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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 avril 1999

• 1534

[Français]

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)): Bonjour, messieurs et mesdames. Je pense que nous sommes les seules dames ici cet après-midi. J'ai le plaisir d'ouvrir la séance du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Comme l'indique notre ordre du jour, aujourd'hui, le mardi 13 avril à 15 h 30, nous entendrons les représentants de l'Institut Fraser et du Congrès du travail du Canada. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procéderons à l'examen des intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création de la ZLEA.

Nous attendons encore un ou deux documents, mais j'ai pris la décision que nous commencerions maintenant puisque tous les témoins sont déjà présents. Les versions nous parviendront un peu plus tard.

Je propose,

[Traduction]

Monsieur Lippert, que vous commenciez avec un exposé de dix minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Nous passerons ensuite au représentant du Congrès de travail du Canada, M. Martin, après quoi, si vous le voulez bien, nous poserons d'autres questions.

• 1535

Monsieur Lippert, vous pouvez commencer.

M. Owen Lippert (directeur, Droits et projets de marché, Institut Fraser): Merci pour cette invitation à comparaître.

Quelques mots au sujet de l'Institut Fraser; nous sommes un organisme de bienfaisance enregistré qui oeuvre dans le domaine de l'éducation. Cette année, nous célébrons notre 25e anniversaire dans ce secteur que nous appelons le «commerce de détail des idées».

Or, une des idées dont l'Institut Fraser s'occupe activement depuis plusieurs années, c'est celle du libre-échange. En fait, si vous venez à Vancouver, nous vous donnerons une cravate où Adam Smith est représenté. Adam Smith, bien sûr, a été le premier à parler de libre-échange, il y a 200 ans, et c'est une idée qui reste toujours très à la mode, certainement dans les milieux économiques.

Cela dit, les négociations sur le libre-échange peuvent être comparées, politiquement, à une visite chez le dentiste. En effet, il n'est pas facile de persuader un pays d'entamer ce processus. La plupart d'entre nous, ici, se souviendront des débats de 1988. Une note personnelle, j'ai participé à ces débats et en même temps je m'étais présenté aux élections. J'ai été battu par Dave Barrett, que vous connaissez probablement, un excellent Canadien avec qui il est très amusant de discuter.

M. Dick Martin (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada; président de l'Association interaméricaine régionale des travailleurs et travailleuses): Vous ne vous présentiez pas comme candidat du NPD, évidemment.

Des voix: Oh, oh!

M. Owen Lippert: Non.

Plus récemment, j'ai suivi de très près l'évolution de la zone de libre-échange des Amériques, et j'en suis venu à la conclusion que la notion de zone de libre-échange des Amériques doit être défendue plus vigoureusement si nous ne voulons pas d'une nouvelle débâcle, comme celle qu'on vient d'avoir avec l'accord multilatéral sur les investissements.

La mauvaise information et la confusion sont déjà évidentes. J'ai assisté aux séances du Forum des affaires à Bele Horizonte, au Brésil, et également à San José. J'ai participé, en particulier, aux travaux du groupe de travail sur la propriété intellectuelle, et j'ai pu constater qu'on résistait très fermement à la notion de libre-échange. Après avoir discuté avec d'autres participants qui avaient assisté à d'autres ateliers sur les services, les achats gouvernementaux, etc.—il y en a neuf en tout—j'ai constaté que partout il y avait la même résistance.

Les discussions sur la ZLEA, du moins en ce qui concerne l'hémisphère, reflètent bien les discussions nord-sud sur la libéralisation des échanges. En fait, c'est un débat que l'on retrouve ici même, au Canada, entre ceux qui, comme l'Institut Fraser, essaient de comprendre la dynamique du libre-échange et ses avantages comparatifs, et ceux qui s'inquiètent des changements que le libre-échange pourrait provoquer sur le plan des salaires et de la structure industrielle.

Le débat sur l'AMI montre à quel point les arguments contre le libre-échange peuvent être efficaces dans un climat politique où le libre-échange est assez mal vu. En fait, c'est un véritable problème, car très souvent les efforts pour faire adopter le libre- échange se heurtent à tout un enchevêtrement de subventions et de mesures de protection coûteuses pour les industries avantagées par le pouvoir politique. Or, ce sont précisément ces privilèges que le libre-échange s'efforce de supprimer.

Pour promouvoir la zone de libre-échange des Amériques, le Canada et le reste de l'hémisphère ont besoin d'une explication économique beaucoup plus claire et cohérente pour justifier à la fois le libre-échange et les règles d'investissement. Je reviendrai tout à l'heure aux règles d'investissement, car c'est un des éléments clés de la zone de libre-échange des Amériques, et c'est un domaine où le Canada a un rôle particulièrement important à jouer.

• 1540

En ce qui concerne la ZLEA, il y a beaucoup d'aspects qui ne prêtent plus à controverse, comme la réduction des tarifs, la transparence, la simplification de la paperasserie. Par contre, j'aimerais parler d'un domaine qui pourrait être une source de conflit, celui des mécanismes d'application.

Les mécanismes d'application constituent un dilemme à cause de l'écart énorme entre les diverses capacités institutionnelles, la qualité des systèmes juridiques, la qualité des lois commerciales et le degré de formation du personnel dans les différents pays de l'hémisphère. C'est un domaine où le Canada fait actuellement des progrès en tentant de fournir à certains petits pays qui, comme ceux des Caraïbes n'ont pas les mêmes ressources, des méthodes de développement des capacités.

Pour ces mécanismes d'application, on peut faire appel à toutes sortes de méthodes. Entre les pays du MERCOSUR, la zone commerciale en Amérique latine, le mécanisme de résolution des différends est extrêmement politisé et fonctionne tellement au niveau des paliers supérieurs de la hiérarchie qu'en fin de compte, les problèmes se règlent pratiquement de président à président. Il y a également le modèle de l'OMC qui utilise des groupes, un modèle que le Canada connaît de plus en plus au fur et à mesure que nous perdons ces groupes. Il y a également le modèle de l'ALENA, et à mon avis, c'est celui que la ZLEA va retenir.

Avec le modèle de l'ALENA, les différends sont tranchés par un groupe de trois personnes, un panel, et leurs décisions doivent obligatoirement être respectées. Le modèle de l'ALENA est quelque peu légaliste, mais je pense qu'il vaut mieux commencer de cette façon-là quitte à aider ensuite certains pays à améliorer leurs capacités, c'est-à-dire leurs moyens de défense.

Un mécanisme d'application de type ALENA présente un avantage particulier pour le Canada puisque nous avons participé à sa conception. D'autre part, il y a beaucoup d'avocats canadiens spécialisés dans les questions commerciales qui connaissent de mieux en mieux le système, sans parler de notre ministère des Affaires étrangères pour qui il n'a plus de secrets.

Si on décidait d'utiliser le modèle de l'ALENA pour la ZLEA, cela provoquerait deux complications qui ont trait à la protection des investissements. J'aimerais vous citer un texte de Allen Hertz, le négociateur de l'ALENA pour la protection des investissements. Il écrit:

    En ce qui concerne l'ALENA, c'est un accord qui a de multiples personnalités dont la plus importante est d'être un instrument redoutable de protection des investissements.

Le chapitre sur la protection des investissements, et la façon dont ce chapitre a été interprété, conteste dans de nombreux domaines... J'ai mentionné la protection de la propriété intellectuelle, mais il pourrait s'agir tout aussi bien des services, des achats gouvernementaux, des normes et d'un certain nombre d'autres secteurs. Ce chapitre permet aux compagnies d'entamer des poursuites contre les gouvernements qui ne respectent pas leurs engagements, et d'autre part, il prévoit que les gouvernements doivent payer un dédommagement lorsqu'ils n'ont pas gain de cause. C'est ce principe qui a été invoqué dans l'affaire de la société Ethyl, et actuellement dans l'affaire S.D. Myers.

Ce mécanisme a fait l'objet de passablement de sensationnalisme, mais en fait, c'est un moyen très efficace pour dépolitiser le droit commercial, l'écarter de la sphère gouvernementale et le rapprocher des diverses compagnies et particuliers qui font du commerce, pour que ceux-ci fassent appel à d'autres mécanismes pour trouver une solution à leurs différends. À cet égard, la ZLEA pourrait être un modèle excellent, non seulement pour les prochaines négociations de l'OMC, bien sûr, mais également pour résoudre toutes sortes d'autres problèmes.

• 1545

Je vais m'écarter quelque peu de mon texte, mais à ce sujet Michael Hart, du Carleton Centre for Trade Policy and Law, prétend que la valeur de la zone de libre-échange des Amériques ne résidera pas dans la conclusion d'un traité—mais il faut espérer qu'il se trompe sur ce point-là et qu'il y aura bien un traité—mais plutôt dans le fait qu'elle offre à certains pays qui ont des économies naissantes, en particulier l'Argentine et le Brésil, une extraordinaire occasion de perfectionner leurs compétences en matière de négociation commerciale.

C'est donc une occasion, sinon une obligation, pour le Canada, d'aider ces pays-là, pas forcément en organisant des séminaires et en envoyant des représentants officiels, bien que cela soit une possibilité, mais surtout en adoptant des principes fermes en ce qui concerne la zone de libre-échange des Amériques et en faisant bien comprendre que nous nous sommes engagés dans cette voie, non pas pour participer à toutes sortes de chicaneries administratives, mais bien pour défendre les principes du libre-échange et pour les étendre à d'autres domaines comme la protection des investissements.

J'ai ici des notes sur la plainte de non-violation, mais à la réflexion, c'est tellement ennuyeux que je m'y perds moi-même. Vous pourrez vous y référer vous-même.

Pour terminer, une des notions intéressantes au sujet de la ZLEA, c'est qu'en réalité, c'est notre propre régime réglementaire national que nous négocions. Beaucoup de gens prétendent que c'est la fin de notre souveraineté nationale. Ce n'est vraiment pas le cas. En réalité, nous négocions nous-mêmes des restrictions que nous allons nous imposer pour éviter de prendre des mesures inefficaces sur le plan économique, le genre de décisions qui ont stigmatisé la scène industrielle canadienne: subventions, mesures de protection, sans parler, et je vais utiliser un mot technique, d'interminables manigances qui profitent très peu aux intéressés.

Le Canada a maintenant suffisamment de maturité, en tout cas depuis l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, il peut dorénavant être le boy-scout du commerce, et fournir au monde à titre d'exemple une image claire et compréhensible du commerce et du libre-échange. Nous avons prouvé que nous pouvions le faire, que nous pouvions agir sur cette scène-là, par exemple avec la loi C-91 qui, en 1993, a mis à jour notre législation sur notre propriété intellectuelle.

Pour terminer, donc, en dépit des complexités du commerce international et des négociations dans ce domaine, en dépit des difficultés de la ZLEA, ce sont en fait des propositions très simples. Comme l'un des fondateurs de l'Institut Fraser l'a observé, ce qui est difficile dans la simplicité, c'est de la reconnaître quand on l'a sous les yeux.

Quoi qu'il en soit, la ZLEA devrait être une priorité pour le Canada. Cela peut comporter des difficultés politiques, mais en même temps nous avons une occasion de donner l'exemple au reste de l'hémisphère et au reste du monde, et on nous respectera d'autant plus que nous prendrons des décisions difficiles, beaucoup plus en tout cas que si nous nous contentons de petites bagarres en marge de la bataille. Nous avons maintenant trop de maturité pour ce genre de choses, et je pense en particulier aux magazines.

Si nous ne le faisons pas, qui s'en chargera? Le Canada a beaucoup à gagner. J'espère que votre comité saura faire comprendre aux responsables officiels à quel point les milieux politiques et le public sont en faveur du libre-échange.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup, monsieur Lippert.

Comme nous sommes très peu nombreux, je pense que nous pouvons faire un premier tour pour permettre à chacun de poser une question. Nous passerons ensuite à M. Martin, puis nous ferons un second tour après quoi, si vous le voulez, nous pourrons avoir une discussion générale.

Monsieur Penson.

• 1550

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Madame la présidente, c'est une façon de procéder, c'est certain, mais dans ce genre de réunion je trouve que si les deux témoins peuvent faire leur exposé avant, la discussion est ensuite plus animée. En effet, à ce moment-là, nous pouvons nous adresser aux deux témoins. Nous pourrions donc demander à M. Martin de faire son exposé lui aussi.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Tout le monde est d'accord pour procéder de cette façon-là?

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Madame la présidente, je ne suis pas d'accord. Pour commencer, il va y avoir des votes à la Chambre, les cloches vont commencer à sonner à 17 h 15. Nous risquons donc de n'avoir pas assez de temps.

Comme nos deux témoins ont probablement des opinions diamétralement opposées, je pense que nous devons absolument en terminer avec le premier avant de passer au témoin suivant, même au risque de manquer de temps. De cette façon, nous aurons donné à un témoin au moins une bonne audience.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Puis-je vous rappeler, avant de donner la parole à M. Sauvageau, que de toute façon cette réunion doit prendre fin à 17 heures?

M. Pat Martin: Raison de plus, madame la présidente.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Étant donné que pour une fois dans ma vie, je vais avoir un droit de veto sur quelque chose, madame la présidente, et que nous sommes trois, j'aimerais appuyer la proposition de M. Penson. Si nos autres collègues respectent la limite de 10 minutes, nous aurons tout le temps voulu pour poser des questions.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Martin, je pense que nous allons entendre les deux témoins l'un après l'autre, étant bien compris que, de toute façon, cette séance prendra fin à 17 heures. Cela nous donnera amplement de temps pour aller voter.

Je vais donc demander à M. Martin de commencer son exposé.

Puisque M. Lippert a eu 20 minutes, vous aurez 20 minutes également. Cela nous amènera à 13 h 10, après quoi tout le monde aura le temps de poser des questions.

Je regrette, monsieur Martin.

Monsieur Dick Martin, vous avez la parole.

M. Dick Martin: Merci, madame la présidente.

Avant de commencer, j'aimerais vous présenter ma collègue, Sheila Katz, qui a un poste de direction au Congrès du travail du Canada. Elle se spécialise dans le libre-échange, en particulier le libre-échange dans les Amériques, et elle a effectué d'importantes recherches dans ce domaine.

D'autre part, étant moi-même non seulement secrétaire-trésorier du Congrès du travail du Canada, mais président de l'Association inter-américaine régionale des travailleurs et travailleuses, qui a son siège à Caracas, Venezuela, je participe très activement aux discussions de la ZLEA.

Vous avez reçu mes notes, il m'arrivera de m'en écarter.

Nous venons également de terminer une étude sur le Mexique, le Chili et le Brésil, une étude sur les répercussions des normes de travail du libre-échange et autres normes sociales. C'est probablement le document le plus concis et le plus à jour sur cette question, et il est disponible au Canada. Un travail considérable a été fait dans ce domaine.

Au Congrès du travail du Canada, nous travaillons non seulement en collaboration avec d'autres groupes sociaux du pays—ce que nous appelons la société civile—mais également avec beaucoup d'autres groupes de l'hémisphère, et en particulier des groupes sociaux qui s'intéressent aux conditions de vie et de travail des femmes et des Autochtones, aux organismes environnementaux et bien sûr, aux centrales syndicales dans toute l'Amérique latine, les Caraïbes, l'Amérique centrale et les États-Unis.

Pour commencer, les opinions du CTC au sujet de la ZLEA concordent avec notre critique de l'ensemble de la politique commerciale du Canada, c'est-à-dire l'OMC, l'ALENA, l'AMI, et ainsi de suite. Il ne s'agit pas de savoir si nous devons faire du commerce ou pas, mais de la façon de faire en vue de former une région prospère et démocratique où tous les citoyens et citoyennes partagent les avantages de la croissance et du développement économique. En effet, c'est véritablement la clé. Il ne s'agit pas d'augmenter les bénéfices des multinationales ou des organismes nationaux, mais bien d'améliorer le niveau de vie des citoyens de tout l'hémisphère.

Par l'entremise de nos travaux réalisés en collaboration avec Common Frontiers et l'AIRTT—c'est le signe qui désigne l'Association inter-américaine régionale des travailleurs et travailleuses, nous avons vérifié le modèle de libre-échange Canada-États-Unis adopté sous l'influence des entreprises. L'Accord de libre-échange, l'ALENA et l'AMI prévoient une restructuration de l'État correspondant aux intérêts stratégiques du capital transnational.

Voici certaines manifestations de la course vers le plus bas dénominateur ou de l'harmonisation à la baisse qui présentent un contraste saisissant par rapport aux promesses de prospérité, d'augmentation de la productivité et de création d'emplois.

Premièrement, les règles applicables à l'investissement, comme l'arbitrage obligatoire entre l'État et l'investisseur, qui permettent aux sociétés de s'en prendre à des lois adoptées en toute démocratie. Nous connaissons bien l'affaire de la Société Ethyl, sans parler de certaines autres qui s'annoncent.

Deuxièmement, des emplois peu rémunérateurs dans les trois pays de l'ALENA, une pression à la baisse sur les salaires et le pouvoir de négociation réduit des syndicats à la suite de menaces des sociétés de déménager au Mexique, où le salaire minimum est de 3 $US, le travail des enfants et la discrimination en milieu de travail sont la règle et les travailleurs et travailleuses ne peuvent fonder leurs propres syndicats indépendants afin de défendre leurs intérêts.

• 1555

Troisièmement, la frontière entre les États-Unis et le Mexique est en proie à une dégradation du milieu, en raison du déversement des déchets dangereux. J'ajoute que nous nous sommes occupés de plusieurs affaires dans le cadre des accords parallèles de l'ALENA, concernant les droits des travailleurs mexicains, et je vous assure que nous sommes loin d'être satisfaits des résultats. Bien que cela ne soit pas terminé, c'est en cours, mais nous considérons que cela n'a absolument pas amélioré les conditions des travailleurs mexicains.

Quatrièmement, la transformation des valeurs canadiennes, marquée par une augmentation de l'inégalité sociale et économique, des taux de chômage chroniquement élevés, des revenus et des salaires en stagnation, une attaque sérieuse contre les programmes sociaux et l'éducation auxquels la population tient et une dégradation de l'environnement.

Cette leçon a laissé un goût amer aux travailleurs et travailleuses des Amériques qui constatent le retour de ce processus déséquilibré dans la ZLEA. Contrairement à l'opinion des élites de la politique et des affaires, dont l'échéancier se déroule exactement comme prévu, notre mémoire tient compte de la réalité avec laquelle sont aux prises des centaines de millions de personnes qui souffrent des conséquences de la déréglementation, de la privatisation et de l'asservissement de l'économie de marché, en guise de formules de croissance économique. En général, ces politiques ont échoué, se soldant par un patrimoine d'exclusion sociale, de marginalité et de crise économique de plus en plus grand.

Dans les Amériques, 210 millions d'êtres humains vivent dans la pauvreté. Plus de la moitié des travailleurs d'Amérique latine sont dans le secteur non structuré, c'est-à-dire qu'ils n'existent pas véritablement en tant que travailleurs, qu'ils ne bénéficient d'aucune mesure de sécurité sociale applicable dans le pays; ils vendent des crayons, de la gomme ou autre chose au coin de la rue. C'est là un problème de plus en plus préoccupant.

Le secteur privé a exigé plus de souplesse sur le marché de travail au nom de la concurrence, et les gouvernements essaient de réduire ou d'éliminer les mesures de protection et les droits des travailleurs. Par exemple, le code du travail chilien n'a été que légèrement modifié par rapport à celui qu'a imposé Augusto Pinochet.

Le secteur non structuré, le travail précaire, la discrimination contre les femmes et les minorités, et la destruction des fermes familiales sont tous des facteurs à la hausse.

Bien qu'on ait marqué certains progrès sur la voie de la démocratie officielle depuis les dictatures militaires des années 60 et 70, il faut encore s'inquiéter sérieusement de la sécurité dans un certain nombre de pays, surtout en Colombie et au Mexique, et j'ajouterais également au Pérou.

Pou vous donner une idée, la torture, les exécutions sommaires, les disparitions et les détentions arbitraires sont courantes au Mexique; elles sont souvent le fait de l'armée mexicaine, de la police ou des groupes paramilitaires.

En mars, l'Écuador a connu un soulèvement populaire dirigé par le mouvement syndical qui a mobilisé les masses contre les mesures d'austérité et les augmentations de prix annoncés par gouvernement au lendemain de l'effondrement économique du Brésil.

Le vice-président du Paraguay a été assassiné récemment. Le président, qui était impliqué dans ce meurtre, a fui le pays et le gouvernement a été restructuré, mais la rivalité vieille de 50 ans entre les principaux partis politiques existe toujours, et l'instabilité économique va nuire à la stabilité politique du nouveau gouvernement.

La guerre civile sévit en Colombie, où les syndicalistes sont systématiquement les cibles des forces paramilitaires. Et je ne parle ici que des syndicalistes, mais il faudrait aussi parler des défenseurs des droits de la personne et des enseignants.

Je sais que les parlementaires ont débattu la nuit dernière du Kosovo. Noam Chomsky dit que d'après les estimations du département d'État américain, le niveau actuel des assassinats politiques imputables au gouvernement et à ses acolytes paramilitaires en Colombie est à peu près équivalent aux assassinats perpétrés au Kosovo. Rien qu'en Colombie, on compte plus d'un million de réfugiés qui fuient les atrocités perpétrées contre eux. En 1998, 90 syndicalistes ont été assassinés; en 1997, il en avait eu 170 et on en dénombre déjà 13 pour les trois premiers mois de cette année. Et je ne parle que des syndicalistes.

Au Brésil, où 20 p. 100 de la population possède 90 p. 100 des terres, des dizaines de milliers de paysans sans terres et de protestataires participent à une campagne permanente de revendication d'une réforme agraire. L'esclavage existe toujours dans certaines parties du Brésil.

Je donne ces renseignements aux membres du comité pour qu'ils comprennent bien la situation des pays avec lesquels nous envisageons de commercer. Il y a des différences considérables entre ces pays et le nôtre, et il n'est pas question de les qualifier de démocraties. On y tient peut-être des élections tous les deux, trois ou quatre ans, mais c'est à peu près tout.

• 1600

Depuis le Sommet de Miami, les travailleurs et les travailleuses de la société civile ont été exclus de la manoeuvre orchestrée par le gouvernement et le secteur privé. À l'échelle régionale, le mouvement syndical a tenté de participer au processus de la ZLEA par la tenue de Forums syndicaux parallèlement aux réunions annuelles des ministres du Commerce responsables de la ZLEA, et il a proposé d'y intégrer un Groupe de travail sur les questions sociales et syndicales, dont le statut correspondrait à celui des autres groupes de travail.

Le CTC a parrainé des délégations de la société civile et du mouvement syndical canadiens à certains événements; il appuie la formation d'une Alliance sociale hémisphérique; il a participé au Sommet des peuples des Amériques à Santiago au Chili. Il en a même été l'un des principaux organisateurs. Près des 1 000 personnes des Amériques, représentant tous les secteurs de la société civile, y ont participé.

Avec nos voisins du Sud, nous avons rédigé un document intitulé «Des alternatives pour les Amériques: Vers un accord entre les peuples du continent», qui est disponible en français, en anglais, en espagnol et en portugais.

La principale préoccupation du mouvement syndical consiste en l'intégration d'un mécanisme exécutoire à l'accord commercial afin d'empêcher les pays d'abaisser les salaires et les conditions de travail pour améliorer leur avantage concurrentiel en matière de commerce. En effet, ce dumping social se traduirait par l'interdiction des syndicats indépendants et le déni des droits des travailleurs et les travailleuses, en contravention des normes reconnues à l'échelle internationale.

L'accord commercial doit stipuler que les États membres respectent les droits fondamentaux du travail. Il doit comporter un mécanisme d'application qui fasse appel à l'OIT, dont tous les États sont membres et à laquelle les entreprises et les travailleurs participent. Il est essentiel pour nous que l'OIT intervienne dans ces négociations.

L'accord doit également comprendre des recours contre les États et les sociétés en contravention. C'est le principal problème de l'accord parallèle à l'ALENA appelé accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Les recours qui y sont prévus n'ont pratiquement aucun effet. Bien qu'on y ait reconnu que les droits syndicaux et l'environnement syndical font partie de toute question commerciale, cet accord n'est pas applicable. Des accords parallèles comme ceux de l'ALENA ne sont tout simplement pas acceptables.

Le mécanisme actuel de participation de la société civile au processus de la ZLEA maintient le parti pris précédemment en faveur du secteur privé, qui ne constitue qu'un aspect de la société civile. Les gouvernements devraient offrir des niveaux d'accès égaux à tous les membres de la société civile afin de veiller à ce que le débat sur la participation de la société civile ne se limite pas à une simple campagne de relations publiques.

L'engagement du gouvernement canadien envers ses exportateurs et ses investisseurs est bien évident. Il nous faut maintenant des preuves concrètes de l'importance de tous les segments de la société civile.

Madame la présidente, nous avons fait part de ces préoccupations au ministre Marchi. Nous avons eu des contacts constants avec les hauts fonctionnaires du ministère du Commerce, qui connaissent parfaitement notre point de vue.

Nous espérons sincèrement que le comité pourra faire pression auprès des négociateurs gouvernementaux de façon que les syndicalistes comme nous et que les autres éléments de la société civile aient les mêmes droits d'accès aux négociations commerciales que les entreprises. C'est pourquoi nous demandons à être traités non pas mieux que les entreprises, mais sur un pied d'égalité avec elles.

Nous estimons par ailleurs que ces négociations doivent être aussi transparentes que possible de façon à éviter une autre débâcle comme celle de l'AMI. Nous entendons dire ici et là que l'époque de la négociation de l'AMI en vase clos est révolue, mais nous ne croyons que ce que nous voyons et nous attendons de voir autre chose.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup, monsieur Martin.

Il est temps maintenant de passer aux questions.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente.

Je remercie nos deux témoins pour leurs exposés intéressants qui nous aident à mieux comprendre la démarche vers le libre- échange des Amériques.

M. Lippert a amorcé le débat en disant qu'il s'agissait pour l'essentiel d'un processus d'éducation. Il existe dans les Amériques un certain nombre de petites économies, en particulier dans les Caraïbes, qui ont sans doute besoin d'aide pour bien comprendre ce qu'est le libre-échange et pour en apprécier les avantages et les inconvénients.

Au printemps dernier, j'ai assisté à une conférence au Mexique, où des parlementaires mexicains, canadiens et américains—députés et sénateurs—ont parlé de la nécessité de dresser un bilan de la situation après dix ans de libre-échange avec les États-Unis tout d'abord, puis avec le Mexique.

• 1605

Selon l'un des thèmes centraux de la discussion, il va falloir procéder à une telle évaluation si l'on veut aller de l'avant, et indiquer très clairement les avantages du libre-échange à la population—et je crois que ces avantages sont importants. On a bien vu ce qui s'est passé lors du débat sur l'AMI, où l'on a fait circuler de nombreuses informations fausses qui ont nui à une bonne compréhension du processus ou qui ont suscité la méfiance dans la population.

Pour aller de l'avant, nous allons devoir nous adresser à la population canadienne et à la société civile pour leur expliquer les avantages et les inconvénients du libre-échange.

M. Martin a dit qu'il ne croyait que ce qu'il voyait. Il y avait à cette conférence un sénateur du Missouri qui a raconté la visite d'une usine située dans sa circonscription. Il disait que presque toute la production de cette usine était envoyée soit au Canada ou au Mexique, mais que lorsqu'il demandait aux travailleurs ce qu'ils pensaient du libre-échange, ils s'y déclaraient opposés. Ils ne se rendaient pas compte qu'ils devaient leurs emplois à l'accord de libre-échange et aux autres pays qui l'avait signé. Je voulais simplement vous le signaler.

Il y a un autre domaine dans lequel, à mon avis, une évaluation s'impose également. M. Martin a soulevé la question des droits des travailleurs et de l'environnement et il a parlé de la nécessité de faire participer les travailleurs. À mon avis, cet argument peut également servir de barrière non tarifaire et je crois que c'est bien ce qui se passe actuellement, puisque le Congrès des États-Unis s'oppose à ce que le Chili se joigne à l'ALENA. On connaît également le problème de l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce.

Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que nous faisons tout cela pour venir en aide à la population des autres pays, car c'est également une forme de protectionnisme, ou du moins, il est possible d'en faire une forme de protectionnisme.

J'aimerais avoir vos avis sur ces deux questions: Est-ce qu'on peut progresser avant d'avoir fait un bilan de la situation, et n'y a-t-il pas des barrières non tarifaires dans les deux domaines dont j'ai parlé?

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): À qui adressez-vous votre question?

M. Charlie Penson: Si possible, j'aimerais avoir des réponses des deux témoins, madame la présidente.

Mme Owen Lippert: En ce qui concerne le bilan de la situation actuelle, des négociations sont actuellement en cours à Miami. Elles n'ont pas fait l'objet de compte rendu officiel, et il est donc difficile de savoir ce qui s'y passe, mais votre question pose la question plus importante, qui préoccupe le ministre Marchi. J'ai pris connaissance du témoignage qu'il a présenté devant ce comité, je crois, il y a quelque temps et j'ai vu qu'il se préoccupait beaucoup de la société civile. Je tiens d'ailleurs personnellement à dire que l'Institut Fraser fait sans doute autant partie de la société civile que le mouvement syndical.

Dans ces négociations commerciales comme dans toutes les autres, il faut faire des compromis. À un moment donné, les négociateurs doivent prendre des décisions et ils ne peuvent pas solliciter immédiatement l'appui du public. Quand on veut entreprendre des négociations commerciales, il y a déjà la difficulté de les confier à un comité, mais si l'on veut y ajouter une forme de plébiscite, la démarche va tout simplement s'écrouler sous son propre poids.

Est-ce qu'on peut valablement demander une plus grande ouverture? Oui, mais il ne faut pour autant donner un droit de veto aux groupes et aux personnes qui estiment que l'Accord de libre-échange leur enlève des privilèges, car sinon, que va-t-il se passer? Ils vont exercer leur droit de veto, et les avantages commerciaux vont disparaître.

En ce qui concerne les droits des travailleurs, c'est une question délicate. Un pays peut modifier sa législation du travail, ou d'ailleurs, toute autre législation, notamment celle de l'environnement, pour concurrencer un autre pays. C'est particulièrement vrai dans le cas des pays en développement. Ils sont dans l'impossibilité d'adopter tout un ensemble de mesures par lesquelles l'État protège le mouvement syndical tout en restant compétitif. Certains secteurs économiques peuvent rester compétitifs, mais dans l'ensemble, une telle protection ralentit la croissance car en définitive, elle a pour effet non pas de faciliter l'accès des travailleurs aux différents secteurs professionnels, mais d'étouffer cet accès.

• 1610

Cela étant dit, le droit à la syndicalisation soulève des préoccupations légitimes. Je crois que M. Martin et moi-même sommes beaucoup plus d'accord là-dessus qu'on ne pourrait s'y attendre. La liberté syndicale existe, et de toute évidence, elle n'est pas respectée dans certains pays. Je pense même qu'elle est enfreinte par des gouvernements qui interviennent directement dans l'économie au point de la gérer eux-mêmes, et on assiste alors à un affrontement entre différents groupes d'intérêt—l'appareil administratif contre le mouvement syndical—pour savoir qui va gérer l'économie.

C'est une situation très malsaine. Elle a provoqué la dépression en Amérique latine. Si cette dernière envisage finalement le libre-échange et la déréglementation, c'est parce qu'elle a déjà essayé toutes les formes possibles d'économie étatisée et que toutes ont échoué plus lamentablement les unes que les autres. Voilà le problème que M. Martin devrait résoudre. Les gens savent que ces recettes fondées sur l'intervention de l'État sont vouées à l'échec.

M. Charlie Penson: Monsieur Lippert, j'aimerais revenir à ma question de départ. Je crois que nous avons atteint un plateau dans la libéralisation du commerce si nous ne parvenons pas à en expliquer les avantages à la population, car dans ce domaine, les entreprises sont à la remorque du gouvernement. Elles ne comprennent pas que la croissance de leurs revenus est due au libre-échange entre le Canada et les États-Unis. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Owen Lippert: Je suis d'accord avec vous. Je crois que le libre-échange est mal compris. Tout le monde se figure qu'il s'agit simplement de vendre davantage à l'étranger. Ce n'est pas beaucoup plus compliqué, mais c'est un peu plus que cela.

Si on vend à l'étranger, c'est pour pouvoir acheter également à l'étranger. Pourquoi est-ce que nous cultivons du blé? Pour acheter des voitures, des médicaments et des films, tout ce qui compose notre quotidien. Il ne servirait à rien de faire pousser du blé si on n'obtenait rien en échange.

M. Charlie Penson: Vous reconnaissez donc avec M. Martin que le libre-échange doit être avantageux pour toute la population, et non pas uniquement pour les sociétés commerciales?

M. Owen Lippert: Oui, je suis d'accord, et à cet égard, la société civile, quelle qu'en soit la définition, doit intervenir dans le débat sur les avantages et les inconvénients du libre-échange et doit faire circuler l'information.

M. Charlie Penson: Bien.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): J'aimerais entendre M. Martin répondre à cette question.

M. Dick Martin: Je vais y répondre, soyez-en certaine.

Je voudrais tout d'abord parler de la question des barrières non tarifaires. Certains gouvernements d'Amérique latine ont contesté notre point de vue: ne serions-nous pas en train de céder au protectionnisme? Eh bien si, dans une certaine mesure. Nous essayons de protéger nos membres. Nous essayons de protéger notre qualité de vie. Nous essayons de protéger nos emplois et notre niveau de vie.

Mais nous ne sommes pas fous pour autant. Nous savons bien qu'il faut commercer. Un pays de la taille du Canada, qui produit beaucoup, doit vendre à l'étranger. Autrement, nous ne pourrons plus consommer. Nous comprenons donc parfaitement que nous sommes un pays commerçant.

Notre objectif n'est pas d'imposer le salaire minimum canadien au Mexique, au Brésil ou à la Colombie, mais plutôt de faire en sorte que ces pays acceptent la liberté syndicale et la protège. Chacun doit trouver sa propre façon d'établir sa politique salariale, ses avantages sociaux, etc. Il serait ridicule de notre part de dire aux Salvadoriens qu'ils doivent imposer un salaire minium de 6 $ l'heure au Salvador. Cela n'aurait aucun sens. Ce serait tout à fait incompatible avec l'économie locale. Mais nous affirmons que tous les travailleurs doivent avoir le droit de former un syndicat libre sans risquer de perdre leur emploi, de se faire emprisonner ou de se faire assassiner. Et comme je l'ai dit, c'est ce qui arrive trop souvent dans l'ensemble de l'Amérique latine.

J'ai utilisé l'exemple du Mexique. Nous connaissons très bien le mouvement syndical mexicain. Le syndicat officiel est habilité par l'État et il fait partie du regroupement des entreprises, des travailleurs et du gouvernement qui forment le PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel qui gouverne l'État. Mais ce n'est pas un syndicat libre et démocratique.

• 1615

Lorsque les travailleurs mexicains veulent former un syndicat qui représente véritablement les travailleurs, on leur refuse leur accréditation. Ils sont victimes de répression. Nous avons toutes sortes de documents concernant les travailleurs qui sont licenciés, emprisonnés ou même, dans certains cas, assassinés. Nous avons dénoncé activement cette situation dans le cadre des accords parallèles de l'ALENA, mais les autorités mexicaines s'en moquent.

M. Charlie Penson: Peut-on recourir à l'OIT, l'Organisation internationale du travail, pour résoudre ces problèmes?

M. Dick Martin: L'OIT n'a aucun mécanisme d'exécution. Elle peut formuler des critiques, et elle le fait régulièrement. Elle a même publié l'année dernière un document accablant sur la liberté d'association au Mexique.

M. Charlie Penson: Existe-t-il des organismes dotés d'un mécanisme d'exécution efficace?

M. Dick Martin: C'est bien le problème. Il n'y a jamais de mécanisme d'exécution. C'est pour cela que nous demandons qu'à l'avenir, dans les accords commerciaux, le droit des travailleurs à former des syndicats libres et indépendants, à s'organiser et à négocier, soit respecté au même titre que les droits de propriété intellectuelle. Ce serait un mécanisme d'exécution.

Je suis bien d'accord. Nous pouvons vous fournir toute l'information pertinente. Nous avons fait plusieurs études concernant ce qui s'est passé dans le cadre de l'ALENA et des autres accords commerciaux.

C'est pour cela que nous aimerions voir l'OIT participer aux négociations et parler du respect des normes du travail qui ont été acceptées au niveau international par un grand nombre de pays. Je dois dire que le Mexique a signé davantage de conventions internationales de l'OIT que les États-Unis ou le Canada, mais il ne les respecte pas. C'est tout à fait exaspérant.

M. Charlie Penson: Pour autant que je sache, les pays dont nous parlons et qui font partie de notre continent ne sont guère enthousiastes à l'idée de faire figurer ces normes du travail dans les accords commerciaux. Si vous pensez qu'il va falloir les convaincre pour permettre à la ZLEA d'aller de l'avant, quelles sont les possibilités dans le scénario que vous venez d'évoquer.

M. Dick Martin: Eh bien, je peux vous dire que si les deux principales économies de la ZLEA, à savoir le Canada et les États- Unis, se montrent très fermes sur cette question, ils ont de bonnes chances de l'emporter.

Avant toute chose, les pays d'Amérique latine veulent une zone de libre-échange avec le Canada et les États-Unis pour accéder au marché américain.

M. Charlie Penson: C'est vrai.

M. Dick Martin: C'est évident, mais ils auront aussi accès au marché canadien.

Je pense que si on réussit à les convaincre, de même que le Brésil... À certaines époques, le gouvernement brésilien a accepté ce principe, mais je ne suis pas certain qu'il l'accepte encore aujourd'hui, car il semble assez versatile. Mais si c'était l'opinion émise par les trois plus grosses économies du continent, ce serait un progrès considérable.

Je voudrais aussi aborder très brièvement une autre question. Nous ne parlons pas d'un comité de mille personnes qui devra négocier les accords commerciaux. Nous savons à quel point ces négociations sont difficiles. Ce que nous demandons, c'est la transparence sur ce qui se fait. Il y a moyen de favoriser cette transparence. Nous savons que les milieux d'affaires sont en contact avec les négociateurs commerciaux. Nous considérons que ce qui est bon pour les milieux d'affaires l'est également pour les autres, et nous voulons nous aussi avoir accès aux négociateurs commerciaux.

Pour autant que je sache, les milieux d'affaires n'ont pas de droit de veto, mais ils peuvent intervenir efficacement. Nous ne revendiquons pas de droit de veto, mais nous voulons pouvoir nous aussi intervenir efficacement. En définitive, un accord commercial doit se négocier entre gouvernements, et non pas entre entreprises et syndicats.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Martin.

[Français]

Monsieur Sauvageau, vous avez des questions à poser aux membre du panel?

M. Benoît Sauvageau: Oui, je vous remercie, madame la présidente.

J'aimerais poser trois courtes questions aux deux intervenants. D'abord, le témoin qui comparaissait au nom de l'Institut Fraser faisait mention de sa préoccupation concernant les droits des travailleurs. J'aimerais entendre votre opinion au sujet de l'application d'un code de conduite volontaire afin d'exporter des valeurs canadiennes à l'étranger, par exemple en Amérique du Sud.

J'aimerais ensuite savoir si, dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, on devrait inscrire formellement dans le traité le respect des droits fondamentaux tels que définis par l'Organisation internationale du travail. Croyez-vous qu'on devrait exiger, comme condition de base, que tous les pays signataires de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques s'engagent à respecter les principes qu'on retrouve dans l'accord de l'OIT?

Pour étayer mes deux questions, je prendrai l'exemple de la Colombie à laquelle faisait brièvement allusion M. Martin. Bien qu'il n'ait pas cité d'exemples, il disait que le président de la SEE, M. Gillespie, avait affirmé qu'il était possible que sa société octroie des garanties de prêts à une compagnie colombienne en l'absence de code volontaire ou de quelque règle que ce soit. Il disait que cette compagnie pouvait faire à peu près n'importe quoi, allant jusqu'à emprisonner ou même à faire tuer ses employés qui décidaient de créer un syndicat ou quelque chose du même acabit. Même la SEE ne se soucie pas de ces règles-là. Avant que nous allions plus loin face à ce traité de libre-échange des Amériques, j'aimerais vous entendre traiter de ces aspects-là.

• 1620

Monsieur Martin, des situations semblables à celle de la Colombie ou à celles que vous avez décrites existent actuellement et existaient avant un accord de libre-échange avec les Amériques dans son entièreté. Proposez-vous que nous nous retirions des négociations, qu'on ne crée pas la Zone de libre-échange des Amériques et qu'on maintienne la situation actuelle? Et si nous restions à la table des négociations, quelles recommandations formuleriez-vous? Je vous pose cette question parce que votre rapport ne nous présente pas de recommandations concrètes dans cette éventualité. En passant, j'aimerais vous remercier d'avoir fait traduire votre mémoire en français.

Comme dernière question, que pensez-vous du groupe d'étude sur la participation de la société civile qu'on a créé?

[Traduction]

M. Owen Lippert: Merci. Encore une fois, vous voudrez bien m'excuser de ne pas avoir fait mon exposé en français.

En ce qui concerne le code d'éthique volontaire, il ne semble pas, à première vue, avoir un quelconque effet. On constate un problème plus grave de respect des droits de la personne dans la société sud-américaine, que ce soit le droit au travail, la liberté individuelle ou le droit à la propriété. Et ce problème n'est pas limité à l'Amérique latine. Il existe dans de nombreux pays, et même au Canada. Le droit à la propriété n'est pas protégé par la Constitution, si bien qu'on voit quotidiennement les différents niveaux de gouvernement y porter atteinte.

En ce qui concerne les questions de relations de travail, je crois que le processus de la ZLEA peut aider les populations d'Amérique latine en attirant l'attention sur ces questions, mais il faut bien être conscient du fait que les accords commerciaux ne pourront pas les résoudre. Ils ne peuvent pas apporter de solution à des problèmes chroniques de criminalité, de hooliganisme et de dictature dans la société latino-américaine. Il va falloir...

Le mouvement de démocratisation de ces sociétés est déjà amorcé. Je ne suis pas d'accord avec M. Martin pour dire que la démocratie ne suit pas une trajectoire ascendante en Amérique latine. La situation est loin d'être au beau fixe, mais pour la première fois, il devient possible d'espérer. Je crois qu'on assistera ainsi à la montée des attentes de la population à l'égard de la protection des droits, y compris du droit de se syndiquer.

Je ne pense pas qu'il soit vraiment possible d'incorporer le code du travail au complet dans un accord de la ZLEA. Il pourrait y avoir des codes volontaires de toutes sortes, mais au bout du compte, ces pays-là, et peut-être aussi le Canada, ou bien les signeront et n'y adhéreront pas ou bien refuseront carrément de les signer, auquel cas nous ne serons pas plus avancés.

J'ai une chose à dire au sujet de la SEE. Cette société devrait être privatisée selon moi. Bon nombre de nos banques canadiennes et de celles d'autres pays ne demanderaient pas mieux que d'assumer le rôle que joue la SEE. La raison qui nous amène à subventionner en quelque sorte un groupe de fonctionnaires qui accordent des prêts à l'exportation est... Cela me dépasse.

M. Dick Martin: Permettez-moi de répondre d'abord à votre deuxième question, concernant le comité sur la société civile.

• 1625

Je vous explique brièvement la situation: J'ai dit dans mon exposé que nous avions réuni 1 000 personne à Santiago au printemps dernier qui étaient venus demander d'avoir leur mot à dire dans les négociations de la ZLEA. Le Canada a répondu—et, pour rendre à César ce qui est à César, je crois que c'est le Canada qui en a pris l'initiative—par la mise sur pied d'un comité sur la société civile. Je ne peux toutefois pas vous dire avec quelle énergie le comité cherchera à accomplir son mandat.

Nous savons que l'idée de créer ce comité a été opposée notamment par le Mexique, le Pérou et le Costa Rica. Cela montre, selon nous, jusqu'où il faudra aller dans nos efforts pour conclure un accord commercial avec ces pays alors qu'ils refusent d'ouvrir le processus pour permettre à leurs sociétés respectives d'avoir leur mot à dire sur quelque chose qui va les toucher.

Il ont néanmoins fait paraître une annonce. Nous avons baptisé cela «l'opération boîte aux lettres». On pouvait envoyer un mémoire, à condition d'en avoir entendu parler. Je crois qu'on a reçu en tout 13 mémoires du Canada, 26 des États-Unis et 1 seul du Mexique. On peut voir comment cela a été vraiment bien annoncé au Mexique. On s'en était remis aux divers gouvernements pour lancer l'invitation dans leur pays. Le délai est maintenant échu, et le comité doit lire les mémoires et en arriver à une conclusion.

Nous ne sommes pas contents, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous voulions que le processus soit bien plus ouvert. C'est de cela que nous parlions. Nous aurions voulu que des comités comme celui- ci se rendent dans les différents pays de l'hémisphère. Ce n'est toutefois pas ce qui s'est produit. De toute évidence, peu de gens étaient au courant de l'invitation.

Pour ce qui est de l'autre question, vous avez dit: «Ce sont là les conditions qui existent; seriez-vous prêts à mettre un terme à la négociation de la ZLEA simplement parce qu'elles existent déjà?» La réponse est non. Nous avons toutefois l'occasion, une occasion en or, de commencer à réparer les injustices et à éliminer les déséquilibres dans l'hémisphère.

Nous soutenons qu'il ne faudrait pas assister à un nivellement par le bas, de façon que ce soit le pays où les salaires seraient le moins élevés qui arrive à exporter le plus de produits ou encore que ce soit le pays où les normes environnementales seraient les plus laxistes qui auraient la possibilité d'exporter le plus de produits.

J'ajouterai à cet égard qu'il est abondamment clair que les normes et les droits du travail accusent un certain recul au Mexique depuis la négociation de l'ALENA. Ce pays avait pourtant, sur papier, d'excellents droits du travail—excellents. Le Mexique a signé la majorité des conventions de l'OIT, mais il ne les applique pas du tout. Rien ne permet de conclure qu'il les applique.

Les maquiladoras dans les zones de libre-échange ont pris de l'ampleur. Environ un million de travailleurs mexicains, principalement des jeunes femmes, y travaillent sans le bénéfice de la représentation syndicale ni de conventions collectives, car il n'est pas possible, le plus souvent, de se syndiquer.

Nous accusons donc un recul. Voilà ce qui nous inquiète énormément quand nous pensons à une éventuelle ZLEA.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Me reste-t-il encore un peu de temps?

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Si vous me le permettez, monsieur Sauvageau, je vais faire un tour de table pour m'assurer que tout le monde puisse poser une question.

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Martin, avez-vous une question?

M. Pat Martin: Merci, madame la présidente. Je suis très heureux de pouvoir ajouter un mot au débat.

Merci à tous deux pour vos exposés.

Je tiens tout d'abord à réagir à quelque chose que vous avez dit dans votre exposé, monsieur Lippert. Quand vous nous avez présenté le Fraser Institute, je crois que vous avez dit que l'Institut est une oeuvre de bienfaisance enregistrée.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): J'allais poser la même question.

M. Pat Martin: J'ai en fait entendu dire que les sociétés commerciales peuvent déduire de leur impôt les contributions qu'elles font à l'Institut, et j'en suis franchement très agacé, et ce, depuis toujours, parce qu'il s'agit manifestement d'un groupe de pression qui représente une seule version des faits. Il y a là selon moi une injustice fondamentale.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Je comptais sur vous, monsieur Martin, pour soulever la question.

M. Pat Martin: Je poursuivrai sans doute la question à un autre comité, car je m'emploierai à vous faire perdre ce statut d'oeuvre de charité, si en fait vous l'avez. Le simple fait d'y penser me met franchement en colère.

Par ailleurs, et cette question sera peut-être plus pertinente, madame la présidente, le CCCE a eu une rencontre à huis clos—il s'agit en réalité du même camp que ceux que représente ici M. Lippert, qui défend l'intérêt des sociétés—cette rencontre en privé que le CCCE a eu avec le ministre et ses collègues du cabinet, et dont le Congrès du travail du Canada—et peut-être que M. Martin pourra nous dire quelque chose à ce sujet—était exclu; le CTC n'a pas eu droit non plus de participer à quelque autre rencontre privée sur la ZLEA, même s'il représente 2,4 millions de Canadiens. Je trouve cela humiliant, et je voudrais qu'ils nous disent ce qu'ils en pensent.

Enfin, et je parle ici au nom des travailleurs canadiens, je dirai que les travailleurs canadiens sont de plus en plus sensibles au problème que posent les accords de libéralisation des échanges en raison de la récente lutte contre l'AMI. Cette lutte est encore toute fraîche dans leur mémoire. Ce qui plus que toute autre chose a vraiment permis de mobiliser les Canadiens contre l'AMI, quand il en a été question d'abord à l'OMC, puis à la Commission bilatérale sur le commerce, c'est cette observation du principal porte-parole à l'époque qui a dit que l'AMI était nécessaire parce qu'il y avait un surplus de démocratie dans le monde qui entravait la libre circulation des investissements et des capitaux.

• 1630

Les Canadiens ont été scandalisés—tous les Canadiens doués de raison en ont été scandalisés—et, du jour au lendemain, c'est avec beaucoup de réticence et, bien entendu, de craintes pour les travailleurs, qu'ils se sont mis à examiner les accords de libéralisation des échanges qui ne prévoyaient pas les mesures de protection voulues, d'autant plus qu'ils y voyaient une espèce de charte de droits des sociétés. On voulait par ces accords contourner les représentants librement élus, comme les députés qui sont ici, et en faire à sa guise sans avoir à s'inquiéter d'obtenir l'approbation d'États nations librement élus. Les gens en ont été scandalisés.

Aussi les gens s'inquiètent à juste titre de la ZLEA. Je peux vous dire que nous parlons beaucoup de ce sujet et que nous sommes très soupçonneux quand des groupes, comme le Fraser Institute, se mettent à vanter énergiquement les mérites d'un accord comme celui qui est proposé.

Le dernier ouvrage du Fraser Institute que j'ai lu—et je lis effectivement ses publications—est de la plume d'un nommé Fazil, si je ne m'abuse, et s'intitule Unions and Right-to-Work Laws. L'auteur y présente la législation en matière de droit au travail comme étant la voie à suivre au Canada. Je trouve assez curieux que vous fassiez la promotion à la fois d'accords de libéralisation des échanges et de mesures législatives sur le droit au travail.

Le «droit au travail», comme chacun le sait, est le nom qu'on donne à tort à un programme législatif conçu pour empêcher les syndicats de relever les niveaux de salaires et d'améliorer les conditions de travail de ceux qu'ils représentent. Les travailleurs se trouvent donc doublement désavantagés du fait que nous devons harmoniser nos conditions de travail avec celles des pays en développement du tiers monde et que nous perdons le seul outil dont nous disposons pour nous assurer un niveau de vie acceptable.

Cela m'amène à soupçonner encore plus vos intentions, ou celles du Fraser Institute. C'est un coup monté. Cela ne fait aucun doute. C'est un coup monté du fait que les entreprises exercent des pressions d'un côté pour faire adopter envers et contre tout la ZLEA et qu'elles exercent aussi des pressions de l'autre côté pour qu'on démantèle les seuls outils dont disposent les travailleurs pour maintenir le niveau de vie dont ils jouissent au Canada. Cela me met en colère rien que d'y penser.

J'ai cependant des questions à poser.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): C'est justement ce que j'allais vous demander.

M. Pat Martin: Je l'avais deviné.

Ce qui est m'inquiète, c'est que si la mondialisation du capital est une réalité, comme on nous le dit—et comme d'autres, nous ne nous opposons manifestement pas au commerce—, si donc un des objectifs secondaires devrait être d'amener d'autres populations à bénéficier de la même qualité de vie et du même niveau de vie que nous avons, comment peut-on alors justifier l'effort, l'effort délibéré déployé pour éliminer le seul moyen qu'ont les travailleurs pour redistribuer la richesse chez nous, pour faire disparaître cet outil avec une législation en matière de droit au travail? Je vous demande à tous les deux ce que vous en pensez.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Peut-être que M. Martin pourrait répondre en premier, suivi de M. Lippert.

M. Dick Martin: En réponse à la première partie, nous n'avons pas eu de rencontres en privé avec le cabinet au sujet de la ZLEA ni d'ailleurs au sujet de l'ALENA. Je dirais toutefois qu'avec d'autres groupes de la société civile, nous avons eu des rencontres avec le ministre Marchi et nous avons aussi rencontré les ministres Axworthy et Marchi à Santiago.

Nous n'avons cependant pas été invités à des rencontres comme celles dont vous avez parlé, comme celles qu'a eues le CCCE avec un grand nombre de ministres. C'est pourquoi nous sommes frustrés et indignés du fait que, non seulement le Congrès du travail canadien, mais aussi le groupe avec lequel nous travaillons, se trouve exclu du processus et réduit à lancer des bouts de papier pour dire: «Voici ce que nous pensons». Nous voulons être traités sur un pied d'égalité.

Deuxièmement, sur toute cette question des droits syndicaux, vous avec parfaitement raison de dire que ces droits varient selon les pays. En règle générale—et la région que je connais le mieux est celle de l'Amérique latine—la tendance est toutefois à l'élimination et à l'oppression des syndicats au nom de ce qu'on appelle la mondialisation néo-libérale.

Il n'y a pas un seul pays d'Amérique latine, à ma connaissance, où les normes de travail aient été relevées ou améliorées ces dernières années—pas un seul. Auparavant, l'Argentine avait d'assez bonnes lois. Ces lois ont toutefois été modifiées et sont devenues oppressives et répressives. Il va sans dire, bien entendu, qu'il y a bien des choses qui laissent à désirer en Amérique centrale, c'est le moins qu'on puisse dire. J'ai aussi parlé de la Colombie et des autorités meurtrières qui sévissent là-bas.

• 1635

Il convient d'apporter une mise en garde. Certains pays des Antilles ont peut-être connu une certaine amélioration mais ces pays ne font pas partie de l'ALENA.

Je ne crois pas que ce soit trop demander, encore une fois, que les normes fondamentales du travail soient incorporées à tout accord de libre-échange qui pourrait être conclu à l'avenir et que les droits ainsi garantis soient exécutoires, tout comme le droit à la propriété intellectuelle ou n'importe quel autre droit. On éviterait ainsi tout avantage commercial injuste qui défavoriserait le Canada et les travailleurs canadiens ou les États-Unis et les travailleurs américains, ou encore les autres pays qui ont réussi à relever leurs normes au-dessus du strict minimum.

L'organisation que je préside regroupe 43 millions de membres dans les Amériques. Avec 43 millions de membres, nous pourrions quand même nous attendre à être représentés dans une certaine mesure à des négociations commerciales comme celles dont nous parlons ici. Après tout, je ne connais pas d'autre organisation dans tout l'hémisphère qui regroupe 43 millions de membres et qui n'ait pas voix au chapitre. C'est scandaleux—invraisemblable, à bien y penser.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci.

Monsieur Lippert, vous avez la parole.

M. Owen Lippert: Premièrement, ni moi ni personne d'autre du Fraser Institute n'avons eu de rencontres en privé avec quelque ministre que ce soit.

M. Pat Martin: J'ai parlé du CCCE.

M. Owen Lippert: Le CCCE, ce n'est pas nous.

M. Pat Martin: C'est vrai que je vous ai mis dans le même sac et que c'était peut-être injuste de ma part.

M. Owen Lippert: Je tiens à préciser...

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Quelle est cette réunion qui a eu lieu? Nous en parlerons tout à l'heure.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Pour éviter les affrontements éventuels, vous pourriez peut-être répondre, monsieur Lippert, puis j'accorderai une minute à M. Martin pour qu'il puisse répliquer s'il le souhaite, après quoi je donnerai la parole aux autres membres.

M. Owen Lippert: Je tiens à bien préciser que nous sommes ici aujourd'hui pour parler, non pas d'intérêts, mais d'idées. Nous sommes ici pour parler de l'idée du libre-échange, de savoir comment fonctionnent les avantages comparés.

Certains des problèmes auxquels nous nous heurtons tiennent justement au fait que le gouvernement vend ses faveurs au plus offrant, que ce soit aux grandes entreprises ou aux grands syndicats. C'est le fait que le gouvernement soit en train de vendre au plus offrant tel petit avantage ou tel autre qui est à l'origine des problèmes.

Dire que c'est le mouvement syndical qui a le plus fait pour les travailleurs et qu'il devrait donc avoir des droits garantis dans les accords commerciaux, c'est aller un peu loin. Les ateliers fermés, les règles d'adhésion et le manque de souplesse ne se sont pas révélés dans l'ensemble propices à l'efficience économique, et il y a plein d'ouvrages pour l'attester. Le mouvement syndical a surtout présidé à une redistribution de la richesse au détriment des consommateurs et des travailleurs non syndiqués en faveur des travailleurs ayant le privilège d'être syndiqués.

Étant donné la structure périmée sur laquelle se fondent la plupart des règles syndicales et étant donné la tendance économique actuelle qui vise, non pas à accroître le coût des opérations, mais bien à les réduire, il n'y a pas de raison économique convaincante à mon avis qui milite en faveur de la consécration de ces règles syndicales.

Question plus pertinente encore, voulez-vous aller dire à tous ces pays: «Vous avez maintenant la possibilité de trouver le petit groupe de travailleurs que vous voulez récompenser»? C'est d'ailleurs ce qui s'est produit. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé en Argentine. Chaque fois que le gouvernement a décidé de faire des syndicats des corps politiques privilégiés, les difficultés ont surgi. Je ne dis pas que c'est ce que propose M. Martin ou M. Martin, mais ce risque existe certainement, et l'histoire nous en donne bien des exemples.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Lippert.

Si vous me permettez, monsieur Martin, je sais que vous voulez réagir à cela, mais je vais plutôt demander à M. Speller de poser sa question, et vous pourrez peut-être réagir à ce qu'on vient de dire dans la réponse que vous lui ferez. Je sais que vous aurez quelque chose à dire sur le sujet.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs Martin et Lippert. Je vous revois encore cet après-midi. C'est la deuxième fois aujourd'hui.

M. Owen Lippert: Vous me voyez plus souvent que vous voyez votre femme.

M. Bob Speller: C'est bien le cas aujourd'hui.

Je tiens à corriger ce qui était sans doute une erreur de la part de M. Martin—pas de ce M. Martin. Vous n'êtes pas parents, n'est-ce pas?

M. Pat Martin: Nous sommes des frères syndicalistes.

Une voix: C'est un complot.

Des voix: Ah, ah!

M. Bob Speller: Vous n'êtes pas parent avec Paul Martin?

Une voix: C'est notre oncle fortuné.

M. Bob Speller: Je tiens simplement à corriger une chose que M. Pat Martin a dite au sujet d'une rencontre en privé qui aurait eu lieu entre le CCCE et des membres du cabinet et dont tous les autres auraient été exclus. Je crois qu'il veut peut-être parler d'une réunion des ministres du Commerce des différentes provinces, y compris des ministres néo-démocrates du Commerce avec notre ministre.

• 1640

Il y avait notamment à cette réunion le CCCE, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada ainsi qu'Équipe Canada Inc. Aucun autre ministre n'y assistait. Voilà donc une des rencontres qui a eu lieu.

Je sais que le ministre vous a aussi rencontré, comme vous l'avez dit, et qu'il a rencontré Bob White et autant de personnes qu'il a pu rencontrer, car il a la même intention que vous, comme vous le dites si bien à la fin de votre mémoire:

    Nous devons maintenant constater les preuves concrètes de l'importance de tous les segments de la société civile.

C'est important. C'est dans ce sens qu'ont tendu toutes nos initiatives, non seulement pour la création de cette ZLEA dans le cadre de l'OMC, mais aussi pendant les négociations de l'AMI.

Une partie de ce travail, bien entendu, est fait par votre comité et l'autre sous forme de consultations publiques des Canadiens aux quatre coins du pays. Je ne suggérerai pas un instant que c'est chose facile d'entendre tous les Canadiens sur cette question. Je ne suggérerai pas non plus que nous avons fait tout ce qu'il fallait. En fait, nous avons constaté des défauts dans notre méthode de travail que nous voulons corriger avant d'entamer la deuxième phase de consultations dans l'Ouest.

Je ne suggérerai pas non plus qu'il s'agit des dernières consultations sur cette question car le ministre a l'intention de consulter encore une fois non seulement les parlementaires membres de ce comité mais aussi les ONG et autant de Canadiens que possible. Il a envoyé des lettres, il a publié des communiqués de presse. Je sais que personne ne lit la Gazette du Canada. Nous le savons tous. C'est en fait nous qui avons pour tâche...

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Speller, voudriez-vous poser votre question

M. Bob Speller: Si vous voulez bien me laisser poursuivre, madame la présidente, c'est nous qui avons pour tâche d'informer la société civile.

Nous espérons, grâce à vos bons offices et grâce au travail des syndicats et des différents comités pouvoir mieux comprendre ce que veulent vraiment les Canadiens.

J'ai une question à vous poser parce que je n'ai rien lu à son sujet dans votre document alors que je sais que le Parti néo- démocrate en fait la promotion. Je ne sais pas si c'est simplement la position du critique du parti ou la position du parti parce que pour être franc il n'en parle pas beaucoup. Estimez-vous que nous ne devrions pas participer aux négociations sur la ZLEA dans le contexte de l'OMC ou au contraire que nous devrions au moins être présents pour promouvoir les questions qui concernent la main- d'oeuvre et l'environnement?

M. Pat Martin: J'invoque le Règlement. Je crois que le Règlement des comités interdit de faire les commentaires sur l'assiduité...

M. Bob Speller: ...d'un député. Le Règlement interdit de faire des commentaires sur l'assiduité d'un député...

M. Pat Martin: Madame la présidente, je ne suis pas intervenu quand le député d'en face a eu la parole pour poser des questions aux témoins alors qu'il n'était pas là quand ils ont fait leurs exposés, ce que j'ai trouvé légèrement impoli, d'ailleurs.

M. Bob Speller: Monsieur Martin, je peux les lire, ces exposés.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Permettez-moi de vous interrompre, s'il vous plaît.

M. Bob Speller: Si le Parti néo-démocrate daignait se montrer...

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Je m'excuse. Permettez-moi de vous interrompre.

Monsieur Martin, vous avez raison.

Je suggérerais que vous passiez directement à votre question, monsieur Speller, sans faire de commentaires.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente. Je crois que le député...

M. Pat Martin: Je vous remercie de votre décision.

M. Bob Speller: Pardon?

M. Pat Martin: Je remercie la présidente de sa décision en ma faveur.

M. Bob Speller: Je crois que si la présidente avait consulté le Règlement, elle se serait rendu compte qu'il interdit de rapporter la présence ou l'absence d'un député à la Chambre ou en séance de comité. Par contre le Règlement n'interdit pas de dire que le Parti néo-démocrate a brillé par son absence à nos réunions jusqu'à présent. Le Règlement le permet tout à fait.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Speller, s'il vous plaît...

M. Pat Martin: Vous n'avez pas besoin de le répéter indéfiniment.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Speller...

M. Bob Speller: M. Martin voudrait-il répondre à ma question?

M. Dick Martin: Le Canada devrait participer à ces négociations. Nous n'avons jamais suggéré le contraire. Il arrivera peut-être un moment où il sera préférable que nous n'y participions pas, mais pour le moment c'est trop tôt pour le dire.

Nous disons que l'opinion des groupes défendant les travailleurs, l'environnement et les questions sociales devrait être considérée avec autant de sérieux que celle des groupes représentant les entreprises. Le Forum des affaires a bénéficié d'une aide financière pour organiser ses réunions, ses conférences et faire des études. Nous n'avons bénéficié d'aucune aide. Si un groupe a les moyens de financer ce genre d'exercice, c'est bien le Forum des affaires et si un groupe ne les a pas, c'est bien nous.

• 1645

Nous disons donc, ne serait-il pas juste que vous nous aidiez financièrement? Nous avons fait la demande et la réponse nous est revenue: non. Ce serait un signe très fort montrant votre détermination à ce que le reste de la société participe à cet exercice.

M. Bob Speller: C'est un bon point et c'est la raison pour laquelle nous avons invité à nos frais des gens à venir témoigner devant notre comité. Nous comprenons fort bien que certaines des petites ONG en particulier n'auraient pas les moyens de venir ici ou de faire entendre leur opinion.

M. Dick Martin: Non, elles ne pourraient pas. Pour être franc, c'est nous qui avons préconisé cette formule. Nous avons dit avant que ne débutent les négociations, qu'un comité itinérant devrait sillonner le pays pour que ceux qui ne peuvent pas venir à Ottawa puissent se faire entendre.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Je vous signale que notre comité a passé une semaine à Québec il y a deux semaines et doit maintenant se rendre dans l'Ouest. Il s'est aussi rendu dans les Maritimes. Nous faisons donc un réel effort. Et par «comité» j'entends tous les partis présents à la Chambre.

M. Dick Martin: Oui. Nous ne critiquons pas du tout votre comité. C'est ce que nous avions suggéré et nous espérons qu'il s'en dégagera des résultats concrets.

Nous disons que des réunions occasionnelles avec le ministre, les ministres ou les bureaucrates, c'est bien gentil, mais il nous faut arriver à réunir tous les intéressés lors de tribunes sur les questions sociales et les questions de travail et nous devons en assumer le financement. Le patronat lui est aidé financièrement. Si nous l'étions, ce serait un bon début pour mettre fin à ce genre d'iniquité.

Je ne veux pas me lancer dans un grand débat sur le droit au travail, mais je peux vous dire que le droit au travail aux États- Unis est depuis son introduction un véritable désastre. Il suffit d'examiner quels États ont une loi sur le droit au travail et le niveau de vie dans ces États particuliers: l'Arkansas, le Mississipi, l'Alabama, etc.

Je tiens simplement à faire remarquer que de toute évidence l'Institut Fraser et nous-mêmes occupons des positions diamétralement opposées sur la question. Nous ne sommes pas des privilégiés comme ceux représentés par l'Institut Fraser. Je suis privilégié. J'ai le privilège de représenter les travailleurs et le privilège d'essayer d'obtenir pour eux les meilleures conditions de vie et de travail dans la société.

Tous les États modernes, d'une manière générale, ont rejeté les lois sur le droit au travail—l'Europe de l'Ouest, les États progressifs des États-Unis. Même les dictatures d'Amérique latine ne l'ont jamais proposé, grand Dieu!

Une voix: Sauf Pinochet.

M. Dick Martin: Oui, Augusto Pinochet.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Martin.

Je vais donner la parole à M. Assadourian et ensuite il y aura un deuxième tour s'il nous reste du temps.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

L'Institut Fraser et les syndicats, cela fait un drôle de couple, la gauche et la droite, mais à la vérité, c'est peut-être un bon signe.

J'aimerais revenir à ce que vous avez dit ce matin, monsieur Lippert, à savoir que vous vous considérez comme un organisme de bienfaisance. Mon collègue est revenu sur cette question. Si l'Institut Fraser est un tel organisme, le Parti réformiste devrait suivre votre exemple, car pour l'essentiel, vous avez la même philosophie, la même approche. Je ne vois pas pourquoi il vous faut être un organisme de bienfaisance et venir ici aux frais de la société alors qu'un syndicat représentant les travailleurs ne peut venir ici avec un statut analogue. C'est ma première question. Si vous pouviez me donner des explications, je vous en serais reconnaissant.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Katz.

Il y a un problème à la page 109 de votre document. Vous dites que le PNB au Canada est de 583 milliards de dollars et qu'au Brésil, il est de 7 734 billions?

Mme Sheila Katz (coordinatrice pour la ZLEA, Congrès du travail du Canada): Non.

M. Sarkis Assadourian: Il y a une erreur?

Mme Sheila Katz: Oui. C'est 734,5 milliards de dollars. Il y a un «7» de trop.

M. Sarkis Assadourian: Oh, très bien.

Mon autre question s'adresse à M. Martin.

Est-ce que vous convenez que ce qui est bon pour les travailleurs de GM au Canada est bon pour les travailleurs de GM aux États-Unis et au Mexique, et que ce qui est bon pour la société GM au Canada est bon pour la société GM aux États-Unis et au Mexique? Ou voyez-vous des différences?

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Votre question s'adresse à M. Martin?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Pourriez-vous répondre brièvement, monsieur Martin? Car j'aimerais que nous ayons le temps pour un deuxième tour de questions.

M. Dick Martin: Je présenterais la chose ainsi. Je serais très heureux que les travailleurs mexicains reçoivent les mêmes salaires et les mêmes avantages...

M. Sarkis Assadourian: Non, je vous demande si ce qui est bon pour les travailleurs de GM au Canada est bon pour les travailleurs de GM au Mexique et aux États-Unis et s'il en va de même pour la société GM—au Canada, aux États-Unis et au Mexique. J'aimerais vous poser une autre question après votre réponse.

M. Dick Martin: J'ai du mal à comprendre. Ce qui est bon pour les travailleurs de GM au Canada devrait être bon pour les travailleurs de GM aux États-Unis et au Mexique?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

• 1650

M. Dick Martin: Il arrive que la convention des travailleurs de GM au Canada soit supérieure, dans certains cas, mais il arrive que certaines clauses des conventions des travailleurs américains soient supérieures. Je peux simplement dire que les travailleurs mexicains ne sont certainement pas aussi bien traités que les travailleurs américains ou canadiens.

M. Sarkis Assadourian: Et aux États-Unis?

M. Dick Martin: Les travailleurs de GM américains?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

M. Dick Martin: Dans certains cas, leurs conventions sont aussi bonnes, dans certains autres supérieures.

M. Sarkis Assadourian: Si je vous ai posé cette question, monsieur Martin, c'est que lorsque les syndicats viennent nous voir, ils nous font des exposés. Je voudrais savoir si votre exposé reflète des problèmes canadiens ou des problèmes syndicaux qui sont peut-être analogues aux États-Unis, au Canada et au Mexique. C'est ça que je voudrais savoir.

M. Dick Martin: Des problèmes syndicaux?

M. Sarkis Assadourian: Et la même chose pour les sociétés. J'aimerais poser la même question à M. Lippert.

M. Dick Martin: Je peux vous assurer que notre exposé représente la position des travailleurs syndiqués du Canada. Cela ne fait aucun doute.

M. Sarkis Assadourian: Est-ce que cette position est la même aux États-Unis?

M. Dick Martin: Sur la ZLEA, oui, d'une manière générale.

M. Sarkis Assadourian: Donc, ce n'est pas la peine que je vous parle. Je pourrais parler aux Américains pour connaître votre point de vue. C'est bien ce que vous me dites?

M. Dick Martin: Sur certains aspects.

M. Sarkis Assadourian: Qu'est-ce qui est arrivé...? Si je participe à des conférences internationales, je veux présenter votre point de vue, pas le point de vue des syndicats qui est aussi le point de vue américain.

M. Dick Martin: Non, ce n'est pas un point de vue américain.

M. Sarkis Assadourian: C'est ce que vous venez tout juste de me dire.

M. Dick Martin: Excusez-moi. C'est ce que nous disons dans cet exposé. Je vous ai parlé de Santiago; je vous ai parlé de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs. Nous en sommes tous membres. Ce que nous disons représente également, permettez-moi de vous le dire, le point de vue de beaucoup de travailleurs mexicains et de syndicats mexicains—les syndicats indépendants.

M. Sarkis Assadourian: Je pourrais aussi dire la même chose pour les sociétés. Nous avons entendu des témoins représentant GM. Ils expriment le point de vue de leurs actionnaires et le point de vue américain doit être le même. Nous voulons avoir un point de vue canadien, pas un point de vue de sociétés ou de syndicats lorsque nous participons à des conférences internationales.

M. Dick Martin: Je ne peux pas vous donner un autre point de vue. Je suis membre d'un syndicat et je représente des syndicats.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Monsieur Assadourian, est-ce que vous avez une question à poser à M. Martin?

M. Sarkis Assadourian: Oui, j'ai posé une question.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Est-ce que vous posez la même question à M. Lippert?

M. Sarkis Assadourian: Oui.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Pourriez-vous répondre brièvement, monsieur Lippert?

M. Owen Lippert: Oui.

L'Institut Fraser, moi en particulier, et tous les membres de l'Institut ne représentent pas des sociétés. Si nous représentons quelque chose, c'est une manière de penser et d'analyser les questions et la politique gouvernementale, à l'aide, en majeure partie, d'instruments d'études économiques néo-classiques. Cela nous évite en fait de tomber dans le piège de l'analyse dictée par des intérêts spéciaux.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci.

Nous allons passer à un deuxième tour, mais il sera très bref car il ne nous reste plus que sept minutes.

Je vous demanderais de poser une question très courte, monsieur Penson. Je sais que M. Sauvageau veut aussi poser une question, donc soyez très bref, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson: Les commentaires de M. Martin sur la loi du droit au travail soulèvent une question. Il a parlé tout particulièrement des États américains du Sud-Est. Je viens de visiter cette région tout dernièrement et j'ai remarqué combien la situation s'était nettement améliorée ces dernières années. Je crois comprendre que la Loi sur le droit au travail a eu comme effet très positif de relancer l'économie. Selon M. Martin, tel n'est pas le cas, et je me demandais s'il avait des études ou des informations à fournir à notre comité pour que nous puissions les examiner nous-mêmes.

M. Dick Martin: Avec grand plaisir. N'oubliez pas de me donner votre carte.

M. Charlie Penson: Vous pouvez les communiquer à la greffière.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Pourquoi ne pas l'envoyer directement au comité, monsieur Martin?

M. Dick Martin: Certainement.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Cela nous intéresserait beaucoup.

M. Dick Martin: Pas de problème.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: Monsieur Martin, le CTT nous a donné deux pistes d'orientation pour la Zone de libre-échange des Amériques: premièrement, on ne doit pas s'en retirer et, deuxièmement, les normes environnementales et du travail d'Amérique du Sud sont un trop petit dénominateur commun. Quel devrait être le plus petit dénominateur commun? Si on ne se retire pas, il faudra négocier.

Monsieur Lippert, je ne voudrais pas vous paraître désagréable, mais étant donné que vous êtes un organisme de charité qui est supposé être Canadian, que vous êtes avocat et que le Canada a une loi sur le bilinguisme, pourriez-vous vous assurer, la prochaine fois que comparaîtra l'Institut Fraser, de déposer un document dans les deux langues officielles? Oui? Je vous remercie. Je savais que vous étiez bien gentil, et vous venez de le confirmer.

Monsieur Martin.

• 1655

[Traduction]

M. Dick Martin: Les clauses sociales dont nous parlons, qu'elles soient...

J'ai parlé de l'OIT. Cela permettrait d'avoir des clauses minium pour la main-d'oeuvre. Il y a aussi maintenant un accord dans de nombreux cas sur les normes internationales pour l'environnement, négocié à Paris. L'ISO, l'Organisation internationale de normalisation, traite non seulement des questions d'hygiène et de santé professionnelles, mais aussi des questions de normes environnementales connexes.

Encore une fois, notre souci principal à ce sujet est que les normes environnementales ne soient pas diminuées mais au contraire améliorées en permanence pour que les règles du jeu soient égales. Nous parlons d'harmonisation; nous parlons de règles de jeu égales. Pourquoi ne pas avoir des règles du jeu le plus élevées possible? C'est ce que nous proposons. Je ne pense pas qu'établir des normes environnementales minimum pose un problème.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

M. Owen Lippert: Je vais m'occuper de la question de la traduction. C'est un effort que nous devrions faire.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci.

Monsieur Martin, vous avez exactement quatre minutes.

M. Pat Martin: Merci beaucoup, madame la présidente. Je n'en aurai pas pour aussi longtemps.

C'est avec intérêt que j'ai entendu certains points de vue dans la mesure où un des objectifs secondaires des échanges commerciaux avec les pays en voie de développement est de les aider à harmoniser leurs normes, à la hausse, si possible. Du moins, c'est ce que le ministre est venu nous dire quand nous réclamions une cessation des échanges commerciaux avec des dictatures brutales comme en Indonésie, par exemple. Nous demandions, pourquoi le Canada veut-il tellement commercer avec ces pays? Le ministre nous a répondu qu'il était important de commercer avec ces pays afin de les aider à se hisser à notre niveau de vie. Pourtant, en novembre, il y a eu la crise de l'APEC où nous avons clairement compris que ce qui intéressait le Canada... Pour ces normes, il a bien semblé que c'était le plus petit commun dénominateur qui l'emportait.

Dans la minute ou deux qui nous restent, voudriez-vous l'un ou l'autre nous dire quelques mots sur le risque, sans normes inscrites dans ces accords commerciaux, de régression plutôt que de progression?

M. Owen Lippert: Les normes évoluent à la hausse parce que les populations, par le biais des échanges commerciaux, s'enrichissent et ont des attentes plus élevées.

M. Dick Martin: Et grâce à la redistribution de cette richesse.

M. Owen Lippert: En fait, cette poussée vers le bas est un mythe.

Une voix: Oh!

M. Owen Lippert: Cela n'existe pas.

M. Pat Martin: Si c'est l'Institut Fraser qui le dit!

M. Owen Lippert: Les populations gagnant un revenu veulent une qualité de vie supérieure et soumettent leurs gouvernements à de plus grandes pressions pour y accéder. Donc, cette idée de nivellement par le bas ne s'est jamais concrétisée dans les faits, et je peux vous fournir toutes sortes de documents de référence sur la question si cela vous intéresse.

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Lippert.

Monsieur Martin, je suppose que vous avez une réponse à donner.

M. Dick Martin: Le taux de pauvreté au Mexique est inférieur à ce qu'il était en 1984. Les champions du libre-échange disent que c'est merveilleux pour les Mexicains. Je m'excuse, mais les Mexicains sont dans un très mauvais état.

Les échanges commerciaux se sont multipliés en Amérique latine grâce au MERCOSUR et à d'autres accords commerciaux régionaux. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve pour le moment que le niveau de vie des populations y a gagné. Par contre, les données historiques et statistiques ne manquent pas sur le fait qu'il y a aujourd'hui beaucoup plus de riches au Mexique qu'hier, mais aussi qu'il y a beaucoup plus de pauvres qu'hier. Le problème est donc celui du partage des richesses.

Les sociétés ne redistribuent jamais la richesse plus qu'elles n'ont à le faire. Le gouvernement est le seul instrument qui puisse assurer une juste répartition de la richesse. C'est la raison pour laquelle nous disons que vous devriez inclure dans ces accords commerciaux les normes qui assureront à ces populations une juste répartition des richesses.

Des richesses seront créées. Il y a plus de richesses dans le monde aujourd'hui qu'il n'y en a jamais eu dans l'histoire de l'humanité, mais quelle pauvreté! C'est une question de répartition et non pas une question de création. Vous avez probablement tous voyagé en Amérique latine. La richesse est énorme sur ce continent et la pauvreté aussi, car les gouvernements ne se sont pas sentis obligés de garantir un partage plus équitable de cette richesse.

Le gouvernement a donc un très grand rôle à jouer à ce niveau et nous espérons que votre comité saura recommander au gouvernement la mise en place de ce type de mécanismes pour la ZLEA. Nous espérons que le gouvernement finira par dire qu'après tout, la brutalité de certains régimes, joignant le cruel à l'odieux, nous interdit d'avoir toutes relations commerciales avec eux.

Nous ne suggérons pas d'abandonner toute participation à une sorte de ZLEA. Nous disons qu'il faut nous assurer de l'existence de normes concernant les droits de la personne, le travail et l'environnement afin que les populations de tout l'hémisphère profitent de la prospérité potentielle de la création d'une telle zone.

• 1700

La présidente suppléante (Mme Raymonde Folco): Ce que vous dites, monsieur Martin, vaut certainement plus que pour la seule Amérique latine. C'est le genre de question que nous nous posons concernant certains autres pays avec lesquels nous avons des échanges commerciaux.

Je vous remercie beaucoup, monsieur Lippert.

Je vous remercie beaucoup, monsieur Martin et madame Katz.

La séance est levée.