement. Dici là, le Canada continuera dadopter une approche équilibrée axée à la fois sur la réduction de loffre et sur celle de la demande et dappuyer les efforts internationaux visant à résoudre le problème par lentremise de lONU et dautres mécanismes. Ces dernières années, lOEA a également accompli un travail important visant lélaboration dune approche propre à lhémisphère pour régler les problèmes du narcotrafic, notamment lélaboration dun mécanisme dévaluation multilatéral (MEM) des mesures de lutte antidrogue des membres de lOEA. Les efforts de cette nature méritent un appui soutenu de la part du Canada.
VI. AIDE HUMANITAIRE ET AIDE AU DÉVELOPPEMENTLe gouvernement du Canada devrait continuer dunir ses efforts à ceux dautres États en vue délaborer une approche internationale de lutte contre le narcotrafic. Plus particulièrement, il devrait renforcer les efforts de lOEA visant à obtenir la collaboration régionale à cet égard et appuyer la proposition relative à une étude scientifique sur lépandage aérien, réalisée sous les auspices de lOEA ou de lONU.
Comme on la déjà dit, le Canada et la Colombie ont accru leurs rapports bilatéraux au cours des dernières années, et lambassade du Canada à Bogotá est très respectée pour son travail dans plusieurs domaines, notamment celui des droits de la personne. Compte tenu de limportance de ses efforts, le Sous-comité estime que, si lambassade disposait de plus de ressources, elle pourrait accomplir davantage.
Le Canada et dautres États doivent dispenser une aide humanitaire pour répondre aux besoins immédiats des Colombiens, mais ils doivent également poursuivre laide au développement, qui représente un investissement plus important dans lavenir de la Colombie. Le pays a de grands défis à relever sur le plan de la pauvreté et du développement (près de la moitié de la population vit dans la pauvreté), et tout progrès accompli à cet égard pourrait aussi aider à atténuer les causes profondes des conflits.
La situation tragique dun nombre croissant de personnes déplacées, que les programmes actuels ne permettent pas daider adéquatement, est un grave problème humanitaire en Colombie. M. Jan Egeland a déclaré au Comité que cétait là le problème le plus négligé de ce pays aujourdhui :
Il y a les victimes oubliées du conflit. Ce sont des personnes très humbles. Ce sont des paysans et on se préoccupe très peu deux Certains sont chassés par les forces paramilitaires et dautres par les guérilleros, certains sont chassés par des criminels et dautres par les cultures de plantes destinées au trafic de drogues. Ils ont tous des histoires à raconter et le Canada a joué un rôle de premier plan pour ce qui est de fournir un asile politique aux défenseurs des droits de la personne et aux personnes menacées. Cest une action à laquelle nous aimerions vraiment rendre hommage et une chose que nous espérons pouvoir faire à lavenir51.
Sil est vrai que le Canada a soutenu les efforts du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en vue daider les personnes déplacées à lextérieur de la Colombie, il na pas appuyé sa fonction de coordination à lintérieur du pays. Après avoir discuté à Ottawa et en Colombie de la situation pénible des personnes déplacées et surtout après avoir rencontré certaines dentre elles à Barrancabermeja, le Sous-comité convient que cest là un domaine dans lequel le Canada devrait sengager à fond.
La situation en Colombie sest dégradée depuis la dernière révision de la stratégie de lAgence canadienne de développement international (ACDI), en 1995. Elle élabore actuellement ce que lambassadeur Rishchynski a appelé « une programmation axée sur les gens au lieu dune programmation plus institutionnelle comme celle qui était en vigueur depuis les années 80 et au début des années 90
52 ». À lautomne 2001, les représentants de lACDI ont témoigné devant le Sous-comité pour expliquer la raison dêtre des changements proposés. Ils ont ajouté que lACDI prévoyait injecter le même montant en Colombie quelque 60 millions de dollars canadiens sur cinq ans, soit 12 millions de dollars annuellement53. Après avoir discuté de ces changements à Ottawa et en Colombie et surtout après avoir visité un certains nombre de projets soutenus par le Fonds canadien de 550 000 $ CAN de lACDI qui est administré par lentremise de lambassade à Bogotá et est donc très souple les membres du Sous-comité accueillent favorablement le changement de priorité de lACDI.Même sil est important de faire en sorte que les ressources accrues soient utilisées efficacement, les besoins en Colombie sont réels et le Sous-comité croit que le gouvernement du Canada devrait augmenter les fonds accordés à lACDI, plus particulièrement ceux qui visent à appuyer les personnes déplacées. Il existe des besoins sur le plan du développement et de laide humanitaire dans lensemble du pays, mais les membres du Sous-comité estiment aussi quil peut être utile que lACDI réserve une partie importante de son aide à une région ou à une collectivité par exemple à Barrancabermeja, qui souffre de la présence de groupes paramilitaires et dun grand nombre de personnes déplacées, mais qui est différente du reste du pays, il faut lavouer, parce quon y trouve la plus grande raffinerie de pétrole de Colombie pour montrer les effets que peut avoir une assistance correctement ciblée, et encourager ainsi une plus grande aide internationale.
RECOMMANDATION 5
Pour tabler sur lexcellent travail quaccomplit déjà le personnel de lambassade du Canada à Bogotá, notamment en matière de droits de la personne et daide dhumanitaire, le gouvernement du Canada devrait accroître le financement de lACDI destiné à la Colombie, surtout les ressources affectées à la crise des déplacements de population, qui touche tout particulièrement les collectivités autochtones et afro-colombiennes, au renforcement du système judiciaire, à lamélioration de la formation des militaires colombiens en matière de droits de la personne. En plus de se pencher sur ces questions à léchelle nationale, le gouvernement canadien devrait également étudier la possibilité dentreprendre, par lentremise de lACDI, un projet pilote axé sur une région ou une collectivité.
6
Lors de son témoignage
devant le Sous-comité, M. Stephen Randall, doyen de lUniversité de Calgary, a
déclaré au
sujet
des paramilitaires quau « cours des dernières années, leur croissance a été
astronomique ».
Témoignages,
30 janvier 2002, p. 7.
7 Témoignages, 26 septembre 2001, p. 5-6.
8 Témoignages , 31 octobre 2001 (en matinée), p. 2-3.
9
Les contacts se sont également
multipliés au niveau non gouvernemental. Ainsi, à lété 2001, le YMCA
dEdmonton a
accueilli deux groupes détudiants du YMCA de Bogotá.
10 Voir Le Canada dans le monde, Gouvernement du Canada, Ottawa, 1995.
11 Voir Fact Sheet: Andean Regional Initiative, Service dinformation de Washington, Département dÉtat américain, 25 mars 2002.
12
Meltzer, Judy, « The Enduring Colombian Conflict: A
Canadian Perspective », Ottawa, FOCAL Policy Paper FPP-01-12,
novembre
2001, p. 10.
13 Témoignages, 20 septembre 2001, p. 6.
14 Témoignages, 14 mars 2001, p. 5.15
Témoignages, 26 septembre 2001, p. 24. Voir
également Exportation de marchandises militaires du Canada :
Rapport
annuel 2000, Ottawa, 2001.
16
Témoignages, 14 mars 2001, p. 12 et 17.
17 En
mai 2001, le professeur Hal Klepak a déclaré au Sous-comité que le « Plan Colombia
frappe, mais ne sera pas décisif.
Ce
Comité a probablement déjà vu quà Washington et à Bogotá, on a tendance à
faire entendre des trompettes comme quoi on
avance
très bien, mais même les plus optimistes parlent de léradication de 20 p. 100 des
sources financières de la guérilla ou,
au
moins, des guérillas les plus importantes. Alors 20 p. 100 de chute dans les revenus de
ces organisations, cest quand même,
en
fin de compte, presque risible. » Témoignages, 16 mai 2001, p. 7.
18 Témoignages, 7 novembre 2001, p. 19-20.
19 Mme Meltzer, The Enduring Colombian Conflict: A Canadian Perspective, p. 4.
20 Témoignages, 16 mai 2001, p. 13.
21
Ibid., p. 6.
22 Témoignages,
30 janvier 2002.
23 Témoignages, 26 septembre 2001, p. 2.
24 Ibid., p. 3-4.
25
Ibid., p. 23.
26 Témoignages,
16 mai 2001, p. 16.
27
Témoignages, 21
novembre 2001.
28 Bien
que lentreprise Enbridge Inc., lun des grands protagonistes canadiens dans le
secteur de lénergie en Colombie,
nait
pas comparu devant le Sous-comité des droits de la personne et du développement
international du Comité permanent
des
affaires étrangères et du commerce international, elle lui a présenté un mémoire le 5
décembre 2001.
29 Témoignages, 31 octobre 2001 (en après-midi), p. 14.
30 Ibid., 21 novembre 2001, p. 11.
31 Ibid., 21 novembre 2001, p. 16.
32 Témoignages, 21 novembre 2001, p. 2.
33
Société pour lexpansion des exportations, Exercice
dune diligence raisonnable en matière de droits de la personne
à
la Société pour lexpansion des exportations, document à lintention du
Sous-comité des droits de la personne et du
développement
international, Ottawa, 21 novembre 2001.
34
Colombia : The Context and
Recommendations for Canadian Policy, exposé de Stephen J. Randall, doyen de la
faculté des
sciences
sociales de lUniversité de Calgary, présenté devant le Sous-comité des droits de
la personne et du
développement
international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international,
le 29 novembre
2001,
p. 2. M. Randall a actualisé son exposé lors de son témoignage devant le
Sous-comité le 30 janvier 2002.
35 Témoignages, 6 juin 2001, p. 3.
36 Témoignages, 31 octobre 2001 (en matinée), p. 3.
37 « La responsable des droits de lhomme à lONU accuse les gangs colombiens de droite », Reuters, 19 mars 2002.
38
Rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies
aux droits de lhomme sur la situation des droits de lhomme en Colombie,
Conseil
économique et social des Nations Unies, E/CN.4/2002/17, 28 février 2002, paragraphe 202.
39 Témoignages, 26 septembre 2001, p. 16.
40 Témoignages, 7 novembre 2001, p. 6-7.
41 Ibid., p. 20.42 Ibid., p. 20.
43 Témoignages, 20 septembre 2001, p. 28.
44
Témoignages, 31 octobre 2001 (en
après-midi), p. 6. Voir également Rapport : mission en Colombie pour étudier la
situation
des peuples autochtones, 27 mai-3 juin 2001, organisée par Droits et démocratie
avec la collaboration de
lAssemblée des Premières nations (Canada), Montréal, Droits et démocratie, 2001.
45 Témoignages, 20 septembre 2001, p. 29.
46 Témoignages, 31 octobre 2001 (en matinée), p. 17.
47 Témoignages, 21 mars 2001, p. 18.
48 Témoignages, 16 mai 2001, p. 14.
49 Témoignages, 20 septembre 2001, p. 22.
50 Témoignages, 20 septembre 2001 p. 22.
51 Témoignages, 31 octobre 2001 (en matinée), p. 6.
52
Témoignages, 20 septembre 2001, p. 26.
53 Témoignages,
31 octobre 2001 ( en après-midi), p. 24.