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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 0905

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)): La séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration est ouverte. Je souhaite la bienvenue à nos invités.

Nous accueillons ce matin M. David Matas, ancien président, et Mme Betsy Kane, membre de l'exécutif, de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien. Nous recevons également M. Jean-François Fiset et Mme Pia Zambelli de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Bienvenue à tous.

D'autres députés viendront se joindre à nous. Les comités sont occupés ce matin. J'en vois d'autres arriver. La séance est enregistrée, bien sûr. Nous vous savons gré d'avoir bien voulu prendre le temps de venir nous rencontrer dans le cadre de notre étude du processus de détermination du statut de réfugié et des migrants clandestins.

Nous devrons nous en tenir à notre horaire ce matin, parce qu'un autre comité a réservé la salle pour 11 heures. Ses travaux sont télévisés et il a donc un horaire serré. Je vais devoir demander à chacun de s'en tenir à son temps de parole. Nous avons alloué dix minutes pour les exposés des témoins et pour les questions et réponses.

Je crois que nous allons commencer par M. Matas. Bienvenue.

M. David Matas (ancien président, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Merci beaucoup.

En ce qui concerne votre mandat, j'avais pensé aborder les deux premiers points, la rapidité et la dissuasion, et parler très brièvement de l'accélération des renvois.

Nous avons quelques suggestions à faire au sujet de l'accélération du processus de détermination. L'une d'entre elles consisterait à faire passer l'évaluation de l'acceptabilité au second palier d'audience afin qu'elle ne constitue plus une étape distincte. Il se peut que les critères doivent être modifiés, qu'on en ajoute de nouveaux ou qu'on en élimine, et je vous dirai quelques mots à ce sujet, mais il n'est pas nécessaire d'avoir une étape distincte, comme c'est le cas actuellement.

Notre deuxième suggestion consisterait à intégrer l'évaluation des risques dans le cas des personnes de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié à la détermination du statut de réfugié. Je crois savoir que c'est ce que le gouvernement propose actuellement. Donc, au lieu de trois étapes, nous n'en aurions qu'une seule, ce qui permettrait de toute évidence d'économiser du temps et de l'argent.

Je déconseillerais au comité de recommander toute étape préliminaire du genre de celle que nous avons actuellement, ou une étape préliminaire élargie, qui empêcherait certaines personnes d'avoir accès à un second palier d'audience. Je tiens à vous signaler qu'une telle étape préliminaire a existé de 1989 à 1993, le minimum de fondement, et qu'elle s'est avérée un gaspillage incroyable de temps et d'argent.

Bien sûr, les médias parlent d'abus, mais, si on regarde les statistiques, on s'aperçoit qu'il y a en a très peu. L'étape préliminaire qui existait autrefois obligeait simplement un très grand nombre de gens à franchir un palier de plus pour parvenir au suivant, ce qui est vrai bien sûr de l'étape de la recevabilité actuelle. Nous avons fini par dépenser beaucoup de temps et d'argent pour éliminer une petite poignée de gens qui auraient de toute façon pu être éliminés au cours d'une seule audience.

Je tiens également à attirer votre attention sur le manque d'à-propos de certains des critères d'accès qui existent actuellement. Il est important de permettre l'accès à la reconnaissance du statut de réfugié et cela fait d'ailleurs partie de nos obligations internationales. En raison de la convention sur les réfugiés, nous ne pouvons tout bonnement pas refuser d'entendre une demande de revendication du statut de réfugié.

Le système actuel pose certains problèmes. Le premier, c'est qu'on ne peut pas présenter de demande lorsqu'une ordonnance de renvoi a été rendue. Nous avons pu constater les difficultés qui ont surgi lorsque des ordonnances de renvoi ont été rendues par erreur contre certains des migrants de la province de Fujian. Le gouvernement a dû accepter d'aller devant le tribunal pour faire annuler ces ordonnances. Les choses seraient plus simples si de tels critères de déni d'accès n'existaient pas.

• 0910

Nous avons dans la loi une disposition qui permet de refuser l'accès s'il existe un tiers pays sûr. Elle est lettre morte parce qu'aucun pays n'est désigné comme sûr. Ce critère soulève de nombreux problèmes de principe et c'est la raison pour laquelle je dis que cette disposition n'a aucune valeur juridique. Ce critère n'a pas sa raison d'être.

Il y a aussi le problème de la criminalité, l'opinion qu'une personne peut représenter un danger public, ce qui peut également empêcher l'accès. Le gouvernement a reconnu que cela posait aussi problème et il a proposé d'éliminer le critère du danger public, mais en le remplaçant par un critère plus strict concernant la criminalité.

Cela nous préoccupe car, historiquement, lorsque la Loi sur l'immigration a comporté des critères de criminalité stricts, il a fallu tenir compte des peines maximales et de la gravité du nom donné à l'infraction plutôt que de la gravité de l'acte lui-même. Certaines personnes ayant commis une infraction à laquelle une lourde peine maximale était rattachée ont pu éviter la prison. L'infraction peut paraître grave de la manière dont elle est décrite, même s'il se peut que l'acte commis n'ait en fait pas été grave. Cela donnerait lieu à un refus d'accès, ce qui pourrait être problématique.

Quant à la priorité du traitement des revendications, que le comité veut examiner, il y a certainement de la place pour l'amélioration. Nous sommes entre autres préoccupés par le fait qu'aucun traitement prioritaire n'est prévu dans le cas des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité. Par exemple, il y a à l'heure actuelle quelques affaires dans lesquelles il y a eu de graves allégations de crimes de guerre et les choses traînent pourtant en longueur.

Pour ce qui est de la deuxième question dont le comité a été saisi, à savoir décourager l'arrivée future de migrants clandestins, je tiens à signaler que c'est un objectif qui n'a pas sa place. Le système d'immigration canadien ne devrait pas décourager les arrivées futures. Il est question dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du droit de chercher et de trouver asile et ce droit ne saurait être dénié. Il est aussi question dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du droit de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et ce droit ne saurait être dénié non plus.

Le droit de quitter son pays tout comme le droit de rechercher protection font partie des instruments internationaux qui lient le Canada: la convention sur les réfugiés et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les critères qui sont utilisés pour empêcher les gens d'entrer au Canada n'ont pas leur place non plus. Je veux parler de l'absence de documents, un critère plutôt simpliste qui ne fait pas la différence entre les gens en quête de protection et ceux qui en ont besoin.

Il est important d'utiliser le système d'immigration et le processus de reconnaissance du statut de réfugié aux fins pour lesquelles ils ont été conçus, c'est-à-dire déterminer si les gens sont des réfugiés ou non et s'ils devraient ou non émigrer. Ils ne devraient pas être utilisés pour décourager la criminalité. C'est plutôt là le rôle du système de justice pénale. Toute tentative d'utilisation du système d'immigration comme moyen de dissuasion aura pour seul résultat l'altération de ce système et la violation des normes internationales.

La même chose est vraie de la détention comme moyen de dissuasion. On se demande dans le mandat si elle fonctionne ou non. Il faudrait plutôt se demander si nous devrions utiliser la détention comme moyen de dissuasion. Selon nous, il ne faudrait pas utiliser la détention comme moyen de dissuasion, car elle va à l'encontre de la convention sur les réfugiés. C'est ce que dit l'article 31 et c'est la conclusion à laquelle en est arrivé le comité exécutif du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorsque nous parlons du processus de reconnaissance du statut de réfugié, nous parlons de toute évidence du Canada sur la scène internationale. Il est essentiel lorsque nous nous replaçons dans ce contexte de ne pas perdre de vue nos normes et obligations internationales, les droits fondamentaux de tous les hommes. C'est important non seulement pour ces gens, mais aussi pour le Canada dans l'arène internationale. Si nous violons ces normes, cela aura une incidence sur nous, non seulement dans ce secteur, mais ailleurs aussi.

Pour maintenir notre crédibilité à l'échelle internationale de manière générale, nous devons maintenir notre crédibilité à l'échelle internationale ici. Pour cela, nous ne devons pas interdire l'accès pour la simple raison que des gens cherchent simplement protection ici. Nous ne devons pas user de la détention comme moyen de dissuasion. Nous devons assurer l'accès à un processus de détermination du statut de réfugié.

• 0915

C'est tout ce que j'avais à dire en guise d'introduction.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Mme Kane a-t-elle quelque chose à ajouter?

Mme Betsy R. Kane (membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): J'aimerais seulement ajouter que la ministre a insisté sur l'importance du maintien de l'intégrité du processus de détermination du statut de réfugié.

En ce qui concerne la nomination, la formation et le nombre des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui ont à prendre les décisions, je crois que l'intégrité du processus de nomination doit être restaurée et que les compétences des personnes nommées à la Commission doivent être considérées comme essentielles au maintien de l'intégrité du processus.

Le Canada est un chef de file mondial dans le secteur de la détermination du statut de réfugié. Cependant, bien des nominations à la Commission sont en fait des nominations politiques. Je tiens à vous signaler que la récente nomination par la ministre de Peter Showler au poste de président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est un grand pas dans la voie des nominations au mérite. Je crois que cette nomination sera garante d'une formation de meilleure qualité pour les membres de la Commission.

J'estime que la qualité des membres ne peut que contribuer à améliorer l'intégrité de notre processus et que c'est sur celle-ci que repose notre réputation internationale dans le secteur de la protection des réfugiés. Je pense que c'est une question qu'il faudra aborder dans le cadre des modifications qui seront apportées à la loi, à la procédure et aux pratiques de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci.

Dans le même ordre d'idées, nous avons aujourd'hui reçu le décret en conseil qui confirme cette nomination. En fait, il a été publié la semaine dernière, mais la greffière ne m'en a informé qu'aujourd'hui.

Nous allons maintenant passer à M. Fiset ou à Mme Zambelli. À vous de décider qui prendra la parole en premier. Nous vous saurions gré aussi, si vous le pouvez, de vous en tenir à vos dix minutes.

Me Jean-François Fiset (président, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Bien, nous allons essayer.

Laissez-moi vous dire brièvement qui nous sommes. L'AQAADI est l'association des avocats en droit de l'immigration qui regroupe environ 150 avocats et avocates du Québec qui pratiquent dans tous les domaines, y compris ceux des réfugiés, des immigrants indépendants et des gens d'affaires immigrants. Nous sommes distincts de l'Association du Barreau canadien. Je suis président de cette association et je suis depuis trois ans vice-président aux affaires des réfugiés.

Mme Pia Zambelli est diplômée d'Osgoode Hall depuis 1986. Elle est spécialisée en droit de l'immigration. En fait, elle a écrit deux livres sur les réfugiés. Le premier, que la plupart des gens utilisent, a pour titre The 1995 Annotated Refugee Convention et a été publié en 1995 et le deuxième, publié plus récemment par Carswell, a pour titre The Refugee Convention: A Compendium of Canadian and American Cases. Elle a siégé à la Commission pendant cinq ans et je pense qu'elle est donc très bien placée pour nous parler de la nomination et du renouvellement des membres de la Commission. Je vais lui céder la parole.

Me Pia Zambelli (membre du Conseil d'administration, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Merci.

Je vais être brève. Je crois savoir que vous aurez peut-être des questions à nous poser après.

Je suis tout à fait d'accord avec l'exposé que Mme Kane a présenté au nom de l'Association du Barreau canadien au sujet de la nomination des membres. Je pense que le comité est préoccupé par l'efficacité du processus et la rapidité du traitement des demandes, que les requérants soient admis ou renvoyés. La manière la plus efficace de s'y prendre est de s'assurer qu'ils ont droit à une audience en bonne et due forme et qu'il y a des gens pour prendre les décisions qui s'imposent. Cela éliminerait la nécessité d'interminables révisions des revendications refusées, de révisions pour des raisons humanitaires et des demandes de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi présentées en conséquence à la Cour fédérale. Il y a eu énormément de résistance à... Je pense que l'idée de nommer à la Commission des personnes qui sont neutres remonte à au moins 15 ans, mais on n'y a jamais donné suite.

Les décisions prises actuellement par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié laissent de toute évidence à désirer et c'est parce que ses membres n'ont ni les antécédents ni la formation nécessaires. Essentiellement, il y a beaucoup de gaspillage parce que tous les nouveaux membres doivent être formés, des décisions sont prises au moment où ils n'ont pas encore d'expérience ou ne sont pas aussi bons qu'ils pourraient l'être et il y a un grand gaspillage de temps et d'argent.

• 0920

Je crois que ce serait la solution la plus simple si on veut avoir un processus de détermination du statut de réfugié juste et efficace. Je crois que c'est ce que vous diront presque tous les gens que vous rencontrerez.

Si cette solution n'est pas retenue, il faudra alors se pencher sur le filet de sécurité. Il devrait y avoir un meilleur filet de sécurité pour les gens dont la demande est rejetée à tort par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je trouve qu'il n'est pas suffisant à l'heure actuelle. Le taux d'acceptation est presque de zéro pour les demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Très peu de membres de la catégorie désignée pour considérations humanitaires sont acceptés.

Je pense que la solution consisterait à reconnaître la compétence humanitaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié afin que certaines des questions intéressant à la fois la convention et d'autres aspects de la protection, comme le risque du renvoi fondé sur des facteurs qui ne sont pas énumérés dans la convention, par exemple, des facteurs humanitaires en général, soient réglées par des personnes ayant reçu la formation voulue. Cela économiserait beaucoup de temps et d'efforts et éviterait les nombreux procès attribuables au fait qu'il faut franchir toutes sortes d'étapes différentes et que la décision qui conviendrait n'est prise à aucune de celles-ci. Il peut y avoir litige quand quelqu'un se voit refuser le statut de réfugié, dans le cas des DNRSRC, pour des raisons humanitaires...

Si la décision prise dans un premier temps était juste, si les gens avaient l'impression qu'ils ont été traités équitablement, si la Commission était davantage un tribunal d'experts où les nominations seraient au mérite, je crois que les choses iraient beaucoup mieux. Le processus serait beaucoup plus efficace et moins coûteux et la Cour fédérale aurait à prendre un moins grand nombre de décisions consécutives. Je crois que ce serait la solution la plus simple au problème.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Parfait. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Me Pia Zambelli: L'autre chose que je proposerais est la création, comme il en a été question il y a quelques années, d'une sous-section d'examen interne à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ce serait un autre moyen d'améliorer le filet de sécurité. Si des amis politiques continuent à être nommés, il faudra grandement améliorer le filet de sécurité.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Bien, merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. Chacun a droit à dix minutes et M. Anders sera le premier intervenant.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Est-ce Mlle Zambelli?

Me Pia Zambelli: Oui.

M. Rob Anders: C'est parfait.

Vous avez dit qu'il fallait améliorer le filet de sécurité pour les gens dont la demande est rejetée. Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions?

Me Pia Zambelli: Oui. À l'heure actuelle, la personne qui se voit refuser le statut de réfugié a le droit de demander au ministère de l'Immigration de procéder à une évaluation. Ce dernier examinerait les risques que pourrait comporter le renvoi dans son pays d'origine en raison du fait qu'elle pourrait être victime d'un traitement inhumain ou passible d'une peine sévère. C'est une bonne idée, mais qui ne fonctionne pas dans la pratique. Le taux d'acceptation est de 5 p. 100 peut-être. En tout cas, il est très très bas. Je proposerais de confier ce type d'examen à un tribunal des réfugiés qui aurait les compétences et la formation nécessaires.

Prenons, par exemple, le cas d'une personne qui ne répond pas à la définition de réfugié, mais qui pourrait être recherchée, disons, par les cartels colombiens de la drogue. Même si elle n'est pas un réfugié au sens du terme, sa vie pourrait être gravement menacée si elle retournait en Colombie. Je pense que l'examen de ce genre de question devrait être confié à un tribunal comme la Commission de l'immigration et du statut de réfugié où seraient nommées les bonnes personnes, bien entendu.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): M. Matas veut répondre à cette question.

• 0925

M. David Matas: Merci.

Bien sûr, c'est une question très grave, parce que des problèmes se posent actuellement dans le cas de revendicateurs à qui le statut de réfugié est refusé à tort, soit en raison d'une erreur ou d'un changement de situation, ou parce que la définition de réfugié est trop étroite.

À l'heure actuelle, il y a cinq mécanismes différents qui s'appliquent, mais aucun d'entre eux n'est adéquat. Il y a d'abord les considérations humanitaires, mais les responsables de l'immigration ne s'y connaissent pas toujours ou ne sont pas experts en détermination des risques. Il y a aussi l'évaluation des risques dans le cas des demandeurs non reconnus du statut de réfugié, qui est également problématique pour la même raison. Certaines personnes iront aux États-Unis pendant 90 jours pour pouvoir présenter une nouvelle demande, mais cela comporte évidemment des problèmes. Il y a des gens qui s'adressent au bureau du ministre, mais celui-ci peut être débordé. Il y a aussi la Cour fédérale, mais c'est problématique parce qu'elle ne s'occupe que de questions de droit par opposition aux questions de fait.

Il a été proposé d'éliminer ou de remplacer certains de ces éléments. Bien sûr, la Cour fédérale continuerait d'exister, mais il a été proposé d'éliminer ou de remplacer tous les autres mécanismes.

Ce qu'il faudrait pour rattraper ces erreurs, modifier la situation ou élargir le filet, c'est soit un processus d'appel interne pour les questions de fait, ce qui serait certainement utile, soit en plus la possibilité de réexaminer une décision une fois qu'elle a été prise. Actuellement, il est possible à la section d'appel de demander le réexamen d'une décision prise, mais pas à la section du statut de réfugié. Il y a donc une anomalie.

La réexamen fonctionne très bien pour la section d'appel. Il y a un problème de déni d'accès à l'heure actuelle en ce sens qu'une personne qui a essuyé un refus ne peut pas avoir de nouveau accès à moins de quitter le pays et d'y revenir 90 jours plus tard.

Nous devons donc remplacer tous les mécanismes qui sont actuellement utilisés comme filet de sécurité et qui ne fonctionnent pas très efficacement par quelque chose qui fonctionne bien comme filet de sécurité.

M. Rob Anders: Ma deuxième question concerne le processus de nomination et le favoritisme. J'ai fait des commentaires à propos de certaines des personnes qui ont été nommées à la Commission. Autant que je sache, elles n'avaient pas vraiment ce qu'il fallait. Quoi qu'il en soit, puisque vous-même avez dit que ces gens devraient avoir de meilleures qualifications et une meilleure connaissance de ces choses, idéalement, comment vous y prendriez-vous pour choisir les membres de la Commission?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): À qui posez-vous la question?

M. Rob Anders: À qui voudra bien y répondre.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je pense que Mme Kane voulait commencer, après quoi nous céderons la parole à Mme Zambelli.

Mme Betsy Kane: Je ne pense pas qu'il y ait des critères idéaux. Nous sommes tous humains et nous faisons tous des erreurs. Je crois cependant que des critères essentiels seraient une formation relative à la protection des réfugiés de même qu'à la convention et aux instruments internationaux portant sur le traitement des réfugiés. Les nominations pourraient être faites par la collectivité des ONG, le barreau des réfugiés. Elles pourraient provenir d'autres organisations qui s'intéressent à la protection et à l'établissement des réfugiés et des immigrants, de gens qui ont une expérience d'autres tribunaux administratifs, qui sont des experts de la qualité et de l'efficacité de la prise de décisions.

Des candidats compétents pourraient provenir de toutes sortes de milieux. La chose la plus importante—comme Mme Zambelli le disait—c'est que la décision prise soit juste et soit perçue comme étant juste. Si quelqu'un a une longue expérience du droit et de la protection des réfugiés et une solide formation, même si la décision rendue est négative, l'intéressé aura l'impression d'avoir eu droit à une audition équitable. Et son avocat, si un avocat ou une ONG représente cette personne, pourra lui dire: «Vous avez eu droit à une audience en bonne et due forme. Il ne me servira à rien d'interjeter appel ou de demander une révision judiciaire, parce que vous avez eu une instruction approfondie et qu'aucun juge de la Cour fédérale ni aucun agent d'immigration supérieur n'aura de sympathie pour vous, sachant que la personne qui a pris la décision dans votre cas est très respectée à l'intérieur de la communauté juridique ou de la collectivité des réfugiés.» Et cela est essentiel à l'intégrité du système.

Pour revenir aussi à ce que Mme Zambelli disait, il serait important d'étendre le champ de compétence de la CISR afin qu'elle puisse pour des raisons humanitaires ou des motifs de commisération intervenir dans des cas qui sortent du cadre de la définition d'une personne qui est en fait...

M. Rob Anders: Je veux que chacun ait sa chance. Vous avez parlé d'une meilleure formation et de la sélection par les ONG ou d'autres personnes ayant une expérience de l'administration ou des tribunaux. Est-ce que quelqu'un d'autre a quelque chose à ajouter?

• 0930

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Madame Zambelli, avez-vous quelque chose à dire?

Me Pia Zambelli: J'estime qu'il devrait y avoir un pourcentage beaucoup plus élevé d'avocats ou de personnes ayant une formation juridique. Je dis cela en raison de mon expérience auprès de la Commission, des décisions qui doivent être prises et de la complexité... Je ne savais pas auparavant à quel point les décisions prises sont complexes. Il faut évaluer la crédibilité de quelqu'un qui a une culture différente tout en gardant présente à l'esprit la jurisprudence de la Cour fédérale.

Un jour où j'ai posé aux services juridiques une question à propos d'une affaire à laquelle je travaillais, le conseiller juridique m'a dit: «Je ne sais pas comment vous arrivez à prendre des décisions aussi difficiles tous les jours; ça me dépasse.»

C'est très complexe, et des questions de procédure se posent. Je crois que les avocats ou les membres ayant une formation juridique devraient être plus nombreux.

Encore une fois, je suis d'accord avec Mme Kane pour dire que les mises en candidature devraient provenir de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, du ministère de la Justice, des ONG, des universités, des facultés de droit et, bien sûr, des membres d'autres tribunaux.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Il vous reste deux minutes, monsieur Anders.

M. Rob Anders: Il faut reconnaître qu'on n'aime pas tellement les avocats ou les membres de la profession juridique en général étant donné qu'il y en a déjà beaucoup en politique. Auriez-vous une autre recommandation à faire, plus facile à faire accepter sur le plan politique?

Me Pia Zambelli: Tout ce que je peux dire, c'est que les décisions qui sont prises... C'est un tribunal quasi judiciaire et il faudrait donc que le processus de nomination favorise la magistrature étant donné les conséquences pour l'individu.

M. Rob Anders: M. Fiset ou M. Matas auraient-ils quelque chose à ajouter?

Me Jean-François Fiset: Je dirais que le problème a également à voir avec la présence de consultants devant la CISR. Les gens peuvent nous trouver ironiques, mais si vous comparaissez devant un tribunal pénal, même pour une petite infraction comme la conduite en état d'ébriété, vous allez demander à un avocat, et pas à votre beau-frère, de vous représenter. Pourtant, lorsqu'il s'agit de questions de vie et de mort, n'importe qui peut dire qu'il est consultant, ouvrir un bureau et demander des honoraires. Un grand nombre de ces consultants n'ont aucune formation juridique; ils représentent des gens devant un tribunal à l'égard de questions de droit, de questions d'objections et leur formation est insuffisante. Le seul fait de tolérer la présence de consultants qui ne sont pas des avocats, mais qui parfois se comportent comme des avocats et prétendent même...

J'ai vu des cartes où on pouvait lire «avocat» et, entre parenthèses, le nom d'un pays, d'un autre pays, ce qui voulait dire que cette personne avait reçu sa formation dans cet autre pays. Il y en a qui utilisent le mot «conseil» en français. C'est trompeur. Un «counsel» est un avocat en anglais. Le seul fait de tolérer ces gens devant la CISR est une invitation aux abus, parce que les laisser poser ces actes, qui sont en fait réservés à une association du barreau...

Je crois qu'il faut modifier la loi pour que les consultants n'aient pas le droit de pratiquer devant les trois sections de la CISR. Le fait est qu'ils trompent le client, qu'ils racontent des histoires et que la vérité ne ressort parfois même jamais. Ils ternissent tout le processus.

La plupart du temps, ces consultants nuisent au travail des juges, des membres de la Commission. Je dirais que cela aggrave aussi le problème. Le fait de tolérer que des novices fassent le travail d'avocats ne peut que causer de gros problèmes.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je pense que nous voyons ce que vous voulez dire.

Nous allons passer à M. Telegdi pour dix minutes.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous avons entendu hier le témoignage de deux anciens ambassadeurs. Je me disais qu'il serait intéressant que vous débattiez la question ensemble, parce que vous avez des vues complètement différentes.

L'un d'entre eux était M. Bauer. Je suis certain que vous le connaissez. Il s'apprête à publier un livre et il a aussi siégé à la CISR. Il a en fait mis le comité en garde contre l'industrie de l'immigration qui, bien sûr, englobe les avocats.

• 0935

Si je regarde le débat que nous avons eu, je m'aperçois que nous avons surtout mis l'accent sur les moyens à prendre pour resserrer le processus et traiter les demandes plus rapidement. Nous n'avons pas beaucoup parlé du processus de détermination lui-même ni de la nécessité de veiller à ce que les décisions prises par la Commission soient les meilleures possibles.

Une de mes préoccupations lorsque je suis une affaire—et on peut lire toutes sortes d'histoires d'horreur—c'est que lorsqu'une demande a été rejetée par la Commission, il est très difficile d'obtenir une révision judiciaire. Je dirais que le chiffre est d'environ 1 p. 100. Aux États-Unis il est d'à peu près 30 p. 100.

J'ai l'impression que cette décision, surtout si elle met en cause la crédibilité, vous suit tout au long du processus. Dans la mesure où l'évaluation des risques constitue un droit avant la déportation, il faut présenter une demande dans les deux ou trois semaines qui suivent le rejet par la Cour fédérale. J'ai pu constater que la décision avait eu un effet dans certains cas. On s'est énormément fié à ce que l'arbitre avait dit. Le pire exemple que j'ai vu est celui d'un membre de la Commission qui a dit en refusant la demande d'un réfugié qu'il ne croyait pas qu'il y avait collusion entre les médias, la police et le gouvernement dans l'ancienne Yougoslavie. Ce genre de déclaration, parce qu'il est clair, lorsque nous parlons d'un régime totalitaire...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je suis certain que vous avez une question à poser.

M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, je vous saurais gré de ne pas empiéter sur mon temps de parole.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Non, et je suis prêt à vous en donner plus...

M. Andrew Telegdi: Je m'apprêtais à poser une question...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): ... mais nous avons des témoins qui sont venus de loin...

M. Andrew Telegdi: C'est vrai, et je suis en train de formuler la question...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): ... je vous demanderais donc de leur poser une question.

M. Andrew Telegdi: Je suis en train de formuler ma question. Si ça ne vous dérange pas, j'aimerais que vous m'en laissiez le temps.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Allez-y.

M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

Je me demandais ce que nous pourrions faire pour améliorer la qualité des décisions prises par la Commission.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): À qui posez-vous la question?

M. Andrew Telegdi: À ceux qui voudront bien y répondre.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Matas, voulez-vous commencer?

M. David Matas: J'aimerais, si vous me le permettez, commenter certaines des observations que vous avez faites en passant au lieu de simplement répondre directement à vos questions. Je n'étais pas ici lorsque M. Bauer a témoigné, mais je connais son point de vue.

Tout d'abord, j'en ai contre le fait qu'il parle d'une industrie de l'immigration. Après tout, il est question ici du droit fondamental de la personne de circuler librement, qui figure en réalité dans notre Charte. Couvrir de mépris des gens qui essaient d'en aider d'autres à se protéger ou à immigrer, c'est comme couvrir de mépris les gens qui essaient de protéger la liberté de la presse ou le droit de se syndiquer. C'est tout simplement inacceptable.

Je ne suis pas d'accord non plus sur la nécessité de resserrer le processus. En fait, il est déjà trop rigoureux. Nous n'arrivons jamais à atteindre nos objectifs. Le gouvernement conservateur de M. Mulroney a dit à un moment donné qu'il faudrait que 25 p. 100 des personnes admises soient des réfugiés, mais nous n'avons jamais pu atteindre cet objectif. Les chiffres n'ont pas cessé de baisser, et nous sommes actuellement à environ 10 p. 100. Si nous continuons à resserrer le processus, nous allons nous retrouver au point où nous étions durant le règne de Mackenzie King et nous n'admettrons plus personne. Nous allons en souffrir. Je pense donc que ce serait vraiment la mauvaise chose à faire.

Pour ce qui est des erreurs dans le processus de détermination du statut de réfugié, ce dont nous parlions tout à l'heure, je pense, premièrement, que nous avons besoin d'un processus de nomination de meilleure qualité. Je n'ai rien dit en réponse à la question précédente, mais je pense qu'il y a au moins deux choses que nous pouvons faire pour accroître la qualité des nominations. La première est d'augmenter la durée du mandat. Les nominations sont très courtes. Elles peuvent avoir une durée de deux ans seulement. Les personnes qui ne sont à la Commission que pour deux ans reçoivent une formation qui ne sert plus à rien lorsqu'elles partent. Nous avons besoin d'une plus grande inamovibilité.

• 0940

Deuxièmement, nous avons besoin d'un comité consultatif plus vaste. Il existe actuellement un comité consultatif, mais il n'est pas aussi vaste que le comité consultatif qui donne son avis sur la nomination des juges, et ses membres ne proviennent pas d'un aussi grand nombre de secteurs différents de la collectivité. Je crois que cela servirait à améliorer la qualité des nominations.

Il reste cependant, comme Betsy Kane le disait, que peu importent les qualifications, l'homme est sujet à l'erreur. Des erreurs seront commises et nous avons besoin d'un type quelconque de mécanisme de correction des erreurs. Tous les différents mécanismes que nous avons actuellement ne sont pas vraiment utiles en ce sens. Nous allons devoir trouver un moyen plus efficace de corriger les erreurs de manière à régler le problème qui se pose actuellement et dont j'ai parlé tout à l'heure.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Madame Kane, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Betsy Kane: J'essayais de mettre en lumière le point que Mme Zambelli a fait ressortir tout à l'heure, c'est-à-dire la nécessité d'élargir le champ des compétences de la CISR pour qu'il englobe les raisons humanitaires. Nous avons parlé de l'élargissement du filet pour lequel la CISR peut prendre des décisions. Bien souvent, il s'agit non seulement de mauvaises décisions, qui peuvent être révisées ou qui sont douteuses, mais aussi de décisions qui débordent le cadre de la définition de réfugié au sens de la convention.

Il arrive souvent que les membres de la Commission indiquent par écrit dans leur décision, lorsqu'elle est négative, que des facteurs d'ordre humanitaire et de compassion entrent en jeu. Parce que cela dépasse leurs compétences, ils encouragent le revendicateur à demander l'aide du ministre dans cette catégorie. Ils lui disent en fait: «Nous ne pouvons pas vous aider. Nous n'en avons pas le pouvoir. Mais allez voir le ministre et présentez-lui une demande pour des raisons humanitaires. Nous avons les mains liées. Cependant, parce que nous avons indiqué dans notre décision que votre cas comporte des raisons humanitaires, nous pensons que le ministre y sera sensible.» La Commission est aux prises avec le fait qu'elle n'a pas la compétence voulue. Cela réglerait peut-être le problème qui se pose pour la CISR lorsque l'intéressé ne répond pas à la définition de réfugié au sens de la convention.

Le problème de crédibilité ne s'en trouvera peut-être pas réglé pour autant, mais la Commission pourrait prendre une décision positive lorsque les circonstances l'exigent. Un excellent exemple est celui du Maersk Dubai il y a quelques années, à Halifax, où des Philippins ont vu des gens jetés par-dessus bord. Ils ont demandé le statut de réfugié, mais on le leur a refusé. Évidemment, des motifs de compassion entraient en jeu. Le ministre a ensuite fait droit à une demande d'admission pour considérations humanitaires et ils ont fini par être acceptés dans cette catégorie. Je tenais à vous donner un exemple concret, dont nous avons tous été témoins, dans le cas duquel le processus a échoué.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Fiset, madame Zambelli.

Me Pia Zambelli: Comme je l'ai dit, je pense que la solution consisterait à améliorer le processus de nomination. Si c'est impossible, si le favoritisme fait partie de notre processus, il pourrait peut-être y avoir à la Commission une section d'examen interne composée de gens qui auraient les qualifications voulues pour rattraper ces erreurs. Je sais qu'il a été difficile de se débarrasser du favoritisme. Nous n'y sommes pas arrivés en 15 ans. Ce genre de solution permettrait peut-être un meilleur équilibre. Comme tout le monde semble le dire, les filets de sécurité actuels ne fonctionnent pas pour le moment lorsque les décisions sont incorrectes.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je pense que nous allons passer à la deuxième série de questions. Monsieur Bigras, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le président, j'insisterai peu sur le processus de nomination des membres puisque mes collègues en ont parlé abondamment et que vous avez abordé la question. Vous parliez de népotisme. Bien sûr, il est clair que certains candidats ont un profil qui ne répond certainement pas aux exigences de l'emploi. Le vérificateur général en a amplement parlé en 1997.

Un des éléments que le solliciteur prévoyait ou proposait, c'était la mise en place d'un plan de formation pour les membres de la commission. Vous avez rappelé que deux années ne suffisent peut-être pas pour acquérir les connaissances, l'expérience et l'expertise nécessaires pour bien évaluer les cas.

• 0945

J'aimerais connaître votre opinion à l'égard de la mise sur pied d'un programme de formation destiné aux commissaires. Quels éléments, à votre avis, devrait-il contenir? Monsieur Fiset, peut-être pourriez-vous répondre à ma question.

Me Jean-François Fiset: Merci. On nous donne la chance de parler français à Ottawa, ce qui est toujours agréable.

En ce qui a trait au programme de formation, je dirai qu'il est très difficile de former quelqu'un sur le tas. On ne forme pas un juriste en deux jours ou même en deux semaines. Les gens doivent faire des évaluations de crédibilité alors qu'ils ne connaissent pas les critères et n'ont pas l'expérience nécessaire. Comment arriverez-vous à leur montrer comment faire une évaluation de crédibilité en appliquant la jurisprudence de la Cour fédérale? Et encore faut-il avoir le temps de la lire et de la comprendre.

Nous sommes des juristes depuis une dizaine ou une quinzaine d'année et il nous faut lire la décision jusqu'à 30 fois avant de vraiment savoir ce qu'elle dit. On en débat devant la Cour fédérale. Je pense que mon collègue David Matas et Me Zambelli plaident devant la Cour fédérale. Il y a des zones grises. Nous sommes des juristes de formation. C'est notre spécialité.

Comment pourrait-on nommer quelqu'un, lui donner une formation de trois petites semaines et le faire siéger sur des cas de crédibilité, sur la situation de certains pays, etc.? C'est une aberration. Actuellement, il y a de 10 à 15 p. 100 des commissaires qui ont une formation juridique. C'est le premier problème.

Le second, c'est qu'actuellement, le système a des ratés très importants. On refuse des victimes de torture. Récemment, j'ai eu à traiter le cas d'une femme venant du Congo Brazzaville qui avait été victime de viols répétés par les soldats et qui avait été torturée. Lorsqu'elle s'est présentée en cour, elle a eu des trous de mémoire quant aux scènes auxquelles elle avait assisté. Elle a été déclarée non crédible et a été rejetée.

En Cour fédérale, il en a été de même. Il a fallu un an et demi, et encore a-t-on été très chanceux de réussir, ce que j'ai appris il y a moins de trois jours, avant qu'on s'aperçoive de l'erreur qu'on avait faite et qu'on consente à lui accorder une requête pour motifs humanitaires.

Actuellement, le système laisse tomber des victimes de viol, des personnes qui sont très blessées. Dans le cas dont j'ai parlé, elle était même enceinte quand elle en avait été victime. Il me semble que c'était un cas assez patent et flagrant. Cependant, les gens n'avaient pas la formation nécessaire pour s'en rendre compte. Donc, on revient un peu à la case départ.

J'ouvre une parenthèse. Certains commissaires sont nommés alors qu'ils n'ont absolument aucune ouverture d'esprit envers les réfugiés. Qu'est-ce que cela donne? Cela résulte en un taux de refus de 100 ou 98 p. 100.

Je vais vous citer un cas. Je vais plaider à Toronto de temps à autre, et ce n'est pas toujours pour plaider de mauvais dossiers. J'y suis allé 15 fois pour traiter des dossiers de l'Inde. Certaines des victimes avaient été torturées. C'étaient des cas bien étoffés. Aucun des 10 ou 15 cas n'a été accepté. Il y a donc un problème. Le même dossier présenté à Montréal serait accepté sur le banc. Il y a de ces régionalismes qui sont inexplicables.

Cela ressemble un peu à une loterie. Parfois il y a une étroitesse d'esprit chez le commissaire qui est due au fait que, pour que son mandat soit renouvelé, il ne doit pas avoir accepté trop de réfugiés; il se fout alors carrément de la preuve.

J'ai eu à plaider un cas devant un commissaire qui pleurait en entendant mes soumissions. Je m'étais alors dit que c'était un indice significatif. Or, j'ai reçu par la poste une décision négative. À cette étape, la situation devient schizophrène.

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Quelqu'un peut répondre brièvement à votre question.

[Français]

M. Bernard Bigras: Oui, sur un autre sujet.

Vous venez d'expliquer qu'il y a effectivement un problème dans le processus. Certains d'entre vous ont parlé de décisions inéquitables et d'autres ont parlé de mécanismes internes à revoir. Avez-vous envisagé de proposer, à un certain moment donné, la création d'un commissaire aux plaintes qui serait en quelque sorte chargé de recevoir les plaintes, de les traiter et d'enquêter? Une de vos associations a-t-elle déjà envisagé cela dans le passé ou est-ce une chose que vous avez vous-même envisagée et à laquelle vous travaillez?

Me Jean-François Fiset: Me Zambelli n'est peut-être pas au courant, mais lors de la publication du dernier livre blanc de la ministre, après les consultations, nous avions suggéré la création d'un poste d'ombudsman aux réfugiés. Ce devait être une nomination non politique. Cette personne aurait été une sorte de fonctionnaire dont la tâche aurait pu être de faire une dernière vérification, selon un mécanisme comme il en existe, et à qui certains dossiers auraient pu être présentés. Ce n'est pas encore bien articulé, mais j'ai déjà fait une proposition en ce sens.

• 0950

[Traduction]

M. David Matas: Si vous me le permettez, je répondrai à vos deux questions.

Tout d'abord, en ce qui concerne la formation, je souscris à ce que M. Fiset disait au sujet de la crédibilité. Bien sûr, les membres de la Commission devraient connaître la définition de réfugié et les conditions qui existent dans un pays, mais lorsqu'un problème surgit, il concerne le plus souvent de fausses évaluations de la crédibilité. On croit que les gens mentent alors qu'ils disent la vérité. Le problème a trait non seulement aux critères de crédibilité, mais à une évaluation de la crédibilité dans un contexte interculturel. Ce qu'il faut, c'est une initiation aux différences culturelles pour une meilleure sensibilisation à la façon dont les gens communiquent dans d'autres cultures. Ce serait utile.

Quant à la procédure des plaintes, la Commission en a toujours eu une, mais elle n'a pas fonctionné très efficacement parce qu'elle a en fait beaucoup favorisé les gens contre qui des plaintes étaient portées et n'a jamais consisté en un mécanisme véritablement indépendant. La Commission vient d'élaborer une nouvelle procédure des plaintes suite aux plaintes qu'elle avait reçues et il reste à voir si celle-ci sera vraiment efficace.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci.

Je voudrais que les témoins se sentent libres de s'exprimer en français ou en anglais. Nous avons la traduction simultanée. Sentez-vous donc bien à l'aise.

Nous devrons passer aux autres questionneurs, sinon nous n'aurons pas assez de temps. Pouvez-vous être brève?

Me Pia Zambelli: Oui.

Le problème est plus vaste encore, parce qu'ayant été membre de la Commission, je peux honnêtement vous dire que la formation reçue est très bonne. Nous recevons un excellent cours de formation et, tous les mois, nous nous rencontrons pour passer en revue les causes entendues par la Cour fédérale, dont la plupart ont à voir avec la crédibilité. C'est une question qui revient sans cesse. La Commission a un excellent service juridique.

Quelque chose d'autre cloche. Mon collègue en a parlé. C'est l'esprit dans lequel les gens abordent chaque affaire. La seule façon de redresser la situation serait non seulement de s'assurer que les membres de la Commission ont les antécédents voulus, mais aussi, comme M. Matas l'a dit, d'avoir un comité consultatif composé de représentants de différents secteurs pour évaluer le profil général de la personne qui est devant la Commission.

Le processus de formation de la Commission est excellent. Son service juridique est excellent. Nous recevons une excellente formation psychosociale de même qu'une formation sur les différentes cultures et la crédibilité. Cela se fait déjà.

Il y a un problème et il faudra trouver un moyen de le régler.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci.

Monsieur Limoges, vous avez cinq minutes.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci.

M. Matas a dit tout à l'heure qu'on aurait tort de vouloir resserrer le processus. Je me demandais si vous pouviez commenter très brièvement l'impression qu'on abuse de notre bonne volonté comme nation en utilisant le système de revendication du statut de réfugié de manière, par exemple, à contourner les formalités ordinaires de l'immigration.

J'aimerais aussi avoir l'avis d'autres personnes, de Mme Zambelli peut-être ou de quelqu'un d'autre. On a beaucoup parlé du favoritisme des nominations par décret. Je ne suis pas surpris d'entendre ce groupe dire qu'il aimerait que des avocats soient nommés à la Commission, mais que dire de la nécessité pour ses membres d'être représentatifs de l'ensemble de la population? Cela pourrait vous surprendre, mais certains membres de la société ne pensent pas que les avocats représentent adéquatement les Canadiens ordinaires.

M. David Matas: De toute évidence, les politiciens doivent tenir compte des perceptions, qu'elles reflètent la réalité ou non, mais si on regarde les abus perçus, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas nombreux. On fait beaucoup de bruit autour de quelques affaires, et c'est peut-être la façon dont les médias et le système fonctionnent, mais on aurait tort de déformer le système afin de passer tout le monde au crible pour n'attraper que quelques personnes, parce que cela exigera beaucoup de temps et d'argent sans vraiment servir à grand-chose.

J'imagine que la criminalité est ce qui préoccupe le plus les gens. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la criminalité relève du système de justice pénale. On ne peut pas... Ce n'est pas seulement qu'on aurait tort de se servir du système d'immigration comme moyen de dissuasion; c'est aussi...

• 0955

M. Rick Limoges: Je suis désolé; est-ce que je peux vous interrompre? À vous entendre parler, j'ai l'impression que nous pourrions abandonner le processus complètement et laisser entrer tous ceux qui le demandent en vérifiant leurs antécédents criminels et ainsi de suite. Est-ce ce que vous voulez dire? Est-ce qu'on pourrait accélérer le processus en le simplifiant à ce point?

M. David Matas: Eh bien, je dirais que nous pouvons...

Nous empêchons les gens d'entrer au Canada actuellement en imposant à certains pays des exigences en matière de visas et nous refusons d'en accorder aux gens qui n'ont pas l'air de simples visiteurs. Nous imposons des sanctions aux transporteurs pour les empêcher d'amener des gens chez nous et nous avons aussi des contrôleurs à l'étranger. Cela constitue notre réseau de contrôle.

Je ne propose pas de l'abolir complètement. Je n'irais pas jusqu'à dire que nous ne devrions pas imposer de sanctions aux transporteurs, mais il faudrait faire des distinctions. À l'heure actuelle, nous imposons des sanctions aux transporteurs même s'ils transportent des réfugiés authentiques, et nous avons tort de le faire. Nous ne devrions pas pénaliser les transporteurs s'il s'avère qu'ils transportent des réfugiés.

Pour ce qui est des visas obligatoires, je ne dirais pas qu'il faut lever toutes les exigences, mais elles pourraient l'être pour les pays d'où proviennent des réfugiés, où les besoins sont grands, mais les chiffres peu élevés.

Pour ce qui est de l'octroi de visas, nous pourrions en accorder dans des cas précis grâce à une évolution du rétablissement d'une vaste catégorie et de la catégorie du pays d'asile de manière à permettre les arrivées directes, dans un plus grand nombre de pays, de réfugiés authentiques.

Non seulement je propose que ces modifications soient apportées au processus, mais je m'oppose aussi à un resserrement du processus qui empêcherait un plus grand nombre de gens encore de trouver asile ici, parce que les chiffres ont été en réalité plutôt constants au cours des années. Il n'y a pas eu de fortes augmentations des chiffres ces dernières années. Il y a eu quelques cas dont on a beaucoup parlé, dont celui des prétendus trafiquants de drogue du Honduras et des migrants de la province de Fujian qu'on a fait entrer clandestinement. Mon point de vue face à ces problèmes, c'est que dans le cas du trafic et de la contrebande, il faut passer par le système de justice pénale.

La ministre a offert la possibilité de droit d'établissement à ceux qui étaient prêts à servir d'indicateurs dans le cadre du programme de protection des témoins. C'est une solution très positive, parce qu'elle contribue à un meilleur fonctionnement du système de justice pénale. Et il peut fonctionner efficacement si on arrive à se débarrasser des trafiquants et des contrebandiers.

Les étrangers qui entrent ici clandestinement et dont on fait le trafic sont des victimes, pas des agresseurs. Il est important de ne pas essayer de les victimiser encore davantage pour exercer un effet de dissuasion, parce que cela ne servira à rien et ne réglera pas le problème.

La notion que nous contournons en quelque sorte le système en faisant en sorte qu'il fonctionne est fausse, parce que seules sont autorisées à demeurer ici les personnes qui sont reconnues comme étant des réfugiés. C'est ce que veut le système. Il n'est pas question de le contourner.

Pour ce qui est des nominations, évidemment, je pense que les avocats ont leur place, mais la Commission ne pourrait pas être composée uniquement d'avocats. Mais ce qui est aussi important ou peut-être plus important encore que les avocats, ce sont des personnes qui connaissent les réfugiés et l'expérience que vivent les réfugiés.

Je suis appelé à intervenir devant la Commission depuis plusieurs années déjà et, d'après mon expérience, le plus gros problème, ce ne sont pas les membres de la Commission qui ne connaissent pas la loi—que je peux heureusement leur expliquer en ma qualité d'avocat—mais les gens qui ne peuvent pas croire ce qu'ils entendent, parce qu'ils n'ont aucune idée de ce qui se passe. Cela dépasse leur entendement et ils s'imaginent que c'est partout dans le monde comme au Canada. Donc, lorsque les gens leur relatent des histoires horribles, ils croient qu'ils inventent, parce que c'est tout à fait incroyable.

Je ne crois pas qu'on puisse simplement prendre un échantillon représentatif du Canada, parce que nous ne vivons pas de telles tragédies au Canada et que la plupart des gens n'en sont pas conscients. Nous avons besoin de gens qui savent ce qui se passe ailleurs et qui comprennent ce qu'on leur raconte.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à M. Martin pour cinq minutes.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins d'être ici. Je suis désolé d'avoir manqué le début de votre exposé, mais le ton de la discussion me réjouit. Nous avons entendu hier des témoins qui sont persuadés que les frontières du Canada sont une véritable passoire, que nous laissons entrer des criminels, des terroristes, des trafiquants de drogue et des pédophiles et que tout le monde tourne en dérision notre processus de détermination du statut de réfugié. Personnellement, je ne suis pas d'accord et c'est pourquoi je me réjouis de certaines des remarques que vous avez faites jusqu'à maintenant.

• 1000

Pour revenir à ce que M. Matas disait, j'ai l'impression, tout cela étant relativement nouveau pour moi, que le plus gros de nos énergies et des ressources consacrées à la politique de l'immigration servent à empêcher les gens d'entrer au Canada au lieu de les y accueillir. Nous semblons beaucoup plus préoccupés par cette question que par la nécessité de développer notre pays ou de faire honneur aux obligations que la convention des Nations Unies nous impose. Je me demandais si vous aviez quelque chose à dire à ce sujet.

J'aimerais aussi que vous nous indiquiez pour le compte rendu combien de ces prétendus cas frauduleux, dont on nous a parlé hier, d'après votre expérience... Pouvons-nous séparer les mythes de la réalité ici? Vous pourriez peut-être nous aider à y arriver. J'aimerais avoir un peu plus de précisions.

Les deux témoins dont je parle sont en réalité des diplomates canadiens bien connus qui sont arrivés ici avec un message très négatif. Vous seriez peut-être intéressés à lire la transcription des délibérations.

J'apprécierais que n'importe lequel des témoins nous dise quelques mots à ces deux sujets.

Me Pia Zambelli: J'aimerais dire quelque chose à propos des revendications frauduleuses. Lorsque j'étais membre de la Commission, j'avais l'impression que c'était ce que je faisais toute la journée—séparer les revendications frauduleuses de celles des réfugiés authentiques. C'est ce que je faisais toute la journée. C'était mon travail.

Quel pourcentage représentent-elles? Je n'en suis pas certaine, mais, à mon avis, entre 30 et 40 p. 100 des réfugiés ne répondent pas à la définition ou racontent des histoires. En réalité, on a parfois l'impression qu'il existe une industrie dont le rôle est de fabriquer des revendications qui seront acceptées au Canada.

C'était mon travail. C'est ce que je faisais du matin au soir—séparer les revendications frauduleuses des revendications véridiques. Je pense l'avoir fait de manière à pouvoir résister aux appels: je le faisais du premier coup, je le faisais comme il se doit, un point c'est tout. C'est ainsi, je pense, qu'il faudrait procéder.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): J'aimerais poser une question supplémentaire à ce sujet, monsieur Martin. Je vous redonnerai la parole après.

Lorsque vous aviez à faire la distinction entre une revendication frauduleuse et une revendication légitime, pensez-vous que certaines personnes inventaient des histoires pour des raisons non criminelles—c'est-à-dire qu'elles ne connaissaient tout simplement pas le système ou étaient intimidées? Quel pourcentage d'entre elles, selon vous, pourraient avoir menti à des fins criminelles?

Me Pia Zambelli: Parce qu'il s'agissait de criminels essayant d'entrer au Canada?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Oui, ou qui essayaient de cacher, par exemple, un casier judiciaire.

Me Pia Zambelli: Je ne le sais trop, mais je dirais 5 p. 100 peut-être. Je me disais que je ne pouvais pas vraiment avoir devant moi un terroriste. Un terroriste aurait trouvé un moyen d'acheter un document d'immigrant reçu et ne se serait jamais retrouvé devant moi. C'était mon impression.

Les gens rencontrés tous les jours étaient des migrants économiques qui essayaient... Ou peu importe. Cela n'était peut-être même pas le cas. Ils s'étaient peut-être attiré des ennuis dans leur pays. Ils devaient peut-être de l'argent à quelqu'un ou avaient regardé un policier de travers. Ils n'étaient pas là pour une raison précisée dans la convention. Ils savaient qu'ils ne seraient pas acceptés et racontaient donc une histoire qui avait donné lieu par le passé à une décision positive. Il y a beaucoup de bouche à oreille.

Je pense que mes amis m'en voudront beaucoup, mais je suis en faveur d'une défense éclairée des droits des réfugiés, et c'est ce que j'ai pu constater. Il existe en quelque sorte une industrie, c'est vrai, mais les gens essaient simplement d'améliorer leur sort, ou encore sont dans une situation difficile. Ils ont des raisons de venir ici qui ne sont pas couvertes par la convention.

Comme je l'ai dit, mon travail consistait en quelque sorte à séparer le bon grain de l'ivraie.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Madame Kane.

Mme Betsy Kane: Cela nous ramène à la question d'un système d'immigration indépendant, distinct du système applicable aux réfugiés. On fabrique des histoires pour essayer d'obtenir le statut de réfugié, parce que c'est un moyen rapide pour obtenir le statut d'immigrant reçu au Canada. Mais voyons voir: pourquoi entre 30 et 40 p. 100 des revendications du statut de réfugié sont-elles fondées sur de fausses allégations? Parce que la barre est trop élevée dans le cas des immigrants indépendants. Il faut avoir un baccalauréat, de l'argent, une entreprise et une expérience de travail. Et on ne peut pas être considéré comme un immigrant admissible si on ne peut pas prouver qu'on a exercé sa profession pendant au moins un an et qu'on a l'équivalent d'un baccalauréat.

• 1005

Si on fait partie de la classe ouvrière, qu'on a un métier, qu'on s'est toujours occupé d'une entreprise familiale, qu'on est agriculteur ou ménagère, on ne peut pas entrer dans la catégorie des immigrants indépendants. C'est tout simplement impossible. La seule façon d'entrer au Canada est de présenter une revendication du statut de réfugié. C'est la seule solution qui s'offre à ceux qui sont moins scolarisés et qui ont moins d'argent.

Le système des réfugiés est donc considéré par les immigrants non admissibles comme un moyen—c'est une loterie, comme le disait M. Fiset—de convaincre la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de les laisser entrer au Canada. Ils travailleront ensuite pour être de bons Canadiens. C'est leur attitude.

Cependant, si nous abaissons la barre au lieu de resserrer les exigences relatives aux immigrants indépendants et si nous laissons entrer des gens moins qualifiés—et nous n'arrivons pas à atteindre nos objectifs, comme M. Matas le disait—alors, nous verrons... La société canadienne a été bâtie par des agriculteurs, des paysans et des gens de métier. Si nous abaissons la barre et permettons à des personnes autres que des professionnels de se faire une vie ici, le nombre des prétendus revendicateurs du statut de réfugié que nous laissons apparemment entrer au Canada, qui est une passoire, diminuera peut-être.

C'est une façon de voir les choses, mais le revers de la médaille, c'est la hauteur de la barre, ce qui en fait crée de fausses...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Martin, avez-vous d'autres questions?

M. Pat Martin: Oui, s'il me reste du temps.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): J'ai pris une partie de votre temps et je vous laisserai donc poser une autre question.

M. Pat Martin: Je vous remercie de ces observations. C'est exactement le genre de chose que j'espérais entendre pour avoir une idée plus juste de la situation. Comme je l'ai dit, le comité est bombardé depuis quelque temps de vues contraires.

On a peut-être placé trop haut la barre et je me demandais si vous pouviez commenter la réaction adverse qu'a suscitée l'arrivée sur la côte Ouest de résidents de la province de Fujian. Par exemple, pourquoi ne peuvent-ils pas tout simplement attendre leur tour? Pourquoi ne pas présenter une demande en bonne et due forme, comme tout le monde, et attendre leur tour?

Nous nous sommes laissé dire qu'il est impossible pour les Chinois d'entrer ici légalement. Dans un pays qui compte 1,2 milliard d'habitants, il n'y aurait qu'un seul agent d'immigration à Beijing. Comment une personne travaillant dans la zone de libre-échange économique de la province de Fujian où le salaire est de 18 cents l'heure—d'après l'OIT—peut-elle se rendre à Beijing pour y présenter une demande en bonne et due forme?

Que penseriez-vous de l'idée, par exemple, d'établir un bureau satellite dans la province de Fujian pour que les gens puissent y présenter une demande en bonne et due forme? Pensez-vous que ce serait un bon moyen de contrer les activités des Snake Heads?

M. David Matas: Oui, ce serait un moyen utile, mais vos questions m'amènent à vous parler des ressources.

Historiquement, en ce qui concerne les restrictions budgétaires, les ressources consacrées à la mise en application sont demeurées les mêmes tandis qu'il y a eu diminution des ressources consacrées à l'admission. Résultat, les bureaux des visas sont sous-financés et incapables de répondre à la demande. Bien sûr, il est beaucoup plus facile et plus sûr de dire non que de dire oui.

La demande en provenance de la Chine est forte. Un bureau satellite dans la province de Fujian pourrait être utile, mais pas s'il est exploité par les mêmes personnes et de la même manière que celui de Beijing. Comme vous le savez, certains travailleurs chinois du vêtement ont été recrutés à Winnipeg, mais les autorités leur ont refusé un visa de peur qu'ils demandent à demeurer au Canada une fois ici. La Chine entretient une méfiance instinctive qui est préjudiciable pour tout le tiers monde.

Tout d'abord, la Chine devrait être désignée comme un pays d'émigration pour les gens de la catégorie du rétablissement de l'étranger pour qu'ils puissent demander protection à partir de la Chine. Il y a un lien entre ces réfugiés de la mer qui viennent de la province de Fujian et ce qui se passe actuellement à Seattle. Je ne vois pas comment nous ne pouvons rien dire à propos des droits de la personne dans ces zones de libre-échange et nous préoccuper en même temps de cette arrivée massive de réfugiés, parce qu'il y a un lien entre les deux. Nous devrons adopter à l'égard de la Chine une politique énergique en matière de droits de la personne si nous voulons nous attaquer directement au problème des résidents de la province de Fujian.

En ce qui concerne la détermination du statut de réfugié, nous avons besoin du même type de services spécialisés à l'étranger afin que les gens ne viennent pas au Canada pour obtenir le genre d'audience à laquelle ils n'auraient pas droit à l'étranger. Nous devons pouvoir compter sur les mêmes experts pour l'application des critères relatifs aux normes à l'étranger et au Canada.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je pense que c'est suffisant. Vous avez un peu débordé le cadre de la question, mais ça va.

Monsieur McKay, vous avez cinq minutes.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): M. Matas est un témoin expérimenté.

• 1010

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'ai bien l'impression que tous ceux qui sont ici tiennent beaucoup à examiner le système et à faire en sorte que de nombreux cas puissent se régler en une seule audience. Il me semble que nous pourrions, en définitive, gagner beaucoup de temps de cette façon-là et écourter considérablement le processus.

Je voudrais poursuivre la discussion sur quelques points. Supposons, pour commencer, que nous prenions les cinq éléments du processus de reconnaissance du statut de réfugié—les considérations d'ordre humanitaire, la CDNRSRC, le petit séjour de 90 jours à Buffalo, la Cour fédérale et tout le bataclan—et que nous tenions une seule et unique audience pour régler chaque cas. Ce que M. Matas nous dit, je pense, c'est qu'il faut un mécanisme quelconque pour rattraper les erreurs qui peuvent se produire à l'occasion. Il faudrait donc prévoir la possibilité d'une révision par la Cour fédérale.

Si le ministère était prêt à renoncer à ses compétences au sujet des considérations d'ordre humanitaire, de la CDNRSRC et de tout le reste, quelles assurances pourrait-on donner à la population canadienne au sujet de la possibilité de raccourcir considérablement le processus—il faut déjà un an pour la simple reconnaissance du statut de réfugié, et ça peut aller jusqu'à trois ans quand on ajoute tout le reste—et d'obtenir en définitive quelque chose de conforme aux lignes directrices actuelles? Environ 65 p. 100 des gens finissent de toute façon par obtenir le droit d'établissement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): À qui votre question s'adresse-t-elle?

M. John McKay: À Mme Zambelli, et surtout à M. Matas.

Me Pia Zambelli: Je suis d'avis que nous pourrions gagner beaucoup de temps. Il y aurait d'abord l'audience habituelle, qui existe déjà de toute façon. Pendant cette audience, dans le cadre du témoignage du demandeur du statut de réfugié, il serait possible d'invoquer des raisons humanitaires, parce qu'il est question de toute façon de la CDNRSRC à ce moment-là. Il y aurait donc une seule évaluation de la crédibilité au lieu de trois.

M. John McKay: Exactement.

Me Pia Zambelli: L'audience durerait peut-être de 30 à 45 minutes de plus, ce qui ferait en moyenne trois heures plutôt que deux.

On a souvent tous les éléments en main de toute façon. Le demandeur parle généralement de tous les aspects de son histoire. Si un demandeur souhaitait invoquer des raisons d'ordre humanitaire, l'audience serait allongée d'une demi-heure ou trois quarts d'heure, et ce serait réglé. La décision serait prise en ce qui concerne le statut de réfugié. Si le demandeur était accepté, tant mieux. Si c'était un cas d'ordre humanitaire, c'est là-dessus que la décision devrait être fondée. Il y aurait ensuite la Cour fédérale, et ce serait tout. Les étapes de la CDNRSRC et de l'examen des considérations humanitaires seraient éliminées, mais il serait peut-être souhaitable d'élargir la révision par la Cour fédérale.

M. John McKay: Et si nous demandions aux membres de la commission de prendre en même temps les décisions relatives aux considérations humanitaires et à la CDNRSRC? Autrement dit, si le demandeur est véritablement un réfugié, c'est parfait; il peut demander le droit d'établissement, et son cas est réglé. S'il n'en est pas un, on examine alors l'aspect humanitaire, et on prend sa décision à partir de là; ou alors on le classe dans la CDNRSRC, et il peut demander là encore le droit d'établissement. Mais ce serait tout. Est-ce que c'est une idée intéressante, à votre avis?

Me Pia Zambelli: D'avoir une audience au cours de laquelle...

M. John McKay: De charger les membres de la commission de prendre toutes ces décisions à ce moment-là.

Me Pia Zambelli: Oui, c'est ce que je voulais dire. En fait, c'est ce qui se passait à une certaine époque. La Commission d'appel de l'immigration, la CAI, pouvait prendre des décisions pour des raisons humanitaires. Je ne me rappelle pas exactement quand. C'était avant... David pourrait probablement m'aider.

M. David Matas: C'était il y a bien des années. Il n'y avait pas de décisions partagées.

Me Pia Zambelli: En effet, mais c'est ce que la commission faisait. Elle entendait la requête et pouvait aussi prendre des décisions pour raisons humanitaires. La commission ne peut pas accorder le droit d'établissement. C'est une décision qui revient à la commission de l'immigration.

M. John McKay: Non, c'est autre chose.

M. David Matas: Pour ce qui est du temps qu'il faudrait, ce n'est pas difficile à calculer. À l'heure actuelle, il faut tenir compte du délai entre la demande et la date d'admissibilité—le ministère peut vous fournir des statistiques à ce sujet. Nous pourrions gagner du temps de ce côté-là. Il me semble bien que le délai est de deux ou trois mois. Et il y a aussi une période de battement entre le refus et les procédures relatives aux revendications refusées. Il serait possible de gagner du temps là aussi, entre six et huit mois. Donc, simplement en télescopant l'examen de l'admissibilité et les procédures relatives aux revendications refusées en une seule audience, nous pourrions écourter le processus de neuf mois à un an, j'imagine.

M. John McKay: Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Un tout petit peu.

• 1015

M. John McKay: Je prends note de vos commentaires sur les nominations; je vous propose quelque chose qui ressemblerait à la liste du ministère de la Justice. J'ai bien peur qu'il ne soit pas possible d'éliminer complètement le favoritisme dans l'ensemble du système. C'est la nature humaine, tout simplement. Mais, cela dit, la liste du ministère de la Justice est soumise à l'examen d'une foule de professionnels, qui ont tous leur mot à dire avant qu'elle se retrouve sur le bureau du ministre. J'ai une suggestion à faire à nos témoins de l'Association du Barreau canadien, à savoir que la liste de la CISR pourrait être soumise au ministre de la Justice plutôt qu'à celui de l'Immigration.

M. David Matas: Il y a toute la question des tribunaux administratifs en général et de l'opportunité de leur appliquer les normes courantes. Nous en avons beaucoup discuté entre nous, et il y a eu des avants-projets et des suggestions à ce propos-là, par exemple au sujet de la création d'un comité interministériel, mais il n'en est jamais rien ressorti. Il est certain que, du point de vue du Barreau, il serait très bon de donner un caractère plus professionnel à l'ensemble du système de tribunaux indépendants.

Nous avons déjà entendu des commentaires au sujet de l'industrie de l'immigration. Mais il faut bien comprendre qu'il y a aussi une industrie anti-immigration. Il y a des gens qui s'opposent à l'immigration ou qui veulent la limiter, ce qui crée dans le système une distorsion qu'on ne retrouve pas dans le système de justice pénale. Il y a parfois des gens qui sont de cet avis et qui sont nommés à la commission, ou encore des gens qui disent que les ONG ne doivent pas se mêler des nominations à la commission parce qu'ils ne veulent pas que la perspective de ces organisations, qui ont un préjugé favorable pour la protection, soit incorporée dans les avis concernant les nominations. C'est ce qui crée ce genre de dynamique, que je n'approuve pas, mais qui est à la racine de certains des problèmes du système actuel.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup.

M. Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je vais peut-être aborder une question un peu taboue mais je pense que nous sommes là pour ça.

J'ai bien aimé, dans l'intervention de M. Matas, qu'il dise que la commission tient très peu compte des réalités sociales et culturelles. Ce ne sont pas ses propres mots, mais je les transpose ainsi. Il est important que la commission tienne compte des réalités sociales et culturelles des pays. Si je veux aborder la question aujourd'hui, c'est que je commence à être un peu fatigué, en tant que parlementaire, d'en entendre parler. Il faut donc en venir, à un moment donné, à poser des questions.

Hier, je donnais une allocution dans le cadre de la Journée internationale du sida devant 300 personnes. Je travaille aussi avec une avocate de la région de Montréal sur la reconnaissance des conjoints de même sexe comme élément de motif humanitaire dans la prise en considération de la demande du statut de réfugié. Je voulais savoir si vos associations avaient une position là-dessus. À ce qu'on me dit, on tient très peu compte des persécutions que ces personnes-là peuvent subir au moment où les représentations sont faites.

J'aborde la question parce que je ne vois rien en ce sens dans la loi. Je ne sais pas si c'est parce que les avocats deviennent de plus en plus militants, mais en tout cas ils m'appellent. De même, il y a de plus en plus de citoyens ordinaires qui viennent me voir pour demander qu'on tienne compte de cette réalité très peu acceptée dans certains pays, qui devrait être prise en considération dans l'évaluation des demandes.

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney): M. Fiset.

[Français]

Me Jean-François Fiset: C'est une question qui se pose. Il n'y a pas de sujet tabou en immigration parce qu'on fait face à toutes sortes de conditions réelles selon les personnes et selon les pays. Ces réalités ne sont pas toujours belles.

La torture, les viols, les dépressions font partie de notre lot quotidien. Nous avons souvent affaire à des gens très abîmés et nous sommes très militants. Dans beaucoup de cas, nous faisons avancer le droit en repoussant les limites plus loin.

Le fait est que, oui, il y a une reconnaissance des conjoints de fait. Par exemple, dans le cas des réfugiés, on traite les conjoints de fait en même temps. La plupart du temps, ils sont considérés comme époux. C'est le cas aussi, par exemple, des gens qui sont unis par un mariage traditionnel.

L'autre aspect, c'est que la persécution pour homosexualité a été été reconnue par la commission. Beaucoup de décisions rendues portent sur de tels cas. C'est assez constant. Il se pose toutes les questions de crédibilité et de preuve, mais cette réalité a été spécifiquement reconnue comme faisant partie de la définition de réfugié au sens de la convention.

La question de l'ouverture d'esprit des gens qui doivent prendre les décisions se pose. Nous sommes toujours confrontés à cela. Je pense qu'il n'y a pas deux personnes qui ont les mêmes normes ou la même ouverture d'esprit. Mais le fait est que la Cour fédérale même a pris de telles décisions en considération et les a probablement confirmées.

• 1020

Je vous donnerai à titre d'exemples les mutilations sexuelles, les mariages forcés et la violence conjugale à l'endroit de femmes dans les pays où il n'y a pas de protection, où la police ne veut pas s'en mêler. Au départ, on disait que ce n'était pas des cas couverts par la convention. On refusait de les reconnaître. Peu à peu une jurisprudence s'est établie et est maintenant fermement établie.

J'ai présenté en appel le premier dossier sur les mutilations sexuelles parce qu'il y avait eu refus alors que les faits n'étaient pas contestés. C'était une victime de viol, de torture, sur qui on voulait également pratiquer une opération d'excision, de mutilation sexuelle. C'est en appel que nous avons gagné et quand le dossier est revenu devant la commission, la décision n'a même pas été contestée, sur la même preuve. Donc, il y a un manque d'ouverture d'esprit ou de vision qui prévaut largement.

J'ouvrirai aussi une parenthèse sur les stéréotypes. Il me vient à l'esprit que j'ai récemment déposé un appel portant sur le dossier d'une victime de viol. Le juge soutenait qu'il existait un profil très clair de la victime de viol et qu'à ce qu'il voyait, la requérante ne présentait pas ce profil. Je ne sais pas ce qui, dans son esprit, correspondait au profil d'une victime de viol. Personnellement, j'en ai connu plusieurs dans ma clientèle et, selon moi, elles n'avaient pas un profil homogène.

Donc, il y a des stéréotypes, des idées préconçues. C'est un peu comme dire que les vrais réfugiés sont tous à l'extérieur du Canada. La position de certains commissaires, de certains policiers et de la GRC est que le Canada est un véritable refuge pour tous les terroristes internationaux.

Il faut dire que ces gens-là se votent des budgets et veulent renforcer leurs effectifs. Il faut mettre les choses dans leur contexte.

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup.

M. Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci beaucoup.

Pour faire suite à ce commentaire, je vous signale qu'un certain nombre de rapports publiés récemment par le SCRS et les organisations policières internationales révèlent que certaines ONG du Canada ont été utilisées comme paravents pour financer des activités terroristes à l'étranger. Nous le savons, et c'est assez bien documenté.

Est-il possible que les réseaux de passeurs et leurs organisateurs aient infiltré le mouvement des ONG canadiennes pour prôner le maintien de lois aussi indulgentes que possible au Canada de manière à pouvoir continuer leur trafic? Est-il possible que les ONG elles-mêmes aient été noyautées par ces criminels?

M. David Matas: Excusez-moi, quelle était votre dernière phrase?

M. John Bryden: Est-il possible que les réseaux de passeurs et les organisations criminelles internationales aient infiltré les organisations non gouvernementales canadiennes pour prôner le maintien de loi aussi indulgentes que possible de manière à ce que ce trafic puisse se poursuivre? Pouvez-vous être certain que vos propres ONG ne servent pas de paravents à certaines de ces organisations criminelles?

M. David Matas: Pour ce qui est de l'Association du Barreau canadien, je dirais que c'est impossible parce que ces gens-là devraient être avocats.

M. John Bryden: Ce n'est pas un problème.

Des voix: Oh, oh!

M. David Matas: Il n'y a rien qui permette de croire que les chefs des réseaux de passeurs sont des avocats.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Y a-t-il quelque chose qui permette de croire que des avocats puissent être à la tête de réseaux de passeurs?

M. David Matas: Je comprends qu'il y a ici une autre organisation, en plus de la nôtre, mais elle regroupe elle aussi des avocats. Donc, dans nos organisations, ce n'est tout simplement pas possible.

M. John Bryden: Non, je n'ai pas dit que c'était nécessairement dans vos organisations. Mais vous devez savoir... Le témoin précédent vient de faire des déclarations très profondes sur la GRC et le SCRS, et sur le fait que leurs priorités vont à l'encontre de la liberté d'immigrer dans notre pays. Quand on fait des déclarations comme celles-là, je me sens obligé de répliquer.

Vous faites tous partie du même groupe; vous fréquentez ce cercle-là. Vous devez connaître des tonnes d'ONG qui s'occupent des réfugiés et de l'immigration. Êtes-vous certain que ces ONG n'ont pas été infiltrées par le crime organisé, par les organisations mêmes qui se livrent au trafic d'êtres humains dont nous nous inquiétons aujourd'hui?

M. David Matas: Vous en êtes arrivé à cette conclusion à partir des allégations du SCRS selon lesquelles certaines ONG financeraient des terroristes étrangers. Permettez-moi de vous dire qu'à mon avis, votre raisonnement n'est pas très logique.

• 1025

Quand il est question d'organisations qui servent de paravents pour financer des terroristes, il s'agit de groupes fondés sur l'appartenance ethnique ou sur une idéologie bien précise. Or, les chefs des réseaux de passeurs n'ont pas de position idéologique; ils n'opèrent pas au grand jour, mais dans la clandestinité. Ils ne fonctionnent pas dans le cadre de la loi; ce sont des hors-la-loi.

Nous ne savons pas qui sont ces gens, individuellement. Nous en entendons parler dans les journaux. Mais ils ne viennent pas nous voir pour nous demander d'appuyer telle ou telle politique parce que ça les aiderait à mener leurs opérations criminelles clandestines. C'est tout aussi inimaginable que s'ils allaient vous trouver, vous, pour vous demander la même chose.

M. John Bryden: Je ne veux pas dire qu'ils vont vous voir. Je vous pose une question—et vous n'y répondez pas, d'ailleurs. Les organisateurs des réseaux de passeurs font ce genre de chose pour l'argent, c'est vrai; mais il serait naïf de croire que les diverses organisations terroristes ne s'intéressent pas à l'argent. Quand on lit sur la question, on se rend compte que les priorités politiques de bon nombre de ces organisations terroristes ont cédé le pas au désir de faire de l'argent grâce aux stupéfiants et, comme nous l'ont dit d'autres témoins, grâce au trafic d'êtres humains.

Tout ce que je veux vous dire, c'est ceci: c'est bien beau d'affirmer que la GRC et le SCRS mettent l'accent sur certaines choses parce qu'ils doivent justifier l'argent qu'ils reçoivent des contribuables, mais il est tout à fait possible que les ONG soient soumises à certaines pressions de la part de ces réseaux de passeurs et des organisations... Est-ce que quelqu'un d'autre peut répondre?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Puis-je vous interrompre un instant? Le Conseil canadien pour les réfugiés, l'organisme-cadre regroupant toutes les ONG dont vous parlez, doit comparaître devant nous la semaine prochaine; c'est peut-être plutôt à lui que vous devriez poser cette question. À mon avis...

M. John Bryden: C'est une excellente suggestion.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): ... vous pouvez exprimer une opinion, mais je...

Me Pia Zambelli: Je ne pense pas qu'il soit possible que les ONG canadiennes... La seule chose dont j'aie entendu parler dans ce sens-là, ce sont des rumeurs, par exemple quand les Tigres tamouls font de la propagande au sujet de la façon dont le gouvernement du Sri Lanka persécute les gens. Cette propagande est parfois acceptée comme une vérité incontestable par certaines organisations de défense des droits de la personne.

À ma connaissance, c'est la seule chose qui puisse... Mais je ne pense pas que ce soit possible, en tout cas pas pour les réseaux de passeurs, quoique ce soit peut-être le cas pour les terroristes qui ont des motivations politiques. Les passeurs ne veulent pas que le système s'assouplisse ici; je pense qu'ils veulent plutôt qu'il se resserre, non? Si nous ouvrions les portes, ils n'auraient plus de clients.

Une voix: Très juste!

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Nous allons maintenant laisser la parole à M. Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

Le dilemme, c'est que—quand on regarde le pourcentage de demandeurs admis au Canada—nous admettons près de la moitié des gens qui demandent le statut de réfugiés. Nous savons que certains d'entre eux ne sont pas de véritables réfugiés, mais nous le faisons parce que le système... S'il faut choisir entre un refus ou une acceptation, je pense que la commission préfère la deuxième option, même au risque de se tromper.

Mais ça ne s'applique pas nécessairement sur le plan individuel, et ça peut poser un problème. Notre taux approche des 50 p. 100, ce qui est probablement le pourcentage le plus élevé de tous les pays qui admettent des réfugiés. Je pense que la qualité des décisions individuelles fait parfois défaut, et j'aimerais savoir comment il serait possible d'améliorer la situation à cet égard.

Monsieur Matas, vous avez parlé d'une industrie qui a un point de vue complètement opposé au vôtre. Il s'agit bel et bien d'une industrie, à mon avis. Je reçois constamment de la documentation du comité de réforme de l'immigration de Canada First. Je ne sais pas si vous connaissez cette organisation. On peut y lire par exemple que les Canadiens exigent la déportation immédiate des immigrants illégaux. Ça frôle... Ou encore que les immigrants illégaux et les passeurs se moquent du Canada et qu'il faut déporter les immigrants illégaux.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Fermer la porte, autrement dit.

M. Andrew Telegdi: Oui. En gros, ces gens-là veulent qu'on «ferme la porte». C'est à peu près la mentalité qui existait au Canada à l'époque de Mackenzie King. Il y a beaucoup de choses là-dedans qui frôlent la propagande haineuse.

• 1030

Premièrement, j'aimerais savoir si vous avez entendu parler de ce comité dans le cadre de votre travail au ministère.

M. David Matas: Oui, le nom me dit quelque chose. Il y a des groupes d'extrême-droite comme celui-là qui se servent de l'immigration pour soutenir leur idéologie raciste. Il faut évidemment nous en inquiéter. Il est certain qu'il y a autre chose en jeu. Nous parlons ici de grandes questions qui préoccupent l'ensemble de la population canadienne. Je pense qu'il est important de se rendre compte qu'il y a dans ce domaine des extrémistes de droite. Il est important de les identifier pour ce qu'ils sont et de ne pas se laisser convaincre par leur propagande.

J'aimerais faire un autre commentaire. Vous avez dit dans votre préambule que nous avions le taux de reconnaissance le plus élevé au monde, mais ce qu'il faut faire quand on compare différents pays... Le processus décisionnel ne repose pas sur les mêmes éléments partout, et il est impossible de comparer les pourcentages. Dans certains pays, on répartit les risques en différentes composantes. Dans bien des cas, on accorde le statut de réfugié à un nombre très restreint de personnes, mais on offre une autre forme de protection à beaucoup d'autres. La seule vraie comparaison possible porte sur les taux de renvoi, et non sur les taux de reconnaissance. Pour ce qui est du taux de renvoi, nous ne sommes pas les meilleurs au monde, loin de là. Il y a d'autres pays où le pourcentage est moins élevé qu'ici.

De plus, en ce qui concerne les cas de fraude, il y a des statistiques précises sur la question; vous pouvez les examiner. La commission prend certaines décisions parce que les demandes n'ont pas un «minimum de fondement»; vous pouvez trouver des chiffres à ce sujet-là. Elle peut aussi annuler ou supprimer des décisions pour fausses représentations, et vous pouvez trouver ces chiffres-là également. Vous allez vous rendre compte que les nombres sont très réduits.

Chaque pays a son système. Par exemple, je viens de rentrer de Finlande, où je me suis occupé de questions liées aux droits de la personne. Le pourcentage des personnes qui y restent est de plus de 90 p. 100. Aux États-Unis, il y a un système de départ volontaire qui repose sur une définition élargie du statut de réfugié et qui permet ainsi à certaines personnes de rester. Et en Europe, il y a un statut secondaire qu'on appelle le statut B.

En France et en Allemagne, par exemple, les gens qui fuient la persécution d'agents non gouvernementaux ne sont pas considérés comme des réfugiés; le taux de reconnaissance est donc nettement plus bas qu'ici parce que ce critère exclut une foule de gens qui répondraient normalement à notre définition. Mais on permet à ces gens-là de rester en leur accordant un autre type de statut, ce qui fait monter les pourcentages considérablement.

Il faut faire très attention quand on compare les taux de reconnaissance dans les différents pays.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup.

Je vais maintenant offrir à chacun des groupes, si vous me le permettez, l'occasion de présenter une conclusion de cinq minutes.

Monsieur Fiset.

Me Jean-François Fiset: Merci.

En guise de conclusion, je voudrais vous dire que j'ai comparu devant votre comité il y a deux ans pour discuter des questions de renvoi et de détention. Il s'est dit beaucoup de choses à ce moment-là, dont le comité a pris connaissance et qu'il a analysées.

Nous avons aujourd'hui un système très différent. Le taux d'acceptation n'est plus que de 44 p. 100 environ à l'échelle nationale. Il n'a probablement jamais été aussi bas. Dans certaines régions du pays ou pour certains groupes ethniques, le pourcentage des refus atteint presque 90 p. 100—autour de 87 ou 83 p. 100. Donc, nous refusons des gens que nous ne devrions pas refuser. C'est très clair. Il est possible aussi que nous acceptions des gens que nous ne devrions pas accepter, ce qui nous amène à nous demander si le système est juste. Je pense qu'il n'est pas aussi juste qu'il pourrait l'être. Il y a beaucoup de place pour l'amélioration.

Notre association a remis en question certaines initiatives récentes, par exemple l'utilisation de vidéos pour déterminer la crédibilité, ces vidéos étant présentées aux membres de la commission à Ottawa pendant que le demandeur, son avocat et son interprète se trouvent à Montréal. Ça pose un problème. Je ne pense pas qu'il soit possible d'évaluer ainsi la crédibilité à distance.

Je me souviens d'un cas où tout a horriblement mal marché. La télévision fonctionnait mal et le son disparaissait constamment. Nous avons commencé avec des micros et nous avons fini au téléphone. L'interprète devait tout répéter deux fois. Et nous avons finalement essuyé un refus à l'audience.

• 1035

Je pense que la CISR fait fausse route en cherchant à promouvoir et à répandre l'utilisation de vidéos pour la détermination du statut de réfugié. Ça ne veut pas dire que la formule ne peut pas être appliquée dans certains cas, mais ce n'est certainement pas la meilleure solution. La Cour fédérale n'a pas encore entendu de causes dans lesquelles ce genre de choses se sont produites.

Il me semble aussi que certains membres de la commission ont tendance à rejeter les demandes à l'audience même, parce qu'ils ont l'impression que c'est ce qu'on attend d'eux. Il y a donc très peu de discussion. Ils entendent les témoignages et les plaidoyers. Mais dans certains cas, ils se sont déjà fait une idée. Ils rédigent parfois même leur décision pendant l'audience, ce qui n'est vraiment pas une bonne chose.

Je n'ai rien contre le raccourcissement des délais, mais le raccourcissement du processus d'audience pose un problème. La Cour fédérale a déjà dit aux membres de la CISR de prendre leur temps pour évaluer la crédibilité des demandeurs. Une demi-journée, ce n'est pas beaucoup pour des gens qui attendent depuis un an. Certaines personnes ont déjà attendu trois ans pour obtenir une audience d'une demi-journée.

Donc, je pense que certaines pratiques doivent être découragées et même interdites—par exemple quand les membres de la commission disent à l'avocat ou au demandeur qu'ils n'ont pas besoin de les entendre parce qu'ils ont leur histoire sous les yeux. C'est leur travail d'entendre les demandes, vous savez. Je ne verrais pas un juge dire la même chose, en cour pénale, à un accusé qui voudrait assurer sa propre défense. Il y a un problème fondamental dans cette approche.

Il arrive que les avocats soient traités comme des non-avocats. On se tourne de l'autre côté, vers les agents préposés aux cas, en disant: «L'agent préposé au cas travaille pour la commission, alors il va poser la question. Nous allons commencer par cette personne et s'il reste du temps, nous allons vous permettre de présenter votre témoignage.» Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette façon de procéder. Je m'y oppose, comme beaucoup d'autres avocats.

Nous sommes des avocats. Aimeriez-vous devoir présenter votre défense avant que l'avocat de la poursuite présente sa preuve? Je pense que non.

Une dernière remarque au sujet des décisions rendues à l'audience: à mon avis, il est toujours bon de réfléchir, même pour des jurés. Les jurés ont le droit de sortir de la salle pour réfléchir, et de prendre tout le temps qu'il leur faut. Pourquoi alors fait-on pression sur les membres de la commission, à l'échelle nationale, pour qu'ils rendent leur décision à l'audience, même si elle est négative?

C'est la position de prédilection. C'est celle qui est encouragée. Mais, à mon avis, elle est très dangereuse. La réflexion fait partie du processus. Il y a parfois deux membres qui siègent à la commission. Ils ont des tonnes d'éléments de preuve, des pages et des pages de témoignages, et des cassettes. Ils devraient prendre une journée ou deux pour examiner tous ces éléments; ils prendraient peut-être une meilleure décision, une décision plus éclairée.

Pour finir, je tiens à dire que certains membres de la commission font un excellent travail; je m'en rends bien compte. Mais j'ai cité l'exemple de Mme Zambelli pour demander pourquoi nous ne renouvelons pas le mandat des gens comme elle. Ce n'est pas logique. Nous avons ici une personne d'expérience, qui a écrit des livres, et pourtant on garde des gens qui vendent des manteaux. Il y a à la commission des gens qui étaient dans la vente, ou qui s'occupaient de campagnes. On les garde; on renouvelle leur mandat. Donc, je pense que si nous voulons améliorer le système, nous devons en conserver les bons éléments, les plus compétents.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Ce sont des choses qui arrivent au Parlement aussi, soit dit en passant.

Des voix: Ah, ah!

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Pourrions-nous demander à un des témoins de l'Association du Barreau canadien une déclaration finale de cinq minutes?

M. David Matas: Ma collègue Betsy Kane me laisse la parole en raison de mon grand âge.

Nous sommes ici pour essayer d'améliorer le système de reconnaissance du statut de réfugié, ce qui est une très bonne chose. Mais il ne faut pas oublier que nous avons déjà, dans l'ensemble, un assez bon système. Il ne faut pas le détruire en essayant de l'améliorer. Notre système a été imité en Australie et aux États-Unis. Il est possible d'accélérer le processus, mais aussi de le rendre plus juste. Nous devons travailler sur les deux fronts, pas seulement sur le raccourcissement des délais. Nous pourrions y perdre sur le plan de la justice si nous allons trop vite. Nous devons nous garder de détruire ce qu'il y a de bon dans le système en cherchant à régler les problèmes que nous y avons décelés.

Pour ce qui est de la dissuasion, il est certain que nous voulons décourager la criminalité et le trafic illégal d'êtres humains. Mais il ne faut pas, à cause de cela, créer de la distorsion dans le système et rejeter des gens qui ont vraiment besoin de protection.

• 1040

L'objectif fondamental de tout système de reconnaissance du statut de réfugié, de tout système de protection, c'est de déterminer qui a besoin de cette protection. Il ne faut pas perdre de vue cet objectif fondamental, qui est d'offrir notre protection aux gens qui en ont besoin.

Nous devons examiner l'asymétrie entre les faux positifs et les faux positifs. Si nous rejetons la demande de quelqu'un par erreur, nous mettons la vie de cette personne en danger. Si nous acceptons quelqu'un par erreur, tout ce qui se passe, c'est qu'une personne qui n'avait pas le droit de rester, en vertu du système de points, peut rester quand même. Et les économistes nous disent que ces gens-là finissent de toute façon par contribuer à l'économie, à long terme.

Donc, dans notre zèle, dans nos efforts pour essayer d'empêcher les abus, nous ne devons pas refuser notre protection aux gens qui en ont vraiment besoin. Nous devons bien sûr nous préoccuper de la lenteur du système et des autres problèmes, mais l'objectif fondamental, celui qui prime tout le reste, c'est de faire en sorte que le système soit juste et qu'il protège les gens qui ont vraiment besoin d'être protégés.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup. Vos observations ont été très utiles.

M. John Bryden: Puis-je faire un commentaire, monsieur le président?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Certainement.

M. John Bryden: C'est au sujet de ce qu'a dit M. Matas.

Je voudrais simplement souligner que vous avez fait allusion par deux fois au fait que nous ne perdons rien si les demandeurs que nous acceptons ne sont pas de véritables réfugiés. Ils sont simplement absorbés par la société et deviennent de bons citoyens.

Pourtant, tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici permettent de croire que ces faux réfugiés ne sont généralement ici qu'en transit; ils ne restent pas nécessairement au Canada. Ils s'en vont vivre en esclavage, ni plus ni moins, aux États-Unis ou ailleurs. Je ne peux donc pas m'empêcher de vous faire remarquer que le problème, ce n'est pas simplement qu'un faux réfugié puisse être autorisé à rester quand même et à contribuer à la société. Le problème, c'est qu'il y a dans notre système une faiblesse qui semble contribuer, en plein XXIe siècle, à une forme d'esclavage que nous devons tenter d'empêcher par tous les moyens.

M. David Matas: Puis-je...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Eh bien, au risque de relancer la discussion, je vais vous laisser répondre très brièvement.

M. David Matas: La question de l'esclavage me préoccupe autant que vous. C'est inacceptable, bien sûr. Mais, à mon avis, la meilleure façon d'y mettre fin, c'est de nous attaquer aux esclavagistes, pas aux esclaves. Dans nos efforts pour régler le problème de l'esclavage, il ne faut surtout pas empirer encore le sort des gens qui en sont victimes.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci beaucoup.

Sur ce, merci à vous tous d'être venus malgré vos nombreuses occupations. Nous apprécions beaucoup votre contribution de ce matin.

La séance est levée jusqu'au mercredi 8 décembre à 15 h 30.