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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 décembre 1999

• 0829

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Chers membres du comité, nous commençons la séance. Il est exactement 8 h 30. Comme j'ai déjà été agriculteur, je tiens à être ponctuel.

• 0830

Nous sommes enchantés d'être ici, à Regina, même si je souhaiterais que ce soit dans des circonstances différentes. Nous sommes néanmoins heureux d'être ici, surtout pour rencontrer des producteurs primaires, qui nous procurent des denrées alimentaires. Nous sommes au début du troisième jour de notre tournée dans les trois provinces. Nous avons eu de très bonnes réunions au Manitoba et, hier, nous avons entamé notre visite en Saskatchewan, à Estevan.

Comme nous avons beaucoup de témoins à entendre, nous devons respecter un horaire, et c'est ce que nous ferons. Dans notre premier tour de table, nous allons entendre le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan, Dwain Lingenfelter. Il est accompagné du sénateur Len Gustafson. Nous accueillons également Gayle Knutson, Greg Lamb et Stewart Wells.

Bonjour à tous.

Par respect pour le ministre, nous commencerons avec vous, Dwain, puis nous procéderons par ordre alphabétique. Je crois savoir toutefois que le sénateur Len est jumelé avec vous ce matin.

Nous avons une heure à notre disposition. J'espère que vous pourrez terminer vos exposés d'ici 30 minutes, afin que nous ayons le temps d'entendre les questions.

Merci d'être venus. Commençons.

L'hon. Dwain Lingenfelter (vice-premier ministre, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation (Saskatchewan)): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux que vous ayez dit «par respect». Je craignais que vous alliez dire «en raison de l'âge». Je vous suis donc reconnaissant de votre aimable présentation.

Permettez-moi de dire, monsieur le président, que nous sommes très heureux de pouvoir être avec vous aujourd'hui. Au nom des intervenants, je tiens à remercier le comité, car il est important de se rendre compte que, lorsque nos comités permanents, qu'il s'agisse de celui des finances ou de l'important Comité de l'agriculture, viennent dans notre province et notre ville, ils ne sont pas ici simplement pour écouter, puis repartir, et dire ensuite: nous avons entendu des témoignages, mais nous n'avons pas besoin d'y donner suite. Votre présence parmi nous signifie beaucoup pour les habitants de la Saskatchewan, et je tiens à dire à chacun de vous que votre présence ici, aujourd'hui, est extrêmement importante.

Je voudrais entrer tout de suite dans le vif du sujet, car je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps à notre disposition. Je dirai simplement que, si nous sommes ici, c'est à cause de la baisse des revenus agricoles qui découle des prix très faibles des produits. Les prix des produits sont bas, extrêmement bas, dans le secteur des exportations de grains.

Ce n'est pas un hasard si vous ne voyez pas ici, aujourd'hui, des éleveurs de bétail de la Saskatchewan, des producteurs laitiers, des producteurs de volaille ou des producteurs dans les régions où il existe des offices de commercialisation, et dans d'autres régions où les règles du jeu entre le Canada et les États-Unis sont équitables. En fait, dans notre province, ces producteurs connaissent une excellente année. Comme ils sont protégés par les offices de commercialisation, où les subventions viennent non pas du gouvernement, mais directement des consommateurs dans les centres commerciaux, ils s'en tirent beaucoup mieux. Cet état de fait se reflète nettement dans les revenus nets agricoles, d'une province à l'autre.

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je suis sûr que le comité dispose des chiffres sur les revenus nets agricoles dans d'autres provinces où les agriculteurs sont protégés—tant mieux pour eux—par des offices de commercialisation. Nous disons simplement que les agriculteurs doivent tirer parti des mêmes règles du jeu équitables que leurs partenaires commerciaux dans d'autres pays du monde.

Je demande simplement aux membres du comité de songer à ce qui se produirait si l'industrie automobile apprenait tout à coup que le gouvernement américain accorde une subvention spéciale de 30 p. 100 aux fabricants d'automobiles des États-Unis. Songez à ce qui se passerait si le gouvernement canadien devait réagir à cela. À mon avis, les réactions seraient immédiates et des protestations massives contre cette mesure seraient lancées contre le gouvernement américain, car il anéantirait l'industrie automobile d'Oshawa, en Ontario, et dans d'autres régions du Canada. Notre gouvernement devrait également protester.

C'est pourquoi les agriculteurs et les autres habitants de la Saskatchewan sont absolument stupéfaits que le gouvernement fédéral réagisse en gardant le silence, alors que nous devons faire face à des subventions qui font que les agriculteurs des États-Unis reçoivent au moins 30 p. 100 de plus pour leurs produits, et ceux de l'Europe, 50 p. 100 de plus. Nous sommes absolument stupéfaits que le gouvernement nous dise que le budget n'est pas assez élevé pour aider nos agriculteurs, alors que ce n'est pas le cas pour les gouvernements européen et américain.

En fait, les subventions accordées à chaque agriculteur canadien ne représentent que le tiers de celles qui sont accordées aux États-Unis. Lorsqu'on envoie le message que les fabricants d'automobiles, l'aciérie IPSCO, les sociétés pétrolières et gazières, et l'aérospatiale, ont besoin de règles du jeu équitables, mais lorsqu'il s'agit de la marge étroite concernant les exportations de grains, le message est: «Devenez plus efficaces»... Je vous assure que, si ce message était lancé à l'industrie automobile, s'il existait un écart de 30 p. 100 pour les automobiles, le gouvernement fédéral ne dirait pas: «Devenez 30 p. 100 plus efficaces, même si tous les coûts des facteurs de production demeurent exactement les mêmes.»

• 0835

C'est pourquoi le débat d'hier, à l'assemblée, a été si important. Tous les partis politiques de la Saskatchewan et tous les organismes de producteurs, la chambre de commerce, l'association des municipalités rurales et des municipalités urbaines, se sont réunis pour lancer le même message: les céréaliculteurs de la Saskatchewan ne méritent pas moins que les membres d'autres industries au Canada.

Comme je l'ai dit dans mon discours, hier soir, à la fin du débat, nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a défendu d'autres enjeux d'intérêt pour notre pays. Lorsqu'il s'agit d'inondations au Manitoba, les Canadiens, par l'entremise du gouvernement fédéral, interviennent pour prêter main-forte. Lorsqu'il s'agit de tempêtes de verglas au Québec ou en Ontario, nous estimons avoir une responsabilité à assumer. Même lorsque la société québécoise Bombardier, une des sociétés canadiennes les plus puissantes, a connu des difficultés dans des contrats avec l'Amérique du Sud et le Brésil, le gouvernement fédéral est intervenu et a insisté pour que les contrats commerciaux soient passés correctement. C'est ce que devrait faire un gouvernement fédéral, et nous en sommes fiers lorsqu'il s'agit ainsi.

Ce que nous, citoyens canadiens de cette province, ne pouvons pas comprendre, c'est que le gouvernement fédéral et la Chambre des communes fédérale puissent créer des règles du jeu non équitables. Nous sommes tous mêlés à cela. On ne peut blâmer personne. Nous sommes tous logés à la même enseigne, qu'il s'agisse du Sénat, de tous les députés de la Chambre des communes, de tous les membres de l'Assemblée législative, de toute l'industrie. Nous ne pouvons pas pointer du doigt une industrie parmi celles de tout le Canada. Il est impossible de trouver une autre industrie qui est traitée de cette façon. J'invite le comité à parcourir la liste des industries qui existent au Canada et d'en trouver une qui ne bénéficie pas de règles du jeu équitables par rapport aux États-Unis. Il n'y en a qu'une: les exportations de grains. Et, en ne réglant pas le problème, le message qu'on envoie, c'est que les habitants de notre province ne comptent pas.

C'est pourquoi, lors des discussions sur le commerce mondial qui ont eu lieu à Seattle, j'ai eu une occasion rêvée de travailler à vos côtés, monsieur le président, et aux côtés d'autres députés et législateurs du Canada. À mon avis, nous avons eu des rencontres formidables avec des membres de l'Union européenne. Nous avons rencontré un certain nombre de législateurs américains, et j'ai pensé que nos discussions ont été productives, bien qu'on ne se soit pas entendu sur le programme. Je tiens à dire que, même si nous nous étions fixé un programme, ou même si nous le faisons à l'avenir, les résultats seront si éloignés dans le temps qu'il sera impossible d'aider les milliers d'agriculteurs.

J'ajouterai que ces agriculteurs ne sont pas inefficaces, mais il sera trop tard pour aider les agriculteurs les plus prometteurs et les plus jeunes, ceux qui possèdent des diplômes universitaires et qui sont au bord de la catastrophe sans qu'ils soient à blâmer—ce sont les meilleurs agriculteurs au monde—tout simplement parce qu'ils ont choisi de pratiquer l'agriculture dans un pays qui a décidé de ne pas les défendre et les protéger. C'est pourquoi nous entendons continuellement, à contrecoeur, bon nombre de collectivités agricoles et rurales s'interroger sur le Canada et se demander pourquoi elles sont traitées différemment.

Je dois vous avouer que ce ne sont pas les familles d'agriculteurs qui retirent leur appui au gouvernement fédéral ou au Canada. De tout temps, ce sont les citoyens canadiens les plus loyaux qu'on puisse trouver n'importe où au Canada. Lorsqu'il s'est agi d'appuyer le gouvernement fédéral et la position du Canada lors du référendum qui a eu lieu à Montréal, il y a quelques années, beaucoup d'agriculteurs ont acheté des billets d'autocar pour se rendre à Montréal et ont dit, ensemble, aux Québécois qu'ils les aimaient et qu'ils ne voulaient pas qu'ils se séparent du Canada. Ils appuient cette notion, mais ils commencent à douter.

C'est pourquoi, lors de la réunion à Carlyle—mon ami Len Gustafson est au courant—un jeune homme du nom de Trevor Doty, que je voudrais citer, car son message est très puissant, a dit très clairement que le jour où notre coalition s'est rendue à Ottawa était un jour triste pour sa famille. Je vais citer ses propos, qu'il m'a demandé de citer lorsque cela pouvait être utile. Il a déclaré:

    En effet, le 28 octobre a été un jour triste. Lorsque je suis rentré chez moi après ma journée de travail à l'extérieur de la ferme, la première chose que j'ai faite a été de descendre le drapeau canadien qui flottait au-dessus de notre exploitation agricole depuis une époque dont je ne me souviens même pas. Je ne le hisserai plus jamais.

Voilà un Canadien qui est si fier de faire partie du Canada que le drapeau canadien flottait au-dessus de sa ferme. Les gens secouent la tête et s'interrogent, mais le message que nous ne voulons pas entendre, c'est que cela importe peu. Cela importe beaucoup. C'est extrêmement important, et le message d'espoir qu'il nous a livré à tous, c'est celui-ci: «S'il vous plaît, donnez-nous une raison de hisser à nouveau le drapeau.»

• 0840

Les agriculteurs ne s'en vont pas. Ils veulent faire partie du Canada, mais ils sentent que notre pays les a abandonnés. C'est le message que je veux transmettre au comité: lorsqu'il s'agit de soutenir les agriculteurs de l'Ontario et du Québec, par l'entremise des offices de commercialisation, où les gens qui produisent du lait et du beurre reçoivent 50 p. 100 de plus, grâce à des subventions, dans les centres commerciaux ou dans les supermarchés, nous estimons que c'est fantastique. Nous pensons que les agriculteurs devraient bénéficier d'un soutien. Lorsqu'il s'agit des agriculteurs de la Saskatchewan qui reçoivent 30 p. 100 de moins, nous nous attendons seulement à ce qu'ils bénéficient d'un traitement égal.

En terminant, je tiens à souligner encore une fois que nous sommes très heureux que vous soyez présents ici, aujourd'hui. Je vais porter le message de notre assemblée législative à la conférence des ministres qui aura lieu à Toronto. Nous avons besoin de votre appui. La Saskatchewan a besoin de votre appui, et je vous suis reconnaissant d'être présents ici, aujourd'hui, pour nous écouter.

Le président: Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous vous savons gré de ces observations.

Je rappelle à tous les témoins que notre horaire est très serré. Nous ne disposons que d'une heure pour cette partie des audiences. Je suggère très fortement aux témoins qu'il reste à entendre dans ce tour de table de limiter leurs observations à cinq minutes, pour que nous ayons du temps pour les questions. Si nous n'avons pas de temps pour les questions, nous devrons passer aux autres témoins. Par respect pour les témoins que nous entendrons à 11 heures et à 11 h 30, nous devons respecter notre horaire.

Sénateur Gustafson, vous vouliez ajouter quelques mots aux observations du ministre.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (Saskatchewan): J'ai une très brève observation à faire.

Comme vous le savez, j'ai été au service de cette région pendant 14 ans et deux jours à la Chambre des communes et pendant près de sept ans au Sénat du Canada, et je pratique activement l'agriculture avec mes trois fils. Nous faisons partie de la cinquième génération d'agriculteurs, c'est-à-dire que mes petits-enfants, qui conduisent des tracteurs, font partie de la cinquième génération.

Mon grand-père est arrivé de Suède. Je l'ai entendu raconter des histoires qui se passaient dans les années 30, lorsqu'il vendait une vache et payait 7 $ pour l'expédier à Winnipeg et qu'il ne recevait jamais rien en retour.

La situation n'a jamais été aussi difficile qu'à l'heure actuelle. Elle est très pénible. Tout agriculteur qui vous dit le contraire a hérité de beaucoup d'argent ou a eu beaucoup de chance. La situation est très grave.

Mon intervention ne sera pas très longue, mais je tiens à dire ceci: l'enjeu est d'ampleur nationale. Il ne concerne pas que la Saskatchewan, ni le Manitoba; il ne concerne plus Peace River ou l'Alberta. Lorsque des gens comme les trois personnes qui se trouvaient hier à Estevan disent qu'ils ont descendu le drapeau canadien, la situation est grave. Le Canada ne peut pas se permettre de laisser ce genre de chose se produire.

Dans l'ouest du Canada, nous demandons—et je parle en tant que représentant—que vous nous offriez le même traitement que celui que vous avez accordé à d'autres secteurs de l'agriculture. Nous ne voulons rien enlever aux producteurs laitiers, aux producteurs de volaille ou aux autres producteurs, mais nous voulons un traitement équitable pour l'Ouest. Sinon, nous éprouverons de graves problèmes. Selon notre ministre des Finances, il est possible que l'excédent atteigne 93 milliards de dollars—je crois que c'est le chiffre exact—au cours des cinq prochaines années. Ciel, si les prix des produits restent les mêmes, il faudra engager quelques milliards de dollars par année pour venir en aide aux agriculteurs.

J'ai un dernier point à souligner. J'ai présidé 25 réunions en Europe, avec les lords de Londres, les syndicats d'agriculteurs et les commissaires de l'Union européenne, et ils ne laisseront pas tomber les subventions. Cela ne se fera pas. Au cours de réunions avec les Américains, à Seattle, nous avons entendu dire que les États-Unis défendront leurs agriculteurs. Le Canada a l'obligation de défendre les siens.

Nous vous sommes reconnaissants d'être ici. J'espère que vous transmettrez le message à la Chambre des communes, comme nous le ferons au Sénat.

Merci.

Le président: Sénateur, je vous remercie.

Nous procéderons maintenant par ordre alphabétique, en commençant par Gayle Knutson. Merci d'être venue, Gayle.

Mme Gayle Knutson (témoignage à titre personnel): Merci.

Bienvenue, président John Harvard et les autres députés.

• 0845

L'expérience que j'ai connue lorsque j'ai suivi l'évolution de notre demande de participation au programme ACRA dans tout le système a révélé une grave lacune dans ce programme. Cette lacune ne devrait exister dans aucun nouveau programme d'aide financière aux agriculteurs. Elle semble pénaliser les agriculteurs qui sont proactifs dans la gestion de leur entreprise. Le bureau d'administration du programme ACRA parle de changements d'ordre structurel et réduira le paiement si un agriculteur apporte des changements à son exploitation et accuse une autre perte de profit de 15 p. 100. À mon avis, c'est ce qui explique en grande partie que le nombre et le montant des paiements qu'ont reçus les agriculteurs de la Saskatchewan sont aussi faibles.

L'exemple le plus flagrant de la définition de changements d'ordre structurel que donne le programme ACRA, c'est ce qui s'est produit dans notre cas. Nous pratiquons l'agriculture dans le sud-est de la Saskatchewan, à Kipling. Jusqu'en 1997, nous exploitions une exploitation agricole mixte, comprenant environ 150 têtes de bétail et huit quarts de terres. Nous avons vu les prix des grains et du bétail chuter et notre revenu net ou notre marge de profit baisser. Nous pouvions prévoir que l'avenir serait sombre et que nous aurions besoin d'un revenu en dehors de la ferme pour nous nourrir, pour payer nos factures et pour aider à subventionner notre exploitation agricole.

En juin 1997, mon mari a commencé à conduire un camion-vidangeur, qui est utilisé dans les champs de pétrole. Nous en remercions le ciel. Avec des quarts de travail de 14 heures par jour en moyenne, il aurait été impossible à mon mari de nourrir le bétail deux fois par jour en hiver. Ma propre situation m'empêchait également de m'occuper du troupeau. J'ai donc pris une saine décision de gestion: le revenu provenant de l'emploi en dehors de la ferme serait supérieur à notre revenu annuel provenant de la vente de veaux âgés d'un an. Nous avons donc vendu le dernier groupe de veaux au début de décembre 1997, et nous avons reporté notre revenu jusqu'en 1998, pour des raisons fiscales.

Puis, le programme ACRA est arrivé. Après la période d'attente de huit semaines, j'ai suivi l'évolution de notre demande chaque semaine. À la mi-juillet, un employé du bureau d'administration du programme ACRA m'a informée, à mon grand étonnement, que notre paiement était censé dépasser 16 500 $. Elle m'a cependant prévenue que ce montant n'était pas encore approuvé. Au cours des deux semaines qui ont suivi, des représentants du programme ACRA ont téléphoné en posant d'autres questions: pourquoi avions-nous vendu le détail, pourquoi avions-nous reporté notre revenu et pourquoi avions-nous réduit notre superficie? Puis, contrairement à ce que prévoyaient les règles du programme ACRA, il nous a fallu fournir des chiffres sur le nombre et le poids de nos têtes de bétail pour 1995, 1996 et 1997. J'ai protesté en disant que ces règles étaient nouvelles, que ces autres questions ne devaient s'appliquer que si nous avions un inventaire des stocks pour 1998, ce que nous n'avions pas, mais cela importait peu. Lorsque nous avons reçu notre chèque du programme ACRA, nous avons constaté que le montant représentait moins de 25 p. 100 de l'estimation initiale qu'on nous avait donnée, soit 3 500 $ seulement.

J'ai donc écrit au ministre Vanclief pour demander qu'on révise ma demande. Remarquez qu'aucun processus d'appel officiel et indépendant n'est actuellement mis à la disposition des agriculteurs. J'ai dit dans ma lettre que, en ce qui concerne le bétail, nous étions obligés de répondre à de nouvelles questions qui semblaient changer les règles prévues initialement lorsqu'il s'agissait de remplir les annexes.

Pour résumer, d'après la réponse que nous avons reçue, la vente de notre bétail et notre perte de profit découlaient d'une mauvaise décision en matière de gestion. Même en rétrospective, nous ne sommes pas d'accord sur cette réponse et nous estimons encore que notre décision était la bonne.

Pour expliquer les changements d'ordre structurel, l'adjoint a annexé à sa lettre un bulletin d'information technique, le BIT-17. Nous avons été extrêmement étonnés de ses conséquences pour les agriculteurs des Prairies. Nous étions au début de septembre. Dans la circulaire, on définit ainsi «changements d'ordre structurel»:

    [...] les changements relatifs au propriétaire, à la structure de l'entreprise, à la taille de l'exploitation, aux pratiques agricoles, à l'activité agricole ou à toute autre pratique qui pourrait avoir une incidence sur la marge brute.

Dans le premier bulletin, on mentionne également les variations dans les superficies cultivées ou dans la taille du troupeau, une réorientation de la production, et même une baisse au chapitre des dépenses dans les facteurs de production.

Avant que je ne vous donne des exemples concrets de ces changements d'ordre structurel, jetons un coup d'oeil sur cette perte de profit de 15 p. 100 par rapport à d'autres années de référence. Selon Statistique Canada, le revenu net d'exploitation d'une ferme se situait à 18 333 $ en 1996. À 15 p. 100, l'agriculteur n'a qu'un peu plus de 2 700 $ pour apporter des changements à son exploitation agricole avant que le programme ACRA n'entre en jeu. Ce pourcentage de 15 p. 100 est même moins élevé aujourd'hui, car les revenus agricoles se situent au-dessous du seuil de pauvreté.

Examinons les conséquences de ces changements d'ordre structurel pour les agriculteurs, en prenant l'exemple des changements relatifs au propriétaire. Un agriculteur d'Assiniboia a modifié la structure d'entreprise de son exploitation agricole en 1996. Cette décision de gestion, qui consistait à créer une entreprise agricole distincte, visait à augmenter ses revenus à l'aide des économies d'impôt. Il a dit qu'il a été frappé par un rajustement aux termes du programme ACRA.

Voici un exemple de changement dans la taille de l'exploitation et de réduction des superficies cultivées. Si un agriculteur doit vendre une partie de ses terres pour acquitter certaines factures et demeurer à flot, le programme ACRA va le pénaliser. Si l'agriculteur abandonne des terres qu'il a louées parce qu'elles ne rapportent plus d'argent, le programme ACRA le pénalisera encore.

Je vous donne un exemple de changement dans les pratiques agricoles ou de réduction des coûts des facteurs de production. Si un agriculteur décide de cultiver des produits organiques, il lui faudra connaître quatre années de production réduite, ainsi qu'une réduction des coûts des facteurs de production, avant que la ferme ne commence à lui procurer un profit raisonnable. Bien entendu, son revenu baissera et le programme ACRA le pénalisera.

• 0850

Voici un autre exemple de changement dans les pratiques agricoles ou de réduction des coûts des facteurs de production. Un agriculteur pratique une culture minimale et une monoculture. Dans un effort pour réduire ses coûts de facteurs de production, comme des pesticides et des engrais, l'agriculteur met ses terres sur jachère d'été. Son revenu baissera à cause de la réduction des superficies cultivées et le programme ACRA le pénalisera.

Un exemple de changement de produits, c'est que, si un agriculteur décide de faire croître non plus des céréales, mais des cultures spéciales, comme des légumineuses à graines, des herbes et des épices, et qu'il connaît une baisse de revenu de plus de 15 p. 100, le programme ACRA le pénalisera.

On nous a assuré que le revenu gagné en dehors de la ferme ne serait pas calculé dans les paiements accordés dans le cadre du programme ACRA, mais pour pouvoir travailler à l'extérieur, la plupart des agriculteurs ont dû apporter des changements qui seraient considérés comme des changements d'ordre structurel. Ils doivent souvent se libérer pour travailler à l'extérieur de la ferme. Le revenu agricole baissera probablement de 15 p. 100 par rapport aux années précédentes, mais ce salaire leur appartient. Ainsi, le programme ACRA entre en jeu et pénalise l'agriculteur qui travaille à l'extérieur de la ferme.

Les agriculteurs qui reçoivent des paiements raisonnables dans le cadre du programme ACRA sont les céréaliculteurs plus âgés qui ont maintenu une exploitation agricole sans y apporter aucun changement d'ordre structurel. Ils ont besoin de cet argent, car ils utilisent actuellement leurs économies pour maintenir leur exploitation agricole à flot, et les résultats sont très désastreux pour eux aussi. Une fois que leurs économies seront épuisées et que le programme ACRA sera expiré, leur ferme disparaîtra également.

Le programme ACRA, d'une durée de deux ans, encourage les agriculteurs à maintenir leur exploitation agricole sans y apporter aucun changement d'ordre structurel proactif. Le programme ACRA pénalise les agriculteurs qui apportent de tels changements. Les agriculteurs proactifs—comme mon mari, qui doit travailler à l'extérieur de la ferme tout en pratiquant l'agriculture—feront un double quart de travail pendant un certain temps, avant de se dire: «Cela ne va plus. Il faut laisser tomber quelque chose. Vendons la ferme.» Un instant! Qui l'achètera et à quel prix?

En raison du manque de temps, je ne pourrai pas présenter quelques mesures positives qui pourraient aider les agriculteurs des Prairies, mais je suis certaine qu'elles pourront l'être pendant la période de questions et de réponses. Elles figurent également dans mes notes dont je ferai part au comité plus tard. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, Gayle.

Nous entendrons maintenant Greg Lamb. Bonjour.

M. Greg Lamb (témoignage à titre personnel): Bonjour.

L'agriculture est une profession où nous avons très peu de mainmise sur les coûts des facteurs de production ou sur la quantité de produits à vendre, et pratiquement aucune mainmise sur le prix que nous obtenons pour nos produits. Je pratique l'agriculture depuis une vingtaine d'années. Ma femme et moi cultivons trois sections de terres céréalières, et nous pratiquons une monoculture. Nous possédons 1 600 acres de terres et en louons 320.

En 1990, nous avons constaté que, si nous continuions de cultiver uniquement des céréales, notre ferme ne serait pas viable. La diversification est risquée et coûteuse. Nous cultivons divers produits, dont des lentilles, des pois, du colza, du lin, du blé, du blé dur, etc.

Malgré la diversification, 1998 a été la pire année de production agricole que nous n'ayons jamais connue. Il semblait que l'année 1999 serait meilleure, même si 250 acres de terres étaient trop humides pour être ensemencés, mais les prix du colza ont baissé et un gel précoce a nui à la qualité des grains. Les perspectives pour l'an 2000 semblent encore pire que la situation qui s'est produite en 1998.

La rotation des cultures est nécessaire pour l'avenir à long terme de mon exploitation agricole, mais l'argent se fait rare, et on commence à négliger le long terme parce qu'il faut survivre aujourd'hui et maintenant. En tant qu'agriculteur, je cultive les produits qui, à mon avis, seront le plus profitables, mais les prévisions des prix du printemps peuvent être ou sont souvent bien différentes de la réalité. Notre dette est minime et, pourtant, nous ne pouvons pas gagner notre vie, et encore moins effectuer des investissements en capitaux qui rapportent.

J'ai puisé 30 000 $ dans mes REER au cours de 1998-1999, et j'ai également effectué d'importants retraits du CSRN. Mon exploitation agricole peut résister financièrement à de mauvaises années, mais on ne peut pas toujours perdre de l'argent. Nous avons fait de notre mieux pour diversifier nos cultures et pour rendre notre ferme productive et écologiquement viable. Mon arrière-grand-père, mon grand-père et mon père étaient tous agriculteurs. Avec l'incertitude qui plane sur l'agriculture, un grand nombre de nos jeunes quittent la ferme. Mon fils aura 19 ans en janvier, et l'agriculture ne l'intéresse pas. Je l'ai encouragé à pratiquer l'agriculture.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour dire au comité que les agriculteurs ont des besoins. Ils souffrent. Je n'avais jamais abordé publiquement des questions liées à l'agriculture, mais, comme bien d'autres agriculteurs, je crois qu'il est temps de prendre la parole pour sensibiliser la population à la situation que vivent nos collectivités rurales et pour expliquer pourquoi cette situation s'est produite. J'ai des voisins et des amis qui ne pratiqueront pas l'agriculture l'année prochaine. La vaste majorité d'entre eux sont de bons gestionnaires. Certains quittent la ferme avec un peu d'argent en poche, après des années de dur labeur, et d'autres la quittent les mains vides, mais le coeur rempli d'amertume. Ces agriculteurs sont au début de la quarantaine.

Les agriculteurs sont reconnaissants de toute aide qu'on leur offre, mais nous préférerions obtenir un prix équitable pour nos produits et payer un prix équitable pour nos facteurs de production. Nous voulons un salaire quotidien raisonnable pour une journée de travail honnête. Il faut agir, sinon la majorité des exploitations agricoles deviendront la propriété de grandes sociétés, de banques et d'autres institutions financières.

J'ai annexé à mes notes un texte qui explique la raison pour laquelle le programme ACRA ne m'a pas aidé à cause de la façon dont mon inventaire a été évalué. Des représentants du programme ACRA ont expliqué au comité que, si les agriculteurs de la Saskatchewan ne reçoivent pas plus d'argent, c'est que leur marge brute est à 70 p. 100 ou plus. Laissez-moi vous assurer que bien d'autres agriculteurs ont subi des pertes, mais, en raison d'une négligence, d'une surprotection ou, à mon avis, de méthodes comptables inexactes de la part des décisionnaires, bon nombre ne sont pas admissibles au programme.

• 0855

Le programme ACRA est également injuste pour bien des agriculteurs qui versent des salaires à leurs proches pour le travail qu'ils accomplissent dans la ferme. En raison d'une évaluation inexacte de l'inventaire et de la règle prévue dans le programme ACRA au sujet du salaire sans lien de dépendance, j'ai reçu 2 500 $ au lieu de 42 000 $ en 1998. Je ne suis pas le seul agriculteur à éprouver ce problème. La première fois que j'ai examiné le programme ACRA, j'ai y constaté de nombres échappatoires faciles à utiliser.

L'assurance-récolte et le CSRN sont des programmes précieux et fort appréciés, mais ils ne compensent pas l'énorme perte de revenus causée par la baisse des prix. Le CSRN doit connaître quelques bonnes années avant que sa valeur ne puisse être réalisée, mais, pour l'instant, il ne s'agit que d'un fonds de retraite pour quelques agriculteurs plus âgés qui disposent de quelques ressources financières. Je connais certains agriculteurs qui n'ont pas les moyens d'y verser de l'argent, à moins qu'ils ne puissent déclencher le retrait. Bien d'autres agriculteurs et moi-même ne croyons pas que les pays dont la population a souffert de la faim en période de guerre cesseront de subventionner leurs agriculteurs. Ils veulent maintenir un approvisionnement garanti de denrées alimentaires, en cas de guerre.

Certains d'entre vous disent que l'Allemagne en a assez de soutenir l'agriculture. D'autres diront que les États-Unis nous appuient, mais regardez ce qu'ils font. Certains des experts vous ont dit que vous ne pouvez aider qu'un seul secteur. Mais je dis que, si ce secteur souffre, une aide devrait lui être accordée. Je crois que ma propre valeur ne dépend pas du succès que remporte ma ferme. Ce n'est pas là-dessus que je fonde mes espoirs. Or, beaucoup d'agriculteurs estiment qu'ils ne valent rien si leur ferme ne connaît pas la réussite. Il s'agit là d'une situation dangereuse qui existe aujourd'hui dans bien des fermes de la Saskatchewan.

M. Robert Friesen a dit que les agriculteurs ont payé 17 milliards de dollars en impôts au cours des sept dernières années. Les agriculteurs voudraient qu'on leur remette une partie de cet argent. L'argent versé aux agriculteurs permettrait de créer de nombreux emplois, et les gens qui occuperaient ces emplois paieraient des impôts. L'argent qu'ils dépenseraient permettrait de créer d'autres emplois, et ceux qui occuperaient ces emplois paieraient eux aussi des impôts. Je me demande quels montants accordés aux agriculteurs sont retournés au gouvernement sous forme d'impôts. Une aide à court terme s'impose, et je suis en faveur d'un paiement à l'acre pour aider les céréaliculteurs à traverser la crise actuelle.

Si vous jetez un coup d'oeil à la dernière page de mes notes, vous verrez que six des dix dernières années pendant lesquelles j'ai pratiqué l'agriculture ont été des années de faible revenu. Combien de chefs d'entreprise ayant un investissement en capital de plus de la moitié d'un million de dollars, et dont le conjoint et eux-mêmes travaillent sans salaire, seraient contents de ces chiffres? Les programmes d'aide ont été trop concentrés sur les années. Bien des agriculteurs ont différents niveaux de revenu pour les mêmes années, mais la plupart ont subi des pertes au cours des dix dernières années. Un paiement à l'acre compenserait ces pertes, peu importe l'année pendant laquelle elles ont été enregistrées.

À mon avis, si nous voulons faire en sorte que le secteur agricole et les localités rurales de l'ouest du Canada demeurent écologiquement viables, nous devons apporter certains changements. D'abord, les agriculteurs doivent obtenir un prix raisonnable pour leurs produits, à l'aide d'un mécanisme garantissant le coût de production de chaque produit. Je sais que les gens qui sont présents ici croient que ce n'est pas possible, que cela coûte trop cher, et que ce n'est pas écologique ou acceptable, selon les règles sur le commerce mondial. Je dis que c'est possible, mais il faut que quelqu'un ait le courage d'agir.

Les gouvernements doivent supprimer les restrictions qui empêchent les agriculteurs de créer leurs propres marchés, par exemple, les restrictions sur la livraison de grains aux usines de fabrication de pâtes alimentaires ou de malt. Si les restrictions étaient levées, les produits pourraient être transformés ou bénéficier d'une valeur ajoutée ici, en Saskatchewan. Les agriculteurs doivent participer à la conception et à la mise en oeuvre de tout programme de protection du revenu. Je parle de vrais agriculteurs, et non d'organismes qui les représentent.

Des programmes comme le CSRN doivent être assortis de mécanismes qui permettraient aux gens sans ressources financières d'effectuer le dépôt équivalent pour avoir recours au programme. Certaines de ces solutions de rechange consisteraient à verser le montant équivalent qu'il est possible d'utiliser en tant que REER, montant qui serait imposable au moment du retrait, ou, dans des cas particuliers, la partie du montant versé par le gouvernement pourrait être déposée sans dépôt équivalent.

Je vous le demande: le gouvernement du Canada se préoccupe-t-il des localités rurales de l'ouest du Canada? Si tel est le cas, est-il disposé à agir?

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Lamb. Nous entendrons maintenant Stewart Wells.

M. Stewart Wells (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier le comité d'être venu en Saskatchewan pour écouter les points de vue des agriculteurs.

À mon avis, les exposés des quatre premiers intervenants ont présenté très fidèlement la situation qui existe en Saskatchewan. Je suis un agriculteur qui habite près de Swift Current, à quelques heures à l'est d'ici. Pendant les deux dernières années, j'ai effectué un peu de travail pour le Syndicat national des cultivateurs. D'après ce que nous avons constaté, et à entendre les gens avec qui nous nous sommes entretenus, je dirais qu'il s'agit là de témoignages très raisonnables et très exacts. Je suis très heureux que le comité soit ici pour les entendre.

Le Syndicat national des cultivateurs est un des seuls groupes à avoir prédit cette situation. Nous avions prédit qu'elle se produirait. Je ne devrais pas dire «nous», car, à cette époque-là, je ne travaillais pas pour le compte du syndicat. Mais, il y a 20 ans, lorsque le mouvement vers la déréglementation et la privatisation s'est enclenché dans le pays, et que nous avons commencé à voir tomber à l'eau le tarif du Nid-de-Corbeau pour le transport des grains et le système de double prix du blé, il était évident, du moins pour certains, que cette situation allait se produire et que, à un certain moment, les prix des produits tomberaient à tel point ou d'autres raisons feraient que les agriculteurs se retrouveraient dans une situation vraiment pénible.

• 0900

C'est là où nous en sommes aujourd'hui. La dernière fois que les revenus agricoles étaient aussi bas, toutes sortes de facteurs—l'effondrement du marché boursier, une dépression économique mondiale, la disette des années 30—nous avaient entraînés dans une situation analogue.

D'une façon générale, nous n'avons pas éprouvé des problèmes de ce genre en Saskatchewan. Au cours des cinq dernières années, certaines régions de la province ont connu d'excellentes récoltes, bien au-delà de la moyenne, et de qualité également supérieure, mais certains agriculteurs, même dans ces régions, se trouvent dans une situation horrible. Bien sûr, dans les régions qui ont éprouvé des problèmes de production, la situation est encore bien pire.

Les programmes que nous avons en place ne suffisent pas à régler les problèmes de production ou les problèmes de fixation des prix que nous constatons avec les faibles prix des produits. Ils ne sont pas suffisants pour garder à flot une exploitation agricole. Spécialement au cours des dix dernières années, nous avons employé toutes sortes de terminologies pour désigner les programmes de protection du revenu. Même l'expression «protection du revenu» sous-entend qu'à une certaine période, ces dernières années, nous avons été sur la corde raide et avons connu de très bonnes années.

En fait, c'est ainsi que l'industrie a fonctionné depuis les années 40 jusqu'au milieu des années 80. Le revenu agricole net a toujours varié entre 10 000 $ et 30 000 $. Il était parfois supérieur, parfois inférieur, mais du moins, cette variation existait. Bien entendu, au cours des cinq dernières années, nous avons vu ces revenus disparaître complètement. Toutes les tendances sont continuellement à la baisse, et dans un tel cas, une approche comme un programme de protection du revenu n'est tout simplement pas suffisante.

Par conséquent, il y a bien des endroits où le gouvernement fédéral peut exercer ses responsabilités et apporter des changements d'orientation dans sa politique, ce qui contribuerait grandement à faire face à la situation et à aider les agriculteurs. Ainsi, nous devons analyser la situation, chercher à savoir pourquoi nous éprouvons ce problème, et déterminer si le problème est le fait que nous avons systématiquement détruit ou démantelé la politique et le cadre réglementaire qui permettaient aux familles d'agriculteurs de cultiver des grains et des oléagineux dans les Prairies.

À mon avis, c'est ce qui s'est produit. Le gouvernement a effectué quelques légers rajustements ici et là, et chaque fois qu'il le faisait, il disait que cela ne représentait beaucoup d'argent en théorie, et que les agriculteurs pourraient encore survivre. Mais, il a fait tellement de rajustements qu'il ne nous reste plus rien. Tout à coup, surtout lorsque les pays étrangers interviennent et que les prix des produits deviennent extrêmement bas, sans perspective d'une augmentation, c'en est trop. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

À cet égard, j'envisagerais de déréglementer davantage pour stimuler des programmes qui ne marchent pas. Par exemple, si j'en juge par la section de mon analyse portant sur la déréglementation des transports et des chemins de fer, il semble vraiment que les compagnies ferroviaires s'efforcent beaucoup de déplafonner les tarifs en fonction desquels elles fonctionnent. On parle beaucoup de revenir au plafonnement des recettes et je ne sais quoi encore.

À mon avis, ce serait récompenser les compagnies ferroviaires pour leur piètre rendement en 1996. L'Office des transports du Canada (OTC) a montré qu'elles ont volontairement pris des mesures d'exception contre le transport du grain. La commission du blé a eu le culot, l'audace de les rappeler à l'ordre à cet égard devant l'OTC. Depuis lors, en fait, le transport du grain va bon train et la Commission canadienne du blé a gagné l'aiguillage au lieu de payer des redevances de stationnement, mais il y a tout lieu de croire que l'on récompensera les compagnies ferroviaires pour leur conduite en déplafonnant les tarifs.

Il s'agit donc de faire des choses de ce genre, de même que d'examiner la commission des grains, qui voudrait se réorganiser et changer de fonction et d'orientation.

Dans tous les domaines de la politique, donc, on maintient les mesures à qui nous devons d'être aujourd'hui dans le pétrin.

• 0905

Je ne lirai pas le mémoire dans son entier, car tout le monde l'a sans doute déjà fait, mais je vous signale que se trouvent aux deux dernières pages les statistiques d'une exploitation agricole de la région de Maymont, en Saskatchewan.

En 1949, les impôts sur un bon quart de section dans la région de Maymont étaient de 65 $. Ils excèdent aujourd'hui 666 $. Ils ont décuplé. À l'époque, le carburant diesel coûtait 18c. le gallon; il coûte aujourd'hui 1,80 $ le gallon environ. Le prix du diesel a lui aussi décuplé. En 1948, l'avoine fourragère de première qualité coûtait 84c. le boisseau. Cet automne, l'agriculteur de là-bas s'est vu offrir différents prix de différentes entreprises, soit de 60 à 70c. le boisseau, c'est-à-dire à meilleur prix, en fait, qu'en 1948.

Cela donne seulement une idée des problèmes qui assaillent les agriculteurs.

À la toute dernière page, j'ai joint un graphique concernant le domaine du commerce international et l'OMC et ce genre de choses. Ce graphique montre que, en dépit des hausses marquées qu'ont connues les exportations canadiennes du secteur agro-alimentaire, le revenu des agriculteurs n'a absolument pas augmenté. Les exportations augmentent considérablement et les revenus sont à la baisse. Je me demande donc ce que valent ces hausses marquées dans le secteur du commerce.

Il faut donc se mettre à concevoir des programmes qui fonctionnent pour les agriculteurs au niveau de l'exploitation agricole plutôt que de commencer par examiner d'autres types de problèmes.

Des voix:, Bravo!

Le président: Merci.

Comme nous disposons de vingt minutes seulement pour les questions et les réponses, je suis forcé de limiter l'intervention de chacun à cinq minutes.

Nous commencerons avec M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier tous pour vos excellents exposés.

Je tiens aussi à souhaiter officiellement la bienvenue au comité à Regina et dans ma province natale. Nous sommes très fiers et très heureux que vous soyez ici. Notre seul désir est que le premier ministre vienne aussi voir la situation de plus près. Je crois que cela aurait d'importantes répercussions.

Des voix: Bravo!

M. Garry Breitkreuz: Je tiens aussi à remercier tous les agriculteurs qui ont comparu devant nous. L'appui incroyable qu'ils accordent aux audiences vous donne une bonne idée de la gravité de ce problème.

Je ne dispose que de quelques minutes, que je partagerai avec mon collègue, M. Kerpan.

On a dit que nous n'avions pas suffisamment de fonds publics pour soutenir nos agriculteurs. Ne croyez-vous pas que nous devrions plutôt nous demander si nous avons les moyens de ne pas appuyer nos agriculteurs? Le Trésor public ne risque-t-il pas de souffrir bien davantage de ce qui arriverait à la Saskatchewan si nos exploitations agricoles familiales disparaissaient que si nous aidions maintenant celles-ci?

C'est ce qu'il faut faire valoir à ce moment-ci, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je vais poser tout de suite mes autres questions. Le premier ministre de la Saskatchewan a déclaré que la fédération ne fonctionne pas. Nous avons entendu des agriculteurs dire, hier, à Estevan, qu'ils enlèvent leur drapeau. Encore ce matin... et la plupart des agriculteurs sont de loyaux citoyens canadiens.

Au cours d'une assemblée qui a eu lieu à Whitewood, vendredi dernier, jusqu'à 80 p. 100 des agriculteurs présents voulaient se débrouiller tout seuls puisque le Canada les avait abandonnés.

On ne veut pas employer ici le mot qui commence par un «s», mais cela ne montre-t-il pas à quel point la situation est grave? D'après ceux d'entre vous qui appartiennent au milieu agricole, ce sentiment est-il très répandu parmi les agriculteurs?

Je voudrais que vous répondiez à ces deux questions.

Le président: Vous avez trois minutes seulement pour répondre à ces deux questions.

M. Dwain Lingenfelter: Je voudrais répondre, Garry, au premier volet de la question pour ce qui est de soutenir les agriculteurs et si nous avons les moyens de ne pas les soutenir.

Il ne fait aucun doute pour moi que, même si le pourcentage du PIB représenté par l'agriculture a diminué, et des économistes disent que celle-ci est par conséquent moins importante, les Européens et les Américains considèrent l'agriculture comme le fondement de leur économie, qu'elle représente 18, 14 ou 10 p. 100 de leur PIB.

Par exemple, on ne peut pas dire que, comme cette partie de l'immeuble ne représente que 10 p. 100 de l'ensemble, on se moque bien de ce qui lui arrivera. Si le fondement de l'économie s'effondre, le reste de l'économie s'effondrera aussi. C'est la situation de notre province, du Manitoba, et de bien d'autres.

• 0910

Mais, en fait, la question n'est même pas de savoir si l'on peut soutenir ou pas les agriculteurs. Le gouvernement fédéral a toujours soutenu l'agriculture. Il ne fait aucun doute que nous en avons les moyens. Nous en avons toujours eu les moyens jusqu'à maintenant. C'est seulement au cours des trois dernières années que les subventions ont été supprimées. On peut en contester la structure, mais le fait est que les céréaliculteurs de la Saskatchewan touchaient 600 millions de dollars de subventions dans le cadre du système de double prix du blé du Nid-de-Corbeau et dans d'autres domaines. Il est intéressant de remarquer que le revenu agricole net a baissé cette année du montant exact qui a été supprimé.

Le problème n'est donc pas que le gouvernement fédéral dit ne pas avoir les moyens. Du temps de tous les autres gouvernements qui ont dirigé le Canada depuis 1905—certains, pourrait-on dire, par traité ou accord sur le tarif du Nid-de-Corbeau, qu'on disait perpétuel—ces subventions étaient en place. On les a supprimées.

La question n'est pas de savoir si nous avons les moyens en tant que Canadiens. Le fait est que nous avons toujours eu ces subventions et que, soit naïveté, soit mesquinerie, nous les avons laissées aller. Je veux croire que le gouvernement fédéral a pris cette décision par naïveté et que ces subventions seront rétablies. Nous sommes prêts à attendre encore un peu.

Mais je vous le dit: si l'argent n'est pas prévu dans le prochain budget, on croira à de la mesquinerie à l'endroit d'une petite province. Je ne veux tout simplement pas croire cela. Je veux que le gouvernement prouve que nous sommes importants.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.

En toute justice, monsieur le ministre, il faut dire que vous n'aviez pas du tout d'argent il y a un an pour du secours en cas de catastrophe. Depuis, le gouvernement fédéral a libéré 1,7 milliard de dollars et les provinces, 600 millions de dollars.

En outre, vous irez à Toronto, aujourd'hui ou demain, pour discuter de l'avenir des filets de sécurité au Canada. Ce sera une bataille en soi, compte tenu de l'attitude de certaines provinces à l'égard des filets de sécurité et de leur financement.

Je voudrais bien savoir quelle est la différence—si vous avez établi des statistiques—entre l'an dernier en Saskatchewan et ce que nous réserve l'année prochaine ou la suivante pour ce qui est du nombre de familles qui quittent leur exploitation agricole. Même les bonnes années, dans tout le pays et pas seulement en Saskatchewan, des gens quittent leur exploitation agricole, des exploitations agricoles prennent de l'expansion, et il ne semble pas y avoir moyen d'arrêter cela. Quelle différence y a-t-il en Saskatchewan entre, disons, la situation il y a deux ans, cette année et l'année prochaine?

M. Dwain Lingenfelter: Pour ce qui est d'un aperçu historique du revenu agricole net, prenons les années 1993 à 1997. Pendant ces années-là, le revenu agricole net était de 650 millions de dollars par année environ. Cette année, on prévoit—selon les statistiques employées par le gouvernement fédéral en juillet—qu'il sera inférieur à 48 millions de dollars. Alors qu'il a été pendant cinq ans de 650 millions de dollars par année en moyenne, quoique des statistiques provisoires montrent qu'il pourrait être un peu plus élevé. Mais il importe peu qu'il soit inférieur ou supérieur à 48 millions de dollars; on parle d'un revenu net nul pour 1999.

Les prévisions pour le commerce international ne sont guère meilleures, car le cours mondial du blé est tellement faible, à cause non pas du marché, mais des subventions énormes qui font que d'autres pays peuvent acheter leur grain pour presque rien, parce que les agriculteurs européens tirent des subventions 56c. par dollar de revenu, les Américains 38c. par dollar et les Canadiens, 9c. par dollar. Les statistiques de l'OCDE que je fournis au comité prouvent encore une fois que, en ce qui concerne le lait, le beurre et la volaille, l'égalité des chances n'existent pas de ce côté-là. Elle existe entre le Canada et les États-Unis. Ce n'est que pour les grains et les exportations de grains qu'il y a une différence de 30 p. 100.

Le problème vient donc de l'ACRA, d'un programme national qui se veut pancanadien. L'ACRA fonctionne pour les gens qui tirent 50 p. 100 de leur revenu de subventions versées par l'intermédiaire d'offices de commercialisation. L'ACRA fonctionne très bien pour eux. Mais ce programme ne peut pas fonctionner en Saskatchewan, où notre revenu est amputé de 30 p. 100.

Ce que nous ferons donc valoir à Toronto, le jour de la conférence des ministres, c'est qu'il nous faut trois choses. Premièrement, il nous faut un programme de péréquation commerciale qui soit en place jusqu'à ce que les Européens et les Américains se débarrassent des leurs. Deuxièmement, il nous faut une version améliorée du CSRN. Et, troisièmement, il nous faut un régime amélioré d'assurance-récolte. Voilà un programme qui permettrait à nos agriculteurs de prospérer et d'être productifs.

• 0915

Cela signifie-t-il qu'aucun agriculteur ne quitterait jamais la terre? Absolument pas. Mais nous ne perdrions pas 30 p. 100 de nos agriculteurs les meilleurs, les plus brillants et les plus instruits, comme cela risque d'arriver en l'absence d'un programme de péréquation commerciale qui est mérité, qui a déjà été en place et qui devra être en place à l'avenir pour que nous survivions.

M. Joe McGuire: Ce programme de péréquation commerciale serait-il équivalent à ce que vous attendez du versement à court terme?

M. Dwain Lingenfelter: Le programme de péréquation commerciale qui a été défini par les organisations agricoles porterait le revenu agricole net au niveau de la moyenne quinquennale.

M. Joe McGuire: Si le prochain budget prévoyait un versement, celui-ci devrait-il aller seulement aux agriculteurs dans le besoin ou à tous les agriculteurs?

M. Dwain Lingenfelter: Nous croyons savoir que, dans l'est du Canada, compte tenu de la façon dont fonctionnent là-bas les offices de commercialisation, tout le monde obtient la subvention. Peu importe que son revenu soit élevé ou faible, si l'on vend du beurre, par exemple, on reçoit une subvention de 56c. la livre de beurre. Si l'on vend du lait ou du fromage ou de la crème glacée, la subvention frappe au supermarché tout contenant de quatre litres de crème glacée que l'on vend. Personne ne vérifie si l'agriculteur qui a produit le lait a fait beaucoup d'argent ou a été obligé d'abandonner son exploitation agricole.

Les programmes destinés à nos agriculteurs ne devraient pas être différents. Ce programme ne devrait pas s'adresser à ceux qui perdent des tonnes d'argent, car on ne fait alors qu'étiqueter le bon agriculteur et que niveler au plus bas dénominateur commun.

Si les offices de commercialisation fonctionnent, c'est à mon avis parce qu'ils sont égaux. Ils ne cherchent pas à savoir si l'agriculteur a besoin d'agent ou non. Il s'agit seulement d'une subvention. Tel est le message que je vais transmettre à mes collègues. En Ontario, on parle de programmes d'aide et l'ACRA fonctionne parce qu'une autre couche énorme de subventions arrive directement au supermarché, ce que les agriculteurs de notre province ne peuvent pas avoir et n'ont pas.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.

Je remercie tous les témoins de comparaître ici aujourd'hui.

Monsieur le ministre Lingenfelter, je veux reprendre la discussion là où Joe l'a laissée. Hier, un haut fonctionnaire fédéral anonyme aurait dit qu'il serait maintenant hypocrite de la part du gouvernement fédéral de changer d'idée et d'offrir des subventions à nos agriculteurs dans la foulée de ce qui s'est produit à Seattle—que, après être allé prêcher à Seattle le retrait rapide de l'Europe et des États-Unis, cela serait aujourd'hui de l'hypocrisie. Il me semble que si cette argumentation a la moindre valeur, votre tâche sera difficile, cette semaine, à Toronto. Vous étiez à Seattle la semaine dernière. Comment voyez-vous la bataille que vous avez à livrer ici?

M. Dwain Lingenfelter: Tel est le dilemme que nous avons depuis un an que nous demandons au gouvernement fédéral de défendre les agriculteurs de la Saskatchewan. Dans la guerre commerciale internationale qui se livre à l'heure actuelle dans le secteur du grain, l'Europe a adopté comme politique commerciale de fortement subventionner ses céréaliculteurs à raison de 56c. par dollar. À cela, les Américains répondent qu'ils sont à la table et qu'ils n'est aucunement question pour eux de ne plus soutenir leurs agriculteurs.

En fait, dans cette série de négociations commerciales, le gouvernement Clinton a décidé de hausser la barre et d'investir 8 autres milliards de dollars dans l'agriculture. Lorsque je me suis entretenu avec les législateurs, à Seattle, ils m'ont dit que l'argent avait été entre les mains des agriculteurs dans les 30 jours. Les 8 milliards de dollars annoncés avaient été entre les mains des agriculteurs dans les 30 jours. Dans le cas des 900 millions de dollars—non du milliard—du programme ACRA du gouvernement canadien, un tiers a été versé au bout d'un an.

Est-ce une bonne politique que la nôtre qui consiste à laisser tomber nos agriculteurs et à dire que nous ne pouvons rien faire pour eux? Ou les Européens et les Américains ont-ils raison d'appuyer leurs agriculteurs à tout prix? J'estime que la politique commerciale du gouvernement fédéral... Ce que nous demandons ici aujourd'hui à nos gens et aux membres du comité, c'est de comprendre qu'une position de faiblesse dans les négociations commerciales—et la diminution des subventions a beaucoup affaibli notre position—est absolument mauvaise lorsqu'il s'agit de réduire les subventions à la longue. Nous menons une offensive, mais nous le faisons seuls, et nos agriculteurs servent de chair à canon dans la guerre internationale en cours.

M. Dick Proctor: Bravo!

M. Wells veut juste ajouter quelques mots à cela.

M. Stewart Wells: Oui, merci.

Je répondrais à ce haut fonctionnaire anonyme que ce qui est vraiment hypocrite, c'est que le gouvernement fédéral parle du problème ici, en Saskatchewan et dans l'Ouest, mais ne fait rien pour le régler. Et, dans la même veine, il est hypocrite de la part du gouvernement d'essayer de prétendre que nous améliorerons la situation en échangeant tous nos programmes, ou quoi que ce soit d'autre qui est exigé par l'OMC, contre l'accès au marché, alors que rien ne prouve que ce sera le cas. Je vous renvoie au graphique.

• 0920

M. Dick Proctor: J'ai une autre question à poser au ministre. Dans votre réponse à M. McGuire, vous avez fait savoir que vous recherchiez trois choses, dont une version améliorée du CSRN et un régime amélioré d'assurance-récolte. Pouvez-vous nous dire en quoi consisteraient ces programmes?

M. Dwain Lingenfelter: Tout d'abord, des améliorations au CSRN et à l'assurance-récolte fonctionneront seulement s'il y a un programme de péréquation commerciale. Les autres programmes sont soutenus par l'agriculteur, au moyen de cotisations ou de contributions. Il est absolument impossible que le producteur arrive à contribuer suffisamment aux programmes pour compenser les 30 p. 100 représentés par les subventions fédérales qui ont été supprimées.

Si l'on obtient un paiement de péréquation qui règle le problème des subventions à l'exportation, des versions améliorées du CSRN et de l'assurance-récolte fonctionneront alors très bien. Mais il est absurde de croire que le céréaliculteur peut verser une cotisation suffisante pour combler cet écart de 30 p. 100, car c'est demander à quelqu'un qui est en train de perdre tout son sang de se donner lui-même une transfusion. Cela ne fonctionne tout simplement pas.

Il faut l'égalité des chances avec les États-Unis et l'Europe pour ce qui est des prix, et puis les programmes d'aide aux sinistrés pour assurer la différence en cas d'inondation ou de sécheresse. Mais, sans cette compensation de 30 p. 100, on aura beau jongler longtemps avec des formules et y penser aussi longtemps qu'on voudra, aucun programme ne pourra fonctionner si ces subventions ne sont pas rétablies de façon très réaliste.

Le président: Vous avez une minute si vous le désirez.

M. Dick Proctor: Non.

Le président: D'accord. La parole est à M. Borotsik.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président.

À l'instar de mes collègues, je souhaite la bienvenue ici à toutes les personnes de la Saskatchewan. Nous avons eu de magnifiques audiences et j'ai entendu des histoires pas aussi magnifiques. Nous vous remercions d'être venus ce matin.

Je vais poser d'abord une question à Gayle, car je sais que si je m'adresse d'abord à Dwain, je n'arriverai jamais à poser la question à Gayle.

Gayle, vos rapports avec l'ACRA vous ont causé beaucoup de frustrations jusqu'à maintenant. Avez-vous l'impression que les vérificateurs ou les administrateurs de l'ACRA essaient de trouver le moyen de ne pas distribuer d'argent aux agriculteurs?

Mme Gayle Knutson: Oui, c'est exactement ce que j'ai dit quand on a commencé à nous poser toutes ces questions additionnelles. J'ai dit ceci au représentant: «Vous essayez seulement de trouver le moyen de ne pas verser ces 16 000 $», ce à quoi il a répondu ceci: «Vous savez, je ne fais que mon travail.» Mais c'est nettement l'impression que l'on a eu.

M. Rick Borotsik: Est-ce aussi l'impression qu'ont eue vos voisins et d'autres agriculteurs et amis qui ont présenté une demande dans le cadre de l'ACRA? La même chose se répète-t-elle?

Mme Gayle Knutson: Oui. On veut seulement épargner de l'agent. On veut pouvoir dire au bout de deux ans qu'il reste telle ou telle somme que le gouvernement peut remettre dans le Trésor et que les provinces n'ont pas vraiment besoin d'aide. C'est le genre d'impression que nous avons.

M. Rick Borotsik: Cela m'amène à poser tout de suite l'autre question. Chaque fois qu'on signale à la Chambre qu'il y a là-bas un problème vraiment grave, on nous renvoie à deux choses. On nous dit d'abord que le CSRN contient beaucoup d'argent qui n'a pas encore été retiré—qu'il y a 2 milliards de dollars dans le CSRN. On nous dit ensuite que les agriculteurs ne sont pas nombreux à présenter une demande dans le cadre de l'ACRA et que cela veut manifestement dire qu'il n'y a pas de problème là-bas. Auriez-vous l'obligeance de répondre à cela?

M. Gayle Knutson: Cela m'aide beaucoup d'avoir travaillé pour le gouvernement provincial lorsque vient le temps de se retrouver dans le dédale bureaucratique de la présentation d'une demande. Si cela avait été seulement de mon mari, il n'aurait pas rempli la demande. Il aurait tout simplement abandonné la partie. Je connais aussi d'autres agriculteurs qu'un seul coup d'oeil aux formulaires a suffit à décourager. Ils ont dit que cela ne valait pas la peine de les remplir, qu'ils ne savaient pas comment le faire ou quelque chose du genre.

M. Rick Borotsik: Mais cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas besoin d'argent.

Mme Gayle Knutson: Et comment qu'ils ont besoin d'argent. Ils en ont certes besoin. C'est seulement le dédale...

M. Rick Borotsik: À propos, j'ai eu affaire à des douzaines de vérificateurs de l'ACRA, et cela nous arrive aussi. Cela n'arrive pas qu'à vous; ils ne vous traitent pas injustement.

Mme Gayle Knutson: Non, non.

M. Rick Borotsik: Monsieur Lingenfelter, nous avons eu l'occasion, la semaine dernière, d'aller à Seattle pour la conférence avec l'Union européenne. Vous étiez là lorsque nous avons traité avec les parlementaires européens, et je voudrais avoir votre impression sur leur volonté de supprimer les subventions ou les systèmes de soutien de leurs agriculteurs. Nous nous sommes entretenus personnellement avec eux. Quelle impression avez-vous eue? Nous avons eu l'impression du sénateur Gustafson, qui s'est entretenu avec les Européens en Europe. Quel a été votre sentiment lorsque vous vous êtes entretenu avec eux au sujet de leurs subventions?

M. Dwain Lingenfelter: J'ai le sentiment qu'ils n'ont aucunement l'intention, à cours ou à moyen terme, de réduire les subventions. C'est pourquoi nous avons demandé hier à la Chambre et aujourd'hui au comité de ne surtout pas attendre la réduction des subventions en Europe pour sauver nos agriculteurs.

M. Rick Borotsik: Je crois que vous étiez présent à la séance de breffage du ministre Vanclief à Seattle. Un avant-projet d'accord ou de proposition a été présenté et a suscité deux observations. La première visait la suppression des subventions à l'exportation et l'autre, la réduction des subventions nationales. Les Européens ont appuyé cet avant-projet d'accord.

• 0925

Je ne sais pas si vous étiez présent à la séance, mais ce que je retiens de ce qu'a dit M. Vanclief, c'est que... Je lui ai posé la question suivante: si nous acceptons cela, est-ce à dire qu'on ne pourra plus appuyer les agriculteurs canadiens? Cela ressemble à la question qu'a posée Dick, lorsqu'il a parlé d'hypocrisie. Je me rappelle que la réponse a été non, que si l'on acceptait un avant-projet de premier accord permanent de ce genre, le gouvernement fédéral serai toujours disposé à envisager de verser des subventions pour appuyer les agriculteurs canadiens. Est-ce bien ce qu'il a dit ou est-ce que j'ai rêvé?

M. Dwain Lingenfelter: Je crois avoir entendu cela aussi, mais je tiens seulement à dire que, même si l'on avait établi un programme en vue de supprimer les subventions à l'exportation, le dernier avant-projet ne comportait pas le mot «suppression». La formulation avait déjà été atténuée, mais les négociations ont évidemment échoué et il n'y avait plus de programme au bout du compte.

M. Rick Borotsik: Mais ce que je veux faire valoir, c'est que ce bureaucrate dit que nous serions hypocrites d'accorder maintenant une aide, puisque nous sommes contre. J'ai entendu le ministre dire que ce n'était pas le cas—et je voulais seulement qu'on me le confirme. Il y aurait toujours place pour des systèmes de soutien.

M. Dwain Lingenfelter: C'est exact, je crois, mais le plus important, c'est ce qu'on a dit tout à l'heure, à savoir que le premier ministre et le ministre des Finances doivent s'occuper de cette question.

M. Rick Borotsik: C'est ma dernière question, monsieur le président.

Je dispose de 30 seconds; merci; vous m'amenez justement à la prochaine question.

J'ai lu hier dans le journal que les priorités du gouvernement libéral dans le prochain budget seront les routes et les impôts. Pouvez-vous me dire pourquoi l'agriculture n'en fait pas partie? Pourquoi n'est-elle pas une priorité?

M. Dwain Lingenfelter: Je veux être sûr que vous accordez ici le bénéfice du doute au gouvernement fédéral. J'ai le sentiment que, lorsque le Comité des finances fera rapport et que le Comité de l'agriculture fera rapport, lorsqu'on pourra s'entretenir avec ces ministres et que le budget sera présenté, il y aura de l'argent fédéral pour nous.

Je suis peut-être optimiste et peut-être même naïf, mais je crois que nous aurons au bout du compte les versements dont nous avons besoin pour effectuer différentes transactions commerciales.

Une voix: Bravo!

Le président: M. Calder a une très brève question à poser.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le ministre, en tant que producteur avicole de l'Ontario, je me ferais un plaisir de vous envoyer de l'information pour vous aider à corriger des idées fausses que vous avez au sujet de la gestion de l'approvisionnement.

Nous entendons sans cesse parler du programme RARB, qui est un régime d'assurance-revenu. Il a été supprimé ici. Nous l'avons encore en Ontario, et les agriculteurs de l'Ontario disposent d'un coussin de quelque 350 millions de dollars sur lequel se rabattre. Votre gouvernement envisagerait-il de rétablir le programme RARB?

M. Dwain Lingenfelter: Je répète que, pour ce qui est du programme de péréquation des exportations, nous sommes tout disposés à appuyer le CSRN et l'assurance-récolte en en partageant le coût avec le gouvernement fédéral. Mais il est pour le moins naïf de croire qu'un million d'agriculteurs de la Saskatchewan vont financer à 40 p. 100 un programme de péréquation commerciale qui est financé dans tous les autres pays du monde par le gouvernement national. Nous n'avons aucunement l'intention de jouer le rôle du gouvernement fédéral, qui a retiré 650 millions de dollars à notre province avec la subvention du Nid-de-Corbeau, le système de double prix du blé, et d'autres choses. Or, si vous dites qu'un programme RARB peut compenser la différence de péréquation commerciale, je vous répondrai que nous ne sommes pas intéressés.

Des voix: Bravo!

Le président: Je tiens à remercier les témoins. Je souhaiterais vraiment que nous ayons davantage de temps à vous accorder, mais nous avons beaucoup d'autres témoins à entendre.

• 0930

J'appelle à la barre Avery Sahi, Denis Martine, Lorne Sheppard et Dennis Thompson.

Bienvenue à tous. Nous allons procéder dans l'ordre alphabétique, ce qui veut dire que nous allons commencer par Denis Martine.

Vous comprendrez que vous devez limiter vos exposés officiels à cinq ou sept minutes tout au plus si possible afin qu'il reste du temps pour les questions. Je vous rappelle que peu après que M. Martine aura commencé à parler, je devrai m'absenter pendant 15 minutes pour remplir un engagement; je demanderai à M. Calder d'assurer alors la présidence.

Bienvenue et allez-y, monsieur Martine.

M. Denis Martine (témoignage à titre personnel): Merci.

Bienvenue, honorables membres du Comité permanent de l'agriculture. Je m'appelle Denis Martine. Mon épouse, Huguette, et moi-même cultivons 3 300 acres de terre près de Redvers, en Saskatchewan. Nous produisons des céréales, des oléagineux, et des pois de grande culture, et nous avons diversifié notre production dans des cultures spéciales telles que la coriandre, le carvi et les pois chiches.

Comme vous ne l'ignorez plus désormais, la crise agricole est telle à l'heure actuelle que la province de la Saskatchewan risque de perdre 40 p. 100 de ses exploitations agricoles familiales d'ici au printemps 2000, dont la nôtre. En 1997, on nous avait dit que les revenus chuteraient de 60 p. 100, et ils ont encore chuté de 90 p. 100 en 1999. Les problèmes de notre propre exploitation agricole se sont aggravés au printemps de 1998, peu après les semailles. Il a commencé à pleuvoir à la mi-juin et il a plu sans discontinuer jusqu'à la fin de juillet. Trente-trois p. 100 de nos terres cultivées ont été inondées, ce qui a provoqué des maladies et des problèmes de larves d'insecte dans nos céréales et nos oléagineux.

En novembre 1998, le ministre fédéral de l'Agriculture, M. Vanclief, a annoncé qu'un programme d'aide aux sinistrés appelé ACRA était établi pour venir en aide aux céréaliculteurs qui accusaient des pertes par suite de catastrophes et du faible cours des produits. M. Vanclief avait aussi dit que nous aurions l'argent en mains dès le printemps 1999.

Après avoir fait plusieurs appels téléphoniques pour avoir les formulaires de l'ACRA, nous les avons finalement reçus en juin. Notre courage et nos espoirs avaient alors grandement diminué, car le cours du grain atteignaient alors un minimum record. Pour empirer les choses, la pluie n'a cessé de tomber du début de mai au 16 juin, date où elle a finalement diminué suffisamment pour que nous préparions la terre en prévision des semailles. Nous n'avons pu ensemencer que 38 p. 100 des acres prévus. Mon père, qui a aujourd'hui 69 ans, n'avait jamais vu une inondation pareille dans toute sa carrière d'agriculteur. Pour mon épouse et moi-même, ces deux mois ont été les plus décourageants que nous ayons eus en 23 ans d'agriculture.

Après bien des demandes et des visites de représentants du programme d'aide et des ministres Vanclief et Upshall, nous avons finalement appris qu'on verserait 50 $ l'acre pour les acres non ensemencés en Saskatchewan et au Manitoba. Ce ne sont que des semaines plus tard que nous avons vu que le montant versé par l'assurance-récolte et le gouvernement fédéral serait bien inférieur à 50 $, compte tenu des déductions prévues par l'assurance-récolte. Cela a été le cas de la plupart des agriculteurs touchés par l'inondation.

Comme nous avions près de 2 000 acres à nettoyer pour la jachère, il nous a fallu attendre des semaines avant de pouvoir vaporiser les mauvaises herbes. Ces acres que nous avions travaillés allaient poser de graves problèmes. À cause de semailles tardives, nos cultures et celles de beaucoup d'autres ont gelé au début de septembre, ce qui a diminué considérablement les décotes, les rendements et la qualité, et le séchage de nos cultures a coûté beaucoup plus cher que d'habitude.

Après que nous eûmes rempli les formulaires de l'ACRA avec l'aide de notre comptable, il est apparu que nous aurions droit à 3 $ l'acre environ, ce qui était loin de couvrir nos pertes pour 1998. Ces formulaires devaient être approuvés, traités et révisés avant qu'une réponse définitive ne vienne du bureau de l'ACRA à Winnipeg, ce qui pouvait prendre jusqu'à six semaines au moins.

• 0935

Les pertes que mon épouse et moi-même avons subies dans notre exploitation agricole, ces deux dernières années, nous ont presque acculés à la faillite; nous sommes très en retard dans le paiement de nos factures et dans le remboursement de nos emprunts. Nous avons perdu plus de 100 000 $ au cours des deux dernières années.

Je sais que c'est difficile à comprendre, mais il suffit de comparer le revenu et les dépenses pour 1975, lorsque mon père était un agriculteur de 45 ans, avec ceux pour 1999, lorsque j'ai moi-même 45 ans, pour comprendre où est le problème. En 1975, mon père touchait 4 $ le boisseau de blé de première qualité. En 1999, pour le même boisseau de blé, je recevrai 2,08 $. En 1975 mon père touchait 2,80 $ le boisseau d'orge. En 1999, pour le même boisseau d'orge, je recevrai 1,46 $. En 1979, un litre de carburant agricole coûtait 10,3c. Le même litre de carburant coûte aujourd'hui 40,8c. En 1975, les taxes municipales et scolaires étaient de 232 $ le quart de section. En 1999, elles sont de 709 $ pour le même quart de section. En 1975, les engrais et les produits chimiques coûtaient 9,20 $ l'acre. En 1999, ils coûtent 32 $, dont 47 p. 100 de taxes cachées. En 1975, les frais de transport et d'élévateur étaient de 19,5c., soit 4,89 $ l'acre. En 1999, ils sont de 24,75 $. En 1975, le revenu d'une récolte moyenne de 25 boisseaux l'acre en Saskatchewan était de 100 $, à raison de 4 $ le boisseau. Une fois les dépenses déduites, mon père faisait un profit avant hypothèque de 73,34 $. En 1999, 25 boisseaux à l'acre à 2,08 $ le boisseau m'assurent un revenu de 52 $. Une fois les dépenses déduites, je suis 52,29 $ dans le trou avant hypothèque.

Il n'est pas étonnant que les actuels filets de sécurité agricole que sont l'ACRA, le CSRN et l'assurance-récolte n'arrivent pas à couvrir les pertes causées aujourd'hui par des catastrophes et le faible cours des produits.

En novembre 1999, j'ai appelé le service de consultation, à Regina, pour qu'on nous aide à résoudre nos problèmes avec le crédit agricole et d'autres créanciers.

Je supplie enfin le gouvernement fédéral d'établir des programmes prévoyant que l'on verse bientôt des stimulants aux agriculteurs et des paiements comptants dans l'immédiat. Nous, les agriculteurs canadiens, ne pouvons pas concurrencer les énormes subventions qui sont versées aux agriculteurs européens et américains par leur gouvernement.

Je vous remercie de votre patience et d'avoir pris le temps d'écouter l'expression de nos préoccupations et de nos besoins. Nous sommes le 8 décembre et nous n'avons toujours pas entendu parler de notre demande d'aide dans le cadre de l'ACRA. Merci.

Le vice-président (M. Murray Calder): Merci beaucoup, monsieur Martine.

Monsieur Sahl.

M. Avery Sahl (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à m'excuser de ne pas avoir de rapport écrit à présenter. Je reviens tout juste des funérailles de mon frère, et mon intervention sera simplement verbale.

En me regardant, vous penserez probablement que je suis un peu trop vieux pour prendre la parole au nom des agriculteurs, mais je puis vous assurer que je passe autant de temps que n'importe quel agriculteur de la province sur les tracteurs et les moissonneuses-batteuses.

Je veux aussi vous dire que les parts que je détiens dans la ferme où vit mon fils ne m'ont rien rapporté depuis environ trois ans. Je peux vous dire pourquoi. C'est assez facile à comprendre. Il a deux garçons à l'université et un qui fréquente une école secondaire spéciale qui correspond mieux à ses intérêts. Il y a environ trois, comme d'autres agriculteurs, nous avons acheté des terres pour répartir nos coûts d'immobilisations sur une plus grande surface. Il faut donc faire les paiements sur ces terres et tous les autres paiements. Je sais de quoi je parle.

• 0940

En outre, messieurs, j'ai été vice-président de la Saskatchewan Wheat Pool pendant un certain nombre d'années. J'ai aussi siégé au Comité consultatif de la Commission canadienne du blé et j'ai fini par en devenir président. Ce sont les agriculteurs du sud de la Saskatchewan qui m'ont élu à ces postes. Ces deux organismes ont compétence sur une bonne partie du sud de la Saskatchewan. Au cours de cette période, j'ai connu beaucoup d'agriculteurs, et je me suis fait connaître dans ce milieu, si bien que beaucoup d'agriculteurs communiquent encore avec moi.

Je peux vous faire part de certains commentaires qui m'ont été faits par téléphone ou par correspondance. L'un d'eux me demande: «Quel est l'avenir de l'industrie céréalière? J'aimerais que quelqu'un me le dise. Si elle n'en a pas, qu'on nous le dise afin que nous puissions passer à autre chose.» Un jeune, dont je sais qu'il était menuisier avant de revenir à la ferme pour aider sa mère devenue veuve à exploiter la ferme, dit ceci: «Je dois nourrir mes enfants.» Il est parti. Il travaille dans la région du pétrole ou quelque part comme ça. C'était un sacré bon agriculteur quand je l'ai connu, un agriculteur comme il ne s'en fait plus.

Il y avait trois jeunes dans ma localité qui sont partis dès que les moissonneuses-batteuses se sont tues. Ils faisaient partie de l'équipe de hockey, et ils étaient très intégrés à la communauté. Je ne sais pas s'ils reviendront après avoir goûté aux gros salaires des autres provinces.

J'ai commencé à travailler dans l'industrie céréalière il y a bon nombre d'années. J'ai toujours entendu des représentants du gouvernement dire que l'industrie céréalière était la plus grande source de devises étrangères de notre pays. Je soupçonne que ce doit être un peu moins vrai, mais je pense que c'est encore une très bonne source de devises étrangères.

Je veux seulement vous communiquer quelques chiffres que j'ai obtenus du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada en 1997. Je suis toujours de près ce qui se passe dans l'industrie céréalière et l'agriculture. Je vous en cite quelques-uns seulement. La production de céréales et d'oléagineux a doublé depuis 1950. C'est un bon indice que les agriculteurs sont productifs. Le Canada exporte pour 22,3 milliards de dollars de produits alimentaires, la moitié en céréales et en oléagineux, pour environ 10 millions de dollars. Les exportations de céréales en vrac ont représenté 6,2 milliards de dollars. Les oléagineux en vrac s'élevaient à 1,9 milliard, et la moitié de cette production venait de la Saskatchewan. Nous avons déjà dépassé le chiffre de 20 milliards que le gouvernement prévoyait avoir atteint en l'an 2000 en matière d'exportations. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des exploitations agricoles du Canada sont des fermes familiales. Ce ne sont pas des entreprises agricoles, mais des fermes familiales. Ce sont les chiffres de Statistique Canada.

L'agriculture est la troisième source d'emplois en importance au Canada. Elle génère environ 91 milliards de dollars en service intérieur et services alimentaires. L'agriculture représente environ 30 p. 100 de l'excédent commercial total. Le nombre d'agriculteurs continue à diminuer, ce qui me donne à penser qu'ils sont productifs et qu'ils essaient de réagir à la baisse des prix des aliments, qui se poursuit depuis quelques années. Ils ont continué à diversifier leur production. C'est ce qu'on n'a cessé de nous répéter: il faut diversifier. Je peux vous dire que nous essayons, même dans le sud de la Saskatchewan, région sujette à la sécheresse et à toutes sortes de maux. Nous essayons de cultiver la navette, dont la récolte peut être désastreuse si un vent chaud souffle durant la saison de croissance. Il y a les pois et les haricots; il y en a même qui cultivent des fines herbes comme l'aneth. Il y a un peu de tout. Le problème, ce n'est pas que les agriculteurs n'essaient pas de diversifier, mais que la pression est toujours de plus en plus grande.

• 0945

Je vais maintenant consacrer le reste de mon intervention, si c'est possible, à la question du transport. Il y a un certain nombre d'années, j'ai pris part au groupe qu'on a qualifié de groupe de lobbyistes qui est allé à Ottawa plaider la cause du transport auprès de Transports Canada. À cette époque, le syndicat du blé... Nous n'y allions pas pour demander que l'on maintienne le tarif du Nid-de-Corbeau comme exigence minimale, nous y allions pour discuter... À cette époque, la Commission du blé avait des navires céréaliers en provenance de Chine qui attendaient, entre autres. Nous en étions venus à la conclusion que cet engorgement devait être réglé. Nous avons donc déclaré que nous étions prêts, moyennant quelques mesures, à payer un peu plus. Nous demandions qu'on donne aux chemins de fer un rendement décent pour leur investissement afin que nous puissions continuer le travail.

À l'époque, le ministre était Jean-Luc Pépin. Incidemment, le sous-ministre était M. Arthur Kroeger. Je me souviens très bien qu'on avait presque l'impression que M. Kroeger était propriétaire des chemins de fer. La même manière de penser et de se comporter se constatait dans l'ensemble du ministère des Transports. Donc, quand le dernier exercice a eu lieu, soit le rapport Estey, je me suis dit que c'était un coup monté. Avec tout le respect que je dois au juge Estey, qui ne savait rien de la commercialisation du grain et qui essayait de tenir des réunions dont le dénouement était convenu d'avance, je suis sûr, parce que j'ai assisté à ces réunions, que le rapport final avait été rédigé avant la fin des réunions.

J'ai assisté à une réunion et je n'ai jamais vu une telle mascarade de ma vie. La seule chose que le juge Estey ait dite, d'après ce que j'ai entendu, c'est qu'il fallait des routes. Dans la version finale du rapport Kroeger, on ne disait pas un mot de la possibilité d'investir dans les routes. Le rapport entier était conçu dans un contexte de concurrence. Je crois en la concurrence, mais j'ai vu les chemins de fer fonctionner pendant un bon bout de temps. Un haut fonctionnaire des chemins de fer que je rencontrais souvent dans mon bureau m'a demandé: «Que donnent les agriculteurs aux partis politiques?» J'ai répondu: «Écoutez, nous avons assez de difficulté à faire vivre nos fermes, qu'on nous laisse tranquilles avec les contributions aux partis politiques!»

Tout le rapport Estey se situait dans un contexte de concurrence. Tout le sud de la Saskatchewan est desservi par le CP, tandis que le nord est desservi par le CN. Je crois comprendre, dans le rapport Kroeger, que les sociétés ferroviaires ne voulaient même pas en parler. Je n'y étais pas, mais j'ai lu le rapport. Elles ne voulaient pas parler de concurrence du tout, ni de droits de passage ouverts, comme elles disaient. M. Kroeger n'en a donc même pas parlé dans son rapport final. La seule concurrence possible, pour elles, ce serait qu'une société distincte achète la voie ferrée et laisse... Je puis vous dire que je ne verrai jamais le jour où le CN fera rouler un train sur les voies du CP dans le sud de la Saskatchewan.

Le président: Monsieur Sahl, nous ne devons pas prendre de retard par rapport au programme. Votre temps de parole est presque écoulé.

M. Avery Sahl: Je suis désolé.

Le président: Merci.

Monsieur Sheppard.

• 0950

M. Lorne Sheppard (témoignage à titre personnel): Merci.

Bonjour, messieurs. J'ai compté sur votre sens de l'humour quand j'ai rédigé mon intervention. J'ai constaté que je serais doué en tant que politicien, parce que je n'ai pas réussi à dire quoi que ce soit en sept minutes.

En gardant cela à l'esprit, vous avez tous une copie de mon rapport écrit, et il y a certaines de ses parties que je n'aborderai pas, faute de temps. Si vous l'avez regardé, vous pouvez peut-être me poser des questions plus tard sur ces sections.

J'ai une exploitation agricole avec ma femme, Valerie, à Lucky Lake. Nous avons une ferme familiale constituée en personne morale qui a d'abord appartenu à mon grand-père en 1907. J'ai été membre de différents comités des United Grain Growers et du Saskatchewan Wheat Pool. J'ai fait deux mandats à titre de directeur de la Western Canadian Wheat Growers, de 1987 à 1991. Je n'irai pas par quatre chemins. Je vais discuter le cas des gouvernements fédéral et provinciaux, des chemins de fer et des sociétés céréalières. Je vais commencer par les politiques du gouvernement fédéral.

Nous avons connu les années Mulroney et Devine, et nous avons été incapables de régler le problème du tarif du Nid-de-Corbeau en raison de la grande résistance de la Saskatchewan Wheat Pool et du syndicat national des cultivateurs. Une fois les Libéraux au pouvoir, nous avons assisté à une érosion constante de la valeur du tarif du Nid-de-Corbeau. Tout s'est finalement terminé par un paiement unique sans pratiquement aucun plan d'avenir. Tant pis pour la postérité.

Comme vous pouvez le constater, dans notre économie agricole d'aujourd'hui, on ne peut pas tirer tellement de revenus des activités agricoles si l'on n'a pas de plan de rechange bien établi. À l'époque où je siégeais au conseil, les Western Canadian Wheat Growers avaient une proposition très réaliste pour le maintien du Nid-de-Corbeau, mais elle n'a pas été acceptée.

L'absence d'un programme national de développement du réseau routier est une autre grave lacune. Les soins de santé sont un autre domaine qui a souffert du fait que le gouvernement fédéral se décharge d'une proportion grandissante de ses coûts sur les provinces. Les agriculteurs attendent du fédéral qu'il assure une certaine équité entre tous les citoyens, qu'il soit juste envers tous. La Loi sur les transports au Canada, qui a maintenant cinq ou six ans, semble avoir été écrite par et pour les sociétés ferroviaires, toute référence au bien public en ayant été supprimée.

Notre programme agricole semble subsister d'une crise à l'autre. L'ACRA est la dernière offrande. La Saskatchewan y faisait opposition depuis le début, et pour de bonnes raisons. C'est un programme compliqué, embrouillé et embourbé dans la bureaucratie. Comme M. Vanclief l'a admis, c'est un échec.

Le gouvernement fédéral s'est précipité pour éliminer les subventions aux agriculteurs de l'Ouest, il y a quelques années, à l'OMC, mais il a oublié de vérifier si l'Europe et les États-Unis faisaient la même chose. Or, ils ne l'ont pas fait, et nous payons cher cette négligence aujourd'hui. Il continue en laissant entendre que la Saskatchewan devrait apporter une contribution de 40 p. 100 aux programmes requis parce que la situation internationale est très difficile.

Le commerce international et les subventions sont de compétence fédérale, et nous méritons d'avoir une certaine protection. Le 24 novembre, lors d'une réunion du Comité des finances, un membre a laissé entendre que ce n'était pas tous les agriculteurs qui pouvaient être sauvés et qu'il faudrait qu'ils se recyclent. Ce sont des propos insultants, surtout si l'on pense aux outils économiques que vous nous donnez. N'avons-nous pas tiré de leçon de l'histoire des Maritimes? Ce n'est pas toujours mieux d'être plus gros.

En ce qui concerne le gouvernement provincial, la négligence des questions rurales deux mandats durant a prélevé un fort tribut chez les agriculteurs. Nos contrats en vertu du RARB ont été résiliés unilatéralement. Il n'y a pratiquement pas eu de routes construites, et même l'entretien des routes est devenu impossible en raison de l'accroissement constant du trafic routier pour le transport des céréales. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas abordé cette question il y a six ans, avant que le gouvernement fédéral, les chemins de fer et les sociétés céréalières commencent le transfert massif des coûts du réseau routier aux contribuables provinciaux, cela reste un mystère pour moi.

Je me demande où étaient nos ministres de l'Environnement fédéral et provincial. Nous avons signé à Kyoto un accord qui était irréalisable. Ensuite, nous avons poussé des dizaines de milliers de chargements de grain dans la rue, en préférant les camions aux trains. Dans ma région seulement, si jamais nous réussissons, en négociant avec le CN, à obtenir un chemin de fer sur une courte distance, nous pourrions éviter le transport routier de 17 000 chargements de céréales de la Commission canadienne du blé.

Le dernier truc du Saskatchewan Wheat Pool, ce sont les camions équipés d'un système central de gonflage des pneumatiques.

Enfin, je vais traiter des pressions exercées sur les agriculteurs par les chemins de fer et les sociétés céréalières. C'est le CN qui sert la ligne secondaire de ma région. Au fil des années, j'ai été témoin d'un très grand nombre d'opérations inefficaces. On a déboulonné un dispositif d'aiguillage, fermant ainsi une voie d'évitement, juste avant de charger un wagon de producteur. J'ai vu cela. Des wagons sont revenus de Vancouver et Thunder Bay soit pleins soit à moitié pleins, ou encore ils avaient besoin de réparations au retour. Des moteurs flanchent, ce qui fait que des wagons sont laissés à l'abandon durant des semaines.

En juillet dernier, à Lucky Lake, un wagon a déraillé parce qu'on n'avait pas vérifié comment étaient réglés les dispositifs d'aiguillage. Pour ceux qui essaient de charger des wagons de producteurs, c'est encore pire. Le train peut très bien ne pas se pointer du tout, les agriculteurs étant laissés pour compte avec leurs camions chargés. On peut envoyer les wagons au mauvais endroit—par exemple à la goulette de chargement du Saskatchewan Wheat Pool. Il arrive aussi qu'on n'envoie autant de wagons que ce qui avait été demandé.

J'ai personnellement transporté du grain par camion de ma ferme, à l'est de Lucky Lake, jusqu'à Beechy, pour revenir à Lucky Lake, pour essayer de trouver le wagon de producteur. Les sociétés ferroviaires n'ont pas vérifié les paraneige ou les remblais des emprises routières depuis 40 ou 50 ans. CN 19.01, mon train, a été choisi pour l'application de l'infâme plan d'hiver.

• 0955

En résumé, je crois que le CN et le CP ne devraient exploiter que leurs lignes principales, puisqu'ils ne sont pas capables d'offrir un niveau de service convenable sur leurs lignes secondaires. Les sociétés céréalières se sont lancées dans une frénésie de construction depuis un certain nombre d'années. Je prévois que, en fait, il auront trop construit dans certaines régions et, avec la diversification des récoltes et compte tenu du très bas prix du blé, de l'orge et du canola, il n'y aura pas assez de grain pour mettre à profit tous les silos d'expédition.

Il y a deux expressions que les agriculteurs ne sont plus capables d'entendre pour les avoir trop entendus au cours des dernières années, ce sont «l'efficacité» et «les intéressés de l'industrie». La question que je pose, c'est «efficacité pour qui?» Quant aux intéressés, les agriculteurs sont nettement majoritaires en tant qu'investisseurs dans le domaine de l'agriculture, dans l'ouest du Canada. Quand quelqu'un nous demandera-t-il ce que nous voulons et ce qui serait réellement efficace pour nos exploitations agricoles?

Jusqu'à maintenant, les silos d'expédition dépendent de l'argent versé par les chemins de fer et des rabais sur le transport pour la construction de voies de garage destinées à des trains de 50 à 100 wagons—ce qui permet ensuite d'imposer des primes au transport par camions—pour acquérir leur part de marché. Ajoutez à cela l'allocation actuelle de secteurs aux wagons, et ce n'est plus étonnant que même de gros silos sur des lignes secondaires ne soient plus concurrentiels. Notre train, le CN 19.01, est un train de chargement de huit heures, ce qui signifie qu'il arrive avant 8 heures et qu'il a terminé avant 17 heures. Autrement dit, en 24 heures, on peut faire mieux que n'importe quel silo d'expédition, mais il en faut deux par semaine pour traiter le volume de grain de notre localité, et nous n'en avons eu que deux pour toute la campagne agricole—autrement dit pour toute la récolte de cette année.

La Western Grain Elevator Association pourrait pratiquement fermer toute ligne secondaire en tout temps en permettant que les wagons se rendent aux silos d'expédition de leur secteur. Il faut examiner immédiatement cette question pour assurer l'honnêteté des modes de prestation, qui laisse actuellement à désirer. Les contribuables du Canada ont payé pour que les voies secondaires soient rétablies dans les années 70, et les silos à céréales ont tous été achetés par des intérêts privés ou agricoles, grâce au favoritisme pratiqué dans les milieux agricoles.

Pour qui se prennent-ils pour nous enlever nos biens sans jamais consulter les agriculteurs à savoir le type de système qu'ils aimeraient avoir? Les gouvernements des deux niveaux devront apprendre que les coopératives et les sociétés céréalières appartenant à des agriculteurs sont un mythe et qu'ils parlent surtout dans l'intérêt des actionnaires et non des agriculteurs. Agricore est peut-être une exception, parce que c'est encore une véritable coopérative.

J'ai trouvé déplorable de voir les sociétés céréalières aller à Ottawa demander de l'aide pour les agriculteurs alors que je sais ce qu'elles nous font dans les régions rurales de la Saskatchewan.

Je présente un aperçu de ma situation financière. En 1999, j'ai eu la plus grosse récolte de blé dur de ma vie, mais en raison de la congestion des silos et de l'absence de services ferroviaires due à la division des secteurs pour les wagons, j'ai été incapable d'en vendre un seul boisseau. Tous mes compartiments de stockage sont pleins. J'ai quatre camions pleins de grain et quelque 13 000 boisseaux qui attendent, empilés sur le sol. Bien sûr, ce grain risque d'être abîmé par les conditions du temps, les chevreuils et les coyotes. J'attends d'avoir la chance de le charger sur quatre wagons de producteur, mais ni moi ni les petites sociétés céréalières de cette ligne n'obtiendront un train tant que les sociétés plus importantes n'en demanderont pas. Les échéances pour toute ma machinerie et mes prêts sont en décembre et en juin. Je n'ai pas grand espoir de voir mes rentrées de fonds augmenter ce mois-ci.

En conclusion, je vous fais part de ma liste de souhaits. Premièrement, quand les ministres et les comités permanents viennent en Saskatchewan pour jauger la situation rurale, ils doivent faire un effort pour se déplacer en voiture en dehors des grands centres. En voyageant en avion ou en n'empruntant que les bonnes autoroutes, ils ne se font pas une idée juste de la grandeur de la province.

C'est ma suggestion à tous ceux qui viendront. Venez à Lucky Lake, et je vous amènerai visiter la région d'Eston-Eatonia. C'est deux heures et demie ou trois heures de voiture le long de nos meilleures terres agricoles. Bientôt, il n'y aura plus ni silos à céréales ni voies ferrées dans cette région si les grandes puissances parviennent à leurs fins. M. Collenette est-il jamais allé en Saskatchewan?

Que le CN et le CP se retirent de l'exploitation de toutes les lignes secondaires. Celles-ci devraient être offertes à des sociétés ferroviaires spécialisées dans les courtes distances, avec une valeur de récupération nette calculée sur la valeur courante avant l'injection de fonds fédéraux pour leur remise en état au milieu des années 70.

Les droits de circulation conjoints peuvent aussi encourager une certaine compétition. Il faudrait revenir immédiatement à une allocation des wagons en fonction de la circulation des trains. L'allocation des secteurs est en train de devenir la principale arme des sociétés céréalières contre les agriculteurs des régions rurales de la Saskatchewan, parce qu'elles veulent réaménager le réseau de cueillette des récoltes selon leur conception de l'efficacité.

L'alinéa 28k) de la Loi sur la Commission canadienne du blé doit être maintenu. C'est le dernier espoir des agriculteurs pour qu'ils obtiennent des wagons. J'aimerais qu'on s'en souvienne parce que, même aujourd'hui, je suis sûr qu'ils frappent à la porte du gouvernement fédéral pour faire supprimer cette disposition afin que la commission ne puisse pas nous attribuer de wagons du tout.

Le Canada a désespérément besoin d'un réseau routier national financé par les milliards de dollars de rentrées de fonds attribuables aux taxes sur l'essence.

• 1000

Mon cinquième souhait, c'est qu'il y ait une réduction immédiate des taux de fret dans le cas du grain, fondée sur les constations du CTA, comme M. Kroeger l'a réclamé cet été. L'argent investi dans les voies de garage et les primes payées pour les espaces excessifs ne devraient pas être considérés comme de l'argent qui a servi à aider les agriculteurs. Beechy et Lucky Lake, les localités à proximité de chez moi, peuvent toutes deux recevoir 50 wagons. Nous nous comptons chanceux quand nous voyons un train, alors inutile de rêver aux primes au transport.

Si rien ne change, que nous arrivera-t-il? On verra le niveau de désespoir monter chez les agriculteurs, à mesure que les échéances des paiements arriveront et qu'ils ne pourront pas les payer. Les manifestations raisonnables, genre barrages de routes et voyages de lobbyistes à Ottawa, risquent de devenir des barrages des lignes principales du CN et du CP ainsi que du vandalisme et de la violence à des degrés divers. Rien n'attirerait l'attention de Toronto et d'Ottawa plus rapidement que de voir leurs conteneurs pleins de stock attendu pour les fêtes retenus un certain temps dans les Prairies.

L'impression que la Confédération ne fonctionne pas pour l'ouest du Canada et que nous nous débrouillerions peut-être mieux entre nous, c'est-à-dire dans un regroupement des quatre provinces de l'Ouest et du Yukon, ou même en nous joignant aux États-Unis, croît rapidement. Ottawa devrait avoir honte qu'on en soit arrivé là, mais la façon qu'a eu le premier ministre de repousser le groupe qui s'était rendu à Ottawa pour faire pression a jeté de l'huile sur le feu. C'est M. Trudeau qui a dit: «Pourquoi vendrais-je votre blé?» Manifestement, nous n'apprenons pas vite.

Je vous remercie de votre attention. J'espère qu'il y aura des questions et plus de discussion.

Il y a un addenda au dos du document. C'est un justificatif de caisse pour un chargement de blé dur. En fait, c'est du blé que j'ai vendu cet automne, mais ce n'était pas la récolte de cette année. J'ai vendu 120 boisseaux de semences de blé du printemps dernier pour libérer un camion.

Mon mémoire présente aussi la facture de réparations récentes à un véhicule, soit 586 $ pour faire refaire complètement le devant d'un véhicule qui avait roulé 120 000 kilomètres sur les routes de la Saskatchewan.

On y voit aussi le trajet de notre train, le 19.01, et les villes qu'il traverse. Nous avons eu deux trains jusqu'à maintenant, pour expédier la récolte de cette année.

J'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de rappeler des propos de Rob Lobdell, dans le document intitulé «An Inside Look at the Kroeger Process». Rob Lobdell a une ferme dans la région d'Eston-Eatonia et il est président de la West Central Road and Rail. Je le connais personnellement, et je puis vous assurer que ses propos viennent du fond du coeur et que c'est la vérité.

J'ai aussi annexé un article de journal. Des représentants des sociétés ferroviaires étaient à Ottawa, le 4 novembre, pour réclamer des allégements fiscaux. C'est assez intéressant. Je vais simplement lire ce que le président avait dit, à ce moment-là, au sujet du camionnage:

    «Il serait souhaitable, aux plans social et économique, de transporter plus de produits par train et moins par camion», a-t-il expliqué. «Les gens des grands centres urbains sont de plus en plus victimes de la congestion sur les routes et de la pollution de l'air qui pourraient être évitées si l'on transportait plus de produits par train. Les gros camions peuvent non seulement causer de la congestion sur les routes et abîmer le pavé, ils produisent aussi près de six fois plus d'émissions de gaz à effet de serre et sont trois fois moins efficaces que les locomotives sur le plan de l'économie de carburant.»

Je suppose qu'il pense «Faites ce que je dis et non ce que je fais».

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Sheppard.

Je veux simplement rappeler à tous que nous sommes bien en retard et qu'il n'y aura donc pas beaucoup de temps alloué pour les questions. Je doute même qu'on puisse avoir une question de chaque parti là-dessus. C'est dommage, mais c'est ainsi.

Monsieur Thompson.

M. Dennis Thompson (témoignage à titre personnel): Je salue tous les députés. Je m'appelle Dennis Thompson. Ma femme et moi avons une exploitation agricole à quelque 75 milles au sud-est de Regina, dans le petit village de Creelman, en Saskatchewan.

Oui, c'est l'état de crise à ma ferme. Bientôt, je n'arriverai plus. Que Dieu me donne la force de continuer et le courage de savoir quand abandonner. On croirait entendre les propos d'introduction d'une assemblée de toxicomanes anonymes. L'agriculture, c'est une habitude à laquelle beaucoup de gens devront renoncer.

Je ne suis pas très bon orateur. J'espère qu'on ne s'attend pas à m'entendre parler comme le ministre fédéral de l'Agriculture. M. Vanclief dit souvent aux médias que les agriculteurs ont simplement besoin de trouver un autre emploi. Il devrait pourtant parler de façon plus éclairée que quiconque. Lui aussi, c'est un agriculteur qui a dû renoncer à son exploitation. Pourtant, c'est maintenant lui qui représente les agriculteurs. Quand nous aurons tous fait faillite et quitté la terre, nous n'aurons pas tous la chance de devenir ministres au sein du gouvernement fédéral.

Quand j'assiste à des assemblées publiques, j'entends toujours les mêmes histoires. Sans qu'ils y soient pour rien, les agriculteurs de l'Ouest sont dans une situation impossible. Nous sommes contraints de quitter la terre. Est-ce que tous ces agriculteurs sont de mauvais gestionnaires? Non. Nous sommes les meilleurs dans ce que nous faisons. Nous ne sommes tout simplement pas de taille face aux subventions américaines et européennes. Pourquoi est-ce si difficile à comprendre?

Les Américains et les Européens savent la valeur de leurs agriculteurs. Cela veut-il dire que le Canada n'a pas conscience de la valeur des siens? Ne valons-nous pas le soutien dont notre industrie agricole a besoin pour survivre? Nous demandons à Ottawa d'assurer notre avenir, mais personne ne semble nous entendre.

• 1005

Je ne vais pas utiliser mon intervention pour vous citer des statistiques. Statistique Canada a les chiffres en question, et le premier ministre utilise de toute façon des chiffres différents.

Je sais une chose. Si les denrées que nous cultivons sont vendues sous le coût de production, nous ne pourrons pas survivre. Ce n'est pas difficile à comprendre. Les gouvernements sont peut-être capables d'accumuler des déficits année après année, mais toute autre entreprise, y compris les fermes, ne peuvent tout simplement pas fonctionner de cette façon.

Vanclief dit que les agriculteurs de l'Ouest doivent être disposés à changer, à diversifier, mais on paie parfois le prix de la diversification. D'après ce qu'on voit des élevages d'autruches et d'émeus, ils ont beaucoup de problèmes. L'élan semble avoir attrapé la grippe asiatique. La laine d'alpaca s'accumule parce qu'elle ne se vend pas. Ce sont quelques-uns des changements qui devaient nous permettre de garder nos fermes familiales. La diversification dans l'industrie du bétail coûte aussi très cher. Il faut toute une nouvelle collection de matériel spécialisé. Il faut des granges, des entrepôts, des corrals. Il faut acheter des vaches pleines et espérer une bonne saison de mise bas. Et s'il y a trop de bétail sur le marché, on sait ce qui arrive aux prix.

L'industrie du porc est un autre type de diversification Nous avons beaucoup entendu parler des possibilités de bâtir d'énormes porcheries. Or, le prix du porc est tombé tellement bas que les agriculteurs enregistraient d'énormes pertes par animal ou revendaient leurs animaux parce qu'ils n'avaient plus les moyens de les nourrir.

Si l'on diversifie en cultivant plus d'oléagineux cette année, on découvrira encore une fois qu'on a fait le mauvais choix. L'an dernier, le prix du canola était d'environ 8,50 $ le boisseau; cette année, avec un peu de chance, on obtenait 5,50 $. L'an dernier, le lin valait quelque 8 $ le boisseau; cette année, il vaut moins de 5 $ le boisseau. À ma propre ferme, si l'on compare les prix de l'an dernier à ceux de cette année, j'ai perdu 32 000 $ avec ces deux seules récoltes.

Vanclief dit que les agriculteurs devraient fixer d'avance le prix de leurs récoltes. L'an dernier, le prix immobilisé était de 50c. de plus que ce qu'on obtient maintenant, alors pourquoi fixer les prix? On a naturellement tendance à croire qu'il est préférable d'attendre en espérant que le prix va monter, et non descendre.

Dans la plupart des industries, les prix montent chaque année en raison de l'inflation, mais j'obtiens maintenant moins pour un boisseau de blé qu'en 1979.

J'aimerais que les membres du comité fassent un peu de calcul avec moi sur ce point. Je n'irai pas vite. Personnellement, je loue la plus grande partie de mes terres. Au cours des dernières années, j'ai donné un tiers au propriétaire; un tiers est allé aux services de transport et d'ensilage et les autres dépenses ont représenté les deux tiers, pour un total de quatre tiers. Il faut que je sois efficace—ou serait-ce que je suis stupide? Il est peut-être temps que les citadins se rendent compte qu'eux aussi pourraient bientôt être victimes de ces calculs. Les citadins pourraient bientôt consacrer le tiers à leur maison, le tiers à leur auto et les deux tiers aux autres dépenses comme la nourriture.

Si la politique de l'alimentation bon marché disparaît en même temps que les fermes familiales, au lieu de consacrer 10 p. 100 à la nourriture, on pourrait bien y consacrer 50 p. 100 de notre budget.

Qu'est-ce qui aurait plus de bon sens, garder les petits agriculteurs dans leurs terres et leur permettre de produire des aliments avec efficience, ou payer des programmes sociaux ruineux afin que les masses puissent se payer à manger? C'est ce qui se produira si les fermes familiales sont avalées par de grandes sociétés.

Notre fils est en 12e année cette année. Il aimerait beaucoup devenir agriculteur, mais cela ne se produira jamais. La ferme familiale n'existera plus quand viendra le temps pour lui de prendre la relève.

Ottawa refuse de prévoir suffisamment à long terme pour assurer l'existence d'une future génération d'agriculteurs. Le gouvernement fédéral a abandonné la ferme familiale, et nous sommes en train de perdre notre industrie. Si les choses ne changent pas très bientôt, le gouvernement m'offrira-t-il un prix juste pour mes terres et ma machinerie? Mes voisins n'ont pas les moyens de m'acheter—ils sont dans la même situation que moi. C'est une industrie toute entière qui périclite, pas seulement deux ou trois agriculteurs. Je répète que c'est une industrie tout entière.

La meilleure solution, pour un agriculteur de 50 ans, est-elle de se recycler? Je ne le crois pas. On peut croire que le pays est solide et fort, mais pensons-y bien. Beaucoup de ses citoyens ont des idées de séparation, et pourquoi pas? Le premier ministre ne croit pas que nous sommes en crise, pas comme en Turquie. La poussière n'était même pas encore retombée quand M. Chrétien s'est rendu là-bas pour remettre son chèque, pendant qu'ici, en Saskatchewan, nous avons des agriculteurs qui meurent d'inquiétude. Où est notre chèque?

Nos grands-parents sont arrivés dans l'Ouest dans les années 1800. Ils ont bâti un Canada plus grand et plus fort. Je pense que nous devrions travailler ensemble, l'Est et l'Ouest, pour faire en sorte de garder le pays tel qu'il est. Ne pensez-vous pas comme moi?

J'espère que, aujourd'hui, les membres du comité entendront mon message. Je vous demande de faire comprendre notre combat à Ottawa et de prendre conscience qu'il y a véritablement une crise agricole. Nous sommes à bout de force. Aidez-nous, s'il vous plaît.

Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thompson, j'apprécie votre intervention.

Nous avons environ quatre minutes à accorder à chaque parti. Nous allons commencer avec M. Kerpan.

M. Allan Kerpan (Blackstrap, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous dire à tous les quatre que je vous félicite d'être venus nous dire cela ici aujourd'hui. Vous êtes le coeur et l'âme de la province et de son industrie. C'est honteux que nous ne puissions pas consacrer des jours et des semaines à cette question, ni avoir avec nous ici beaucoup plus de représentants qui sont en charge de ces programmes à Ottawa—par exemple le premier ministre et le ministre de l'Agriculture.

• 1010

J'ai une question pour M. Sheppard. Hier, à l'Assemblée législative, la Western Canadian Wheat Growers Association a parlé, avec d'autres, de la possibilité d'un programme d'assurance-revenu privé. Je connais personnellement cet organisme, et je suis agriculteur, mais pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce type de programmes?

M. Lorne Sheppard: Comme vous avez pu le voir dans mon mémoire, j'en ai été le directeur pour deux mandats, en 1987 et 1991. Honnêtement, nos chemins se sont écartés au cours des dernières années.

Vous savez, je pense qu'ils sont sincères pour ce qui est des questions d'efficacité et autres choses du genre, mais comme je le dis dans mon mémoire, efficacité pour qui? Ma première réponse, c'est que je veux survivre en tant qu'agriculteur, je veux que les fermes de mes voisins survivent et que ma collectivité survive. Donc, je suppose que vous pourriez dire que je ne suis pas vraiment au diapason avec les politiques récentes qu'ils proposent.

Le président: Merci, monsieur Kerpan.

Nous passons maintenant au côté du gouvernement, avec M. McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, d'être venus témoigner. À chaque arrêt depuis notre départ, qui remonte seulement à lundi, je comprends la difficulté que ce doit être de vous ouvrir le coeur, de raconter votre vie, de laver votre linge sale et de nous faire part de tellement de questions personnelles.

Il y a une crise, et peut-être plus qu'une crise—c'est une tragédie, qui ne touche pas seulement les agriculteurs, mais tout le Canada rural.

Voici ce que je voulais dire. Mon petit rôle à Ottawa, auprès du gouvernement, est celui de député de région rurale. Je surveille de près la situation. J'ai fait part de mes impression à notre gouvernement après les élections provinciales en Saskatchewan. C'est très manifeste là-bas qu'ils en ont beaucoup à apprendre, étant donné qu'il y a une coupure complète entre situation rurale et situation urbaine.

Nous avons eu un peu d'argent en vertu de l'ACRA. C'est la fin du monde de réussir à l'obtenir, mais il y a de l'argent en vertu de ce programme. Le ministre dit qu'il sera distribué d'ici Noël. La somme prévue pour 1999 est assez importante, même si elle n'est pas suffisante, mais nous devons la distribuer rapidement et efficacement. Avez-vous vu les formulaires de demande d'avance pour les paiements de 1999? Y seriez-vous plus ou moins admissible? J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez, monsieur Thompson.

M. Dennis Thompson: Oui, j'ai vu les formulaires. Le prix de mon lin est fixé à 6,52 $ ou à 6,56 $ le boisseau. Si je pouvais obtenir cela, je n'aurais pas besoin de l'ACRA. Je pourrais survivre une autre année.

Des voix: Bravo!

M. Larry McCormick: Non, je comprends que vous et d'autres agriculteurs nous ont dit que vous ne voulez pas de l'ACRA. Vous préféreriez que vos récoltes vous soient payées directement. Ce serait bien.

Monsieur Sheppard, je me demandais si vous... Vous savez, nous devons faire les changements pour dépenser l'argent que nous avons, et nous devons le faire très vite après la fin de l'année.

M. Lorne Sheppard: Je n'ai pas été jugé admissible à l'ACRA. C'est peut-être malheureux. J'ai fait la demande, j'ai accompli toutes les étapes—j'avais demandé à mon comptable de s'en occuper. J'ai reçu un compte de 275 $. En lui envoyant mon chèque, j'ai ajouté une note disant que quelque chose ne tourne pas rond s'il est le seul à se faire de l'argent avec l'ACRA. Il me dit que je pourrais y être admissible cette année, mais la fin de l'exercice pour la société que constitue ma ferme familiale arrive en juin. Je suis donc en train de préparer ma déclaration de revenus et de présenter une demande à l'ACRA.

C'est tout simplement la mauvaise manière de procéder. Je suppose que le plus surprenant, pour moi, au sujet de l'ACRA, c'est de voir à quel point un programme aussi complexe et lourd en procédure administrative peut être mis au point par les bureaucrates en aussi peu de temps.

Des voix: Bravo!

M. Larry McCormick: Je vous félicite de le dire. Nous devons reconnaître la vérité. Je pense que nous devons tous le faire. Nous avons pris trop de temps à le reconnaître.

M. Lorne Sheppard: Je partage le point de vue exprimé ce matin par M. Lingenfelter, selon lequel tous devraient recevoir des paiements. Les personnes qui touchent un revenu excédentaire paieront plus d'impôt. Nous savons tous que vous nous rattraperez un jour avec les impôts. Je ne me préoccuperais donc pas du fait que des versements soient faits à des gens qui ont de l'argent.

M. Larry McCormick: Le point de vue selon lequel les versements devraient être universels et non pas ciblés uniquement sur les personnes qui ont besoin d'argent à court terme fait-il l'unanimité, messieurs?

• 1015

M. Denis Martine: Il n'est pas facile pour moi de me prononcer. J'aurais répondu oui, probablement, avant le printemps. Nous avons connu deux catastrophe. Je sais que d'autres régions de la Saskatchewan ont connu des périodes de sécheresse. D'autres agriculteurs sont à mon avis aux prises avec les mêmes difficultés et, à mon avis, tous les agriculteurs manquent d'argent. Si vous décidez d'étaler l'argent et de le verser à tous les agriculteurs selon une moyenne, j'espère que cette mesure ne se retournera pas contre nous ultérieurement.

Le président: Que voulez-vous dire, Denis?

M. Denis Martine: Je me pose la question suivante. Compte tenu de l'argent que les provinces étaient sensées affecter à l'ACRA de concert avec le gouvernement fédéral, et si ce dernier décide de faire des paiements à tous partout dans la province à l'aide du reste de l'argent en se fondant sur une superficie en acres, je me demande si cela ne va pas nuire dans le cas de l'argent que nous réclamons du gouvernement fédéral?

M. Larry McCormick: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

La parole est à M. Proctor.

M. Dick Proctor: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Sahl, vous reconnaissez vous-même que vous êtes depuis longtemps agriculteur. Vous vous rappelez peut-être même du groupe de travail sur l'agriculture qui a été constitué dans les années 70. D'autres personnes qui ont comparu devant le comité ont dit qu'il avait beaucoup influé sur les politiques en matière d'agriculture dans les années 70 et 80.

Une personne a également déclaré qu'à son avis les agriculteurs de l'Ouest en particulier ne savent pas où s'en va le gouvernement et qu'il est temps que celui-ci leur dise s'il veut qu'ils abandonnent l'agriculture. Le cas échéant, le gouvernement doit fournir des prestations de transition qui, comme M. Lingenfelter l'a dit ce matin, seraient offertes dans tout autre secteur touché par des changements. Je désire savoir si vous pensez qu'il est temps que le gouvernement fédéral signale clairement l'avenir qu'il réserve aux agriculteurs dans l'Ouest du Canada.

M. Avery Sahl: À mon avis, nous attendons depuis trop longtemps un signal, particulièrement chez les plus jeunes et même chez certains autres agriculteurs de mon âge. Bon nombre d'entre eux sont des gens plutôt fiers et peut-être ne sont-ils pas disposés à ouvrir leur coeur comme je l'ai fait et à dire ce qu'il en est du soutien et de l'appui pour leur famille dans les exploitations agricoles actuelles. Je crois qu'un signal quelconque se fait depuis trop longtemps attendre. C'est une honte nationale que l'on traite de la sorte un secteur dont l'apport correspond aux chiffres que j'ai cités.

M. Dick Proctor: Je vous remercie infiniment, monsieur Sahl.

Monsieur Sheppard, à la première page de votre document, vous dites que le gouvernement s'est empressé d'éliminer des subventions aux agriculteurs de l'Ouest à l'occasion des négociations de l'OMC mais a oublié d'aller voir si l'Europe et les États-Unis faisaient de même. À mon avis, il est important que toutes les personnes présentes comprennent ce qui s'est passé à l'occasion de l'Uruguay Round du GATT. Le Canada et tous les autres signataires de l'accord ont convenu de réduire leurs subventions de 20 p. 100 sur une période de cinq ans. Un seul pays, soit le nôtre, ne s'en n'est pas tenu aux mesures convenues et est allé de l'avant en adoptant des mesures comme l'élimination du tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau et en réduisant ses subventions de 60 p. 100. C'est trois fois plus que ce qu'exigeait de nous toute loi internationale.

Mike Gifford, négociateur commercial spécialisé en agriculture a comparu devant notre comité et devant celui de M. Gustafson. Il a déclaré que le Canada pourrait réinjecter demain 2 milliards de dollars dans les subventions intérieures à l'agriculture sans soulever quelque différend que ce soit à l'échelon international.

C'est donc le Canada qui est à part des autres. Je sais qu'il n'y a pas là de question, mais c'est une déclaration qui, à mon avis, doit être entendue et comprise par tous.

M. Lorne Sheppard: À mon avis, nous devrions être très directs avec les Américains. Peut-être ne sommes-nous pas en mesure de soutenir leur concurrence et n'avons-nous pas autant d'argent qu'eux, mais nous pourrions leur dire que nous savons que nous nous faisons rouler par eux depuis quatre ou cinq ans.

J'étais aussi agriculteur à l'époque et je me disais qu'une solution serait apportée à nos problèmes au cours des prochaines années. Nous avons été mis sur la sellette ici. Je faisais alors partie du conseil des producteurs de blé. Je ne prétends pas que nous aurions dû conserver à tout jamais le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau, car il porte atteinte au volet de la fabrication qui se rattache à la diversification du secteur des céréales dans l'Ouest du Canada, mais il nous aurait fallu un programme de retrait. Au moment où nous élaborions un vaste éventail de solutions possibles, la subvention diminuait. Toutefois, le tout s'est terminé presque du jour au lendemain sur présentation d'un chèque, et après plusieurs années de réduction...

• 1020

À mon avis, nous devrions confronter directement les Américains et les Européens et leur dire «Écoutez bien, nous en avons assez de toute cette m... Nous allons verser ici une subvention directe et, lorsque vous serez disposés à parler du respect des engagements que vous avez pris il y a quatre ou cinq ans, venez nous voir et nous nous assoirons de nouveau à la table de négociations.» Mais si nous sommes pour tergiverser et chercher à... Je suppose que la façon habituelle d'agir des Canadiens est d'être obligeants et de faire preuve de diplomatie, etc. Eh bien, cette méthode ne donne pas de résultats dans l'univers du libre-échange.

Le président: Je vous remercie.

La parole est à M. Borotsik.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie, monsieur le président. Je vais poser la question habituelle de M. Calder...

Une voix: ... au sujet des producteurs de poulet?

M. Rick Borotsik: ... et mentionner aussi qu'il est un producteur de poulet de l'Ontario.

Je vais ajouter cela Murray.

Au cours des deux derniers jours, nous avons entendu des commentaires concernant un montant réservé. Nous reconnaissons au départ qu'il existe une situation de surproduction dans le monde, principalement en raison des subventions versées sur les marchés européens et américains. Lorsque des subventions sont versées, l'offre et la production deviennent excédentaires.

Nous éprouvons un problème dans la mesure où nous n'avons pas versé des subventions au même rythme que les Américains ou les Européens. Existe-t-il une possibilité d'établir une réserve compensée, et non simplement une réserve et une réduction de production dans notre cas, mais bien une réserve compensée? Je crois que le pourcentage dont il a été question se situait aux environs de 20 p. 100. J'aimerais prendre connaissance de vos commentaires au sujet de la possibilité de laisser tomber les oeillères et d'envisager l'adoption d'une mesure semblable qui va au-delà du simple régime de subvention.

M. Avery Sahl: Il existe une perception voulant qu'il y ait beaucoup de céréales et un surapprovisionnement dans le monde. Je ne crois tout simplement pas que ce soit le cas, car j'ai été agriculteur pendant assez longtemps pour savoir ce que peut entraîner un simplet petit éternuement dans un pays producteur de céréales... Vous avez déjà été témoins de ce phénomène. Rappelez-vous ce qui s'est produit en Australie et ce qui en a résulté. Il y a eu les États-Unis qui ont connu des inondations dans les plaines du Nord et la flétrissure bactérienne, ce qui a presque entraîné une pénurie à l'échelle mondiale. On réclamait de la nourriture à grands cris. Je ne suis donc pas convaincu de l'existence du vaste excédent mondial dont tout le monde parle. J'ai eu l'occasion de parler à un chercheur de la Northrup King, et il partage mon point de vue. Selon lui, c'est une perception qui est fausse.

M. Rick Borotsik: Quelqu'un veut-il faire d'autres commentaires?

M. Lorne Sheppard: Je ne m'opposerais pas à ce que l'on mette de l'argent de côté. En réalité, j'aimerais mettre de côté toute mon exploitation agricole pendant un an.

Des voix: Oh, oh!

M. Lorne Sheppard: Cela me semble un soulagement opportun.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie.

J'ai une question pour vous Dennis. Votre région est aux prises avec une humidité excessive. Je crois que vous avez souligné qu'un tiers de votre exploitation agricole est affecté par ce problème. Je viens d'une région où nous avons perdu 1,1 million d'acres. Vous avez obtenu 50 $ l'acre non ensemencé de la part de la province de la Saskatchewan, soit le même montant que nous avons reçu au Manitoba. Toutefois, vous avez également dit qu'après les retenues, ce montant n'était plus vraiment de 50 $. Pouvez-vous me donner des précisions à ce sujet et me dire exactement ce que vous avez pu faire avec les 50 $ l'acre. Pouvez-aussi me dire combien il vous en coûte pour entretenir les terres affectées par l'humidité excessive?

M. Denis Martine: En 1998, nous avons perdu un tiers de nos superficies ensemencées à cause des inondations. Nous avons perdu l'argent que nous y avions consacré.

En 1999, nous n'avons pu ensemencer qu'un tiers de nos terres. Nous étions censés toucher un paiement pour les deux tiers de la superficie que nous n'avions pas ensemencée. Dans ce dernier cas, un montant de 25 $ a été versé par le Bureau de l'assurance-récolte de la Saskatchewan, qui en assurait la gestion, auquel sont venus s'ajouter les 25 $ l'acre du gouvernement fédéral, soit le même montant qu'au Manitoba.

On a bien sûr retenu de ce montant les cotisations à l'assurance-récolte, et aussi effectué une défalcation de 5 p. 100 sur l'assurance-récolte de 25 $ l'acre et aussi de 5 p. 100 sur la contribution fédérale. Ils ont soustrait toute superficie en jachère qui faisait partie de la moyenne des cinq dernières années ainsi que toute superficie non assurée.

• 1025

À mon avis, ce n'était pas équitable, car toute personne qui avait eu à diversifier ses activités et qui avait été convaincue d'aller dans ce sens ou qui s'était fait dire que la diversification constituait la voie à suivre comptait bon nombre de cultures non assurées. Pour ce qui est des superficies qui n'étaient pas assurées dans le passé et qui comprenaient des cultures comme celles de la coriandre, du cumin des prés, des pois chiches ou des fèves, je ne sais pas ce qu'il en est.

M. Rick Borotsik: Pouvez-vous dire approximativement quel montant vous avez reçu à l'acre?

M. Denis Martine: J'ai reçu 40 $ l'acre. Toutefois, pour ce qui est de mon voisin et de bon nombre d'autres gens—je travaille à temps partiel au Bureau de l'assurance-récolte—le paiement moyen versé par l'administration dans la région s'est établi à 17 $.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie.

Le président: Nous pouvons accorder une minute à M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie. Monsieur le président, je n'ai qu'une très brève question qui s'adresse à chacun des...

Le président: Vous ne pouvez vous attendre à ce que chacun d'entre eux vous réponde.

M. Garry Breitkreuz: Je veux tout simplement qu'ils se prononcent à main levée.

Selon ce que nous avons entendu ce matin, l'ACRA punit les agriculteurs qui apportent des changements, qui s'adaptent ou qui sont efficaces. Voulez-vous que l'on abandonne le programme ACRA ou que l'on y apporte des correctifs? Si le programme est abandonné, voudriez-vous qu'un paiement accru soit fait à tous les producteurs de céréales? Il y a là un choix à faire.

Monsieur le président, pouvons-nous procéder comme nous l'avons fait hier? Nous sommes ici en présence d'un vaste auditoire. Peut-on déterminer parmi tous les agriculteurs présents ceux qui sont en faveur d'une amélioration du programme ACRA et ceux qui favorisent plutôt un paiement universel complet à tous les agriculteurs?

Seulement quatre membres de l'auditoire et du groupe d'experts voudraient que des correctifs soient apportés au programme ACRA.

Maintenant, combien seraient en faveur d'un paiement universel par le gouvernement? Tous sont d'accord sauf ces quatre personnes. Je pense que c'est très clair. Merci.

Une voix: Si le gouvernement abandonne le programme, nous serions tous d'accord avec cela.

M. Garry Breitkreuz: Très bien, je vous remercie.

M. Rick Borotsik: Voici une autre question qui s'adresse aux membres de l'auditoire. Si vous le permettez, pourriez-vous m'indiquer en levant la main combien d'entre vous ont effectivement présenté une demande d'ACRA? À peu près la moitié des gens.

Maintenant, vous n'avez pas à répondre si vous ne le voulez pas, mais pourriez-vous m'indiquer combien d'entre vous ont reçu un paiement d'ACRA? Trois? Je vous remercie.

À mon avis, cela veut tout dire au sujet du programme ACRA.

Des Voix: Bravo!

Le président: Peut-être puis-je demander les commentaires de M. Sahl à ce sujet étant donné qu'il ne reste que 30 secondes.

Ce sondage à mains levée est fort révélateur, monsieur Sahl. Si l'on s'y fie, très peu de gens ont reçu des paiements d'ACRA. Pourtant, selon les statistiques, la Saskatchewan a touché jusqu'à maintenant environ 100 millions de dollars. Il semble y avoir une dichotomie. L'argent aboutit de toute évidence quelque part, mais il ne fait pas surface. Avez-vous une explication à nous donner à ce sujet?

M. Avery Sahl: Mon fils et sa femme s'occupent de la comptabilité et des autres activités au sein de notre exploitation. Ils ont présenté une demande, mais ils n'ont même pas eu de nouvelles de l'ACRA. Je ne peux vous dire ce que...

Le président: Le gouffre est peut-être si profond que même 100 millions de dollars n'y changent rien. Est-ce là la réponse possible?

M. Avery Sahl: Je ne sais pas.

Le président: Je vous remercie, monsieur Sahl.

Je remercie également chacun d'entre vous. J'ai vraiment apprécié vos commentaires.

Nous allons maintenant passer à deux périodes de 45 minutes. Au cours de la première période, vous entendrez un représentant de l'opposition officielle de la province de la Saskatchewan, qui sera suivi d'une représentante du Réseau canadien des agricultrices.

J'avise également le prochain groupe d'agriculteurs de se tenir prêts. J'essaierai de faire passer deux groupes. Tout dépendra de la durée des interventions des agriculteurs, mais le premier groupe comprendra Ron Bishoff, Richard Wright, Ray Bashutsky—je crois comprendre qu'il n'est pas dans la salle, mais son nom figure dans la liste—et un vieil ami du nom de Roy Atkinson. J'espère que nous pourrons aussi entendre d'autres personnes. Toutefois, comme je l'ai dit, tout dépendra de la durée des interventions.

Nous entendrons maintenant M. Boyd, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture en Saskatchewan, et Raquel Moleski. Je vous remercie de votre présence.

Je vous souhaite la bienvenue monsieur Boyd. Vous serez le premier à prendre la parole.

M. Bill Boyd (député, Opposition officielle, critique de l'Agriculture (Saskatchewan)): Je vous remercie monsieur le président et je remercie aussi les membres du comité.

• 1030

Je suis certes heureux d'être ici aujourd'hui et d'intervenir ce matin en qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture. Tout aussi important, et peut-être même plus important encore, je suis également ici en qualité d'agriculteur de la province de la Saskatchewan.

Vous avez beaucoup entendu parler des préoccupations entourant toute la question du manque à gagner en Saskatchewan. Face aux agriculteurs de la province ici présents ce matin, cependant, je tiens à vous souligner très clairement qu'ils ne cherchent pas à obtenir une aumône. C'est là la dernière chose qu'ils veulent. Ils voudraient vraiment tirer leurs revenus du marché grâce à la vente de céréales et de bétail, et à la façon habituelle d'exploiter une entreprise agricole. Toutefois, ils voient aussi qu'ils sont dans une situation où il est tout simplement impossible de continuer à exploiter leur entreprise agricole aux niveaux nécessaires. Ils veulent que l'on comprenne leur situation et ils demandent également un engagement de la part du gouvernement fédéral, ainsi que du gouvernement provincial, soit dit en passant.

Hier, à l'assemblée législative de la Saskatchewan, dans un geste sans précédent, des groupes agricoles sont venus communiquer leur point de vue au Comité permanent de l'agriculture. Ils ont souligné à l'unanimité que la Saskatchewan doit obtenir un paiement compensateur commercial d'un milliard de dollars pour bénéficier à peu près du même niveau de subventions que d'autres pays consentent à leurs producteurs.

À mon avis, l'élément qui a toujours caractérisé une fédération saine et forte et qui unit essentiellement le pays est le sens des responsabilités que ce dernier nous inspire. Que ce soit en temps de conflit, en temps de crise nationale ou de crise régionale, nous devons à notre pays—chacun d'entre nous, collectivement—d'intervenir. À l'occasion de la tempête de verglas au Québec et dans l'est de l'Ontario, nous étions là en tant que pays pour dire oui, nous avons la responsabilité d'intervenir. À l'occasion du problème des pêches dans les Maritimes, nous étions là pour dire qu'il convenait de réagir à la crise à l'échelle nationale, et c'est ce que nous avons fait. Dans le cas des inondations dans le sud du Manitoba, nous avons en tant que pays dit oui, voilà ce qu'il convient de faire, et nous avons apporté de l'aide aussi rapidement que faire se pouvait. En réalité, bon nombre de gens ont déclaré que nous n'avions peut-être pas apporté assez d'aide à ces régions.

L'agriculture n'offre pas pour la télévision le même genre d'images saisissantes que ces catastrophes. Toutefois, ces problèmes prennent les mêmes proportions catastrophiques et se manifestent au moment même où nous parlons en Saskatchewan et dans l'Ouest du Canada. C'est pourquoi il a été très décevant d'entendre le ministre de l'Agriculture du pays, M. Vanclief, dire qu'il y avait peut-être lieu de transmettre aux gens de la Saskatchewan un message d'amour coriace. Ce message d'amour coriace s'applique-t-il à d'autres régions du pays? S'applique-t-il à d'autres secteurs de l'agriculture? À mon avis, ce n'est pas le cas. Dans les secteurs du lait, des oeufs et de la volaille et dans d'autres secteurs soumis à la gestion des approvisionnements qui sont situés principalement en Ontario et au Québec, les engagements se situent à peu près au même niveau que ceux d'autres pays dont nous soutenons la concurrence dans ces domaines.

À notre avis, le message d'amour coriace ne peut tout simplement trouver application en Saskatchewan compte tenu des conditions que nous connaissons. Ce message d'amour coriace s'apparente davantage à un message teinté de favoritisme et laissant entendre que l'agriculture de l'Ouest, les secteurs des céréales, des oléagineux et du bétail de l'Ouest sont d'une façon ou d'une autre différents d'autres secteurs de l'agriculture au pays et d'autres secteurs marqués par une catastrophe de même envergure—tempête de verglas, problèmes dans le secteur des pêches ou inondations, par exemple. Selon moi, au même titre que nous devons intervenir en cas de crise nationale dans ces secteurs, nous avons comme collectivité canadienne soucieuse de bien agir la responsabilité d'intervenir en Saskatchewan aujourd'hui.

• 1035

Au nom de l'opposition officielle à l'Assemblée législative de la Saskatchewan, je souligne que ce comité exerce beaucoup d'influence sur l'orientation adoptée par le gouvernement fédéral. Je suis convaincu que le comité défendra les intérêts des agriculteurs de l'Ouest lorsqu'il rentrera à Ottawa. Je suis également convaincu que le pays interviendra car, en dernière analyse, il nous incombe de le faire. J'espère que le gouvernement fédéral agira comme il convient et je suis convaincu qu'il va le faire. Les mesures adoptées jusqu'à ce jour en matière de soutien de l'agriculture ont manifestement été inadéquates.

Monsieur le président, j'ai lu vos récents commentaires au sujet de l'ACRA et de la mesure dans laquelle ce programme est inadéquat et constitue un véritable désastre. Vos propos ont certes soulevé chez-moi beaucoup d'espoir.

Je tire également beaucoup d'espoir des commentaires de M. Vanclief, qui a reconnu que l'abréviation ACRA est devenue un gros mot dans l'ouest du Canada. C'est très effectivement le cas. À mon avis, les agriculteurs de la Saskatchewan méritent mieux.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo.

Le président: Je vous remercie de vos propos monsieur Boyd.

Nous allons maintenant céder la parole à Raquel Moleski, représentante du Réseau canadien des agricultrices. Nous vous souhaitons la bienvenue et le bonjour.

Mme Raquel Moleski (membre du conseil, Réseau de la Saskatchewan des agricultrices): Je vous remercie monsieur le président et je remercie aussi les membres du comité.

Au nom du Réseau des agricultrices de la Saskatchewan, qui est membre du Réseau canadien des agricultrices, je suis heureuse de pouvoir aujourd'hui vous faire part de certains des très importants problèmes auxquels font face les agriculteurs de la Saskatchewan, et, en particulier, de l'incidence que la crise agricole a eue sur ma famille et ma collectivité.

Je dois reconnaître que la première fois que l'on nous a appelés pour nous demander si nous voulions participer à un rassemblement d'agriculteurs et que nous avons entendu l'expression «crise agricole», nous avons été soulagés. Après nous être démenés pour tenter de rendre notre exploitation agricole viable, nous étions quelque peu réconfortés d'apprendre que nous n'étions pas seuls. Les problèmes auxquels nous faisions face n'étaient pas attribuables au fait que nous étions de mauvais gestionnaires et que nous ne travaillions pas assez fort. Nous étions victimes du transfert de responsabilité du gouvernement et d'une guerre commerciale internationale.

Nous nous sommes lancés dans l'agriculture au début des années 90. L'économie agricole n'était pas assez forte pour nous permettre de racheter l'exploitation de nos parents, et ces derniers n'avaient pas les moyens de nous la donner. Nous travaillons très fort à la mise sur pied d'une exploitation. Nous avons commis de nombreuses erreurs en cours de route, mais nous en avons tiré des leçons.

Nous avons réorienté l'exploitation et resserré notre budget et nous pensions être enfin sur la bonne voie. Nous étions diversifiés. Nous avions constitué un troupeau de bétail pure race, et nos cultures étaient plus diversifiées que celles de nos parents. Nous avions réduit les coûts et nous avions adopté la culture continue et le semi sur sol nu en vue de maximiser notre production.

Quand nous avons constaté que nous n'arrivions toujours pas à joindre les deux bouts, nous sommes passés à l'étape suivante et nous avons loué plus de terres. Lorsque vous ne gagnez que quelques dollars à l'acre, vous avez besoin d'une plus grande superficie pour atteindre la rentabilité.

Nous nous retrouvons maintenant avec un prêt d'exploitation et des factures de fournitures agricoles beaucoup plus élevés et, pourtant, en dépit de récoltes exceptionnelles cette année, notre revenu n'a pas augmenté. Nous ne sommes pas de mauvais gestionnaires. Nous sommes des gens intelligents et laborieux. Toutefois, nous sommes victimes de circonstances sur lesquelles nous n'avons pas de prise.

Il n'y a aucun lien entre le coût de la production et la valeur de nos produits. Le coût des produits chimiques, des engrais, de la machinerie et du carburant ainsi que les taxes foncières et scolaires continuent d'augmenter sans égard aux recettes agricoles. Il faut que soient mises en place des lignes directrices visant à surveiller la fixation des prix et à éviter que l'on vienne puiser dans les poches des agriculteurs des Prairies.

Depuis la disparition de la LTGO, le transport absorbe une part énorme de notre revenu. Les entreprises de chemin de fer doivent partager leurs gains d'efficience avec les producteurs en pratiquant des tarifs de transport moins élevés.

Comme je suis une agricultrice relativement nouvelle, l'ACCRA n'est d'aucune utilité. Pour y avoir droit, vous devez avoir fait de l'argent dans le passé. Bien que mon revenu ait diminué, moins que rien vous laisse une marge nulle.

Dans le cadre de la mise sur pied d'une exploitation agricole, il a fallu affecter de l'argent au règlement des factures et à des immobilisations, de sorte qu'il ne restait rien pour participer au compte de stabilisation du revenu net et encore moins pour verser de l'argent dans un compte d'épargne. Une jeune agricultrice obligée d'utiliser la moyenne régionale pour les rendements n'a pas droit à la protection de l'assurance-récolte. Cela ne s'applique pas à 50 p. 100 de nos intrants, et nous n'avons pas les moyens de régler les primes tant que nous n'avons pas établi nos propres moyennes de rendement.

• 1040

Par le passé, nous nous sommes démenés afin d'arriver, de payer nos factures à temps et de faire les semences pour la prochaine récolte. Des revenus d'appoint nous ont permis de mettre de la nourriture sur la table et de payer les frais des services publics. Toutefois, cette année, nous ne sommes pas rendus au nouvel an, mais nous avons épuisé notre argent.

Il est triste de constater que, comparativement à bon nombre de nos amis et voisins, nous nous en tirons assez bien. Dans un rayon de quatre milles de notre exploitation, tous nos voisins sauf deux sont partis. Lorsque les deux premières familles ont été obligées de vendre, les gens ont dit que c'étaient de mauvais gestionnaires ou qu'ils n'avaient pas assez diversifié leurs activités. Toutefois, nous avons maintenant vu disparaître ceux qui ont travaillé très dur et qui ont tout fait pour améliorer leur exploitation agricole.

Ceux qui restent disposent de peu de temps entre leurs emplois d'appoint pour essayer de maintenir leur exploitation agricole. Cette situation a un effet dévastateur sur les petites collectivités, qui comptent sur des bénévoles pour assurer le fonctionnement des églises, des centres communautaires et des patinoires. Comme il y a moins de gens dans la collectivité, le fardeau repose sur les épaules d'un petit nombre de personnes dévouées dont l'horaire et les ressources sont déjà sollicités au maximum. Des hommes, des femmes et des enfants travaillent pendant de longues heures à l'intérieur et à l'extérieur de l'exploitation agricole et n'ont toujours que peu ou pas d'argent au bout du compte.

À quel autre endroit pourrait-on trouver des gens occupant un deuxième emploi pour régler les dépenses qu'entraîne leur premier emploi et éprouvant encore de la difficulté à nourrir leur famille? Cette situation semble ridicule, mais elle montre à quel point les agriculteurs de la Saskatchewan ont à coeur leur terre, leur collectivité et leur secteur d'activité.

À titre d'exemple, imaginons qu'au moment où vous êtes devenus députés on nous ait attribué un salaire ainsi qu'une indemnité de transport pour vous rendre à votre travail et en revenir. Un jour, par mesure d'économie, votre indemnité de transport est éliminée. Vos coûts ont maintenant augmenté, mais votre revenu n'a pas suivi. Ensuite, vous constatez que les partis politiques les plus riches subventionnent le salaire de leurs députés. Le traitement que vous pouvez exiger a maintenant chuté de façon draconienne et se situe au niveau des années 30, et votre parti ne peut se permettre de vous subventionner.

Lorsque vous pensez que les choses ne peuvent être pire, vos supérieurs décident que vous devez payer pour tout ce que vous utilisez. Vous devez maintenant assumer le coût de chaque trombone, crayon et bloc-notes dans votre bureau. Vos coûts ont augmenté, tandis que votre revenu a diminué. Vous ne pouvez payer les comptes de votre bureau et vous encore moins d'argent à apporter à la maison.

Vous trouveriez-vous un deuxième emploi pour assumer ces coûts, compteriez-vous sur le travail non rémunéré de votre conjoint et de vos enfants, ou abandonneriez-vous tout simplement votre emploi? Que se passerait-il si tous les députés abandonnaient leur poste? Le gouvernement, et peut-être le pays, s'écroulerait.

Que se passerait-il si tous les agriculteurs abandonnaient leurs fermes? La structure économique et sociale de notre province, et peut-être celle du pays tout entier, s'écroulerait. L'approvisionnement en denrées sûres, abondantes et de grande qualité que les Canadiens prennent pour acquis disparaîtrait.

Il est très facile de considérer la situation comme une simple question économique et de dire que le gouvernement n'a pas les moyens d'accorder une aide financière aux agriculteurs. Nous n'avions probablement pas les moyens d'accorder l'aide que nous avons consentie à la Turquie ou au Timor oriental, et nous n'avons probablement pas les moyens d'assumer les coûts liés à notre réseau routier ou à notre système de santé. Toutefois, nous avons une responsabilité sociale en tant que Canadiens. Nous sommes reconnus dans le monde entier comme une nation qui aide ceux qui sont le plus dans le besoin. Ne nous laissez pas devenir un pays ayant la réputation de ne pas aider ses propres citoyens.

La nourriture, l'air et l'eau sont les trois sources de vie fondamentales. Si l'une de ces sources est en péril, nous sommes tous en péril.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo.

Le président: Merci, madame Moleski. Vos remarques sont un autre exemple des observations réfléchies que nous avons entendues à maintes reprises depuis le début de notre voyage, qui a commencé lundi matin à Winnipeg et qui nous a menés à Portage la Prairie, Dauphin, Brandon, Estevan et maintenant Regina.

• 1045

Monsieur Boyd, je veux vous dire—et je pense parler au nom des tous les membres du comité, tant ceux qui représentent le gouvernement que l'opposition—que nous avons certainement l'intention de faire de notre mieux pour communiquer de la façon la plus énergique possible votre message au gouvernement, lorsque nous retournerons à Ottawa.

Permettez-moi aussi de dire qu'il y a un an, le programme ACRA semblait—et j'insiste sur le mot «semblait»—être une réponse plutôt généreuse à la crise agricole. Or, nous savons maintenant que l'ACRA a laissé de côté un grand nombre d'agriculteurs dont le revenu a diminué de façon draconienne depuis deux ou trois ans. L'ACRA ne tient tout simplement pas compte de ce groupe d'agriculteurs. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce programme a fait l'objet de critiques aussi cinglantes, si je puis m'exprimer ainsi.

L'autre point que je veux mentionner, et c'est une autre source de désappointement pour moi, c'est que les pluies continues qui ont touché votre province et la mienne en mai et en juin ont, selon moi, causé un désastre total, particulièrement pour les agriculteurs de ces régions. Or, pour une raison quelconque, le programme national d'aide en cas de désastre n'a pas reconnu cette situation comme un désastre. En raison des variables, ou peut-être des subtilités liées à la réglementation et aux critères pertinents, le désastre qui a frappé les agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba n'a pas été reconnu, contrairement aux catastrophes qui sont survenues au Saguenay et dans la vallée de la rivière Rouge. Quelque chose ne va pas avec ces critères; il faut les changer. Je suis certain que cela va aussi être l'un de nos messages.

J'ai assez parlé. Il nous reste du temps pour une période de questions et de réponses. Nous commençons avec M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup.

J'ai bien aimé vos présentations. Raquel, l'exemple que vous avez donné était excellent lorsque vous avez parlé du gouvernement. J'ai presque envie de revenir sur ce point en disant que si nous perdions la plupart de nos députés et que l'on entreprenait de réduire l'effectif du gouvernement, nous réglerions peut-être la crise agricole, parce que cela nous permettrait de réduire notre fardeau fiscal. Un grand nombre d'agriculteurs ne sont pas conscients du montant d'impôt qu'ils paient en acquittant les coûts de leurs intrants. Ce montant s'élève à 300 millions de dollars uniquement pour l'engrais. J'ai bien aimé l'exemple que vous avez fourni.

Je suis vraiment impressionné par ceux et celles qui ont fait des exposés ce matin. En fait, je devrais peut-être dire que je ne suis pas si impressionné que cela, compte tenu que tout le monde discute de la crise très calmement même s'il y a beaucoup d'émotions cachées. C'est une crise grave et les gens ne sont pas debout sur les tables à gesticuler. Toutefois, si vous parlez aux agriculteurs, leurs larmes et leurs émotions vous donnent une idée précise de la gravité de la situation.

En plus des solutions à court terme, n'avons-nous pas aussi besoin d'une solution à long terme? Il faut battre le fer quand il est chaud. Il faut donner de l'espoir aux agriculteurs. Les suicides survenus dans ma circonscription de Yorkton—Melville indiquent que les agriculteurs perdent espoir. Je me demande si vous constatez cela. Ne faudrait-il pas avoir une solution à long terme pour montrer aux agriculteurs que nous nous préoccupons de leur sort et qu'il faut faire quelque chose? Outre une solution à court terme, qui est absolument essentielle, il faut aussi prévoir une solution à long terme. Nos jeunes ne vont même pas songer à se lancer dans l'agriculture s'ils ne voient pas la lumière au bout du tunnel.

J'aimerais que vous me disiez tous deux ce que vous en pensez. Cette situation n'a-t-elle pas une incidence sur les familles, dans la mesure où celles-ci doivent avoir un quelconque espoir, un espoir qu'il faut faire naître en mettant en place une solution à long terme?

Mme Raquel Moleski: Il n'y a pas d'espoir. L'observation faite hier était que dans l'agriculture on dit toujours à l'an prochain, mais il n'y aura pas d'an prochain. Il n'y a absolument pas d'optimisme. Il ne fait aucun doute que les agriculteurs des Prairies ont un besoin immédiat d'argent, mais ce besoin immédiat ne doit pas occulter le problème plus global. Une stabilité à long terme est nécessaire et des plans doivent être mis en place. C'est absolument nécessaire, mais en même temps il faut envisager des solutions à long terme.

M. Bill Boyd: C'est incontestablement vrai. Les agriculteurs de la Saskatchewan avaient vraiment fondé des espoirs sur les pourparlers de l'OMC, à Seattle. Leurs espoirs se sont envolés, parce qu'ils constatent que leur situation ne va pas changer à court terme, et peut-être même pas à long terme. Le déséquilibre qui existe entre nous et nos concurrents au niveau de l'appui gouvernemental va persister longtemps.

• 1050

Face à ce problème, il faut absolument se doter d'un programme à court terme et d'un filet de sécurité à long terme. En Saskatchewan, il n'y a pratiquement aucun programme de soutien du revenu. Nous avons l'assurance-récolte, qui intervient essentiellement dans le cas de désastres affectant les récoltes. Nous avons aussi le CSRN, qu'un grand nombre d'agriculteurs considère comme un moyen de mettre un peu d'argent de côté, de façon à pouvoir un jour céder à leurs enfants une exploitation agricole qui sera moins criblée de dettes. Nous n'avons plus de filet de sécurité à long terme. Le RARB a été supprimé en 1992 et n'a pas été remplacé depuis.

M. Garry Breitkreuz: Je vous signale que je partage mon temps avec M. Kerpan.

M. Allan Kerpan: Merci.

Monsieur Boyd, hier à l'assemblée législative et aujourd'hui, je vous ai entendu, vous, M. Ligenfelter et beaucoup d'autres, parler de règles équitables. Vous avez dit qu'il ne s'agissait pas de demander une subvention ou une aumône. En fait, la motion qui adoptée par votre assemblée hier soir parle de correction ou d'indemnisation au niveau du commerce, afin de corriger les problèmes de distorsion dans le commerce mondial. J'aimerais que vous précisiez une fois de plus au comité que c'est bien ce que vous demandez, que vous ne demandez pas nécessairement une aumône ou un coup de main.

M. Bill Boyd: Je pense que les agriculteurs de la Saskatchewan n'aimeraient rien de plus que de tirer leur revenu du marché. Toutefois, lorsque le marché est aussi faussé qu'il l'est présentement au niveau international, nous ne voyons pas d'autre solution que de demander au gouvernement fédéral et à notre gouvernement provincial d'essayer d'établir un équilibre entre la situation de nos agriculteurs et celle des autres producteurs dans le monde.

Comment pouvons-nous faire concurrence aux États-Unis ou à l'Union européenne, dont les niveaux de subvention, de soutien et de paiements de péréquation à leurs producteurs sont quatre fois plus élevés que les nôtres dans le cas des États-Unis et six à sept fois plus élevés dans le cas de l'Union européenne? C'est comme s'il y avait deux concessionnaires d'automobiles qui se faisaient concurrence à Regina, en Saskatchewan et que, tout à coup, une société mère décidait de réduire de 40 p. 100 le coût de ses produits pour les consommateurs. Combien de temps croyez-vous qu'il faudrait avant que l'autre concessionnaire ne doive fermer ses portes? Cela ne prendrait pas beaucoup de temps.

Le président: Merci, monsieur Boyd.

Je cède maintenant la parole à M. McCormick.

M. Larry McCormick: Merci monsieur le président et merci aux deux témoins d'être venus ici.

La solution à long terme repose en partie sur la collaboration, comme au sein de notre comité, afin de s'assurer le soutien des régions urbaines du Canada. Je profite de l'occasion pour dire un bon mot au sujet d'une initiative mineure qui, selon moi, pourrait faire une différence importante au niveau de la sensibilisation en Ontario, qui est une province très populeuse. Un député de la Chambre des communes travaille fort afin de sensibiliser le public aux fermes familiales, dans le cadre d'un événement qui se tiendra au centre Air Canada, à Toronto, les 15 et 16 janvier. Hier, nous étions à Brandon et j'ai été heureux d'apprendre qu'une jeune femme de l'endroit allait être l'une des artistes qui vont se produire à cette occasion. Je sais que cet événement ne va pas générer beaucoup d'argent pour les agriculteurs de la Saskatchewan, mais lorsqu'on songe à une solution à long terme, c'est là le genre d'initiatives qu'il faut prendre.

Par ailleurs, je veux simplement signaler à Raquel que nous avons un nouveau ministère et un nouveau ministre au niveau fédéral. Il faut reconnaître l'initiative du premier ministre puisque, pour la première fois de notre histoire, nous avons au Canada un ministre responsable du développement rural. Ce ministre est Andy Mitchell. Son chef de cabinet, c'est-à-dire son employé principal—et je le sais parce qu'elle est passée par mon bureau de circonscription et mon bureau à Ottawa—est une personne qui travaille fort et—je suis tenté ici d'employer le mot «activiste»—a longtemps été membre du conseil du Réseau canadien des agricultrices. J'ai entendu dire beaucoup de bien au sujet votre groupe.

• 1055

La solution à long terme doit se fonder en partie sur les nombreuses facettes du gouvernement. Ainsi, avec l'argent du développement économique, nous pouvons faire mieux en matière de diversification dans l'Ouest. Comme l'ont mentionné les témoins que l'on a entendus, un volet important de la solution consiste à se pencher sur la situation du transport. Votre grande province compte un plus grand nombre de milles de voies routières—je suis vieux—que toute autre province au pays. Par ailleurs, les politiques ont parfois été à l'encontre de bien des choses ici.

Bill, je veux aussi vous confier qu'une fois, lorsque je venais de me joindre à ce comité à Ottawa, j'ai eu une petite prise de bec amicale avec votre chef. Pourtant, lors de la campagne de cette année, j'ai pris conscience de cette scission entre les milieux rural et urbain, qui ne date pas de cette année et que je ne voudrais pas voir prendre de l'ampleur dans notre pays. Je vous ai applaudi, parce que nous avons besoin de vous, et ce pour un grand nombre de raisons.

Raquel, l'une de mes craintes est... Quelle belle image que cette allusion aux trois sources fondamentales de la vie que sont la nourriture, l'air et l'eau. Les gens en Ontario me disent: «Nous n'allons plus avoir de nourriture.» Il y aura de la nourriture, mais celle-ci proviendra des grandes compagnies nationales et multinationales. Or, ce n'est pas l'orientation que je veux nous voir prendre. J'ai même entendu des rumeurs selon lesquelles nous pourrions aller du porc aux céréales et vendre nos récoltes à l'avance à une compagnie qui exercerait un contrôle. Cela se produit-il à grande échelle, ici dans les Prairies?

Mme Raquel Moleski: Il existe un certain contrôle de nos denrées de la part de multinationales et la question des OGM est liée à cette question. En vertu de nos accords sur l'utilisation de la technologie, les compagnies de produits chimiques nous vendent les semences et les produits chimiques, et elles veulent des garanties que nos produits leur reviennent. La question des OGM est effectivement un dossier important à l'heure actuelle et les gens ont peur. Je ne pense pas que l'on ait en main tous les faits pertinents. Mais si vous perdez les agriculteurs qui exploitent présentement leurs fermes, qui prennent soin de leurs terres, qui font leur possible pour produire des denrées de haute qualité, la sécurité alimentaire deviendra un problème au Canada. Si vous laissez le contrôle des terres aux multinationales, cela entraînera de graves préoccupations en ce qui a trait à l'environnement et à la salubrité des aliments.

Le président: Merci.

Je crois savoir que M. Calder veut utiliser les deux dernières minutes de votre temps.

M. Murray Calder: Oui, merci beaucoup, monsieur le président et merci, Larry.

Bill, ma question s'adresse à vous. Dans le passé, la Saskatchewan avait un programme RARB et, à l'époque, la province avait un excédent de 337 millions de dollars. Le programme a été abandonné ici, mais il est encore en place en Ontario. Je me demande si vous seriez intéressé à rétablir le RARB ici, en Saskatchewan.

M. Bill Boyd: Le RARB n'était pas parfait. Personne n'a jamais prétendu qu'il l'était. Toutefois, c'était un mécanisme pour parer au manque de revenu, un programme sur lequel les agriculteurs pouvaient compter au moment d'évaluer leurs revenus et de décider ce qu'ils voulaient faire au niveau de leurs récoltes. Il existe essentiellement deux types de programmes: les programmes de gestion des risques, qui sont des assurances-récoltes, et peut-être, dans une certaine mesure, le CSRN, ainsi que les programmes producteurs de revenus ou les programmes d'assurance-revenu. Je pense que ce type de programme continue d'avoir la faveur populaire—peut-être pas le RARB, mais une formule semblable. Au bout du compte, une certaine forme de soutien de dernier recours est nécessaire afin que les agriculteurs sachent à quoi ils peuvent s'attendre relativement à leur production.

Le président: Merci.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

• 1100

Monsieur Boyd, je veux aussi parler du programme RARB. Certains estiment—en tout cas c'est le consensus qui se dégage des cinq ou six réunions que nous avons eues jusqu'à maintenant—que le CSRN fonctionne bien, même si certains de ceux qui ont fait des présentations ont dit que ce programme n'était pas particulièrement utile aux jeunes agriculteurs. Le CSRN est plus utile si vous exploitez votre entreprise depuis un certain temps, si vous avez eu de bonnes années, si vous avez pu économiser un peu d'argent et si le gouvernement a fourni une contribution égale.

Vous avez dit en réponse à la dernière question que le RARB n'était pas un programme parfait. Certains ont laissé entendre qu'un programme d'assurance-revenu était nécessaire, particulièrement afin d'aider les agriculteurs plus jeunes, et qu'un tel programme devrait peut-être se fonder sur les coûts de production. Je me demande si vous pourriez nous donner votre point de vue quant à la façon de modifier le RARB de manière à tenir compte des coûts de production.

M. Bill Boyd: Le problème avec les coûts de production c'est de savoir comment élaborer la formule. Les coûts de chaque exploitation agricole sont différents. Je n'en connais pas qui soient identiques. Les agriculteurs ont tous des niveaux d'endettement différents. Ils ont tous des coûts d'intrants différents, selon la façon dont ils décident de gérer leurs intrants—coûts de l'engrais, coûts des produits chimiques, culture organique ou non, exploitation diversifiée ou non au niveau des récoltes ou de l'élevage du bétail. Chaque ferme est différente à cet égard, et il est extrêmement difficile de trouver une formule fondée sur ce genre de facteurs.

Cet aspect fait partie du problème que constatent les agriculteurs chaque fois que de tels programmes sont élaborés. Ces programmes deviennent tellement compliqués que personne ne les comprend. L'ACRA en est un exemple classique. Même après avoir examiné votre demande aux fins de l'ACRA avec votre comptable, vous ne savez toujours pas si vous allez obtenir un paiement.

M. Dick Proctor: Selon vous, quel genre de programme RARB modifié fonctionnerait?

M. Bill Boyd: Je pense que ce devrait être une sorte de programme d'assurance-revenu qui tiendrait compte des denrées précises et qui, à partir de là, permettrait de déterminer un revenu de base que pourraient toucher les agriculteurs pour ce genre de récoltes ou de panier de récoltes, si nous sommes préoccupés par la question du commerce. Le fait d'essayer de déterminer les coûts de production complique très rapidement le processus.

M. Dick Proctor: Vos observations sont utiles. Merci.

Ma prochaine question s'adresse à Mme Moleski. Dans votre présentation—et j'ai moi aussi bien apprécié l'analogie que vous avez faite avec le gouvernement—vous avez dit que des lignes directrices étaient nécessaires pour contrôler la fixation des prix. Étant donné que vous n'aviez que cinq minutes pour faire votre présentation, pourriez-vous nous préciser votre point de vue sur cette question?

Mme Raquel Moleski: Je pense que tout ce qui est lié aux transports... On dit maintenant qu'il existe une concurrence entre les deux sociétés ferroviaires. Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse d'une véritable concurrence.

Le prix obtenu pour nos produits n'a jamais augmenté, mais celui de notre machinerie, de nos produits chimiques et de nos engrais ne cesse de grimper, et il n'en est pas tenu compte. Je ne suis pas certaine de ce que peut faire le gouvernement fédéral, mais les compagnies de produits chimiques doivent s'adresser au fédéral pour obtenir une licence. Le temps est peut-être venu de leur dire: «Avant d'obtenir une licence pour vendre vos produits au pays, montrez-nous vos coûts de production. Nous n'allons pas vous laisser escroquer les agriculteurs. Si vos coûts s'établissent à tel ou tel montant, nous allons vous permettre d'obtenir un juste rendement sur votre produit, mais...».

Il y a peut-être certains aspects que nous devrions commencer à regarder, au lieu de se pencher uniquement sur ce qui se passe à un bout, au lieu de donner de l'argent aux agriculteurs pour les aider. Regardons ce qui se passe à l'autre bout. Je ne sais pas trop comment fonctionne le gouvernement et comment ces choses se font, mais il y a peut-être des mesures qui pourraient être prises à l'autre bout du processus.

Le président: Merci beaucoup et merci à vous, monsieur Proctor.

Je veux simplement signaler à l'auditoire que nous allons poursuivre avec une période de 45 minutes pour conclure notre séance du matin. J'ai ici les noms de neuf agriculteurs. Si chacun d'entre eux limite sa présentation à cinq minutes, tous pourront être entendus. Je vous demande d'en tenir compte. Immédiatement après avoir entendu M. Borotsik, je vais inviter cinq de ces neuf personnes à prendre la parole, à savoir Ron Bishoff, Richard Wright, Ray Bashutsky, Roy Atkinson et Ron Gleim. Comme je l'ai dit, si chacun s'en tient à un exposé de cinq minutes, tous pourront prendre la parole.

Monsieur Borotsik.

• 1105

M. Rick Borotsik: Merci. Je vais faire vite avec mes deux questions.

La première question s'adresse à Mme Moleski. Vous êtes membre du réseau SWAN. J'aimerais en savoir plus sur ce groupe. Avez-vous des ressources au sein de votre organisme qui s'occupent des problèmes humains qui surgissent actuellement, notamment le stress qui frappe les familles ayant une ferme? À l'heure actuelle, les femmes au sein de la communauté agricole sont terriblement touchées par ce qui se passe. Avez-vous des ressources au sein de votre groupe pour vous occuper de cet aspect?

Je signale qu'à quelques autres endroits, des intervenants nous ont parlé de la question du stress. Pouvez-vous nous donner une meilleure idée de ce que vous voyez dans le milieu de l'agriculture à cet égard?

Mme Raquel Moleski: Notre organisme a pour mandat de présenter le point de vue des femmes face aux questions agricoles, et de présenter la situation des exploitations agricoles par rapport aux questions qui touchent les femmes. Par conséquent, oui nous avons des personnes qui siègent au sein du groupe consultatif sur le stress des agriculteurs et autres groupes du genre, et nous suivons la situation de près.

M. Rick Borotsik: Que se passe-t-il?

Mme Raquel Moleski: Je ne siège pas au groupe consultatif sur le stress des agriculteurs, mais je pense avoir entendu dire hier que le nombre d'appels a beaucoup augmenté depuis l'an dernier. Je n'ai pas plus de précisions relativement à cette question.

Ce n'est pas une question qui touche les femmes comme tel, mais dans les familles qui exploitent une ferme, ce sont les femmes qui s'occupent de questions telles que les cadeaux de Noël aux enfants ainsi que les repas, et ce sont elles aussi qui expliquent aux enfants qu'ils ne peuvent jouer au hockey en raison d'un manque d'argent. Je ne pense pas que cet aspect soit mentionné, et c'est précisément afin que cet aspect ne passe pas inaperçu que nous sommes ici.

M. Rick Borotsik: Merci.

J'ai une question à poser à M. Boyd. Bonjour, monsieur Boyd.

Il y a peu de temps, M. Lingenfelter était assis dans cette chaise. Une question a été posée relativement à la responsabilité du gouvernement fédéral et à celle du gouvernement de la Saskatchewan. M. Lingenfelter a dit que dans d'autres pays, c'est le fédéral qui assure un soutien, qui verse des subventions, et il a ajouté qu'à son avis il incombait au gouvernement fédéral de faire de même au Canada. Êtes-vous d'accord avec ce point de vue? Dans l'affirmative, ne pensez-vous pas que la Saskatchewan, en tant que province, a un rôle à jouer au niveau du soutien apporté aux agriculteurs?

Par ailleurs, nous avons parlé du RARB élargi ou modifié. Voyez-vous ce programme comme une entente tripartite entre le fédéral, la province et les producteurs, qui seraient des partenaires ou des coassociés dans ce genre d'initiative?

M. Bill Boyd: Je suis en partie d'accord avec M. Lingenfelter. Je dis «en partie», parce que je pense que les questions liées aux paiements de péréquation relèvent du gouvernement fédéral. Toutefois, cela ne signifie pas que le gouvernement provincial n'a aucune responsabilité. À mon avis, il a un rôle à jouer et pratiquement tous les groupes qui ont pris la parole hier partageaient cet avis. Les groupes d'agriculteurs ont laissé entendre que le gouvernement provincial avait aussi une responsabilité à assumer, non seulement à court terme, mais aussi en ce qui a trait à l'élaboration d'un filet de sécurité à long terme.

M. Rick Borotsik: Sur le plan financier?

M. Bill Boyd: Oui. Je pense que le gouvernement provincial a un rôle à jouer dans les secteurs où il exerce une responsabilité, notamment les taxes sur le carburant et l'engrais, ainsi que les impôts fonciers.

La partie des impôts fonciers qui est affectée à l'éducation est une question très importante en Saskatchewan, étant donné qu'elle représente un fardeau énorme pour les agriculteurs qui paient des impôts fonciers. Cette partie affectée à l'éducation augmente sans cesse. Pourtant, les écoles se détériorent dans les régions rurales de la Saskatchewan et la qualité de l'enseignement dispensé n'est plus ce qu'elle était dans le passé.

Pour ce qui est de votre question sur une forme de programme d'assurance-revenu, je pense qu'une telle initiative doit être tripartite. Les agriculteurs sont prêts à assumer la responsabilité de payer, ou d'aider à payer, une partie de tels programmes, mais les gouvernements fédéral et provincial ont chacun une responsabilité plus grande.

Le président: Merci.

Il reste assez de temps pour que M. McGuire et M. Breitkreuz posent une question brève. Joe.

M. Joe McGuire: Je veux formuler une brève observation puis poser une question.

• 1110

Hier, à Estevan, on nous a reproché de liguer les agriculteurs les uns contre les autres, suite à des remarques formulées par nous ou par d'autres agriculteurs. Je suis d'accord avec ce point de vue. Le fait de liguer les agriculteurs dont les produits sont assujettis à la gestion de l'offre contre ceux dont les produits sont exportés ne favorise guère la découverte de solutions.

Raquel, vous avez dit dans le cadre de votre présentation que vous aviez perdu tous vos voisins dans un rayon de quatre milles, sauf deux. Qui a acheté les fermes de vos voisins? Y a-t-il autant de nouveaux venus qu'il y a de personnes qui ont quitté? Y a-t-il de jeunes agriculteurs qui ont pris la relève? Qui a acheté ces fermes?

Mme Raquel Moleski: Dans notre secteur immédiat, deux des fermes ont été achetées. Les terres ont été distribuées entre des agriculteurs ayant des exploitations plus grandes, tandis que les maisons sont maintenant occupées par des personnes qui travaillent à la ville et qui font la navette entre leur lieu de travail et la ferme.

Nous avons beaucoup de chance dans notre collectivité, car un certain nombre d'Européens sont déménagés dans notre région. Ils achètent des exploitations agricoles et viennent y vivre, remplaçant ainsi certains de nos agriculteurs. Mais cela n'enlève rien au fait que nos voisins propriétaires de la plus ancienne exploitation agricole familiale de notre municipalité rurale ont été obligés de vendre leur exploitation agricole.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant céder la parole à M. Breitkreuz.

M. Joe McGuire: Donc, les Européens viennent chez nous. La situation n'est pas si extraordinaire en Europe et ils viennent au Canada acheter des terres.

Le président: Merci.

Monsieur Breitkreuz, c'est à votre tour de poser une question.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie infiniment.

Je veux vous féliciter parce qu'il s'agit d'un problème qui transcende le sectarisme politique et que vous vous êtes entendus unanimement sur cette résolution. Je pense que cela donne au gouvernement un message important, celui selon lequel cette question devrait aussi être dénuée de sectarisme politique sur la scène fédérale.

Comment pouvons-nous faire comprendre la gravité du problème à la population des villes, là où le gouvernement obtient une bonne partie de ses appuis? La crise n'est pas un sujet accrocheur pour la télévision. Les médias ne communiquent pas à la population de Toronto, de Montréal et d'autres villes l'ampleur de la crise. Comment pouvons-nous dépolitiser cette question et amener les gens des grandes villes à nous appuyer?

M. Bill Boyd: Il vaudrait peut-être mieux poser la question à vous et aux membres des comités qui représentent des électeurs des villes, car je pense que de nombreux députés fédéraux représentent des circonscriptions urbaines. Je pense que ces députés ont une responsabilité au même titre que nous. Nous avons souligné le problème à maintes occasions, non seulement ici, en Saskatchewan, mais à Ottawa et partout au Canada. Le gouvernement a assumé une grande part de responsabilité par rapport à des campagnes d'information.

Nous vous demandons conseil sur les façons de mieux communiquer à la population des villes notre message à ce sujet. Nous voulons certainement que les gens comprennent notre situation, qu'ils s'en préoccupent et qu'ils nous aident, parce qu'il me semble qu'actuellement, le message ne passe pas et que nous devons faire mieux à cet égard. Donc, nous accueillerons avec plaisir tout conseil que les membres du comité pourraient donner à la coalition agricole de la Saskatchewan.

M. Garry Breitkreuz: Oui. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci.

Je vous suis reconnaissant, monsieur Boyd d'être venu témoigner aujourd'hui et merci aussi à vous, Raquel. J'ai beaucoup apprécié vos observations.

Nous allons maintenant passer à la dernière partie de nos audiences. J'invite maintenant Ron Bishoff, Roy Atkinson, Ray Bashutsky, Ron Gleim et Richard Wright à prendre la parole. Il y a quatre autres agriculteurs qui voudraient s'exprimer. La décision de leur donner la parole ou non dépendra du groupe. Les quatre autres personnes qui voudraient témoigner sont Barry Farr, William Giblett, Sinclair Harrison et Al Wigmore. Nous pouvons entendre ces neuf témoins si chacun s'en tient aux cinq minutes qui lui sont imparties.

Nous allons procéder par ordre alphabétique. Roy, vous êtes le premier à prendre la parole.

M. Roy Atkinson (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président. Je vais essayer d'utiliser le mieux possible les cinq minutes dont je dispose, tout en respectant le mandat du comité.

Le premier problème, à mon avis, c'est l'idée selon laquelle il n'y a pas de problème dans le secteur agricole. L'idée selon laquelle l'agriculture se porte très bien. On a souligné ici, ce matin, que nos exportations ont augmenté de façon spectaculaire, tout comme la productivité par exploitation agricole, sans compter que le secteur est efficient. Si l'efficience est synonyme de rentabilité, l'agriculture doit donc être aussi rentable. La question que nous devons examiner est celle de la rentabilité.

• 1115

Je pense qu'à titre de députés, vous n'êtes pas vraiment et n'avez pas été maîtres de la situation, même si vous êtes censés assumer cette responsabilité. Il y a un certain nombre d'années, alors qu'il rencontrait un groupe de hauts fonctionnaires à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, le ministre Masse a déclaré ce qui suit: «Je vais vous présenter aujourd'hui un exposé écrit et lorsque j'aurai terminé, je vais m'entretenir avec vous.» À la fin de son exposé, le ministre a dit ceci: «Vous êtes les cerveaux. Nous, politiciens ou députés, nous ne sommes que les acteurs. Vous décidez, et nous exécuterons.»

Voyons quelle est la situation. Il y a un déséquilibre des pouvoirs entre ceux qui produisent les denrées alimentaires dans notre pays, ceux qui élaborent les politiques et ceux qui achètent ou vendent les produits. En réalité, ceux qui achètent ou vendent les denrées forment un oligopole. Ils achètent et vendent au même endroit, sauf lorsque les agriculteurs se sont regroupés et qu'ils bénéficient de la gestion de l'offre. Les résultats sont très clairs.

Il y a un autre point qu'il faut, à mon avis, établir clairement. Bien des gens parlent d'Adam Smith, de libre marché et ainsi de suite. Ils ont oublié ou n'ont peut-être jamais su qu'Adam Smith a aussi parlé de l'intérêt public. Or, dans l'intérêt public, lorsqu'il y a déséquilibre des pouvoirs, on intervient pour rétablir celui-ci par le biais d'une répartition plus équitable.

Examinons tout le programme qui s'appelle ACRA ou je ne sais trop quoi. Vous n'avez absolument rien eu à voir avec ce programme. Ce sont des fonctionnaires qui l'ont mis au point. Or, ces fonctionnaires défendent certaines valeurs, et ces valeurs visent à éliminer le plus grand nombre de producteurs possible et à modifier ou à transférer la capacité de production qu'ils n'exploitent pas—parce qu'ils ne sont plus productifs—aux sociétés multinationales actuellement en train de s'implanter rapidement dans ce nouveau milieu déréglementé qui était censé être si avantageux pour les agriculteurs. Malheureusement, la plupart ou bon nombre des agriculteurs ont cru cela. Heureusement, ils se rendent maintenant compte que cette orientation n'était pas dans leur intérêt.

Cela me révolte d'entendre des agriculteurs ou des politiciens dire que, pour résoudre ce dilemme, il suffit de réduire les impôts. Chers amis, si l'on réduisait vos salaires, combien de services pourriez-vous acheter? Ce qu'il faut se demander, c'est qui bénéficierait d'une réduction des impôts. Les gens ordinaires? Ceux de la classe moyenne? Non, ce sont les gens très riches qui en bénéficieraient. Si l'on veut de l'argent, tournons-nous vers eux. Ils en ont énormément.

Combien de minutes me reste-il?

Le président: Il vous reste environ 45 secondes.

M. Roy Atkinson: Quarante-cinq secondes? Eh bien, nous faisons face à une crise, et des gens sont en cause. Cette crise met en cause un système de valeurs dont on parle toujours, mais qui n'est jamais pris en considération ni mis en oeuvre. Quant à l'ACRA, il faut supprimer ce programme.

La chose la plus importante que nous pouvons faire pour l'instant, c'est protéger les lignes secondaires. Emmett Hall nous a donné une tableau de toutes les lignes secondaires. Une ligne secondaire ne peut, à elle seule, soutenir la pression des sociétés ferroviaires. L'idée de concurrence entre les sociétés ferroviaires est un mythe. Cette idée n'a jamais été fondée et elle ne le sera jamais.

Nous devons donc réfléchir aux erreurs que nous avons faites et les corriger.

Le président: Je vous remercie infiniment, monsieur Atkinson.

M. Roy Atkinson: Puis-je ajouter quelque chose?

Aucun silo-élévateur dont la destruction est prévue ne devrait être éliminé avant que nous ayons élaboré un plan, car en réalité, ce sont les collectivités et leurs agriculteurs qui ont fait les frais de l'inefficacité des exploitants de silos-élévateurs et des sociétés ferroviaires.

Merci.

• 1120

Le président: Allez-y, Ray.

M. Ray Bashutsky (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, membres du comité. C'est difficile de prendre la parole après Roy Atkinson, mais je vais essayer, et je vais ajouter d'autres éléments au témoignage de Roy.

Je vais d'abord parler du transport ferroviaire. Je ne connais peut-être pas dans ses moindres détails la question du transport ferroviaire, mais j'ai quelques questions fort simples à poser. Je paie 39 $ la tonne pour expédier mon grain de Wynyard, en Saskatchewan, jusqu'à Vancouver, mais si je produisais de la potasse, le transport de ce produit me coûterait 29 $ la tonne. Je veux simplement savoir ce qui explique cette différence de 10$ la tonne. Qui négocie pour nous? Ma question est bien simple. Ce qui coûte le plus cher à mon exploitation agricole, c'est le transport. Je perds 10 $ la tonne, comme, j'imagine, tous les agriculteurs de ma province et de l'ouest du Canada.

Le deuxième point dont je veux parler—je vais essayer d'aborder le plus de sujets possible, alors suivez-moi bien—c'est toute la question de l'ACRA. Les fonctionnaires nous disent que 100 millions de dollars ont déjà été versés en Saskatchewan. J'ai fait de petits sondages. J'ai parlé à des comptables. Tous les comptables auxquels j'ai parlé, sans exception, ceux qui remplissent pour les agriculteurs les formulaires de demande d'aide aux termes de l'ACRA, m'ont dit que le montant moyen qu'ils obtiennent pour les agriculteurs se situe entre 3 000 $ et 4 000 $. Le gouvernement fédéral prétend que le montant moyen qui est versé est de 10 300 $. Est-ce à dire qu'il y a une dizaine d'agriculteurs qui reçoivent un million de dollars chacun? Je ne me suis pas entretenu avec tous les comptables de la province, mais ceux auxquels j'ai parlé me disent que c'est là où nous en sommes.

Je voudrais aussi vous parler des réunions que j'organise en milieu rural pour échanger avec des agriculteurs. L'impression qui se dégage de ces rencontres, c'est que la moitié des agriculteurs que nous rencontrons sont prêts à faire quelque chose de grave. L'autre moitié des agriculteurs disent qu'ils se contenteront de prendre tous les moyens légaux à leur disposition. Mais les autres sont prêts à recourir aux grands moyens. Le niveau de frustration est déjà élevé: ou bien les agriculteurs sont apathiques et ont perdu tout espoir, ou bien ils sont prêts à tout. Je suis certain que si je demandais au groupe de personnes derrière moi, 50 p. 100 d'entre elles diraient que des changements profonds s'imposent et qu'ils s'imposent immédiatement.

Je viens d'une localité qui s'appelle Wynyard et qui est située à une centaine de milles au nord d'ici. Nous avons eu la chance d'avoir d'excellentes récoltes ces dernières années. Mon exploitation agricole a probablement produit des récoltes de 30 p. 100 supérieures à la moyenne depuis deux ans. Cette année, je vais afficher des pertes de 27 $ l'acre. Je suis un agriculteur efficace. Je suis aussi efficace qu'on peut l'être et je n'ai pas honte de le dire. Je vais toutefois afficher des recettes finales négatives.

Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

Le président: Une minute.

M. Ray Bashutsky: Il me reste une minute, d'accord.

Que faire à court terme? Il faut de l'argent pour ces agriculteurs. La coalition provinciale demande un milliard de dollars. C'est très bien; cela équivaut à la perte découlant des subventions que les Européens et les Américains versent à leurs agriculteurs. Mais nous persistons à dire que cela va plus loin que cela. Actuellement, les agriculteurs subissent des pertes liées à la valeur nette de leur matériel et de leur terre. Tout agriculteur forcé de vendre sa terre obtiendrait probablement 30 p. 100 de moins pour sa propriété. C'est une perte qui ne paraît pas encore dans les chiffres.

En terminant, je veux simplement rappeler que, l'an dernier, les six grandes banques canadiennes ont réalisé des bénéfices de sept milliards de dollars. C'est dix milliards de dollars de plus que les bénéfices que les agriculteurs de la Saskatchewan ont réalisés l'an dernier.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bishoff.

M. Ron Bishoff (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.

• 1125

Je vais vous exposer très brièvement ma situation. Ma femme travaille à l'extérieur de notre exploitation agricole depuis environ neuf ans. Elle ne le fait pas pour que nous puissions nous payer des vacances à Las Vegas ou à Hawaï ou acheter un nouveau camion, une nouvelle voiture ou des objets de luxe pour la maison. Elle le fait pour que nous puissions seulement rester à flot et avoir de quoi subsister. C'est uniquement pour cela qu'elle le fait. Elle aime son travail, mais croyez-moi, elle le fait simplement comme un travail d'appoint, pour compléter notre revenu agricole.

Je voulais revenir rapidement sur un point que le président a soulevé lorsqu'il a dit qu'il n'arrive pas à comprendre pourquoi le désastre agricole dont nous sommes actuellement victimes ne satisfait pas aux critères du programme fédéral national en cas de catastrophes, alors que celui qui est survenu au Manitoba y satisfaisait. Je pense qu'on a oublié un facteur en l'occurrence et que la situation revêt malheureusement un caractère très politique. Ce facteur, c'est le fait que les événements au Manitoba se sont produits pendant une campagne électorale fédérale. Je pense que c'est pour cela qu'on est venu en aide aux Manitobains par le biais du programme national en cas de catastrophes. Comprenez-moi bien; je ne dis pas que les Manitobains n'auraient pas dû obtenir de l'aide. Ils avaient besoin de cette aide. Il en est toutefois de même des gens du sud-est de la Saskatchewan, du sud du Manitoba cette année et de tous deux du nord-ouest de la province qui sont victimes de graves sécheresses depuis de nombreuses années.

Monsieur Gary—je n'essaierai même pas de prononcer votre nom de famille—j'en suis presque venu à penser que vous aviez volé mon discours. Vous avez dit à peu près mot pour mot ce que je voulais mentionner.

Les agriculteurs sont d'éternels optimistes. Peu importe ce qui s'est produit dans le passé ou ce qui leur est arrivé, ils parlent toujours de la prochaine campagne agricole: Nous allons faire cela l'an prochain; nous n'avons pas réussi cette année, mais ce sera pour l'an prochain. Croyez-moi, messieurs, il n'est plus question de compter sur les prochaines années. Nous n'avons plus de temps devant nous. Il n'y a plus de lumière au bout du tunnel et, sans lumière, il n'y a plus d'espoir. Or, quand il n'y a plus d'espoir, on fait face au désespoir. Voilà ce que vivent actuellement la majorité des agriculteurs de la Saskatchewan et de l'ouest du Canada. Ils sont complètement désespérés. À moins qu'on modifie radicalement notre ligne de conduite, ce désespoir va créer de graves problèmes. On en a déjà parlé ici.

L'autre jour, j'ai entendu dire que le gouvernement fédéral a mis en oeuvre un nouveau programme de médiation pour régler le problème de l'endettement dans le secteur agricole et qu'il a formé bien des gens pour s'occuper de ce programme. On déplorait le fait que les agriculteurs ne se prévalent pas de ce programme, ce qui pourrait vouloir dire qu'il n'y a pas de crise dans le secteur agricole puisque les agriculteurs ne demandent pas d'aide en matière de médiation. Je vais vous expliquer en quoi le processus de médiation actuel diffère de celui qui existait auparavant.

Il y a plusieurs années, lorsqu'on a instauré le processus de médiation relatif à la dette, les agriculteurs croyaient encore pouvoir voir la lumière au bout du tunnel. Ils voulaient continuer de pratiquer l'agriculture et ils cherchaient des moyens d'y parvenir. De nos jours, messieurs, la situation est différente. Il n'y a plus de lumière au bout du tunnel et, si les agriculteurs ne font plus appel à la médiation, c'est parce que ce n'est pas nécessaire pour abandonner l'agriculture au plus vite. C'est ce qui se produit maintenant: les gens en très graves difficultés envisagent de quitter l'agriculture. Ils n'ont aucun espoir et ne cherchent pas de moyens de rester dans ce secteur. Ils veulent tout quitter.

Le ministre fédéral de l'Agriculture, M. Vanclief, a fait une déclaration, mais malheureusement, je ne trouve pas l'article à ce sujet. Il s'agit d'un article qui a été publié à la une du Western Producer, en octobre, je crois. Ce que le ministre disait essentiellement dans cet article, c'est qu'on gaspillerait de l'argent en aidant financièrement des agriculteurs qui, de toute façon, vont déclarer faillite dans quelques années.

À mon avis, à moins que le gouvernement fédéral ne modifie son approche à l'égard de l'agriculture, et j'entends par là qu'il intervienne par rapport aux subventions agricoles en nous versant une aide équivalente au montant des subventions que les Européens et les Américains accordent à leurs agriculteurs et auxquelles nous faisons face sur la scène internationale, dans quelques années, tous les agriculteurs auront été acculés à la faillite. Nous ne pouvons tout simplement plus soutenir la concurrence à l'échelle mondiale.

Une de mes inquiétudes, c'est que je pense que le ministre laisse entendre qu'on se débarrassait ainsi des agriculteurs inefficaces ou de ceux qui sont de mauvais gestionnaires. Paradoxalement, je me souviens de l'époque où Otto Lang avait laissé entendre qu'un tiers des agriculteurs devaient abandonner l'agriculture parce qu'ils étaient inefficaces, parce qu'ils étaient de piètres gestionnaires. Je me demande jusqu'où il faut aller—et croyez-moi, le tiers des agriculteurs en question a bel et bien quitté le secteur de l'agriculture et je ne sais pas trop combien d'autres ont fait de même depuis—jusqu'où faut-il aller pour arriver à ce noyau d'agriculteurs qui sont efficaces et qui sont de bons gestionnaires. Je pense que ce genre d'agriculteur n'existe pas. Honnêtement, je pense qu'il n'existe pas d'agriculteur pouvant satisfaire aux critères fixés par le ministre fédéral de l'Agriculture.

• 1130

Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Bishoff.

M. Ron Bishoff: Je veux simplement ajouter...

Le président: Vous pouvez continuer aussi longtemps que vous voulez. Cela signifie simplement que quelqu'un d'autre sera perdant.

M. Ron Bishoff: Je déteste empiéter sur le temps de quelqu'un d'autre, mais je veux faire une observation très succincte.

Quand on propose un programme, même un programme d'injection de fonds à court terme—et il serait préférable d'établir un programme de protection du revenu à long terme dans le secteur agricole—je pense qu'il est absolument ridicule de proposer comme montant de base 70 p. 100 de la moyenne des cinq dernières années, quand on sait que la majorité d'entre nous produit nettement en deçà de ses coûts de production depuis bon nombre d'années.

Des voix: Bravo!

M. Ron Bishoff: Je rappelle que ma femme travaille à l'extérieur depuis neuf ans.

Je veux faire une brève analogie; cette situation ressemble à celle d'un homme qui est dans un lac et qui, à l'occasion, réussit à remonter suffisamment à la surface pour prendre une bouffée d'air frais. Supposons qu'il se trouve dans un lac de dix pieds de profondeur. Si l'on propose qu'en cas de catastrophe, il ait droit à 70 p. 100 de la moyenne de ses cinq dernières années, cela le place à trois pieds sous la surface. Je crains fort que cela ne règle pas son problème.

Je vous remercie infiniment, messieurs.

Des voix: Bravo!

Le président: Monsieur Gleim.

M. Ron Gleim (témoignage à titre personnel): Merci.

Je me réjouis que vous ayez réussi à venir en Saskatchewan. C'est dommage que vous n'ayez pu venir ici en empruntant des modes de transport terrestre. Comme d'autres l'ont dit, vous auriez constaté l'état des routes.

J'assume aussi la présidence de la Western Rail Coalition, et nous voulons favoriser la concurrence dans le secteur ferroviaire en encourageant les lignes de chemin de fer sur courte distance dans l'ouest du Canada.

Je pratique l'agriculture avec ma femme et mon fils de 20 ans. J'ai deux filles qui sont encore aux études. Nous travaillons tous, mais ma femme est la seule qui est rétribuée. Elle reste à la maison et s'occupe de la gestion de l'exploitation agricole afin que je puisse faire d'autres travaux à l'extérieur. Elle n'est pas rémunérée beaucoup; elle reçoit d'autres avantages dont je ne peux même pas parler.

Des voix: Oh, oh!

M. Ron Gleim: Quoi qu'il en soit, je voudrais vous lire l'ordre du jour. Il est ainsi libellé: «Étude de l'efficacité des filets de sécurité et autres initiatives nationales à long terme»—et voici le segment important—«visant à assurer la stabilité et l'environnement nécessaires à une croissance stable de l'industrie agricole.»

Je pense pouvoir dire que le fait d'être propriétaire est synonyme de stabilité. Nous ne sommes pas propriétaires des chemins de fer ni des silos-élévateurs; nos terres et notre matériel perdent de la valeur. Quant à nous, nous perdons aussi l'espoir.

La semaine dernière, à Winnipeg, j'ai fait un exposé devant les membres de Fields on Wheels. Je veux expliquer deux initiatives dont nous avons parlé et qui peuvent rapporter annuellement un demi-milliard de dollars aux producteurs si on leur donne un certain pouvoir sur leur destinée.

Au XXIe siècle, les producteurs devront participer à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, depuis l'entreposage à la ferme jusqu'au produit à valeur ajoutée dans le pays importateur. À mon avis, c'est la seule façon pour les agriculteurs de réussir à tirer des avantages des denrées qu'ils produisent et qu'ils vendent.

L'avenir réside dans la nouvelle technologie et c'est de cela dont je veux parler. L'avenir réside dans une infrastructure peu coûteuse et dans la concurrence créée par les producteurs. C'est la seule véritable concurrence que nous allons voir dans notre industrie.

Le logiciel dont je veux parler n'est pas très compliqué. Les entreprises céréalières l'utilisent actuellement. Il y a un projet pilote qui est en cours dans l'ouest de la Saskatchewan présentement. Je sais que M. Sheppard a fait allusion à certaines personnes qui travaillent actuellement sur un embranchement.

Tout commence au lieu d'entreposage à la ferme. L'employé ou l'agent de la Commission canadienne du blé examine le silo afin d'identifier le stock, le type de grain, la catégorie, la teneur protéinique, les criblures et autres informations pertinentes. Toutes ces données sont entrées dans un ordinateur avec celles de milliers d'autres producteurs, et je veux vous expliquer les économies qu'on peut réaliser au bout du compte si l'on donne aux producteurs cette possibilité.

Une fois que toutes les données sur les stocks sont entrées dans l'ordinateur, on connaît exactement la qualité et la quantité de céréales qui sont entreposées dans les silos des agriculteurs. Ensuite, lorsque la Commission canadienne du blé fait une vente, l'ordinateur indique la provenance du grain, le genre de grain dont il est question et la façon dont il sera mélangé pour satisfaire aux exigences. Le grain est ensuite transporté et mélangé comme il se doit. Je le répète, ce n'est pas très compliqué.

C'est le producteur qui bénéficie de tous les avantages. Je vais parler de ceux-ci dans un instant. Cette technologie est déjà utilisée dans les silos-élévateurs de nos jours, et la nouvelle technologie actuellement mise au point par les producteurs et la Commission du blé coûtera beaucoup moins cher que les silos-élévateurs qui existent actuellement.

La nouvelle technologie du XXIe siècle pourrait fort bien rendre désuets dans l'avenir bon nombre des silos-élévateurs coûteux. La nouvelle technologie peut être amenée à chaque exploitation agricole et à chaque silo-élévateur. Le producteur est payé d'entrée de jeu et il n'a pas à déduire les coûts des sociétés ferroviaires et des sociétés céréalières. C'est cela qui est important.

Les producteurs devraient être propriétaires d'une bonne partie de leurs installations et ils vont le devenir. Ils vont être propriétaires d'installations situées le long d'embranchements, ce qui va créer dans le système une concurrence fort nécessaire. Ce ne sont pas tous les producteurs qui auront recours aux embranchements, tout comme ce ne sont pas tous les producteurs qui utilisent les silos-élévateurs, mais on devrait permettre leur coexistence afin que les producteurs puissent créer une concurrence tout en protégeant leurs investissements. L'idée, c'est de créer une concurrence et de protéger les investissements. Il n'y aura de véritable concurrence que lorsque les producteurs seront propriétaires d'une partie du réseau et qu'ils contrôleront une partie de celui-ci. Le fait d'être propriétaire est important.

• 1135

Dans toute leur démarche, MM. Kroeger et Estey n'ont pas tenu compte des initiatives et des idées des producteurs, et je pense que c'est cela qui va mener à l'échec du système.

Je veux parler un peu plus de cette nouvelle technologie. Cela ne devrait prendre que deux minutes. Si vous voulez noter certains chiffres, ayez vos crayons en main.

De nos jours, il existe pour les entreprises céréalières une foule de possibilités concernant le mélange ou les services que les silos-élévateurs accomplissent pour elles. Il faut compter un dollar pour cela, et un autre dollar pour l'ajout de protéines. Les recettes d'entreposage sont de 2,85 $. Les droits d'ensilage sont de 9 $. Il faut prévoir 3,77 $ pour la perte de masse, les criblures et la vente du petit blé. Les remises concernant l'efficacité ferroviaire sont de 3 $ à 5 $. Il faut aussi tenir compte des primes des silos-élévateurs, des recettes liées à la promotion du grain, des recettes de copropriété ainsi que du séchage et du mélange du grain. À Winnipeg, je me suis enquis du montant en cause. Des représentants de toutes les entreprises céréalières étaient présents, mais personne n'a voulu me dire à combien cela s'élèverait. Quoi qu'il en soit, il y a aussi les frais de douanes et les autres frais routiers qui représentent de 2 $ à 3 $ supplémentaires. Les frais de camionnage équivalent à 3 $ de plus. Tous ces frais les rendent maîtres de la situation. Cela équivaut à environ 26 $ la tonne, et les gains de productivité sont ensuite partagés. L'agriculteur tend la main à l'entreprise céréalière et à la société ferroviaire et leur demande ce qu'elles partageront avec lui.

Grâce à cette nouvelle technologie, la Commission du blé peut acheter le grain directement à la ferme, il est possible d'exploiter une ligne ferroviaire sur courtes distances et l'on paie le producteur qui entrepose le grain à sa ferme. Cela représente 2,85 $. On réduit ses droits d'ensilage de 5 $ ou 9 $ si on s'occupe de tout soi-même. À la West Central Road and Rail, ces coûts sont réduits de 9 $. On procède au mélange pour le producteur. Cette opération coûte 1 $, et l'ajout de protéines coûte aussi 1 $. La perte de masse et les criblures, avec le nettoyage et la vente du petit blé équivalent à 3,77 $. Les coûts d'entretien routier baissent de 2 $, passant à 5 $ la tonne. Les frais de camionnage baissent de 3 $ la tonne. Quant aux remises concernant l'efficacité ferroviaire, elles sont les mêmes et se situent entre 3 $ et 5 $ la tonne. De plus, les entreprises qui appartiennent à des intérêts locaux créeront des emplois dans la localité.

Tout cela représente entre 21,62 $ et 28,68 $ la tonne. Il s'agit de 58 à 78 cents le boisseau que les agriculteurs peuvent économiser sans avoir à faire appel à une société ferroviaire ou à une entreprise céréalière. Si l'on applique ce calcul à plus de la moitié des 15 millions de tonnes qui sont vendues, la somme atteint entre 300 et 400 millions de dollars par année, et c'est quelque chose que le gouvernement peut aider les producteurs à réaliser au sein de leur exploitation agricole.

Le dernier point que je voudrais aborder concerne les intrants dont on vient de parler. Nous avons discuté du coût des intrants avec différents professeurs du Manitoba, de la Saskatchewan et d'ailleurs aux États-Unis. Si une entreprise pouvait acheter des engrais de la Russie, de la Floride ou d'ailleurs et payer comptant pour en acheter un chargement de train ou de bateau complet, nous pourrions probablement réduire nos coûts de 20 p. 100. Nous avons besoin d'une immense coopérative qui soit gérée par les producteurs, une coopérative qui leur appartienne et qui puisse acheter des centaines de millions de dollars d'un produit d'un seul coup. Si l'on contracte à cette fin un prêt destiné aux améliorations agricoles assorti d'un taux d'intérêt de 5 p. 100 plus 1 p. 100, on pourrait réduire le coût de nos intrants de 10 à 20 p. 100, ce qui doublerait notre salaire réel net de 1995.

Je pense que ce sont là deux mesures positives que le gouvernement pourrait nous aider à mettre en oeuvre, mais c'est un projet à long terme. À court terme, il nous faut de l'argent.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Je vous remercie.

Je pense que nous ne pourrons entendre que trois autres témoins après M. Wright. Messieurs Farr, Giblett et Harrison, préparez-vous.

Monsieur Wright, vous avez la parole.

M. Richard Wright (témoignage à titre personnel): J'essaierai d'être bref.

Je m'appelle Richard Wright et je suis éleveur de porcs. J'élève des porcs depuis plus de 25 ans, et depuis une dizaine d'années, j'aide beaucoup les collectivités de l'ouest du Canada et je travaille avec elles afin de mettre en place de grandes entreprises d'élevage porcin capables de leur donner un nouveau souffle.

Un des points que je tiens à porter à l'attention de tous, c'est le fait que, s'il est vrai que les prix sont bas depuis longtemps dans le domaine de la céréaliculture, les éleveurs de porcs ont aussi été victimes de prix que je qualifierais d'extrêmement désastreux depuis deux ans. Je voudrais donc faire une brève récapitulation des faits et vous fournir quelques renseignements concernant les points que j'ai soulevés.

À la suite de la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau survenue il y a quelques années et du déclin des localités rurales partout dans l'ouest du Canada, bien des gens ont examiné des solutions de rechange et des activités destinées à soutenir leur collectivité. Ils ont examiné diverses activités agricoles misant toutes sur la valeur ajoutée à des denrées primaires produites à partir des champs de céréales existants. L'élevage de porcs était au nombre de ces activités.

• 1140

Il ne fait aucun doute que l'élevage de porcs et d'autre bétail dans l'ouest du Canada comporte des avantages fondamentaux très importants. Il y a des avantages fondamentaux qui subsisteront pendant très longtemps.

De nos jours, il est impossible de se lancer dans l'élevage porcin et d'espérer survivre avec 20, 50, 200 truies ou même avec une porcherie autonome de 600 ou 1 200 truies. Il faut faire partie d'un réseau qui produit suffisamment de porcs pour nous permettre d'être concurrentiel. Dans de nombreuses localités de l'ouest du Canada, pour pouvoir réunir les fonds nécessaires à pareil projet, les gens ont mis en commun leurs capitaux afin de pouvoir disposer d'une valeur nette réelle leur permettant d'obtenir le reste du financement nécessaire à l'établissement de l'entreprise porcine.

Je suis au courant de nombreux projets dans le cadre desquels plus d'une centaine de personnes ont mis en commun 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ chacune pour pouvoir disposer d'une valeur nette réelle suffisante pour rendre possible l'établissement d'une entreprise d'élevage porcin dans leur collectivité. Il s'en est suivi d'excellents avantages, la création de centaines d'emplois, la création d'un marché local pour des millions de boisseaux de grain fourrager—débouché très important pour les céréaliculteurs—et la création d'une importante activité économique dans de petites localités. À mon avis, nous venons tout juste de nous lancer dans cette sphère d'activités, mais nous devons aller beaucoup plus loin.

Puisqu'il est question de la baisse des prix, j'ai distribué un document d'information sur l'industrie de l'élevage porcin des années à venir et sur certains de ses problèmes. J'ai des copies supplémentaires si quelqu'un en veut. En annexe de mon document, il y a un graphique que je voudrais que vous regardiez. À l'aide de ce graphique, je veux expliquer la situation catastrophique des prix dans le secteur de l'élevage porcin.

Le graphique montre les coûts de production des deux dernières années ainsi que les prix. En gros, les prix du porc sont inférieurs aux coûts de production depuis plus de deux ans. Il y a un an, tous les journaux faisaient état de prix si bas sur le marché qu'ils ne couvraient même pas le coût du grain fourrager des producteurs. C'était un désastre.

Le programme ACRA a vu le jour à peu près à cette époque-là. Les difficultés de l'industrie porcine ont peut-être contribué à la mise en place du programme, mais il reste que de nombreux projets et bien des grandes entreprises porcines de l'ouest du Canada, notamment celles qui appartiennent à un groupe de cinquante à cent personnes, n'ont obtenu aucune aide aux termes de l'ACRA. Les règles d'admissibilité au programme sont telles qu'elles excluent l'aide à tout propriétaire détenant moins de 10 p. 100 des intérêts dans une entreprise.

Les gens de l'ouest du Canada, généralement des agriculteurs et des gens d'affaires de petites localités, ont réagi à l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau. Ils ont mis leurs fonds en commun et ont élaboré un plan prévoyant la construction de porcheries et d'autres entreprises à valeur ajoutée. Le marché leur a été très défavorable depuis deux ans. Je ne mentionnerai pas toutes les raisons expliquant des prix aussi catastrophiques, parce que je crois qu'elles sont bien connues et parce qu'elles sont décrites dans mon document. La confiance de ces gens-là a été terriblement ébranlée vu les répercussions des pertes qu'ils ont subies.

Je vais vous donner l'exemple d'une entreprise que je connais et qui a commencé à vendre des porcs en janvier 1998. C'est une entreprise très efficace, mais elle n'a jamais réalisé de bénéfices. Après 19 mois de vente, elle affiche actuellement un déficit d'un million de dollars. Quand on examine son histoire, on constate que l'industrie porcine est habituée aux fluctuations de prix. Nous sommes habitués à une baisse des prix tous les quatre ans et nous avons appris à composer avec elle. Mais même pendant la période où les prix ont été les plus bas au cours des cinquante dernières années, une entreprise comme celle dont il est ici question n'aurait jamais enregistré un déficit de plus de 150 000 $. À la suite de l'expérience des deux dernières années, le déficit des bénéfices non répartis est actuellement huit fois pire qu'il ne l'était normalement quand les gens se lançaient dans pareille entreprise.

J'aimerais beaucoup que votre groupe se penche sur la situation dans l'industrie porcine. Compte tenu de tous les autres facteurs, nous avons certainement besoin du secteur de la céréaliculture. Nous estimons que notre industrie est un complément extraordinaire du secteur céréalier de l'ouest du Canada. Nous avons toutefois un problème. La confiance des investisseurs a été ébranlée, et l'industrie porcine ne connaîtra pas une expansion comme celle que je souhaiterais à moins qu'elle n'obtienne de l'aide par le biais de l'ACRA, et peut-être aussi par l'entremise du CSRN, qui garantirait une stabilité à long terme—l'ACRA fournirait une aide à court terme, et le CSRN en fournirait une à long terme. Faisons toutefois en sorte que les règles du jeu soient équitables. Faisons en sorte que tous ceux qui font partie de l'industrie et qui devraient être admissibles obtiennent l'aide qu'ils méritent.

Des voix: Bravo!

• 1145

Le président: Je vous remercie.

Le temps est écoulé. Je suis désolé, Roy. Je veux entendre...

M. Roy Atkinson: Je veux répondre à une des questions concernant les secteurs de compétence. En vertu de l'article 92 de la Constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, les responsabilités fédérales sont clairement définies: le commerce interprovincial, les affaires internationales. Le même article définit aussi clairement les responsabilités des provinces: les provinces sont responsables de la production agricole. Par conséquent, dans le cas présent, aux termes de la Constitution, le gouvernement fédéral a purement et simplement une responsabilité à assumer.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre MM. Farr, Giblett et Harrison. Nous allons procéder par ordre alphabétique, si bien que nous allons commencer avec vous, monsieur Farr. Si nous voulons finir à midi, vous disposez d'environ quatre minutes chacun.

M. Barry Farr (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je vous remercie d'être ici et de prendre le temps de nous écouter.

Je ne m'attarderai pas sur ma situation personnelle. J'ai deux fils qui, eux, en ont trois; ils sont en bas âge. Si je tiens compte de mon petit-fils de quatre ans qui s'appelle Brody et qui manoeuvre une moissonneuse-batteuse munie d'un organe de coupe de 36 pieds, nous exploitons notre ferme depuis cinq générations.

J'essaie de convaincre mes fils, qui sont très découragés, que leurs trois garçons devraient s'en aller. Nous cultivons 12 000 acres. Nous faisons du transport par camion dans toute l'Amérique du Nord. Nous avons 14 camions sur les routes et nous exploitons deux établissements de vente au détail de produits chimiques et de fertilisants.

Je tenais à vous dire que nous éprouvons des difficultés—comme vous devez déjà le savoir—mais que c'est uniquement parce que quelqu'un d'autre a notre argent. Je fais allusion aux multinationales qui viennent établir d'énormes installations au Canada. Je suis un entrepreneur libre, ce qui ne me cause aucun problème, mais j'aimerais que ces multinationales utilisent leur propre argent.

Je n'ai jamais préconisé l'élimination de la Commission canadienne du blé. Je suis l'un de ceux qui ont formé le groupe Farmers for Justice et, chaque fois qu'il est question de la Commission canadienne du blé, je me retire de la discussion. Je revendique toujours la liberté des échanges. Si nous étions libres de commercialiser nos produits au Canada, je crois fermement que nous n'aurions pas à demander l'aide du gouvernement fédéral ou des provinces. Tout irait de soi. Plutôt que de vendre notre blé 2 $, 2,50 $ ou 3 $, nous le vendrions le prix qu'il vaut sur le marché. Quelqu'un d'autre touche 2 $ ou 2,50 $.

Quand nous avons commercialisé nous-mêmes notre blé, et ce n'était le meilleur moment, nous en avons acheminé une grande quantité et nous avons obtenu environ 8,37 $ le boisseau. Cette année-là, quand le paiement final a été versé par la Commission canadienne du blé, nous étions sous la barre de 5 $.

Au cours d'une réunion de la Commission du blé tenue à Lumsden, au début de janvier, j'ai voulu interroger les membres présents, dont le commissaire en chef... Ils disaient qu'il en avait coûté 5 c. le boisseau pour commercialiser notre grain par la Commission canadienne du blé. J'ai écouté pendant une heure et demie leurs affirmations, qu'ils appuyaient notamment de tableaux, puis j'ai demandé la parole. Comme Lorne et moi nous connaissons bien, j'ai dit: «Lorne, où est le 3,30 $ le boisseau qui me revient?» C'est alors qu'on a décidé de servir du café et des beignes, et la séance n'a jamais repris.

Je change maintenant de sujet. À la fin d'août, un sénateur, un des bons sénateurs—et il y en a plusieurs dans notre beau pays—m'a téléphoné, probablement parce que mon nom est facile à prononcer. Je n'avais jamais rencontré cet homme qui m'a invité à aller le voir pour discuter de l'avenir de l'agriculture dans l'Ouest, qui le préoccupait beaucoup. Je lui ai donc rendu visite—je ne vais pas dire de qui il s'agit—et nous avons discuté pendant tout un après-midi.

• 1150

Il m'a dit que des sénateurs devaient se réunir à Calgary, les 14, 15 et 16 septembre suivants. Il m'a affirmé que les sénateurs en question avaient obtenu des données montrant que les États-Unis avaient subventionné leurs agriculteurs à hauteur de 72 milliards de dollars. Il a déclaré que, pour être sur un pied d'égalité avec les Américains, il nous fallait 10 p. 100 de ce montant, soit environ 7 milliards de dollars.

Il a ajouté que les sénateurs se rendaient bien compte que ce n'était pas le problème d'une seule année et que la situation remontait à trois ou quatre ans. J'en ai convenu. Il a donc dit: «Un montant de 14 milliards de dollars est disponible à cette fin à Ottawa, mais nous ne voulons pas le diviser. À la réunion de Calgary, nous allons donc proposer d'affecter 10 milliards de dollars à l'agriculture.» Il avait des données qu'il nous demandait de diffuser partout en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, en nous servant de nos liens avec le groupe Farmers for Justice. Nous avons accepté de le faire.

Tout comme Len Gustafson—qui était ici, mais qui est peut-être parti—je peux confirmer que la réunion a eu lieu à Calgary, les 14, 15 et 16 septembre 1999. Rien n'a jamais transpiré de cette réunion. À la miniconférence de la SARM tenue à Regina en octobre, j'ai demandé à Len Gustafson de nous fournir des documents à cet égard. Il m'a dit ce matin qu'il les avait envoyés à Brenda Bakken, notre représentante au sein de notre nouveau gouvernement provincial. Les documents sont ici et je vais les avoir.

Le président: Monsieur Farr, vous empiétez sur le temps de parole des autres.

M. Barry Farr: Accordez-moi encore une seconde.

Je voudrais simplement dire que le montant de un milliard de dollars qui a été demandé par la province et le 80 $ l'acre, montant qui est passé à 3,4 milliards de dollars selon un autre groupe qui a comparu devant vous,—je tiens vraiment à ce que vous le sachiez—ce montant semble considérable, mais il ne comblera pas les lacunes d'un programme, parce que la facture ne cesse de grimper. Que le montant soit de un milliard de dollars ou de 3,4 milliards de dollars, montant qui n'a jamais été demandé, c'est impossible en deçà de 80 $ l'acre... La solution est insuffisante pour tout agriculteur qui cultive plus de 1 500 acres.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Giblett.

M. William Giblett (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je profite de l'occasion pour vous remercier, vous et les membres du Comité de l'agriculture, de nous avoir reçus aujourd'hui.

Je suis Bill Giblett. J'exploite une ferme avec mon fils, à Bengough. Mon fils travaille aujourd'hui, parce qu'il doit occuper un emploi à l'extérieur de la ferme. Le problème est tellement grave que nous avons jugé souhaitable que des gens de la base viennent témoigner devant votre comité.

La crise en Saskatchewan va prendre les proportions d'un virus socio-économique, si l'on me permet le terme, et s'étendre au pays tout entier. Nous le déplorons. Dans l'Ouest, on pense en général que l'industrie céréalière va s'effondrer comme un château de cartes. Selon le ministère Agriculture and Food de la Saskatchewan, 40 p. 100 de l'économie est directement liée à l'industrie agricole. C'est un gros château de cartes.

En l'an 2000, le revenu net réalisé devrait être inférieur à 50 p. 100 de la moyenne de 1993-1997. L'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau pour plaire à l'Organisation mondiale du Commerce, l'abandon des lignes de chemins de fer, les fermetures de silos et le coût élevé des approvisionnements pour les récoltes se sont tous faits sans que les agriculteurs aient un mot à dire. L'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau a privé les fermes de la Saskatchewan de 320 millions de dollars par an.

J'ai abrégé ma déclaration, monsieur, et j'invoque votre patience à mon égard.

Les agriculteurs sont des gens compétents. Ce n'est pas eux qui sont à la source des problèmes économiques, mais les guerres de subventions. Nous sommes impuissants face à ces questions. En tant qu'agriculteurs, nous voudrions savoir au juste l'orientation qu'adopte le pays. Nous voulons planifier et diriger un peu notre destinée. Nous voulons préserver le mode de vie que nous avons créé pour nous et pour les générations futures.

• 1155

Je voudrais poser une question. Quel est l'orientation de l'Organisation mondiale du Commerce pour le secteur agricole et, en tant qu'agriculteurs, que pouvons-nous faire pour nous protéger? Les programmes ordinaires peuvent fournir un soutien à court terme, mais ils ne satisfont pas les besoins à long terme. Les agriculteurs ne veulent pas être aux prises avec un cycle de sept ans et obligés de demander l'aide de divers ordres de gouvernement. Ils veulent uniquement un rendement équitable pour de qu'ils se donnent du mal à produire.

Nous avons vraiment besoin de programmes comme l'ACRA, même s'ils sont mauvais, pour nous empêcher de couler. Le programme ACRA n'a pas été conçu pour tous les producteurs; on l'a répété à maintes reprises ici aujourd'hui.

Tous les agriculteurs ici ont besoin d'aide et nous pensons que le programme ACRA est l'objet de manipulations venant des régions, d'un affrontement entre l'Est et l'Ouest.

On tend de plus en plus à se renvoyer la balle—des excuses, toujours des excuses. Certains soutiennent que le tarif de la passe du Nid-de-Corbeau a été éliminé pour faciliter les négociations avec le GATT et l'Organisation mondiale du Commerce. Quel est le résultat? La province dit que c'est un domaine de compétence fédérale et nos homologues fédéraux disent que nous ne sommes pas vraiment mal pris, que les chiffres disent autre chose. Qui est responsable? N'y a-t-il personne qui puisse reconnaître avoir commis une erreur et s'engager à la réparer? Quelqu'un est responsable. Le premier ministre ne dit-il pas qu'il est chargé de diriger le pays? Il n'y a rien dans le discours du Trône qui indique que le gouvernement fédéral reconnaît, voire même comprend, la gravité de la crise que traverse les agriculteurs de l'Ouest à cause de ces guerres de subventions.

Notre niveau de vie a commencé à se détériorer, de même que la qualité de la vie familiale. C'est une industrie où, pour garder la ferme familiale, il faut que des personnes de 70 ans soient aux champs à aider leurs enfants de 40 ans, et où il faut que quelqu'un occupe un emploi à l'extérieur. À l'heure actuelle, dans un rayon de 15 milles autour de la maison, il y a actuellement trois familles qui travaillent uniquement sur leur ferme. Toutes les autres doivent compter sur un revenu provenant d'un emploi à l'extérieur. Sans compter que, dans ces familles, le père, la mère et tous ceux qui ont plus de 15 ans travaillent à l'extérieur de la ferme pour pouvoir faire face aux coûts des approvisionnements. Des enfants de moins de 13 ans tiennent maison, prennent soin des plus jeunes enfants et accomplissent des tâches à l'extérieur. Dans le discours du Trône et dans ses notes de discours, M. Chrétien dit qu'il existe amplement de preuves scientifiques établissant que la réussite dans la tendre enfance est la clé du développement sain à long terme.

Quand la province a ouvert des terres fertiles à l'agriculture, chaque ferme a créé une expérience de 70 à 75 d'années-hommes. Nous assistons aujourd'hui à un exode massif des jeunes vers d'autres pays et d'autres provinces. L'expérience accumulée ne sert à personne quand les gens s'en vont, sans compter qu'ils emportent avec eux les emplois et leur jeunesse. L'expérience est perdue pour les générations futures.

Je raccourcis ma présentation ici, monsieur.

Tous les Canadiens ont droit à la justice. Les offices de commercialisation et certains produits agricoles sont protectionnistes—c'est le cas notamment des produits laitiers. Des agriculteurs spécialisés sont opposés à d'autres agriculteurs spécialisés. Dans l'industrie céréalière, nous devons avoir pleinement la possibilité de toucher un revenu garanti, stabilisé. Les systèmes en place—les transports et les marchés mondiaux, entre autres—sont manifestement inéquitables et discutables. Les producteurs n'en bénéficient jamais. À cause des disparités économiques qui existent dans certains secteurs, les théories compliquées l'emportent sur le bon sens. Quand un agriculteur est contraint de vendre sa ferme, il ne peut vendre ses éléments d'actif comme s'il s'agissait d'une entreprise commerciale. Il dépend d'un agriculteur plus important des environs qui achète ses éléments d'actif.

Comme la Saskatchewan qui est témoin d'une séparation entre ses régions urbaines et rurales, le Canada voit une séparation entre l'Est et l'Ouest. Pourquoi? Est-ce dû à l'aliénation? à l'absence de reconnaissance? aux programmes corporatifs? à l'ignorance?

Les Québécois veulent peut-être la séparation. Ils ont quand même bénéficié d'une reconnaissance nationale au moment de la tempête de verglas, reconnaissance qu'ils méritaient amplement. Les producteurs de l'Ouest ont aussi besoin d'une reconnaissance nationale des injustices dont ils sont victimes aujourd'hui.

En guise de conclusion, je signale que nous devons toujours nous tourner vers Ottawa. De grâce, faites le nécessaire.

Merci.

• 1200

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Giblett. Excusez-moi si j'ai mal prononcé votre nom.

Eh bien, monsieur Harrison, il ne vous reste plus de temps, mais je vais quand même vous accorder cinq minutes. Heureusement, nous avons déjà entendu votre témoignage à Ottawa, de sorte que vous pourriez peut-être le répéter. Bien sûr, nous savons tous que vous représentez la SARM, ou l'association des municipalités rurales de la Saskatchewan.

M. Sinclair Harrison (président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities): Merci, monsieur le président. Merci à votre comité d'être venu en Saskatchewan.

Je voudrais présenter les nouveaux éléments de preuve que j'ai recueillis depuis notre visite à Ottawa, il y a deux semaines. J'apprécie les deux heures et demie que vous avez accordées au KAP, ou Keystone Agricultural Producers, au WRAP, ou Wild Rose Agricultural Producers, et à notre organisation.

Le document déposé vient du parlement des gouvernements locaux, ou de la population canadienne. Vous représentez un ordre de gouvernement au Parlement du Canada et la Fédération canadienne des municipalités en représente un autre; nous n'allons pas tenter de déterminer quel est le plus important de ces deux ordres. Nous sommes tous importants. Nous représentons tous la population.

Le conseil d'administration de la Fédération canadienne des municipalités se réunit quatre fois l'an. Ses membres sont surtout des gens des villes. Ils parlent au nom d'associations comme la nôtre, qui représentent les gouvernements locaux. Ils représentent toutes les villes canadiennes, de Vancouver aux Maritimes.

Quand un de vos membres, Rick Borotsik, était maire de Brandon, il siégeait à ce conseil d'administration et je pense qu'il comprend l'étendue et l'impact de cette organisation.

Une résolution a été déposée devant le parlement des gouvernements locaux la semaine dernière, samedi. Sur les 65 membres du conseil d'administration, cinq d'entre nous défendons des intérêts ruraux, de sorte qu'il nous est difficile de faire adopter une résolution d'ordre rural. D'ailleurs, il est pratiquement impossible de faire adopter à l'unanimité une résolution, peu importe le sujet.

La résolution dont vous êtes saisis demande une aide financière d'urgence à court terme. Il y est également de question de paiements de péréquation commerciale. Il est intéressant de noter aussi que cette résolution fondamentale vient de l'Alberta, où apparemment, il n'y a aucun problème.

Nous avons ajouté un amendement pour renforcer la résolution, mais elle venait du parlement des gouvernements locaux de partout au Canada. Des échevins de Toronto ont parlé en sa faveur, de même que des représentants de toutes les grandes villes. On a mentionné qu'à Toronto, un hommage est rendu à la famille agricole.

La question consiste à déterminer si le Canada urbain est d'accord. Il l'est parfaitement, de sorte qu'il ne faut même plus se le demander. Nous vous demandons de transmettre cette résolution au Parlement. Sam Synard, président de la FCM, se rendra à Ottawa s'il le faut. J'irai moi-même. Il ne faut plus attendre: allez au Trésor, prenez l'argent dont nous avons besoin et rapportez-le dans les Prairies.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Harrison, pour votre message; nous allons certainement le transmettre.

Au nom de tous les membres, je remercie tous ceux qui nous ont présenté ces témoignages extraordinaires.

Je regrette d'avoir pressé tout le monde, mais je dois faire en sorte que le plus grand nombre possible d'agriculteurs se prononcent. Je pense que nous avons accompli du bon travail aujourd'hui. Je remercie tous les participants à l'audience. Nous avons eu un avant-midi fort utile.

Nous devons maintenant prendre l'avion vers Prince Rupert et refaire tout le processus.

Merci. La séance est levée.