Passer au contenu
Début du contenu

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 décembre 1999

• 1459

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Messieurs les membres du comité, je déclare ouverte cette séance dans la bonne ville de Prince Albert. J'invite tout le monde à s'asseoir.

Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du comité permanent de la Chambre des communes. Nous allons être ici pendant les trois prochaines heures et demie. Nous sortons tout juste d'une séance très fructueuse à Regina. Nous y avons passé trois heures et demie et nous y avons rencontré un grand nombre d'agriculteurs. Nous avons procédé à un échange très franc et je ne doute pas qu'il en soit de même ici à Prince Albert.

• 1500

Tout d'abord, j'aimerais que les membres du comité se présentent, et ensuite nous présenterons le premier groupe de témoins. Murray, voulez-vous commencer?

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Murray Calder. Je suis vice-président du comité permanent. Ma circonscription est située dans le centre de l'Ontario. Dans mon autre vie, je suis éleveur de poulets. Je suis éleveur de poulets à temps partiel tandis que ma femme est éleveuse de poulets à plein temps. J'ai survécu à la crise agricole du milieu des années 80.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Bonjour, je m'appelle Larry McCormick, et je suis originaire de l'est de l'Ontario. Je suis heureux d'être de retour en Saskatchewan. J'ai sillonné la province en voiture cet été. Je suis président de notre caucus rural.

M. Joe MgGuire (Egmont, Lib.): Je m'appelle Joe MgGuire. Je suis secrétaire parlementaire de Lyle. Je suis originaire d'Egmont, dans l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Garry Breitkreuz (Yorton—Melville, Réf.): Je suis Gerry Breitkreuz, député de la circonscription de Yorton—Melville. J'aimerais profiter de cette occasion pour souhaiter la bienvenue au comité dans ma province. C'est vraiment agréable de voir tant d'agriculteurs de la région. Bienvenue à tous.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je suis Dick Proctor, député de la circonscription de Palliser, dans cette province, la Saskatchewan. Je suis porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d'agriculture.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Je m'appelle Rick Borotsik. Je suis député de Brandon, au Manitoba. Je suis porte- parole du Parti progressiste conservateur en matière d'agriculture et président du caucus national de notre parti.

M. Murray Calder: Vraiment?

M. Rick Borotsik: Oui. J'ai toujours été président du caucus national. Il est président du caucus rural, je suis président du caucus national du Parti conservateur.

Le président: Bon, calmez-vous, messieurs. On a du travail à faire.

Je m'appelle John Harvard. Je suis président du comité et je viens de la bonne ville de Winnipeg.

Je vous présente notre premier groupe de témoins: Dave Bailey, Barbara et Bob Willick, Leonard Blocka et Mark Cousin. Nous allons procéder par ordre alphabétique. On espère que vous vous limiterez à sept minutes; de la sorte, on aura assez de temps pour les questions.

M. David Bailey (témoignage à titre personnel): J'aimerais remercier le comité d'être venu jusqu'à nous.

Je vais aller droit au but: l'ACRA n'est pas adaptée aux producteurs de céréales. C'est une catastrophe. Il faut remplacer ce programme.

J'aimerais que vous réfléchissiez à ceci, bonnes gens. Aimeriez-vous, en tant que députés, travailler en plus comme pompiste? Aimeriez-vous verser tous vos gains au fisc juste pour conserver votre poste de député? C'est pourtant où va le revenu d'appoint des agriculteurs, de leur épouse, ou des deux conjoints.

Pourriez-vous, en tant que député ou autre salarié, verser un nouvel impôt au gouvernement du jour équivalant à 25 ou 30 p. 100 de votre revenu brut? Seriez-vous en mesure de respecter vos obligations financières mensuelles ou annuelles? Non, je ne le crois pas. Pour les fermes de l'Ouest, l'augmentation du coût du transport équivaut à un tel impôt. Les conservateurs ont commencé à libéraliser la LTGO, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Puis, votre gouvernement l'a entièrement libéralisée, et nos frais de transport ont augmenté de 800 p. 100. Oui, de 800 p. 100, bonnes gens. Vous voyez maintenant pourquoi nous sommes en difficulté?

Pendant le débat sur le tarif du Nid-de-Corbeau, il y a eu près de 137 réunions dans l'ouest du Canada et les agriculteurs y ont fait part de leur point de vue. Ils ont dit au comité chargé de l'opération—c'était en fait une firme engagée par le gouvernement—qu'il ne fallait pas libéraliser la LTGO ni éliminer le tarif du Nid-de-Corbeau , et nous vous avions dit pourquoi: les tarifs-marchandises augmenteraient, le service ferroviaire se détériorerait, les lignes secondaires fermeraient, les silos à grain fermeraient, les agriculteurs n'avaient pas les moyens de payer le plein tarif-marchandise, les routes seraient abîmées par le surcroît de circulation, et nos impôts augmenteraient afin de les réparer. À cela, le gouvernement fédéral avait répondu que le CN et le CP ainsi que les compagnies céréalières étaient de bons citoyens et que rien de tout cela ne se produirait. Malheureusement, c'est ce qui s'est passé et nous sommes au bord du gouffre.

Vous parviendrez peut-être à la conclusion que les agriculteurs survivront, mais c'est faux.

Quelle est votre vision du Canada? Un pays de villes, sans villages, uniquement des sociétés commerciales pour fermes? Allons- nous devoir importer notre nourriture? En Saskatchewan, chaque village où il y a deux entreprises de stockage de grain voit passer près de 3 millions de boisseaux de grain; avant l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau et l'entrée en vigueur de la nouvelle LTGO, chacune de ces localités payaient environ 375 000 $ en transport. Après l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau, le transport a augmenté de 800 p. 100 et les localités ont maintenant 2 625 000 $ de moins pour payer les factures. Une ferme moyenne produit 40 000 boisseaux, le transport lui coûte 40 000 $, soit une augmentation d'environ 35 000 $. Avant, nous payions aux environs de 5 000 $.

• 1505

Les études qui ont été faites jusqu'à maintenant, y compris cette année, indiquent que les tarifs des compagnies ferroviaires sont excessifs. Cela fait boule de neige. Les silos ferment, les emplois disparaissent. Si deux silos ferment, nous perdons entre 170 000 $ et 200 000t<$ en salaires, sans compter les taxes scolaires et autres. Ce sont des pressions supplémentaires pour les commerçants qui finissent par fermer leur porte.

Vous nous demandez à nous, les agriculteurs de l'Ouest, des solutions à nos problèmes, nous vous donnons des réponses et peut- être même un début de solution. Pourquoi le gouvernement libéral veut-il nous aliéner? Quand ça va bien dans l'agriculture de l'Ouest, ça va bien au Canada et dans les autres provinces, et vice versa.

J'aimerais vous laisser avec un ou deux sujets de réflexion. Les agriculteurs sont en difficulté non seulement à cause de la faiblesse du cours des céréales et des subventions dont jouissent les producteurs de céréales d'Europe et des États-Unis, dont l'effet a été amplifié par la sécheresse et les inondations, mais également à cause de la politique agricole d'Ottawa. Vous avez été chercher des millions de dollars dans nos poches et nous n'arrivons plus à payer nos factures; le transport et les autres intrants représentent des coûts énormes.

Nous avons parlé à des gens au ministère de l'Agriculture qui nous ont dit qu'ils savaient que lorsque le tarif du Nid-de-Corbeau serait éliminé, nos frais de transport augmenteraient et les céréales nous rapporteraient moins.

M. Vanclief dit qu'il comprend les problèmes de l'Ouest, et nous savons qu'il a perdu sa ferme, mais il admet que c'est à cause des taux d'intérêts, du fait qu'il avait laissé les tomates pourrir dans les champs, de la faiblesse des cours, etc, mais il n'a pas eu à absorber une augmentation de 800 p. 100 du coût du transport.

L'excédent budgétaire dont Ottawa jouit actuellement a été en partie accumulé sur le dos des agriculteurs. Le fardeau que représente l'excédent budgétaire d'Ottawa pour les agriculteurs de l'Ouest est un phénomène qui se reproduit d'une année sur l'autre. Il n'est pas limité à une seule année. C'est chaque foutue année que nous devons payer plus cher pour le transport.

Il y a quelques jours, le premier ministre Jean Chrétien a dit aux libéraux du Québec que le Parti libéral était à Ottawa pour assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Ici, dans l'Ouest, nous nous demandons si c'est vraiment un bon gouvernement.

Nous réclamons des paiements compensatoires pour les producteurs de céréales de la Saskatchewan afin qu'ils soient plus à même de relever la concurrence des Américains et des Européens. Et nous en avons besoin immédiatement.

Je vais conclure là-dessus: ma femme et moi exploitons 1 500 acres, dont 300 sont en pâturage et 1 200 cultivés. Ma femme travaille en dehors de la ferme. Nous avons diversifié notre production et nous nous sommes endettés davantage pour ce faire; nous avons maintenant 40 têtes de bétail de boucherie. Nous avons investi toutes nos actions de la Saskatchewan Wheat Pool dans notre ferme ainsi que la totalité des indemnités du Nid-de-Corbeau. Nous n'arrêtons pas d'investir et vous n'arrêtez pas de nous enfoncer plus profondément. Ça ne peut pas continuer.

J'ai deux fils. Ils ont tous les deux quitté la ferme pour des professions autres que l'agriculture; nous sommes des professionnels de l'agriculture.

L'ACRA n'est pas adapté aux producteurs de céréales de l'Ouest. Nos coûts de transport ont augmenté de 800 p. 100. L'assurance-récolte n'est pas suffisante; 80 p. 100 ne couvrent pas nos frais. Les cours des céréales sont bas—l'avoine, le canola, l'orge et le blé—et nous ne pouvons pas continuer à produire des denrées qui ne couvrent pas nos coûts de production. Il nous faut des programmes d'aide aux fermes familiales qui encouragent les jeunes à rester.

Merci.

Le président: Je vous remercie, monsieur Bailey.

En réponse à votre question de savoir si nous aimerions être pompistes comme emploi d'appoint, je vous dirai que certaines personnes pensent que c'est notre emploi principal.

J'aimerais prévenir les membres de l'auditoire que pendant les dernières 45 minutes de la séance, soit de 17 h 30 à 18 h 15, ils pourront poser des questions. Si vous voulez vous inscrire sur la liste, s'il vous plaît n'hésitez pas. Adressez-vous à un certain Michel, au fond de la salle. Nous avons de la place pour 8 ou 10 agriculteurs, si vous mettez votre nom sur la liste.

Passons maintenant à M. Leonard Blocka.

• 1510

M. Leonard Blocka (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur.

J'ai des exemplaires de mon exposé.

Le président: Parfait, quelqu'un va les ramasser. Le voici.

M. Leonard Blocka: Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité et du public.

Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue au comité à Prince Albert et le féliciter des efforts qu'il déploie en vue de recueillir le point de vue des agriculteurs et de la base sur ce sujet critique qu'est l'agriculture, sujet qui revêt une importance nationale.

Je vous remercie également de cette occasion de vous faire part de mon point de vue et de celui d'autres producteurs. J'ai préparé cet exposé avec d'autres producteurs.

Je m'appelle Leonard Blocka. Mon frère Don et moi sommes partenaires; nous faisons de la polyculture. Nous avons 60 vaches laitières, 60 têtes de bétails de boucherie et nous plantons 25 acres, la majorité en blé que nous vendons. Don et moi faisons partie de nombreux comités qui s'occupent, de près ou de loin, d'agriculture.

Il n'y a pas de place ici, mais je suis venu avec deux autres agriculteurs de la région qui pourront me servir de références si besoin est. Eugene Matwishyn et son frère sont des producteurs de céréales; leur exploitation, située au sud de Prince Albert, est de taille moyenne. Il y a aussi Gerald Dupuis, qui est cultivateur depuis plus longtemps que nous deux réunis. Sa ferme est située au sud de Prince Albert. Ces agriculteurs connaissent à fond le secteur céréalier et je connais l'industrie laitière.

Il y a une chose que nous devons souligner. Nous appuyons la demande des regroupements d'agriculteurs de la Saskatchewan et du gouvernement provincial qui réclament que le gouvernement fédéral aide les agriculteurs de la Saskatchewan et de l'Ouest. L'aide dont nous avons désespérément besoin pour cette campagne s'élève à 1 milliard de dollars en paiements compensatoires. Ce soutien financier devra se poursuivre à l'avenir puisque les négociations de l'Organisation mondiale du commerce ne font que commencer. Il n'y aura pas de changements avant au moins cinq ou huit ans et les Européens et les Américains ne diminueront pas les subventions qu'ils versent à leurs producteurs. Les délais pourraient être plus longs car, comme nous avons tous pu nous en apercevoir dernièrement, cette série de négociations s'annonce plus longue et plus protectionniste que la précédente.

Un programme appelée ACRA a été lancé, de façon improvisée, pour essayer de répondre à la crise du revenu dans l'Ouest, notamment dans les Prairies. Je dois dire que l'ACRA ne marche pas et que ce programme est loin de résoudre la crise du revenu.

La raison pour laquelle l'ACRA ne marche pas est que c'est tout simplement un cauchemar bureaucratique. Les formulaires de demande sont très complexes. On ne peut y inscrire aucune dépense d'entreprise légitime. Par exemple: les pertes, le coût de la terre, et autres choses dont on m'a informé comme les déductions pour amortissement, les intérêts, le loyer—toutes des dépenses d'entreprise légitimes. C'est insensé.

Le programme est injuste pour les exploitants de fermes efficaces et diversifiées. Pourquoi nous qui faisons de la polyculture devrions-nous aider à maintenir à flot les producteurs de céréales? En affaires, chaque secteur doit faire sa part. Les montants sont bien inférieurs à ce qui est nécessaire. Beaucoup d'agriculteurs ont fait une demande, mais la majorité se sont vu refuser tout paiement. J'ai parlé ces derniers jours à un certain nombre de producteurs et pas un ne m'a dit avoir reçu de paiement.

Voici un exemple du manque d'équité du programme, et il pourrait y en avoir d'autres. Celui-ci est bizarre.

Une personne qui avait fait carrière au gouvernement a pris sa retraite l'an dernier. Elle cultive deux quarts de section depuis plusieurs années. Sa demande a été approuvée. C'est une personne qui touche une retraite importante. Elle a fait une demande dans le cadre de l'ACRA, sa demande a été approuvée et elle a reçu une somme importante dans des délais très courts. Pendant ce temps-là, les agriculteurs à temps plein qui n'ont plus un sou voient leurs demandes rejetées. C'est à n'y rien comprendre.

L'ACRA ne marche pas. Ce programme est loin de répondre aux besoins des agriculteurs qui ont un besoin urgent d'aide financière. C'est une responsabilité fédérale, une urgence nationale. Ce n'est pas la province qui a signé les traités commerciaux, c'est le fédéral. Le gouvernement fédéral a sacrifié une grande portion de l'agriculture canadienne aux dernières négociations de l'Organisation mondiale du commerce en acceptant de réduire les subventions. Qu'ont fait les Européens et les Américains? Le fait est que, sous la pression des sociétés et des actionnaires à la recherche de bénéfices plus importants, les négociateurs canadiens ont sacrifié le gagne-pain des producteurs canadiens.

• 1515

On a montré du doigt le secteur soumis à la gestion de l'offre, l'accusant d'être responsable de certaines distorsions commerciales. C'est parfaitement ridicule. Ce secteur assure des revenus raisonnables et approvisionne le marché interne, pas le marché international, et dans des proportions moindres que le soi- disant marché libre des États-Unis. Pourquoi faire baisser les revenus et détruire un système qui fonctionne bien, à savoir celui de la gestion de l'offre? D'autres secteurs en difficulté financière ont besoin d'aide pour qu'ils assurent des revenus décents. C'est le rôle du gouvernement fédéral. Et il faut qu'il fasse vite.

Voici quelques recommandations.

La proposition de la délégation de la Saskatchewan mérite d'être appuyée. Le revenu agricole net en espèce a chuté d'un milliard de dollars en 1998 et 1999. Pour remédier à ce manque à gagner, les producteurs devraient recevoir un paiement calculé d'après la superficie qu'ils exploitent, méthode rapide et simple à administrer.

Déclarer une situation d'urgence n'est une mesure de distorsion du commerce. Par le biais du régime fiscal on recouvrerait l'argent versé aux producteurs ayant un revenu suffisant. Un paiement à l'acre reconnaît que les producteurs sont pris dans une guerre commerciale internationale. En Saskatchewan, il s'élèverait seulement à environ 21 $ par acre cultivé, ce qui donne un milliard de dollars. C'est l'exploitant qui encourt les frais de production qui doit recevoir l'argent.

Le programme pourrait être administré de plusieurs façons: par l'intermédiaire des détenteurs de carnets de permis; certains producteurs devraient faire une déclaration car ils n'ont pas de carnet de permis; ou par l'intermédiaire des municipalités. Le ministre Vanclief a dit à la réunion annuelle du Saskatchewan Wheat Pool qu'il fallait faire davantage pour appuyer les agriculteurs dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Il faut mettre en place un filet de sécurité pour le long terme, filet qui remédierait à la baisse constante du revenu agricole et aux manques à gagner. L'Organisation mondiale du commerce et les subventions accordées par l'Union européenne et les États-Unis ne sont pas sur le point de changer.

Parmi les choses à améliorer citons: l'ACRA. Il y a beaucoup d'améliorations à faire à cet égard. L'assurance-récolte. Appuyer l'industrie agricole pendant que les deux géants commerciaux, à savoir l'Union européenne et les États-Unis, maintiennent leurs subventions à l'exportation. Le Canada doit demeurer ferme aux négociations commerciales internationales et faire pression pour que soient éliminées les mesures de distorsion que sont les subventions à l'exportation de ces deux blocs.

Le gouvernement fédéral pourrait aider les producteurs sans faire appel aux contribuables. On pourrait apporter des changements au système de transport et de manutention des céréales qui maximiseraient les bénéfices des producteurs. Un exemple est le rapport Kroeger; le système pourrait être rendu plus favorable aux producteurs. L'élimination en 1995 de la subvention du Nid-de- Corbeau s'est traduite, pour les seuls producteurs de la Saskatchewan, par une diminution de 320 millions de dollars de leur revenu annuel. Il faut ouvrir l'industrie ferroviaire à la concurrence. Cela ferait baisser les tarifs. Par ailleurs, les agriculteurs contribuent de façon importante aux finances du pays Les chiffres indiquent que les impôts constituent 48 p. 100 du coût des intrants.

En conclusion, je dirai que les agriculteurs font des efforts énormes pour améliorer leur efficacité, mais leurs bénéfices sont continuellement grugés. Le secteur des affaires parle toujours de résultats financiers et d'accroître le rendement des actions. Nous savons tous que les résultats des sociétés ne cessent de s'améliorer et leurs bénéfices ne cessent d'augmenter. Qu'y aurait- il de mal à ce que les agriculteurs aient un revenu décent?

La somme qui est demandée est minime par rapport à l'ensemble du budget fédéral; elle entraînerait des retombées économiques considérables se traduisant par une poussée de croissance et la prospérité dans le reste du pays.

Merci, messieurs.

Le président: Merci, monsieur Blocka.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous allons maintenant écouter le témoignage de Mark Cousin.

Je vous souhaite la bienvenue.

M. Mark Cousin (témoignage à titre personnel): Merci de m'avoir donné l'occasion de venir ici aujourd'hui participer à cet exercice qui, espérons le, vous aidera à comprendre le désespoir et la désolation de nos collectivités agricoles.

Loin d'être un pas en avant, le dépeuplement du Canada rural est sans aucun doute un énorme pas en arrière pour la structure sociale de notre pays. Alors que les deux ordres de gouvernement se plient aux volontés du monde des affaires, des familles sont arrachées à leur ferme au nom de la responsabilité financière. Les prix à la production sont tombés à un niveau jamais atteint, poussés par les exigences des sociétés américaines qui réclament des matières premières sans cesse moins chères.

Les bénéfices réalisés grâce à la faiblesse du cours des denrées ne profitent pas aux consommateurs; ils sont engloutis par les sociétés et accélèrent les acquisitions et les prises de contrôle effectuées au nom de l'efficacité. Pendant que les sociétés deviennent de plus en plus grosses, rivalisant avec le gouvernement pour ce qui est de la taille, qui est à la barre? Sans un gouvernement fort et déterminé, la tendance devient irréversible. Comme dans des sables mouvants, plus on avance, plus s'est difficile de s'en sortir. C'est à vous, nos représentants, de mettre le holà à cet assaut contre le Canada rural et urbain, et de faire en sorte que la vie soit à nouveau supportable pour des millions de Canadiens.

• 1520

Ce pays est riche en ressources naturelles de toutes sortes. Les Canadiens devraient partager cette richesse au lieu d'être réduits à un niveau de vie similaire à celui du tiers monde, et ce, au nom de la mondialisation, mot-code du monde des affaires pour justifier son comportement.

Assis ici aujourd'hui dans cet environnement luxueux, il nous est difficile d'apprécier les circonstances désespérées des agriculteurs. Pour vraiment se rendre compte des souffrances causées par la crise, il faut être sur place, non pas sept minutes, mais sept ans, et être témoins de la peine ressentie par les enfants et les conjoints qui s'accrochent à un rêve devenu un cauchemar. Quand un rêve meurt, c'est dur pour tout le monde. Quand un rêve meurt, une partie de nous meurt avec.

Les familles d'agriculteurs se demandent ce qui leur reste, vers où se tourner. Quand le cours des denrées tombe en deçà du coût de production, que peut-on faire d'autres? Au fur et à mesure que les régions rurales se dépeuplent, les écoles, les magasins et les garages succombent au manque de ressources. L'élevage d'animaux non traditionnels tels que l'élan, le bison, l'autruche et le lama peut être un piège pour les agriculteurs inexpérimentés qui n'ont pas l'habitude de prix cycliques extrêmes ou erratiques, déjouant leurs efforts en vue de maintenir la rentabilité de leur exploitation avec des ressources décroissantes. C'est une solution intéressante, mais le temps n'est pas en faveur des agriculteurs en difficulté. Sans revenu de leur exploitation existante, investir des fonds empruntés dans la diversification est une entreprise risquée et très stressante.

Le travail ne rebute pas les agriculteurs. Promettez-leur un revenu décent et ils travailleront 15 heures par jours, tous les jours de l'année.

Il est prouvé que la petite ferme familiale a toujours été l'unité de production la plus efficace au monde. Les nations s'effondrent quand les agriculteurs sont chassés de leurs terres par la guerre. Nous sommes chassés de nos terres par une guerre économique. La seule différence est le temps que cela prendra.

Au fur et à mesure que les sociétés prennent le contrôle de tous les secteurs de l'agroalimentaire, la détermination des prix devient problématique. Déterminer le prix d'une denrée devient un problème du fait que la majorité de la production se fait sous contrat et qu'il n'est plus obligatoire d'en révéler le prix. Le secteur du bétail connaît ce problème depuis une décennie, depuis que s'est intensifiée la concentration des abattoirs. Certains économistes évaluent à au moins 10c. les pertes sur le marché du bétail engraissé dues à la manipulation des prix par les abattoirs. Les chiffres sont là pour le prouver.

Ce sera bientôt le tour du secteur du porc. Après deux années consécutives pendant lesquelles les cours ont été bien en deçà des coûts de production, l'industrie du porc vit la pire crise de son histoire, laissant de nombreuses victimes sur son chemin. Si une grosse entreprise licenciait 250 personnes, cela attirerait l'attention du gouvernement, mais quand 250 éleveurs déposent leur bilan, personne ne dit mot. À mesure que le revenu agricole diminue, un revenu d'appoint devient nécessaire, ce qui rétrécit le marché du travail pour le reste de la collectivité. Un filet de sécurité décent rendrait la situation plus supportable, et le coût réel pour le gouvernement ne serait qu'une fraction de la sommes initiale. L'ACRA et le CSRN sont un pas dans la bonne direction, mais 70 p. 100 de trois mauvaises années, ça ne suffit pas. Dans la plupart des cas, 100 p. 100 serait à peine suffisant.

J'ai entre les mains un document qui compare les subventions aux producteurs exprimées en pourcentage. Pour toutes les denrées, les États-Unis sont à 22 p. .100, le Canada à 16 p. .100 et l'Union européenne à 45 p. 100. Si on ne tient pas compte des oeufs et du lait, produits principalement dans l'Est, nous tombons à 6 p. 100. La solution n'est pas de supprimer les subventions à l'étranger, mais il ne serait que juste de nous accorder l'équivalent.

La solution est simple. Qu'on nous donne notre juste part de ce que les consommateurs dépensent pour se nourrir. Notre part du budget des consommateurs diminue depuis plusieurs décennies. Il faut sensibiliser les consommateurs à nos difficultés et faire pression sur le gouvernement pour qu'il renverse cette tendance.

J'espère que mes propos vous ont donné une idée du problème que nous vivons. Je vous encourage à nous aider dans notre lutte. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Cousin.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous allons maintenant écouter l'exposé de Bob et Barbara Willick.

On va venir ramasser votre mémoire, monsieur Willick. Vous pouvez commencer.

Mme Barbara Willick (témoignage à titre personnel): Bonjour et merci d'être venus à Prince Albert.

J'exploite depuis 20 ans une ferme avec mon mari Robert à Blaine Lake, en Saskatchewan. La crise agricole dans notre province est plus que grave, elle a atteint un point critique. Actuellement, de nombreuses fermes sont sous le coup d'une saisie et les agriculteurs sont obligés de quitter leurs terres. Il y a des agriculteurs qui n'ont même pas de quoi acheter de l'épicerie et leurs enfants se couchent le ventre vide.

Après avoir fait une journée de 12 à 14 heures et dormi une ou deux heures, Les agriculteurs ne veulent pas être obligés de prendre la route pour aller travailler en ville. C'est une cause d'accidents et de stress incroyable. Les agriculteurs n'ont plus de crédit et ils ne sont pas admissibles au bien-être social.

Nous demandons au gouvernement fédéral de mettre immédiatement le holà à cette situation. Pendant combien de temps encore le premier ministre s'attend-il à ce que les agriculteurs canadiens subventionnent l'industrie alimentaire? J'invite le premier ministre et sa femme Aline à se rendre en personne en Saskatchewan et à passer une journée avec une famille d'agriculteur. J'aimerais qu'ils vivent le stress d'avoir à essayer de nourrir sa famille tout en repoussant les agents de recouvrement.

• 1525

Le gouvernement fédéral doit accepter ses responsabilités; c'est lui qui a limité les programmes d'aide à l'agriculture et conçu des programmes qui vont à l'encontre des intérêts des agriculteurs tels que l'élimination de la subvention du Nid-de- Corbeau, l'abandon de lignes ferroviaires, l'élimination du crédit d'impôt sur les machines et l'équipement neufs, la suppression de la disposition de la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu permettant l'étalement du revenu sur cinq ans, et la prolongation de la protection des brevets des compagnies pharmaceutiques. Le gouvernement fédéral s'est déchargé de ses responsabilités sur la province, forçant cette dernière à hausser les impôts fonciers et le coût de l'éducation et de la santé.

Voici quelques solutions à la crise agricole: Verser immédiatement aux agriculteurs un paiement en espèce par acre. Changer les règles du CSRN pour que les agriculteurs qui ont été obligés de toucher le maximum auquel ils avaient droit dans le cadre du CSRN puissent être à nouveau admissibles au programme sans pénalité. Nous déclarer zone sinistrée, ainsi les politiciens fédéraux et provinciaux pourraient nous accorder des subventions et le programme serait conforme aux règles du GAAT. Imposer immédiatement un moratoire sur la saisie de fermes. Faire une étude sur les impôts cachés de 49 p. 100 que le gouvernement prélève sur les produits chimiques, les engrais et les carburants afin de voir s'il n'y aurait pas lieu de les réduire. Chercher à savoir pourquoi la direction des terres de la Saskatchewan de la SCA, et l'ACS ont cessé de relouer les terres aux producteurs.

Il est impératif de modifier immédiatement la politique agricole. La politique agricole à long terme doit être élaborée par les producteurs et non par les sociétés. Les agriculteurs et les groupes de pression financés par la base doivent participer à l'élaboration des programmes.

J'aimerais vous laisser sur ces mots: je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité et j'espère avoir exprimé la gravité de la crise agricole. Les agriculteurs de notre province espèrent encore que le gouvernement fédéral acceptera la responsabilité de la crise. En Saskatchewan, l'agriculteur moyen a 58 ans et a quitté l'école après la 8e année. À chaque fois qu'on essuie un refus ou qu'on se fait dire qu'il n'y a pas de crise, des agriculteurs se suicident. S'il vous plaît, réfléchissez-y et ne nous refusez pas l'aide dont nous avons besoin. Arrêtez de tuer les agriculteurs et les fermes familiales.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Maintenant, nous allons écouter le témoignage de l'autre moitié de la famille Willick.

M. Bob Willick (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de m'en donner la possibilité.

Le gouvernement doit reconnaître que l'excédent budgétaire fédéral de 95 milliards de dollars est dû en partie à l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau et à l'appauvrissement du RARB. Le versement immédiat aux agriculteurs d'un paiement de 80 $ l'acre nous rendrait l'argent qui nous a été pris. Cela permettrait aux agriculteurs de servir leur dette accumulée. La valeur nette de mon exploitation a diminué de 160 000 $, soit 100 $ l'acre. Le gouvernement doit reconnaître que les agriculteurs ne sont admissibles ni au bien-être social ni à l'AE et que nos avoirs que la crise est en train de gruger étaient notre régime de pension.

Le gouvernement a pour responsabilité de mettre en place une politique agricole permanente, conçue par les agriculteurs, qui soit à l'abri des changements à chaque fois que le gouvernement change et qui repose sur la productivité et les coûts de production assurant ainsi la parité avec le secteur industriel. Le gouvernement a pour responsabilité d'exercer des pressions en vue de l'élimination des subventions à l'exportation et de promouvoir des règles commerciales plus équitables. Les agriculteurs de la Saskatchewan sont parmi les plus productifs au monde, mais il faut que nous puissions nous battre à armes égales.

En permettant à l'agriculture d'être à nouveau rentable, on favorise l'épanouissement d'une économie à valeur ajoutée. L'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau était censée créer une nouvelle économie industrielle. En réalité, tout ce que ça a fait, c'est pendre de l'argent aux producteurs, anéantissant ainsi pour nous toute possibilité de participer à une nouvelle industrie.

Nous avons besoin du gouvernement, et le gouvernement a besoin de nous, pour accroître notre liberté. Comme nous n'avons aucune influence sur les prix, le cours des denrées et le marché soi- disant libre sont déformés par les subventions à l'exportation et par l'oligopole des compagnies céréalières qui contrôlent le marché international des céréales. Nous voulons être libres, mais on ne peut pas être libre quand on est pauvre.

Combien de fois avons-nous entendu la question: Pourquoi devrait-on appuyer l'agriculture avec l'argent des contribuables? Pour commencer, si on ne le fait pas, on estime à 4 milliards de dollars—nous avons entendu ce chiffre hier soir—les sommes qui seraient dépensées en prestations de bien-être social si nous étions forcés à abandonner nos fermes.

• 1530

J'aimerais proposer que l'on fasse faire une étude afin de déterminer la valeur exacte du secteur de la production de céréales dans l'ouest du Canada. Une telle étude n'a jamais eu lieu. J'ai essayé d'obtenir des renseignements à ce sujet et le cabinet de M. Vanclief m'a envoyé une épaisse documentation, mais je n'y ai rien trouvé de la sorte.

Une étude de ce genre permettrait de déterminer combien de fois un dollar mis dans la poche d'un agriculteur change de mains au Canada. Autrement dit, entre combien de mains passe-t-il à compter du moment où il quitte celles des agriculteurs et que nous payons tous nos frais d'engrais, de produits chimiques, de carburant, de pièces de machine ainsi que toutes les fournitures, le transport, les biens de consommation et les impôts.

Selon des évaluations faites aux États-Unis et en Europe, un dollar parti du secteur agricole change jusqu'à 20 fois de mains. Pas étonnant qu'ils subventionnent leurs producteurs. Ils en sont conscients, mais pas nous. Ainsi, par exemple, le secteur céréalier de la Saskatchewan dont le chiffre d'affaires brut est de 7 milliards si on inclut le transport—comme il se doit—correspond à 20 fois 7 milliards de dollars, soit 140 milliards de dollars. C'est difficile à croire, mais c'est ce que donnent les chiffres établis par d'autres pays. Ce sont 140 milliards de dollars qui ne circuleraient plus dans l'économie canadienne si la Saskatchewan arrêtait de produire des céréales. C'est un montant énorme puisque l'ensemble de l'économie canadienne est évalué à 717 milliards de dollars. Ces 140 milliards provenant de la seule Saskatchewan représentent environ 20 p. 100 de ce total. Il faut que cette étude débute immédiatement.

J'en ai parlé au professeur Jack Stabler de l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon. Il m'a dit qu'une étude de ce genre pouvait se faire en un an. Vu son importance et l'urgence de la situation, si on y consacrait plus de ressources, elle pourrait être faite en trois ou quatre mois.

Je n'arrive pas à comprendre. Comment les politiciens peuvent- ils prendre des décisions concernant l'agriculture sans avoir ces chiffres en main? Vous ne savez même pas quelle est la valeur de l'agriculture pour notre pays.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci beaucoup.

Le moment est venu pour les membres du comité de poser des questions. Nous allons commencer par M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup.

Vous nous avez certainement donné de quoi réfléchir. Ce que vous avez dit est essentiel. Nous essayons de faire comprendre aux habitants des grandes villes à quel point l'agriculture est importante pour le Canada, mais nous avons beaucoup de mal. Si on faisait une étude du genre de celle que vous proposez, elle nous aiderait grandement à démontrer l'importance de l'agriculture.

Mais il y a plus. Par exemple, l'importance des collectivités rurales pour les provinces. Elles sont d'une grande importance. J'apprécie toutes ces réflexions et je vous garantis que nous allons les communiquer.

En vous écoutant, je me suis aperçu que le même thème ressortait de vos témoignages: l'agriculture traverse une crise énorme. En fait, je n'ai encore entendu personne dire l'inverse. C'est un fait accepté de tous les partis, même au Parlement.

Il est très difficile d'obtenir l'unanimité des agriculteurs. Même en ce qui concerne l'ACRA. Certains ont touché quelque chose, mais d'après ce que je peux constater, c'est totalement insuffisant. Êtes-vous tous d'accord pour dire que l'ACRA ne marche pas, que des modifications mineures ne serviront à rien, qu'il faudrait plutôt procéder à un remaniement complet, à un versement généralisé? Qu'en pensez-vous?

[Note de la rédaction: applaudissements de l'auditoire]

M. Garry Breitkreuz: Monsieur le président, ceci est un peu inhabituel, mais puis-je demander au membres de l'auditoire de lever la main s'ils pensent qu'on devrait modifier un peu l'ACRA pour que le programme fonctionne?

Une voix: Non.

M. Garry Breitkreuz: Je ne vois que deux mains dans l'auditoire.

Combien d'entre vous pensent qu'il serait préférable de verser un paiement généralisé? La majorité. Merci.

Merci, monsieur le président.

L'un d'entre vous a invité le premier ministre à venir ici. Je pense aussi que ce serait très utile. J'aimerais qu'il fasse partie de notre comité. Ne lâchez pas. Je crois qu'il devrait voir à quel point la crise est grave. Malheureusement, ça ne passe pas bien à la télévision. Il n'y a pas d'images frappantes à montrer.

Outre ce que vous avez proposé, que pouvons-nous faire pour rejoindre les autres? Quelqu'un a-t-il une idée, ou la question mérite-t-elle une réflexion plus approfondie? Quelqu'un disait que c'est notre responsabilité. Peut-être bien.

Le président: Bob ou Barbara, vous alliez dire quelque chose?

• 1535

Mme Barbara Willick: On pourrait les inviter à venir dans nos localités.

M. Bob Willick: Oui.

Mme Barbara Willick: Invitons-les à venir passer une journée avec nous. Ils verraient ce que c'est, même pour nos enfants dans les communautés rurales.

M. Garry Breitkreuz: Oui. Les statistiques sur le suicide... dans ma circonscription, il y a eu des suicides attribués à cela. Quand je pense à la souffrance et au stress que subissent les familles et les enfants parce que leurs parents passent de longues heures au travail... je crois que cela pourrait être utile.

Une autre question fondamentale découle du fait que 48 p. 100 des coûts des intrants sont attribuables à l'impôt et aux taxes. Je ne crois pas que cet argent soit remboursé de quelque façon que ce soit sous forme d'aide gouvernementale. Une réduction du fardeau fiscal de 10 p. 100 ne serait-elle plus utile que n'importe quelle prestation du programme ACRA?

Une voix: Une baisse de 10 p. 100 ne serait pas suffisante.

Une voix: Dix pourcent ne serait pas suffisante.

M. Garry Breitkreuz: En effet, 10 p. 100 ne seraient pas suffisants, mais ce serait beaucoup plus utile qu'une prestation du programme ACRA, quelle qu'elle soit.

M. Bob Willick: En effet.

M. Garry Breitkreuz: J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Bob Willick: Je crois qu'il faudrait envisager un certain pourcentage. Je ne sais pas exactement à quel niveau il faudrait le fixer, mais en tout cas la question mérite certainement d'être examinée. Nous ne pouvons pas avancer de chiffre tant que toutes les statistiques ne seront pas disponibles. J'aimerais que toute cette question soit examinée.

Une voix: Il faut réduire le fardeau discal jusqu'à ce que la situation soit réglée à l'OMC.

Une voix: Assurément.

M. Leonard Blocka: Je voudrais ajouter quelque chose. Vous proposez de réduire les impôts, mais combien d'agriculteurs vont pouvoir survivre jusqu'à l'an prochain?

M. Garry Breitkreuz: En effet.

M. Leonard Blocka: S'ils ne tiennent pas le coup jusque là, il n'y aura plus d'intrants.

M. Garry Breitkreuz: Oui.

Quelqu'un parmi vous faisait également valoir que des solutions à long terme devront être trouvées et que les agriculteurs doivent avoir une lueur d'espoir, sinon les statistiques vont encore s'alourdir. Je me demande ce que vous en pensez.

Je voudrais aborder un autre aspect qu'on n'a pas encore soulevé aujourd'hui, mais qui l'a été durant d'autres séances. Une réponse générale me suffira. Certains ont exprimé l'opinion que la Commission canadienne du blé entrave les décisions des agriculteurs en matière de commercialisation. Quelqu'un a-t-il une opinion à ce sujet?

M. Dave Bailey: J'aimerais donner mon avis.

Le président: Monsieur Bailey.

M. Dave Bailey: Je ne partage pas du tout ce point de vue. Je suis un supporteur enthousiaste de la commission. Si je veux vendre mon blé dur, pourquoi n'accepterai-je pas les paiements provisoire et final et tout le reste? C'est un montant en prime. Ceux qui exercent des pressions en faveur de l'usine de pâtes alimentaires citent ce cas en exemple. Ils font valoir dans les journaux et ailleurs dans les médias que peu importe le prix que les producteurs obtiennent pour leur blé dur, le prix des pâtes ne varie pas et qu'ils devraient par conséquent empocher la prime que constituent les paiements provisoire et final et vendre leur blé à l'usine de pâtes par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé.

Les exploitants de l'usine savent d'où vient le blé. Le carnet de permis l'indique. Il suffirait donc d'empocher la prime que représentent les paiements provisoire et final et de vendre le blé à l'usine de pâtes par le truchement de la Commission canadienne du blé, et l'usine verserait le montant de la prime à l'agriculteur. Mais en agissant ainsi, on détruirait le compte de mise en commun de la commission.

Les agriculteurs qui vivent près de l'usine seraient ceux qui en bénéficieraient. Si un agriculteur doit expédier son blé à 300 milles de chez lui, qu'il n'a pas accès à une organisme comme la Commission canadienne du blé et qu'on décide de déclasser son blé de trois points parce qu'il contient 35 p. 100 de criblure, il y perdra au change. Cet agriculteur ne peut pas se permettre de repartir avec son produit.

Sans la Commission canadienne du blé... Si le libre marché est tellement merveilleux, comment expliquer que les agriculteurs aux États-Unis connaissent tellement de difficultés?

M. Garry Breitkreuz: L'usine de pâtes est une des questions.

Nous étions à Estevan hier. À quinze mille de là, l'orge se vend 4 $ et les agriculteurs touchent 1 $ 80 environ. Ça, c'est un autre problème.

M. Dave Bailey: Vous pouvez le voir ainsi, mais vous ignorez quel sera le montant du paiement final. N'allez pas citer des montants de 1,80 $ et de 4 $, ni de prix pratiqué au Dakota du Nord, où les silos-élévateurs paient une prime simplement pour compliquer la situation au Canada. Les prix ne sont pas les mêmes au Minnesota, monsieur. Je le sais car j'ai des parents qui y vivent.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur McCormick, vous avez la parole.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je remercie tous les témoins d'être ici.

Comme j'ai tenu à le dire à chaque endroit, je vous suis reconnaissant de nous avoir parlé à fond de vos entreprises que vous connaissez si bien, car une exploitation agricole est bel et bien une entreprise. Comme l'a dit au moins l'un d'entre vous, ce n'est pas seulement la ferme familiale qui est menacée au Canada mais également les communautés agricoles et leur mode de vie. Je réside dans une communauté de 200 habitants.

• 1540

Une des questions que nous posons est la suivante: si on institue un régime de péréquation, un programme de paiements à court terme, les paiements devront-ils être accordés à certains agriculteurs seulement ou à tout le monde indifféremment? Il n'y a pas et n'y aura jamais de réponse simple à cette question.

Il y a un autre objectif qu'il ne faut pas oublier de mentionner. Je ne doute pas que nous trouverons des appuis à l'idée que si un régime de paiement immédiat est institué, et nous espérons recevoir quelque chose, l'argent ne devra pas être versé aux banques ou à la Société du crédit agricole. On m'a souvent retenu à la sortie de la salle pour me dire qu'il fallait s'assurer que l'argent aille à l'exploitant de la ferme et pas forcément au propriétaire. C'est facile à dire. J'ai moi aussi déjà loué des terres. Peut-être avez-vous une opinion à ce sujet. Cette idée sera difficile à faire accepter à un propriétaire, qui peut aussi avoir des obligations.

M. Dave Bailey: J'ai une opinion bien arrêtée à ce sujet. Lorsque la subvention du Nid-de-Corbeau était payée et que je louais une terre du gouvernement de la Saskatchewan, mes frais de transport étaient d'environ 15 000 $ par année. Je recevais 150 $. En tant qu'exploitant, c'est moi qui payais la note. C'est donc l'exploitant qui doit recevoir le paiement, puisque c'est lui qui supporte les coûts. Celui qui loue une terre doit payer des taxes et supporter tous les autres frais. C'est nous qui supportons les coûts d'intrant élevés et toutes sortes d'autres coûts.

M. Larry McCormick: J'en suis conscient, Dave. Je crois que nous devons le souligner. Y aurait-il, et je m'adresse à vous par exemple, un ratio? Le propriétaire devrait-il toucher un pourcentage plus modeste? Je veux seulement avoir...

M. Leonard Blocka: Rien.

Mme Barbara Willick: Non.

M. Larry McCormick: D'accord.

Il est intéressant d'entendre ce que vous avez à dire. Nous avons voyagé du nord au sud du Manitoba et de la Saskatchewan et compte tenu de la vaste étendue du territoire canadien, ce que vous nous dites nous donne à penser que nous pourrions entendre, à 15 kilomètres de la frontière canadienne, pas seulement au sujet de la Commission canadienne du blé mais aussi au sujet des cultures de l'autre côté de la frontière, tout près de là, une opinion différente de la vôtre, bien que vous soyez des producteurs à part entière et ayez pleinement droit à des programmes de péréquation. Je vous remercie donc de votre opinion.

Je vous rends la parole, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Proctor, vous avez la parole.

M. Dick Proctor: Je vous remercie, John. Je souhaite la bienvenue à tous.

Si le budget fédéral de février 2000 prévoit peu ou pas de mesures pour le secteur agricole, j'aimerais savoir quelles conséquences vous anticipez pour vos communautés.

Mme Barbara Willick: Je dirai simplement ceci. Pendant que nous étions en route ce matin, j'ai dit à mon mari que si nous puisions dans le CSRN nous pourrions payer nos comptes. Puis nous nous sommes demandé si nous allions devoir refaire la même chose l'an prochain, sans paiement. Non. Nous nous y refusons. Nous préférons plutôt laisser notre terre en jachère et trouver des emplois à la ville. Pourquoi irions-nous emprunter des centaines de milliers de dollars que nous ne pourrons pas remettre. Nous pratiquons une profession honorable et nous sommes responsables des dettes que nous contractons. Nous avons donc écarté cette solution et je crois que bien d'autres feront comme nous. Je ne pratique pas l'agriculture pour le simple plaisir de la chose.

M. Dick Proctor: Très bien.

Dave.

M. Dave Bailey: Ce que je vais dire ne reflète pas nécessairement ma seule opinion. Un de mes voisins qui pratique le semis direct et qui est un adepte convaincu de cette pratique—je suis plutôt de l'autre école—a dit qu'il laisserait sa terre en jachère et n'ensemencera qu'une partie seulement. Étant donné le niveau des prix et celui des intrants, il n'a pas les moyens de semer à la grandeur de sa terre.

Ceux d'entre nous qui ne peuvent emprunter des banques doivent s'adresser aux compagnies de grains, les fournisseurs, pour obtenir ce qu'on appelle un prêt pour intrants à remboursement différé. Dès que vous contractez ce genre d'emprunt, le fournisseur peut faire de vous ce qu'il veut et, notamment, vous dicter où et quand livrer votre grain. Il peut faire de vous ce qu'il veut. Dès que vous dépassez l'échéance du 31 octobre et si vous ne pouvez pas payer, l'intérêt, dont le taux est d'environ 24 p. 100, s'applique de façon rétroactive à compter du moment où vous avez empoché le montant des coûts d'intrant. Si les agriculteurs ont de plus en plus recours à cette solution, les agriculteurs devront abandonner l'agriculture à un rythme de plus en plus rapide.

• 1545

Une voix: C'est formidable.

M. Dick Proctor: Monsieur Blocka, vous disiez dans votre exposé que le gouvernement fédéral a sacrifié une partie importante de l'agriculture canadienne lors des dernières négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Saviez-vous que, conformément à l'accord de l'Uruguay Round du GATT en 1993, chacun des pays signataires de l'accord s'est engagé à réduire ses subventions intérieures de 20 p. 100 sur cinq ans mais que le Canada les a réduites trois fois plus? Nous avons fait bande à part puisque nous avons réduit les subventions de 60 p. 100.

En un sens, on peut soutenir que les Américains, les Européens et les autres pays se sont conformés aux règles, mais que c'est notre pays qui ne l'a pas fait. Désireux d'éliminer notre déficit le plus rapidement possible, en l'occurrence aux dépens des agriculteurs de l'Ouest, nous avons réduit trois fois plus que les autres le financement des programmes d'aide.

M. Leonard Blocka: Je voudrais tout d'abord répondre à votre question concernant les conséquences que nous anticipons pour nos communautés.

M. Dick Proctor: Fort bien.

M. Leonard Blocka: Je tenais à dire quelque chose à cet égard. J'ai travaillé à la préparation de nos notes à se sujet en collaboration avec quelques producteurs, producteurs très efficaces et gens d'affaires éclairés, et ils prévoient que dans un an d'ici leurs ressources financières seront à sec. Et il s'agit là de producteurs dynamiques. Que dire de ceux qui ne se tirent pas aussi bien d'affaire? Le nombre des faillites sera effarant.

En ce qui concerne le commerce, cette question fait l'objet de toutes sortes de débats, mais qu'ont fait les Européens? Les subventions, intérieures et extérieures, existent toujours. Le pire, ce sont les subventions extérieures. Les Américains ont insisté pour obtenir une réduction des subventions. Qu'ont-ils fait? Ils les ont relevées. Comparez les prix des aliments. Je sais que notre dollar ne vaut pas cher par rapport à la devise américaine, quoiqu'il nous ait bien servi dans certains cas. Pourtant, un panier de produits laitiers coûte plus cher aux États- Unis qu'au Canada, une fois faites toutes les conversions nécessaires. Et ce n'est pas le producteur qui touche l'argent, mais les intermédiaires. Qui reçoit les subventions là-bas? Ce n'est pas le producteur.

M. Dick Proctor: Croyez-vous que le Canada a utilisé les ententes commerciales internationale comme prétexte pour réduire les subventions aux agriculteurs de l'Ouest?

Monsieur Willick, je vais vous donner une chance de parler. Vous vouliez intervenir.

M. Bob Willick: Je crois qu'on nous a souvent dit qu'il n'était pas nécessaire d'abolir la subvention du Nid-de-Corbeau, mais que le Canada, en bon scout, y a renoncé trop tôt. Rien ne nous y obligeait cependant.

M. Dick Protor: Exact.

M. Bob Willick: Je n'ai pas pu retrouver le document original, mais la citation est apparemment tirée de la page 75, chapitre 7, de l'accord du GATT. Pour répondre à votre question au sujet des obligations en vertu du GATT, voici ce que dit le texte:

    Rien dans le présent Accord n'affecte en rien le droit du gouvernement fédéral et des provinces de créer et de conserver des programmes de protection et de stabilisation du revenu agricole.

Il n'était pas nécessaire de renoncer à la subvention et il n'est dit nulle part que nous ne pouvons pas la rétablir.

Des voix: Bravo!

M. Dick Proctor: Merci

Le président: Merci.

Monsieur Borotsik.

M. Dick Borotsik: Merci.

Bob, je voudrais aller un peu plus loi et aborder un point que Dick soulève habituellement. Nous tenons de sources fiables qu'on pourrait réinjecter jusqu'à deux milliards de dollars dans les programmes d'aide à l'agriculture. La question n'est pas de savoir si le GATT ou l'OMC nous y autorisent, mais bien d'avoir la volonté politique de le faire et de tenter de convaincre les responsables de réinvestir dans l'agriculture. Le montant de l'aide à l'agriculture au Canada est passé de 4,6 milliards de dollars en 1993 à 1,6 milliard en 1998. Nous disposons donc d'une marge de manoeuvre très étendue, qu'on ne s'y trompe pas.

• 1550

Il y a plusieurs points à aborder. Je me permets tout d'abord de demander combien parmi vous ont fait une demande d'aide au programme ACRA? Veuillez lever la main. Je constate que c'est la grande majorité.

Combien d'entre vous ont obtenu de l'aide de ce programme? Je vois quatre mains se lever. Merci. C'est vous qui paierez la bière, d'accord?

Je signale en passant que ce résultat n'est pas inhabituel. Dans les autres groupes que nous avons rencontrés, très peu de gens avaient obtenu ou demandé l'aide du programme ACRA. Je vous remercie.

Si je parle de cela, c'est parce que je crois que tout le monde ici présent reconnaît que le programme ACRA est un échec et qu'il faudra le remplacer et, avec lui, la lourdeur bureaucratique qui le caractérise. Je vous remercie.

Bob, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bob Willick: J'ai obtenu 10 p. 100 de l'aide que je m'attendais de recevoir et je les remettrai volontiers si vous me versez un paiement à l'acre.

M. Rick Borotsik: Je vais justement parler de cette question.

Il y a eu des divergences d'opinion, même au sein du groupe, au sujet du montant du paiement à l'acre. Quelqu'un a proposé un montant de 80 dollars, alors que d'autres parlaient de 20 à 35 dollars. Dave, vous disiez que la subvention du Nid-de-Corbeau était de 35 000 $ pour une ferme moyenne. Combien cela représenterait-il par acre pour une ferme de grandeur moyenne?

Êtes-vous tous d'accord sur le montant à demander?

M. Dave Bailey: Le montant de 80 $ dont tout le monde parle correspond au montant que nous avons perdu avec l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau en 1995. Toutefois, entre le moment où la subvention s'appelait le tarif du Nid-de-Corbeau et celui où elle est devenue la subvention du Nid-de-Corbeau, les coûts de transport ont doublé. Cela représente donc une augmentation de 20 000 $ pour une ferme de grandeur moyenne, soit d'une superficie de 1 500 acres, qui produit 40 000 boisseaux de grain.

M. Rick Borotsik: D'accord.

M. Dave Bailey: Voilà donc où ils ont pris ce montant de 80 dollars. Ce montant correspond à ce qui s'appliquait par acre il y a environ quatre ans.

M. Rick Borotsik: Leonard, vous parliez d'un paiement de péréquation commerciale d'un milliard de dollars.

M. Leonard Blocka: Oui.

M. Rick Borotsik: Le montant a-t-il été établi de manière à compenser le montant de l'aide que les Américains accordent à leurs agriculteurs, ou ce montant a-t-il été déterminé de façon arbitraire? Est-ce le montant juste?

M. Leonard Blocka: Je ne suis pas l'unique auteur de cet exercice car je tenais à avoir la collaboration des autres intéressés. Il y a cependant une proposition faite par les organisations agricoles de la province et par le gouvernement que nous appuyons unanimement, c'est la création d'un paiement de péréquation d'un milliard de dollars.

M. Rick Borotsik: J'ai une autre question à poser, monsieur le président. J'ignore combien de temps il me reste.

Barb, vous disiez qu'à un certain moment il fallait choisir entre poursuivre l'exploitation agricole et trouver un emploi ailleurs. D'autres agriculteurs de votre région ont dit la même chose et je leur donne raison.

Dick a parlé de février comme échéance. Quand la décision sera-t-elle prise? Nous avons entendu les mots urgence, crise, nécessaire, immédiatement. Quand prendrez-vous la décision? Vous demandez un paiement maintenant, immédiatement et vous dites qu'il y a crise, mais quand allez-vous prendre la décision d'ensemencer au printemps?

Mme Barbara Willick: Le 31 décembre.

M. Rick Borotsik: À la fin de l'année, donc.

Mme Barbara Willick: C'est exact.

M. Rick Borotsik: Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?

Évidemment, vous n'avez pas à prendre une décision tout de suite puisque le marché des produits laitiers repose sur la gestion de l'offre.

Une voix: Attention.

M. Rick Borotsik: Et vous, Dave? Allez-vous prendre une décision et, dans l'affirmative, quand le ferez-vous?

M. Dave Bailey: Je sais que je vais semer de nouveau, mais les agriculteurs à qui j'ai parlé m'ont dit qu'ils devraient prendre une décision avant que leur banque ne décide pour eux. Voici ce qui va se passer... Je l'ai dit dans mon exposé. Vous vous attendez à ce que nous donnions constamment et vous continuez de nous nous en enlever, mais si nous devons abandonner la ferme, nous le ferons avec un minimum de dignité et un peu d'argent dans nos poches. Nous ne partirons pas les mains vides.

Le président: Merci.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

Leonard, est-il fréquent de trouver dans la région de Prince Albert des fermes fonctionnant à la fois selon un système de marché du grain et de gestion de l'offre?

M. Leonard Blocka: Pas forcément selon la gestion de l'offre, mais il y a...

M. Joe McGuire: Dans le secteur des produits laitiers?

M. Leonard Blocka: On ne compte que trois fermes laitières au sud de Prince Albert, dont la nôtre. Il n'y a pas beaucoup d'exploitations fondées sur la gestion de l'offre dans notre région.

M. Joe McGuire: Il s'agit donc essentiellement d'une économie fondée sur le grain?

• 1555

M. Leonard Blocka: La région a une économie fondée sur le grain, mais elle compte quelques producteurs de boeuf.

M. Joe McGuire: À Blaine Lake, y a-t-il beaucoup de propriétés qui ont changé de main au cours des années?

M. Bob Willick: Au fil des ans, on a assisté à un exode constant. Notre chemin compte en tout six fermes, dont trois sont vacantes et une quatrième le deviendra bientôt. Cela s'est produit au cours des 25 dernières années.

M. Joe McGuire: Qui achète la terre?

M. Bob Willick: Dans la plupart des cas, des gens qui ont une base solide et dont les propriétés sont payées. La Première nation de Muskeg Lake et la Première nation de Okemasis ont acheté des terres à la suite du règlement de leurs revendications territoriales. Les colonies huttériennes ont également fait de nouvelles acquisitions cette année.

M. Joe McGuire: De nombreux jeunes n'ont pas la possibilité d'accéder à la ferme.

M. Bob Willick: Je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup qui y accèdent. Certains de mes voisins derrière sont peut-être mieux informés que moi, mais à ma connaissance il n'y a pas de nouveaux venus.

Mme Barbara Willick: Je voudrais ajouter quelque chose. Jusqu'à il y a neuf ou dix mois, nous n'avions même pas d'épicerie, aussi incroyable que cela puisse paraître. Les réserves ont effectivement acheté beaucoup de terre, mais j'ai lu récemment dans un journal que ces terres sont à louer actuellement. C'est à croire que les acquéreurs des terres n'ont pas les moyens de les exploiter. Il y a des secteurs entiers de terres à louer, mais personne n'en a les moyens.

M. Joe McGuire: La Société du crédit agricole acquiert-elle ces terres ou les loue-t-elle?

Mme Barbara Willick: C'est la réserve qui le fait. J'ai remarqué qu'elle possède plusieurs terres. Nous avons mis des terres à vendre, mais qui a les moyens de les acheter? Je crois que nous avons reçu seulement deux appels.

M. Bob Willick: Nous avons fait paraître une annonce pendant un mois et demi. Nous avons reçu deux appels téléphoniques pour 800 acres de terre labourable.

M. Joe McGuire: La population rurale diminue donc d'année en année.

Mme Barbara Willick: En effet.

M. Bob Willick: Les risques sont trop grands; les gens préfèrent partir.

M. Dave Bailey: Puis-je dire quelque chose au sujet de la présence des jeunes sur la ferme? Nous en comptons quelques-uns dans notre région. Je ne le dis pas dans un sens péjoratif, mais certains d'entre eux croyaient qu'ils allaient révolutionner le monde il y a trois ans. Puis la subvention du Nid-de-Corbeau a été abolie. L'un d'entre eux a acheté trois semis mais a dû s'endetter encore plus. On peut acheter ce type de véhicule avec très peu de comptant à l'heure actuelle, car l'industrie des camions fait une campagne de promotion. Ce jeune dit que ce sera peut-être sa dernière année sur la ferme parce que ses camions lui rapportent de l'argent. Il dit que s'il produit une autre récolte ce sera probablement sa dernière.

Le président: Merci, Joe.

Puis-je terminer cette ronde par une question à M. Cousin? Pourquoi un paiement à l'acre serait-il préférable à une aide qui ciblerait les agriculteurs qui en ont le plus besoin?

M. Mark Cousin: Affirmez-vous qu'un paiement à l'acre serait préférable?

Le président: Non. Je veux savoir pourquoi, selon vous, un système de prestations universel serait préférable à une aide qui viserait ceux qui en ont le plus besoin.

M. Mark Cousin: J'ignore si un paiement à l'acre serait mieux que des prestations sélectives. Moi-même, je ne laboure pas une superficie étendue. J'élève des porcs et j'ai commencé l'élevage du bison et de l'élan.

Le président: Voici ce que je veux dire. Je n'ai pas parlé de paiement à l'acre, mais de prestations universelles, c'est-à-dire de paiements versés à tous les agriculteurs, peu importe leur situation financière, par opposition à des paiements sélectifs qui seraient versés aux agriculteurs qui en ont le plus besoin. Est-ce une question difficile?

M. Mark Cousin: Oui.

Le président: Leonard peut-il répondre?

Une voix: Nous avons déjà un programme de ce genre. C'est l'ACRA.

Le président: Je sais, mais je veux savoir pourquoi. Vous disiez, Leonard, qu'un programme de prestations universelles serait utile.

M. Leonard Blocka: Ce serait utile. Je m'explique. Certains agriculteurs peuvent avoir de meilleures récoltes, bénéficier d'un temps plus clément, certains sont plus efficaces. Je ne dis pas que les agriculteurs sont tous inefficaces, car ils sont devenus, au contraire, très efficaces, mais certains peuvent avoir de mauvaises récoltes, ou encore leurs cultures peuvent être atteintes de maladies. Ce n'est pas leur faute. Un système de paiement à l'acre n'écarte personne. Les agriculteurs qui ont été favorisés ont tout de même dû engager des frais et ils obtiennent quand même un faible prix pour leurs produits. Ils ont droit à cet argent.

• 1600

Le président: Merci à Leonard et à tous les autres.

Nous passons maintenant à la seconde ronde, avec Bruce Wagner, Michelle Luciuk, Garfield Lutz et Ted Cawkwell.

Monsieur Cawkwell, comme votre nom commence par la lettre C, c'est vous qui prendrez la parole en premier. Vous serez suivi de Michelle, puis de Garfield et, enfin, de Bruce Wagner.

Je vous remercie tous d'être venus. Nous sommes impatients de vous entendre. Dans la mesure du possible, je vous demanderais de ne pas parler pendant plus de sept minutes.

M. Ted Cawkwell (témoignage à titre personnel): Je ferai de mon mieux. J'ai des notes pour mon allocution. Je n'ai pas suffisamment d'exemplaires pour tout le monde, mais...

Le président: Le greffier va distribuer ce que vous avez.

M. Ted Cawkwell: Merci.

Bonjour à tous. Mon exposé sera quelque peu différent. Je parlerai de certains problèmes intérieurs que nous avons, du moins dans l'Ouest. Ces problèmes tiennent en partie aux subventions élevées qui affectent beaucoup les prix du grain, mais je crois que nous pouvons aussi nous pencher sur la question des prix pratiqués au Canada.

Je parlerai tout d'abord de la Commission canadienne du blé. Nous devons mettre fin immédiatement au monopole qu'exerce la commission. Nous ne voulons plus entendre de raisons et d'excuses, la plus courante voulant que la commission compte un conseil d'administration nouvellement élu et qu'il appartient à ses membres de prendre une décision. En fait, c'est au gouvernement que la décision incombe. L'abolition du monopole de la Commission canadienne du blé est d'abord une décision politique, qui doit être prise par nos dirigeants politiques et non pas par le conseil d'administration de la commission. Le gouvernement doit cesser de lancer la balle aux autres.

La Commission canadienne du blé n'exporte plus d'orge fourragère, sauf le malt qui est rejeté. La présence de la commission sur le marché intérieur crée une distorsion du prix de l'orge, une distorsion à la baisse. Il n'y a pas de concurrence dans les prix de l'orge fourragère. En effet, cette céréale doit être entièrement vendue au Canada puisqu'elle n'est exportée qu'en très faibles quantités.

Les mouvements de stock entre la Commission canadienne du blé et le marché créent une distorsion des reports, exerçant ainsi une pression à la baisse sur les prix intérieurs.

En 1988, au pire de la sécheresse, le ministre responsable de la Commission canadienne du blé a déclaré que la commission ne créerait pas de pénurie sur le marché intérieur. Or, le marché de l'orge atteignait un sommet la même année. Cette belle déclaration du ministre a aussitôt coûté 30 000 $ à ma ferme.

La vente de grain par la commission ne nous assure à peu près aucune rentrée de fonds, car nous devons payer nos intrants à l'automne. La faiblesse des prix initiaux et l'existence d'un système de passation de marchés ne font rien pour faciliter la rentre de fonds. Nous ne savons jamais ce qui sera retranché de ce que nous offrons.

Les frais d'administration applicables aux avances de fonds constituent un grief mineur, mais parmi les plus fréquemment mentionnés. La commission exige des frais d'administration de 50 $. Je ne crois pas qu'on doive faire quoi que ce soit gratuitement, mais les compagnies de grain prennent elles aussi 50 $. Qui va encore réclamer une part du gâteau? Allons-nous devoir payer 50 $ à la Société des postes parce qu'elle transporte le papier? Et encore 50 $ aux chemins de fer qui transportent le grain? Ça ne finit jamais.

Dans le cas du transport, le rapport Estey, le rapport Kroeger, ou quel que soit le nom qu'on lui donne aujourd'hui, aurait dû être mis en oeuvre dès l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau. On fait toujours tout à l'envers. L'application des recommandations du rapport aurait dû suivre immédiatement la disparition du Nid-de-Corbeau. Les opposants au rapport Estey sont ceux-là mêmes qui voulaient préserver la subvention du Nid-de- Corbeau. Ils ont combattu tellement longtemps et si fort qu'à la fin nous avons obtenu 1,5 milliard de dollars, au lieu des sept ou huit milliards qu'un gouvernement précédent avait offert longtemps avant, sans doute à l'époque ou je faisais mes débuts en agriculture. Ce sont les mêmes personnes qui veulent conserver le système actuel de commercialisation, un système qui ne fonctionne pas.

Le grain à faible valeur de la Commission canadienne du blé encombre le système d'exportation, alors que nous pourrions plutôt exporter des céréales à valeur élevée comme le colza canola, des cultures spéciales et des denrées en container à valeur élevée. Le système actuel ne fait rien pour assurer des rentrées de fonds aux agriculteurs. Il ne leur assure pas les liquidités nécessaires à leurs opérations.

Les députés des provinces atlantiques semblent exercer une grande influence sur les questions de transport. Vous faites tous partie du même gouvernement et je ne veux pas m'en prendre à qui que ce soit en particulier, mais le problème concerne les provinces de l'Ouest. C'est pourquoi je pense qu'on devrait écouter les gens de l'Ouest un peu plus que ceux de l'Est. Nous vivons ici et savons ce qui s'y passe.

• 1605

Je voudrais citer un paragraphe d'une lettre adressée à M. Collenette par un groupe de députés fédéraux. Je ne veux m'en prendre à personne en particulier, mais je trouve ce paragraphe révoltant. Je vais vous le lire et je vous dirai ensuite pourquoi. La lettre concerne le rapport Estey-Kroeger. La dernière page porte sur le rôle de la Commission canadienne du blé:

    Le nouveau conseil d'administration a été élu en novembre 1998. Les membres du conseil ont rapidement pris des mesures pour restructurer la commission et ne sont pas hostiles au changement. Le fait d'écarter la commission sans lui laisser la chance de faire ses preuves irait à l'encontre des mesures progressives prises par le gouvernement et le Parlement et contre le processus d'élection démocratique des membres du conseil d'administration. Nous devons faire confiance à ce que nous avons créé.

Quiconque croit que la nouvelle commission est déterminée rêve en couleurs. Si c'est là ce qu'on appelle de la détermination, j'aime autant ne pas penser à ce que serait une absence de détermination.

Les auteurs de la lettre soutiennent que la commission n'est pas hostile au changement. Je ne cultive pas de blé dur parce que cette céréale n'est pas cultivée dans ma région. Je laisse cela aux gens de Prairie Pasta, qui tentent de mettre en place une usine de produits à valeur ajoutée.

La lettre parle ensuite des mesures positives prises par le gouvernement. Je me permets de dire en toute déférence que ce ne sont pas des mesures positives. C'est ridicule.

Les auteurs de la lettre mentionnent ensuite «le processus d'élection démocratique des membres du conseil d'administration». S'ils prennent la peine de le souligner, c'est peut-être parce qu'ils ont des doutes au sujet du caractère démocratique du processus. En tout cas, c'est ce que je crois.

Parlons maintenant de la Commission canadienne des grains. Cet organisme est financé à 90 p. 100 par les producteurs. Pourtant, si quelqu'un y envoie un échantillon pour en déterminer le grade ou la teneur en impuretés, par exemple, il y a des frais. Je crois dans le principe de l'utilisateur-payeur, mais je ne crois pas que l'utilisateur doit payer deux fois. Ce n'est pas juste. Nous finançons déjà les activités de la commission en tant que producteurs. La commission tire une grande partie de ses revenus des droits d'inspection aux terminaux d'exportation, mais lorsque nous voulons faire évaluer un échantillon, nous devons encore payer. Je ne sais pas combien de fois nous devons payer pour des choses de ce genre.

On a également tenté de nous obliger à payer pour une assurance de petit négociant en grain dans le cadre d'un autre programme, mais je crois que ce projet a été mis en veilleuse.

N'oublions pas les taxes sur les intrants, notamment le combustible, les fertilisants, les produits chimiques, la terre. La Loi de l'impôt sur le revenu ne nous permet pas de mettre de l'argent de côté une bonne année, en prévision d'une mauvaise année. Les exploitations agricoles brassent de grosses sommes d'argent et nous connaissons tous la Loi de l'impôt sur le revenu: dès qu'on fait un peu d'argent, il faut en remettre aussitôt la moitié au fisc. Et ce n'est pas tout. Les frais de stockage ne peuvent être dépréciés que lentement. Le CSRN, les paiements fonciers, le paiement du capital sur un emprunt foncier, etc, constituent autant de paiements après impôt.

Sur papier, tout cela paraît bien: les agriculteurs paient des impôts. Je pratique l'agriculture depuis environ 30 ans. En plus de payer le capital sur mon emprunt foncier et de cotiser au CSRN, je paie des impôts au gouvernement et il croit que je me tire bien d'affaire parce que je paie des impôts. J'en paie effectivement et j'ai des marges négatives à cause de la façon dont la fiscalité est structurée. Comme je le disais, sur papier les choses paraissent bien.

Je voudrais également soulever un autre point, que j'ai trouvé dans un article que quelqu'un avait en main: le gouvernement fédéral persiste à nous donner, ainsi qu'aux médias, les chiffres concernant les revenus bruts plutôt que les revenus totaux. Je l'illustrerai au moyen d'une analogie. Selon les revenus bruts de Eaton's, ses magasins n'étaient pas en difficulté parce qu'ils avaient liquidé une grande partie de leurs stocks, mais les revenus totaux indiquaient que Eaton's était en faillite. Ma ferme se trouve dans la même situation. Ma situation ne paraît pas si mauvaise, sauf que j'ai dû vendre beaucoup de choses pour pouvoir payer des comptes.

Notre séance d'aujourd'hui porte sur l'aide à l'agriculture. Je ne crois pas aux subsides, que ce soit dans mon pays ou à l'étranger. Je crois dans la libre entreprise et dans les forces du marché. Le marché ne fonctionne pas lorsque j'ai le gouvernement sur le dos à cause à choses dont je viens de parler. Je ne peux pas fonctionner.

On rêve si l'on croit trouver la solution à l'OMC. On n'a pas eu de solution au GATT. Cela prend six ou sept ans. Je ne dis pas que nous devrions nous retirer des pourparlers, mais ce sera probablement une solution à long terme. Il est absolument impensable qu'on trouve une solution à court terme. Si l'on ne prévoit pas dès maintenant une aide à court terme, on n'aura pas besoin de s'en soucier dans un an ou deux, car il n'y aura plus personne à aider dans le secteur agricole. Nous ne serons plus là.

Si vous accordez un versement quelconque, ne le limitez pas. Les agriculteurs sont tous dans le même bateau, que leur exploitation soit petite ou grande. La seule option que je vous donnerai là-dessus, c'est que si vous voulez le limiter en fonction de la taille de l'exploitation agricole, vous feriez bien d'offrir aux agriculteurs la possibilité de limiter leurs impôts en fonction de leur revenu. Imposez-les au même taux que le versement en question!

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire pour le moment. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions une fois que les autres intervenants auront présenté leur exposé.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Cawkwell.

Nous entendrons maintenant Michelle Luciuk, qui est accompagné d'un beau jeune homme. Comment vous appelez-vous?

M. Adam Luciuk (témoignage à titre personnel): Adam.

Le président: Bienvenue, Adam. C'est votre mère, n'est-ce pas?

M. Adam Luciuk: Oui.

• 1610

Le président: Alors, maman va parler maintenant?

M. Adam Luciuk: Oui.

Le président: Magnifique!

Bienvenue, Michelle.

Mme Michelle Luciuk (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.

Comme peuvent le confirmer les agriculteurs ici présents, les niveaux de soutien actuels sont loin d'être suffisants pour sauver un secteur industriel vital au Canada. Aucun de ces programmes ne vise le cours des denrées.

Pour ce qui est du programme ACRA, tout le monde dit qu'on peut trouver quelqu'un qui nous aidera à présenter une demande, mais qu'on n'y aura jamais droit, au grand jamais. Notre ministre a reconnu qu'il y avait des problèmes, mais aucun effort véritable ne semble déployé pour corriger ces erreurs. Le gouvernement projette-il de simplement balayer 1998 sous le tapis? Il y a un an, le gouvernement fédéral prétendait que je recevrais de l'argent avant Noël 1998. Eh bien, nous sommes en décembre 1999 et je n'ai pas encore reçu un sou. Ce programme fédéral ne fait rien pour mon blé à 2 $.

Les agriculteurs ont ensuite leur CSRN. Je regrette, mais ce programme est un magnifique régime d'épargne-retraite. Le CSRN ne saurait fonctionner comme programme de protection de revenu que si les agriculteurs touchaient un revenu convenable et stable pendant quatre ou cinq ans, puis un piètre revenu pendant un an, suivi encore de plusieurs années de bons prix. Au cours des quatre dernières années, le prix à la production a diminué de près de 50 p. 100, rendant ainsi impossible pour les agriculteurs de contribuer à un tel programme. Dans les débuts du programme, nous avons pu accumuler des fonds, mais jamais assez vite. Beaucoup d'agriculteurs ont tout simplement vidé leur compte.

Le CSRN présente aussi une lacune importante. Il tient seulement compte de mes ventes nettes. Comme mes frais de transport équivalent maintenant à 50 p. 100 ou presque de mes ventes brutes, le CSRN dit fondamentalement que j'ai produit la moitié des boisseaux que j'ai effectivement produits. Encore là, ce programme de protection de revenu ne fait rien pour mon blé à 2 $.

Un autre programme dont disposent les agriculteurs est leur assurance-récolte. Beaucoup d'agriculteurs ne s'en prévalent pas parce que les cotisations ne cessent d'augmenter alors que les protections diminuent. J'ai de l'assurance-récolte pour certaines cultures, mais si je perdais tout, le paiement ne couvrirait même pas mes coûts de production. En principe, les cotisations devraient baisser avec le prix du grain. Le canola est un bon exemple. L'an dernier, j'ai assuré du canola valant 8,50 $ le boisseau. Cette année, il est à 5,50 $. Ma protection a baissé de 40 p. 100, mais pas mes cotisations. Voilà un autre programme qui ne fait rien pour mon blé à 2 $.

Un autre moyen de survie que le gouvernement propose aux agriculteurs est la diversification. Qu'est-ce que cela veut dire au juste? On me dit de continuer à produire du grain à mes frais. On me propose d'élever du bison ou du cerf. Même si je pouvais faire des milliers de dollars dans des entreprises de ce genre, il faudrait encore que je subventionne la partie céréales de ma situation financière.

Beaucoup d'agriculteurs ont choisi comme diversification de prendre un emploi à l'extérieur de la ferme. Ils se servent de leur revenu d'appoint pour subventionner le prix de leurs céréales. Ce qu'il y a d'effrayant là-dedans, c'est que dès que le revenu de leur emploi hors ferme devient trop élevé, Revenu Canada commence à les considérer comme des agriculteurs amateurs. C'est le revenu qui fait l'agriculteur. Encore là, les idées du présent gouvernement ne font rien pour mon blé à 2 $.

Qu'est-ce qui pourrait bien résoudre mon problème actuel? D'abord et surtout une injection immédiate d'argent équivalant à 80 $ l'acre pour au plus 1 500 acres, ce qui couvrirait les pertes que j'ai essuyées en 1998 et pour lesquelles vous m'avez promis de m'aider il y a un an. Les agriculteurs ont besoin de recevoir cet argent avant Noël, comme on le leur avait promis il y a un an. Un paiement à l'acre est simple et facile à mettre en oeuvre. Si je ne reçois pas ce paiement dans l'immédiat, je saurai que le présent gouvernement a vraiment tourné le dos aux Canadiens et qu'il écoute plutôt les énormes entreprises alimentaires et agroalimentaires qui essaient de tous nous faire disparaître. Si le gouvernement prend cette mesure importante et va jusqu'à établir une politique agricole nationale pour assurer l'avenir, je pourrai enfin croire que le présent gouvernement est de bonne foi.

Les agriculteurs de cette province s'expriment depuis des mois. Vous avez entendu aujourd'hui leur témoignage et leurs propositions, qu'ils ne cessent de répéter. Les agriculteurs sont en guerre et ils essaient de déterminer qui est leur véritable ennemi. Les décisions que vous prendrez dans les deux prochaines semaines nous révéleront à tous ici à qui va votre appartenance politique. À nous ou à elles. Qui choisirez-vous?

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, Michelle.

Adam, votre mère a bien parlé.

Mme Michelle Luciuk: Pourrait-il dire quelque chose?

Le président: Oh, bien sûr!

Allez-y Adam!

Mme Michelle Luciuk: Il fera valoir deux ou trois points seulement, car maman doit participer encore à une autre réunion.

Le président: C'est bon.

• 1615

M. Adam Luciuk: Si vous n'avez pas l'intention de nous écouter, pourquoi avez-vous décidé de tenir ces séances? Je veux voir mon père plus que deux heures et demie par jour en semaine et la plus grande partie du temps en fin de semaine. Je veux le voir davantage.

Cultivez la terre pendant un an et vous verrez ce que c'est qu'être agriculteur au Canada. Allez-vous m'aider ou me laisser tomber? Vous avez promis d'aider les enfants. Je suis un enfant et je veux que l'agriculture aille mieux, dès maintenant.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci. Je vois que vous avez participé aux discussions familiales.

Une voix: C'est bien, Adam!

Le président: La parole est maintenant à Garfield Lutz.

M. Garfield Lutz (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Garfield Lutz. Je suis un agriculteur et préfet de la municipalité de Bjorkdale, dans le nord-est de la Saskatchewan. Je vous remercie de m'avoir invité et d'être ici présents.

La crise du secteur céréalier de l'ouest du Canada ne disparaîtra pas et ne se résorbera pas sans des programmes ni des engagements fédéraux. Les accords de loyers fonciers au Canada ont toujours prévu qu'un tiers aille au propriétaire et les deux autres tiers à l'agriculteur. Les frais de transport et d'ensilage représentent à peu près un tiers de la valeur du grain. Vingt-cinq p. 100 des terres agricoles de la Saskatchewan sont louées. Telles sont les dernières statistiques du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan, où l'on dit que, compte tenu de ce que les banques et d'autres contrôlent à l'heure actuelle, ce pourrait être plus de 40 p. 100.

Comment peut-on cultiver la terre pour le tiers du revenu d'un acre de terre loué? La Saskatchewan renferme 44 p. 100 des terres arables du Canada. Le Canada exporte pour 22,5 milliards de dollars de denrées agricoles. Cela représente exactement le tiers de nos exportations de marchandises. C'est une affaire énorme. C'est un marché de 85 milliards de dollars.

Nous touchons 4c. ou 5c. par miche de pain. Un boisseau de blé donne 60 miches de pain blanc, 100 miches de pain de blé entier. Si nous produisions—écoutez bien ceci—48 boisseaux de blé par 48 acres et si nous vendions un acre de blé pour faire du pain, il nous faudrait vendre tout le reste pour acheter ce pain; 47 boisseaux et 48 acres pour acheter le pain fait à partir d'un acre.

Un boisseau d'orge donne 330 bouteilles de bière et le producteur ne touche pas un sou. Nous touchons à peu près 4c. par boîte de céréales qui se vend 4 $ à 5 $. Les céréales seraient gratuites que cela ne changerait rien au prix des aliments.

Quel est le coût humain? Il ne reste plus de jeunes agriculteurs. Les régions rurales se vident. Je le sais en tant que préfet de municipalité. Je sais ce qui se passe. Nos agriculteurs ont près de 60 ans en moyenne. Nous avons de moins en moins de services. Des écoles ferment. Des élévateurs ferment. Des lignes ferroviaires sont abandonnées. Nous devons aller de plus en plus loin pour des pièces, des soins médicaux et des loisirs parce que la population diminue.

Savez-vous quelle est l'angoisse—et je l'ai vue l'autre jour dans les yeux d'une jeune mère—des familles que la forclusion menace à cause de problèmes financiers? Selon un économiste de l'Université de la Saskatchewan, Ken Rosaasen, nous sommes des citoyens de deuxième catégorie du meilleur pays au monde.

Quels problèmes avons-nous? Que dire de nos frais de transport de marchandises? J'ai été vraiment encouragé par la solution de Reg Alcock, à savoir que les tarifs soient réduits de 18 p. 100 et qu'ils soient limités ou que nous ayons un droit de passage permanent. Quelqu'un a finalement compris.

Il faut respecter les rapports Estey et Kroeger, mais ils font fi du principal problème: le revenu des agriculteurs. Ces rapports sont très controversés et les solutions qui y sont avancées n'ont pas la faveur de beaucoup d'agriculteurs. Ces gens-là n'ont aucun lien avec l'agriculture. Il faut que des agriculteurs participent à ces solutions. Nous avions un système à deux prix, dont un prix canadien. La dernière fois qu'il était en vigueur, il nous a rapporté 300 millions de dollars.

Les coûts de production doivent être liés aux programmes. À quel prix pour les agriculteurs a-t-on supprimé la subvention du Nid-de-Corbeau? Des élévateurs à débit élevé. Des lignes ferroviaires abandonnées. Du stockage—nous profitions de la subvention du Nid-de-Corbeau pour stocker davantage. Des chemins municipaux—voulez-vous savoir combien nous coûte maintenant l'entretien de nos chemins?

L'ACRA prévoit une moyenne de trois ans avec des objectifs à la baisse. Les moyennes ont baissé par suite d'une mauvaise année, puis on a pris 70 p. 100 de cela. On a donné de faux espoirs. Ce n'est pas applicable à l'agriculture diversifiée. Le programme doit tenir compte du fait que les producteurs doivent essuyer des pertes, que nous devons tous essuyer des pertes. Cela ne vaut pas la peine d'être réexaminé.

• 1620

L'assurance-récolte: 70 p. 100 en moyenne. Savez-vous que, dans le Nord-ouest, des gens essuient des pertes depuis trois ans? Leur protection est tombée à 70 p. 100 de 70 p. 100 et est restée là pendant trois ans. La protection est de 49 p. 100. Les cotisations sont trop élevées et elles sont bien inférieures aux coûts de production. Aucune autre assurance ne fonctionne de cette manière. Que diriez-vous d'assurer votre maison à 70 ou 80 p 100 et, si elle est perdue à 80 p. 100, de perdre votre... [Note de la rédaction: Inaudible]

Les indemnités de surestaries: celles-là m'ennuient à l'extrême. Les agriculteurs ne devraient pas faire les frais des problèmes ouvriers ou ferroviaires.

Cela vous fera peut-être rire, mais tous les politiciens provinciaux accordent leurs violons sur la crise agricole, et c'est fichument rare en Saskatchewan.

On a annoncé hier que les producteurs américains toucheront en 1999 une subvention de 3 $ canadiens pour leur blé.

Quelles sont les solutions? Il nous faut une injection immédiate d'argent, et cela, hier plutôt que demain.

Il nous faut une baisse des frais de transport et un plafonnement des tarifs.

Il nous faut un programme de modernisation des infrastructures pour le Canada rural. Je suis préfet d'une municipalité. Nous avons trop souvent essayé d'obtenir de l'argent pour un chemin traversant quatre municipalités. Nous ne sommes pas admissibles. Il existe un programme, mais il ne nous aide pas.

Il nous faut un contrôle de la stabilisation des prix. Il faut lier le coût des facteurs de production au revenu. Si vous nous accordiez tout de suite 20 000 $ par exploitation agricole, vous pouvez être sûrs que les prix de l'engrais, du carburant et de tout le reste grimperait en flèche. Nous ne pouvons rien faire contre cela. Si notre revenu monte, nous voulons avoir un certain droit de regard là-dessus, et c'est la seule façon de contrôler cela.

Pourquoi ne pas rétablir le programme de stabilisation du grain de l'Ouest? Incluez-y le grain fourrager utilisé à la ferme et donnez aux agriculteurs dont les récoltes sont déficitaires le rendement consacré. Les travailleurs ont l'assurance-emploi. Que dire du CSRN? Les autres Canadiens ont un régime de retraite. J'ai siégé au Comité du grain de l'Ouest de l'office de stabilisation, au comité consultatif. C'est le meilleur programme que nous ayons jamais imaginé et on l'a supprimé. Nous n'aurions pas de problèmes aujourd'hui s'il existait encore.

La nourriture est-elle importante pour les Canadiens? Cela les inquiète-t-il de savoir que deux de mes voisins sont partis cette année? Il ne reste pas beaucoup de monde. Cela les inquiète-t-il de savoir que les épouses d'agriculteur travaille au salaire minimum? Cela les inquiète-t-il de savoir que les jeunes agriculteurs n'ont pas les moyens d'acheter l'actif de leurs parents? Cela les inquiète-t-il de savoir que le ratio dette-valeur nette réelle est astronomique? Cela fait l'objet d'études depuis des années. La dette agricole permanente se situait entre 22 et 24 milliards de dollars. Elle excède aujourd'hui 30 milliards de dollars, après seulement quelques années.

Les problèmes ne disparaîtront pas. Les agriculteurs ne lâcheront pas tant qu'on n'aura pas trouvé une solution à la crise agricole. Je suis sûr qu'aucune des personnes ici présentes ne lâchera. Je ne lâcherai pas et je ne m'en irai pas.

Sincèrement, Garfield Lutz.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant Bruce Wagner. Bienvenue!

M. Bruce Wagner (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.

Un conseil non sollicité est rarement suivi. C'est avec reconnaissance que j'ai accepté de m'adresser à vous, espérant qu'un conseil sollicité sera pris en considération. Au bout du compte, nous ne devrions pas partir d'ici en décidant que les cafés ruraux où les agriculteurs se réunissent pour se plaindre de leurs problèmes seront désormais des «brailleries», que l'on appellera cela de la diversification et du développement économique et que l'on se pèlera les bretelles avec cela.

Le travail à accomplir est trop lourd et trop important pour être accompli par le seul gouvernement fédéral ni même à la faveur de partenariats excessifs. Le partenariat et la collaboration doivent être de la plus grande importance. Il n'y a plus de bisons et l'herbe a fait place aux cultures. Des ententes ont été conclues avec les compagnies ferroviaires pour le transport des colons et de leurs intrants dans l'Ouest, et de leurs produits vers les points d'exportation. On a beaucoup parlé de cette vieille politique de développement et de son rôle dans la crise financière d'aujourd'hui.

Je suis un producteur laitier, un agriculteur de la quatrième génération qui espère que la cinquième génération prendra la relève lorsque je serai prêt à prendre ma retraite. Dans les années 20, 30, 40 et 50, mon grand-père produisait du blé, du porc, du boeuf, des produits de volaille et du lait de consommation dans son exploitation agricole très diversifiée. Sa famille, ses voisins et lui produisaient les aliments qui ont fait des Prairies canadiennes le grenier des Alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale.

• 1625

La Saskatchewan ne s'est pas développée seulement grâce à notre capacité de produire du blé à forte teneur en protéines. Les secteurs laitier et avicole avaient des syndicats du lait et de la volaille qui s'ajoutaient aux syndicats du blé, les agriculteurs bénéficiant de coopératives pour traiter et commercialiser les produits de la ferme.

À dessin ou par hasard, des mesures sont venues stimuler l'économie céréalière par rapport aux autres économies. Le tarif du Nid-de-Corbeau est devenu une subvention pour le transport du grain. L'assurance-récolte a couvert les exportations céréalières de base. Le programme de stabilisation du grain de l'Ouest était un programme de stabilisation des prix financé par le gouvernement fédéral. Lorsqu'il y a eu un surplus de blé, l'Opération réduction s'est mise en branle et le gouvernement fédéral a payé les agriculteurs pour ne pas produire de blé.

Au cours des années 60 et 70, la production des autres denrées a commencé à décliner dans les Prairies au profit de «Sa Majesté le Blé». L'Est du Canada a alors profité des subventions provinciales pour établir ses secteurs laitier, porcin et avicole. Il est arrivé que le gouvernement fédéral subventionne le transport de céréales fourragères de l'Ouest vers l'est du Canada. Grâce à la politique de la Commission canadienne du blé, au Programme de stabilisation concernant le grain de l'Ouest et aux subventions au transport, les producteurs de l'Est ont eu, à prix comparable, davantage accès aux grains fourragers de l'Ouest que les producteurs de l'Ouest eux- mêmes.

L'Alberta a fait preuve de prévoyance et s'est prévalue de son Trésor plus important pour racheter une certaine diversification. Elle a versé aux utilisateurs de grains fourragers une subvention compensant celle du Nid-de-Corbeau pour que les grains fourragers restent dans l'Ouest, ce qui a renforcé le secteur de l'élevage et a permis de développer des secteurs primaire et de transformation plus poussée. La différence est visible aujourd'hui en ce que le revenu agricole net n'est pas aussi bas en Alberta qu'au Manitoba ou en Saskatchewan.

Une grande partie de la stabilité assurée par la diversification n'existait plus. Les gouvernements des autres pays ont commencé à se mêler du fonctionnement quotidien de leur production agricole. La sécurité alimentaire en Europe a entraîné le versement de subventions importantes et une production accrue a fait que d'anciens importateurs de grain sont devenus des concurrents sur les marchés internationaux. Des solutions symboliques ont été demandées par les producteurs et offertes par les gouvernements fédéral et provinciaux. Des milliards de dollars et de nouveaux filets protecteurs qui étaient affermables par les producteurs ont masqué les problèmes profonds du secteur céréalier. Avec les accords auxquels a abouti l'Uruguay Round du GATT, le gouvernement fédéral a décidé de se débarrasser de nombreuses subventions agricoles.

Le rachat du Nid-de-Corbeau à 20c. par dollar masquait encore les problèmes du secteur céréalier. Cet argent a servi à payer des factures. Il n'a pas été déposé à la banque afin de payer les frais de transport des vingt années à venir.

Deux années de rendement relativement bon et de subventions moins élevées en Europe et aux États-Unis ont amené des gens à croire qu'ils pourraient survivre à cultiver du grain dans le nouvel ordre. L'accumulation de stocks importants et une baisse de la demande asiatique ont relancé la guerre des subventions et ont mis nombre de nos agriculteurs en mauvaise posture. Tout allégement général des subventions internationales ne viendra qu'en son temps, une fois que les producteurs céréaliers du Canada auront subi d'autres dommages collatéraux.

L'ACRA n'a pas beaucoup aidé, car elle avait été conçue pour assurer un soutien à court terme. Vingt années de détérioration du secteur céréalier ne peuvent pas être compensées par l'ACRA. Ce qui est encore plus problématique, c'est la hausse de production de marchés comme l'Inde et la Chine. Des économistes prévoient à l'avenir une baisse des ventes en vrac, un marché à créneaux plus élevés et des ventes de produits transformés spéciaux. Nous sommes peu préparés à cela aujourd'hui.

Depuis le rachat du Nid-de-Corbeau, l'Alberta a accru ses marchés secondaire et de la transformation de 1 milliard de dollars par année, le Manitoba de 750 millions de dollars et la Saskatchewan, de 160 millions de dollars.

Des spécialistes du secteur industriel et d'ailleurs prédisent que, d'ici une décennie, la plupart des marchés feront partie d'unités à intégration verticale où la production, la transformation et la commercialisation des produits seront contrôlées. Les non-participants n'auront pas accès aux marchés. Les producteurs devront prendre un profit plus élevé sur les produits transformés pour améliorer leur revenu net. S'ils ne participent pas au début de la chaîne de production et laissent à d'autres le soin de décider de leur sort, il leur arrivera éventuellement la même chose qu'aux 17 000 employés de banque qui ont été mis à pied alors que les profits corporatifs des banques atteignaient des niveaux records.

Le problème dont il est question ici aujourd'hui remonte à loin. Il a ses racines dans des mesures fédérales qui ont nui à la diversification de l'économie de l'Ouest et au fait que le gouvernement n'a pas su mettre au point des stratégies d'après-Nid- de-Corbeau pour le bénéfice de toute notre économie.

Le patient est manifestement malade depuis des années et on lui applique des cataplasmes de plus en plus gros pour masquer le problème. Espérons que le patient sera toujours en vie lorsqu'on finira par chercher et trouver un remède. Un dernier cataplasme est absolument essentiel d'ici à ce que l'on trouve un remède.

• 1630

Les agriculteurs d'aujourd'hui ont survécu aux années 80 et 90. Ce sont les meilleurs gestionnaires, les cerveaux les plus brillants et les travailleurs les plus vaillants qu'on puisse trouver. Ce n'est pas étonnant qu'ils aient tenu le coup. Je ne demande pas d'aide pour moi-même. J'ai cessé de produire des céréales il y a deux ans parce que je n'y voyais pas d'avenir. Mais j'ai besoin que mes voisins m'aident encore à payer les impôts nécessaires pour nous assurer des écoles et des hôpitaux, notamment. Ce sont les consommateurs de mes produits et les fournisseurs de mes facteurs de production.

De la nécessité naît l'invention. Avec un peu d'aide financière et d'orientation, on pourra rendre à ces producteurs l'indépendance et les possibilités qui ont amené nos ancêtres à venir s'installer ici.

J'ai écrit, tard hier soir, une postface que je prévoyais lire officiellement si j'en avais la chance. Ai-je le temps de la lire?

Le président: Oui, allez-y.

M. Bruce Wagner: Hier, le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris, a embrouillé les choses sur la question du partage de la sécurité du revenu agricole. Il prétend que la part de l'Ontario est trop petite par rapport à ses coûts. Le gouvernement fédéral est allé faire la guerre au Kosovo pour protéger des innocents et les rétablir dans leurs foyers. M. Harris n'a pas demandé à payer des bombes ni à réparer des dommages collatéraux. Il présume à juste titre que le gouvernement fédéral s'en chargera.

Dans le secteur céréalier, des gouvernements étrangers nous font la guerre depuis deux décennies ou presque et cela, en dépit d'accords commerciaux internationaux. Ces puissances étrangères causent des dommages collatéraux à nos producteurs céréaliers, les chassant de leurs foyers et détruisant leur gagne-pain. M. Harris ne veut pas payer pour les torts causés. Il semble croire que le gouvernement fédéral ne devrait pas payer non plus. Il veut sa part. On ne se chamaille pas sur la part des provinces dans des guerres commerciales internationales.

L'ironie de la situation ne devrait échapper à personne. Le lendemain de l'anniversaire de Pearl Harbor, les gens aux côtés de qui nos agriculteurs ont combattu dans leur jeunesse pour protéger leur liberté et leur pays sont en train de chasser nos agriculteurs de leurs terres avec leur guerre de pouvoirs dans le commerce international du grain. Le gouvernement fédéral doit prendre la défense de nos agriculteurs.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Wagner.

Nous allons passer aux questions, en commençant par M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup.

On dirait vraiment que c'est notre plus jeune témoin qui a le plus d'expérience avec les comités de l'agriculture lorsqu'il demande pourquoi nous avons décidé de tenir ces séances si nous n'avons pas l'intention d'écouter ces gens-là. J'en prend note.

J'ai seulement une chose à dire, monsieur le président. En répondant au dernier groupe de témoins, vous avez demandé pourquoi le paiement à l'acre était préférable au versement de l'ACRA. La meilleure façon de résumer la chose serait peut-être de dire que l'ACRA pénalise les agriculteurs qui prennent certaines décisions de gestion. Je crois que c'est quelque chose qu'on entend dire haut et fort.

J'ai une question à poser à chacun des témoins.

Monsieur Cawkwell, je vais vraiment vous mettre sur la sellette. Pensez-vous vraiment ce que vous avez dit au sujet de la commission du blé? Seriez-vous prêt à renoncer à votre versement de l'ACRA contre la liberté de transformer et de commercialiser vous- même votre grain?

M. Ted Cawkwell: Oui.

M. Garry Breitkreuz: Vous n'êtes pas un politicien. Vous ne brodez pas. Bon. D'accord. Vous parlez aussi de la Com mission canadienne des grains et de tous les droits que les agriculteurs sont tenus de payer. Je crois qu'ils totalisent 138 millions de dollars. Quelle est la solution? Cent trente-huit millions de dollars, c'est plus que ce qui a déjà été versé en Saskatchewan dans le cadre de l'ACRA.

M. Ted Cawkwell: Lorsque vous parlez de 138 millions de dollars, faites-vous allusion à la commission des grains, à l'ACRA ou...?

M. Garry Breitkreuz: Non, je dis que les agriculteurs sont tenus de verser 138 millions de dollars en frais d'utilisateurs, notamment à la Commission canadienne des grains.

M. Ted Cawkwell: En termes clairs, je ne suis pas de ceux qui croient que le gouvernement peut faire mieux. Je ne blâme pas non plus la Commission canadienne des grains. Mais il existe des entreprises privées dont le bilan et la réputation internationale sont aussi bons sinon meilleurs que ceux de la commission des grains pour ce qui est d'offrir de l'assurance de qualité et cela, à moindre coût.

C'est la façon dont est structurée la commission des grains et dont ces tarifs douaniers sont perçus. J'ai été le mouton noir d'à peu près toutes les compagnies céréalières que nous pouvons nommer pour la plupart, alors que les droits de la commission des grains sont prélevés de mon chèque et que le grain n'atteint jamais la Commission canadienne des grains parce qu'il est consommé au Canada. C'est du vol pur et simple.

Sur la côte Ouest, on inspecte les wagons un à un, ce qui nous ramène à l'attribution du matériel remorqué et aux unités d'un seul wagon et à toutes ces conneries. Si le syndicat du blé de la Saskatchewan charge un train à Saskatoon, celui-ci n'ira peut-être même pas à son terminus; il ira peut-être à un autre terminus. S'il allait à son propre terminus, il n'aurait pas besoin d'être inspecté parce que c'est son grain. Mais, comme il va ailleurs, nous payons un commissaire des grains pour inspecter tous ces wagons à cause d'un problème d'attribution du matériel. Qui paie pour cela? L'agriculteur, à raison de 50c. la tonne.

• 1635

M. Garry Breitkreuz: Merci.

M. Ted Cawkwell: Voilà une réponse de politicien. Une longue.

M. Garry Breitkreuz: Merci. Je crois qu'il faut examiner tout le domaine. Beaucoup des droits que doivent payer les agriculteurs sont responsables de la crise actuelle du revenu.

Michelle, vous parlez beaucoup de la diversification des cultures et d'autres choses du genre. Serait-il juste qu'un agriculteur qui diversifierait son entreprise en se lançant dans la production de bison, de cerf ou de fines herbes, par exemple, soit traité différemment dans le cadre de l'ACRA qu'un agriculteur ayant un emploi à l'extérieur de la ferme? Vous dites qu'un emploi à l'extérieur de la ferme ne change rien aux versements dans le cadre de l'ACRA, mais qu'un agriculteur qui fait de son mieux pour diversifier ainsi sa production et améliorer ses revenus voit les siens diminuer. Croyez-vous que c'est injuste?

Mme Michelle Luciuk: C'est une bonne question.

M. Garry Breitkreuz: C'est une question délicate et je devrais vraiment vous donner davantage de temps pour y répondre, mais nous disposons de seulement cinq...

Mme Michelle Luciuk: Il n'est que juste que l'on tienne compte du revenu total, mais, je le répète, quel que soit le revenu que l'on tire de l'élevage du bison ou du cerf, on est toujours considéré comme agriculteur par Revenu Canada, mais si son revenu hors ferme est trop élevé, ce qui arrive de plus en plus souvent ici, au Canada, on se trouve tout à coup à devoir des centaines de milliers de dollars au fisc.

M. Garry Breitkreuz: Oui. C'est justement ce qui est tellement injuste avec l'ACRA et ce qui, dans toute cette affaire, pose un réel problème. Merci d'avoir soulevé la question.

Comme nous ne disposons que de cinq minutes, je m'adresserai maintenant à Garfield.

Garfield, ne reviendrait-il pas moins cher d'entretenir la voie ferrée que de réparer nos chemins? Vous participez beaucoup à des décisions de ce genre. Vous avez beaucoup travaillé sur l'itinéraire de Churchill, notamment. Ne reviendrait-il pas moins cher au gouvernement provincial d'acquérir et d'exploiter ces chemins de fer—d'entretenir la voie ferrée et d'y accorder un droit de libre circulation et de susciter une certaine concurrence? Qu'en pensez-vous?

M. Garfield Lutz: La question s'est posée pour la ligne Churchill lorsqu'on est arrivé, quoique lentement, à tirer 70 ou 80 wagons. Savez-vous combien il faudrait de camions pour faire le même travail? Écoutez, nos routes sont utilisées à mort. Nous sommes en train de les détruire. Nous avons deux grandes routes. Ce qui est triste, c'est que nous avons un bon chemin de fer. Je devrais vous donner un exemple.

On vient de faire un gros chargement de pois pour Churchill. Par le chemin de fer, on aurait pu aller de Prince Albert directement vers l'Est, en passant par ma petite ville. La voie est là—on y a fait rouler des locomotives l'autre jour—et cela aurait coûté 5 $ ou 6 $ la tonne. Qu'a-t-on fait? On a expédié le tout à Saskatoon, puis de là à Humboldt où on a rassemblé le tout, puis de là à Kenora et puis à Churchill. On a facturé 15 $ aux agriculteurs. Cela a été la même chose lorsqu'on l'a expédié à Thunder Bay, puis retourné à Winnipeg, pour pouvoir percevoir deux fois le tarif du Nid-de-Corbeau. C'est la même chose. C'est arrivé il y a deux semaines à peine.

M. Garry Breitkreuz: Il en coûterait donc moins cher d'entretenir la voie ferrée que de réparer toutes les routes?

M. Garfield Lutz: Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

M. Garry Breitkreuz: Ma dernière question s'adresse à Bruce.

Dans votre postface—et cela a vraiment attiré mon attention—vous mentionnez tout un tas de programmes. Est-il possible de concevoir un programme de soutien agricole qui couvrirait tous les secteurs, de l'élevage des porcs à la production céréalière? Peut-on avoir un programme uniformisé?

Si la crise est aussi grave que cela en Saskatchewan,—c'est censé être la province la plus mal en point, vous savez—comment se fait-il que le paiement moyen y soit nettement inférieur à la moyenne nationale? Ce paiement moyen est de 10 000 $ environ et seulement 51 p. 100 des agriculteurs qui présentent une demande reçoivent quelque chose.

Il s'agit ici d'une question à double volet.

Le président: Vous n'avez que quelques secondes pour y répondre.

M. Bruce Wagner: Pas plus tard qu'il y a dix minutes, on m'a dit que l'ACRA a d'abord été conçue pour les éleveurs de porcs du Canada. On a tout simplement essayé de l'adapter à tous les autres producteurs. Cela ne marche pas du tout. Il faudrait trouver un autre moyen. Le problème, monsieur, c'est que si on ne le trouve pas bientôt, on perdra les meilleurs et les plus brillants d'entre nous.

M. Garry Breitkreuz: C'est un bon point. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

La parole est maintenant à M. Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous dirai tout de suite, Bruce, que votre postface m'a beaucoup intéressé, car, en tant que député de l'Ontario—et je suis allé maintes fois dans l'Ouest—je me fais toujours dire par les agriculteurs de ma circonscription que je ferais bien de travailler aussi pour eux si je veux être réélu. C'est une des choses que je dois affronter lorsque je vais dans ma circonscription.

• 1640

J'ai entendu beaucoup de choses, ici, ces derniers jours, et je les ai regroupées en huit points.

En premier lieu, il faut essentiellement établir une politique agricole à long terme. Cela comprend cinq points, soit des revenus justes, les facteurs de production des jeunes agriculteurs, un régime d'assurance-revenu, la bonification du CSRN et l'amélioration de l'assurance-récolte.

Je veux parler tout d'abord de l'assurance-revenu et vous demander s'il faudrait rétablir le RARB et s'il faudrait que celui- ci ne tienne pas compte du marché, si possible, étant donné que ce programme existe toujours en Ontario. Le gouvernement provincial a décidé d'appuyer ce programme et les agriculteurs ontariens disposent de quelque 350 millions de dollars pour les aider à traverser la crise actuelle.

M. Bruce Wagner: Je crois qu'il nous faut d'excellentes première, deuxième et troisième lignes de défense, mais je n'oublie pas qu'on a demandé aux céréaliculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba de participer à une guerre commerciale internationale dont ils ne devraient pas faire les frais. Le gouvernement de la Saskatchewan devrait faire sa part pour ce qui est des première, deuxième et troisième lignes de défense—les assurances-récoltes, les CSRN, une certaine forme de RARB.

Mais le RARB et toutes ces choses réunies ne changent rien au fait que l'on envoie les agriculteurs de la Saskatchewan à la guerre, qu'on leur enlève leurs vêtements et qu'on leur dit d'acheter eux-mêmes leurs saudits fusils. Puis on donne l'argent à tout le monde sauf à eux. Cela ne peut pas continuer. Cette guerre commerciale dure depuis 20 ans. Les producteurs de porc et d'autres denrées n'ont pas vécu cela. Ils connaissent tous des cycles de libre marché et de gestion de l'approvisionnement. Le secteur céréalier a été dépouillé et les producteurs qui tiennent encore le coup ont besoin d'aide.

M. Murray Calder: Quelqu'un d'autre veut-il donner son opinion là-dessus? Ted.

M. Ted Cawkwell: Nous avons déjà essayé cela. Nous avons eu les première, deuxième et troisième lignes de défense—les CSRN, RARB et stabilisation du grain de l'Ouest. Les programmes dans d'autres pays... Je le répète, je ne crois pas du tout aux subventions, mais nous les avons essayées.

À titre de céréaliculteur de la Saskatchewan, je peux vous dire que vous allez avoir énormément de mal à faire accepter le RARB aux agriculteurs de la province si le gouvernement provincial joue quelque rôle que ce soit. Je suis d'accord avec Bruce que le gouvernement de la province devrait payer sa part. On s'est bien fait avoir. Tout ce qu'on a reçu c'est une facture par la poste. Si vous mettez en place un programme auquel participerait notre gouvernement provincial, je vais m'en aller en vacances. Je ne suis vraiment pas intéressé.

Des changements assez importants semblent être apportés aux autres programmes. Toutefois, chaque fois que nous élisons un nouveau gouvernement fédéral, tout le monde veut faire du rafistolage. Je pense que Bruce a dit que la formule «un programme pour tous» ne fonctionne tout simplement pas. Le pays est trop vaste. Les intérêts sont différents. Il existe divers programmes de commercialisation et de vente dans les différentes régions du pays. Ce qui est bon pour les agriculteurs de votre région pourrait nous être nuisible, et inversement. La différence est tout simplement trop grande au niveau des producteurs.

M. Murray Calder: Il y a une trop grande diversité.

M. Ted Cawkwell: Oui, cela ne fonctionne tout simplement pas.

M. Murray Calder: Merci. Garfield.

M. Garfield Lutz: Un président des États-Unis a dit: «Si vous ne vous occupez pas des agriculteurs, l'herbe va pousser dans vos rues.»

Certaines personnes disent que le marché va dicter les prix dans le secteur de l'agriculture. Remontez aussi loin que vous le voulez dans le temps—même jusqu'au Saint Empire romain—et vous constaterez que toutes les nations qui ont négligé l'agriculture sont tombées. Négliger l'agriculture n'a jamais été une solution qui a fonctionné. Les nations le savent bien. Il suffit de voir les subventions actuellement versées par les Européens et les Américains. Ces subventions sont des instruments de guerre. Comme mon collègue l'a mentionné dans son exposé, nous n'avons ni munitions, ni fusils, ni vêtements. Nous n'envoyons pas nos armées au combat dans de telles conditions.

Le président: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Murray Calder: Me reste-t-il du temps?

Le président: Il vous reste environ une minute et demie.

• 1645

M. Murray Calder: L'autre programme dont nous avons beaucoup parlé est le CSRN. Voici certains des points qui ont été mentionnés relativement à cette initiative: le programme doit être plus accessible qu'il ne l'est actuellement; un impôt de 30 p. 100 est prélevé; par ailleurs, on semble dire que le programme s'adresse aux agriculteurs ayant un faible revenu et un avoir peu élevé, ce qui signifie essentiellement les jeunes agriculteurs qui font leur entrée dans l'industrie. J'aimerais que l'un d'entre vous nous donne son point de vue là dessus.

Garfield.

M. Garfield Lutz: Les jeunes agriculteurs me disent qu'ils n'ont pas d'argent à mettre dans le CSRN.

Par ailleurs, l'une des personnes ayant fait un exposé a traité de l'un de ces points. Notre revenu diminue sans cesse, de sorte que notre contribution diminue constamment elle aussi.

M. Murray Calder: Bruce.

M. Bruce Wagner: Je pense que M. Lutz a raison. Comme Michelle l'a mentionné, si nous devons recourir au CSRN une année sur quatre ou sur cinq pour équilibrer notre revenu, le programme est utile. Le problème c'est que nous subissons de très grands écarts de revenu qui ne peuvent être absorbés par ce programme, du moins pas de façon continue. Si vous ne mettez rien dans le compte, il n'y a rien à retirer. Et si vous n'avez pas les moyens de mettre de l'argent dans le compte, comment allez-vous faire pour en retirer? Ceux qui ont de l'argent peuvent continuer pendant un bout de temps, mais les jeunes et ceux qui n'ont pas eu de chance sont coincés.

Le président: Merci.

C'est maintenant au tour de M. Proctor.

M. Dick Proctor: Merci.

Monsieur Cawkwell, vous avez dit à quelques reprises que vous ne croyez pas aux subventions. C'est une position très noble, mais que devrions-nous faire, compte tenu que tous les autres subventionnent à plein?

M. Ted Cawkwell: Je vois ce que vous voulez dire. J'ai dit qu'il y avait eu une solution à court terme, et cela en raison des subventions aux États-Unis et en Europe. Ces subventions posent un grave problème.

Je n'appelle pas cela une subvention lorsque je reçois un remboursement d'impôt. Nous payons beaucoup d'impôts sur le coût des intrants. Nous payons une proportion inappropriée de taxes pour l'éducation par l'entremise des taxes foncières dans notre province. C'est un remboursement d'impôt; je n'appelle pas cela une subvention. Les grandes exploitations agricoles versent des montants astronomiques au gouvernement.

Il existe un problème à court terme. Si des paiements ne sont pas accordés, les agriculteurs vont se mettre à quitter leurs fermes en grand nombre.

Je n'aime pas que l'on parle de subvention lorsque le gouvernement est constamment dans le chemin lorsque nous essayons de commercialiser nos produits et de les mettre sur le marché. Le terme «subvention» n'est pas celui qui convient lorsqu'il s'agit de remboursements d'impôt.

M. Dick Proctor: Je vois.

Michelle, pourriez-vous nous préciser quelles sont certaines des ramifications sociales que vous entrevoyez, compte tenu de ce qui se passe? Je ne vous pose pas la question uniquement parce que vous êtes la seule femme ici. Adam était ici il y a quelques minutes et j'allais lui poser une question. Que voyez-vous? Quel mal voyez-vous et ressentez-vous au sein de votre communauté?

Mme Michelle Luciuk: C'est terrible.

En fait, il est curieux que vous me posiez cette question. Lundi soir, j'étais présente à une réunion à Yorkton, où nous espérions que les agriculteurs posent des questions précises, notamment en ce qui a trait aux chiffres et autres considérations du genre. Tous ceux qui étaient présents se sont levés et ont raconté leur histoire. La plupart d'entre eux ont fondu en larmes. Je me disais, mais ça n'a pas de sens. Un homme de 50 ans que je ne connais même pas, qui ne me connaît pas, est prêt à prendre la parole devant un auditoire comme celui là, à raconter son histoire puis à fondre en larmes. Vous ne pouvez faire autrement qu'en conclure que quelque chose ne va pas, que le problème a des répercussions très profondes.

Je sais qu'on a posé plus tôt la question de savoir où était la limite, où était le point au-delà duquel les gens renoncent. Tous les agriculteurs qui étaient présents à la réunion ont dit qu'ils n'allaient pas lâcher—du moins tant que la banque ne les y contraindra pas. Nous en sommes rendus là.

J'ai même entendu des gens dire qu'ils allaient faire une grève de la faim ou qu'ils allaient s'armer et se barricader parce qu'ils ne veulent pas quitter leurs fermes. C'est terrible. Nous avons parlé à des agriculteurs qui ne peuvent littéralement pas nourrir leurs enfants. Ils gardent leurs enfants à la maison de temps à autre, parce qu'ils n'ont pas les moyens de leur préparer un repas digne de ce nom et qu'ils ne veulent pas que cela se sache.

Il y a aussi le stress. Dans notre famille, c'est terrible parce que mon mari est maintenant parti tout le temps. Il y a les enfants... Je suis devenue un parent unique par la force des choses. C'est terrible. Je pense qu'aucun d'entre vous n'est conscient du genre de douleur avec laquelle les agriculteurs doivent composer.

M. Dick Proctor: Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

• 1650

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Premièrement, j'ai peut-être oublié de dire que je suis de Brandon. Je puis vous assurer que je suis conscient du fait que l'agriculture est l'industrie clé d'un grand nombre de collectivités dans les régions de Brandon et de Prince Albert.

Brandon est aussi la ville des Wheat Kings. Je mentionne ce point au cas où cela intéresserait certain d'entre vous.

Des voix: Boo!

M. Rick Borotsik: J'ai compris. Je voulais simplement vous mentionner ce point.

J'ai aussi été actif en politique municipale. Par conséquent, je vais adresser ma question à Garfield. À titre de préfet de municipalité, je me demande si vous pourriez nous dire un mot sur vos arriérés de taxes, dans la mesure où ceux-ci ont une incidence sur les difficultés éprouvées et sur ce qui se passe au niveau des collectivités?

Normalement, les taxes municipales sont payées en octobre. Je ne sais pas si c'est le cas dans votre municipalité, mais c'est habituellement la période où cela se fait. Quels sont vos arriérés au niveau des taxes municipales, sur lesquelles vous comptez évidemment pour le prélèvement spécial aux fins de l'éducation ainsi que pour...? À quel montant pourraient se chiffrer les arriérés l'an prochain? Les agriculteurs que je connais essaient toujours de payer leurs comptes et, habituellement, les taxes sont l'une des premières choses qu'ils paient. Par conséquent, il est possible que vos arriérés ne soient pas si élevés en ce moment. À quoi vous attendez-vous l'an prochain, en octobre?

M. Garfield Lutz: L'autre soir, j'ai dit à un de mes voisins que je dois décrocher mon téléphone à dix heures le soir. Je reçois constamment des appels concernant cette question, à savoir une révolte.

M. Rick Borotsik: À combien se chiffrent vos arriérés actuellement?

M. Garfield Lutz: La situation est à peu près normale.

Toutefois, il y a un changement important que je veux vous signaler. J'ai été préfet de la même municipalité il y a 12 ans, et la liste des électeurs renfermait plus de 1 650 noms, alors qu'elle n'en comptait plus que 1 000 l'automne dernier.

M. Rick Borotsik: Quelle situation anticipez-vous l'an prochain? Vous êtes proche du problème.

Je veux aussi vous discuter du prélèvement aux fins de l'éducation, parce que cette question a été soulevée, non pas cette fois-ci, mais à beaucoup d'autres occasions par des groupes que nous avons rencontrés. Que pensent vos contribuables du prélèvement spécial aux fins de l'éducation sur leur compte de taxes municipales? À quoi vous attendez-vous l'an prochain, en octobre 2000? Compte tenu de ce que vous savez maintenant et du niveau de liquidités dans l'industrie agricole, que va-t-il arriver à votre municipalité en octobre 2000?

M. Garfield Lutz: Je pourrais presque vous garantir que nous serons aux prises avec une révolte. Comme vous le savez, à titre de membre d'un gouvernement je ne peux participer à un tel mouvement, mais j'anticipe une révolte dans notre municipalité relativement aux taxes. Nous sommes strictement une municipalité rurale; nous comptons deux villages et deux hameaux. Notre taux par mille est de 16 millièmes de dollar en vertu du nouveau système. Nous avons perdu tous nos élévateurs au profit de la municipalité voisine. Celle-ci compte trois élévateurs à haut rendement. Elle n'a même pas besoin de ses taxes, qui sont fixées à neuf millièmes de dollar.

Voyez-vous l'écart? Les gens n'en peuvent plus. Ils me téléphonent sans cesse pour organiser une révolte.

Il faut envoyer le message aux gouvernements provincial et fédéral. Peut-être le comité est-il un véhicule nous permettant de dire aux gouvernements que nous éprouvons énormément de difficultés. Le message ne porte pas seulement sur la taxe pour l'éducation; il vaut pour tout ce que les agriculteurs gagnent et pour tout le système fiscal.

M. Rick Borotsik: Je comprends. Merci.

Ted, vous avez fait allusion à la Commission canadienne du blé. On a aussi parlé de la commission dans un grand nombre de nos réunions. Je signale à titre d'information qu'en octobre dernier, la Commission canadienne du blé a effectué un sondage, une étude payée par les agriculteurs. Vous êtes en quelque sorte un partenaire. J'ai demandé à la CCB de me remettre une copie des résultats du sondage.

Le sondage ne renferme aucun renseignement sur les taux indicatifs du marché, ni sur ceux à qui nous vendons nos céréales. Il traite d'autres questions, notamment l'appui accordé à la Commission canadienne du blé. On a refusé de me donner copie de ce sondage. J'ai fait une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais je vais être débouté. À titre de membre contributeur et, en tant que tel, de propriétaire de la Commission canadienne du blé, pensez-vous que vous devriez avoir la possibilité d'avoir accès à ce sondage effectué par la CCB?

M. Ted Cawkwell: Oui, tout à fait. Ce sondage devrait être un document d'information publique.

M. Rick Borotsik: Soit dit en passant, le conseil d'administration auquel vous avez fait allusion, qui est élu par les agriculteurs, a discuté de ce sondage au cours d'une réunion et a dit qu'il n'allait pas rendre ce document public. À titre d'agriculteur représenté par le conseil d'administration, que pensez-vous de cette décision?

M. Ted Cawkwell: Cela vous donne une bonne idée de ce que le sondage a révélé, n'est-ce pas?

M. Rick Borotsik: Je ne sais pas. Je ne peux mettre la main sur ce satané sondage. J'aimerais bien pouvoir le faire.

M. Ted Cawkwell: Si le sondage laissait entendre que la majorité des agriculteurs sont en faveur du monopole exercé actuellement par la Commission canadienne du blé, je suis certain que cela serait annoncé par tous les médias nationaux.

M. Rick Borotsik: J'imagine. Merci. Essayez d'en obtenir copie, s'il vous plaît. J'aimerais vraiment voir les résultats de ce sondage.

M. Ted Cawkwell: Je ne veux vraiment pas leur parler, à moins que ce ne soit nécessaire.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président.

Ted, pour ce qui est de la Commission canadienne du blé, nous n'allons pas régler la question maintenant. Les opinions ne sont peut-être pas partagées également, mais il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup d'opinions différentes au pays.

• 1655

En ce qui a trait à la question du transport et à la lettre à Reg Alcock, avant que je n'appose mon nom au bas de la lettre... Mon nom est l'un des deux noms qui figurent au bas de cette lettre. Cela ne donne pas satisfaction à tout le monde, mais je pense que si nous obtenons ce que nous demandons, plusieurs centaines de millions de dollars qui vont maintenant aux sociétés ferroviaires vont rester dans les Prairies.

Je veux dire un bon mot pour les gens de la Saskatchewan. Hier, quelques-uns d'entre nous ont posé des questions au sujet de la campagne du ruban d'or. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant. Plus tôt aujourd'hui, nous avons reçu copie du document d'information et je vous en félicite. À Ottawa, à la Chambre des communes, nous recevons tous des rubans à chaque semaine. Ces rubans sont toujours associés à de bonnes causes, mais je doute qu'il y en ait une plus valable que la vôtre—et la nôtre—et je pense qu'il faut rapporter cela en Ontario avec nous.

J'en arrive à mon unique question. Nous avons parlé des voisins qui s'en allaient. Je veux avoir une idée de votre collectivité—si grande soit-elle—autour de Prince Albert. Quelle est votre impression en ce qui a trait à la collaboration obtenue par vos voisins de la part des banques à charte et de la Société du crédit agricole? Nous entendons différentes histoires à différents endroits.

M. Garfield Lutz: Dans le cas d'un de mes voisins, sa terre a été mise en vente la semaine dernière. L'annonce a été faite par Agriculture Saskatchewan. Un autre a vendu sa ferme. Cette personne avait sept enfants. Nous n'avons même plus d'équipe de hockey pour ce groupe d'âge, parce que trop d'enfants sont partis. Il n'est pas rare de voir des jeunes garçons et des jeunes filles qui veulent jouer au hockey ou faire du patinage venir de quatre, cinq ou six petites localités et se retrouver à la même patinoire, alors que dans le passé chacun de ces endroits avait sa propre équipe de hockey ou son club de patinage. Il ne reste plus d'enfants.

M. Larry McCormick: C'est vrai. Les coûts et l'impact au niveau social sont importants et c'est le milieu rural qui est touché, à savoir les agriculteurs, les communautés et tout le reste. Tous souffrent de la situation. Michelle a dit, pour résumer la situation—et vous avez tous été très polis en le faisant—que les agriculteurs ont besoin d'aide d'ici deux jours ou deux semaines. Un jeune homme, qui était assis là où se trouve maintenant Ted, a dit qu'il doit prendre ses décisions au sujet de la campagne agricole le dernier jour de décembre. Or, comme vous le savez, le budget fédéral est normalement déposé en février.

J'imagine que j'essaie de vous dire de garder la foi. J'espère que nous verrons des choses avant cette date, mais j'ai simplement pensé que j'encerclerais le mois de février. Monsieur le président.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Monsieur le président, pourrais-je avoir 30 secondes? J'ai oublié de poser une question. C'est essentiellement pour mon information personnelle. J'ai entendu dire un certain nombre de fois que 48 p. 100 à 49 p. 100 du coût des intrants est représenté par des taxes cachées. Où avez-vous obtenu l'information selon laquelle 48 p. 100 des coûts liés aux intrants sont en fait des taxes?

Ted, je pense que c'est peut-être vous qui avez dit cela. Ou peut-être est-ce Bruce. Qui a dit cela?

Une voix: Excusez-moi. Une étude a été faite par l'Université du Manitoba il y a environ cinq ans...

M. Rick Borotsik: L'Université du Manitoba? Savez-vous par hasard qui a fait cette étude?

Une voix: Le département de l'Agriculture.

M. Rick Borotsik: Par l'entremise de l'Université? Bien. Merci. C'est ce que je voulais savoir.

Le président: Eh bien, nous sommes à court de temps. Je voudrais vous remercier tous.

Je vous remercie particulièrement, jeune Adam. Il semble que vous auriez du succès en politique. Comment vont les études, incidemment?

M. Adam Luciuk: Bien.

Le président: Comment se fait-il que vous ayez congé cet après-midi?

M. Adam Luciuk: Ma mère est venue me chercher.

Le président: Ah bon.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, pourrais-je dire quelque chose à Adam—sans l'utiliser pour autant?

Adam, une des choses qui me préoccupent... Je viens de l'Ontario, bien loin d'ici. Certains disent que nous sommes complètement indifférents à ce qui se passe ici. C'est une réputation que nous méritons peut-être, mais cela me préoccupe parce que la crise touche beaucoup de gens dans l'Est.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre deux organisations: le Syndicat national des cultivateurs, représenté par Morris Prescesky, et l'United Grain Growers, représenté par Terry Youzwa et Brett Halstead, tous deux directeurs de l'UGG.

Aux fins d'information, je signale que lorsque nous aurons fini d'entendre ces organisations, dans environ 45 minutes, nous inviterons quatre autres agriculteurs à prendre la parole. Ce sont Don Kelsey, Donald Blocka, Armand Roy et Bill Cooper.

• 1700

Soyez les bienvenus, messieurs Prescesky, Terry et Brett.

Monsieur Blocka, vous ne faites pas partie de ce groupe, n'est-ce pas? Vous faites partie du groupe d'agriculteurs qui témoigneront à titre personnel dans 45 minutes. Nous serons heureux de vous entendre tout à l'heure.

Voici donc le Syndicat national des cultivateurs et l'United Grain Growers. Commençons avec le Syndicat, qui dispose d'à peu près sept minutes.

Soyez le bienvenu, Morris.

M. Morris Prescesky (président, section locale 628, Syndicat national des cultivateurs): Merci, John.

Je suis président de la section locale 628 du Syndicat national des cultivateurs et on m'a demandé de présenter un mémoire aujourd'hui.

Tout d'abord, je signale que j'exploite une ferme dans la région de Mayfair. Je suis marié. J'ai une famille, quatre garçons, dont deux sont toujours avec moi à la ferme. Je voudrais commencer en vous transmettant un message. C'est un communiqué que notre président, Cory Ollikka, a fait paraître au terme des négociations de l'OMC, à Seattle:

    «Après avoir assisté aux réunions et aux séances d'information du gouvernement à Seattle ces quatre derniers jours, je peux seulement en conclure qu'un vaste fossé sépare les familles agricoles du Canada qui sont aux difficultés avec un revenu net extrêmement bas à cause de la position en matière d'agriculture que les représentants canadiens défendent à l'OMC,» a déclaré le président du SNC, Cory Ollikka, le dernier jour des négociations de l'OMC.

    Ollikka a fait remarquer que le discours et la préoccupation centrale de ces négociations de l'OMC n'avaient vraiment rien à voir avec la vie des familles agricoles au Canada. Il s'est dit d'avis que les négociations ne semblaient pas du tout avoir pour objet de fournir aux agriculteurs ce qu'ils veulent ou ce dont ils ont besoin.

Je vais maintenant vous donner la liste de ce que demandent les agriculteurs: 1) des prix équitables; 2) une position dominante sur le marché; 3)un environnement sain; 4) des marchés stables; 5) des filets de sécurité efficaces et bien financés et 6) des aliments salubres.

Par ailleurs, les négociateurs canadiens veulent ce qui suit: 1) des prix mondiaux, pas nécessairement des prix équitables; 2) l'accès aux marchés, pas nécessairement une position dominante sur le marché; 3) la fin des barrières non tarifaires; 4) une hausse des exportations et des importations, pas nécessairement des marchés stables; 5) une réduction importante du soutien interne. Je répète le numéro cinq: une réduction importante du soutien interne. C'est un objectif que devaient poursuivre les négociateurs canadiens aux pourparlers de l'OMC à Seattle. Il y en avait également un sixième: l'évaluation du risque.

La différence ne réside pas seulement dans le discours, mais, d'une façon plus fondamentale, dans la vision et dans l'orientation. Même si le discours des négociations commerciales doit être technique et précis, dans ce cas, le discours technique ne sert qu'à embrouiller la position de négociateur du Canada qui contredit les besoins des familles agricoles. Les marchés ne rendent pas justice aux agriculteurs. Les marchés les punissent. Pourtant, la position canadienne aux négociations, qui vise l'accès aux marchés, la déréglementation et le libre-échange, est conçu pour enlever aux agriculteurs la protection qui peut leur rester dans ce système de marché.

Que signifie tout cela pour ma ferme familiale? Mariés en 1969, ma femme et moi avons élevé quatre garçons et une fille. Deux de nos fils sont mariés et ont des familles. Nos enfants sont âgés de 17 à 26 ans. Nous les avons élevés, éduqués et préparés à être des agriculteurs en Saskatchewan.

• 1705

L'an dernier, en décembre 1998, mon fils aîné m'a dit: «Papa, il semble que le Canada refuse de nous payer pour le grain que nous avons produit. Je ne peux plus gagner ma vie ici.» Je l'ai donc vu partir.

Le printemps dernier, j'ai écrit à M. Vanclief que les prix du grain étaient tellement bas qu'il était impossible d'acquitter les factures et que le programme ACRA ne fonctionnait pas. J'ai reçu une lettre de son bureau me disant que le gouvernement subventionnait l'agriculture au moyen de l'assurance récolte, ou le CSRN, et de l'ACRA, et que, si ce n'était pas suffisant, je devrais envisager une vente aux enchères.

Je pense que c'est cette lettre de M. Vanclief qui a convaincu mon plus jeune fils à renoncer à l'agriculture. Il y a deux semaines, il nous a quitté pour occuper un emploi en Alberta.

J'ai ici—et je l'ai déjà montré à certains d'entre vous—un bon au comptant de 1948, faisant état d'un prix de 84c. le boisseau. En 1999, le prix est de 85c. le boisseau—juste un cent de plus et 52 ans plus tard. L'orge est aujourd'hui de 1,44 $ le boisseau. Incidemment, c'est le prix du marché libre. Les PDR à la Commission du blé sont supérieurs à 2 $. Notre blé vaut aujourd'hui 1,90 $ le boisseau—et c'est aussi du blé fourrager.

Quand la subvention du Nid-de-Corbeau a été abolie dans l'ouest du Canada, nous, les agriculteurs, sommes avons été enclavés, obligés de payer le fret au complet aux compagnies de chemins de fer pour transporter nos exportations pour le Canada. C'est alors que notre gagne-pain a disparu. Notre revenu extra-agricole et nos économies, voilà ce qui nous a permis de continuer. La plupart d'entre nous n'avons plus rien à donner.

Nous avons entendu dire que, dans l'ex-Union soviétique, des gens attendent pendant un an d'être payés. Dans l'ouest du Canada, certains d'entre nous attendent maintenant depuis trois ans. Sans le soutien agricole dans cette période difficile, nous, les agriculteurs, mourons de faim dans un pays d'abondance.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de donner la parole aux représentants de l'UGG, je rappelle que vous avez dit avoir reçu une lettre du ministre de l'Agriculture. Avez-vous cette lettre avec vous?

M. Morris Prescesky: Oui.

Le président: Pourriez-vous la déposer auprès du comité?

M. Morris Prescesky: Bien sûr, je vous la remettrai.

Le président: Merci.

Maintenant, Terry, allez-vous commencer?

M. Terry Youzwa (directeur, United Grain Growers): Oui.

Le président: Soyez le bienvenu.

M. Terry Youzwa: Merci, monsieur le président et honorables députés.

Je suis membre du Comité exécutif de l'United Grain Growers. J'exploite une ferme à Nipawin, en Saskatchewan.

M. Brett Halstead (directeur, United Grain Growers): Je suis Brett Halstead, le nouveau directeur de l'United Grain Growers. Je suis céréaliculteur et éleveur de bétail à Nokomis, en Saskatchewan.

M. Terry Youzwa: Je résumerai le mémoire que vous devez avez sous les yeux. Je l'ai déposé à l'avant. Je vous invite à le lire car il complétera mes déclarations. J'espère qu'on le fera circuler bientôt.

Merci d'avoir donné à l'UGG la possibilité de comparaître devant vous. Au cours de mon exposé, je n'ai pas l'intention d'insister longtemps sur l'étendue des problèmes concernant le revenu agricole. Ces problèmes ont été bien rapportés par écrit.

L'UGG voudrait plutôt mettre l'accent sur les solutions possibles. Tout d'abord, il est important que le gouvernement fédéral reconnaisse sa responsabilité à l'égard des difficultés financières auxquelles font face les agriculteurs des Prairies. La réduction de soutien au revenu agricole, le lourd fardeau fiscal et l'échec des négociations commerciales visant à protéger comme il faut les intérêts des céréaliculteurs et des éleveurs de bétail de l'Ouest sont au coeur de ces difficultés financières.

L'UGG fera des observations, non seulement sur le filet de sécurité, mais aussi sur les questions ayant trait au commerce, à l'impôt, aux dépenses pour le réseau routier, à la réforme du transport du grain, aux frais d'utilisation et aux obstacles à la transformation ultérieure.

Je devrais mentionner que les propositions que présente aujourd'hui l'UGG sont fondées sur des résolutions adoptées par les agriculteurs délégués aux assemblées annuelles de l'UGG. Ces résolutions sont jointes à notre mémoire. L'UGG se fie aussi à son réseau de quelque 180 conseillers en politiques.

Nous sommes d'avis qu'un programme de soutien agricole devrait être indépendant du commerce et reposer sur les principes suivants, que je ne lirai pas pour sauver du temps.

D'après nous, le programme ACRA ne règle pas les problèmes liés au commerce qu'éprouvent les agriculteurs de l'ouest du Canada. Ce programme n'a pas été conçu pour eux. Cela dit, nous pensons que l'ACRA devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'exercice 1999. Les agriculteurs qui pourraient être admissibles à une aide ont tenu compte du programme pour prendre leurs décisions et pour établir leur planification.

• 1710

Nous croyons que le filet de sécurité agricole du Canada devrait comprendre trois éléments principaux: l'assurance récolte pour couvrir tout risque associé à la production; le programme d'avances en espèces pour aider les agriculteurs à gérer l'encaisse; le CSRN pour fournir un soutien au revenu, une stabilisation, et—comme nous allons l'expliquer plus tard—des paiements de péréquation commerciale. Quand ils sont bien structurés et financés, ces trois programmes permettent de satisfaire les besoins financiers des agriculteurs des Prairies.

En ce qui concerne l'assurance récolte, nous sommes d'avis qu'on devrait améliorer le programme pour que tous les risques liés à la production puissent être couverts à un coût raisonnable.

Le programme d'avances en espèces est populaire auprès de la majorité des agriculteurs. Nous favorisons son application et toutes les améliorations dont il pourrait être l'objet. Il est particulièrement indispensable dans le cas du grain assujetti à la Commission du blé, où notre capacité de vendre le produit est restreinte.

Le CSRN aussi est bien vu par la plupart des producteurs et répond aux critères dont nous avons parlé plus tôt. Le programme représente un moyen efficace pour les agriculteurs de stabiliser le revenu sur leurs propres fermes. Pour le gouvernement, c'est également un véhicule efficace et approprié pour fournir un soutien du revenu additionnel.

Pour satisfaire les besoins actuels et futurs, le CSRN devrait être utilisé de manière à verser aux agriculteurs des paiements de péréquation commerciale pour compenser le tort fait par les subventions et les manipulations du marché par d'autres pays. Comme la négociation d'accords commerciaux internationaux est une responsabilité fédérale, Nous soutenons que la responsabilité de compenser ces distorsions revient uniquement au gouvernement fédéral. Des paiements de péréquation commerciale devraient donc être versés jusqu'à l'élimination des subventions européennes aux exportations et d'autres programmes causant des distorsions au niveau de la production et du commerce en Europe, aux États-Unis et ailleurs. Les paiements devraient être calculés en fonction de l'étendue du tort fait par ces manipulations du marché. Notons que le Canada a une bonne marge de manoeuvre dans ses engagements à l'égard du soutien interne pris à l'OMC pour subventionner ces paiements.

Le Comité consultatif national sur la protection du revenu recommande de doubler les cotisations gouvernementales au CSRN. Nous appuyons cette recommandation.

En ce qui concerne la réforme du commerce, la plupart d'entre nous reconnaissons que la solution durable au problème du revenu agricole consiste à corriger les manipulations du marché par d'autres pays. À notre avis, les programmes de subventions et d'aide qui cause la distorsion de la production appliqués en Europe et aux État-Unis sont les pires formes de soutien. Nous n'en voulons pas aux pays qui décident d'aider leurs agriculteurs, mais il nous revient à tous d'insister pour que leur aide ne nuise pas à la production et au commerce.

Comme on le sait, le Canada a éliminé toutes les subventions aux exportations céréalières, y compris la subvention au transport aux termes de la LTGO. Il faut remarquer que cette subvention était financée entièrement par le gouvernement fédéral et n'était pas assujettie au partage fédéral-provincial 60-40. Nous pouvons accepter le partage 60-40 visant l'assurance récolte et d'autres mesures de soutien du revenu qui ne sont pas liées au commerce. Mais ce n'est pas une formule de financement acceptable dans le cas du commerce international, qui relève exclusivement de la compétence fédérale.

La position commerciale obstinée du Canada concernant la Commission canadienne du blé est inacceptable. Selon les reportages des médias, le commissaire à l'agriculture de l'UE Franz Fischler est disposé à réduire les subventions aux exportations si, de son côté, le Canada accepte de mettre les pouvoirs monopolistiques de la CCB sur la table des négociations. Nous sommes d'avis que les avantages que le monopole de la CCB peut apporter aux agriculteurs de l'ouest du Canada ternissent en comparaison des avantages qui résulteraient d'une réduction des subventions aux exportations. Nous exhortons les négociateurs canadiens à accepter les propositions de M. Fischler. Le retrait des dispositions obligatoires de la CCB est une mesure que le gouvernement fédéral peut prendre pour aider les agriculteurs des Prairies sans qu'il en coûte au Trésor fédéral.

L'Europe a également fait valoir la notion d'une politique agricole multifonctionnelle, dans le cadre de laquelle des programmes servent à promouvoir l'écologie et divers objectifs relevant de la politique sociale. À notre avis, cette polyvalence n'est qu'une excuse pour continuer à appliquer des programmes qui causent une distorsion de la production et pour maintenir les barrières à l'accès au commerce. Si l'Europe voulait vraiment une politique agricole multifonctionnelle, elle convertirait immédiatement tous ses programmes rouge, bleu et ambre pour les regrouper dans la catégorie verte.

L'accès aux marchés est également crucial. Les producteurs de grain et d'oléagineux de l'ouest du Canada continuent à faire face à des tarifs élevés sur les exportations de nombreux produits agricoles de base vers les pays du littoral du Pacifique, entre autres. Nous trouvons contradictoire la position commerciale du Canada qui se solde par un niveau inégal d'aide fédérale pour divers produits de base. Selon les estimations de l'OCDE, l'aide aux producteurs en 1998 au Canada était de 9 p. 100 pour le blé, de 6 p. 100 pour les oléagineux, le boeuf et le porc, alors qu'elle était de 58 p. 100 pour les produits laitiers. Il faut s'attaquer à cette injustice. Les programmes de soutien agricole et les règlements du gouvernement fédéral devraient garantir un soutien équilibré partout au Canada et pour tous les produits de base.

Pour ce qui est des taxes sur le carburant, l'UGG voudrait maintenant dénoncer le fardeau qu'elles représentent pour les agriculteurs des Prairies ainsi que l'insuffisance du financement fédéral pour l'infrastructure routière. En octobre, l'UGG a commandé au Transport Institute de l'Université du Manitoba une étude concernant les taxes sur le carburant fédérales et provinciales, et les dépenses affectées au réseau routier des Prairies. Cette étude est jointe à notre mémoire.

• 1715

L'étude révèle que le gouvernement fédéral perçoit chaque année, sous forme de taxes sur le carburant lié aux transports, environ 4,4 milliards de dollars, dont 96 p. 100 viennent des taxes sur le carburant lié au transport routier. Notons que les agriculteurs ne sont pas exemptés des taxes fédérales sur le gaz-oil moteur ou l'essence. Le prix est actuellement de 4c. le litre de gaz-oil et de 10c. le litre d'essence. Cela représente un fardeau fiscal non justifié.

Nous pouvons accepter de payer des taxes sur le carburant pour la partie liée au transport routier. Cependant, dans le cas du gaz- oil utilisé par les agriculteurs, nous estimons que 95 p. 100 sert au travail sur la terre. L'exemple typique est celui d'une ferme céréalière de 2 000 acres, où il faut payer de 750 à 1 150 $ de taxes pour le gaz-oil utilisé sur place. Les taxes fédérales sur le carburant sont généralement de 100 à 500 $.

Ces taxes sur le carburant sont des taxes injustifiées sur la production alimentaire. Il faut remarquer que les fabricants de la plupart des autres produits ne sont pas assujettis à cette imposition additionnelle.

L'étude montre aussi que, même si le gouvernement fédéral perçoit environ 4,2 milliards de dollars par an de taxes sur le carburant lié au transport routier, seulement 200 millions de dollars sont consacrés à la construction de routes. Autrement dit, on dépense moins de cinq cents pour chaque dollar que l'on perçoit sous forme de taxes sur le carburant.

La participation du gouvernement fédéral à l'infrastructure routière des Prairies est encore plus faible. Depuis dix ans, le gouvernement fédéral a fourni 1,6 milliard de dollars aux projets d'infrastructure routière à l'échelle nationale. De ce montant, seulement 100 millions de dollars, ou 6 p. 100 du total, ont été dépensés dans les trois provinces des Prairies, même si le réseau routier des Prairies représente 52 p. 100 du réseau national.

Pour ce qui est de la réforme des transports, l'UGG exhorte le gouvernement fédéral à donner suite au rapport Estey, comme l'a fait valoir M. Arthur Kroeger. Si l'on veut nous donner 5 $ la tonne rapidement, c'est une excellente manière de le faire.

Sur la question des frais d'utilisateur, le vérificateur général du Canada vient de faire paraître un rapport selon lequel les agriculteurs des Prairies assument un fardeau inéquitable. On peut ensuite lire dans le rapport ce qui suit: «Il est difficile de savoir pourquoi certains programmes recouvrent la totalité de leurs coûts, d'autres une partie et certains pas du tout.»

Le vérificateur général a étudié l'effet cumulatif de ces frais d'utilisateur et il a noté qu'il varie selon le secteur. Le rapport fait ressortir que les producteurs de céréales et d'oléagineux ont subi une réduction de 2,5 p. 100 de leur revenu d'exploitation à cause de ces frais d'utilisateur. Par comparaison, il y a eu une réduction de 3,2 p. 100 pour les éleveurs de bétail, de 0,9 p. 100 pour les éleveurs de porcins et aucune réduction pour les producteurs de produits laitiers, de volaille et d'oeufs.

Les secteurs agricoles qui prédominent dans l'Ouest canadien sont, semble-t-il, les cibles privilégiées des mesures fédérales de recouvrement des coûts. UGG demande au gouvernement fédéral de réduire immédiatement ces frais d'utilisation.

En ce qui concerne la transformation ultérieure, UGG estime que la Commission canadienne du blé et le gouvernement fédéral devraient réduire les obstacles à la création de coopératives de nouvelle génération et à la réalisation d'autres projets de transformation à forte valeur ajoutée dans les Prairies.

Notons, par exemple, qu'un producteur de blé ontarien a le droit de vendre son blé directement à l'industrie transformatrice. Nous trouvons inacceptable que les producteurs d'une région donnée bénéficient, en matière de mise en marché, d'avantages qui sont refusés à leurs homologues des autres régions du pays. L'intransigeance de la Commission et du gouvernement fédéral fait obstacle à la réalisation de ces possibilités.

De même, le contingentement dans les secteurs soumis à la gestion de l'offre entrave l'expansion de ces industries dans les provinces de l'Ouest, malgré leurs nombreux avantages comparés naturels. Nous nous tournons vers le gouvernement fédéral pour qu'il fasse disparaître ces obstacles.

Nous avons constaté les inégalités suivantes: des politiques et programmes nationaux qui, selon l'OCDE, fournissent une aide beaucoup moins importante à l'égard des biens qui ne sont pas produits principalement dans l'Ouest canadien; une situation commerciale qui ne protège ni ne défend adéquatement les intérêts des éleveurs de bétail et des céréaliculteurs de l'Ouest canadien; un régime de taxe sur les carburants qui fait peser un fardeau indu sur les agriculteurs de l'Ouest canadien; un système national des dépenses relatives à l'infrastructure routière dans lequel les provinces des Prairie n'ont reçu qu'une part somme toute bien maigre des rares dépenses faites en cette matière; des mesures de recouvrement des coûts qui fait peser un plus lourd fardeau sur l'industrie céréalière et celle de l'élevage de bestiaux; des politiques de mise en marché du blé en vertu desquelles tous les agriculteurs du pays ne sont pas traités équitablement; et des règles de quota qui sont restrictives. Si l'on veut que les producteurs de Prairies réalisent leur plein potentiel de développement, il s'impose de remédier à ces inégalités systémiques dans l'application des politiques et programmes fédéraux.

En conclusion, UGG a proposé un certain nombre de mesures, soit de laisser l'ACRA suivre son cours pour 1999, d'améliorer l'assurance-récolte, d'élargir le cadre du programme des avances en espèces; de puiser dans le compte du CSRN pour verser des paiements fédéraux de péréquation en matière de commerce, de doubler la contribution de l'État au CSRN, de continuer de faire pression pour que soient abolies les subventions à l'exportation et les autres stratégies de production et pratiques de distorsion qu'utilisent d'autres pays, de maximiser l'accès des produits céréaliers et produits de l'élevage aux marchés d'exportation, de remédier aux disparités dans l'aide fédérale aux régions à l'égard de divers produits de base, d'éliminer la taxe fédérale sur le carburant agricole, d'accroître sensiblement le pourcentage des recettes tirées de la taxe sur le carburant qui est consacré l'infrastructure routière des Prairies, de donner suite au rapport Estey conformément aux recommandations de M. Kroeger, de réduire les frais d'utilisation que doivent payer les éleveurs de bétail et les céréaliculteurs des Prairies, et de faire disparaître les obstacles à la transformation à forte valeur ajoutée dans les Prairies.

• 1720

Nous vous remercions de nous avoir fourni l'occasion de faire valoir notre point de vue. Nous nous mettons maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous disposons à peu près du temps habituel pour les questions.

Monsieur Breitkreuz, vous avez six minutes.

M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup.

J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit. Vous avez abordé de nombreux aspects; cela va nous prendre un certain temps pour digérer tout cela, mais je vous sais gré du travail que vous avez fait.

J'ai quatre questions à poser. Je commencerai par vous adresser la même question à tous les deux.

Combien d'agriculteurs représentez-vous, et à quel pourcentage de l'ensemble des agriculteurs des Prairies cela équivaut-il? Je veux seulement savoir combien d'agriculteurs vous représentez dans les Prairies, pas à l'échelle nationale.

De plus, comment vos orientations sont-elles établies? Autrement dit, dans quelle mesure ces agriculteurs ont-ils participé à leur définition?

M. Morris Prescesky: Nous représentons les agriculteurs de la Saskatchewan, et notre information, nous la recueillons à l'occasion de réunions autour de la table de cuisine. Il n'y a pas eu autant de réunions qu'il aurait du en avoir, je le sais, mais ces derniers temps, il nous a été difficile de nous libérer parce que le téléphone sonnait sans arrêt.

Voilà comment nous nous informons auprès des agriculteurs membres.

M. Garry Breitkreuz: Mais du point de vue de l'adhésion, cela vous fait combien de membres? Combien d'agriculteurs représentez- vous en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta?

M. Morris Prescesky: Je dirais 3 000 environ.

M. Garry Breitkreuz: Vous ne pourriez pas me dire, je suppose, à quel pourcentage de l'ensemble des agriculteurs cela correspond. Cela fait combien, 6 p. 100?

M. Morris Prescesky: Je pense qu'il y a 55 000 détenteurs de carnets de livraison en Saskatchewan, mais, comme vous le savez...

M. Garry Breitkreuz: Cela fait donc entre 5 et 6 p. 100. Et c'est juste pour la Saskatchewan, dites-vous

M. Morris Prescesky: C'est exact.

Quand on parle de détenteurs de carnets de livraison, il faut savoir que beaucoup de veuves et de retraités en détiennent encore, ce qui fausse peut-être un peu le chiffre de 55 000.

M. Garry Breitkreuz: Et l'UGG?

M. Terry Youzwa: Nous représentons des agriculteurs de partout dans les Prairies. Nous avons une base de membres actifs bénévoles de quelque 16 000 personnes.

Partout où nous avons pignon sur rue, les agriculteurs des environs ont le loisir de constituer ce qu'on appelle un groupe consultatif des membres. Chacun des groupes élit un membre qui les représentera à l'assemblée annuelle, où sont élus des gens comme Brett et moi, qui sont chargés de représenter les sociétés.

Essayer d'évaluer le nombre d'agriculteurs est loin d'être facile. Comme vous le savez, une ferme peut détenir plusieurs carnets dans certains cas, et la succession d'un agriculteur passe souvent pour un agriculteur.

M. Garry Breitkreuz: Bon, je devrais être capable de calculer moi-même le pourcentage.

Vous avez donc adopté une démarche démocratique consistant essentiellement en des assemblées locales qui s'élisent un délégué et se donnent des orientations.

Je me tourne maintenant vers le Syndicat national des cultivateurs.

Je me demandais pourquoi Cory Ollikka a déclaré, à l'occasion des pourparlers à l'OMC, que le Canada ne représentait pas du tout les intérêts des agriculteurs ni ne leur donnait ce qu'ils voulaient, qu'il était complètement dissocié du monde agricole canadien. Pareille déclaration m'inquiète parce que, si nous ne faisons pas front commun là-bas et ne nous entendons pas pour dire que les subventions accordées par les pays étrangers doivent disparaître, nous avons un problème.

N'est-ce pas important, à votre avis? Qu'est-ce qui peut bien lui faire dire que le Canada ne représente pas ses intérêts?

M. Morris Prescesky: Je pense qu'il y a un courant sous-jacent aux négociations de l'OMC, et que la priorité est accordée aux intérêts des entreprises aux dépends de la représentation des particuliers. Je crois que c'est ce qui a fait dire à Bill Clinton que les gens de la rue devraient aussi être invités à s'asseoir à la table.

D'ailleurs beaucoup de ces gens à qui il faisait allusion étaient des agriculteurs d'Afrique, d'Europe, des États-Unis ainsi que de la Saskatchewan et de l'Alberta.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

UGG affirme que la taxe sur le carburant diesel s'élève à 4c., et celle sur l'essence, à 10c. Savez-vous combien de millions de dollars, par exemple, cela fait pour l'ensemble des agriculteurs? Combien le gouvernement fédéral se trouve-t-il à percevoir en taxe sur les carburants? Pouvez-vous me donner un montant approximatif, ou est-ce que je vous mets sur la sellette?

• 1725

M. Terry Youzwa: Je suis certain que vous trouverez cette information dans l'annexe du document qui vous a été présenté. Vous pourriez aussi extrapoler le montant à partir du nombre d'acres qui ont été effectivement cultivés. C'est un très gros montant en tout cas.

Ce que je trouve révoltant—et je l'ai observé à une conférence sur le transport à laquelle j'ai assisté le printemps dernier—c'est l'absence totale de politique fédérale nationale relative à l'infrastructure routière. La politique actuelle est purement ponctuelle. Et le gouvernement réinvestit moins de 5c. sur ce qu'il perçoit. Pas étonnant que nos routes soient en mauvais état, en Saskatchewan, si l'on dépense aujourd'hui moins qu'il y vingt ans pour entretenir les routes.

M. Garry Breitkreuz: Je suis tout à fait d'accord.

J'aurais aimé entendre vos commentaires sur les coopératives de nouvelle génération et l'inégalité qui existe—le fait que l'Ontario jouisse d'avantages que nous n'avons pas—mais je vais passer à une autre question.

Comment, à votre avis, devrait-on procéder pour verser des paiements de péréquation commerciale en se servant du CSRN?

M. Terry Youzwa: Le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire des paiements aux producteurs agricoles par un moyen vert, c'est-à-dire au moyen du CSRN et en se fondant sur les ventes nettes admissibles au titre de celui-ci, afin d'encourager les producteurs à continuer de se tenir à l'écoute du marché. Calculez le montant en fonction de ce qui se fait en Europe et aux États- Unis, justifiez ainsi le paiement et faites-le passer par le compte du CSRN. Il pourrait même prendre la forme d'un chèque encaissable.

Je pense qu'il est très avantageux pour un ministre du Commerce ou pour le ministre fédéral de l'Agriculture qui négocie avec un homologue étranger de pouvoir dire que les paiements de péréquation qu'il verse en matière de commerce ont pour raison d'être les problèmes causés par l'étranger et que les versements sont effectués de façon verte.

Le président: Merci.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Il y a une chose qui m'intrigue, comme aviculteurs de l'Ontario. Vous avez affirmé, Terry, toutes sortes de choses au sujet de la gestion de l'offre, faisant valoir la nécessité d'éliminer un obstacle. C'est un aspect de l'agriculture qui fonctionne bien. Nous avons un marché intérieur et nous avons aussi une politique d'exportation. Je me demande donc pourquoi vous voulez démolir une bonne chose. Pourquoi n'examinez-vous pas plutôt son mode de fonctionnement pour voir s'il ne serait pas possible de l'adapter, en tout ou en partie, à l'industrie céréalière?

M. Terry Youzwa: Deux points. Premièrement, la question est de savoir pour qui elle est bonne. Elle l'est surtout..

M. Murray Calder: Elle est bonne pour l'exploitation familiale.

M. Terry Youzwa: Elle est meilleure pour l'est qu'elle ne l'est pour l'ouest du pays. Quand on regarde les avantages économiques naturels, on constate qu'une plus forte proportion de la production nouvelle s'effectue dans l'Ouest canadien que dans l'Est. Et ce sont les formules de répartition de l'offre qui entravent la migration naturelle.

Deuxièmement, j'espère que vous ne cherchez pas à laisser entendre que nous ne devrions produire que la quantité nécessaire de céréales pour subvenir aux besoins de notre pays.

M. Murray Calder: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que, parce qu'il est essentiellement axé sur le marché intérieur, le système de gestion de l'offre permet de concentrer la production de volaille, d'oeufs et de produits laitiers en Ontario et au Québec en fonction de la population. Nous sommes plus de 10 millions à habiter en Ontario.

L'autre question que nous essayons en ce moment de régler avec l'industrie soumise à la gestion de l'offre est celle de la politique d'exportation, et l'industrie est en bonne voie d'y arriver.

Je m'interroge sur un autre point. J'aimerais revenir sur l'idée qui a été avancée d'un régime d'assurance-revenu comme le RARB. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Y aurait-il lieu de le rétablir? Devrions-nous y songer ou cela ne vaut-il pas la peine?

M. Terry Youzwa: Le gouvernement n'a pas d'affaire à donner au producteur un signal de marché concernant ce qu'il devrait cultiver. C'est au producteur à rester à l'écoute des signaux du marché. De plus, les producteurs qui ont adapté leur exploitation en fonction de ces signaux et qui se sont lancés dans l'élevage de bisons ou dans la culture de graminées, de fourrage ou de je ne sais quoi encore ne devraient pas être pénalisés parce que, l'année suivante, un nouveau programme vient récompenser l'autre gars.

Nous avons fait des erreurs dans le passé dans le dossier des paiements d'appoint spéciaux pour les grains et dans la façon dont les subventions au transport du grain de l'Ouest ont été versées, donnant lieu à tous ces débats sur la productivité du sol, sur les plantes à récolter, sur ce qui constitue un acre et sur ce qui paie le plus. Ce n'est pas correct. Les paiements devraient être fonction des ventes nettes admissibles. C'est plus simple et plus vert, et ce n'est pas le gouvernement qui donne un signal au producteur.

M. Murray Calder: Dans pareil cas, il faut que je vous pose la question suivante, parce que j'ai siégé à la Commission ontarienne de la commercialisation du poulet durant une dizaine d'années. Comment chaque producteur pris individuellement est-il sensé prendre le pouls du marché et sur quoi se fonde-t-il pour prendre la décision dont vous venez de parler?

• 1730

M. Terry Youzwa: J'imagine que tous les producteurs qui sont encore en affaires aujourd'hui établissent, au moins une fois par année, un budget à l'intention de leur banquier. Autrement, ils ne seraient plus là, car les fermiers pauvres ne survivent pas. Quand ils dressent leur budget, ils examinent leurs coûts de production, essaient de prévoir les prix du marché et s'efforce de cultiver des produits rentables, qui vont au moins lui permettre de faire ses frais.

Lorsqu'un signal de production provient d'un programme, cela aggrave le problème de surproduction, exacerbant du coup notre problème commercial. C'est à cause d'un tel signal de production qu'il y a, en Europe et aux États-Unis, un surplus de blé à exporter. Ce n'est pas correct.

M. Murray Calder: Je vois.

Morris, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Morris Prescesky: J'aimerais dire un mot à propos du genre de culture que l'on choisit. Dans mon exploitation, nous cultivons du blé, de l'avoine, de l'orge et du colza canola, car ce sont les céréales qui y poussent le mieux. Comme vous pouvez l'imaginer, dans une culture aussi diversifiée, on a des récoltes qui sont meilleures que d'autres, et cela varie d'une année à l'autre. Outre la rotation des cultures, c'est à peu près la seule façon d'en arriver à un genre d'équilibre dans ma ferme.

M. Murray Calder: Je vois.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président.

Je vous signale, monsieur Prescesky, qu'un agriculteur a débuté son exposé, ce matin, à Regina, en affirmant que l'agriculture se portait très bien. Il a expliqué par la suite que ce qu'il voulait dire par là, c'est que la valeur pondérale a augmenté, que les agriculteurs sont extrêmement efficaces et que nos exportations agricoles battent des records. En fait, vous avez peut-être vu le graphique réalisé par Statistique Canada, qui montre que nos exportations agricoles sont passées d'un peu plus de 1 milliard de dollars, en 1970, à quelque 23 milliards de dollars, soit une augmentation de l'ordre du quintuple.

Évidemment, le revenu agricole net réalisé n'a pas augmenté au même rythme; il n'a pour ainsi dire pas bougé depuis trente ans. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et comment il faudrait d'y prendre pour redresser la situation.

M. Morris Prescesky: J'ai vérifié les chiffres, en remontant jusqu'avant 1970. En fait, je suis remonté jusqu'à 1926. J'ai en ma possession les registres qui remontent aussi loin dans le temps. Ce qui est arrivé entre 1926 et nos jours, c'est que les recettes tirées de la vente de produits agricoles sont...

Disons que votre récolte rapportait 2 $ contre des dépenses de 1 $, cela laissait un revenu de 1 $. Il se peut que, en 1926 et durant les années subséquentes, le rapport ait été de 2 pour 1. Toutefois, en 1999, les récoltes rapportent—et je crois que c'est le chiffre cité—5 milliards de dollars moyennant un investissement de 5 milliards de dollars, plus ou moins 58 millions de dollars. La marge de manoeuvre est très mince pour une exploitation de pareille envergure, avec les risques que cela comporte.

Entrent dans le calcul de risque le prix de facteurs de production tels que le carburant, les engrais et les produits chimiques, prix qui ont continué d'augmenter trop vite pour que nous puissions nous ménager une marge de manoeuvre.

M. Dick Proctor: Merci.

Dans un tout autre ordre d'idées, je ne peux évoquer Prince Albert sans mentionner que cela a fait cinq mois hier qu'a eu lieu—et je crois que vous y étiez—la manifestation devant l'hôtel Malboro. Je crois reconnaître un certain nombre d'autres personnes qui y ont participé. J'aimerais connaître votre point de vue. Comment a été perçu dans la collectivité le fait que, à mon sens en tout cas, lorsque le ministre de l'Agriculture a émergé de l'ombre de l'hôtel, il a refusé de parler aux agriculteurs qui étaient assemblés là, qu'il ne voulait qu'il ait de dialogue ou d'échanges de vues entre lui et les agriculteurs, alors que ceux-ci le considèrent, à juste titre, comme leur porte-parole au cabinet? Qu'en pensez-vous?

M. Morris Prescesky: J'ai pensé qu'il avait très peur de franchir cette porte parce que, plus tôt, un agriculteur aux commandes d'un tracteur 850 Versatile était passé très près du camion dans lequel il était censé prendre place, ce qui est dommage.

• 1735

Je me dis aussi que le ministre de l'Agriculture du Canada devrait être plus accessible, où qu'on vive au Canada. Je sais d'expérience, parce que nous avons essayé d'organiser plusieurs manifestations, que nous n'avons pas réussi à obtenir de réponse de son cabinet, et encore moins à obtenir qu'il fasse une apparition, ce qui est bien dommage.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Comme je m'entretenais avec un groupe de producteurs à l'entrée de la salle, dans le vestibule, j'espère que personne n'a encore posé la question que j'aimerais néanmoins adresser à Terry.

D'après votre idéologie, le marché libre est de toute évidence la solution, un marché libre sans subventions, qu'il s'agisse des Américains ou des Européens. Je pense que toutes les personnes autour de cette table approuvent, mais nous savons aussi, pour avoir rencontré des parlementaires européens pas plus tard que la semaine dernière, que c'est utopique. Parlons franchement, sans mettre de gants. Les Européens ne sont manifestement pas prêts à modifier leur conception de l'agriculture. Cela veut dire qu'une très grand quantité de céréales vont être produites, du blé en particulier, ainsi que de l'orge et de l'avoine.

Il y a une idée qui circule depuis quelques jours. On propose un retrait des terres en culture, en partant du principe que nous continuons d'inonder un marché déjà submergé. Peut-être devrions- nous prendre un certain recul et songer à un genre de gel des terres, un peu comme cela s'est fait, il y a plusieurs années, voire des décennies, dans le cadre de l'opération LIFT, de réduction des stocks de blé. Que penseriez-vous d'une mesure de ce genre?

Dans le contexte d'un gel éventuel, on parle également, de ce temps-ci, un sein du Marché commun européen, de «multifonctionalité», ou de polyvalence. L'activité agricole ne se limite pas à semer et à faire pousser du blé. Il y a d'autres avantages à avoir des fermiers.

Pensons à l'environnement et au puits de carbone. On a déjà parlé du fait que ce puits pourrait avoir une valeur ajoutée ou quelque autre valeur en agriculture.

Un projet de loi sur les espèces menacées va être présenté. Comme société, nous comptons sur les agriculteurs tout particulièrement quand il s'agit de garantir la protection de l'habitat des espèces dont tous profitent.

Il y a un facteur réel qui se rattache au milieu rural, aux villages et collectivités dont on vient de parler. Nous voulons en effet que des gens y habitent, qu'ils aient des équipes de hockey et tout le reste.

Que penseriez-vous d'un gel des terres combiné à ce genre de polyvalence? Serait-ce envisageable? En a-t-il été question au sein de votre organisation?

M. Terry Youzwa: Je dois admettre que nous n'avons pas étudié la question à fond, mais je vous recommanderais de lire notre rapport jusqu'au bout; je dis cela parce que je vous sais très occupé. Nous fonctionnons bien en deçà de notre capacité pour l'OMC. Comme vous l'avez probablement signalé précédemment, nous pourrions verser entre 3 et 4 milliards de dollars en subventions...

M. Rick Borotsik: Au moins 2 milliards en tout cas.

M. Terry Youzwa: ...et ne pas nous en porter plus mal. Nous nous classons actuellement au dernier rang, avec quoi? 1 milliard environ.

En ce qui concerne la polyvalence, nous y consacrons un paragraphe ou deux dans notre rapport. Parce qu'elle sert généralement à créer des barrières non tarifaires, nous sommes contre.

Quant au retrait des terres en culture, je pense que l'expérience démontre qu'il a surtout été profitable à ceux qui n'ont pas participé au programme. Ils produisent un bien et, quand l'offre diminue, ils en tirent profit. Si, d'aventure, notre pays était le seul à appliquer un tel programme, ce sont les agriculteurs des autres pays qui seraient les gagnants.

M. Rick Borotsik: Bien, y a-t-il d'autres commentaires?

M. Morris Prescesky: Oui.

Je me souviens que j'exploitais une ferme dans les années soixante-dix. En fait, c'est en 1967 que j'ai commencé à le faire sans aide. En 1970, on nous est arrivé avec le programme de réduction et, à cause de ce genre de programme de retrait obligatoire des terres en culture, j'ai été obligé d'aller acheter du grain à d'autres fermiers en avril et mai pour remplir mes cellules à grain pour avoir quelque chose à vendre rendu à l'automne. Cela faisais peu de temps que j'exploitais ma ferme, et je n'avais pas de réserves; j'ai donc dû acheter du grain.

Le président: Merci.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

J'ai une question pour les United Grain Growers. Dans la partie de votre exposé portant sur la protection du revenu, vous vous dites en faveur du CSRN, de l'assurance-récolte, du paiement anticipé des récoltes et de l'ACRA au moins pour cette année et, pour l'avenir, vous songez à un paiement de péréquation pour le commerce. Pourquoi n'êtes-vous pas en faveur du paiement à l'acre? Je suppose que vous souhaitez arriver au même résultat par un autre moyen. Si vous n'optez pas pour le paiement à l'acre et que vous... Je ne sais pas si vous avez lu cette partie dans votre exposé.

M. Terry Youzwa: J'ai résumé pour gagner du temps. Ce n'est pas une mince affaire que d'arriver à tout dire que l'on veut dire en sept minutes.

M. Joe McGuire: Effectivement. Peut-être pourriez-vous nous expliquer vos raisons parce que nous avons tenu tout à l'heure un vote à main levée sur le paiement à l'acre. Votre organisation s'y oppose, et vous énoncez des motifs...

• 1740

M. Terry Youzwa: Il faut bien comprendre que nous sommes en faveur de paiements basés sur les ventes nettes admissibles. D'accord?

M. Joe McGuire: D'accord.

M. Terry Youzwa: L'UGG n'est pas en faveur du paiement à l'acre. Même si, au dire de certains, il s'agit d'un simple paiement, nous pensons que, au contraire, il soulève d'épineuses questions, faisant intervenir des facteurs comme les conditions météorologiques, les rajustements de productivité, la gestion des pâturages et des terres en friche, le traitement des jachères, et les divers rapports locateur-locataire. De plus, le paiement à l'acre est discriminatoire envers les agriculteurs qui auraient diversifié leurs activités, s'adonnant à l'élevage ou à d'autres activités, ou qui auraient opté pour l'exploitation intensive d'une plus petite surface.

M. Joe McGuire: D'accord.

M. Terry Youzwa: Parce que nous venons du Nord et que nous n'avons pas oublié le paiement d'appoint pour les grains ni la subvention du Nid-de-Corbeau, nous avons longuement discuté avec des agriculteurs du Sud de la méthode de paiement utilisée dans ces cas-là. Les producteurs de luzerne, en particulier, ont été durement touchés par des programmes dans le passé. En fondant le calcul sur les ventes nettes admissibles, on élimine la nécessité de tenir un débat, et tous les chiffres sont disponibles, ce qui n'est pas le cas quand on verse le paiement directement à celui qui cultive la terre plutôt qu'à son propriétaire.

M. Joe McGuire: Comment calculeriez-vous le montant de votre paiement compensateur pour le commerce alors? Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans le document, mais...

M. Terry Youzwa: Nous n'avons par essayé de le chiffrer. Nous avons préféré faire confiance au gouvernement, à qui il revient de déterminer combien il peut se permettre d'offrir tout en maintenant un équilibre fonctionnel. Nous nous attendons cependant à ce qu'il fasse mieux, justement parce que c'est de son ressort.

M. Joe McGuire: Mais vous n'allez pas vous risquer à avancer un chiffre. Je sais qu'il ne manque pas de place, là-bas, à l'OMC.

M. Terry Youzwa: Je trouve dommage que l'Europe et les États- Unis se présentent à l'OMC avec une mesure complète, prêts à reculer d'un cran. Notre mesure à nous est bien petite à côté de la leur. La dernière fois, nous avons fait bonne figure au début des négociations. Nous avons obtenu 36 p. 100 et 20 p. 100, puis nous avons cédé du terrain. Il y a fort à parier que la mesure des Européens et de Américains, elle, est pleine.

M. Joe McGuire: Vrai.

M. Terry Youzwa: Si nous reculons encore, que nous restera-t- il?

M. Joe McGuire: De combine de crans pourrions-nous remonter?

Morris, quelle forme devrait prendre, à votre avis, un programme de protection à long terme du revenu ou de secours en cas de catastrophe? Vous ne voulez manifestement pas voir se perpétuer le modèle de l'ACRA. Que proposeriez-vous à la place?

M. Morris Prescesky: Je pourrais vous parler d'une mesure qui a eu un retentissement considérable sur nos revenus, c'est-à-dire l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Durant une année moyenne, les frais de transport liés à mon exploitation agricole s'élèvent à 200 000 $. Le calcul est très facile, à 1 $ le boisseau. Le problème serait vite réglé si la subvention du Nid-de- Corbeau était rétablie, voire même rétroactivement, depuis son abolition. Cela nous aiderait beaucoup à nous rattraper, en payant nos arriérés d'impôt et tout le reste.

M. Joe McGuire: Donc, pas de programme à long terme; vous voulez simplement récupérer l'argent perdu.

M. Morris Prescesky: Je pense que, dans tout programme à long terme, il faut faire entrer les coûts de production en ligne de compte, car nous ne serons pas plus avancés si on nous donne de l'argent et que les intrants deviennent inabordables.

Le président: C'est tout?

M. Joe McGuire: Oui.

Le président: Merci beaucoup.

Je remercie tous les témoins. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de vos observations.

Nous devons maintenant passer au groupe suivant. J'invite MM. Don Kesley, Donald Blocka, Armand Roy et Bill Cooper à prendre la parole.

Est-ce Kesley ou Kelsey? Je lis ici Kelsey, et là Kesley.

Oui, monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: J'aimerais donner avis de mon intention d'invoquer le Règlement à la fin de nos travaux, avant que la séance ne soit levée.

Le président: D'accord. Merci.

M. Dick Proctor: Je vous remercie.

Le président: Don est-il ici? Y a-t-il un Don Kelsey ou Kesley dans la salle?

J'appelle donc Bill Cooper. Nous pourrons entendre une autre personne après lui, à savoir Wayne Mastrachuk.

• 1745

Je vous signale que j'ai, sur ma liste, les noms de quelques autres personnes, que nous pourrons entendre aussi, s'il reste du temps. Tout dépendra de la durée de chacun des exposés et de la durée total des exposés. Je vais certes m'efforcer de faire en sorte que nous entendions un ou deux autres témoins.

Suivant l'ordre alphabétique, on commence par vous, monsieur Blocka.

M. Donald Blocka (témoignage à titre personnel): Merci. Je voudrais tout d'abord remercier le comité de m'avoir fourni l'occasion de participer à l'audience d'experts.

Le visage de l'agriculture au Canada a changé, en ce sens que, d'ptimistes-nés qu'ils étaient, les agriculteurs sont devenus pessimistes à force d'avoir peur et de ne jamais savoir à quoi s'attendre. Ils ont vu le contrôle de leur industrie, qu'ils avaient pourtant su assumer dans la plupart des cas, leur être arraché, les forçant à se contenter de prix correspondant à leurs coûts de production, sinon inférieurs à ceux-ci, à l'égard de la plupart de leurs récoltes.

Depuis l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau, beaucoup de terres devenir impropres à la céréaliculture à cause du coût élevé du transport dans cette région du Nord-Est. De plus, la dépendance envers les fonds d'exploitation a augmenté ces dernières années sous l'effet du rétrécissement des marges bénéficiaires dans ce secteur et de l'augmentation du prix de facteurs de production comme l'engrais, les produits chimiques, le carburant et les réparations. Il m'a personnellement été plus difficile de renouveler mes prêts d'exploitation. La dernière fois que nous avons connu des difficultés dans le domaine de l'agriculture, c'était dans les années quatre-vingt, et ces difficultés étaient attribuables au prix élevé des terrains, qui occasionnait des problèmes de viabilisation. C'est maintenant la capacité d'autofinancement qui fait problème, semble-t-il, ce qui donne à penser que les marges sont minces.

Le sentiment général, chez les agriculteurs, de nos jours est un sentiment de vive préoccupation pour leur survie dans l'industrie. Ceux-ci commencent à se demander si cela vaut le coup, du point de vue du risque de difficultés sociales, de compromettre leurs intérêts financiers simplement pour traverser cette période de médiocrité des prix du grain. Ceux qui sont dans le milieu de la cinquantaine ont hâte de prendre leur retraite, mais leurs chances de donner suite à ce projet ne sont pas très bonnes, car la situation financière des autres agriculteurs ne leur permet pas d'acheter leurs terres ni même de les louer. Les étroites marges bénéficiaires rendent plus difficile la location de terres.

Je connais au moins cinq ou six agriculteurs qui vont quitter l'industrie d'ici un an, si le gouvernement ne leur fournit pas entre 15 $ et 20 $ l'acre pour les aider à rembourser les dettes qu'ils ont contractées en 1999. Il s'agit de personnes dont l'âge se situe entre le milieu de la vingtaine et la fin de la cinquantaine et dont le bilan, entre autres, n'est pas considéré comme mauvais. Ces agriculteurs ne veulent tout simplement pas risquer ce qu'ils ont amassé comme intérêts financiers pour le plaisir de travailler la terre. L'industrie exige de nos jours une telle dotation en capital qu'il est difficile de joindre les deux bouts quand le prix des produits de bases est aussi bas qu'il l'est en ce moment.

En raison de l'énorme capital investi qu'exige l'industrie et de la forte dépendance par rapport au capital d'exploitation obtenu auprès d'institutions financières et de compagnies à structure hiérarchique, les céréaliculteurs sont endettés jusqu'au cou, si bien que, dans certains cas, tous leurs facteurs de production ont été achetés à crédit.

De façon générale, nous nous trouvons dans une situation extrêmement difficile, et comme les perspectives pour les deux prochaines années continuent d'être sombres, nous verrons probablement un grand nombre d'agriculteurs quitter l'industrie. Ils ne veulent pas continuer de compter sur l'aide du gouvernement. Tout ce dont l'industrie a besoin, c'est qu'on laisse l'offre et la demande mondiales dicter les prix, ce qui permettrait de déterminer quels producteurs sont les plus efficaces. Dans ce cas, le Canada, notamment les provinces de l'Ouest, pourrait prouver son efficacité et en bénéficier considérablement.

En terminant, je voudrais faire une observation au sujet de la Commission du blé. Je crois fermement à la Commission, contrairement, peut-être, à certains intervenants précédents. J'y crois fermement. Merci.

Le président: Je vous remercie, monsieur Blocka.

Nous accueillons maintenant M. Cooper.

M. Bill Cooper (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, et bon après-midi aux membres du groupe de discussion et aux gens dans l'auditoire.

Tout d'abord, je vais faire une observation. J'exploite une ferme, dans la région de Foam Lake, avec quelques neveux. Je suis propriétaire d'environ 800 acres de terres cultivées.

Pour commencer, je voudrais exprimer ma reconnaissance au Comité permanent de l'agriculture, qui a bien voulu entendre mes suggestions au sujet des nombreux problèmes que les agriculteurs de l'Ouest doivent affronter quotidiennement. Je crois que vous en avez entendu un grand nombre aujourd'hui, ce qui montre qu'il n'existe pas de solution miracle pour tout le monde. Il y a des agriculteurs que vous pourriez peut-être aider à quitter l'agriculture, et d'autres que vous pourriez aider à poursuivre leurs activités. À mon avis, il importe d'évaluer les différences et les besoins, car les besoins sont criants à l'heure actuelle.

• 1750

J'espère sincèrement que le gouvernement fédéral agira au sujet des lois et des politiques qui ont colonisé l'agriculture de l'Ouest au cours des cent dernières années. La contribution directe et indirecte de l'agriculture de l'Ouest à l'économie canadienne est considérable. Je suis sûr que, si nous ne sommes pas reconnus à notre juste valeur par nos maîtres de l'Est, nous serons assurément accueillis à bras ouverts par nos bons voisins du sud.

J'exhorte nos gouvernements à prendre les mesures qui s'imposent en encourageant notre industrie à être davantage autonome. Et lorsque je parle d'autonomie, je ne veux pas dire que nous ne voulons pas de l'aide des gouvernements. J'estime que les gouvernements peuvent nous aider de bien des façons, comme l'ont souligné un certain nombre d'autres intervenants.

La prospérité ne demeure qu'un rêve si nous sommes gênés par des règlements sur la commercialisation et le transport, par des risques excessifs, par des frais de service et des impôts élevés, ainsi que par des programmes inadéquats de protection du revenu. Permettez-moi de mentionner que, lorsque nous livrons des grains dans le cadre de notre système, comme beaucoup d'entre nous le font, il est temps, à mon avis, que les risques prennent fin dès les livraisons par camion. Nous ne devrions pas être obligés de courir les risques que nous devons affronter jusqu'au sommet du système. Il existe divers moyens pour éviter cela.

Permettez-moi maintenant d'expliquer brièvement les pièces que j'ai jointes à mes notes. Je m'excuse si vous ne les avez pas toutes en main. Je n'ai apporté qu'environ cinq exemplaires, car, comme je n'étais pas certain de pouvoir participer à cette réunion, je n'ai pas payé pour la quantité suffisante de services de copie. J'en suis désolé.

Ma première est un graphique, que certains d'entre vous ont peut-être en main. Ce graphique a déjà été mentionné par Saskatchewan Agriculture. Il montre comment les dépenses en agriculture ont grimpé, surtout depuis le milieu des années 70, jusqu'à près de 6 milliards de dollars, soit à environ 5,8 milliards. Et les revenus de cette année seront négatifs, c'est-à- dire que notre rendement net sera négatif. Lorsque vous regardez la ligne indiquée sur le graphique que je vous ai remis, vous pouvez constater que ces dépenses sont très importantes. Elles ont commencé à grimper vers le milieu des années 70 et elles l'ont fait progressivement pour atteindre jusqu'à 5,8 milliards de dollars. Pourtant, nous avons toujours un rendement négatif, ou presque.

La disparité dans les prix nets à la production, en excluant les subventions qu'obtiennent les États du Nord et l'ouest du Canada, persiste encore aujourd'hui. L'analyse mentionnée comprend des renseignements sur les prix qu'ont donnés l'USDA et la Commission canadienne du blé—que je vous ai remis—et est confirmée par les comparaisons faites récemment par l'Organization for Western Economic Cooperation. Cette situation nous préoccupe vivement, sans compter les subventions, en plus de ce que certains autres intervenants ont mentionné au sujet du montant des subventions que reçoivent les agriculteurs américains comparativement aux nôtres.

Par conséquent, ce que nous désirons, à mon avis, c'est un marché continental libre et transparent pour tous les produits, ce qui encouragerait à la fois l'arbitrage des prix et l'assainissement du paysage politique. Avec l'arbitrage, nous infligerions beaucoup moins de dommages à nos routes, car nous ne serions pas enclins à transporter nos produits aussi loin que nous le faisons actuellement par camion. Nous pourrons expliquer cela plus tard, si des questions sont posées à ce sujet.

Le troisième point, que j'ai inclus dans les notes, c'est que, depuis l'abrogation, en 1995, de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, on nous a imposé des tarifs ferroviaires réglementés. Ils auraient pu être considérablement moins élevés s'ils avaient été négociés par les expéditeurs. Il n'y a eu aucune possibilité de négocier ces tarifs.

Je vais vous donner l'exemple du point d'expédition que j'utilise. Si je charge un wagon de producteur à Kelliher, en Saskatchewan, je paierai environ 39 $ la tonne. Si j'apporte un chargement de grains à un terminal de Weyburn, par exemple, à 140 milles de distance, je paie environ 38 $ la tonne, soit à peu près le même montant. Et pourtant, il est expédié à bord d'un train de 110 wagons, jusqu'à Minneapolis, à quelque 700 milles. J'ai interrogé la Commission du blé à ce sujet. Elle m'a répondu qu'elle voudrait que tous les agriculteurs reçoivent le même montant, qu'elle ne voudrait pas qu'un agriculteur en reçoive plus qu'un autre. Dans cet examen, j'ai découvert que les sociétés ferroviaires remettent ensuite 600 $US par wagon, soit environ 9 $ la tonne, à la société céréalière, ce que l'agriculteur ne reçoit pas. Il s'agit là d'environ 9 $ à 10 $ la tonne en dollars canadiens.

• 1755

Par conséquent, des négociations sur les tarifs seraient certes avantageuses, mais elles sont entravées, comme je l'ai montré, par le système de mise en commun de la Commission canadienne du blé et sa participation dans la manutention et le transport. À mon avis, c'est la raison pour laquelle le juge Estey a conclu que les activités de transport devraient être laissées entre les mains de l'expéditeur et des services de transport. Il s'agit là d'un point important, que certains autres exposés ne semblent pas avoir saisi.

Les perspectives à long terme présentent un tableau très sombre pour les exportations canadiennes de blé, tandis qu'on prévoit que l'Union européenne doublera presque ses activités commerciales au cours de la même période. Si vous regardez le graphique en question, qui présente encore une fois des chiffres de l'USDA, ce ministère prévoit que, sur une période de dix ans, jusqu'à 2008, l'Union européenne augmentera ses exportations de quelque 10 millions de tonnes métriques, alors que, pour le Canada, il ne s'agira que d'environ un à deux millions de tonnes métriques. Notre part du marché va donc diminuer.

Encore une fois, le cinquième point que j'ai soulevé traite de la question de la valeur ajoutée dont on a parlé. Nous avons essuyé un échec cuisant cette année, en 1999, lorsque la Commission canadienne du blé a rejeté la demande des Prairie Pasta Producers, qui voulaient être exemptés des règlements de la Commission. Il s'agit là d'un échec très grave de notre système de commercialisation, et il incombe manifestement au ministre de prendre immédiatement des mesures correctives. La situation est très grave, et il n'existe absolument aucune raison pour laquelle les agriculteurs qui sont disposés à investir dans cette usine ne seraient pas récompensés, car ils sont exposés aux risques très sérieux qui pourraient découler d'une initiative de ce genre.

Le gouvernement du Canada a accepté les recommandations Estey en mai 1999, et je souligne qu'il s'agissait là d'une des premières fois qu'une des études qui ont été présentées a été acceptée par le gouvernement du Canada. J'estime qu'il s'agit d'un point important.

Le processus de mise en oeuvre Kroeger était déficient et n'a fait que déplacer les problèmes qui existaient.

Ai-je dépassé mon temps de parole?

Le président: Non. Vous pouvez poursuivre pendant quelques minutes.

M. Bill Cooper: La Commission canadienne du blé a persisté à employer des tactiques alarmistes et à faire des observations négatives au sujet des recommandations Estey. Il s'agit, bien sûr, d'une guerre de territoire qui n'a rien à voir avec le revenu des agriculteurs des Prairies. Selon l'énoncé de politique de la SCA qui est annexé aux notes, les agriculteurs pourraient tirer des bénéfices d'environ 300 millions de dollars par année si les recommandations Estey étaient mises en oeuvre. Ces chiffres sont corroborés par l'analyse d'Agricore, qui estime que le montant s'élèverait à 216,5 millions de dollars. Il varie donc entre 200 et 300 millions de dollars. Si vous jetez un coup d'oeil à l'étude de l'OWEC que j'ai mentionnée plus tôt, vous verrez que le montant s'élève à 400 millions de dollars, mais, même si vous allez jusque là, messieurs, il est extrêmement important, car on ne s'attend pas à ce que le gouvernement du Canada verse quoi que ce soit si nous mettons en oeuvre les politiques et les programmes proposés par le juge Estey.

Le dernier point que je voudrais soulever, avec une certaine consternation, concerne la lettre du 4 novembre 1999 que les membres du groupe de l'Ouest et du Nord ont fait parvenir à l'honorable David Collenette. Bien sûr, leurs recommandations ne portent que sur l'aspect du problème qui concerne le transport ferroviaire. Si ces recommandations étaient mises en oeuvre telles quelles, la mienne serait de ne rien faire, de laisser le système s'effriter encore quelque peu.

Leurs recommandations nous ramèneraient aux années 70. Nous nous rappelons tous l'époque où les sociétés ferroviaires ont presque cessé de transporter des grains parce que nous ne voulions pas les payer. On oublie donc de reconnaître l'importance d'une politique nationale de transport qui touche tous les expéditeurs. C'est pourquoi la question de l'accès libre nécessite une étude plus approfondie. Je conviens certes que nous devrions tâcher de nous doter de cette politique, mais il faut assurément que tous les expéditeurs s'y conforment. Par conséquent, je crois, messieurs, que nous devons examiner sérieusement certaines de ces politiques et leurs conséquences sur l'économie.

J'ignore où les membres du groupe de l'Ouest ont effectué leur recherche pour rédiger leur lettre, mais j'en ai été très déçu et j'estime qu'elle a eu des conséquences très négatives. Je présume que, en fin de compte, ce sera positif. Mais, si tel est le cas, les agriculteurs de l'Ouest n'en retireront rien. Les sociétés ferroviaires recevront peut-être de l'argent, mais pas les agriculteurs de l'Ouest, car l'aspect important dans cette recommandation du juge Estey, c'est la conclusion de contrats entre l'expéditeur et la société ferroviaire, et si l'entreprise de stockage de grains est la société ferroviaire, de contrats entre l'expéditeur et l'agriculteur, jusqu'au sommet, de sorte que tout le monde aura des comptes à rendre. Or, personne n'a de comptes à rendre. Il n'y a rien en ce qui concerne l'attribution du matériel remorqué; personne n'est tenu de répondre de tout le système.

Nous avons donc besoin d'une plus grande reddition de compte. C'est ce que voulaient dire les recommandations du juge Estey. On exigeait une plus grande responsabilisation, avec les contrats allant jusqu'au sommet du système, de la Commission du blé à l'agriculteur, ou de l'agriculteur jusqu'au sommet du système.

• 1800

Je vous remercie beaucoup et je vous sais gré du temps que vous m'avez accordé.

Le président: Merci, monsieur Cooper.

Des voix: Bravo.

Le président: Nous passons maintenant à Wayne Mastrachuk. Veuillez commencer.

M. Wayne Mastrachuk (témoignage à titre personnel): Merci, Monsieur le président et les membres du comité. Bon après-midi.

Je m'excuse, car, même si je l'ai rédigé à titre personnel, une partie de mon rapport provient des faits mentionnés par le Pro- West Rally Group, dont je suis membre. Comme il s'agit de renseignements que j'ai obtenus de ce groupe, je vous demande de bien vouloir faire preuve de patience.

Comme je l'ai mentionné, je m'appelle Wayne Mastrachuk. Je suis originaire de Preeceville, en Saskatchewan, et je cultive 1 068 acres de terres.

Comme on l'a dit, et comme la plupart d'entre vous le savent, cette province est aux prises avec une grave crise. Au palier provincial, nous avions demandé un paiement de compensation du coût de production de 3 milliards de dollars, et nous sommes arrivés à ce chiffre en tenant compte de l'augmentation de notre coût de production au cours des trois dernières années, soit 1996, 1997 et 1998. Cela représente environ 80 $ l'acre. Comme vous le savez bien, le programme ACRA et le CSRN ne font pas le poids. Nous avons également songé à des paiements versés directement aux producteurs.

Dans mon cas, mon déficit de l'année dernière seulement s'est élevé à 65 000 $, soit à environ 64 $ l'acre. Plusieurs facteurs sont entrés en jeu: l'augmentation des frais de transport et du coût des facteurs de production, la faiblesse des prix des grains et les conditions climatiques. Lorsqu'il y a du gel, de la sécheresse et une humidité excessive dans une même saison, les récoltes sont détruites.

Dans mon exploitation, j'envisageais un coût de production de 145 $ pour 1998. En 1999, mon coût de production s'est élevé à 90 $ l'acre. Pourquoi? Nous avons remplacé une partie de notre matériel en raison de changements dans les activités agricoles; ce n'était pas du matériel neuf, remarquez, mais il fallait tout de même le payer. Des augmentations ont eu lieu dans les prix des carburants, des pétroles et ainsi de suite. Le coût des engrais est passé de 240 $ à 450 $ la tonne. L'année dernière, en 1999, le coût de l'essence a augmenté de 15 p. 100; le coût des pièces de machinerie, des engrais et des produits chimiques a grimpé de 5 à 6 p. 100. Le week-end dernier, le coût du carburant diesel s'est accru de 7,5 p. 100.

Entre-temps, notre revenu diminue. Il a baissé de 37 p. 100 sur le colza, de 20 p. 100 sur l'orge et de 15 p. 100 sur le blé. C'est sans compter la diminution des catégories, en raison du gel et des pluies. Beaucoup d'entre vous se demandent peut-être pourquoi le Pro-West Rally Group envisageait les 3 milliards de dollars. Il est difficile de gagner sa vie, et je vais citer les prix de la Commission du blé: 70c. le boisson d'orge, 2 $ pour le blé et 5,60 $ pour le colza.

Vous, les gens qui êtes ici, devez vous rappeler que nos coûts représentent notre revenu. Donnez-nous cet équivalent de 80 $ l'acre et il sera multiplié par 7 à 22 fois. Voulez-vous que les agriculteurs, et les villes et les villages de la Saskatchewan, s'épanouissent? Ou voulez-vous que les comptes des agriculteurs soient remis à des agences de recouvrement, comme cela se produit déjà, ce qui entraîne des saisies, des forclusions et des faillites? Voulez-vous qu'il y ait des suicides, des tensions menant à des attaques cardiaques, à l'abus d'alcool et de drogues, à la violence familiale, au divorce, à l'accroissement de la criminalité, de l'aide sociale et du chômage?

Ce que je déplore, c'est la disparition d'agriculteurs. Ce sera également la disparition des villes et des villages ruraux, ce qui entraînera une plus grande disparité entre les centres urbains et les régions rurales, une diminution de la représentation des électeurs dans cette province, sans mentionner l'abandon de lignes ferroviaires, la fermeture d'épiceries, de silos, de banques et de concessionnaires. C'est évident.

• 1805

Prenons Regina. Plains Equipment, le concessionnaire de Massey-Ferguson, vient de fermer ses portes. Douze employés et plus sont au chômage. La société Versatile vient de mettre à pied 600 employés. Elle a fermé ses portes et s'est établie aux États-Unis. Nous ignorons combien d'employés ont été mis à pied chez Flexi- Coil, Bourgault, Morris, Leon's ou Schulte. Il y en a d'autres dont nous ne sommes pas au courant.

Nous en avons parlé, et nous nous sommes adressés au gouvernement fédéral, dont vous faites tous partie. Vos représentants ont dit que les budgets ne permettent pas de nous accorder un paiement de rajustement du revenu ou un supplément de 30 milliards de dollars pour compenser notre coût de production. Mais regardez les chiffres qui suivent.

Le gouvernement prévoit un règlement de 3,6 milliards de dollars pour les fonctionnaires, un montant d'environ 2,5 milliards de dollars pour les sports organisés et un budget de 16 milliards de dollars pour les garderies. Je n'ai rien contre les garderies, mais c'est ce qu'on a indiqué dans votre budget parlementaire. Nous avons entendu dire que le gouvernement fédéral gaspillait 11,2 milliards de dollars, et vous pouvez le contester si vous le voulez. Nous entendons dire que 2,9 millions de dollars ont été dépensés pour les réfugiés chinois qui sont arrivés au Canada. Un autre montant de 2,5 milliards de dollars a été dépensé pour faire venir au Canada les réfugiés du Kosovo, sans mentionner les 25 000 $ par bombe lancée sur leur pays. Ensuite, pendant que nous tenons des assemblées, nous entendons dire que Vanclief se trouve en Algérie et dépense 600 000 $, par l'entremise de l'ACDI, pour y construire une ferme laitière. Elle entre directement en concurrence avec nous. Nous entendons dire qu'un million de dollars a été accordé à l'Irlande pour les problèmes entre confessions religieuses. L'aide à l'Afrique s'élève à 50 millions de dollars. Nous avons entendu dire que Goodale a prévu une indemnité de départ de 500 millions de dollars pour 1 100 travailleurs dans les mines de charbon, en Nouvelle-Écosse. Combien la tempête de verglas qui s'est abattue sur le Québec nous a-t-elle coûté?

Tous ces chiffres s'accumulent. Le premier ministre du Canada a déclaré que les 2 milliards de dollars prévus dans le budget pour l'aide étrangère n'étaient pas suffisants. Nous entendons dire que la LNH désire une aide du gouvernement fédéral. Nous demandons combien nous allons lui accorder.

Pendant combien de temps encore continuerons-nous de subventionner notre pays à l'aide d'une politique de denrées alimentaires bon marché? Et pour comble, le premier ministre du Canada obscurcit la crise dans le secteur agricole en parlant de la séparation du Québec pour éviter d'aborder le vrai problème.

Je vous le demande: où sont les priorités de notre pays? En tant qu'agriculteur, j'ai l'impression que l'agriculture ne fait pas partie de ces priorités, et je suis désolé de le dire.

J'ai une autre question à poser aux membres du comité, à la suite d'un article paru dans l'édition du 11 novembre du Western Producer. Deux agriculteurs d'Erlon, en France, ont tiré un revenu de 100 000 $ en cultivant du blé sur 420 acres de terres. Pouvons- nous concurrencer cela? C'est impossible. Nous nous enlisons et, entre-temps, ils gagnent 100 000 $.

Nous examinons les solutions à long terme, et je vais aborder celles qu'a proposées le Pro-West. Nous envisageons une solution à long terme...

Le président: Wayne, le temps nous manque.

M. Wayne Mastrachuk: D'accord.

Essentiellement, la solution que j'envisage pour protéger le revenu à long terme sur les grains de l'Ouest, c'est la suppression des taxes cachées. Lors de la rencontre avec Ralph Goodale, en août, il a dit qu'elles s'élevaient à 49 p. 100. Nous envisageons également le rétablissement d'un système de double prix du blé, avec des prix de parité. Nous voudrions que les agriculteurs bénéficient d'un rajustement du revenu ou d'un supplément compensant le coût de production pour chaque année où les agriculteurs européens et américains reçoivent des subventions. Nous souhaiterions aussi une réforme de l'assurance-récolte, afin d'y inclure une assurance-revenu au lieu d'une assurance- production.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Armand Roy, vous disposez d'environ six minutes. Cela vous convient-il?

M. Armand Roy (témoignage à titre personnel): Je pense que oui. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, les membres du groupe de discussion, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je tiens à féliciter le comité d'être venu dans l'ouest du Canada pour entendre les points de vue des agriculteurs de l'Ouest et des gens engagés dans le secteur agricole.

Je suis un agriculteur de la région de Hoey. Je suis propriétaire d'une exploitation agricole mixte, comprenant 2 000 acres de terres céréalières, un cheptel de 100 truies, une exploitation d'engraissement et 50 vaches de type commercial. Je suis également un ancien politicien, de sorte que je comprends la dynamique lorsqu'il s'agit de prendre certaines décisions. J'ai l'avantage, je présume, d'avoir un point de vue sur les deux aspects du problème.

• 1810

Il ne fait aucun doute que de fortes tendances macroéconomiques se dessinent dans le secteur agricole. En tant qu'agriculteurs, nous pouvons, bien sûr, composer avec certaines d'entre elles, mais pas avec d'autres. Certaines sont indépendantes de notre volonté, et c'est là où la politique gouvernementale entre en jeu.

Le fait est que les solutions à long terme—je ne vais aborder que quelques-unes d'entre elles—doivent être pancanadiennes. Il est impossible de régionaliser des solutions. À certains égards, c'est ce que fait le gouvernement canadien. Il traite différemment des régions différentes, et il faut que ça cesse.

Tout d'abord, les solutions à long terme comprennent un bon programme de protection du revenu à long terme. Le ministre a déclaré qu'il travaille à un programme avec ses collaborateurs et les ministres de l'Agriculture des provinces. Cependant, j'ai été contrarié de l'entendre dire récemment que, s'il ne parvenait pas à établir un consensus sur un futur programme de protection du revenu d'ici le printemps de l'an 2000, il agirait seul, avec ses collaborateurs. J'ai trouvé cette attitude inquiétante, car je ne crois pas que nous devrions être bousculés pour prendre une décision rapidement. Nous avons besoin d'un bon programme de protection du revenu à long terme, mais nous devons veiller à utiliser les meilleurs principes des programmes antérieurs et à en tenir compte dans les nouvelles réalités avec lesquelles le secteur agricole doit composer.

Au sujet du programme ACRA, je vais adopter une position légèrement différente de celle de tous les autres. J'estime que le programme ACRA pourrait devenir efficace. Nous connaissons les problèmes; tout ce qu'il faut, c'est de l'argent. Je crois que les principes du programme et le concept sont bons. Nous savons cependant que sa conception souffre de graves lacunes. Mais je pense que certains de ces principes peuvent être incorporés dans un programme de protection du revenu à long terme. À mon avis, il doit reposer sur les revenus d'un agriculteur, et il doit être ciblé. Si le producteur connaît une baisse de revenu considérable, le programme de protection du revenu à long terme devrait s'appliquer automatiquement. J'estime que nous devons utiliser la moyenne olympique. Nous devons tenir compte, par exemple, des cinq années les meilleures.

Le président: Soit dit en passant, c'est déjà fait.

M. Armand Roy: Oui, je le sais, et il faut l'incorporer dans un programme de protection du revenu à long terme.

Le seul problème avec le programme ACRA, c'est qu'il n'y a pas assez d'argent pour régler les problèmes. Premièrement, 70 p. 100, ce n'est pas suffisant. Deuxièmement, il faut couvrir les marges bénéficiaires brutes, et je ne dis pas qu'elles doivent l'être à 100 p. 100. Je crois que certains articles de dépense doivent être reconnus comme des dépenses, c'est-à-dire, les paiements de terres et les paiements de machinerie. Je pense également que, si d'importants changements structurels sont apportés à une exploitation agricole, il faut les prendre en considération, et de l'argent doit être mis à la disposition de l'agriculteur.

Nous connaissons donc les problèmes. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas assez d'argent pour les régler. Et nous devons également résoudre les problèmes bureaucratiques. Nous devons laisser le programme ACRA suivre son cours. Nous sommes à la fin de 1999, et les producteurs qui seront admissibles recevront manifestement de l'argent. Quant aux producteurs non admissibles, nous devons trouver un autre moyen d'obtenir rapidement du secours afin de les aider.

Je voudrais parler de l'autre partie de l'équation. À mon avis, la surproduction constitue un grand problème sur le plan mondial. Si nous voulons trouver une solution à long terme au niveau mondial, nous devons faire en sorte que les pays producteurs s'entendent pour contrôler la production. Sinon... Nous conquérons de moins en moins de marchés, et nous essayons de les conquérir en tant que concurrents. Nous vendons moins cher que nos concurrents, et vice versa, ce qui fait baisser les prix. Il faut donc que cette question fasse partie d'une solution à long terme.

Je suis progressiste. Je crois honnêtement que nous devons continuer de faire de la commercialisation ordonnée, de l'examiner et de l'adapter. Je crois aussi que la commercialisation ordonnée a bien servi les agriculteurs et qu'elle demeurera un outil important à l'avenir.

Le dernier point, et non le moindre, c'est que j'ai témoigné aux audiences de l'OTC, qui ont eu lieu récemment à Saskatoon, à propos de l'embranchement de Cudworth. Je donc suis au courant de toutes les questions liées au transport. Si quelqu'un dans la salle croit que, avec la déréglementation de l'industrie ferroviaire, la suppression de silos et l'abandon d'embranchements, les tarifs seront inférieurs, j'ai de bonnes terres marécageuses à lui vendre.

Merci.

• 1815

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Je remercie non seulement les quatre témoins qui viennent de présenter leur exposé, mais également tous les témoins qui sont présents aujourd'hui. Je pense que la réunion de cet après-midi a été fort intéressante et, bien sûr, très enrichissante.

Je m'excuse auprès de quelques personnes qui ont manifesté le désir de prendre la parole. Le temps nous manque tout simplement.

Je vais autoriser ces quatre témoins à quitter la salle, puis nous examinerons le rappel au Règlement que veut soulever M. Proctor. Je vous remercie encore une fois. Nous vous sommes très reconnaissants.

Monsieur Proctor, vous pouvez faire votre rappel au Règlement.

M. Dick Proctor: J'espère qu'il n'empêche pas quelques témoins de prendre la parole.

Le président: Le temps est déjà écoulé.

M. Dick Proctor: D'accord.

Selon certaines rumeurs, deux membres du comité, des ministériels, devront peut-être quitter le comité aujourd'hui pour retourner à la Chambre des communes. Nous avons conclu que nous sommes maintenant au terme de notre sixième réunion, sur les neuf qui étaient prévues. Nous en avons tenu trois au Manitoba, et nous venons d'en terminer trois en Saskatchewan. Nous nous rendrons en Alberta ce soir.

À mon avis, ce ne sont que des rumeurs, mais j'aimerais que le président ou toute autre personne me dise si elles sont fondées et, si tel est le cas, m'expliquer ce qui se passe.

Le président: Je vais expliquer ces rumeurs. Elles sont fondées, de sorte qu'il ne s'agit plus de rumeurs. Il est vrai que deux de nos membres devront retourner à Ottawa dès demain matin, à cause des manigances qui ont lieu dans la capitale.

Nous comprenons que nous ne pouvons pas compter sur la collaboration des partis d'opposition pour conserver le nombre voulu de membres du comité au cours de notre voyage. Pour que nous puissions remporter les votes qui seront apparemment tenus demain, dont certains comprennent un vote de défiance, nous n'avons d'autre choix que de renvoyer à Ottawa quelques-uns de nos membres.

J'en suis désolé. J'estime que notre visite se déroule bien, et je sais que les deux membres du comité qui devront retourner à Ottawa sont très déçus, tout comme moi. Je me suis entretenu aujourd'hui, par téléphone, avec quelques membres de la direction de mon parti, à Ottawa, pour leur demander s'il y avait un moyen d'empêcher que l'un ou l'autre retourne à Ottawa. À un certain moment, j'ai cru que nous devrions peut-être tous retourner là-bas, mais ils ont examiné les chiffres et ils estiment que deux députés leur suffisent.

Je trouve cela très déplorable, mais l'important, c'est que le comité poursuivra ses travaux.

Je laisse la parole à M. Proctor.

M. Dick Proctor: Vous avez parlé de deux membres. Pourriez- vous les nommer?

Le président: J'ai laissé à mes collègues le soin de décider. Je crois que Murray et Larry retourneront à Ottawa.

M. Dick Proctor: Il s'agit des deux membres de l'Ontario. Il n'y aura aucun membre de l'Ontario une fois qu'ils seront partis.

M. Larry McCormick: Si nous pouvions avoir le même nombre de membres d'un autre parti... Sacrebleu, la question devient politique, mais beaucoup de gens voulaient effectuer le voyage, et nous sommes ici. Nous devrions être plus nombreux.

Je voudrais bien rester ici, Dick, et je le dis en toute honnêteté.

Le président: Garry, puis Rick, peuvent prendre la parole.

M. Garry Breitkreuz: Je ne comprends pas le raisonnement qui se cache derrière cela. Nous sommes trois et vous êtes également trois. Comment se peut-il qu'un vote soit en jeu à la Chambre?

Le président: Il se trouve qu'une de nos députées vient de perdre son mari et n'est pas présente à la Chambre des communes. En outre, certains de nos députés sont malades et ne peuvent participer aux votes. C'est pour cela.

Monsieur Breitkreuz, vous devriez savoir mieux que quiconque que votre parti a présenté près de 500 amendements au Traité nisga'a. De plus, demain sera une journée d'opposition, qui suppose apparemment des votes de défiance. Il s'agit donc d'une question de nombre.

Je ne voudrais pas que la question devienne politique, et je souhaiterais que tous les membres du comité puissent rester, mais nous n'y pouvons rien.

Rick, vous avez la parole.

M. Rick Borotsik: Monsieur le président, comme vous en êtes bien conscient, je suis un des députés qui ont proposé que nous effectuions ce voyage dans l'ouest du Canada, et je me suis réjouis lorsque vous et les membres du comité ont accepté de le faire.

• 1820

Bien franchement, ne pas tenir nos trois autres réunions est assurément un pas en arrière, car je pense—et je suis sûr que tout le monde est d'accord là-dessus—que nous entendons un très grand nombre de bons points de vue et de propositions remarquables, voire certaines solutions, si nous pouvons les appliquer, lorsque nous écoutons les gens qui sont directement touchés par une crise très grave dans le secteur agricole. Ne pas tenir ces réunions serait un simulacre.

Je vais tenter et, en fait, je l'ai déjà fait, de communiquer avec le whip de mon parti pour savoir s'il y aurait une autre personne dont nous pourrions dire non officiellement qu'elle n'est pas présente à la Chambre, mais pour l'instant, officiellement, nous trois, de ce côté-ci, ne serons pas présents à la Chambre, de sorte qu'il reste trois personnes. Bien entendu, quatre députés du Parti libéral ne seront pas ici, de sorte que nous devons en trouver un autre.

Monsieur le président, si nous pouvions trouver un autre membre, pourriez-vous communiquer avec le whip de votre parti? Ensuite, quand ces personnes retourneront-elles à Ottawa?

Le président: Rick, je viens de dire que c'est le premier point que j'ai soulevé auprès du whip de mon parti. Si nous pouvions conserver un nombre égal de membres des différents partis, pourquoi mettre fin aux réunions? Apparemment, cela ne suffit pas, à cause du faible nombre de députés présents à la Chambre. C'est un fait, purement et simplement.

Dick, puis Garry, peuvent prendre la parole.

M. Dick Proctor: Le comité permanent compte habituellement 16 membres.

Le président: Il compte 15 membres.

M. Dick Proctor: Quinze. Nous sommes actuellement sept. Ce nombre passera à cinq si ces membres nous quittent. Se préoccupe-t- on du quorum?

Le président: Voulez-vous parler du quorum ici, au sein du comité? Nous n'avons besoin que de trois membres pour atteindre le quorum.

M. Dick Proctor: Il faut donc trois membres pour atteindre le quorum. Mais on lance certes un message très négatif en envoyant en Alberta un comité qui ne compte que cinq membres.

Le président: J'inviterais donc tous les députés de l'opposition à se rendre à Grande Prairie demain matin.

M. Dick Proctor: Nous y serons tous.

Le président: Non, monsieur Proctor, si vous voulez y envoyer cinq ou six néo-démocrates, vous êtes le bienvenu.

M. Dick Proctor: Mais, monsieur le président, vous savez que nous n'avons droit qu'à un député du Nouveau Parti démocratique et à un autre du Parti progressiste conservateur.

Le président: Nous pouvons en avoir davantage, et s'il est possible d'en entendre davantage, nous le ferons.

Nous terminerons avec Garry, puis ce sera la fin de la réunion.

M. Garry Breitkreuz: Comme nous sommes au beau milieu de la crise agricole, je m'inquiète beaucoup du genre de message qu'on envoie aux agriculteurs.

Le président: Écoutez, monsieur Breitkreuz, je suis peut-être d'accord avec vous là-dessus, et si votre parti s'en souciait autant, il ne ralentirait pas les travaux de la Chambre comme il le fait actuellement.

Je vous remercie beaucoup de vos bons arguments. La séance est levée.