Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 087 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 juin 2013

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

     Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 4 juin 2013, nous étudions le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.
     Je tiens à remercier nos témoins, car c'est maintenant la deuxième fois qu'ils reviennent, vu qu'ils étaient censés témoigner devant nous mardi.
     Merci beaucoup. Nous savons que vous avez des horaires chargés et c'est pourquoi nous apprécions que vous ayez modifié votre emploi du temps pour venir ici.
     Il semble que la sonnerie va encore retentir d'ici 20 minutes. Le vote devrait durer une dizaine de minutes, jusqu'à midi, ce qui veut dire que nous ne serons pas de retour ici avant midi cinq. Je pense qu'il serait utile d'entendre votre témoignage maintenant et de poursuivre encore un peu après, si les témoins sont d'accord.
     Nous comprenons également que vous puissiez avoir d'autres choses à faire. Au moins, nous aurons entendu votre témoignage. Nous reviendrons et nous terminerons par 30 minutes de questions et réponses. Si nous pouvons vous convaincre de rester, ce serait formidable.
     Je vais présenter chacun de nos témoins qui sont ici aujourd'hui.
     Les représentants de l'Association du Barreau canadien sont Noah Arshinoff, avocat-conseil, pour la réforme du droit et Michael Osborne, membre de l'équipe anticorruption de l'ABC. Michael, vous êtes le bienvenu. Merci d'être venu.
     L'Institut Nord-Sud est représenté par son président, Joseph Ingram. Joseph, c'est un plaisir de vous revoir ici aujourd'hui.
     Nous allons entendre, à partir de Calgary, en Alberta, Janet Keeping, présidente de Transparency International Canada. Merci Janet de nous inclure dans votre emploi du temps. La dernière fois que nous vous avons parlé, je pense, c'était à Edmonton.
    Vous voyagez beaucoup. Si nous devons tenir une autre journée de séance, nous ne savons pas où nous pourrons vous retrouver. Nous sommes heureux que vous puissiez vous joindre à nous par vidéoconférence.
     Je vais commencer par l'Association du Barreau canadien. Nous allons entendre vos déclarations, après quoi nous passerons à M. Ingram et nous terminerons par Mme Keeping, à Calgary.
     Monsieur Arshinoff, vous disposez de sept à dix minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Merci, monsieur le président et membres du comité.
     Nous avons le plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de l'Association du Barreau canadien.
     L'ABC est l'association nationale qui représente plus de 37 000 membres de la profession juridique. Notre mandat comprend l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons analysé le projet de loi.
     Le mémoire que nous vous présentons a été préparé par l'équipe anticorruption de l'ABC qui comprend des avocats qui exercent en pratique privée ou à l'emploi d'entreprises ou d'organisations des quatre coins du pays et qui sont experts dans le domaine de la lutte contre les pots-de-vin et la corruption.
     L'équipe anticorruption de l'ABC a été constituée pour s'occuper de toutes les questions relatives aux lois contre la corruption et mettre à la disposition des avocats canadiens une source d'information sur la législation contre la corruption et leurs obligations à l'égard de l'application de la loi.
     Mon collègue, M. Osborne, est membre de l'équipe anticorruption de l'ABC et je vais lui céder la parole pour notre déclaration préliminaire.
    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

[Français]

    L'équipe anticorruption de l'Association du Barreau canadien partage les mêmes convictions qui se manifestent dans le projet de loi S-14. Comme l'exprime la convention, la corruption dans les transactions commerciales internationales suscite de graves préoccupations morales et politiques, affecte la bonne gestion des affaires publiques et le développement économique et fausse les conditions internationales de concurrence. C'est pour cela que l'EAC appuie en général le projet de loi S-14.

[Traduction]

     Nous avons néanmoins deux préoccupations à porter à votre attention aujourd'hui: premièrement, les difficultés associées à l'abrogation de l'exception relative aux paiements de facilitation dans le contexte actuel et deuxièmement, les difficultés causées par l'augmentation de la peine maximale à 14 ans d'emprisonnement.
     Pour commencer par les paiements de facilitation, ce sont les petits paiements faits à des fonctionnaires pour les inciter à faire leur travail. Ils se distinguent des paiements visant à obtenir un avantage commercial, autrement dit des pots-de-vin versés pour obtenir un contrat.
     À l'heure actuelle, le consensus international semble être qu'il faudrait dissuader de faire des paiements de facilitation, mais il n'est pas certain que le moment soit bien choisi pour criminaliser les paiements de facilitation à des agents publics étrangers. Le projet de loi S-14 nous semble refléter ce consensus en prévoyant l'abrogation de l'exception accordée pour les paiements de facilitation, mais pas immédiatement étant donné que cette abrogation entrera en vigueur à une date qui sera fixée par le gouverneur en conseil.
     L'équipe anticorruption de l'ABC ou EAC, estime que ce n'est pas le meilleur moyen de lutter contre les paiements de facilitation. C'est le Parlement et non pas le Cabinet qui devrait décider du bon moment pour le faire, et cela après avoir pleinement consulté les Canadiens qui font des affaires à l'étranger. Certaines des considérations importantes à examiner sont les suivantes.
     Il s'agit d'abord des répercussions sur les secours aux sinistrés. Les organismes de bienfaisance qui livrent l'aide humanitaire doivent être autorisés à faire le nécessaire pour sauver des vies. Un avocat à l'emploi d'un important organisme de bienfaisance nous a dit craindre le jour où les paiements de facilitation deviendront illégaux et où une expédition indispensable de nourriture sera retenue dans un pays corrompu, par un douanier cynique qui exigera 50 $ pour laisser passer les vivres. La question est de savoir, dit-il, si l'organisme pourra verser les 50 $ à cet homme. S'il ne le fait pas, un millier de personnes ou plus mourront.
     Il y a d'autres exceptions. Parfois, les gens n'ont pas d'autre choix que celui de payer. On nous a dit que dans certains pays, les autorités ont l'habitude de retenir les visas de sortie jusqu'à ce qu'elles reçoivent de l'argent. Dans d'autres, la police exige un paiement avant même d'accepter de recevoir le signalement d'un acte criminel. Nous entendons parler de cas où des autorités menacent la santé ou la sécurité des gens pour leur extorquer de l'argent. La plupart des gens conviendront, je pense, que dans ces circonstances, le paiement ne devrait pas être un crime.
    Troisièmement, pour ce qui est des sanctions, selon les dispositions actuelles du projet de loi S-14, les personnes qui se trouvent forcées de faire des paiements de facilitation risquent de commettre un acte criminel punissable de 14 ans d'emprisonnement. Autrement dit, c'est un des actes criminels les plus graves qui soient inscrits dans les lois du Canada. Il y a lieu de se demander si c'est ou non un châtiment approprié pour des petits paiements de cette nature.
     Pour ces raisons, l'ABC-EAC recommande de ne pas maintenir l'abrogation de l'exception relative aux paiements de facilitation dans ce projet de loi.
     Notre deuxième observation générale concerne l'augmentation des sanctions.

  (1105)  

[Français]

    La peine actuellement prévue par la loi est un emprisonnement maximal de 5 ans. Le projet de loi propose d'augmenter cette peine jusqu'à 14 ans.

[Traduction]

     La nouvelle peine sera de 14 ans d'emprisonnement, ce qui fera de l'infraction de corruption une des infractions les plus graves du Code criminel. À titre de comparaison, cette peine maximale de 14 ans est plus sévère que la peine maximale prévue pour la corruption au Canada, par exemple, qui est généralement de cinq ans, même si elle peut être de 14 ans dans certains cas; pour la pornographie juvénile, qui est de 10 ans; pour l'abandon d'un enfant, qui est de 5 ans; pour la négligence criminelle entraînant la mort avec usage d'une arme à feu, qui est de 4 ans; ou pour voies de fait causant des lésions corporelles, qui est de 10 ans.
     L'augmentation des pénalités de 5 à 14 ans est lourde de conséquences. Quatorze ans est effectivement un chiffre magique en droit pénal canadien. Pour commencer, les infractions punissables d'une peine maximale de 14 ans ne donnent pas droit à une absolution, qu'elle soit conditionnelle ou inconditionnelle. Cela répond d'ailleurs à une question qu'une de vos collègues a posée l'autre jour quand elle a demandé s'il y avait une possibilité d'absolution.
     Les peines conditionnelles — c'est-à-dire les peines purgées dans la société — ne feront pas partie des peines qui pourront être imposées pour cette infraction. Cela limite sérieusement la gamme d'options à la disposition des procureurs, de l'avocat de la défense et des tribunaux. Pour parler clairement, il sera difficile d'adapter le châtiment au crime.
     Supposons, par exemple, qu'un homme d'affaires canadien est à l'aéroport, dans un pays en développement qu'il veut quitter. Les douaniers exigent un paiement de facilitation. Il le paie pour être autorisé à quitter le pays et à rentrer au Canada. Cette personne a-t-elle vraiment commis une des infractions les plus graves dans le Code criminel du Canada? Cette personne mérite-t-elle d'avoir un casier judiciaire? Si la réponse est non, il faut modifier la peine afin que l'absolution reste possible.
     Si vous le permettez, je vous dirais que le pouvoir discrétionnaire de la poursuite n'est pas la solution. La loi devrait être aussi claire que possible pour pouvoir servir de guide. J'ajouterais qu'au Canada la poursuite n'a pas pour habitude d'émettre des lignes directrices à l'égard de la nature des infractions. Cela ne se fait pas, sauf peut-être dans le domaine du droit de la concurrence, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, par exemple, où il y a des lignes directrices assez importantes au sujet de la Bribery Act.
     Supposons qu'un M. 10 %, quelque part dans le monde, exige qu'un entrepreneur canadien lui paie un pot-de-vin pour obtenir un contrat. Supposons que ce contrat soit relativement petit et que l'entrepreneur n'ait pas d'antécédents judiciaires. L'infraction serait celle que prévoit la loi. Bien entendu, ce n'est pas un paiement de facilitation, mais un pot-de-vin. Avons-nous vraiment besoin de mettre cette personne en prison? Pourquoi ne pas imposer une peine à purger dans la collectivité à une personne qui ne pose pas de risque pour la société?
     Tel qu'il est libellé, le projet de loi S-14 ne permettrait pas d'imposer ce genre de peine, même si je me hâte d'ajouter que le sursis resterait possible.
     Je vous remercie de votre attention. Voilà ce que j'avais à dire.

  (1110)  

    Merci, monsieur Osborne.
     Nous allons maintenant passer à M. Ingram.
     Vous disposez de sept à dix minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, d'avoir invité l'INS à formuler des observations sur les amendements proposés au projet de loi. C'est un honneur pour notre institut qui est le plus vieux laboratoire d'idées indépendant au Canada dans le domaine du développement — et j'ajouterai, le leader mondial reconnu à ce titre ces deux dernières années, selon les résultats du sondage Global Go-To Think-Tank. Malgré notre budget annuel de moins de 5 millions de dollars, les mêmes répondants nous ont classés au premier rang des laboratoires d'idées en développement au pays.
     En traitant de l'importance du projet de loi, j'ai voulu décrire brièvement le contexte mondial dans lequel il se situe. Je n'interviens pas à titre d'homme de loi ou de spécialiste sur le sujet des modifications elles-mêmes, mais plutôt en tant qu'économiste canadien en développement qui se préoccupe des défis déterminants du développement mondial au XXIe siècle. J'interviens aussi à titre de personne qui oeuvre dans le secteur du développement international depuis 1970, dont 30 années auprès de la Banque mondiale, pendant lesquelles j'ai vécu 14 années et géré le soutien financier dans quelques-uns des pays les plus corrompus du monde, selon l'indice des perceptions de corruption de Transparency International — et je ne les nommerai pas dans cette salle.
     Je connais de première main l'effet insidieux et dévastateur qu'a la corruption, nourrie par l'absence de représentativité, de transparence et de responsabilité — les trois piliers de la saine gouvernance — sur l'économie et le bien-être d'une population. Ce n'est pas joli et ce n'est pas ce à quoi devraient servir les ressources des contribuables canadiens et d'ailleurs.
     Comme l'ont indiqué les auteurs du récent Rapport de 2013 sur les progrès en Afrique:
La transparence et la responsabilité sont les deux piliers d'une bonne gouvernance. Ensemble, elles constituent le fondement de la confiance envers le gouvernement et de la gestion efficace des ressources naturelles, et ce fondement doit impérativement être renforcé.
     Comme le suggère également cet éminent panel international, l'absence de ces piliers est particulièrement préjudiciable dans les pays riches en ressources naturelles où les enjeux financiers et les tentations de maximiser les gains personnels, auxquelles sont exposées les élites politiques et économiques, y compris les investisseurs étrangers, sont élevés. La croissance sans précédent de la demande en ressources naturelles, et en particulier les extraits essentiellement en provenance des pays émergents, provoque tant la volatilité que la hausse des prix des produits de base, la concurrence mondiale pour les ressources s'intensifiant, en particulier en Afrique, où le potentiel reste encore plutôt inexploité. Pour le Canada, un pays riche en ressources naturelles ayant des contacts partout dans le monde et dont la santé économique dépend de plus en plus de sa capacité à mondialiser ses relations commerciales, l'intensification de la concurrence pose un défi particulier. La zone de confort que constitue la production essentiellement pour le marché intérieur et les États-Unis disparaît rapidement.
     Comme l'a fait remarquer le Conference Board du Canada en 2012, la dernière décennie a marqué un recul pour les exportations canadiennes:
Les années 2000 ont été une « décennie perdue » pour les exportations canadiennes de biens et de services, car les volumes ont connu essentiellement une croissance nulle, même si le volume des échanges mondiaux de marchandises a augmenté de 68 p. 100 pendant cette période... Nous avons perdu une part du marché d'exportation, qui est allé vers les marchés émergents pour une vaste gamme de produits, y compris les traditionnels produits du bois et du papier.
     Pendant la même période, pour reprendre la récente déclaration de l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, « nous avons abaissé nos prévisions des exportations pour 2013 parce que nous détectons un problème de compétitivité ». En effet, pendant cette même période de 2000 à 2012, huit des pays du G20 ont perdu une part du marché mondial d'exportation, dont le Canada, qui a subi une perte d'environ 37 %, juste après le Royaume-Uni, qui a subi la plus forte baisse, soit environ 40 %. Au premier rang des 12 pays ayant gagné des parts de marché, on trouve évidemment la Chine, avec une hausse de 170 %, mais il y a aussi l'Australie, avec un gain de 50 %.
     Cette perte de marché à l'exportation à l'échelle mondiale correspond aussi à une perte de compétitivité des investissements canadiens dans le secteur de l'extraction en Afrique. Alors que le Canada était le principal investisseur dans les mines du continent africain en 2007, en dépit d'une hausse des capitaux d'investissement canadiens de moins de 3 milliards de dollars à environ 31 milliards actuellement, le pays se classe cinquième, derrière la Chine, l'Australie, l'Afrique du Sud et les pays de l'Union européenne.
     Nous avons récemment débattu de ces questions lors du Forum d'Ottawa de l'INS, intitulé « Gouvernance des ressources naturelles au service du développement en Afrique » — et là je veux ajouter que tant Dean Allison que Lois Brown ont apporté d'importantes contributions à la discussion — et nous nous sommes penchés sur les moyens que pourrait utiliser le Canada pour remonter dans ce secteur et devenir un chef de file dans l'exploitation des ressources naturelles et l'investissement dans ces ressources sur le continent.

  (1115)  

     Nous sommes à une époque où les gouvernements africains eux-mêmes et les pays membres du G8 cherchent de plus en plus à faire une utilisation plus rentable des ressources minières et énergétiques, s'assurant ainsi d'en faire une bénédiction sur le plan économique plutôt que le cauchemar qu'elles ont eu tendance à être.
     En effet, lors du forum, un vice-président principal d'une importante société d'investissement canadienne dans le secteur de l'extraction en Afrique a déclaré que les sociétés minières canadiennes ne pouvaient plus battre la concurrence en raison des coûts uniquement, qu'il faut d'autres attributs.
     Une meilleure image de marque du Canada est l'un d'eux, tout comme il est préférable d'établir soi-même des politiques de lutte contre la corruption dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles que de se les voir dicter. Le Canada doit être vu comme un chef de file dans la définition de pratiques exemplaires à l'international, en particulier à un moment de l'histoire où les gouvernements africains, dont beaucoup sont des démocraties, prennent des mesures pour accroître la mobilisation des ressources intérieures et endiguer la sortie illicite des ressources financières.
     À titre d'exemple, on estime qu'en 2012, quelque 63 milliards de dollars sont sortis de façon illicite de l'Afrique au moyen de la falsification des prix des échanges commerciaux, de la fixation des prix de cession interne, et cetera, dépassant les entrées de quelque 62 milliards sous forme d'aide au développement et d'investissements directs étrangers. La nouvelle vision du secteur minier africain élaborée par l'Union africaine en collaboration avec la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies propose un programme convaincant pour accompagner de tels changements, en déplaçant le point de mire de la simple extraction de minerais à des impératifs de développement beaucoup plus larges dans lesquels politique minière et politique de développement forment un tout. Cela se traduit par une véritable réglementation visant l'industrie extractive, le renforcement de l'autorité institutionnelle et la mise en oeuvre de politiques qui garantissent que les ressources générées seront consacrées à la production de retombées durables et plus équitables.
     Aux yeux de la communauté internationale, cela signifie une égalisation des conditions de concurrence, en vertu de quoi les investisseurs dans le secteur des ressources naturelles seront assujettis à la même réglementation que tout le monde, forte de l'amendement Cardin-Lugar aux États-Unis et de la directive sur la transparence de l'UE adoptée plus tôt cette semaine, de sorte que les sociétés oeuvrant en Afrique appliqueront les mêmes principes comptables et la même norme de gouvernance qu'elles sont tenues de respecter dans les pays riches. Elles doivent également admettre que la divulgation a de l'importance.
     À notre avis, le projet de loi S-14 représente une étape importante à cet égard, puisqu'on y resserre la responsabilité des entreprises canadiennes actives dans les pays émergents et qu'on cherche à appliquer la norme établie au Canada partout ailleurs. Par conséquent, nous félicitons le gouvernement d'avoir rédigé ce projet de loi.
     Isolément, par contre, il ne répond pas au besoin du Canada d'être considéré comme un chef de file mondial dans la lutte contre la corruption, car le texte ne traite que d'un seul pilier d'une bonne gouvernance, soit la responsabilité. En effet, la Chine a adopté un huitième amendement à son code pénal en 2011, une loi qui ressemble au projet de loi canadien. Il manque également un règlement obligeant les investisseurs canadiens à faire preuve de transparence. Comme l'a rappelé le premier ministre britannique David Cameron en préparation à la réunion du G8 prévue plus tard ce mois-ci:
Nous devons lever le voile du secret qui permet trop souvent aux sociétés et aux agents officiels corrompus de contourner la loi. Les pays du G8 doivent chercher à définir une norme internationale commune qui obligera les industries extractives à publier toutes les sommes versées à des gouvernements et les gouvernements à déclarer ces recettes. Nous favoriserons ainsi plus d'investissements dans les pays riches en ressources naturelles et égaliserons les conditions de concurrence.
     Dans mes échanges avec les membres de l'Association minière du Canada, dont certains ont participé à notre récent forum, j'entends le même souhait exprimé ainsi que la crainte que le désir de réappropriation des ressources nationales exprimé en Afrique et ailleurs ne vise d'abord les entreprises de pays considérés comme faisant preuve de peu de rigueur dans l'application des lois visant à endiguer la corruption exercée par leurs propres entreprises. De fait, dans son rapport, le panel APP mentionne explicitement le Canada: « Les opposants [à des règles plus strictes] ne sont pas tous issus de l'industrie. Le gouvernement canadien s'est opposé à la mise en place de normes de divulgation obligatoires. »
     Que le Canada soit perçu comme un pays récalcitrant par les gouvernements et la société civile de l'Afrique n'est bon ni pour notre image de marque, ni pour notre compétitivité à court terme. L'allocution prononcée par le premier ministre Stephen Harper à Londres, hier, dans laquelle il a indiqué que le Canada allait mettre en place une nouvelle norme de déclaration obligatoire des sommes versées aux gouvernements étrangers et du pays par les sociétés canadiennes du secteur de l'extraction, constitue un virage intéressant et il faut applaudir chaleureusement ce geste posé par le gouvernement.
     Cette nouvelle politique permettra de changer les mentalités et d'améliorer notre image de marque. S'il devait y prévoir la conformité à l'Initiative pour la transparence des industries extractives, le Canada s'alignerait sur les 23 pays qui appuient déjà cette dernière. Seize autres pays envisagent de l'adopter, dont l'Australie et les États-Unis. La France et le Royaume-Uni feraient connaître leur position favorable pendant le Sommet du G8, alors que l'Allemagne a récemment indiqué à l'ancien président de l'ITIE, de nationalité allemande, qu'elle aussi était sur le point de l'adopter.

  (1120)  

     L'adoption de l'Initiative par le Canada attesterait de notre grand souci de transparence et rassurerait les gouvernements et la société civile du continent africain quant au fait que les industries extractives canadiennes présentes en Afrique sont assujetties à une seule norme, peu importe où se déroulent leurs activités.
     Cette mesure favorisera le développement économique de l'Afrique et la prospérité économique du Canada. Elle remettra le Canada en position de chef de file dans le domaine de la gouvernance des ressources naturelles.
     Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Ingram.
     Nous passons maintenant à Mme Keeping, de Transparency International.
    Merci beaucoup de nous donner l'occasion de nous adresser aux membres de ce comité.
     Je vais vous corriger tout de suite, monsieur le président: je suis à l'emploi de Transparency International Canada. J'occupe le poste de présidente-directrice générale de Transparency International Canada, une organisation qui constitue une section régionale de Transparency International. La société mère a été créée en 1993 et a son siège social à Berlin. Elle compte quelque 100 sections régionales partout dans le monde et est souvent considérée comme la principale ONG engagée dans la lutte contre la corruption à l'échelle mondiale.
     TI Canada, de son côté, a été constituée en 1998. Nous formons une coalition réunissant des membres des professions libérales, des avocats, comme moi, ou des comptables, et des personnes oeuvrant dans le milieu des ONG, des membres de la fonction publique à la retraite et des membres du milieu des affaires, dont celui des industries extractives.
     J'ai pour mission essentielle, aujourd'hui, à titre de porte-parole de Transparency International Canada, d'insister vivement pour que soit adopté le projet de loi S-14. À notre avis, c'est une très bonne chose que le gouvernement canadien réagisse aux critiques qui se sont accentuées au cours des années à l'égard de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.
     L'adoption du projet de loi permettra de diriger la lutte du Canada contre la corruption à l'étranger vers d'autres fronts. Le projet de loi s'attaque à des situations dénoncées par plusieurs depuis des années, que ce soit au Canada, notamment par Transparency International Canada, ou à l'extérieur du pays, comme vous le savez, j'en suis certaine.
     Je vais être très brève et ne mentionner que les dispositions du projet de loi qui ont particulièrement intéressé Transparency International Canada. L'une d'elles concerne l'ajout de la compétence fondée sur la nationalité. Il faut l'inscrire. Le projet de loi S-14 le fait et nous en sommes très heureux.
     Pour ce qui est des peines plus sévères qu'a relevées plus tôt l'intervenant de l'Association du Barreau canadien, à notre avis, le fait d'alourdir les peines envoie le message que le Canada est vraiment sérieux dans sa lutte contre la corruption. Beaucoup considèrent que c'est seulement la perspective d'un long emprisonnement qui saura convaincre les gens de résister à la tentation de se laisser corrompre pour faire facilement des affaires. J'estime qu'il importe plus que la loi soit appliquée avec vigueur et constance, par opposition à l'imposition de longues peines de prison, mais dans l'ensemble, nous sommes heureux de constater que les peines sont plus sévères.
     Que dire des paiements de facilitation? La question a fait l'objet de débats au sein de TI Canada et dans le cadre des nombreuses rencontres publiques que nous avons organisées ces dernières années. Nous sommes conscients de la complexité et, dans certains cas, de la subtilité des enjeux, mais nous sommes favorables à l'élimination de l'exception en place visant les paiements de facilitation.
     À notre avis, le fait que le projet de loi S-14 crée une infraction en lien avec les livres et documents comptables constitue une première d'une très grande importance. Il faut aussi prévoir une peine au civil, mais nous sommes tout à fait conscients des contraintes constitutionnelles du gouvernement fédéral à cet égard. D'après nous, le fait de parler d'infractions au pénal, ce qui est le cas dans le projet de loi S-14, sera d'une grande aide dans la lutte contre la corruption.
     Une brève remarque: nous avons consacré pas mal de temps à débattre, à TI Canada, de la modification apportée à la définition du terme « affaires », soit la suppression des mots « en vue d'un profit », et cela aussi représente à nos yeux une mesure appropriée que nous avons été heureux de constater dans le projet de loi S-14.
     Je tiens à conclure mes très brèves observations en exprimant nos remerciements aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui ont organisé l'atelier de travail de deux jours au début du mois de janvier 2012, afin que nous nous penchions sur un grand nombre des enjeux qu'a résolus le projet de loi S-14. Ce fut un excellent exercice qui avait été bien préparé, qui a été bien dirigé et auquel un suivi a été donné. Plusieurs sociétés d'État étaient représentées et TI Canada a été heureuse que plusieurs de ses administrateurs et son consultant administratif prennent part à cette démarche.
     La discussion a été ouverte et franche. Nous avons eu l'impression d'être écoutés et nous aurions sans doute eu bien d'autres choses à dire au sujet du projet de loi S-14, si nous n'avions pas été impliqués si tôt dans le processus.
     Merci de m'avoir permis de faire cette déclaration et je serai heureuse de répondre à vos questions plus tard.

  (1125)  

    Merci.
     Je remercie de nouveau tous les témoins.
     La séance est suspendue jusqu'à la fin des votes. À notre retour, nous allons débuter par les questions de M. Dewar.
     La séance est suspendue.

  (1125)  


  (1210)  

    Si mes chers collègues veulent bien venir s'asseoir, nous allons poursuivre la séance. Encore une fois, je remercie tous les témoins de nous avoir attendus patiemment pendant que nous allions exercer notre droit, en démocratie, de voter et vaquer à d'autres tâches d'un comité.
     Nous allons débuter la séance de questions avec M. Dewar. Je crois qu'on sera en mesure de poser une ou deux séries de questions avant de passer à l'étude article par article.
     Monsieur Dewar, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi nos témoins pour leur patience et leurs interventions.
     Ma première question s'adresse à vous, monsieur Osborne. Certains amendements législatifs sur les peines maximales semblent vous préoccuper. Ces peines passeraient de 5 à 14 ans. Pourriez-vous nous confirmer l'influence que ces amendements auraient sur la discrétion des juges et préciser leur lien avec l'absolution et l'octroi de sursis?
     Vous avez dit que cela influencerait l'application de la loi. Je pense que c'est important. De prime abord, on pourrait penser que c'est fantastique — on passe de 5 à 14 ans. Pourquoi pas?
     Dites-nous en quoi cela modifierait la discrétion des juges et l'imposition de peines avec sursis. Nous avons déjà constaté des conséquences imprévues après l'amendement d'autres lois. On peut regarder cette loi en disant: « Oh, elle est plutôt dure. Nous risquons de ne pas l'appliquer autant que nous ne l'aurions fait avant si nous avions eu plus de souplesse. » Alors voulez-vous, je vous prie, commenter là-dessus?
    Il n'y a pas de durée minimale ici. Il s'agit de 14 ans. Un juge peut imposer une peine allant de quelques jours à un maximum de 14 ans. Mais certains résultats que le Code criminel nous permet d'obtenir actuellement ne seront plus possibles une fois que la nouvelle peine maximale sera en vigueur. Ce que nous n'aurons plus, c'est l'absolution et l'octroi de sursis.
     Cela aura les effets suivants. Dans le cas, disons, d'un délinquant primaire dont l'infraction n'est pas très grave, mais qu'on décide, pour une raison quelconque, de poursuivre en justice. Peut-être qu'il a coopéré. Il y a beaucoup de circonstances atténuantes. Parfois, le procureur et l'accusé conviennent de faire une requête commune d'absolution ou d'octroi de sursis. Techniquement, ce n'est pas une condamnation. Si vous plaidez coupable et qu'on vous absout, vous n'êtes pas condamné. On n'ouvre pas un casier judiciaire sur vous. En fait, c'est comme si le juge vous disait: « Va et ne pèche plus. » C'est une solution qu'on applique exceptionnellement aux cas où il faut reconnaître l'infraction sans la juger très grave. Cette solution ne serait plus disponible parce que le Code criminel contient des dispositions à appliquer aux infractions qui entraînent une peine maximale de 14 ans.
     Il en est de même pour les peines avec sursis. On ne pourrait plus imposer de peine à purger dans la collectivité ou, comme on l'appelle couramment, de détention à résidence. La probation serait disponible, à la discrétion du juge. Donc on n'envoie pas automatiquement les contrevenants en prison. Cependant, si ces amendements sont adoptés, les gens risqueront davantage de se retrouver dans une vraie prison plutôt que d'obtenir une absolution ou une peine à purger dans la collectivité.

  (1215)  

    J'ai une autre question sur l'article 2 de cette loi. On propose de la modifier en retirant l'expression « en vue d'un profit ». Donc cette loi régirait aussi les organismes sans but lucratif. Nous avons vu que son application est un peu différente aux États-Unis. J'essaie d'obtenir une évaluation de l'effet que cela aurait sur les ONG et sur les organismes de bienfaisance qui oeuvrent à l'étranger surtout en fournissant de l'aide humanitaire.
     Quels effets cet amendement visant à retirer « en vue d'un profit » pour que la loi régisse les organismes sans but lucratif aurait-il sur les organismes de bienfaisance et sur les ONG?
    Si une ONG fait des affaires, elle ne sera plus exemptée en vertu de cette loi. Cela ne veut pas dire que les ONG et les organismes de bienfaisance seront toujours régis par cette loi; ils ne le seront que s'ils font des affaires. Dans ce projet de loi, on définit le mot « affaires » par « tout commerce, métier, profession, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit exploité ou exercé au Canada ou à l'étranger en vue d'un profit ». On va retirer « en vue d'un profit ». Toute organisation qui exploite ou exerce un commerce, un métier, une profession, une industrie ou une entreprise, est régie par la loi. Cette loi n'indique pas clairement s'il faut considérer que des affaires se traitent quand l'activité consiste à fournir simplement une aide humanitaire. Mon instinct me souffle que non, mais je n'en suis pas sûr.
    Enfin, vous avez aussi mentionné toute la question des paiements de facilitation. Vous avez dit que l'application de la décision d'éliminer les paiements de facilitation relève du Cabinet et non du Parlement. J'ai écouté avec attention ce que vous avez dit, mais je voudrais que vous nous donniez plus de détails. Si cela relève du Cabinet, les choses se feront évidemment avec beaucoup moins de transparence. Si le Parlement s'en occupe, on aura là une meilleure occasion de faire les choses au grand jour, si vous me permettez cette expression.
     Pourriez-vous nous donner un exemple de situation où cette mise en vigueur par le Cabinet pourrait causer un problème alors qu'il n'y en aurait pas si le Parlement s'en occupait?
    Cela ne créerait pas de problèmes juridiques. L'effet ultime demeurerait le même: on l'abrogerait, et cette abrogation entrerait en vigueur par décret en Conseil. Il s'agit ici de déterminer la meilleure façon d'adopter une loi. Pour que les problèmes paraissent au grand jour, on a intérêt à le faire par un débat à la Chambre des communes.
     Je ne veux pas pousser trop là-dessus parce que de toute façon ce processus relève des députés; mais nous les avocats, quand nous allons plaider, nous préférons un bon dossier qui émane de la Chambre, des comités comme celui-ci où le ministre ou des représentants du ministère viennent expliquer leur projet de loi. Ce processus aide à comprendre l'intention du législateur. Si l'on ne fait pas les choses ainsi, on risque de créer des problèmes.
     Mais nous le faisons maintenant, donc je ne veux pas qu'on pense que je m'accroche à une position extrême sur ce point.

  (1220)  

    Merci, monsieur Dewar.
     Nous allons maintenant passer la parole à M. Van Kesteren pour sept minutes.
    Merci à tous d'être venus ce matin.
     J'ai une question pour Mme Keeping et une pour vous, monsieur Ingram.
     Hier à Londres, le gouvernement du Canada s'est engagé à exiger plus de transparence et de reddition de comptes de l'industrie extractive. Le premier ministre Harper a annoncé que le Canada établira de nouvelles normes de production de rapports que les sociétés extractives seront tenues d'observer afin d'améliorer la transparence des paiements qu'elles versent aux gouvernements. Ces nouvelles normes viseront à améliorer la transparence, à veiller à ce que les normes du Canada correspondent à celles des autres pays et à celles des pays du G8, à garantir l'équité pour les entreprises exploitées au Canada et à l'étranger, à accroître le climat de certitude pour les investisseurs, à affermir l'intégrité des sociétés extractives canadiennes et à veiller à ce que les citoyens du monde entier bénéficient des ressources naturelles que produisent leurs pays.
     Ma première question s'adresse à celui de vous deux qui préférera y répondre: êtes-vous heureux de cette annonce, et auriez-vous des suggestions à faire au gouvernement pendant qu'il élabore ces normes?
    Voulez-vous que je commence?
    Allez-y et je poursuivrai, si monsieur le président est d'accord?
    Madame Keeping.
    La société TI Canada est très heureuse de cette annonce. Nous avons surveillé les événements qui ont présidé à ce résultat et avons été très heureux d'entendre cette annonce.
     L'un des problèmes que les gens ont soulevés face à ce type d'exigences de production de rapports est la formulation exacte des rapports, et je pense que le problème est le suivant: si nous cherchons à créer autant de transparence que possible, il faudra que les rapports soient aussi compréhensibles que possible pour les gens des pays qu'ils concernent.
     Par exemple si le rapport indique simplement que telle société paie tant à tel gouvernement en tout pour les activités qu'elle mène dans ce pays, ça ne suffit pas. Il faudra détailler les résultats pour que les citoyens du pays concerné voient ce que la société paie pour chacun de ses projets, industrie par industrie, parce que ce sera le seul moyen d'utiliser ces renseignements de la façon prévue.
     Le seul autre commentaire que je voudrais ajouter est que, comme vous le savez bien, nous espérons qu'un jour il y aura plus de transparence ici au Canada. Je pourrais m'étendre là-dessus si vous le désirez, mais je reconnais que je sors un peu du sujet.
    Monsieur Ingram.
    Je suis d'accord avec Janet. Nous sommes heureux d'entendre cela. Nous pensons qu'il s'agit d'un grand pas en avant, autant les amendements au projet de loi — avec les conditions que Michael a décrites — que cette annonce du premier ministre.
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la transparence et la reddition de comptes sont comme les Dupond et Dupont: elles vont ensemble. L'une ne va pas sans l'autre.
     Mais comme le suggérait Janet, il faudra bien préciser ce que nous entendons par production obligatoire de rapports. En ce qui concerne ce que nous pouvons faire dans notre gouvernement, les pays du côté de la demande éprouvent des difficultés. Et par « côté de la demande », je parle du côté des gouvernements en Afrique, par exemple. Nous en avons discuté avec Lois à notre conférence.
     Bien souvent, ils n'ont pas ces capacités. Ils ont peut-être d'excellentes lois et même la volonté politique de les appliquer, mais ils n'en ont pas la capacité. Les ministres des finances prennent des décisions fondées sur des ressources restreintes. Ils doivent établir des priorités. On peut avoir d'excellentes lois avec un ministre des mines et de l'énergie, par exemple, qui est chargé de les appliquer, mais qui ne dispose pas des véhicules, des ordinateurs, des employés qualifiés pour le faire alors ce ministre des finances préfère affecter ses maigres ressources à autre chose.
     Dans une telle situation, il serait utile que le gouvernement canadien et son ministère du développement, l'ancien ACDI, soutiennent les investisseurs privés — comme des sociétés minières exploitées dans certains pays d'Afrique — en collaborant avec le gouvernement du pays hôte et qu'ils examinent la capacité qu'a ce gouvernement d'appliquer ses propres règlements et qu'ils l'aident à accroître cette capacité.

  (1225)  

    Vous soulevez là un problème grave. Je suppose que, d'un côté, vous avez des gouvernements corrompus. D'un autre côté, vous avez des gouvernements qui tiennent vraiment à participer et à réaliser cette vision.
     En fin de compte, je pense qu'il faut avant tout éliminer la corruption, et ceci pour plusieurs raisons, et la plus importante selon moi étant que ces pays en développement sont incapables de retirer les profits que produit leur développement.
     Est-ce que cette loi forcera les gouvernements qui n'ont pas vraiment envie de prendre part à cela à décider d'eux-mêmes de collaborer pour que nous atteignions l'objectif désiré?
    Peut-être que oui, peut-être que non. Selon moi, l'absence... Il ne faut surtout pas se retrouver dans une situation où ils nous montrent du doigt — soit le Canada, soit un autre pays du G8 — en disant: « Nous allons suivre leur exemple. »
     Autrement dit, si nous n'avons pas de loi — et c'est pour cela que nous l'accueillons avec joie — on ne voudrait pas qu'ils montrent du doigt un gouvernement du G8 en disant: « Ils n'ont pas adopté ce type de loi. Ils ne sont pas prêts à exiger des rapports. Pourquoi devrions-nous le faire? Pourquoi devrions-nous nous engager dans cette direction? » Il ne faut pas que cela se produise.
     Pour répondre à votre question d'une manière plus directe, je vous dirai que dans certains cas, oui, c'est une question de volonté politique. Je crois que vous avez mis le doigt dessus.
     Ceci dit, j'ai travaillé dans des pays qui ont la volonté politique mais qui manquent de ressources et leurs gouvernements ne sont pas prêts à financer le renforcement de cette capacité.
    Merci.
    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant passer la parole à M. Rae.
     Sept minutes monsieur, s'il vous plaît.
    Je remercie beaucoup notre invitée de s'être jointe à nous par vidéoconférence.
     Tout à l'heure, vous avez dit que le gouvernement du Canada n'applique la loi actuelle que d'une façon modérée. Si j'ai bien compris, vous avez décrit plusieurs catégories — active, modérée, faible ou inexistante.
     Nous ne sommes pas en tête de file de l'application des lois, n'est-ce pas?
    Oui, c'était tout à fait vrai dans le passé, et l'OCDE et les autres organisations qui surveillent ce genre de chose l'ont remarqué. Bien entendu, l'OCDE s'intéresse tout particulièrement à notre observation de sa convention de lutte contre la corruption, mais en effet, je vous dirais franchement que, dans le passé, nous étions considérés comme des traînards. Je ne dévoile rien d'extraordinaire. C'est un fait bien documenté.
     Mais depuis que nous avons signé la Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption et que nous avons confié à la GRC le mandat de créer des équipes spécialisées pour renforcer la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, les choses vont beaucoup mieux. Ces dernières années, j'ai entendu plusieurs fois des agents de la GRC parler de leur participation à l'application de cette loi. Ils y consacrent de gros efforts, c'est très convaincant. Je crois qu'ils sont profondément engagés à l'atteinte de ces objectifs.
     Je suis heureuse de pouvoir répondre à cette question parce que je voulais justement souligner qu'il est important et essentiel d'avoir une bonne loi, et la société Transparency International Canada appuie l'adoption du projet de loi S-14. Mais comme partout ailleurs dans le monde, les lois ne sont bonnes que quand on les applique bien, surtout dans le domaine du droit pénal.
     Je sais que ce comité n'a pas cela pour mandat aujourd'hui — vous examinez une mesure législative — mais n'oubliez pas que, pour l'appliquer, nous devons fournir toutes les ressources nécessaires à la GRC et aux services de poursuite.
    Je suis heureux de vous entendre dire cela parce qu'à mon avis, cette question est cruciale et vous avez raison, nous ne pouvons pas en discuter aujourd'hui, mais cela dépend beaucoup de la façon dont nous cernons ces problèmes. Cette culture ne prévaut pas uniquement dans de nombreux pays, mais dans de nombreuses grandes sociétés.
     Il est clair que nous nous heurtons maintenant à un problème. Il faut que nous reconnaissions cela, et nous ne le réglerons pas simplement en adoptant de nouvelles lois. Cela dépendra de la manière dont nous les appliquons…
    Oui.
    … alors merci beaucoup.
     L'écart entre la peine de 14 ans et le nombre d'années imposées au Canada me préoccupe aussi. De nouveau, Mme Keeping a dit qu'elle ne ferait pas de commentaires sur ce que nous pourrions faire d'autre pour régler ce problème au Canada, mais il me semble qu'il est un peu fou de dire que vous n'écoperez que de cinq ans si vous donnez un pot-de-vin à un fonctionnaire canadien et que vous aurez une peine de 14 ans si vous corrompez un fonctionnaire dans un pays étranger.
     C'est scandaleux. Pourquoi accepterions-nous une telle norme?

  (1230)  

    Je suppose que cette question s'adresse à moi.
    Elle s'adresse à qui voudra bien y répondre. M. Ingram hochait la tête, donc je voudrais bien qu'il réponde, mais je serai heureux d'entendre ce que vous avez à nous dire, monsieur Osborne.
    C'est tout un écart. On pourrait l'éliminer de deux façons. La première serait de porter la peine pour corruption au Canada à 14 ans, ce qui créerait les mêmes problèmes que ceux que j'ai décrits, c'est-à-dire que cela affaiblirait la discrétion des juges qui imposent les peines; ou alors on pourrait l'éliminer en réduisant le nombre d'années pour les deux types d'infraction.
     Le Code criminel prévoit un assez vaste éventail d'infractions en matière de corruption. Je ne vais pas les décrire toutes, mais il y en a beaucoup, et elles n'entraînent pas toutes les mêmes peines. Par exemple, si je me souviens bien, la corruption d'un juge entraînerait une peine de 14 ans alors que celle d'un fonctionnaire de niveau inférieur entraîne une durée d'emprisonnement maximale moins longue.
    Mais ce qui me préoccupe, c'est que nous faisons souvent ces choses et que les gouvernements adoptent ces lois pour des raisons surtout symboliques afin de dire: « Ce n'est pas seulement que nous n'aimons pas ça, nous n'aimons vraiment pas ça. » Alors nous nous retrouvons dans une situation où l'on adopte une loi que l'on espère que tous finiront par appuyer, et nous nous retrouvons face à cette relation illogique entre cet ensemble particulier de normes et les normes que nous nous sommes fixées dans notre pays.
     Je ne veux pas parler pour Mme Keeping, mais dans de nombreuses publications de la société Transparency International, on affirme que le Canada s'est engagé sur une pente glissante par rapport aux autres pays en ce qui concerne la corruption au pays et dans les pays étrangers... En observant le comportement de certaines sociétés, on voit qu'elles importent au Canada des comportements qu'elles pensaient acceptables dans d'autres pays, et nous voyons maintenant cette maladie se répandre dans notre propre pays.
     Monsieur Ingram, pourriez-vous commenter là-dessus?
     Madame Keeping? Allez-y, s'il vous plaît.
    Si vous me permettez, je vous dirais franchement qu'à la société TI Canada nous n'avons pas porté une attention spéciale au fait qu'il y a un écart entre les peines proposées dans le projet de loi S-14 et les peines prévues dans notre Code criminel actuel.
     Mais je tiens à dire que toutes les personnes qui travaillent avec Transparency International veulent que l'on accorde plus d'attention au problème de la corruption. Donc si nous établissons une certaine uniformité, il faudra le faire au niveau le plus élevé... ne pas penser qu'il faille nécessairement réduire les peines de corruption de fonctionnaires étrangers dans notre Code criminel, qui sont probablement très inadéquates.
    Ma dernière question, si vous me permettez monsieur le président, a trait à cette soi-disant exception sur la facilitation qu'on élimine maintenant graduellement. Je suis aussi avocat. À l'heure actuelle, quand vous conseillez des clients, vous vous trouvez dans une situation presque impossible. Vous ne savez pas quand la loi va changer; vous ne savez pas exactement comment on va l'interpréter; vous vous retrouvez dans un climat réel d'incertitude. Soit vous mettez un terme aux paiements de facilitation, point final, soit vous ne le faites pas. Je ne comprends pas bien pourquoi on élimine cela graduellement. Il est évident qu'on ne l'appliquera pas rétroactivement. On ne va pas revenir en disant: « Eh bien, vous allez devoir payer une amende sur un versement que vous avez fait hier », mais nous entrons maintenant dans une phase plutôt trouble.
     Est-ce vrai, ou est-ce que j’exagère?
    Monsieur Osborne, répondez-y brièvement, si possible.
    Bien sûr.
     Eh bien, je pense qu’il est juste de laisser un peu de temps aux sociétés pour l’éliminer graduellement et adopter les programmes de conformité qui leur conviennent. Cet aspect de la question est équitable. Mais même une fois que ça sera en vigueur il y aura des ambiguïtés parce que le vrai problème, c’est de déterminer si oui ou non les paiements de facilitation font vraiment partie de cette disposition de la loi qui crée cette infraction. Peut-être qu’en éliminant les paiements de facilitation, on ne changera rien à la loi. Mais c’est notre rôle à nous les avocats: donner des conseils à nos clients. Cela va compliquer notre tâche.
    Merci.
     Merci, monsieur Rae.
     Nous allons maintenant entamer le deuxième tour. Nous aurons assez de temps pour deux brèves interventions, M. Dechert pour cinq minutes, puis nous terminerons avec Mme Laverdière pour cinq minutes.
     Monsieur Dechert.

  (1235)  

    Merci, monsieur le président.
     Merci à chacun de nos invités d’être venus aujourd’hui.
     Je vais commencer par une question que j’adresserai à Mme Keeping et à M. Osborne.
    Madame Keeping, j'aimerais tout d'abord vous indiquer que j'ai été impressionné par la conférence organisée par Transparency International Canada il y a quelques semaines. J’ai trouvé que vous aviez invité un vaste éventail de personnes pour représenter les gouvernements, les universités, les ONG et le monde des affaires. Nous avons entendu une vaste gamme de points de vue sur les enjeux qui touchent le projet de loi S-14 et, en général, ils appuyaient fortement le projet de loi. Je félicite la société Transparency International Canada d’avoir si bien organisé cette conférence. Vous avez fait un travail superbe.
    Merci.
    Merci à vous!
     Je vais passer directement à la question des paiements de facilitation dont nous avons beaucoup discuté aujourd’hui.
     Si j’ai bien compris, le Canada a répondu au rapport de l’OCDE qui comprenait des interventions que les États-Unis avaient présentées dans un rapport examiné par les pairs. Ils soulevaient plusieurs aspects de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers que, selon eux, nous devrions amender et mettre à jour pour y refléter les dispositions de la convention de l’OCDE. Ils critiquaient cette loi entre autres parce que présentement, elle n’interdit pas les paiements de facilitation.
     Nous savons tous que le projet de loi S-14 prévoit un délai à l’application de la loi pour que les sociétés canadiennes aient le temps de modifier leurs politiques et leurs processus afin de ne pas enfreindre ces règles qui constitueraient une nouvelle interdiction pour les entreprises canadiennes.
     Il y a un malentendu sur l’autorisation que les sociétés américaines auraient, ou non, de verser ce genre de paiements. Quand j’ai posé la question à nos spécialistes — à M. Kessel — il a souligné que selon le Securities Exchange Act, ce type de paiement est en fait illégal et qu’on peut intenter des poursuites administratives contre les sociétés publiques américaines régies par le Securities Exchange Act.
     Madame Keeping, pourriez-vous nous dire si, à votre avis, la disposition du projet de loi S-14 sur les paiements de facilitation répond adéquatement aux critiques des États-Unis et d’autres pays de l’OCDE lancées contre le Canada dans ce rapport de l’OCDE? Pensez-vous qu’elle désavantage les sociétés canadiennes par rapport aux sociétés américaines quand elles font des affaires ailleurs dans le monde?
     Je pourrais peut-être vous poser la même question, monsieur Osborne. Êtes-vous d’accord avec M. Kessel quand il affirme que certaines dispositions de la loi américaine interdisent aux sociétés américaines de verser ce type de paiements?
    Madame Keeping.
    Au nom de TI Canada, je vous répondrai que nous aussi comprenons que cette disposition qui éliminerait l’interdiction de verser des paiements de facilitation répondrait aux critiques que nous avons essuyées dans le passé.
     Je vous dirais que cette question sur la façon légale de traiter ces paiements de facilitation a fait l’objet des débats les plus houleux auxquels j’aie assisté lors des réunions du Conseil d’administration des trois dernières années, depuis que je travaille pour la société TI Canada, et lors d’un des événements que la société avait organisés pour le public. Je dois vous dire cependant que, selon TI Canada, c’est aussi l’opinion du reste du monde. Le monde considère la corruption comme un grave problème. Nous encourageons ce point de vue bien sûr. En fin de compte, les paiements de facilitation sont des pots-de-vin, et il faut les éliminer complètement.
     Donc nous sommes heureux de ce que nous voyons dans le projet de loi S-14.
    Merci.
     Pardonnez-moi. Vous aviez quelque chose à ajouter, madame Keeping?
    Nous tirons cette conclusion sans nous préoccuper des avantages ou des désavantages concurrentiels que cette disposition crée par rapport aux sociétés américaines.
    À votre conférence, j’ai discuté de cela avec un conseiller juridique de grande réputation. Je ne le nommerai pas parce qu’il n’est pas ici pour se défendre. Il m’a dit que selon lui, cette disposition désavantagerait les sociétés canadiennes. À cette même conférence, j’ai rencontré une autre personne, un professeur d’université. Je ne le nommerai pas non plus puisqu’il n’est pas ici pour se défendre. Il m’a dit qu’il faut absolument faire cela et que selon lui, nous nous dirigeons dans la bonne direction et nous devrions poursuivre cette initiative. Je les ai présentés l’un à l’autre et ils en ont débattu vigoureusement.
     Monsieur Osborne, nous voudrions entendre ce que vous en pensez.
    Monsieur Osborne, il vous reste à peu près 30 secondes.
    D’accord. Selon les commentaires sur le traité de l’OCDE qui est toujours en vigueur, les paiements de facilitation peu élevés ne sont pas assujettis à l’interdiction du traité. Le document guide le plus récent…
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Michael Osborne: Ce n’est pas bien défini. Le paragraphe 9 des commentaires de 1997 indique que des paiements de facilitation peu élevés ne sont pas versés dans le but d’obtenir ou de conserver des transactions commerciales ou d’autres avantages messéants. C’est pourquoi j’ai dit plus tôt qu’il n’est pas facile de déterminer si ces paiements seraient ou non visés par l’interdiction centrale de la Loi sur la corruption d’agents publics. Et le guide actuel de l’OCDE encourage les pays à prendre des mesures qui incitent les sociétés à les interdire.

  (1240)  

    En ce qui concerne les sanctions, quand un député de l’opposition a posé l’autre jour à M. Kessel la question sur les peines de 5 à 14 ans pour corruption au Canada, voici ce qu’il a répondu:

Ce que je peux vous confirmer, c'est que les peines qui seront maintenant imposées pour les délits de corruption à l'étranger — c'est-à-dire des Canadiens qui corrompent des étrangers — seront les mêmes que pour des Canadiens qui corrompent des Canadiens. Cette loi fait donc en sorte qu'il n'y ait pas deux poids deux mesures, et qu'un Canadien qui corrompt quelqu'un à l'étranger soit frappé d'une même sanction qu'un Canadien qui corrompt un autre Canadien.
     Vous n’êtes pas d’accord avec cette affirmation?
    L’article 121 du Code criminel fait une infraction de la corruption d’un vaste éventail de fonctionnaires. Le paragraphe 121(3) prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans.
    Donc selon vous, il faudrait également amender cette disposition du Code criminel sur la corruption de fonctionnaires canadiens?
    Désolé, monsieur Dechert. Votre temps est écoulé. Nous devons passer à la prochaine personne.
     Madame Laverdière, vous avez cinq minutes.
     Je vous remercie de votre exposé. J’essaierai de poser mes questions rapidement parce que je crois que nous avons beaucoup d’enjeux à débattre.
     Monsieur Osborne, si je vous comprends bien, on écope d’une peine maximale de cinq ans si l’on donne un pot-de-vin à un fonctionnaire au Canada?
    Dans certains cas, la peine est plus élevée. En général c’est cinq ans.
    Donc nous ne traiterions pas les contrevenants de la même façon selon qu’ils auraient corrompu des fonctionnaires à l’étranger ou au Canada. C’est ça que ça veut dire?
    C’est ça. La sanction sera moins sévère avec cette loi. Je ne sais pas ce qu’on envisage de faire dans le Code criminel. Il faut que vous demandiez...
    Merci beaucoup. Je crois que ce commentaire est très important.
     Maintenant juste pour éclaircir une autre question, quand nous comparions les procédures américaines mardi dernier, nous ne comparions pas seulement les procédures pour les transactions commerciales. Nous parlions des ONG, parce qu’aux États-Unis les paiements de facilitation sont régis par le Securities Exchange Act, donc il semblerait que les organisations non gouvernementales ne soient pas régies par le régime américain, si je peux le dire ainsi.
    Je n’exerce pas le droit aux États-Unis, mais d’après ce que je comprends, d’abord le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) contient une exception précise au sujet des paiements de facilitation. Le document guide que j’ai téléchargé hier soir du site du ministère américain de la justice — je crois que c’était bien là — le confirme.
     En ce qui concerne la Securities Exchange Commission, la SEC, d’après ce que je comprends la commission a une disposition sur la tenue de livres et de dossiers comptables selon laquelle on ne peut pas faire le suivi d’un paiement de facilitation en le considérant comme du divertissement. Mais cela n’interdit pas les paiements de facilitation; cette disposition prévoit simplement que vous n’avez pas le droit de fausser ces inscriptions dans vos livres et dossiers comptables. Mais je ne fais que répéter ce que des personnes que j’ai consultées m’ont dit. Je ne suis pas un avocat américain.
    De plus, cela s’appliquerait surtout aux entreprises et non aux organisations non gouvernementales, tout ce que prévoit le Securities Exchange Act.
    Je suppose que cela s’applique aux sociétés cotées en bourse aux États-Unis et non aux entreprises privées et aux ONG.
    Donc ce que nous allons adopter au Canada sera plus sévère que ce qui se fait aux États-Unis. Je souligne ce fait, parce que selon moi c’est un point très important. Nous devons veiller à ce que cette loi n’empêche pas les organismes humanitaires de livrer des aliments et des fournitures à des gens qui en ont un besoin urgent.
     C’est vous qui avez soulevé cette question. Avez-vous eu l’occasion d’en discuter avec des représentants d’organisations non gouvernementales qui font du travail humanitaire?
    C’est qu’à l’ABC, notre section du droit des organismes a pu éclairer les autres mémoires que nous préparions. Mais nous n’avons pas mené de vastes consultations. Les délais sur ce projet de loi étaient très serrés quand il a été déposé au Sénat. Nous avons fait ce que nous pouvions dans les délais imposés. Les rétroactions que nous avons reçues indiquaient qu’il n’y avait pas à se préoccuper. C’est tout ce que je peux vraiment vous dire. Nous n’avons pas fait...

  (1245)  

    Merci beaucoup.
     Je suis d’accord avec vous, avec le fait que malheureusement nous n’avons pas assez de temps parce qu’il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse. Notre comité a aussi eu l’occasion d’entendre des représentants d’organisations non gouvernementales. Vu l’importance cruciale de cette question, il aurait été bon que nous ayons le temps d’étudier ce projet de loi en profondeur.
     Monsieur Ingram et madame Keeping, ma question s’adresse à vous deux. Je voudrais revenir sur le commentaire de M. Ingram selon lequel nous devons absolument améliorer notre image de marque à l’étranger. Vous avez parlé de renforcement des capacités, de fournir des ressources pour la gestion des revenus et de chercher l’impôt sur le revenu et d’autres choses comme ça. Nous avons vu un excellent exemple de cela il n’y a pas longtemps. Le Royaume-Uni a aidé l’Éthiopie à améliorer son système de perception d’impôt, et les recettes fiscales de ce pays se sont multipliées par sept. On entend souvent des représentants du gouvernement dire que les entreprises canadiennes généreront de l’impôt, mais il est également essentiel d’aider les agences du revenu des pays en développement.
     L’annonce que le premier ministre a faite hier sur la transparence est un bon pas vers l’avant. Quelles mesures le Canada pourrait-il prendre maintenant pour aider un peu à améliorer ou à restructurer notre image de marque?
    Monsieur Ingram, votre temps est écoulé, alors je vais vous permettre de répondre très brièvement à cette question.
    Merci, monsieur le président.
     Comme je l’ai dit plus tôt, tout en ciblant mieux l’aide au développement, comme sous-produit de l’appui que nous fournissons aux états riches en revenus ou en ressources, nous voulons aussi aider les Canadiens qui investissent dans l’exploitation minière. Je crois qu’il est important que nous veillions à ce que toutes les parties y gagnent. Autrement dit, il faut que nous veillions à ce que le gouvernement hôte soit en mesure de mobiliser les ressources de son pays qui sont le plus efficaces. Il est clair que l’ancien ACDI agissait d’une manière très positive en aidant les gouvernements à renforcer cette capacité, et j’espère qu’outre l’annonce du premier ministre, nous réfléchirons de façon stratégique aux moyens de faire cela le mieux possible.
     L’envers de la médaille — et nous observons ce phénomène avec la montée du nationalisme des ressources — c’est qu’on retrouve maintenant des gouvernements aux deux extrémités du spectre, et ceci pas seulement en Afrique mais aussi en Amérique latine. De plus en plus ces gouvernements renégocient leurs ententes de partage des revenus. On intente des poursuites rétroactives en responsabilité civile. On apporte des changements aux paiements d’impôts et de redevances. Ces choses ne sont pas nécessairement bonnes.
     Comme je l’ai dit plus tôt, s’ils pensent qu’une société vient d’un pays qui n’applique pas les mêmes normes, alors ils risquent de cibler cette société. C’est aussi un grand risque. Les sociétés canadiennes pourraient se voir ciblées. Je pense qu’il est important de…
    Merci beaucoup. C’est tout le temps que nous avions, parce que nous devons examiner le projet de loi article par article.
     Je tiens à remercier à nouveau nos témoins d’avoir modifié leurs horaires ces deux derniers jours. Merci beaucoup.
     Maintenant nous allons suspendre pendant quelques minutes pour ramener les fonctionnaires à la table et ensuite nous allons examiner article par article.

  (1245)  


  (1250)  

    Commençons à examiner article par article. Si vous voulez bien, prenez la feuille avec l’ordre du jour et nous allons examiner article par article.
     En vertu du paragraphe 75(1) du Règlement, l’examen de l’article 1, le titre abrégé, est remis à plus tard. Donc le président demande le vote sur les articles 2 à 5.
     (Les articles 2 à 5 inclusivement sont adoptés.)
    Le président: Adoptons-nous le titre abrégé?
     Monsieur Dewar.
    Avant de faire cela, je voudrais juste proposer un autre amendement avant que nous examinions le... Vous êtes à l’article 6 maintenant, n’est-ce pas?
    Nous en sommes au titre abrégé. Nous venons de terminer l’article 5.
    Je voulais proposer ce qui suit. Comme les témoins nous ont présenté plusieurs préoccupations mais qu’elles ne sont pas majeures... Nous allons appuyer le projet de loi, et je pense que les autres le savent, et je crois que tout le monde appuie le projet de loi, mais il y a quelques problèmes qui ont été soulevés pendant la brève période qu’on nous a accordée pour examiner cela. L’une de ces préoccupations, soulevée par M. Dechert, a trait à l’article sur l’augmentation de la peine à 14 ans et au moyen de l’appliquer lorsque nos lois au Canada seront différentes dans, disons, cinq ans.
     Les préoccupations soulevées sur les questions qui entourent les paiements de facilitation et la possibilité de nuire aux organismes de bienfaisance étaient valides. Je me demande si le gouvernement accepterait d’ajouter au projet de loi une disposition de réexamen pour que le gouvernement s’engage à réexaminer cette loi après cinq ans.
     Voici les raisons pour lesquelles je dis cela, monsieur le président. Comme je l’ai dit, je crois que tout le monde autour de cette table appuie le projet de loi, mais vu les préoccupations soulevées au sujet de l’application et au moins les deux choses que je viens de mentionner, dont la peine maximale, qui est une préoccupation que M. Dechert partage, pourrions-nous peut-être insérer dans ce projet de loi un examen à effectuer cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi? Je me demande si nous pourrions délibérer sur un amendement exigeant un examen après cinq ans.
    Monsieur Dechert.
    Monsieur le président, si je comprends bien ce projet de loi, nous relevons la barre. Je crois que les fonctionnaires et l’Association du barreau canadien nous ont dit que la loi canadienne prévoit une gamme d’infractions et de sanctions de 5 à 14 ans suivant l’infraction. Un pot-de-vin à un juge entraîne une peine de 14 ans.
     Cette loi ne prévoit pas de peine maximale, et c’est l’objection que l’opposition a soulevée. Le juge peut imposer une peine allant d’une journée à 14 ans. Il peut aussi accorder la probation. Nous avons entendu la représentante de Transparency International Canada, un organisme qui traite directement de ces problèmes. Il s’agit d’une organisation non gouvernementale qui représente toute la gamme des points de vue exprimés au Canada. La société Transparency International a mené de vastes consultations. Mme Keeping nous a dit qu’ils pensent que cette disposition sur la sanction est adéquate. Ils pensent que le Canada devrait faire dûment comprendre aux entreprises canadiennes que ce type de pots-de-vin ne sera plus toléré. Nous espérons que cela correspondra à ce que font les autres pays.
     En ce qui concerne les paiements de facilitation, nous savons que comme il s’agit d’une nouvelle règle, les entreprises canadiennes auront besoin d’un certain temps pour adapter leurs politiques et leurs processus. C’est pourquoi le projet de loi S-14 contient une disposition leur accordant un délai. Il n’y aurait pas besoin de le renvoyer au Parlement, ce qui allongerait et compliquerait le processus. Évidemment, l’opposition et n’importe quel Canadien pourrait exercer des pressions sur le gouvernement, autant au Parlement qu’à l’extérieur, pour faire appliquer ces dispositions d’un trait de plume. En fait, c’est une façon assez efficace de régler la question.
     En ce qui concerne les ONG, l’Association du barreau canadien a souligné que seules les organisations qui font des affaires, qui exercent une profession ou ont une vocation seraient touchées par ces interdictions. Il est évident que la Croix-Rouge et Médecins sans frontières ne sont pas des entreprises et n’exercent ni une profession, ni une vocation. Si la Croix-Rouge doit faire un paiement de facilitation minime pour faire entrer des aliments ou des fournitures médicales dans un pays dans le besoin, il est difficile d’affirmer qu’elle risque une sanction en vertu du projet de loi S-14, puisque la Croix-Rouge n’est ni une entreprise, ni une profession, ni une vocation. Tout cela est très clair. Je pense aussi qu’on peut se fier à la discrétion des procureurs qui n’intenteront pas de poursuites dans des situations essentiellement de minimis.
     Pour toutes ces raisons, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter une disposition à ce projet de loi. Je suis aussi d’avis que nous relevons la barre ici. Il s’agit d’une loi moderne dont la formulation est moderne. On dira peut-être qu’il faudrait réexaminer le Code criminel, et l’on pourrait en débattre ultérieurement.
     Je suggère par conséquent que nous laissions ce projet de loi tel quel et que nous l’adoptions tel quel.
     Merci.

  (1255)  

    Monsieur Dewar.
    Je remercie mon collègue d'avoir dit cela.
     Juste pour que tout soit clair, nous sommes d'avis qu'il faudrait réexaminer la loi après cinq ans. Je rappelais certaines des préoccupations qui ont été soulevées. M. Dechert comprend bien que l'application de la loi au Canada sera différente de la façon dont ce projet de loi a été rédigé. C'est une des préoccupations que vous avez soulevées et d'autres personnes les partageaient. C'est une chose que nous avons déjà faite en législation quand il y avait des préoccupations. Je pense que c'est évident.
     J’ai une question à poser au sujet de la compréhension qu’a M. Dechert de certains termes. Je voudrais que les fonctionnaires m’indiquent ce qu’ils comprennent du secteur humanitaire. Le définiraient-ils comme une profession ou une vocation? Pourrions-nous entendre leur opinion à ce propos?
     On nous a posé cette question plusieurs fois. N’oublions pas que ce projet de loi s’applique à des transactions commerciales visant à conserver ou à gagner un avantage; il ne s’agit pas simplement d’un pot-de-vin. Lorsqu’une personne effectue un paiement parce qu’elle s’y sent forcée, ce paiement ne constitue certainement pas une infraction en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics. C’est ma réponse à votre question.
     Je crois que vous désirez aussi savoir comment nous traiterions une telle situation.
     La société TI, Transparency International, que soutiennent plusieurs ONG qui fournissent de l’aide humanitaire, a fixé des lignes directrices sur la façon de traiter des délits de corruption en situation d’aide humanitaire. Ils ont établi plusieurs lignes directrices et pratiques exemplaires. Ces lignes directrices et ces pratiques exemplaires soulignent l’importance de la surveillance, de l’évaluation, de la préparation afin d’éviter de courir des risques dans des situations où, par exemple, on cherche à obtenir des visas ou des choses comme ça. Elles soulignent aussi la transparence dans les organismes, la production de rapports pour la haute direction et l’engagement à l’application des lois. On y parle ensuite de situations dans lesquelles on est forcé sous contrainte de faire des paiements. Mais si l’on vous contraint à faire un paiement, vous ne le versez pas avec l’intention d’en retirer un avantage commercial.
     Donc nous sommes d’avis que ni la Loi sur la corruption d’agents publics ni ce projet de loi ne vont nuire aux interventions humanitaires. L’appui que les principales sociétés civiles ont apporté dans le domaine de la corruption a été d’éliminer les pots-de-vin. Selon la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, le principe visé est d’éliminer les pots-de-vin. De plus, au chapitre 10 de leur dernier rapport sur leurs engagements au développement durable pour 2015, les Nations Unies traitent l’élimination des pots-de-vin comme une de leurs plus grandes priorités.
     Selon nous, cette loi ne nuira pas à l’intervention humanitaire. De plus, les mesures proposées sont appuyées par l’action de la société civile et des gouvernements dans le monde entier.

  (1300)  

    Merci d’avoir dit cela.
     Je tiens juste à souligner que ce que nous venons d’entendre n’est pas très précis — et je comprends, puisque nous parlons de façons d’interpréter et d’appliquer cette loi. Mais cela demeure préoccupant. C’est un peu différent de ce que M. Dechert nous a dit sur le secteur humanitaire: les choses ne sont pas aussi clairement définies que ce que M. Dechert suggérait.
     Nous désirons ajouter un amendement exigeant un réexamen dans cinq ans. Je suppose que le gouvernement ne veut pas accepter cet amendement.
     Non.
    Très bien.
    Une voix: Alors nous pouvons voter, si vous voulez.
    D’accord. Allons-y.
     Le titre abrégé est-il adopté?
    Des voix: D'accord. / Oui.
    Le président: Le titre est-il adopté?
    Des voix: D'accord. / Oui.
    Le président: Le projet de loi est-il adopté?
    Des voix: D'accord. / Oui.
    Le président: Le président fera-t-il rapport du projet de loi à la Chambre?
    Des voix: D'accord. / Oui.
    Le président: Merci beaucoup.
     Nous nous retrouvons mardi pour discuter du rapport sur les réfugiés juifs et du rapport sur la SV.
     Je remercie nos fonctionnaires du MAECI.
     La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU