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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 1er décembre 1999

• 1537

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous à la réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Chers collègues, nous accueillons deux témoins très spéciaux aujourd'hui, à savoir deux anciens ambassadeurs du Canada. Vous avez leurs biographies dans votre trousse. Nous accueillons M. Martin Collacott, de Vancouver, Colombie-Britannique, et M. William Bauer, de Hensall, Ontario.

Messieurs, merci d'être venus. Je crois comprendre que même si vous figurez sur la liste dans l'ordre dans lequel je vous ai présentés, vous avez en quelque sorte tiré au sort et décidé d'inverser l'ordre de vos exposés.

Le premier exposé sera donné par M. Bauer qui, entre autres choses, est en train de terminer un livre sur la migration dans le monde, l'immigration clandestine et l'abus du système de reconnaissance du statut de réfugié au Canada et dans les autres pays industrialisés. Compte tenu de vos connaissances en la matière et des fonctions que vous avez occupées un peu partout dans le monde pendant quelque 38 années, nous sommes persuadés que vous saurez éclairer le comité.

Nous siégeons jusqu'à 17 h 30. S'il faut prendre tout le temps prévu, nous le ferons, mais nous serons ravis d'entendre votre exposé. Nous procéderons ensuite à une période de questions et réponses. Monsieur Bauer, soyez le bienvenu. Vous avez la parole.

M. William Bauer (témoignage à titre personnel): Je crois qu'il convient de mentionner que je suis ici à titre personnel. Je ne représente aucune organisation. Je ne défends aucune cause. Si j'étudie cette question, c'est uniquement parce qu'elle m'intéresse. Elle m'intéresse depuis un certain temps, depuis que j'ai participé à la mise en oeuvre du programme de reconnaissance du statut de réfugié, et ce pendant près de quatre ans.

Je tiens à préciser d'abord qu'il vous serait plus utile, selon moi, que je m'en tienne dans mes commentaires liminaires à la description du contexte où se situe en mon sens le problème que votre comité examine, à savoir le système de reconnaissance du statut de réfugié et les immigrants clandestins. Je suppose que vos délibérations font suite aux événements survenus cet été. C'est un aspect de la question.

• 1540

Après mon exposé, je serai ravi de répondre aux questions portant sur les moyens d'améliorer le système actuel. Je crois qu'il est inutile d'établir une liste encyclopédique de mesures éventuelles si vous ne voulez pas que j'entre dans de tels détails. Cependant, il y a toujours moyen d'améliorer et de renforcer le système tout en demeurant équitable. Comme je l'ai dit, ayant défini le contexte, il me serait facile de répondre à vos questions sur les changements possibles.

La seule autre chose que j'aimerais signaler, c'est que j'ai constaté dans mes fonctions antérieures depuis que je les ai quittées qu'il s'agit d'un des sujets les plus délicats sur le plan politique. Il est très facile de l'éviter ou de ne lui accorder qu'une attention superficielle. J'aimerais cependant vous faire comprendre l'extrême gravité du problème. Ce dernier ne touche pas que le Canada. Il touche de nombreux pays dans le monde, tant les pays industrialisés que les pays asiatiques.

Ce sont toutefois les pays industrialisés qui ont surtout de quoi s'inquiéter, parce qu'ils ont établi un système de reconnaissance du statut de réfugié qui se met en branle aussitôt que quelqu'un arrive et déclare: «Je réclame le statut de réfugié». C'est un grave problème, et d'autres gouvernements cherchent sérieusement à le résoudre—davantage, si j'ose le dire, d'après mes observations, que le gouvernement canadien.

J'ajouterais également qu'aucun de mes commentaires ne devrait être interprété comme étant une critique partisane. Le système actuel a été élaboré et instauré par le gouvernement conservateur en 1989 et a été très peu modifié depuis 1993, année où le gouvernement actuel a été élu. Une grande erreur des conservateurs a été de nommer des amis du parti à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Malheureusement, lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, ils n'ont pas corrigé cette erreur, et le problème demeure. Comme je l'ai dit, aucun de mes commentaires ne devrait être interprété comme une critique de quelque parti politique que ce soit.

Nous conviendrons tous sans doute qu'une société souveraine a le droit de déterminer qui devrait en faire partie. Nous pouvons ne pas nous entendre sur l'ampleur de l'immigration ou l'origine des immigrants, mais l'immigration constitue un élément traditionnel de la vie canadienne. Je crois également que tous les gens raisonnables conviennent qu'il s'agit d'un élément essentiel de la vie nationale canadienne.

Une autre opinion généralement acceptée est que les victimes de persécution et d'oppression forcées de quitter leur pays et de devenir réfugiés devraient pouvoir compter sur une certaine protection et un traitement décent à leur arrivée. Cette obligation est inscrite dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, que vous connaissez bien. Elle est inscrite dans la Loi sur l'immigration. La définition de réfugié figurant dans la Convention a été reprise textuellement dans la Loi sur l'immigration.

Le document du gouvernement, qui je crois s'intitule «De solides assises pour le XXIe siècle», présenté plus tôt cette année, résume très bien la situation. Il affirme une chose dont la plupart des Canadiens sont convaincus, je crois, et c'est que notre pays est spécial. Par conséquent, l'adhésion à la famille canadienne est, selon la plupart des Canadiens, un privilège, accordé en raison de liens familiaux, d'attributs spéciaux qui contribuent à notre richesse nationale et à notre tissu social ou, tout aussi important, en raison de notre engagement à protéger les personnes persécutées. Je crois que cela résume les opinions générales des Canadiens au sujet du bien-fondé de l'immigration dans notre pays.

• 1545

J'ai constaté qu'une partie de la confusion entourant le débat public l'été dernier concernait les obligations du gouvernement canadien à l'égard des réfugiés, des demandeurs du statut de réfugié et des immigrants. Le gouvernement est tenu en vertu de ses propres lois et de la Convention de 1951 de ne pas renvoyer un réfugié qu'il juge authentique dans un pays où cette personne risque d'être persécutée. Il n'est nullement tenu d'accepter quelqu'un qui prétend être un réfugié tant que cette personne n'aura pas prouvé la validité de sa demande à une audience équitable. Enfin, il n'est pas tenu d'accepter quiconque à titre d'immigrant à moins que la personne ne réponde aux exigences établies dans la Loi sur l'immigration; c'est-à-dire, la réunification des familles, la contribution à la société canadienne, et ainsi de suite.

De plus en plus, de faux réfugiés présentent une demande et abusent du système de reconnaissance du statut de réfugié afin d'obtenir le statut d'immigrant et la citoyenneté canadienne, et, dans de nombreux cas, d'entrer illégalement aux États-Unis. De nombreux réfugiés authentiques ont droit à la protection, mais il y a également—et il ne faut pas oublier cette réalité désagréable—un grand nombre de personnes qui prétendent être des réfugiés et qui ne répondent pas à la définition mais qui sont devenues très habiles à défendre leur demande fallacieuse.

Selon moi, l'efficacité d'un système de reconnaissance du statut de réfugié se mesure par sa capacité de distinguer les réfugiés authentiques des fraudeurs et sa capacité de résister aux efforts des fraudeurs en vue de l'embourber, de le tromper et, finalement, de le détourner de son objectif.

Les faux demandeurs sont poussés par différents motifs. Certains sont des aspirants immigrants qui ne répondent pas aux exigences de la Loi sur l'immigration, que ce soit en matière de santé, de scolarité, de compétences et ainsi de suite.

Certains sont des aspirants immigrants qui ne veulent pas attendre l'issue des procédures normales, qui s'embarquent à bord d'un avion, d'un bateau ou d'un autobus, qui réclament immédiatement le statut de réfugié à leur arrivée au Canada, qui obtiennent un logement, une aide sociale et des soins médicaux jusqu'à ce que leur demande soit entendue.

Certains fuient la justice de leur pays ou la justice internationale. Ce ne sont pas uniquement des criminels ordinaires, mais des criminels de guerre ou autres qui ont commis un meurtre, des actes de torture, des viols ou un génocide dans leur pays.

Certains sont des terroristes qui veulent se servir du Canada comme d'une zone sûre où ils peuvent planifier des attaques contre d'autres pays et d'autres groupes, où ils peuvent extorquer des fonds à leur propre communauté ethnique afin de mener à bien leurs activités et perpétrer des crimes comme le narcotrafic, la fraude des cartes de crédit et ce genre de choses afin d'amasser de l'argent pour acheter des armes et ainsi de suite.

Comme je l'ai dit, le Canada n'est pas le seul pays aux prises avec le problème de la migration non autorisée. Environ 100 millions de personnes dans le monde essaient de s'établir dans un autre pays que le leur. La Thaïlande, la Malaisie et l'Inde comptent des millions d'immigrants illégaux. Les estimations en Afrique du Sud varient beaucoup: entre 500 000 et 4 millions d'immigrants illégaux, mais personne ne sait vraiment.

Dans bon nombre de ces cas, les illégaux sont tolérés tant qu'ils demeurent une source de main-d'oeuvre bon marché et qu'ils ne grèvent pas les structures sociales. Dans la plupart des pays d'Asie et d'Afrique, ils ne réclament pas le statut de réfugié principalement parce qu'il n'y a aucune procédure pour ce faire.

• 1550

La plupart des pays ont adhéré à la convention de 1951 et l'on ratifiée. Cependant, pour reconnaître le statut de réfugié, il faut instaurer des procédures administratives et des instances compétentes. Cette pratique est sans doute limitée principalement aux pays industrialisés. Même la Russie n'a pas adopté de procédures en la matière, et pourtant on estime qu'il y a en ce moment entre 500 000 et un million de réfugiés illégaux à Moscou et dans les régions avoisinantes. La plupart de ces gens attendent d'entrer clandestinement en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord en passant par les États baltes et l'Europe de l'Est.

La plupart des pays industrialisés ont instauré un système de reconnaissance, mais tout le système est graduellement paralysé par le nombre astronomique de demandeurs. Le Royaume-Uni comptera 90 000 demandeurs cette année, la plupart en provenance d'Europe. Il accuse déjà un retard de 90 000 demandes non traitées. À la fin de cette année, il devra traiter 180 000 cas. Malgré les sommes importantes investies dans le système, il ne sera pas en mesure de faire face à la situation.

La Suisse, uniquement cette année, compte 55 000 demandeurs. La Belgique, 21 000. Il faut également tenir compte des frais de subsistance des demandeurs et des coûts d'entretien du système. L'Allemagne consacre à elle seule cinq milliards de marks par année aux frais de subsistance des demandeurs.

Le trafic d'immigrants est devenu un grave problème parce que pour répondre à la demande, on a créé des réseaux de trafic complexes et tentaculaires, essentiellement pour le narcotrafic: la cocaïne, l'héroïne et les amphétamines. Les mêmes gens, essentiellement les mêmes agents et les mêmes fonctionnaires corrompus, utilisent les mêmes routes géographiques, qui se déplacent au gré des contrôles exercés. Les routes utilisées pour le narcotrafic sont maintenant utilisées pour le trafic d'étrangers. Aux yeux des organisations criminelles transnationales qui utilisent ces routes et qui s'adonnent à la contrebande, les étrangers ne sont qu'un autre produit, comme un paquet de cocaïne. Ils vont les jeter par-dessus bord, au besoin, comme ils le feraient d'un paquet de cocaïne.

C'est très lucratif. Les estimations varient énormément. Dans ce genre de négoce, on ne peut évidemment examiner les livres, mais la plupart des spécialistes estiment que les associations criminelles internationales tirent 10 milliards de dollars par année de ce trafic. C'est beaucoup d'argent qui peut servir à corrompre et à motiver énormément de gens.

Les individus impliqués varient. La mafia russe, les triades chinoises, les cartels colombiens de la drogue, les tigres tamouls et les mafias russes et italiennes collaborent entre eux. C'est une mondialisation à grande échelle. Ils mettent leurs ressources en commun, mais ils s'entendent pour ne pas se nuire trop les uns les autres. Le menu fretin chargé du transport, comme les mules qui transportent la drogue, ne sont pas très réticents à faire le trafic d'étrangers étant donné que les peines sont minimes même lorsqu'ils se font prendre, ce qui est rare, et le menu fretin s'en tire généralement avec une tape sur les doigts, rien comparativement à ce qu'ils auraient s'ils étaient arrêtés en possession de quelques kilos de cocaïne ou d'héroïne. Le trafic des étrangers présente assez peu de danger parce que la plupart des pays n'ont pas de lois très rigoureuses en la matière.

J'ajouterais que ces groupes sont des facilitateurs. Un groupe très influent, qui je crois oeuvre en particulier au Canada, s'appelle le Big Circle Boys. Ce gang est arrivé ici surtout au début des années 90 et s'est établi au Canada en revendiquant le statut de réfugié et la plupart des membres l'ont obtenu ou n'ont pas été expulsés.

• 1555

C'était un groupe de la Garde Rouge qui était particulièrement dangereux. Au point où à la fin de la révolution culturelle, ses membres ont été jetés en prison dans la région de Canton. C'est pourquoi ses membres étaient appelés les Big Circle Boys.

Ils se sont ensuite enfuis à Hong Kong, où ils ont mis sur pied une association extrêmement compliquée et cruelle. Environ 300 d'entre eux sont au Canada et sont en voie de s'installer aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe. Ils exploitent probablement les navires qui traversent le Pacifique en collaboration avec des armateurs taïwanais, des équipages coréens, etc. Ils disposent de moyens énormes.

En ce qui concerne les peines imposées aux trafiquants, je dirais qu'il y a d'autres choses plus importantes, car ces gens sont intouchables. Les têtes dirigeantes des Big Circle Boys et des triades vivent dans la plus grande sécurité en Chine, à Hong Kong et ailleurs. Vous n'allez jamais les trouver ni les condamner. Vaut mieux s'efforcer de les dissuader plutôt que de les traduire en justice.

Vous pourriez vous demander pourquoi le Canada est une cible si attrayante. Je crois comprendre que la Commission du statut de réfugié s'attend cette année à ce que le nombre total de demandeurs d'asile passe de 25 000 l'année dernière à 30 000 cette année. Ce n'est pas le pays le plus facile d'accès, même si la plus grande proportion d'immigrants illégaux et de demandeurs du statut de réfugié arrivent par la voie terrestre en traversant la frontière américaine.

Je crois que le deuxième moyen d'accès est la voie des airs. Afin de monter à bord d'un avion à destination du Canada, il faut avoir des documents en règle. Les gens qui arrivent ici ont besoin d'un document quelconque.

Un nombre relativement restreint d'immigrants illégaux arrivent également par bateaux, même si leur nombre augmente depuis que les États-Unis ont plus ou moins réussi à intercepter les navires se dirigeant vers leurs côtes Ouest et Est—quoiqu'un navire soit arrivé à Atlanta il y a environ un mois. Un nombre croissant arrive sur la côte Ouest, et ils seront encore plus nombreux l'été prochain lorsque les conditions climatiques se seront améliorées.

Le Canada est difficile d'accès, et il en coûte donc plus cher aux étrangers qui veulent entrer aux États-Unis en passant par notre pays. Le voyage en bateau coûte environ 25 000 $ US, et ce n'est pas en première classe. La police me dit que le passage en avion coûte environ 50 000 $ US, soit le double. Comme vous l'avez vu lorsque des étrangers sont arrivés au large de l'île de Vancouver, ces bateaux ne sont pas très confortables. L'avion est le moyen de transport le plus confortable et celui que préfèrent ceux qui en ont les moyens.

Si le problème va s'accroître au Canada, c'est également parce que les Européens essaient de coordonner leur approche. Il deviendra de plus en plus difficile pour les immigrants illégaux prétendant être des réfugiés d'entrer dans les pays européens, à tout le moins dans les pays membres de l'Union européenne. Des pays comme la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie, qui seront bientôt membres de l'Union européenne, se sont fait dire qu'ils ne pourront pas adhérer à l'Union tant qu'ils n'auront pas resserré leurs frontières et qu'ils cesseront d'être un port d'entrée vers l'Europe de l'Ouest.

Comme vous le savez, en vertu de l'accord de Schengen, dès que vous êtes dans l'un des neuf pays occidentaux de l'Union européenne parties à l'accord de Schengen, vous pouvez vous déplacer dans tous les pays sans aucun document. Les frontières sont totalement ouvertes. Des dizaines de milliers entrent en Italie, qui a une côte très difficile à contrôler. Les Européens sont exaspérés parce que la plupart de ces gens ne demandent pas le statut de réfugié en Italie étant donné qu'ils veulent se rendre en Allemagne, en Suisse ou en Grande-Bretagne. Ils ne font que passer. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas détenus et rien ne les empêche de poursuivre leur route. Et bien entendu, une fois qu'ils ont mis le pied en Europe de l'Ouest, il leur est facile de se rendre au Canada et aux États-Unis.

C'est une région ouverte, et la situation va empirer chez nous à mesure que les pays de l'Union européenne vont coordonner leurs efforts pour stopper le trafic.

• 1600

J'aimerais ajouter une dernière chose. C'est très facile de dire, et on le dit très souvent: «Eh bien, ce ne sont que des immigrants. Ils quittent une vie très dure. Le Canada a les moyens d'être généreux et compatissant.» C'est à mon avis une attitude irresponsable et irréfléchie. Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais prendre encore quelques minutes pour m'expliquer puisque c'est à mon avis le noeud du sujet.

Si un jour les politiques trouvent la volonté de s'attaquer de front à ce problème, il faudra beaucoup de temps pour mettre en place un nouveau système. Il n'y a pas de panacée et la liste des choses à faire n'a rien de simple. Il faudra prendre des mesures législatives et réglementaires, élaborer un nouveau code de pratiques administratives, et affecter au règlement du problème les ressources tant humaines que financières.

Si l'on ne s'attaque pas à ce problème, cela aura des conséquences. D'abord, comme vous le savez fort bien, nous avons la Loi sur l'immigration. Vous la connaissez tous. Les fonctionnaires qui ont comparu devant vous vous ont expliqué son fonctionnement. Les fonctionnaires de la CISR et de l'Immigration vous ont expliqué le fonctionnement du système de traitement des demandes de statut de réfugié.

L'examen des demandes de statut d'immigrant ou de statut de réfugié se fait selon la loi et chacun est censé se conformer à cette dernière. Les tribunaux appliquent la loi quand les décisions des fonctionnaires sont contestées. Quand les faux demandeurs de statut de réfugié arrivent au Canada, ils ont l'intention de contourner la loi. J'ai parlé à de nombreux policiers qui connaissent les manèges de ces faux demandeurs de statut. Leurs passeurs, ceux qui organisent leur entrée clandestine au pays, leur disent exactement quoi répondre si les fonctionnaires de l'immigration contestent la validité de leurs documents. On leur dit que si leurs passeports ou leurs documents d'identité sont détruits ou leur sont remis, ils doivent revendiquer le statut de réfugié. Voilà les instructions qu'on leur donne.

C'est une infraction grave. C'est aussi, à mon sens, une invitation à mépriser les lois canadiennes, et certainement la Loi sur l'immigration, lancée à ceux qui obtiennent la citoyenneté ou le droit d'établissement par fraude ou par tricherie, ou encore en raison de l'incapacité du gouvernement à appliquer la loi de façon équitable, efficace et cohérente.

Si nous ne mettons pas fin à l'abus du système de reconnaissance du statut de réfugié, nous perdrons tout contrôle sur tout le système d'immigration et partant, sur tous ceux qui deviennent citoyens du Canada. Ce ne sera plus le gouvernement du Canada ou les Canadiens qui choisiront les candidats à l'immigration mais bien les immigrants eux-mêmes. Aucun pays n'a jamais accepté volontiers qu'il en soit ainsi. C'est l'atteinte la plus grave à la société souveraine qui partout dans le monde a toujours le droit de décider qui peut participer à cette société.

Tout gouvernement se doit de protéger la sécurité et le bien- être de ses citoyens et, à mon avis, c'est impossible si l'on n'a aucun contrôle sur l'entrée au pays et la citoyenneté.

Les véritables réfugiés—et ne vous y trompez pas, je reconnais qu'ils sont nombreux—et les immigrants légitimes qui, en vertu des règles sur la réunion des familles, demandent un permis de travail et la citoyenneté seront touchés car il faudra de plus en plus de temps pour traiter leur dossier. Leur demande pourra même être refusée au fur et à mesure que s'effritera la bonne volonté de l'opinion publique canadienne mécontente des abus.

• 1605

Dans nos principaux centres urbains, à Toronto, Vancouver et Montréal plus particulièrement, les organismes de santé et de services sociaux seront de moins en moins en mesure de satisfaire aux besoins des étrangers resquilleurs qui échappent aux procédures de sélection et qui tout naturellement font appel à ces organismes. La sécurité des Canadiens est menacée—je pense au cas d'Air India—quand les terroristes qui ont trouvé refuge chez nous se servent du Canada comme base pour des assassinats ici ou à l'étranger.

Notre intégrité est détruite si nous donnons refuge à des centaines de criminels de guerre et si nous permettons que notre pays soit utilisé comme porte d'entrée aux États-Unis. Il y a ici des criminels de guerre. Certains d'entre eux sont parfois repérés et expulsés mais beaucoup d'entre eux ne le sont jamais. Une étude réalisée au ministère de l'Immigration il y a quelques années révélait qu'il y a au moins 300 criminels de guerre contemporains, pas des nazis, qui ont obtenu le droit d'établissement ou la citoyenneté au Canada grâce au système de reconnaissance du statut de réfugié.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Si vous pouviez conclure assez rapidement, nous pourrons ensuite passer à M. Collacott puis aux questions.

M. William Bauer: Oui, certainement.

Ces gangs font le trafic de stupéfiants à grande échelle. Nos enfants en sont les victimes. L'argent de la drogue est rapatrié par les maîtres d'oeuvre de ce trafic. D'autres l'utilisent pour acheter des armes et des explosifs qui seront utilisés dans certains cas dans leurs propres pays.

De nombreux groupes ethniques, un ou deux en particulier qui me viennent à l'esprit, se font escroquer par ceux-là mêmes qu'ils ont voulu fuir en quittant leur pays et qui vivent maintenant dans la même ville qu'eux et qui leur arrachent de l'argent tous les mois pour financer leurs opérations à l'étranger. Je veux parler ici des tigres tamouls.

Le plus important groupe de Tamouls à l'extérieur de Sri Lanka, mis à part l'Inde, se trouve au Canada, et plus particulièrement à Toronto. Ils sont nombreux à être terrorisés et à vivre dans la peur parce que ceux qui les ont torturés et persécutés à Jaffna et dans d'autres régions de Sri Lanka vivent ici comme citoyens canadiens mais continuent d'appartenir aux tigres tamouls.

Enfin, nous dépensons entre 300 et 500 millions de dollars par année en services sociaux pour les faux demandeurs de statut. Le seul système de reconnaissance du statut de réfugié nous coûte environ 150 millions de dollars par année. Bref, un demi-milliard de dollars en deniers publics est englouti chaque année par ce système à un titre ou à un autre.

Entre temps, le HCR n'atteint jamais ses objectifs de financement. Il prend en charge quelque 20 millions de réfugiés identifiables qui fuient non seulement la persécution mais aussi la guerre, la famine et tous les autres malheurs, et nous contribuons moins de 20 millions de dollars par année au HCR qui doit répondre aux besoins de ces 20 millions de réfugiés.

Le système est tout détraqué, monsieur le président, et nous devons le réviser et le modifier. Si j'ai pris le temps de venir vous rencontrer aujourd'hui, c'est surtout que je voulais vous expliquer ce qui fonctionne dans le système et ce qui ne fonctionne pas.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir. Après l'exposé d'une vingtaine de minutes que nous fera M. Collacott, nous aurons près d'une heure pour la période des questions.

M. Martin Collacott (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Comme M. Bauer, c'est quand j'étais ambassadeur à l'étranger que j'ai commencé à m'inquiéter des ratés du système de reconnaissance du statut de réfugié et du système d'immigration. Vous connaissez en plus le fonctionnement de la CISR. Je souhaite aussi—et cela figure sans doute dans ma notice biographique—que le Canada reste une société tolérante et compatissante et qu'il continue d'accepter des réfugiés.

La notice indique peut-être aussi que mon épouse est asiatique, partie chinoise et partie vietnamienne. J'ai parrainé la venue de nombreux parents d'Asie. Certains étaient des réfugiés de la mer, de sorte que je m'intéresse à la fois à l'immigration et au statut des réfugiés. J'ai aussi travaillé pendant plusieurs années pour le gouvernement de l'Ontario auprès des immigrants ne parlant pas l'anglais. Ainsi, je m'intéresse fortement à divers aspects du dossier de l'immigration.

• 1610

Cela m'amène à formuler quelques recommandations bien précises. Mon point de départ est les événements de l'été dernier, l'arrivée par bateau de migrants illégaux et qui a captivé l'intérêt public.

J'ai déjà habité à Ottawa mais j'habite maintenant à Vancouver. On me qualifie parfois de fédé en cavale ou d'ambassadeur réformé, mais je me considère maintenant Vancouverois, et il y a ici des gens de Vancouver.

C'est ce que pensaient beaucoup de gens de la côte ouest. Plusieurs centaines de migrants sont arrivés de Chine dans quatre bateaux et tentaient certainement de passer inaperçu et de débarquer sans être repérés. Quand ils l'ont été, certains ont admis qu'ils devaient se rendre directement aux États-Unis. Manifestement, et personne ne le conteste, leur passage avait été organisé par des passeurs criminels. Dans les circonstances, rien ne permet de croire qu'ils avaient l'intention de demander le statut de réfugié au Canada.

Eh bien, ils se sont fait prendre alors qu'ils pensaient passer inaperçus, et immédiatement, le système de reconnaissance de statut de réfugié au Canada—lourd, coûteux, complexe et long—s'est mis en branle afin de déterminer si, malgré les circonstances de leur arrivée, il n'y en aurait pas au moins un parmi eux qui, par pure coïncidence, pourrait de bon droit réclamer le statut de réfugié. Au cas où certains d'entre eux n'auraient pas entendu parler de la possibilité de réclamer le statut de réfugié, nous leur avons fourni des renseignements détaillés sur la façon de présenter une demande de façon convaincante.

Malgré cela, les 30 premiers demandeurs de statut dont la demande a été examinée par la CISR ont été déboutés mais, enfin, une femme vient de se voir accorder le statut de réfugié sous prétexte qu'elle s'oppose à la politique de la Chine qui interdit d'avoir plus d'un enfant. Je reviendrai un peu plus tard à la question de savoir si ces motifs constituent une raison valable pour qu'on lui accorde le statut de réfugié, mais je me contenterai pour l'instant de dire que si c'est là un motif valable, alors la plupart des femmes et de nombreux hommes de Chine pourraient venir revendiquer le statut de réfugié ici.

Le Canada a la réputation d'être très accueillant pour les réfugiés. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, nous a loués tant pour le nombre de réfugiés que nous avons acceptés que pour l'accueil que nous leur avons réservé.

Nous avons notamment accueilli un grand nombre de réfugiés indochinois après 1979. Nous avons été particulièrement généreux si l'on en juge au nombre que nous avons accueillis. Il existe une organisation internationale dont vous avez peut-être entendu parler. C'est une organisation qui regroupe 16 pays qui acceptent des réfugiés et qui s'appelle Consultations intergouvernementales sur les politiques d'accueil et de migration des réfugiés en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. Appelons-la l'IGC.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): J'espère qu'elle n'a pas de papier à entête.

M. Martin Collacott: IGC suffira. Elle suit de près les mouvements de réfugiés. Il y a 16 grands pays occidentaux qui acceptent des réfugiés. Elle s'intéresse essentiellement aux réfugiés acceptés sur place car elle ne semble s'intéresser autant aux réfugiés acceptés à l'étranger. Nous comptons 4,9 p. 100 de la population de ces 16 pays et pourtant nous acceptons 22 p. 100 des réfugiés qui réclament le statut sur place. C'est dû en partie au fait que nous acceptons 44 p. 100 des revendications faites au Canada tandis que la moyenne pour ces 16 pays n'est que de 13,4 p. 100. Si l'on exclu le Canada, la moyenne est de 11,3 p. 100, soit environ le quart de notre taux d'acceptation.

Je crois que la plupart des Canadiens appuient un système qui accorde le statut à un nombre raisonnable de demandeurs qui ont véritablement besoin de protection, et, comme je l'ai dit, j'espère que nous continuerons de le faire. Toutefois, les Canadiens croient de plus en plus qu'il y a abus.

L'une des raisons pour lesquelles nous approchons la limite de nos moyens, c'est que le Canada depuis quelques années accorde le statut de réfugié pour des motifs qui ne sont pas reconnus par la plupart des autres pays, ou qui le sont dans une moindre mesure. La convention pertinente des Nations Unies définit les réfugiés comme des personnes qui, comme vous le savez, ont raison de craindre la persécution pour des motifs liés à la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à certains groupes sociaux, ou les opinions politiques. Ces personnes sont des réfugiés au sens de la convention.

Il existe aussi une deuxième catégorie de réfugié, selon les Nations Unies, qui ne relève pas de la convention. Comme l'a dit Bill Bauer, ce sont des gens qui ne sont pas victimes de persécution mais qui ont quitté leur propre pays en raison d'une guerre civile ou d'une catastrophe naturelle et qui ont besoin de protection temporaire plutôt que d'une réinstallation permanente.

En un an, l'IGC a analysé les dossiers de 250 000 personnes ayant revendiqué le statut de réfugié dans ces 16 pays. Cette année-là, elle a constaté que 16,8 p. 100 étaient des réfugiés au sens de la convention, et 19,2 p. 100, des réfugiés ne relevant pas de la convention mais ayant besoin de protection temporaire. Les 64 p. 100 restants ne correspondaient à aucune définition de réfugié.

• 1615

Cette proportion de 16,8 p. 100 jugée être des réfugiés au sens de la convention correspondait d'assez près à la moyenne des 16 autres pays où le taux d'acceptation était de 13,6 p. 100, mais c'est néanmoins beaucoup moins que les 43,8 p. 100 acceptés au Canada. Des 36 p. 100 jugés être des réfugiés, moins de la moitié étaient des réfugiés au sens de la convention.

Nous avons élargi la définition jusqu'à inclure non seulement ceux qui ont besoin de protection temporaire sans être réinstallés de façon permanente, mais aussi les conjoints maltraités et, dans le cas de la Chine, ceux qui s'opposent à la politique d'un enfant par famille.

Fait intéressant à signaler, le Canada compatit avec ceux qui fuient la violence familiale ou la politique d'un enfant par famille, mais il a aussi déjà mis en garde la communauté internationale contre les conséquences d'un élargissement de la définition. Lors d'une réunion du HCR en 1991, le représentant du Canada a dit que si l'on élargissait la convention, cela ne ferait que défavoriser ceux qui ont réellement besoin de protection, ceux qui fuient réellement la persécution. Si nous donnons une définition trop large du terme réfugié, nous risquons de nous retrouver avec une situation impossible à gérer, à savoir que tant de personnes pourront fonder leur demande sur de si nombreux motifs que nous serons submergés.

Il y a un autre aspect de notre système—qui ne relève pas réellement de la CISR mais qui contribue néanmoins à susciter un certain malaise dans l'opinion publique—à savoir les décisions judiciaires touchant au système de reconnaissance du statut de réfugié. Je me contenterai de mentionner un cas récent, celui de José Jiminez. Il a été reconnu coupable aux États-Unis de trois infractions de prostitution et d'avoir résisté à l'arrestation puis il est venu demander le statut de réfugié au Canada.

M. Jiminez devait être expulsé pour avoir menacé un homme au moyen d'un couteau dans un parc à London en Ontario et l'autre homme avertissait d'éventuels clients que Jiminez avait le sida. Peu avant la date de son expulsion, un juge fédéral a jugé qu'aux termes des dispositions de notre système de reconnaissance du statut de réfugié, il devait être autorisé à rester au Canada car il ne pourrait probablement pas obtenir la même qualité de soin pour son sida dans son pays natal, le Salvador, que ce qu'il recevait en Ontario.

Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a soutenu qu'il pourrait obtenir les mêmes soins mais le juge a décidé qu'il n'en était pas certain. Alors, M. Jiminez pourra sans doute rester ici.

Une telle décision, même si elle ne fait pas réellement partie de la procédure de la CISR, a contribué à ébranler la confiance du public.

La Charte canadienne des droits et libertés est un autre élément très controversé. Vous avez sans doute entendu parler de la célèbre cause de Singh c. le ministre de l'Emploi et de l'Immigration dont on a souvent parlé. En 1985, l'affaire Singh a eu des répercussions considérables sur la procédure de reconnaissance du statut de réfugié au Canada. Depuis que cette décision a été rendue, tous les demandeurs de statut ont maintenant droit à un examen oral approfondi selon le principe de justice fondamentale que l'on trouve à l'article 7 de la Charte.

Pour de nombreux observateurs, cette décision est largement responsable de la mise en place d'une procédure très complexe et souvent très longue qui, pour reprendre les mots du chroniqueur Jeffrey Simpson du Globe and Mail, a créé le chaos.

J'aimerais faire deux commentaires sur l'affaire Singh. D'abord, Mme la juge Bertha Wilson de la Cour suprême, qui a rédigé l'arrêt, a conclu que le mot «chacun» à l'article 7 s'applique non seulement aux citoyens canadiens et à ceux qui sont résidents permanents du Canada, mais à quiconque réussi à mettre le pied en sol canadien, peu importe les circonstances.

À mon avis, cette interprétation entraîne une érosion fondamentale de la souveraineté canadienne. De fait, le prolongement logique de cette interprétation du mot «chacun» nous amènerait à dire que «chacun» peut tout aussi bien inclure tous les habitants de la planète. Pourquoi ne désignerait-il que ceux qui ont réussi à entrer au Canada, peu importe les circonstances?

Jeff Simpson a fait valoir que les décisions des tribunaux devraient prendre en compte leurs effets sur la politique publique et l'opinion publique, même quand les juges veulent démontrer qu'ils ont les idées larges et l'esprit ouvert. À cet égard, j'ai noté avec plaisir que la nouvelle juge en chef de la Cour suprême aurait dit que dans ses décisions elle tiendra compte de leur effet sur la politique publique.

• 1620

Un deuxième effet de l'arrêt Singh mérite à mon avis d'être réexaminé, à savoir la conclusion selon laquelle il faut accorder au demandeur un examen oral approfondi en vertu des principes de justice fondamentale. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendu une décision en vertu du même article de la Charte, dans une affaire non liée au statut de réfugié, deux mois à peine après l'arrêt Singh en 1995 où elle disait que ce serait pure folie que de supposer que les principes de justice fondamentale garantissent un examen oral approfondi dans tous les cas. Dans certains cas peut-être, mais pas nécessairement.

Malgré le fait que, ces dernières semaines, on ait pu lire dans les médias des commentaires très réfléchis sur la nécessité de revoir la cause Singh, jusqu'à présent le gouvernement n'a même pas cherché à déterminer si un tel examen s'imposait.

On a proposé plusieurs solutions, y compris le recours à la disposition d'exemption, mais on a également cherché à savoir comment cette disposition pourrait s'appliquer au processus de reconnaissance du statut de réfugié. À mon avis, dans cette cause, les motifs de réexamen sont suffisamment clairs pour que, tôt ou tard, on entame une telle révision. De mon point de vue, plus on agira rapidement et plus tôt la confiance du public sera restaurée.

Bill Bauer a déjà décrit quelques-uns des effets négatifs du système actuel, aussi je me contenterai de parcourir rapidement ma liste. Vous constaterez qu'il y a certains recoupements.

Le système est si perméable—la plupart du temps, même ceux qui sont refusés peuvent rester au Canada indéfiniment—qu'il attire un grand nombre de gens qui ne méritent pas notre protection ni celle d'aucun autre pays.

J'ai compris de façon très claire à quel point on pouvait abuser du processus de reconnaissance du statut de réfugié lorsque j'occupais un poste d'ambassadeur dans un pays du Moyen-Orient au début des années 90. À plusieurs reprises, des citoyens canadiens ou des résidents permanents ont décrit en détail comment ils avaient exploité et contourné le système. On aurait cru qu'ils hésiteraient à tout révéler, mais ils donnaient plutôt l'impression que le Canada devait être à la recherche de gens capables de ce genre de chose. Selon eux, le Canada ne pouvait pas être assez stupide pour établir un système aussi déficient. Ils semblaient croire que le gouvernement canadien recevait tant d'argent de ses contribuables qu'il ne savait que faire pour s'en débarrasser. Alors, ils nous décrivaient tous leurs agissements, en pensant que c'était la chose admirable du point de vue canadien.

Il y a d'autres effets négatifs. Je crois que le système actuel est de plus en plus mal vu du public et qu'il crée chez les contribuables un ressentiment croissant en raison de ses coûts élevés et de son efficacité limitée. Il est particulièrement injuste envers les immigrants qui présentent une demande en bonne et due forme et qui attendent patiemment leur tour de venir au Canada, tandis que nous récompensons ceux qui sont prêts à contourner le système et qui en tirent des avantages dès qu'ils mettent les pieds ici. Il fait un tort énorme aux immigrants légitimes, que le public confond parfois avec les fraudeurs qui viennent des mêmes pays.

Comme Bill l'a mentionné, il constitue une proie facile pour les réseaux de passeurs, qui introduisent des gens au pays pour des activités criminelles, et il permet aux terroristes de venir chez nous plus facilement.

Bill a également expliqué comment nous consacrons d'énormes sommes, dans le cadre du processus de reconnaissance du statut de réfugié, à quelques milliers de personnes qui ont l'argent nécessaire pour migrer au Canada, alors que nous ne consacrons qu'une fraction de cette somme aux millions de personnes qui souffrent dans des camps de réfugiés de par le monde.

Nous ouvrons grandes nos portes à des gens qui n'ont pas tout ce qu'il faut pour s'intégrer à la société canadienne, et qui, par la suite, vont parrainer les membres de leur famille. Ici, je ne parle pas des véritables réfugiés, mais bien des fraudeurs. On met ainsi à rude épreuve le tissu social du Canada et son esprit de tolérance. Cela a également un effet sur nos relations avec les États-Unis. Notre voisin du Sud n'a pas encore beaucoup réagi, mais nous offrons une porte d'entrée si grande ouverte vers les États- Unis qu'ils ne doivent pas en être très heureux.

Les lacunes du système ont même eu un effet sur mon travail d'ambassadeur. En effet, j'éprouvais des réticences à émettre des visas de visiteur et des visas d'étudiant. Les Américains peuvent émettre de tels visas facilement parce qu'il est difficile d'obtenir le statut de réfugié là-bas. Moi, j'hésitais à émettre de tels visas parce que je savais qu'il est facile d'obtenir ce statut au Canada. C'était injuste pour les visiteurs.

Quelles sont mes recommandations? Il y a d'abord celle que j'ai déjà mentionnée et qui consiste à réviser la décision Singh, ou l'article de la Charte qui s'applique. On trouvera peut-être plus contestable le fait qu'un fort pourcentage des gens qui revendiquent le statut de réfugié au Canada, peut-être 50 à 60 p. 100 d'entre eux, arrivent au pays en provenance des États- Unis. Dans quelques pays, on a adopté le subterfuge juridique consistant à dire qu'une personne n'est pas considérée comme admise dans un pays tant qu'un agent de l'immigration ne lui a pas dit qu'elle l'était.

Nous avons, aux États-Unis, de nombreuses missions qui pourraient traiter les demandes de ces personnes. Évidemment, elles ne sont pas prêtes pour ce genre d'activité. Il faudrait procéder à certains rajustements à cet égard. On devrait ménager des exceptions pour les gens qui sont sur le point d'être expulsés des États-Unis. Il ne s'agit pas d'une solution simple, mais elle vaut la peine d'être étudiée.

• 1625

L'une des raisons pour lesquelles les gens ne veulent pas faire leur demande à l'étranger, c'est que l'an dernier, nous avons accepté 9 500 réfugiés à l'extérieur du pays. Les trois quarts d'entre eux ont été reçus au Canada, mais le demandeur dont le cas n'est pas fondé n'a pas grand espoir à l'extérieur du pays. Au Canada, en revanche, il est possible de s'insérer dans le système et de ne jamais courir le risque de se faire expulser.

La semaine dernière, la ministre a annoncé qu'elle allait rendre plus clairs et plus nombreux les motifs de détention des demandeurs, ce qui est très important à mes yeux. On devrait inclure dans ces motifs, par exemple, l'arrivée au pays sans papiers et le fait de ne pas collaborer avec les autorités. L'attention du public a été surtout dirigée vers les réfugiés qui arrivent par bateau, mais un flot bien plus grand de personnes arrivent régulièrement au pays par avion, et ce fait est discrètement occulté.

Il a fallu que quelques-unes des personnes qui étaient arrivées à bord du premier bateau et qu'on avait relâchées disparaissent dans la nature pour que le gouvernement se mette à détenir ceux des deuxième, troisième et quatrième bateaux. Le gouvernement n'a commencé à détenir les réfugiés nous arrivant par avion qu'en octobre, lorsque 22 Chinois sont arrivés à bord d'un vol venant de Budapest. Le gouvernement a dû penser qu'il ferait mieux d'agir avant que quelqu'un ne sonne l'alarme.

À cet égard, je pense que nous devrions essayer de trouver des façons d'encourager les gens à ne pas se débarrasser de leurs documents ou les détruire. De toute évidence, il s'agit d'une tactique pour confondre les agents de l'immigration. Je crois également que nous devons faire quelque chose au sujet des gens qui entrent au pays par les aéroports.

L'une des principales raisons pour lesquelles la ministre a traité de cette question dans sa déclaration de Vancouver, la semaine dernière, est la confusion qui règne dans le système actuel. Il comporte un grand nombre de niveaux qui sont autant d'occasions pour ralentir le traitement des demandes. Elle a également expliqué qu'elle avait l'intention de réduire le nombre d'étapes et d'en regrouper, et de faire revenir le temps de traitement à six mois en 2002.

Dans une publication de l'ancien ministre, on pouvait lire qu'on réduirait le temps de traitement et qu'on incorporerait certains niveaux dans les processus de la CISR, comme les procédures relatives aux revendications refusées dans l'évaluation de la catégorie de risques, et la révision de l'évaluation du risque dans la catégorie des personnes pouvant être admises pour des raisons humanitaires. Je crois que ce serait une bonne chose. Cela implique qu'il faudra quelque peu élargir les paramètres de la CISR pour y inclure la convention contre la torture. Je crois qu'on pourrait incorporer tout cela.

Le rapport du vérificateur général d'il y a deux ans sur le traitement des demandes de statut de réfugié recommandait un temps de traitement de dix semaines. Je crois qu'une telle période serait adéquate, parce qu'elle correspondrait bien à l'intention exprimée par la ministre de ne pas voir les demandeurs détenus plus longtemps qu'il n'est nécessaire.

Le vérificateur général a fait remarquer récemment que 49 p. 100 des audiences prévues étaient reportées ou retardées, ce qui causait des retards importants dans tout le processus. On ne devrait pas permettre de tels reports, sauf pour des cas de force majeure.

Dans son document, la ministre déclare également qu'il devrait y avoir des peines plus sévères à l'égard des passeurs. Évidemment, cela tombe sous le sens, mais comme l'a dit Bill Bauer, on n'arrêtera probablement pas très souvent les organisateurs des réseaux, leurs têtes dirigeantes. La seule façon de décourager véritablement ce genre de trafic, c'est de le rendre peu attrayant pour les faux réfugiés. Il faut que les gens sachent qu'ils ne pourront rester ici que s'ils sont de véritables réfugiés.

Dans son rapport de 1997, le vérificateur général recommandait également que les demandeurs soient renvoyés aux pays tiers s'ils venaient de ces pays. On a appliqué cette recommandation en 1989. Le ministère de l'Immigration a estimé que 40 p. 100 des demandeurs pouvaient être renvoyés à un pays sûr après leur audience initiale pour qu'ils puissent y poursuivre leurs démarches.

Conformément à la Convention de Dublin, des accords ont été conclus au sein de l'Union européenne pour empêcher les gens qui sont déjà dans un pays sûr de gagner un pays d'asile qu'ils considéreraient meilleur. C'est ce qui s'est passé dans le cas des réfugiés tamouls de Sri Lanka qui sont arrivés ici par bateau en 1986. Ils étaient en Allemagne depuis trois ans, mais ils pensaient qu'on les traiterait mieux au Canada. Ce genre de disposition est impopulaire auprès des gens qui se spécialisent dans l'aide aux réfugiés une fois qu'ils sont entrés au pays.

On a beaucoup parlé de la sélection des membres de la CISR et de la qualité de leur travail. Dans le cadre de la révision législative d'il y a presque deux ans, on recommandait qu'au lieu de procéder à des nominations par décret, on nomme au sein de la commission des fonctionnaires de carrière possédant des connaissances dans le droit humanitaire international et le droit des réfugiés. Ces fonctionnaires devraient être astreints à des procédures leur permettant de rendre des jugements cohérents, justes et légaux.

Le vérificateur général en avait long à dire au sujet de la cohérence des décisions. Il a souligné qu'au cours d'une certaine période, par exemple, 75 p. 100 des demandeurs venant du Bangladesh étaient acceptés à Montréal, contre 25 p. 100 à Toronto. Il y a quelque chose d'étrange là-dessous. De toute évidence, il faut une plus grande cohérence.

• 1630

La ministre a également laissé entendre que pour obtenir une plus grande efficacité, il ne devrait y avoir qu'un seul membre de la commission pour la plupart des audiences. À l'heure actuelle, il peut y avoir un seul membre présent avec le consentement du représentant du demandeur, mais la ministre songe à rendre cela permanent. Je pense que c'est une bonne idée. Il faudrait alors s'assurer que le membre présent est très bien versé dans le domaine concerné et qu'il est très capable. Pour les causes complexes, elle prévoit également la possibilité d'avoir trois membres présents.

Le vérificateur général a déclaré que nous présentons un des pires bilans au monde en ce qui a trait aux demandeurs au sujet desquels on a déterminé en bonne et due forme qu'ils n'avaient pas besoin de notre protection et qu'ils n'étaient pas des réfugiés. Cette lacune, à elle seule, est un très grand incitatif, pour les gens dont la demande n'est pas fondée, à venir au Canada et à s'insérer dans le système de reconnaissance du statut de réfugié. On était prêt à lancer un nouveau système de suivi automatisé en 1997, mais on a tout annulé en raison de contraintes budgétaires. Le manque de ressources constitue également un immense problème.

On a réussit dans une certaine mesure à bloquer les faux réfugiés aux aéroports à l'étranger, mais avec plus de ressources, nous pourrions faire beaucoup mieux. Le vérificateur général a recommandé que les agents principaux de l'immigration, qui déterminent initialement si quelqu'un peut entrer dans le système... Auparavant, ils faisaient un rapport détaillé, tenaient une entrevue approfondie, puis décidaient. Ce n'est plus comme cela maintenant, parce qu'ils n'ont plus le temps. La CISR bénéficierait de telles méthodes. Il faut accorder plus de ressources au suivi et à l'expulsion des demandeurs qui ont été déboutés.

Il faudrait consacrer davantage de ressources aux mesures de détention. Face à une marée montante de faux réfugiés, les Australiens ont pris la décision de consacrer 150 000 000 $ par année aux mesures de détention pour l'endiguer. C'est beaucoup d'argent, mais en améliorant le processus et en traitant les cas plus rapidement, nous pourrions économiser des sommes équivalentes à d'autres endroits.

Il nous faut une réforme complète du système. Le vérificateur général a mis en garde le gouvernement contre les changements à la pièce. Il a dit que nous avions besoin d'un examen en profondeur de tout le processus. D'après moi, la ministre a fait quelques pas dans la bonne direction, mais il faudra bien davantage.

Le gouvernement ne doit pas prêter attention qu'aux seules personnes qui voudraient que le système demeure inchangé, parce qu'il y va de leur propre intérêt. Il doit entendre tous les points de vue. On a utilisé diverses techniques pour empêcher les gens de se prononcer sur ces questions. On dit souvent que ceux qui soulèvent ces problèmes sont des racistes, parce que beaucoup des demandeurs sont membres de minorités visibles. Cet argument n'a connu qu'un succès limité à Vancouver, lors de l'arrivée des rafios contenant des immigrants clandestins, parce que la majorité des membres de la communauté sino-canadienne de cette ville ne croyaient pas que les revendications de ces personnes valaient grand-chose. Les défenseurs de ces immigrants ont alors parlé de différences de classe. Ils ont dit que les sino-canadiens ne les aimaient pas parce qu'ils appartenaient à des classes sociales inférieures. Comme cet argument ne tenait pas non plus la route, on s'est mis à dire que le Canada devait accepter ces gens, parce qu'ils étaient forcés de quitter leur pays, qui s'était appauvri en raison des pratiques sauvages du Canada en matière de commerce et d'investissement.

Il y a toute une série d'arguments de ce genre. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un débat national éclairé et approfondi, et ce depuis longtemps. Non seulement le gouvernement, mais les partis d'opposition également devraient aborder ces questions de façon non partisane. Le Congrès des États-Unis a un comité bipartite qui traite de ces questions. Je pense que nous devons plutôt agir de façon non partisane. Si nous voulons conserver la confiance du public et continuer d'accueillir de véritables réfugiés sans qu'on abuse de notre système, nous devons repenser de fond en comble nos façons de faire.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je vous remercie beaucoup, messieurs.

Six personnes figurent sur ma liste. Nous allons entamer les périodes de dix minutes pour les questions et les réponses avec M. Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai déjà entendu suggérer auparavant qu'on devait trouver des façons de forcer les lignes aériennes à décourager la destruction de documents à bord de leurs avions. On ne peut s'embarquer à bord d'un avion sans ces documents, mais lorsque les gens arrivent ici, ils ont disparu comme par magie.

Ma première question est en rapport avec l'idée de faire payer aux compagnies le rapatriement des sans papiers. La possibilité d'amendes pourrait aider à résoudre ce genre de problème. Je ne sais pas. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

Mon autre question porte sur la détention. Vous avez mentionné que les Australiens songeaient à dépenser quelque 150 millions de dollars dans ce domaine. Je pense que le Canada devrait songer à quelque chose de semblable.

Je suis nouveau au sein de ce comité, et vous avez tous deux beaucoup plus d'expérience et de connaissances dans ce domaine que moi. Que recommanderiez-vous relativement à un processus de détention? Comment le rendre moins coûteux et plus efficace?

• 1635

M. William Bauer: Parlons d'abord de la détention. Au Canada, la jurisprudence est très étendue à ce sujet, et il s'agit d'un sujet très complexe. On ne peut détenir quelqu'un, à moins qu'il n'y ait des motifs raisonnables de croire que cette personne pose un danger pour la société, ou qu'elle se propose de s'enfuir.

La détention est certainement un des nombreux moyens à notre disposition pour décourager les faux réfugiés de se rendre au Canada. Un véritable réfugié sera prêt à subir une période de détention s'il fuit une véritable persécution.

Nous avons un système juste. Je n'ai jamais douté qu'un véritable réfugié puisse être renvoyé au pays d'où il vient. Un véritable réfugié sera prêt à accepter beaucoup de choses. Naturellement, il pourrait craindre les autorités, et tout le reste, mais il y a des façons de s'y prendre. Il s'agit là d'une idée que les experts du domaine de la justice, le solliciteur général, ou les ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration pourraient traiter plus en détail.

Les Australiens font quelque chose d'intéressant relativement avec ce même projet de loi, et ils en ont déjà fait un règlement. Ils accordent à tous les nouveaux arrivants et même à ceux qui obtiennent le statut de réfugié un visa de résidence de trois ans. Durant cette période, le détenteur du visa ne peut faire venir les membres de sa famille au pays. Une telle mesure rend l'Australie moins attrayante pour les faux réfugiés.

En ce qui a trait aux lignes aériennes, je crois qu'il faut toujours se demander s'il est pratique de changer les choses. Si ce n'est pas le cas, il ne faut même pas y songer. Les compagnies aériennes doivent déjà payer une amende de 3 000 $ lorsqu'elles aident quelqu'un à arriver illégalement au pays. Cette disposition n'est pas toujours appliquée, mais elles doivent néanmoins payer de fortes amendes.

Pour monter à bord d'un avion il faut avoir ses papiers. La personne qui arrive au Canada à bord d'un avion sans ses papiers doit les avoir jetés dans les toilettes, ou les a remis à la personne qui escortait le groupe des six, peu importe. Je ne crois pas qu'il soit vraiment juste de tenir les compagnies aériennes responsables de ce geste.

Elles ont déjà assez à faire à bord de leurs appareils sans être obligées de surveiller leurs toilettes pour voir si quelqu'un y jette son passeport. Elles ne peuvent confisquer les papiers de leurs passagers. Toute une série de restrictions s'appliquent à elles. Si elles ne sont pas en position de faire respecter de façon légale les obligations qui leur sont imposées, je ne pense pas qu'il serait juste de les faire payer pour cela.

Étant donné qu'il existe déjà des programmes de formation à l'intention du personnel navigant, je proposerais—et c'est là un élément important—qu'on leur donne accès au système. Si les passagers montent à bord d'un avion munis de faux documents, cela pourrait être la seule façon de ralentir le processus à l'autre bout.

Je pense que le personnel navigant devrait être formé de façon plus systématique et plus complète par les agents d'immigration de sorte qu'il puisse faire son travail peut-être mieux qu'il ne le fait actuellement, notamment pour ce qui est de filtrer les détenteurs de passeports canadiens falsifiés ou d'autres individus de ce genre.

Je crois qu'il y a un élément de votre suggestion sur lequel on pourrait trouver un compromis, mais quand vous suggérez que l'on tienne le personnel navigant responsable des actes d'un individu à bord d'un avion, et je ne parle pas d'un individu qui souffre de rage de l'air ou qui essaie de détourner l'avion, je crois que cela ne serait pas faisable du point de vue juridique.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Collacott, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Martin Collacott: Je crois que nous pouvons faire bien plus à ce chapitre. L'une des difficultés, c'est que l'on en parle aux responsables des compagnies aériennes, mais ceux-ci sont assez réfractaires à tout ce qui pourrait ralentir le mouvement des passagers. Il est arrivé que des compagnies aériennes nous menacent de suspendre leurs vols à destination du Canada et de nous faire perdre nos droits. Les choses n'ont pas toujours été faciles.

• 1640

Nous pouvons faire davantage. J'ai d'abord parlé d'interdiction à l'étranger, ce qui soulagerait un peu les compagnies aériennes, mais cela exigerait beaucoup de ressources. En effet, il faut consacrer des fonds considérables pour avoir une base canadienne à l'étranger. Là où nous avons eu des bases canadiennes, nous avons eu du succès, mais leur nombre demeure restreint.

On pourrait aussi envisager de confier les documents de voyage aux agents de bord. Je n'ai jamais eu à remettre mon passeport à un agent de bord dans un avion, mais je l'ai déjà fait sur un bateau de croisière pour la durée du voyage.

L'autre façon de procéder, qui n'est pas sans ses inconvénients, serait de photocopier le document de voyage. La question de refouler une personne à son arrivée au Canada est une autre paire de manches, puisqu'en principe, la personne se trouve déjà sur notre territoire. Dans un monde juridiquement idéal, on renverrait l'individu dans le même avion dès qu'il y a fraude manifeste.

Ce sont là des possibilités qui méritent d'être étudiées, et d'autres pays pourraient faire de même, puisqu'ils se trouvent dans la même situation.

Pour ce qui est de la question de la détention, je crois comprendre que les Australiens détiendront désormais tous les immigrants clandestins qui arrivent au pays par bateau. Je ne sais pas s'il en est de même pour les immigrants clandestins qui arrivent par avion. Bill a parlé tout à l'heure de visa de trois ans, qui serait une sorte de visa temporaire. Je crois que ces immigrants seraient les seules personnes qui pourraient être considérées comme des réfugiés légitimes, et je ne parle pas des faux réfugiés. Ces immigrants sont donc mis en détention jusqu'à ce que leur demande soit traitée. À l'heure actuelle, l'Australie est inondée de ce genre d'immigrants. Ce n'est pas le cas du Canada, parce que ce n'est pas la bonne saison pour traverser le Pacifique en bateau.

Cependant, nous allons nous heurter de plus en plus à ce genre de problèmes. Qu'on le veuille ou non, nous devrons prendre des décisions qui ne seront pas toujours faciles.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Anders, il vous reste encore deux minutes. Essayez de limiter les réponses à ce cadre, car il y a encore cinq ou six personnes qui veulent poser des questions.

M. Rob Anders: D'accord, je comprends.

L'autre question que j'avais concerne ce que nous offrons comme logement, assistance et couverture médicale.

Je pense à un dénommé Howard Phillips, une personne que j'ai rencontrée aux États-Unis. Je me souviens qu'il m'a dit qu'il faut faire attention à ce qui attire les gens vers notre pays. Si les gens choisissent notre pays pour des droits ou des privilèges comme le logement, l'assistance sociale ou les avantages médicaux, il faut que nous soyons très vigilants, m'a-t-il dit. Autrement, nous allons attirer des gens qui veulent profiter de notre système. À long terme, cela risque de créer un problème pour le pays.

Quel genre de changements aimeriez-vous que nous fassions ou que pensez-vous que nous devrions faire pour éviter cette situation où nous attirons des gens qui ne cherchent qu'à vivre aux frais de la princesse?

M. William Bauer: Je crois que c'est assez vrai, le Canada attire effectivement des faux réfugiés. Les coûts médicaux que doivent assumer les grandes villes sont très élevés. La plupart des salles d'urgence sont encombrées, en partie parce qu'on n'avait pas prévu servir autant de personnes. Les Britanniques, pour leur part, cherchent un moyen d'offrir un soutien en nature. À l'heure actuelle, on donne une allocation de 50 livres sterling la semaine.

Toute solution qui permettrait au Canada de remplir une obligation qui découlerait probablement de la Charte, ou qui serait considérée comme telle, qu'il s'agisse d'offrir des soins médicaux, un soutien financier ou juridique sans pour autant mettre de l'argent dans les mains de la personne concernée, résoudrait probablement le problème, puisque l'essentiel des fonds versés au titre de l'assistance sociale ne sont pas utilisés à bon escient. Nous le savons très bien et les autorités policières le savent très bien aussi. C'est d'ailleurs la première chose que les demandeurs de statut de réfugié cherchent à obtenir. Ils remplissent un formulaire à Niagara Falls, dans l'État de New York, et font leur demande à partir de là. Dès leur arrivée au Canada, on leur émet un chèque, et c'est quelqu'un d'autre qui profite de l'argent, cet argent qui est réparti ou détourné, selon les cas. Je crois que les choses se passent grosso modo de cette façon.

Prenons le cas de Toronto. Il n'y a plus de logement, tous les logements provisoires sont occupés et les sans-abri n'ont nulle part où aller. C'est un grave problème. Ce n'est que l'un des nombreux problèmes qui nous semblent parfois presque insolubles.

M. Martin Collacott: Je veux ajouter quelque chose, brièvement. Je suis d'accord avec vous. Il n'y a pas de solution facile. Je crois que l'aide en nature est une incitation moindre. Cela dit, il faut quand même fournir le soutien de base.

• 1645

En revanche, l'aide pécuniaire est bel et bien une incitation. Un jour, un de mes amis a pris un taxi à Washington et le chauffeur du taxi était un demandeur du statut de réfugié d'un pays donné. Il a raconté à mon ami que ses compatriotes et lui s'étaient établis aux États-Unis, mais que les Américains étaient mal intentionnés envers eux, parce qu'ils leur rendaient la vie difficile chaque mois quand ils devaient se rendre au Canada pour réclamer leur chèque d'assistance sociale aux réfugiés. Certes, c'est un cas particulier, mais il illustre bien le fait que l'aide pécuniaire que verse le Canada aux réfugiés est une incitation. C'est pourquoi, je pense que si on trouve une façon de fournir une aide en nature, on aiderait quand même les réfugiés sans que cela ne devienne pour autant une incitation inutile.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): A-t-on dénoncé au moins ces fraudeurs auprès des autorités de l'immigration?

M. Martin Collacott: La personne en question n'a pas décliné l'identité de ces fraudeurs.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Monsieur le président, j'ai lu la décision Singh. Je voudrais préciser, pour le compte rendu, que les juges ont pris en considération les droits des réfugiés au sens de la convention, et non ceux des faux réfugiés au sens de ladite convention. En fait, dans la décision Singh, il y a un demandeur de statut de réfugié qui est entré au Canada en utilisant des faux papiers, qui a passé deux ans sous une fausse identité, qui a été arrêté et qui a ensuite demandé le statut de réfugié. Mais les juges n'ont pas tenu compte de tout cela. Nous avons mentionné à la ministre qu'il faudrait peut-être renvoyer un autre cas à la Cour suprême sur ce genre de situation pour voir s'il y a moyen de colmater cette faille.

J'ai une question à vous poser. Vous avez soulevé un point qui m'a absolument abasourdi. J'ai été scandalisé par la décision d'accepter cette personne en raison de la menace de stérilisation de ces immigrants. Cela ne fera évidemment qu'accroître le nombre de demandes de statut de réfugié de ce genre faites par environ un milliard de Chinois, parce que tant les Chinois que les Chinoises font face à la possibilité de stérilisation quand on sait qu'ils ont un problème de surpopulation.

Évidemment, la définition d'un réfugié ne peut être laissée aux seules commissions des réfugiés. Cette décision est ridicule. C'est de la folie pure et simple. Ne devrait-on pas confier la définition de réfugié au ministère des Affaires étrangères? Après tout, n'est-il pas l'organisme gouvernemental dont les activités consistent notamment à déterminer s'il y a une guerre civile, s'il y a des réfugiés, s'il y a une dictature ou si un régime pratique la persécution systémique?

Dans les autres pays, la définition de réfugié est-elle établie par le ministère des Affaires étrangères ou est-elle confiée à un comité spécial comme c'est le cas ici? Comment est-ce que ça marche?

M. Martin Collacott: Votre question comporte deux dimensions. D'abord, il est important d'évaluer ce qui se passe dans un pays en particulier. L'observation faite par le vérificateur général sur les différents taux d'acceptation pour les Bangladais reflète probablement le fait qu'une commission a examiné de près ce qui se passait au Bangladesh alors qu'une autre ne l'a pas fait, mais j'ignore les motifs précis d'acceptation de leurs demandes.

Pour prendre des décisions éclairées, je crois qu'il est important de bien comprendre ce qui se passe dans le pays d'origine du demandeur du statut de réfugié. Même quand on dispose de ce genre d'information, il faut s'interroger sur les limites que l'on doit se fixer, et c'est là le premier aspect de la question. Si on décide d'accueillir des gens qui fuient une guerre civile dans l'espoir de retourner chez eux plus tard, comme ce fut le cas avec les Kosovars, est-ce vraiment là la limite que l'on veut se fixer? Je ne crois pas que ce soit l'intention originale de la convention des Nations Unies; celle-ci visait en effet à protéger des personnes fuyant la persécution pour des motifs précis.

Il faut repenser les limites que l'on veut se fixer, puis chercher à se renseigner sur les circonstances dans lesquelles la personne concernée a quitté son pays et les circonstances dans son pays d'origine. Y a-t-il vraiment une justification pour accorder le statut de réfugié à une personne qui vient de la Nouvelle- Zélande, par exemple, ou se passe-t-il là-bas quelque chose qui le justifierait?

M. John Bryden: Mais ce n'était pas ma question. C'est ce que j'ai compris d'après vos observations. Devrait-on confier la responsabilité aux commissions des réfugiés ou devrait-on plutôt s'en remettre au ministère des Affaires étrangères, qui a des ambassadeurs à l'étranger? Celui-ci dispose de renseignements en tout temps qui lui permettent de déterminer si une nation pratique la persécution systématique, par exemple.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Pourriez-vous préciser votre pensée? Êtes-vous en train de nous dire que le ministère des Affaires étrangères devraient déterminer qui est un réfugié?

M. John Bryden: Oui.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): La définition d'un réfugié n'est-elle pas prévue par la convention des Nations Unies?

M. John Bryden: Non, ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Je voulais tout simplement savoir si d'autres pays utilisent leur ministère des Affaires extérieures ou étrangères pour définir les pays qui produisent des réfugiés. Nous savons tous ce que c'est qu'un réfugié. De toute évidence, les États-Unis ne sont pas un pays qui produit des réfugiés, à moins que je ne me trompe? Je ne suis pas sûr.

M. William Bauer: Nous avons reçu quelques réfugiés des États- Unis.

M. John Bryden: Oui, j'en suis sûr.

M. William Bauer: Les demandeurs en question avaient réussi à obtenir le statut de réfugié, mais la décision a été annulée. Je m'explique.

• 1650

Je comprends parfaitement votre point de vue, mais il est important de comprendre que le processus de reconnaissance du statut de réfugié est confié à des personnes désintéressées. Le processus est semblable à celui d'un tribunal, sauf qu'il n'y a pas de témoins autres que le demandeur. Il n'y a pas de preuve non plus autre que la preuve reconnue et celle que le demandeur veut bien donner. Enfin, il n'y a pas de témoignage susceptible d'être contredit.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada est un tribunal administratif dont la mission est d'assurer l'équité à tous et un mécanisme d'audience qui permet au demandeur de défendre sa cause. Les décisions de ce tribunal sont prises conformément à la loi. Par loi s'entend, d'une part, la définition de réfugié prévue dans la Convention de 1951 et dans la Loi sur l'immigration et, d'autre part, toute la jurisprudence découlant des décisions de la Cour fédérale et de la Cour suprême du Canada et, dans une certaine mesure, quoiqu'à un degré moindre que les décisions judiciaires, du manuel du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Il faut donc examiner les preuves que fournit le demandeur, dans le cadre d'un tribunal dont la composition ressemble à un tribunal judiciaire.

À mon sens, les renseignements que le demandeur fournit à ce genre de tribunal ne sont pas particulièrement fiables. Ils sont contradictoires, éparpillés et proviennent de sources publiques. Par conséquent, c'est au ministère des Affaires étrangères et à ses missions à l'étranger que revient la responsabilité de fournir des renseignements détaillés sur certaines situations.

Les tribunaux et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada ont graduellement élargi la portée de la Convention de 1951 qui visait un groupe social en particulier qui était victime de persécution. Ce groupe comprend actuellement, par exemple, un homme de 200 livres qui prétend avoir été battu par sa femme pendant une dizaine d'années et qui n'a pas réussi à convaincre la police de le protéger. Si l'État est incapable de protéger une personne, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas parler à des autorités de ce pays-là et leur demander si cet homme existe bel et bien et si ce qu'il raconte s'est bel et bien produit.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Combien pesait sa femme?

M. William Bauer: Probablement 400 livres.

M. John Bryden: Je comprends ce que vous dites, mais je n'ai toujours pas dit ce que j'avais à dire. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi je dois, en tant que parlementaire, laisser à cette commission des réfugiés le soin de déterminer ce qu'est un réfugié, notamment quand je pense à ce cas qui vient d'ouvrir la possibilité à un milliard de Chinois de réclamer le statut de réfugié de peur d'être stérilisés. C'est certainement la responsabilité du Parlement de définir ce qu'est un réfugié. Pourquoi est-ce qu'on confie cette responsabilité à la commission? N'y a-t-il aucune autre autorité à qui l'on pourrait confier cette responsabilité?

M. William Bauer: Je ne veux pas vous décourager, mais cette décision concernant la stérilisation forcée relève d'un jugement de la Cour suprême et des lois du pays. Si une commission, un comité ou un tribunal entend la cause d'un demandeur de statut de réfugié et si celui-ci réussit à les convaincre que s'il retourne dans son pays... Qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, mais dans certains cas, les hommes doivent subir une vasectomie obligatoire. Si l'autorité compétente est persuadée, après avoir entendu le témoignage et vu toute la documentation connexe, que la personne sera assujettie à une stérilisation forcée à son retour en Chine, elle n'a d'autre choix que d'accorder le statut de réfugié à la personne, étant donné la décision de la Cour suprême.

M. John Bryden: Quelle décision?

M. William Bauer: La décision Chan, je crois. Est-ce bien cela?

Une voix: Oui.

M. John Bryden: D'accord. Je vous remercie.

M. William Bauer: On est allé jusqu'à la Cour fédérale.

M. John Bryden: C'était une décision unanime ou majoritaire?

M. William Bauer: Je pense que deux juges s'y sont opposés. Mais c'est la loi du pays maintenant.

Ce que je veux dire, c'est que le tribunal administratif est nécessaire pour juger, à l'instar des jurys, de la crédibilité de l'histoire d'un demandeur de statut de réfugié. L'octroi du statut de réfugié à la personne qui le demande signifie tout simplement qu'on croit son histoire et qu'on considère que si on la refoule chez elle, elle sera assujettie à ce genre de traitement. Cela ne signifie absolument pas que nous acceptons d'accorder le statut de réfugié à tous les citoyens de ce pays.

M. John Bryden: Un milliard de réfugiés qu'entraînerait la décision de la Cour suprême; c'est carrément de la folie.

M. William Bauer: Eh bien, c'est une toute autre histoire.

• 1655

M. John Bryden: Absolument. Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Nous allons maintenant entamer la période de questions de cinq minutes chacun. Je vous demanderais d'être très brefs pour que tous les députés puissent poser leurs questions.

Monsieur Grewal, vous avez cinq minutes.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le président, j'aimerais remercier M. Bauer et M. Collacott d'avoir pris le temps de venir et de faire un exposé aussi bien étayé. Je ferai quelques observations puis je poserai mes questions.

Je ne pense pas qu'il y ait des Canadiens qui ne veulent pas accueillir des réfugiés, mais le problème se pose dès qu'il est question de faux réfugiés. Je crois que le Canada montre très bien au reste du monde, notamment en groupes clandestins et aux criminels, qu'il est une destination de prédilection pour eux.

Le premier ministre a fait une déclaration il y a quelques jours. Je suis rarement en accord avec ce qu'il dit, mais je dois avouer que cette fois-ci, je le suis, quoique je ne souscrive pas nécessairement à son intention. Il a dit que le Canada est un pays de prédilection. C'est le genre de modèle que la ministre de l'Immigration a proposé au premier ministre, dans l'intérêt de notre pays. Je crois que le premier ministre a raison, parce que le Canada est réellement un pays de prédilection—pour les criminels, les terroristes et tous ceux dont on ne veut pas.

Les faiblesses de notre système, qui se trouvent exposés, nous font toute une publicité. Certains connaissent les faiblesses et tentent de les exploiter à leur profit.

Certains ont parlé des réfugiés qui viennent au Canada sans papiers. D'après le rapport du vérificateur général, 60 p. 100 des visiteurs qui viennent au Canada et qui demandent le statut de réfugié arrivent sans papiers. Or, nous savons qu'ils sont munis des documents requis lorsqu'ils prennent l'avion. Je suggère que nous profitions des progrès technologiques pour passer les documents au lecteur optique, plutôt que de les photocopier. Il leur suffirait alors d'être munis d'une disquette et ce serait une façon facile et efficace de procéder.

Deux agents d'immigration supérieurs de Hong Kong, M. Brian McAdam et le caporal Robert Read, ont ébruité l'affaire quand 2 000 formulaires de visa ont été volés de l'ambassade de Hong Kong. Ce ne sont pas les gens respectables qui volent ces formulaires de visa. Naturellement, ces 2 000 criminels trouvent moyen de venir au Canada.

On a abandonné un autre projet baptisé «Sidewinder» en raison de pressions qui ont effrité la volonté politique d'agir. On a mis immédiatement fin à l'enquête et tous les éléments de preuve recueillis ont été déchiquetés par le SCRS.

Mon premier commentaire c'est qu'il n'y a pas la volonté politique voulue pour corriger le système. Le gouvernement punit les dénonciateurs. Même le caporal Read est toujours suspendu. Vous qui avez une longue expérience, croyez-vous qu'il existe la volonté politique nécessaire pour améliorer le système?

J'aimerais vous poser une autre question. Chacun a son exemple préféré, je vais vous livrer le mien. Il y a deux ans, un couple est venu d'Australie. Ils ont demandé le statut de réfugié dès leur arrivée et ont reçu 3 000 $ de prestations d'aide sociale et autres. Ils sont demeurés au pays pendant deux mois, ont eu de merveilleuses vacances, puis sont rentrés chez eux. Croyez-vous que les demandeurs devraient être interrogés à la frontière ou au port d'entrée? Si oui, que dites-vous de cet exemple?

Je vous pose très rapidement une troisième question. Croyez- vous que ce serait une bonne idée de détenir les personnes dont le dossier n'est pas réglé? Si l'on accélère la procédure, croyez-vous qu'un réfugié illégitime débouté devrait être expulsé?

D'après le vérificateur général, on ne retrouve plus que 4 000 des 20 000 personnes déjà expulsées, et 16 000 sont perdues dans le système ou ont traversé la frontière. Devrait-on détenir les demandeurs de statut jusqu'à ce qu'une décision définitive ne soit prise?

Je tiens à préciser cette question parce que dès que les personnes qui demandent le statut de réfugié au Canada obtiennent leur droit d'établissement, elles rentrent dans leur pays d'origine. Ce sont des réfugiés qui disent craindre la persécution ou l'oppression, mais dès qu'ils obtiennent le droit d'établissement ici, pourquoi leur permet-on de rentrer dans leur pays pour se marier ou pour visiter des parents ou des amis? Ne devrait-on pas imposer des restrictions sur la sortie du pays jusqu'à ce que la situation ne s'améliore dans leur pays d'origine?

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Pourriez-vous essayer de résumer?

• 1700

M. Martin Collacott: Oui. Je vais vous donner quelques réponses rapidement.

Je ne suis pas l'ordre des questions que vous avez posées, mais vous avez parlé du problème des missions à l'étranger et de la disparition des visas. Il y a eu plusieurs cas d'irrégularité dans les missions canadiennes. Nous devons manifestement tenter de resserrer les mesures de sécurité.

L'un des problèmes tient encore une fois au manque de ressources. Nous avons réduit les effectifs par souci d'économie. C'est plus cher d'envoyer un Canadien en mission à l'étranger que d'embaucher une personne sur place mais il y a toujours un prix à payer, puisque nous devons payer les salaires locaux. Le traitement illicite ou le vol de visas peut rapporter gros. Pour cette raison, je souhaiterais que l'on augmente les ressources canadiennes à l'étranger pour parer à de tels problèmes.

Vous avez mentionné je crois des entrevues au port d'entrée. L'une des recommandations du vérificateur général concernait les gens qui réclament le statut de réfugié sans motif valable. Il recommandait qu'il y ait une entrevue assez approfondie de quiconque présente une demande de statut, entrevue étant enregistrée et la bande remise à la CISR. Je crois que cette recommandation a plutôt déplu aux avocats qui travaillent avec les réfugiés. Ils soutiennent toujours qu'ils doivent d'abord pouvoir conseiller les demandeurs de statut avant l'entrevue. Eh bien, le système que recommande le vérificateur général me plaît: oui, ils pourront consulter un avocat le moment venu, mais ils devraient être interrogés dès qu'ils se présentent au port d'entrée.

La détention n'est pas un sujet facile à traiter. Nous devons examiner la question de façon plus approfondie puisque cela aurait le plus grand effet dissuasif sur les faux demandeurs de statut de réfugié. Les Australiens le font déjà pour quiconque arrive par bateau ou sans papiers et cela a un effet dissuasif considérable.

J'aimerais aborder une dernière question. Vous avez parlé de gens qui retournent dans leur pays après l'avoir fui et après avoir obtenu le statut de réfugié. Quand j'étais au Haut-Commissariat à Sri Lanka, l'un de mes successeurs m'a fait remarquer qu'un fort pourcentage de demandeurs de statut de réfugié rentraient dans leur pays. Ils prétendaient avoir fuit la persécution et la guerre civile, mais je savais qu'il n'y avait aucune persécution des Tamouls. Il y avait guerre civile entre l'armée et les insurgés tamouls, mais la plupart des gens se sentaient tout à fait à l'aise d'aller en visite dans leur pays d'origine. Je suis certain que vous connaissez le cas d'autres pays où la même chose se produit.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci.

Monsieur Telegdi, cinq minutes.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le président, comme j'ai été réfugié de Hongrie, je peux vous dire que je n'aurais pas été très heureux d'être détenu. Je tenais à le dire publiquement.

M. William Bauer: Surtout qu'il y en avait 24 999 autres comme vous. Il y a à tout moment 25 000 dossiers dans le circuit à la CISR.

M. Martin Collacott: Je ne veux pas vous interrompre, mais puis-je dire une chose?

M. Andrew Telegdi: Permettez-moi de poser d'abord ma question puis vous pourrez faire votre commentaire. Je n'ai pas beaucoup de temps.

Vous avez dit que la plupart des gens qui viennent au Canada passent par les États-Unis. Vous avez aussi dit que les États-Unis s'impatientent. Nous avons tous les deux un problème mais le fait est qu'il en vient ici davantage de chez eux que l'inverse. J'aimerais entendre votre réaction.

Quant aux navires, nous avons pour politique de les repérer, de les intercepter, de les détenir et de rendre une décision. Ceux qui sont acceptés sont libérés et les autres sont renvoyés. C'est la stratégie que nous avons adoptée quand nous avons vu ce qui s'était produit après l'arrivée du premier bateau.

Ne diriez-vous pas qu'il est plus rentable pour les triades de venir ici par bateau puisque ces derniers sont très lents et faciles à détecter, et que tant que nous continuerons à les repérer, tout ira bien?

Mon autre question concerne votre commentaire sur les criminels de guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, les criminels de guerre sont venus ici en toute légalité. Nous avons maintenant adopté une position très ferme à l'égard des criminels de guerre. Quand nous savons qu'une personne est un criminel de guerre, nous pouvons lui retirer sa citoyenneté même si cette personne vit ici.

• 1705

J'aurais une dernière question. En 1995, un comité consultatif du ministre a été chargé d'améliorer la compétence des personnes nommées à la CISR. Je suis certain que vous le savez mais si vous l'ignorez, il en a été question dans le rapport du vérificateur général dont vous avez parlé plus tôt. Je vais m'en tenir à ces questions pour vous donner l'occasion d'y répondre.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): M. Bauer peut répondre cette fois.

M. William Bauer: Je connais ce comité. Je crois que Gordon Fairweather en était le président. Il l'a quitté parce qu'il n'a pas pu convaincre le BPM d'accepter les recommandations. Et cela a été rendu public.

Gordon Fairweather est un conservateur rose, bien sûr, et il a été président de la commission assez longtemps. Il savait quelles qualités un bon membre devait avoir, même s'il n'a pas toujours été en mesure d'en obtenir pendant que les conservateurs étaient au pouvoir. Cependant, il a quitté son poste parce qu'il était extrêmement exaspéré. Mais je ne vais pas m'étendre sur le sujet.

Je sais qu'on fait encore des nominations partisanes. Je connais les membres qui sont nommés. Il y a des gens compétents et des gens qui y sont nommés par favoritisme et qui se révèlent de très bons sujets. Je ne dis pas que les deux s'excluent mutuellement.

M. Andrew Telegdi: Je vais vous interrompre ici. Comment avez- vous été nommé?

M. William Bauer: J'ai été nommé à la commission parce que j'avais 37 ans d'expérience au service extérieur et parce que certaines personnes estimaient que je ferais un président très compétent.

M. Andrew Telegdi: Était-ce du favoritisme?

M. William Bauer: C'était une nomination par décret.

M. Andrew Telegdi: D'accord.

M. William Bauer: J'ai été nommé par décret à tous les postes d'ambassadeur que j'ai occupés. J'ai travaillé pour Joe Clark, M. Chrétien et M. Trudeau, et il n'y a jamais eu de favoritisme. Je n'ai jamais été membre d'un parti politique et je n'en ai jamais soutenu un.

M. Andrew Telegdi: Mais c'est le même système en vertu duquel les membres sont nommés à la commission en ce moment, sauf qu'il n'y a pas de comité consultatif ministériel, ce qui d'après le vérificateur général constitue une amélioration par rapport à l'ancien système en vertu duquel vous avez été nommé. Je crois qu'il convient de le souligner.

M. William Bauer: Oui, je crois qu'il est bon de le signaler, comme il convient de préciser que M. Fairweather a démissionné.

Vous avez dit que les criminels de guerre étaient entrés illégalement après la Seconde Guerre mondiale. Je ne suis pas d'accord. Ils sont arrivés en cachant leur passé. Au moins 300 criminels de guerre se trouvent au Canada aujourd'hui parce qu'ils ont caché leur passé. Certains ont été démasqués parce que des concitoyens les ont dénoncés et parce qu'on y a mis le paquet pour les déporter.

Cependant, il y a encore ici beaucoup de criminels du Rwanda, de la Yougoslavie, de l'Ukraine, quelques-uns de Russie, même si le terme criminel de guerre n'est pas le terme approprié; du Burundi, du Congo, de l'Algérie, et de la Somalie. Des majors somaliens, sous le régime de Siad Barre, ont été formés par les Américains et ont torturé des civils.

M. Andrew Telegdi: Non, non. Je crois que c'est parce qu'ils ont donné de l'argent à...

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Andrew, il répond à vos questions et votre temps est écoulé. Laissez-le répondre.

M. William Bauer: Deuxièmement, je crois que vous avez dit que les navires étaient faciles à déceler. Je regrette, mais je ne suis pas d'accord. Les ressources dont nous disposons sur la côte Ouest ne nous permettent d'en détecter qu'une infime partie.

La police m'a dit qu'elle ignorait combien de bateaux avaient réussi à débarquer des immigrants illégaux, qui sont disparus dans la nature au Canada ou aux États-Unis, parce qu'elle n'a pas pu les repérer. Nous n'avons pas les ressources pour patrouiller la côte—et en toute franchise, probablement que nous ne les aurons jamais. Je crois qu'il est impossible d'ériger un écran maritime pour les empêcher de passer. Les passeurs ont également des instruments de détection perfectionnés qui leur permettent de savoir s'ils ont été repérés.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Collacott?

M. Martin Collacott: J'ai deux brefs commentaires sur deux autres éléments.

Vous avez dit être venu de Hongrie à titre de réfugié. La différence entre ce qui se produit maintenant et ce qui s'est produit lorsque les gens sont arrivés de Hongrie, c'est que nous avons invité les Hongrois. Nous avons décidé volontairement de les accueillir, comme ce fut le cas des Indochinois, des Kosovars, et des Asiatiques qui ont quitté l'Afrique de l'Est au début des années 70. Je crois que les Canadiens n'ont rien contre cela. Cependant, ce qui mine la confiance du public, c'est lorsque des étrangers débarquent sans être invités, avec le concours d'associations criminelles.

Vous avez posé une autre question au sujet des États-Unis, les déplacements se faisant dans les deux sens. Ce sont des mouvements différents. Je crois personnellement que ceux qui arrivent en provenance des États-Unis sont encouragés par les Américains à laisser expirer leur visa parce qu'ils veulent s'en débarrasser et que le Canada est une solution facile. Ils peuvent se présenter à la frontière et entrer légalement au pays.

• 1710

Ce qui irrite les Américains, ce sont les immigrants qui entrent illégalement aux États-Unis en passant par le Canada, comme les réfugiés de la mer. Apparemment, presque tous les Chinois qui arrivent par bateau se dirigent vers les États-Unis. Ils y entrent clandestinement, contrairement à ceux qui font le trajet inverse. Notre système invite les étrangers à faire le trajet inverse légalement, mais les Américains n'invitent pas les immigrants clandestins. Il y a donc un mouvement important dans les deux sens, mais de nature différente.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): C'est maintenant au tour de M. Anders, qui a cinq minutes. Même s'il se fait tard, je demanderais aux témoins d'adresser leurs réponses au président, ce qui pourrait réduire les échanges inévitables.

M. Rob Anders: Monsieur le président, j'ai une question qui est davantage d'ordre financier, mais elle a trait aux Canadiens qui travaillent dans nos consulats et nos ambassades à l'étranger.

Je crois comprendre que si un employé local touche un salaire de misère, et c'est sans doute souvent le cas, il a accès tous les jours à des documents d'une grande valeur sur le marché noir et il peut être tenté de vendre ces documents ou de participer d'une façon quelconque à leur vente. Est-ce que vous savez ce qu'il en coûterait d'accroître la présence canadienne ou de nommer des Canadiens dans la totalité ou la majorité des postes dans nos missions, consulats et ambassades?

M. William Bauer: Je ne pense pas qu'on puisse établir un coût global.

Permettez-moi d'apporter une rectification. J'ai administré il y a longtemps les employés recrutés sur place. Leurs salaires se trouvent dans le premier quantile de leur groupe professionnel dans le pays où ils travaillent. Ils ne sont pas sous-payés. Ils ne reçoivent pas un salaire de misère.

L'agent du programme d'immigration, qui est le premier agent de sélection dans les missions à l'étranger, est habituellement une personne très scolarisée et professionnelle qui touche un traitement supérieur à celui de la plupart de ses homologues dans la société. C'était notre façon de recruter et de conserver de bons employés.

Cependant, tout le monde peut être soudoyé. Des fonctionnaires canadiens ont été soudoyés aussi, ce n'est donc pas une solution miracle. L'argent n'est pas la solution. Comme je l'ai dit, avec 8 milliards de dollars, on peut acheter beaucoup de monde. C'est beaucoup d'argent, et c'est possible.

Je crois que lorsque le gouvernement canadien envoie une famille avec deux enfants à l'étranger, il lui en coûte au moins 200 000 $ par année, sans compter les salaires, le logement, et le reste.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Collacott, très brièvement.

M. Martin Collacott: Oui. Les salaires que reçoivent les employés recrutés sur place sont intéressants selon les normes locales, mais la plupart des bureaux d'immigration se trouvent dans des pays en développement d'où viennent la majorité des immigrants. Les salaires y sont faibles selon les normes canadiennes, et sûrement faibles si on les compare à ce qu'ils peuvent obtenir pour un visa. Dans certains endroits, comme au Japon et en Suisse, nous devons payer aux employés recrutés sur place un salaire supérieur à ce qu'un Canadien toucherait, mais ce n'est pas d'où viennent les immigrants. Cela pose donc un problème.

Je ne crois pas que vous ayez besoin de nommer des Canadiens dans tous les postes, mais sans doute dans certains postes clés afin qu'on puisse exercer un meilleur contrôle. Cependant, il ne fait aucun doute que cela va coûter plus cher, même si vous ne remplacez qu'une personne ou deux dans les grandes missions.

M. Rob Anders: Un de mes collègues a posé une question ou formulé un commentaire général au sujet du balayage ou de la détention de documents. Je n'ai jamais fait de croisière, je devrais donc peut-être poser la question à mes parents, qui en ont fait souvent.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Les hôtels européens le font également. Ils gardent votre passeport à la réception.

M. Rob Anders: Je me demandais quelle solution les témoins avaient à suggérer pour la conservation des pièces d'identité à bord des avions ou des autres moyens de transport. Ils ne savent probablement pas où en sont les possibilités de numérisation, mais un témoin précédent nous a parlé d'un projet pilote où l'on passait les documents au scanner.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je pourrais peut-être vous aider. Il en a été question lors de la dernière réunion à laquelle vous n'assistiez pas, monsieur Anders. J'ai suggéré de passer des documents au scanner dans certains ports du monde. Un projet pilote. Un projet pilote est en cours pour déterminer quelle est la meilleure technologie à utiliser, mais il semble y avoir eu un ralentissement bureaucratique surprise. Le projet est toutefois en cours et c'est une possibilité que le ministère examine.

Je ne vais pas soustraire cela de votre temps. Je voulais seulement vous faire savoir que le ministère envisage actuellement cette solution.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Bauer?

• 1715

M. William Bauer: Oui, monsieur le président. Je voudrais m'excuser de ce que nous avons seulement abordé le sujet de façon très superficielle, non pas à cause de la présidence ou des membres du comité, mais peut-être parce que les témoins ont été trop prolixes. Mais c'est un sujet extrêmement complexe.

Quelqu'un a demandé si l'on avait la volonté politique d'aborder certaines questions. Cette volonté n'est pas bien grande car, comme je l'ai dit au départ, il s'agit d'un sujet extrêmement délicat pour chaque député et chaque ministre, comme c'est normal, étant donné que les répercussions seront beaucoup plus graves. Je regrette seulement de n'avoir pas pu vous énumérer la liste des choses que je ferais, si je le pouvais, à tous les niveaux, pour améliorer la situation.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Comme deux autres membres du comité désirent poser des questions, pourquoi ne pas leur en donner l'occasion après quoi, s'il nous reste du temps, nous pourrons entendre votre liste de souhaits, Rob.

Nous allons passer à Mme Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le président, je remercie les deux témoins pour leurs exposés très intéressants.

Je voudrais aborder la question de la prévention... avant de déclarer qu'une personne est un immigrant illégal. Vous conviendrez sans doute, tous les deux, que le gouvernement prend déjà des mesures à cet égard. La plupart des immigrants illégaux arrivent ici en s'imaginant qu'ils trouveront la montagne d'or. Comme chacun sait, c'est ce que leur font croire les organisations criminelles qui les font entrer clandestinement. Le gouvernement s'est rendu compte du problème il y a deux mois et il a envoyé des agents de la GRC et de l'immigration en Chine pour tenter de le résoudre.

Je suis allée en Chine, avec deux autres députés, en septembre. Nous avons discuté avec des hauts fonctionnaires qui ont reconnu l'importance de faire de la prévention avant que les gens ne prennent le bateau ou l'avion avec de faux renseignements et de faux espoirs. Nous avons convenu que les deux pays uniraient leurs efforts en ce sens afin d'informer ces paysans. Ce groupe de paysans fujians sont illettrés et se font facilement induire en erreur. Cela peut être également le cas d'autres groupes. En attendant, ces renseignements ne sont pas communiqués au public, aux citoyens. Le gouvernement du Canada et le gouvernement chinois ont convenu de conjuguer leurs efforts sur ce plan.

Six des bateaux qui se dirigeaient vers la Colombie- Britannique ont été interceptés par le gouvernement chinois. C'est très important. Nous cherchons à résoudre le problème en discutant des différentes mesures à prendre une fois qu'ils sont arrivés chez nous. Il faudrait faire de la prévention, car ce mouvement ne fait que commencer.

Je voudrais savoir quelles autres mesures nous pourrions prendre pour renforcer la prévention et faire comprendre à ces personnes les conséquences de leur venue ici. Je citerai l'exemple d'une personne qui semble s'être rendue clandestinement à New York. Elle a téléphoné à quelqu'un à Vancouver et lui a dit ne pas s'être rendu compte de ce qui arriverait et qu'elle voulait revenir à Vancouver. Tout cela se fonde sur les renseignements que nous avons. Nous savons aussi que si nous présentons une image exacte de la situation, le gouvernement chinois sera prêt à offrir son aide.

J'ai récemment appris que, selon certains avocats et gens d'affaires qui reviennent de Chine, le gouvernement central de Beijing, le groupe à qui nous avons parlé, travaillait en collaboration très étroite avec l'ambassadeur du Canada. Cette collaboration va-t-elle se resserrer maintenant que le gouvernement central a communiqué avec le gouvernement provincial du Fujian? Existe-t-il un autre moyen de faire de la prévention avant que tous ces bateaux n'arrivent ici et que nous ayons tous ces problèmes?

• 1720

Je ne suis pas pour la détention, car cela représente des frais énormes. C'est également injuste pour certaines provinces. Je voudrais vous demander à tous les deux si vous avez des suggestions.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Collacott.

M. Martin Collacott: Comme vous l'avez déjà indiqué dans le cas des Chinois réfugiés de la mer, la meilleure mesure préventive consiste à empêcher les bateaux de venir. C'est une bonne chose que les gens comme vous soient allés sur place pour en discuter.

Ce n'est pas facile étant donné que le gouvernement central a eu beaucoup à faire dans la province du Fujian par le passé. Pendant trois ans, la marine de l'Armée de libération du peuple s'est livrée à des opérations de piraterie à partir de cette province et a eu un affrontement armé avec les douaniers.

Mon beau-père vient de la province du Fujian. Je sais de quoi je parle en disant que ce sont des gens assez rudes.

Ce serait certainement l'idéal en plus d'obtenir des Chinois qu'ils reprennent ces gens-là, ce qui n'est pas facile s'ils reviennent sans pièces d'identité.

Cela dit, si les bateaux continuent d'arriver, le seul véritable facteur dissuasif est de faire en sorte que le jeu n'en vaille pas la chandelle. Je crois qu'il faut être assez sévère sur le plan de la détention. Pour en revenir à ce que disait M. Bauer, s'il y a de véritables réfugiés, nous l'établirons, mais il ne faut pas faciliter les choses pour la grande proportion de ces immigrants qui ne sont pas des réfugiés de bonne foi. Si nous pouvons les convaincre de ne plus venir, ce serait l'idéal. Je me réjouis de voir que nous consacrons autant d'efforts à ce problème.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Bauer, brièvement.

M. William Bauer: Le gouvernement chinois à Beijing va se dire prêt à coopérer, parce que c'est une mauvaise chose, mais je crois qu'il faut être réaliste. L'un des principaux problèmes dont le gouvernement se préoccupe est la corruption qui règne surtout au niveau local, et même dans le centre. Un grand nombre des gens qui coopèrent avec les passeurs sont des fonctionnaires locaux. Le gouvernement central a beaucoup de mal à garder la situation en main.

J'ai passé la moitié de ma carrière à faire valoir, au niveau international, que les gens devaient avoir le droit de quitter leur pays, mais par un ironique retour des choses, nous demandons maintenant à des régimes autoritaires de bien vouloir garder leurs gens chez eux. C'est un véritable dilemme. C'est ce que nous avons fait au Vietnam: nous avons demandé au gouvernement de garder ses gens alors que nous nous battions pour les faire sortir.

La suggestion de M. Collacott me semble la meilleure. Si nous rendons les conditions de séjour ici peu attrayantes et si nous ne payons pas pour ceux qui ne sont pas de véritables réfugiés, cela finira par se savoir. Néanmoins, comme vous le savez, la province du Fujian envoie des gens vers la montagne d'or depuis une centaine d'années. Le Fujian est une province qui exporte ses gens depuis toujours et c'est une coutume si profondément enracinée qu'il faudra déployer beaucoup d'efforts pour y mettre un terme.

Mme Sophia Leung: Je voudrais rapidement dire une chose. Si je crois le gouvernement chinois prêt à coopérer, c'est parce que c'est dans son intérêt. Il sait qu'au cours de nos discussions, nous avons fait valoir que c'est dans l'intérêt de la Chine, mais il se sent également embarrassé vis-à-vis du Canada.

Tout pays qui connaît un exode important, même le Canada, se demandera ce qui ne va pas chez lui. C'est ce que nous avons fait valoir au gouvernement chinois. Il a donc accepté de coopérer.

Je crois que vous avez également raison lorsque vous dites qu'il y a corruption. Est-ce que vous vous rendez compte que la Chine estime que le Canada est son meilleur ami? La Chine veut maintenir ce lien d'amitié et ne veut pas endommager nos liens commerciaux ni diplomatiques.

Le ministre de la Défense m'a informé que des bateaux patrouilleurs surveillent la région chaque jour, ce qui représente une mesure de surveillance additionnelle. Par contre, comme vous l'avez dit, nous devrions leur dire la vérité: ce n'est pas une montagne d'or qui les attend, mais bien l'incarcération.

M. William Bauer: Ils ont un arrangement.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Merci, madame Leung. Je sais que cette question vous tient à coeur et que vous y travaillez beaucoup.

Monsieur Bryden, votre nom figure sur ma liste, mais je me demande si vous ne voudriez pas donner votre temps aux deux témoins pour qu'ils puissent conclure.

M. John Bryden: Non, pas vraiment.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Je vous demanderai donc d'être bref.

M. John Bryden: J'essaie d'obtenir des informations.

Il y a une chose que je n'ai jamais comprise au sujet de ces migrants. Comment les passeurs peuvent-ils réaliser des profits quand leurs clients sont si pauvres? D'où obtiennent-ils leur argent?

• 1725

M. William Bauer: Lorsque les migrants arrivent, c'est souvent la famille étendue au Fujian qui paie. Mais l'argent n'est pas toujours payé à l'avance. Parfois les passeurs n'en reçoivent qu'une partie. Les migrants se rendent ensuite à New York et travaillent soit dans des restaurants ou des ateliers de couture clandestins. Ou bien ils se rendent à Toronto pour la même raison. Ils travaillent pour les Big Circle Boys et font leur sale besogne.

On les occupe à faire toutes sortes de choses. Des entreprises américaines et même canadiennes sont complices dans toute cette affaire: ils embauchent les migrants, tout en sachant qu'ils sont illégaux, parce que ce sont des esclaves à bon marché. Les syndicats n'aiment pas la situation et on ne peut pas les en blâmer. Aux États-Unis, les abattoirs et l'industrie de la transformation du poulet fourmillent de travailleurs illégaux provenant de l'Amérique latine.

Donc, les migrants gagnent ainsi leur argent et l'envoie à l'endroit d'où ils sont venus, sinon leurs familles doivent payer. Il y a eu plusieurs cas, ne serait-ce qu'aux États-Unis, où des familles se sont vues recevoir le doigt de leur fille en guise d'avertissement de ce qui pourrait se produire à l'avenir. Le doigt avait simplement été coupé. Les passeurs sont des gens vicieux et feraient n'importe quoi pour se faire payer.

Ils ont une autre façon de toucher leur argent. Selon le HCR, chaque année, un demi-million de femmes sont passées illégalement en Europe de l'Ouest à des fins de prostitution. On envoie de jeunes enfants dans l'Europe de l'Ouest et au Canada qui se font abuser par des pédophiles. L'autre jour, je lisais que le Canada est en train de devenir une destination de choix pour des pédophiles cherchant à avoir des relations sexuelles avec de jeunes garçons. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié constate une augmentation—ce que j'ai observé lorsque j'y étais—du nombre de demandes faites par des mineurs, des jeunes garçons qui arrivent avec un «oncle» et récitent une histoire inventée.

Il y a donc plusieurs façons pour les migrants de rembourser l'argent qu'ils doivent. Croyez-moi, tous les passeurs se font payer, sinon ils se vengent. Je crois que vous seriez d'accord avec cela, n'est-ce pas?

M. John Bryden: Il s'agit réellement de l'esclavage au XXIe siècle. C'est de l'esclavage.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Nous manquons de temps, mais je me demande si M. Bauer ne pourrait pas nous remettre la liste dont vous avez parlé en réponse à la question posée par M. Anders.

Vous nous avez fait des témoignages fort intéressants, qui nous aideront dans nos travaux. Je suis d'accord avec vos remarques liminaires. Je me rappelle de ce que M. Bauer a dit et je suis certain que M. Collacott partage son opinion. Il a dit que cette question n'est pas et ne devrait pas être partisane. Ce système sera d'une importance capitale au cours des 100 prochaines années pour le Canada et nous devons nous assurer qu'il fonctionnera de la façon la plus efficace possible.

Alors pourrait-on abuser de votre gentillesse en vous demandant de présenter au comité un mémoire concis et franc qui précise les mesures que vous suggérez?

M. Martin Collacott: En fait, j'ai présenté mes arguments précis et je crois que vous en avez une copie.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Bauer, est-ce que le comité pourrait obtenir un document écrit exposant vos idées?

M. William Bauer: Je pourrais probablement vous fournir quelques faits saillants de vive voix.

M. John Bryden: Monsieur le président, pourquoi ne pourrait-on pas simplement lui permettre de s'expliquer pour le compte rendu? Il nous reste encore quelques minutes.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): On pourrait faire cela, mais nous avons tous d'autres réunions. La présente réunion se termine à 17 h 30. Bien que je serais ravi de rester ici pour une demi-heure encore, je ne suis simplement pas capable de le faire.

M. William Bauer: Il me semble qu'un des députés a dit que j'aurais dû le faire dès le début plutôt que de me lancer dans ce qu'il a appelé une diatribe, je crois. Je suis très désolé si certains députés ont perçu mes propos comme une diatribe, parce que ce n'était pas mon intention. Je voulais exposer les faits. Je ne prêche pas pour mon saint. Je n'ai pas laissé de côté pour trois jours le livre que je suis en train d'écrire afin de venir ici me lancer dans une diatribe devant un groupe de députés intelligents.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Ne châtiez pas tout le monde en raison d'un seul commentaire. Nous apprécions beaucoup vos efforts.

M. William Bauer: Non, seulement un député. Je crois qu'il faut être franc dans ces circonstances, monsieur le président. Je ne peux pas accepter un tel argument ad hominem.

Par contre, j'ai l'intention de consacrer environ trois chapitres de mon livre à des mesures qui visent à améliorer le système.

M. Rob Anders: Quand sera-t-il publié?

M. William Bauer: Dès que je pourrai quitter cette réunion. Je ne veux pas manquer de respect, monsieur le président, et je ne veux pas vous offenser.

• 1730

On pourrait faire de nombreux changements. Dans certains cas, il s'agirait d'apporter de petites améliorations progressives aux mesures actuelles d'accès au processus à l'étranger. Par exemple, M. Bryden a parlé du ministère des Affaires étrangères. Autrefois, dans certains pays, comme l'Allemagne... l'ambassade de Bonn, qui est maintenant à Berlin, collaborait très étroitement avec le ministère de l'Immigration et les instances allemandes afin de contrôler les personnes qui cherchaient un pays d'asile, qui étaient protégées en Allemagne mais qui venaient au Canada après trois ou quatre ans. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qu'on appelle le MAECI, n'a pas les ressources nécessaires pour fournir un tel service. Le service extérieur de la Norvège a fait des vérifications dans les villages dans le nord de Sri Lanka et il a constaté qu'un bon nombre de ceux qui avaient demandé le statut de réfugié n'existaient pas. Ils étaient venus de l'Inde.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Monsieur Bauer, je suis désolé, mais notre temps est écoulé. Nous ne pouvons simplement pas prendre connaissance des situations dans tous les autres pays à cet égard. Le comité n'a pas le temps de faire cela.

M. William Bauer: Je le comprends.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Vous pourriez peut-être nous envoyer les faits saillants. Nous ne voulons rien soustraire à votre livre, ni vous amener à divulguer à l'avance des informations pour lesquelles nous allons tous sans doute payer de l'argent.

Au nom du comité et tous les partis politiques, j'aimerais vous remercier. J'aimerais vous remercier pour les services formidables que vous avez rendus à ce pays pendant de nombreuses années et pour les expériences que vous nous avez décrites. Je peux vous assurer que le président ne considère pas vos propos d'aujourd'hui comme une diatribe, mais plutôt comme des commentaires informés, utiles et très francs sur ce système.

Notre prochaine réunion aura lieu demain à 9 h 00 dans cette même salle. La séance est levée.