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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 25 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (0835)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à cette 64e réunion du Comité permanent du Patrimoine canadien. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre enquête approfondie sur le rôle d'un diffuseur public au XXIe siècle.
    Je sais que j'ai l'habitude de présenter tout le monde, mais je vous dirai simplement ce matin que mon nom est Gary Schellenberger et que je suis président de ce comité permanent et très heureux de me retrouver ici à Montréal. Je vais même en profiter pour pratiquer mon français.

[Français]

    Nous recevons ce matin le Conseil provincial du secteur des communications du Syndicat canadien de la fonction publique, la Fédération nationale des communications et le Syndicat des communications de Radio-Canada.

[Traduction]

    Bienvenue à tous.
    Nous allons procéder suivant l'ordre prévu. Qui est-ce qui va briser la glace?
    Merci.

[Français]

    Je m'appelle Jacqueline Turgeon et je suis la présidente du Syndicat des employés de bureau de Radio-Canada, du Syndicat canadien de la fonction publique. Je suis accompagnée de Michel Bibeault, conseiller syndical et coordonnateur du secteur des communications au SCFP. Nous sommes heureux de pouvoir discuter avec vous d'une question fort importante, soit le rôle du diffuseur public au XXIe siècle. D'emblée, nous soulignons que le rôle de ce dernier sera d'autant plus pertinent face aux enjeux du XXIe siècle. La fragmentation médiatique, les chaînes spécialisées et à la carte de même qu'Internet supposent une diminution des espaces rassembleurs où les citoyens peuvent se retrouver et échanger sur leur collectivité, qu'elle soit locale, régionale ou nationale.
    Dans ce nouvel univers médiatique, le consommateur aura de plus en plus accès à un énorme choix de produits audiovisuels. La question qu'il aura alors à se poser est la suivante: sur quel produit arrêter son choix? Dans ce marché éclaté, Radio-Canada bénéficie d'un atout non négligeable: la reconnaissance d'une marque porteuse de l'expression de nos valeurs identitaires et d'une garantie de grande qualité en matière de programmation et d'information.
    Au nom de la cohésion sociale, il faut s'assurer que le diffuseur public continue d'exister, de créer et de diffuser sur toutes les plateformes. Il est de notre avis que son mandat, énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, reflète adéquatement la mission d'un véritable radiodiffuseur public national. Néanmoins, de façon plus large, la Loi sur la radiodiffusion pourrait être modifiée pour donner une priorité claire aux émissions de nouvelles et d'information. L'article 3 énonce les objectifs du système de radiodiffusion du Canada dans son ensemble. Une modification faisant en sorte que le libellé reflète l'importance de ce type d'émissions serait souhaitable.
    Les communautés éloignées de grands centres tels que Montréal expriment régulièrement leur mécontentement face à la présence plus fréquente sur les ondes des informations provenant de Montréal. Il y a une diminution de la diffusion et surtout de la cueillette de nouvelles locales. Au Québec, nous appelons cela la « montréalisation des ondes », et les ondes de Radio-Canada n'y échappent pas.
    Une recommandation similaire a été faite par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications dans son Rapport final sur les médias d'information canadiens, publié en juin 2006. Revaloriser l'information de cette façon serait bénéfique non seulement pour la Société Radio-Canada, qui excelle dans ce créneau, mais aussi pour le système de radiodiffusion dans son ensemble. Il nous faut maintenant faire en sorte que les paramètres fiscaux et réglementaires nécessaires soient mis en place pour soutenir et défendre les valeurs exprimées dans la Loi sur la radiodiffusion. Les subventions annuelles versées par Ottawa à Radio-Canada sont passées, entre 1994 et 2004, de 946 millions de dollars à 877 millions de dollars. Ce désengagement progressif du gouvernement fait craindre le pire, surtout au moment où il devrait être présent sur un plus grand nombre de plateformes.
    Pour que le diffuseur public soit efficace, il faut qu'il soit indépendant des pouvoirs politiques. Ainsi, pour assurer sa stabilité, les crédits parlementaires devraient être versés sur une base pluriannuelle. En outre, le budget de Radio-Canada a été diminué au profit des producteurs indépendants, et on n'a jamais vraiment mesuré l'impact de cela sur l'ensemble de l'industrie. Les producteurs indépendants profitent d'un système qui, à l'heure actuelle, continue de les favoriser, eux qui n'ont pas à rendre de comptes aux contribuables. Pour bien saisir l'ampleur du problème, considérez l'exemple suivant.
    Nos membres qui oeuvrent dans le domaine de la production télévisuelle nous ont informés du fait qu'une émission qui était autrefois produite par Radio-Canada et qui est aujourd'hui produite à l'externe coûte maintenant environ 25 p. 100 de plus à réaliser.
    Incontestablement, une émission produite à l'externe coûte moins cher à la Société Radio-Canada, car celle-ci paie seulement 20 p. 100 du budget de la production pour la diffusion sur ses ondes. Toutefois, la question doit se poser: est-ce bien la meilleure façon de dépenser l'argent public?
    Trente-sept pour cent du budget du Fonds canadien de télévision est réservé aux productions indépendantes destinées à être diffusées sur ses ondes. Cependant, nous croyons que Radio-Canada devrait pouvoir avoir accès à cet argent pour ses propres productions, et ce, afin de favoriser la création et la production par les artisans du diffuseur public.
    Cette modification est d'autant plus pertinente que le Fonds canadien de télévision finance des émissions de quatre genres précis: les dramatiques, les documentaires, les émissions jeunesse et les variétés et arts de la scène. Le mandat de Radio-Canada exige qu'elle diffuse justement ces types d'émissions. Par conséquent, il importe de leur donner les moyens de répondre aux exigences de leur mandat et, ainsi, d'accomplir leur devoir face à la société.
     En guise d'introduction à notre discussion d'aujourd'hui, nous voulions simplement réitérer nos principales idées et préoccupations. Nous sommes maintenant disponibles pour discuter avec vous des sujets que nous venons d'évoquer ou de toute autre question sur le rôle du diffuseur public au XXIe siècle.

  (0840)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons à notre prochain témoin.
    Pierre.

[Français]

    Je ne m'appelle pas Chantal Larouche, mais bien Pierre Roger, et je suis secrétaire général à la Fédération nationale des communications.
    La FNC est affiliée à la Confédération des syndicats nationaux et regroupe 7 000 membres répartis dans une centaine de syndicats. À ce titre, la FNC constitue l'organisation syndicale la plus représentative et la plus importante du secteur des communications au Québec. La fédération représente des membres techniciens, des journalistes et des présentateurs des principaux radio-télédiffuseurs privés et publics francophones, soit Radio-Canada, Télé-Québec, TVA, TQS, Radio Nord, Astral et Corus.
    Comme je vous le disais au début de ma présentation, Mme Larouche ne pouvait pas être présente. Je ferai la présentation à sa place.
    Le contexte actuel rend plus que jamais pertinent et nécessaire l'existence d'un service public de radio-télévision fort comme source alternative d'émissions de nouvelles et d'information. Nous croyons que le radiodiffuseur public doit faire plus et mieux en ce qui a trait aux régions et aux localités, mais nous sommes conscients que la société doit parfois faire des choix impopulaires en raison de sa situation.
    Ce n'est pas tant le mandat de la SRC qui pose problème que le cadre dans lequel la SRC doit s'en acquitter. Quant à la gouvernance du radiodiffuseur public, il est nécessaire de mettre en place des critères et des lignes directrices pour les nominations à la SRC.
    Compte tenu des crédits parlementaires reçus et des recettes actuellement à sa disposition, la SRC peut difficilement s'acquitter de son mandat législatif. Depuis 1990, la capacité financière de la société a beaucoup diminué. La Société Radio-Canada doit bénéficier d'un financement continu et stable afin de pouvoir demeurer une société publique sans but lucratif, dans l'intérêt commun.
    La programmation générale et le service d'information du radiodiffuseur public jouissent d'une notoriété importante. À l'heure de la multiplication des plateformes de diffusion et de l'apparition de nouveaux médias, le risque est grand d'assister à une fragmentation de la société canadienne. À cet égard, le diffuseur public peut jouer un rôle déterminant quant à la cohésion sociale et à la protection de l'identité culturelle, en étant présent sur les diverses plateformes de diffusion.
    La convergence entre la radio, la télévision et Internet peut positionner avantageusement le radiodiffuseur par rapport aux autres services. Cette stratégie ne doit cependant pas se faire au détriment de la qualité et de la crédibilité du contenu. La SRC doit s'efforcer d'offrir aux téléspectateurs des émissions à contenu canadien qui ont tendance à être sous-représentées dans les grilles-horaires des autres télédiffuseurs canadiens, notamment les dramatiques, les émissions de musique, les émissions pour enfants et les documentaires, tel que l'a reconnu le CRTC au moment du renouvellement de sa licence en 2000. Sans un financement public stable et suffisant, on ne peut exiger que Radio-Canada se concentre sur des émissions complémentaires.
    L'émergence de nouveaux médias pose plusieurs défis aux médias traditionnels. Cette nouvelle réalité a non seulement un impact financier, mais elle entraîne également des changements au plan culturel. Le maintien des règles actuelles de financement de la production télévisuelle pourrait rendre extrêmement difficile la capacité de la Société Radio-Canada de se positionner face aux nouveaux médias.
    La répartition des droits à payer pour les émissions acquises auprès des producteurs indépendants crée de grandes difficultés au télédiffuseur. Le système actuel soulève aussi l'importante question de l'avenir du patrimoine télévisuel canadien. En effet, l'État a choisi de confier à des intérêts privés indépendants la production et la propriété des émissions de télévision. Nous privons les Canadiens de la propriété de contenus de grande valeur patrimoniale financés à même les fonds publics. Nous estimons que le système de financement de la production télévisuelle n'est plus adapté à la réalité et qu'il doit faire l'objet d'un examen en profondeur pour s'assurer qu'il réponde en priorité aux objectifs culturels nationaux et tienne réellement compte des évolutions.
    En conclusion, la radiodiffusion publique demeure un rempart exceptionnellement important pour assurer la viabilité et la vitalité d'une culture nationale distincte et forte. La souveraineté culturelle des États est l'objet de menaces constantes et accélérées en raison des évolutions technologiques et industrielles, et notamment celles de la concentration et de la propriété mixte des médias.

  (0845)  

    La nécessité pour le Canada de se doter d’un service public de radiodiffusion fort et efficace exige une évaluation plus rigoureuse et systématique des obligations que nous devons fixer au radiodiffuseur public et des ressources financières dont il a besoin pour atteindre ses objectifs.
     Si la cohabitation des services public et privé de radiodiffusion a fait ses preuves, il nous faut en assurer la pérennité, surtout dans un contexte où les médias du secteur privé, fortement concentrés, tendent à souscrire de plus en plus à la notion de rendement aux actionnaires plutôt qu’à celle de l’intérêt public.
     Les objectifs de démocratie contenus dans la Loi sur la radiodiffusion nécessitent que soit soutenue comme il se doit la Société Radio-Canada, de manière à ce que les aléas économiques n’affectent pas ses choix au détriment de l’intérêt public.
     Enfin, la Fédération nationale des communications estime qu’il serait souhaitable que des suites soient données aux analyses et recommandations faites, au cours de la dernière décennie, par le Comité permanent du patrimoine canadien sur la radiodiffusion et par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications.
     Il nous apparaît essentiel que ces exercices d’envergure, effectués aux frais des contribuables, soient davantage pris au sérieux par les représentants gouvernementaux.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Notre prochain intervenant est M. Fontaine.

[Français]

    Monsieur le président, honorables membres du Comité permanent du patrimoine canadien, je me nomme Robert Fontaine et je suis le président sortant du Syndicat des communications de Radio-Canada. Ce dernier représente près de 1 500 employés de Radio-Canada au Québec et à Moncton.
    Je vous présente les gens qui m'accompagnent: Alex Levasseur, président élu du syndicat, et Wojtek Gwiazda, délégué de notre syndicat à Radio-Canada International et porte-parole du Comité d'action de Radio-Canada International.
    Notre syndicat connaît l'importance que les membres du Comité permanent du patrimoine canadien attachent au rôle que Radio-Canada devrait jouer afin de refléter et mieux servir les diverses régions du pays. Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Elle est véhiculée depuis des années par les parlementaires intéressés par le patrimoine canadien, et notre syndicat la partage entièrement.
    Le président-directeur général de Radio-Canada vous a demandé le 22 mars dernier de fixer le plus précisément possible les priorités que vous voudriez voir le diffuseur public respecter dans un contrat qu'il vous a proposé d'établir pour les 10 prochaines années. Il vous demande de fixer des priorités, mais lorsque vous l'interrogez sur la façon dont Radio-Canada pourrait être plus présente en région et que vous lui faites part de votre souhait que Radio-Canada s'ouvre davantage sur les régions et les desserve mieux, M. Rabinovitch se retranche systématiquement derrière les contraintes budgétaires de la société d'État.
    N'allez pas croire que le syndicat n'est pas conscient des problèmes financiers de notre employeur et qu'il ne souscrit pas à ses demandes de financement accru, notamment aux demandes concernant le financement qu'il dit vouloir consacrer entièrement à l'augmentation de ses budgets en région. Le Syndicat des communications plaide en faveur de l'octroi de ces crédits supplémentaires, mais compte tenu des actuelles tendances centralisatrices de Radio-Canada, il plaide aussi pour que l'octroi de ces crédits additionnels soit assorti d'une forme de contrôle rigoureux, de façon à ce que vous et les Canadiens ayez l'assurance que cette enveloppe budgétaire spéciale sera vraiment dépensée au profit des régions.
    Pendant que le Comité permanent du patrimoine canadien réaffirme l'importance qu'il accorde à la nécessité pour Radio-Canada de mieux refléter les régions et que M. Rabinovitch s'évertue à convaincre le comité que ses priorités sont ou seront aussi les siennes, les stations régionales de Radio-Canada ne cessent de faire des économies de bout de chandelle pour boucler leur budget.
    Le mois dernier, Radio-Canada Atlantique a décidé de ne plus mettre en ondes un téléjournal régional lors des jours fériés. Or, dans la semaine qui a précédé le congé de Pâques, sept soldats de la base de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, ont été tués en Afghanistan. Les réactions des familles et des autres soldats de la base ont été largement couvertes. Elles ont fait les manchettes des téléjournaux d'ATV et de CTV, mais pas de Radio-Canada. En effet, Radio-Canada Atlantique avait décidé de ne pas diffuser un téléjournal le Vendredi saint et le lundi de Pâques. Nos journalistes au Nouveau-Brunswick se demandent si les décisions de Radio-Canada pour l'Atlantique ne visent pas à favoriser l'assimilation des Acadiens.
    Par ailleurs, le Syndicat des communications de Radio-Canada aimerait vous sensibiliser aux changements fondamentaux survenus en catimini à Radio-Canada International. Quand la Loi canadienne sur la radiodiffusion a été amendée en 1991, l'obligation pour Radio-Canada de fournir un service international faisait partie de ses conditions de licence. Cet amendement est devenu loi juste après la quasi-disparition de Radio-Canada International, qui a finalement été sauvé grâce aux parlementaires canadiens. L'avenir du service international de Radio-Canada est encore menacé. Le Comité d'action de Radio-Canada International avait sonné l'alerte en 2002, une alerte reprise l'année suivante dans le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Tant que la Loi canadienne sur la radiodiffusion n'aura pas été amendée pour protéger le mandat de RCI, qui consiste à présenter la réalité canadienne à des auditoires étrangers, rien n'empêchera Radio-Canada de modifier son service international. En fait, c'est déjà commencé. En 2005, le conseil d'administration de Radio-Canada a rescindé toutes ses politiques qui obligeaient Radio-Canada International à présenter une programmation conçue pour un auditoire étranger. L'automne dernier, les ressources et les priorités du service international ont été modifiées de façon à desservir principalement les nouveaux arrivants au Canada.

  (0850)  

    C'est ainsi qu'on a brisé une tradition d'information et d'affaires publiques qui faisait la renommée de Radio-Canada International depuis plus de 60 ans. Sur le site Internet de RCI, par exemple, au lieu de retrouver comme avant des nouvelles mises en contexte pour des usagers à l'étranger, on voit des liens vers les autres sites de nouvelles de Radio-Canada destinés aux Canadiens. Nous pensons que l'érosion du service international de Radio-Canada doit cesser et que le mandat original de Radio-Canada International doit être renforcé.
     Le Service nordique en langue crie est une autre composante de Radio-Canada qui semble battre de l'aile. Les employés sont déjà surchargés, et Radio-Canada nous apprend qu'elle abolit le poste de la seule journaliste qui rédige des bulletins de nouvelles pour les émissions de radio diffusées en cri. Vous devez décider si le mandat de Radio-Canada, au XXIe siècle, doit en être un de deuxième ordre pour les communautés autochtones du pays.
    Je m'en voudrais de passer sous silence, malgré le peu de temps dont nous disposons, les autres points importants que nous avons mis en lumière dans le mémoire que nous avons déposé au comité. Vous lirez, si ce n'est déjà fait, que nous nous inquiétons beaucoup, comme nos collègues, de la disparition quasi totale de la production d'émissions autres que des émissions d'information par la télévision de Radio-Canada et de la privatisation croissante du contenu des émissions d'affaires publiques. La programmation de Radio-Canada ne comprend actuellement qu'une seule dramatique qu'elle produit elle-même et quatre émissions de divertissement. Même en excluant les émissions d'information, cette production originale ne représente même pas 15 p. 100 de la grille-horaire du télédiffuseur public.
    La direction de Radio-Canada a affirmé récemment qu'elle allait remettre à l'avant-scène des émissions jeunesse, un secteur dont la production interne originale la distinguait nettement des autres diffuseurs, mais qui a depuis été abandonné. Radio-Canada va-t-elle produire elle-même ces nouvelles émissions jeunesse ou va-t-elle les confier à des producteurs indépendants, qui offrent leur concept aussi bien aux diffuseurs publics que privés?
    Sans remettre en question la promotion de la production privée décidée à la fin des années 1980, nous estimons que le système a besoin d'un rééquilibrage. Cette production dite privée se fait en réalité aux frais des contribuables. Comme vous le savez, les producteurs indépendants québécois n'investissent que 3 p. 100 de leurs fonds propres dans la production.
     Par ailleurs, l'exode des revenus publicitaires vers les nouveaux médias et l'irruption éminente de la télévision à haute définition sur Internet menacent le financement de notre système de radiodiffusion ainsi que la souveraineté culturelle du pays. Dans ce contexte, une réaffirmation du rôle crucial du diffuseur public s'impose.
    Le mode de fonctionnement de Radio-Canada doit aussi être revu. Les membres de son conseil d'administration, qui n'ont pas de pouvoir réel sur sa gestion courante, sont avant tout des gens nommés en fonction de considérations politiques. Ces personnalités sont rarement connues pour leur engagement personnel en faveur de la mission publique du radiodiffuseur. Nous appuyons sans réserves la recommandation formulée par le Comité du patrimoine il y a quatre ans, et je la cite:
 Pour favoriser une reddition de comptes et une indépendance accrue, les nominations au conseil de la SRC devraient émaner de plusieurs sources et le président devrait être recruté par le conseil et lui être comptable.
    Finalement, le Syndicat des communications de Radio-Canada estime que la présence du diffuseur public dans les nouveaux médias devrait être incluse dans son mandat au XXIe siècle. Dans ce siècle, il est probable que l'Internet, qui n'est pas réglementé et dont le contenu canadien échappe à tout contrôle, supplante le simple téléviseur comme principale source d'information des Canadiens. Il est plus que temps que les autorités compétentes le réalisent et qu'elles fournissent à Radio-Canada les moyens de se distinguer sur ces nouvelles plateformes sans mettre en péril ses autres services.
    Je vous remercie.

  (0855)  

     M. Scarpaleggia posera la première question.
    Merci, monsieur le président. Merci de votre présence ici ce matin.
     J'ai trouvé vos présentations très succinctes et claires. On a bien saisi votre point de vue. Vous avez dit, madame Turgeon, que les productions indépendantes commandées par Radio-Canada coûtent maintenant 25 p. 100 de plus que lorsque ces émissions étaient produites à l'interne.
    Pouvez-vous me dire pourquoi? On pense que le privé est toujours plus efficace.
    On pense cela, en effet. Quand un syndicat dit qu'il coûte plus cher de le faire faire par quelqu'un à contrat que de le faire soi-même, on est souvent porté à penser que le syndicat prêche pour sa paroisse. On dit qu'il y a beaucoup de productions indépendantes depuis une dizaine d'années environ sur plusieurs tribunes. Malheureusement, on n'avait pas d'exemple concret. On disait que le secteur privé coûtait plus cher, que cela allait coûter plus cher, mais il n'était pas question des mêmes vedettes, il y avait des tournages extérieurs, le nombre d'heures était différent, les décors n'étaient pas les mêmes. On n'avait jamais de cas précis.
    Cependant, nous avons fait une étude et nous avons un cas précis. Pour la saison de 2004, une demi-heure de l'émission Virginie coûtait de 60 000 $ à 68 000 $ à Radio-Canada. En septembre 2004, on a confié un contrat de production de l'émission à la maison de production de Mme Larouche. Cela coûtait 86 000 $. On avait les mêmes vedettes, et l'émission était réalisée dans les mêmes studios avec les mêmes techniciens. C'était toujours réalisé dans les studios de Radio-Canada. C'était le même caméraman, le même directeur photo, les mêmes preneurs de son. C'était rentable pour Radio-Canada, car cela ne lui coûtait que 20 p. 100 du coût total puisque c'était réalisé par un producteur indépendant qui recevait de l'aide du Fonds canadien de télévision. Pour les gestionnaires de Radio-Canada, c'était rentable, mais cela venait de coûter 18 000 $ de plus par demi-heure d'émission.
    C'est...
    Malheureusement, c'est le seul cas que nous avons.
    C'est un bon exemple. Quelle était l'origine de cette hausse? Était-ce à cause des frais de gestion, des frais d'administration? Les vedettes ont-elles demandé plus d'argent parce que c'était un producteur privé?
    Non. Quand on demande des copies du contrat, dans le domaine privé, on invoque la concurrence pour refuser. La maison de production de Mme Larouche ne nous dira pas quels étaient ses coûts. On connaît seulement le montant du chèque fait au producteur. On sait que les techniciens de Radio-Canada qui travaillaient à la production sont les mêmes et que leur salaire était le même. On sait que ce sont les mêmes vedettes. Normalement, elles demandent le même prix.
    Ont-ils utilisé un autre studio?
    Non, c'était le même studio. L'émission Virginie était réalisée dans les studios de Radio-Canada avec tous les techniciens de Radio-Canada. Quand cela a été confié à la maison de production de Mme Larouche, cela a été réalisé dans les studios de Radio-Canada avec tous les techniciens de Radio-Canada. La seule différence était que, puisqu'il s'agissait d'un producteur indépendant qui avait accès au Fonds canadien de télévision et qui avait droit à son 15 p. 100 de profit comme n'importe quel producteur, cela a coûté 18 000 $ de plus par demi-heure d'émission.

  (0900)  

    Cette somme de 18 000 $ correspond peut-être au temps investi par le producteur pour acheminer une demande au Fonds canadien de télévision. Cela pourrait-il être la raison?
    Cela fait partie des frais d'administration du producteur.
    Nous avons entendu certains témoins, dont M. Bensimon, l'ancien directeur de l'Office national du film du Canada. Il a dit d'oublier les infrastructures, que ce n'était pas important. Selon lui, Radio-Canada et CBC doivent diffuser le plus possible à l'échelle internationale en se servant de modèles de partenariat. Il semblait être opposé à l'idée de préserver cette infrastructure de production et favoriser plutôt une certaine souplesse, une certaine flexibilité pour pouvoir agir mieux et plus rapidement dans le nouveau contexte technologique, qui est plus dynamique qu'autrefois. Pour votre part, vous êtes aux antipodes de son point de vue.
    Oui, on est aux antipodes, surtout compte tenu du contexte suivant. Quand Radio-Canada décide de financer une production, qu'elle la réalise ou qu'elle la finance, elle prend tous les risques. Je vais vous donner un exemple récent. Radio-Canada a financé Le ring intérieur, une dramatique sur la boxe qui était diffusée à une heure de grande écoute, le jeudi à 20 heures. Cela a été un échec, l'émission a attiré entre 200 000 et 250 000 téléspectateurs. Habituellement ce genre d'émission, qui coûte 800 000 $ de l'heure, aurait dû attirer un million de personnes. Cela n'a pas fonctionné.
    Par contre, Radio-Canada a payé la facture au complet. Le producteur indépendant a reçu 800 000 $ par émission. De ce montant, il a le droit, en fonction des règles de financement, à son 15 p. 100 de profit et de frais d'administration. Cela veut dire que le producteur indépendant a fait 120 000 $ de profit par émission, et cela a été un échec. Le même producteur possède les droits de suite. Il va faire des DVD. Il va pouvoir au moins grapiller quelques sous en lançant un DVD. Les 200 000 ou 300 000 personnes qui ont écouté l'émission vont peut-être acheter 20 000 ou 30 000 DVD. De plus, ils parlent de faire éventuellement un film avec cette dramatique. À qui vont aller les droits de suite? Ce sera au producteur indépendant. Pendant ce temps, Radio-Canada, qui a pris tous les risques, n'a aucun droit de suite. C'est pourquoi, ce n'est pas vraiment un partenariat, c'est un partenariat gagnant-gagnant pour le producteur indépendant. Je comprends qu'il défend...
    Il faudrait peut-être que les administrateurs à Radio-Canada soient un peu plus rusés lors des négociations.
    Ils auront beau être rusés, c'est illégal. Présentement, le télédiffuseur n'a pas le droit de négocier des droits de suite. Même s'il voulait le faire, c'est illégal. Le seul cas où il peut y avoir des droits de suite, c'est lorsqu'il produit lui-même une émission. Par ailleurs, s'il confie cela à un producteur indépendant en fonction des règles du Fonds canadien de télévision, il n'est pas autoriser à négocier des droits de suite.
    Merci pour votre réponse.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans cette veine. Les trois quarts des témoins qui ont comparu devant nous demandaient que le financement de Radio-Canada soit maintenu, voire bonifié. Nous avons posé des questions à savoir si l'argent était bien géré, s'il y avait transparence au niveau de la reddition de comptes. Par le passé, nous avons entendu le témoignage de Mme Fraser, qui elle-même n'avait pas accès à toute l'information pertinente pour alimenter le Comité permanent du patrimoine canadien. À la lumière de ce qu'on entend de vous ce matin, considérant ce qu'on pourrait appeler les tours de passe-passe avec des producteurs indépendants, il y a lieu de penser que l'argent n'est pas rigoureusement géré.
    Est-ce une mauvaise interprétation de vos déclarations de ce matin?
    Je dirais plutôt le contraire. Je trouve que les gestionnaires de Radio-Canada gèrent leur budget rigoureusement. Le gestionnaire voit à ce que le budget de Radio-Canada soit moins élevé. La production de Virginie lui coûte seulement 20 p. 100 du prix. Par contre, le montant de 86 000 $, par opposition au montant de 68 000 $, est payé par Radio-Canada, mais cette dernière a accès au fonds pour payer pratiquement 80 p. 100 du prix. Donc, la gestion de Radio-Canada est correcte. Par contre, on vous demande si c'est une bonne gestion des fonds publics.
    Si on prend l'ensemble des 5 milliards de dollars qui, au Canada, sont...
    C'est à nous de vous poser des questions.
    C'est ce que vous nous apportez comme information qui alimentera les recommandations que nous allons faire dans ce rapport. C'est une question à laquelle je vous demanderais de répondre éventuellement, mais je vous demanderai d'abord depuis quand existe ce phénomène de délocalisation de la production de l'interne vers l'externe.

  (0905)  

    Vous me permettrez de répondre à cette question. La Fédération nationale des communications a fait deux études qui vont dans le même sens que celle que mon collègue mentionne. Il ne s'agit pas de la même étude, mais je pourrais faire parvenir au comité des copies de ces études qui ont été faites depuis 2000. En fait, la mise en place de la production indépendante s'est faite tranquillement depuis 1986, avec l'arrivée de Télévision Quatre-Saisons, dont la licence était liée au fait que la production devait se faire avec des producteurs indépendants.
    Cependant, je voudrais attirer votre attention sur un élément dont je vous ai fait part dans ma présentation. Effectivement, ça coûte moins cher pour les diffuseurs, mais ça coûte plus cher pour le public, parce que c'est à partir des fonds publics qu'on octroie ces subventions. Un des dangers réside dans la propriété de ces émissions. Il s'agit d'un danger pour le patrimoine canadien. Si Radio-Canada n'est plus propriétaire des droits de ces émissions, qui le sera? Ce sont les producteurs qui les emporteront. Comme le disait M. Bibeault tout à l'heure, lui va continuer à faire des sous avec les produits dérivés et des tas d'autres trucs. Il peut même revendre une émission à un autre diffuseur.
    Par exemple, l'émission Catherine était diffusée à Radio-Canada il y a environ quatre ans. Or, on vient d'apprendre, dans les journaux de ce matin, qu'elle sera diffusée en reprise à TQS, alors que Radio-Canada avait investi de grandes sommes d'argent dans cette production. Mais elle n'en détient pas les droits. Le producteur a le droit de partir avec une émission. Qu'advient-il des sommes d'argent qui ont été investies dans ces productions, si le producteur disparaît après un certain nombre d'années?
    Heureusement, avant qu'il soit possible d'avoir recours à des producteurs indépendants, Radio-Canada avait en place un grand nombre d'archives. On voit actuellement qu'elle a mis en vente une grande partie de ses archives sous forme de DVD et de produits dérivés, et les profits reviennent à Radio-Canada. Elle peut le faire parce qu'elle détient les droits de ces émissions, qu'elle a produites à l'intérieur de ses infrastructures. Prenons en exemple l'émission pour enfants La boîte à surprise ou Les belles histoires des pays d'en haut et toute une série d'émissions; il y en a des dizaines à Radio-Canada. Elle peut le faire dans le cas d'émissions qu'elle a produites elle-même entièrement.
    Nous disons qu'il faut revoir la structure de financement de la production télévisuelle et permettre au télédiffuseur d'avoir les mêmes possibilités d'accès à ces fonds que le producteur indépendant. On ne dit pas qu'on doit arrêter la production indépendante, mais on doit laisser le choix au télédiffuseur ou au radiodiffuseur de produire à l'interne ou d'opter pour la production indépendante.
    On nous a dit que le Fonds canadien de télévision garantissait une part de 37 p. 100 à Radio-Canada. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact. Le problème n'est pas là.
    Radio-Canada doit consacrer cette part de 37 p. 100 à des productions privées pour lesquelles elle n'a pas les droits.
    Je pose des questions de façon candide, tout en me faisant l'avocat du diable. Je suis très au fait de l'information. Si vous aviez à faire deux ou trois recommandations précises pour faire évoluer la situation dans un sens favorable, quelles seraient-elles?
    L'idée de la part de 37 p. 100 fait partie de nos recommandations. Cependant, nous pensons que Radio-Canada devrait pouvoir dépenser et gérer ces fonds à sa guise, en bon père de famille, tout en étant tenue de produire des émissions d'information et de divertissement, conformément aux règles établies. Elle devrait avoir le droit de donner des émissions à contrat ou de les produire elle-même, en fonction de la rentabilité. Je reviens toujours au même exemple. Il est plus payant pour elle que ce soit fait au moyen de cette part de 37 p. 100, parce que c'est subventionné. Si elle le fait elle-même, elle n'a pas accès à cette source de financement.

[Traduction]

    Merci.

  (0910)  

[Français]

    Vous avez entendu les commentaires faits plus tôt: les gens en région se plaignent de la diminution de la présence de Radio-Canada. Il est important que Radio-Canada continue à assurer une forte présence en région avec des journalistes sur le terrain et une programmation régionale.
    Il faut également s'assurer que Radio-Canada soit financée adéquatement afin qu'elle puisse remplir son mandat. Elle doit bénéficier d'un financement à plus long terme, soit de cinq, six ou sept ans, et pas seulement de deux ou trois ans. Il faudrait pour cela que le CRTC puisse accorder une licence de 10 ans au lieu de sept, comme le recommandait le Comité sénatorial des transports et des communications.

[Traduction]

    D'accord, c'est maintenant au tour de M. Levasseur.

[Français]

    Je vais poursuivre sur la question de la production régionale. La programmation générale autre que les émissions d'information, que ce soit les dramatiques, les émissions de divertissement, jeunesse, etc., est actuellement centralisée à Montréal. Les producteurs indépendants et privés sont concentrés à Montréal parce que c'est là que sont les diffuseurs, soit Radio-Canada, TVA, TQS et les canaux spécialisés. Il y a eu une vidange complète de la production de contenu en dehors de Montréal, ce qu'on a qualifié tout à l'heure de « montréalisation » de la télévision.
    La programmation de Radio-Canada de cette année reflète ce que j'ai toujours appelé la vision du Plateau-Mont-Royal du Canada. Je suis de Québec, j'ai vécu à Sept-Îles et je suis originaire de la Gaspésie. Je peux vous dire que cette programmation ne reflète pas toujours la réalité des Canadiens et des Québécois de la région de Québec. Comme les producteurs privés sont basés à Montréal, leur vision est forcément toujours celle de Montréal.
    La SRC devrait avoir la possibilité de produire des émissions régionales — elle devrait même être obligée de le faire — afin de refléter les régions, un peu comme elle l'avait fait, par exemple, avec Le Temps d'une paix, qui parlait de la région de Charlevoix. Vous connaissez l'historique de production de Radio-Canada; je n'ai pas besoin d'y revenir.
     La programmation régionale est importante si l'on veut casser le moule de la production centralisée à Montréal et refléter les régions, et ce, pas seulement en information. Certes, il faut avoir des émissions d'information régionale, mais il faut aussi d'autres genres d'émissions régionales.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Angus. Vous pouvez poser vos questions.

[Français]

    Thank you, Mr. Chairman.
    Je vous remercie pour votre présentation de ce matin. On nous a dit que le Canada devait suivre le modèle de la BBC. Ma circonscription compte 80 000 habitants et couvre un territoire plus vaste que celui de la Grande-Bretagne. Treize pour cent de la population écoute la radio crie, 50 p. 100, la CBC ou la station de radio anglophone, et 40 p. 100, la programmation de Radio-Canada destinée à la communauté franco-ontarienne ou la station de radio anglophone.

[Traduction]

    Il est très difficile de prendre un modèle comme celui de la Grande-Bretagne en affirmant qu'on peut l'appliquer dans l'ensemble du Canada.
    Au fil de notre étude, j'ai pu constater que les intervenants de toutes les régions s'entendaient au moins sur une chose: on déteste devoir se contenter des seules voix en provenance de Toronto et de Montréal. Les uns après les autres, les intervenants locaux nous ont parlé de la disparition des ressources, de la disparition du personnel et de la disparition de la capacité de maintenir une voix régionale. Il faut que la question soit posée. Est-il possible de perpétuer le concept d'un diffuseur national si on entend uniquement des voix en provenance de Montréal et de Toronto?

[Français]

    Comme on l'a dit dans notre présentation, on appuie sans réserves la demande qu'a faite M. Rabinovitch au Comité permanent du patrimoine canadien pour obtenir une enveloppe budgétaire spéciale pour mieux desservir les régions du pays. Cependant, on voudrait qu'un contrôle rigoureux soit exercé afin que ces fonds soient bel et bien dépensés en région, comme Radio-Canada s'engage à le faire. Un tel contrôle est nécessaire justement parce que Radio-Canada a tendance à ramener tout à Montréal et à Toronto. 

  (0915)  

    Monsieur Angus, je vais répondre à votre question. En 1995, l'ancien ministre des Finances, M. Paul Martin, a réduit le budget de Radio-Canada de 495 millions de dollars. Par conséquent, notre budget n'est toujours pas au niveau où il était avant les restrictions budgétaires.
     Radio-Canada a tenté de sauver ce qu'elle pouvait et a essayé de maintenir le plus de services possible. Cependant, en raison des restrictions budgétaires, la société a dû prendre certaines décisions qui n'étaient peut-être pas nécessairement conformes à ce que souhaitaient tous les Canadiens.
    Si on redonne les moyens à Radio-Canada de remplir correctement son mandat, parce qu'on croit que celui-ci est encore très valable, je pense qu'elle pourra le faire. Chaque localité verrait alors sa propre personnalité reflétée dans les émissions d'information ou les productions télévisuelles.

[Traduction]

    Il y a un point que nous n'avons pas réussi à éclaircir. Nous sommes conscients que les réductions budgétaires importantes des années 90 ont miné grandement la capacité de la CBC/Radio Canada à remplir son mandat, mais il faut aussi tenir compte désormais d'une approche de gestion voulant qu'il soit plus simple de réaliser une nouvelle production dans les grands centres. Même si les sommes suffisantes étaient réinvesties, n'aurions-nous pas besoin d'une enveloppe spéciale distincte pour s'assurer de restaurer la capacité de produire, non seulement des émissions d'information, mais également une véritable programmation locale?
    S'ajoute à cela votre point de vue quant au transfert au financement du FCT pour la production indépendante au cours des 10 dernières années, dont on nous a dit beaucoup de bien... Comme la production indépendante a lieu principalement dans les grands centres, nous nous retrouvons du côté anglophone dans une situation où il est possible de réaliser des émissions comme Little Mosque on the Prairie à partir de Toronto; plus besoin de véritable prairies, il suffit de faire semblant. Est-ce que cela illustre bien les modes de production actuels qui font en sorte que, même si les budgets sont réinstaurés, il sera très difficile de récupérer l'expertise perdue dans les régions — ces monteurs, ces équipes de production et ces visionnaires qui faisaient autrefois partie de notre personnel dans les différentes régions du pays?
    Monsieur Levasseur.

[Français]

    Effectivement, ce qu'ont dit mes prédécesseurs est tout à fait vrai. Il est important que la Société Radio-Canada soit contrainte, jusqu'à un certain point, de fournir des services aux régions, autant pour ce qui est de l'information que pour ce qui est de la production générale. De toute façon, cela fait partie de son mandat actuel. Or, ce n'est pas toujours ce qu'elle fait, et ce, pour deux raisons. Tout d'abord, les réductions ou les difficultés budgétaires incitent souvent les grandes organisations à centraliser pour réaliser des économies, ce qui est un propension naturelle et normale dans de telles périodes, et il y a ensuite parfois une volonté intrinsèque de centralisation.
    J'étais à Québec hier, et l'équipe de RDI a appris qu'on réduisait de moitié son personnel. L'équipe de production d'information de Québec passera de neuf à cinq personnes. La ville de Québec est la capitale de la province de Québec, ce n'est pas un village anodin. Pourtant, il n'y a pas de compressions budgétaires. Rien n'explique cette réduction. La seule explication que Radio-Canada nous donne est qu'elle a besoin d'une équipe à Toronto et qu'elle n'a pas de fonds supplémentaires disponibles. Donc, on déshabille Québec et on envoie l'argent à Toronto pour y construire une équipe de RDI.
    Le financement est une des causes du problème, mais le manque de volonté réelle de desservir les régions adéquatement en est une autre.

[Traduction]

    Monsieur, notre personnel compte cinq employés pour les services en français à Sudbury. Êtes-vous en train de nous dire que qu'à Québec, la capitale, on aura un personnel équivalent à celui de Sudbury pour les services en français?

[Français]

    C'est RDI qui fait l'objet de cette réduction, et non CBC. RDI avait une programmation de deux heures par jour pour desservir Québec et l'est de la province, soit la région s'étendant de Québec au Saguenay, la Côte-Nord et la Gaspésie. Ce mandat n'existe plus. On a coupé l'équipe en deux, de sorte que l'effet sera extrêmement important pour ce grand auditoire francophone. Il n'y a effectivement pas beaucoup d'anglophones dans cette partie de la province de Québec.

  (0920)  

[Traduction]

    Merci.
    Merci.
    Je tiens à souligner qu'il serait préférable que les prochaines questions et réponses soient plutôt brèves. Il ne nous reste du temps que pour deux intervenants.
    Monsieur Scarpaleggia.

[Français]

    Si j'ai bien compris, il y a cinq employés de RDI à Québec.
    Il va en rester cinq. Il y en a neuf actuellement.
    Exactement. Combien de personnes la Société Radio-Canada emploie-t-elle à Québec? Y a-t-il un chevauchement?
    Il y a un certain interfinancement entre RDI et la Première Chaîne. Des employés de la Première Chaîne de télévision font des choses qui se retrouvent à l'antenne de RDI. Ce n'est pas parfaitement divisé. Nous sommes dans le même édifice. Le nombre d'employés à Québec est d'environ 190. Ceux-ci font de la production locale et de moins en moins de production nationale. Seule l'émission La Semaine verte est produite à Québec. Tout le reste a été déplacé, au fil des années, de Québec vers Montréal.
    Tous les témoins ont parlé d'exercer davantage de contrôle sur le radiodiffuseur pour atteindre certains objectifs importants comme la programmation régionale et la programmation jeunesse. D'autres sont venus nous voir pour demander une plus grande programmation documentaire. En imposant des objectifs et des contrôles précis pour tous ces champs d'activité et en demandant les budgets nécessaires, ne créera-t-on pas une structure statique et bureaucratique à l'image d'un ministère de la fonction publique?
    On n'a pratiquement pas le choix. Présentement, Radio-Canada est aux prises avec le diktat de la cote d'écoute. La seule façon de s'en sortir financièrement est d'avoir de bonnes cotes d'écoute et une publicité rentable. Les grandes cotes d'écoute sont dans les grands centres, Montréal ou Toronto.
    Je prends l'exemple de M. Angus. Si Radio-Canada investit pour faire de la nouvelle dans le nord de l'Ontario, le bassin de population francophone n'y sera pas le même qu'à Montréal. Il est donc plus rentable pour elle de le faire à Montréal. C'est pourquoi il lui faut un financement stable, récurrent et pluriannuel et un mandat clair.
    On a avancé plusieurs idées, par exemple que 25 ¢ ou 50 ¢ soit donnés à chaque personne. On n'a pas le choix. L'argent doit être destiné aux régions afin d'assurer une programmation régionale d'information et jeunesse. Sinon, les gestionnaires de Radio-Canada n'auront d'autre choix que de recourir à la publicité pour boucler leur budget. La publicité, c'est les grands centres. C'est plus rentable de faire quelque chose à Montréal, qui a un bassin de population de trois ou quatre millions de personnes, que de le faire en Atlantique, où il y a 500 000 Acadiens. C'est mathématique. Cela entraînera un peu de bureaucratie, mais il suffit d'avoir un mandat clair, et les gestionnaires l'appliqueront.
    Je vous ferai remarquer que M. Rabinovitch, le président-directeur général de Radio-Canada, vous demande de fixer précisément les priorités du contrat d'une durée de 10 ans qu'il demande. Il demande lui-même de respecter son contrat. S'il conclut une telle entente, on doit pouvoir savoir s'il le respecte.
    Je comprends qu'on parle de production régionale, mais si on ajoute, on ajoute et on ajoute... En tout cas, je vais laisser la chance à quelqu'un d'autre.
    Vous m'avez dit d'être bref, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Madame, messieurs, bonjour. Pour plaire à mon président, je vous poserai quatre questions en rafale. Si vous voulez les prendre en note, peut-être pourrez-vous y répondre.
    On connaît le degré de convergence et de concentration des médias. Quelqu'un parmi vous peut-il apporter un éclairage sur les liens entre la presse et Radio-Canada? C'est ma première question.
    Je pose ma deuxième question. Nous sommes ici afin de revoir le mandat de Radio-Canada, le rôle d'un télédiffuseur public. Quelqu'un parmi vous a dit qu'il doit être revu assez fréquemment. À quelle fréquence doit-on revoir ce mandat?
    En ce qui concerne ma troisième question, je pense que c'est Mme Turgeon qui a dit qu'il fallait mettre en place des critères et des lignes directrices concernant les nominations. C'est peut-être plutôt M. Roger qui a dit cela.

  (0925)  

    Nous sommes deux à l'avoir dit.
    Je m'excuse. Vous êtes deux à avoir dit cela. Vous avez parlé de critères et de lignes directrices pour les nominations, tant au niveau de la présidence générale que du conseil d'administration. Pourrait-on avoir des exemples de critères et de lignes directrices idéales? Pouvez-vous nous donner des exemples qui se sont produits à l'étranger? Peut-être cela a-t-il été fait ailleurs, par exemple à la BBC.
    Finalement, je vous pose ma quatrième question. Il y a actuellement des discussions concernant la répartition des droits avec les producteurs indépendants. Peut-on savoir où en est rendue la négociation avec les artistes? Le savez-vous?
     Ce sont de bonnes questions, n'est-ce pas? Merci.

[Traduction]

    C'est très bien que vos questions soient courtes, mais fallait-il vraiment qu'il y en ait quatre? Vous avez essayé de me jouer un mauvais tour.
    Je dois dire que...

[Français]

    On peut nous répondre par écrit, si vous voulez.

[Traduction]

    Si vous pouviez faire parvenir par écrit à notre greffier les réponses aux questions qui viennent d'être posées par mon entremise, ce serait formidable. Nous avons un autre groupe de témoins en attente et j'estime, par souci d'équité à leur endroit, que nous devons mettre fin dès maintenant à cette portion de notre réunion.
    Un grand merci pour vos exposés et pour vos réponses à nos questions. Nous espérons bien avoir encore de vos nouvelles sous peu. Bonne journée.
    Nous interrompons nos travaux pendant quelques minutes.

  (0935)  

    Silence, s'il vous plaît.
    Bonjour à tous et bienvenue à cette deuxième partie de la 64e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Mon nom est Gary Schellenberger et je suis président de ce comité permanent. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre enquête approfondie sur le rôle d'un diffuseur public au XXIe siècle.
    Je souhaite la bienvenue ce matin aux charmantes représentantes de Productions Virage et de Réalisatrices équitables.
    Mon français n'est pas très bon; vous vous en êtes sans doute déjà rendu compte. Ce matin, il y avait à ma porte un exemplaire du quotidien La Presse. J'ai pris le temps de le lire pendant une trentaine de minutes et j'ai réussi à comprendre de quoi il était question.
    Je vous prie donc de m'excuser si je ne suis pas capable de prononcer vos noms correctement, mais soyez assurées que nous nous réjouissons de vous recevoir ce matin.
    Le premier exposé sera présenté par Mme Monique Simard.
    Monique, nous vous écoutons.

[Français]

    Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Merci de m'avoir invitée à venir témoigner devant vous ce matin; j'en suis ravie.
    Je suis productrice aux Productions Virage, une maison de production qui existe depuis maintenant 22 ans et qui est réputée principalement pour la production de documentaires qui portent sur de grands enjeux sociaux. Je suis également présidente de la section documentaire de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. La section documentaire représente environ 50 maisons de production québécoises à Montréal et en région, soit en Abitibi, en Gaspésie et à Québec. Je suis de plus vice-présidente de l'Observatoire du documentaire, une organisation qui existe depuis trois ans et qui regroupe toutes les principales organisations nationales, au Québec et au Canada, qui se portent à la défense du genre documentaire: associations de producteurs, l'APFTQ, la CFPTA, la DOC, réalisateurs et diffuseurs, Radio-Canada, CBC, les chaînes Astral, Télé-Québec et l'Office national du film. Enfin, je suis aussi une citoyenne de ce pays et je regarde la télévision.
    C'est un peu en portant tous ces chapeaux que je vais vous livrer mes réflexions, mes commentaires sur le mandat que vous avez à explorer.
    Mon intervention tourne essentiellement autour de quatre idées. Vous avez le mandant de mener une enquête sur ce que devra être un diffuseur public au XXIe siècle, mais encore faut-il prendre la peine de réitérer qu'il est extrêmement important que le diffuseur public demeure. On sait qu'il y a un questionnement justement sur la pertinence, au XXIe, d'avoir un diffuseur public. Est-ce nécessaire, à une époque de grands bouleversements dans les domaines des médias et des communications où on remarque également une réorganisation des réseaux, une convergence, une concentration? Certains s'interrogent sur la pertinence d'un diffuseur public.
    Pour ma part, je pense qu'il faut au contraire réexprimer la pertinence, la nécessité plus que jamais d'avoir un diffuseur public fort en télévision, en radio et en nouveaux médias. C'est justement à cause des transformations majeures que l'on observe à l'échelle mondiale et parce que l'offre s'est tellement développée, a littéralement explosé, qu'il faut, pour maintenir — encore faut-il adhérer à cet objectif — un minimum de cohésion sociale et une identité, avoir un diffuseur public qui va pouvoir le faire.
    Pour ma part, c'est sans hésitation que je demande au comité de réaffirmer avec beaucoup de force l'importance d'avoir — et cela fait partie de l'identité du Canada — un diffuseur public. Radio-Canada et CBC ont contribué à bâtir l'identité de ce pays. C'est une référence pour les citoyens. D'autant plus que la population canadienne est en transformation, en mutation majeure. La part de la population d'origine étrangère est toujours grandissante. Justement à cause de cette diversité, il faut avoir un lieu rassembleur, et seul le diffuseur public peut accomplir cela.
    Je vous dis tout de suite que je travaille pour tous les diffuseurs: beaucoup pour Radio-Canada, CBC, RDI, mais également pour des diffuseurs privés. Les diffuseurs privés, qui font du bon travail aussi, ont d'autres intérêts, poursuivent d'autres objectifs, qui sont des objectifs commerciaux. À cause de cela, évidemment, ils ne peuvent pas remplir une mission qui dépasse ces stricts objectifs commerciaux.
    Le deuxième point est la diversité culturelle. Le Canada est le pays qui se targue et se vante d'avoir été à l'avant-garde de la promotion d'une convention sur la diversité culturelle. S'il n'a pas été le premier, il a été parmi les premiers à signer cette convention en 2005. Je pense que tous partis confondus, on s'est félicité de cette initiative. C'est donc la cohérence même qui exige qu'on soit logique, qu'on respecte cette signature et qu'on maintienne dans notre propre pays un véhicule culturel qui est celui de la culture populaire, qui passe principalement par la télévision et par la radio.
    Il faut également souligner l'excellence de la radio et des nouveaux médias. Il faut que cette diversité culturelle, qui est celle du Canada et de ses différentes composantes, puisse trouver un berceau, un endroit où s'exprimer, être produite et encouragée. C'est le deuxième principe.

  (0940)  

    Le troisième principe, c'est la programmation. Je sais que beaucoup de gens viennent vous faire des recommandations sur différents types de programmation et vous dire qu'il faudrait qu'il y en ait un peu plus de ce côté-ci et un peu moins de ce côté-là. C'est normal. Cependant, je pense qu'il faut garder en tête qu'il y a énormément de réformes probables qui s'annoncent dans l'univers des communications au cours de l'année qui vient ou des 18 prochains mois. Il y a beaucoup d'organismes de réglementation qui ont des mandats de révision. Il y a le CRTC, mais il y a aussi votre comité, qui est important et qui étudie la question en ce moment. Il y en aura d'autres. Le Fonds canadien de télévision est aussi en examen perpétuel.
    Alors, c'est important, justement pour les deux motifs précédents, que la programmation de la télévision de CBC/Radio-Canada reste une programmation généraliste. Évidemment, la tendance actuelle est aux programmations spécialisées ou hyperspécialisées. C'est le cas notamment des télévisions par câble, qui, encore là, font bien leur travail. Cependant, il faut avoir une télévision généraliste qui a les moyens de produire des choses qui ailleurs ne pourraient pas être produites parce que cela ne correspond pas nécessairement à des critères commerciaux étroits ou encore à des auditoires plus étroits.
    Alors, il faut que la programmation de Radio-Canada reste une programmation généraliste qui mette toujours l'accent sur les quatre grands genres. Je ne parle pas de l'information. Radio-Canada/CBC joue un rôle de diffuseur public, en termes d'information, qui doit est maintenu. Mais en termes de productions originales, cette programmation doit être généraliste. Elle doit refléter la diversité et les nouvelles réalités du pays. En fait, s'il y a une chose qui doit être améliorée, c'est bien cet aspect.
    Quelqu'un a fait référence à Little House on the Prairie. C'est une première. Je pense qu'on doit être en mesure de trouver cela dans tous les genres: dramatiques, émissions jeunesse, émissions culturelles et documentaires. Au chapitre des documentaires, on a toujours fait un peu mieux pour soulever, refléter, interpréter cette nouvelle diversité culturelle.
    Je vais maintenant vous parler un peu du documentaire, parce que je suis productrice de documentaires. Vous avez sûrement eu des représentations concernant le genre documentaire. Ces dernières années, il y a eu un regain de popularité du documentaire partout dans le monde, et ce n'est pas pour rien. On vit dans un monde complexe. Au Canada comme ailleurs, on vit dans un monde qui est en train de changer et où la compréhension de tous ces changements n'est pas nécessairement claire et évidente pour tout le monde. Le genre documentaire permet de poser des questions autrement, de fouiller des grands enjeux sociaux plus qu'une simple nouvelle dans un bulletin de nouvelles ou dans un reportage et de poser différemment des questions quant à la réalité. On dit que le documentaire est le cinéma du réel; c'est poser son regard.
    Je pense que c'est le rôle d'un diffuseur public que d'encourager ce genre, de diffuser des documentaires aux heures de grande écoute. C'est son rôle non seulement de présenter des documentaires, mais aussi de faire en sorte que le débat public, le débat citoyen qui peut découler de productions documentaires soit aussi sur les ondes de ce diffuseur. Selon moi, c'est extrêmement important.
    Afin d'être en mesure de faire tout cela, il va de soi qu'il faut que le diffuseur public ne soit pas constamment contraint, restreint par des impératifs commerciaux seulement. Il faut donc que sa base de crédits parlementaires lui permette de produire en fonction d'un mandat plus large, plus complexe et plus complet que celui de ses compétiteurs. C'est extrêmement important. Sinon, c'est une spirale, une logique qui fera en sorte qu'il y aura de moins en moins de productions différentes ou originales, et on ira vers le plus facile.

  (0945)  

    Quelqu'un disait précédemment qu'on irait dans les grands centres. Évidemment, ce sont les grands bassins de population. On va opter pour les émissions les plus divertissantes, qui sont aussi bonnes — je ne méprise pas du tout ce genre —, mais qui sont plus faciles.
    Je vais vous donner un exemple. En ce moment, je travaille à un énorme projet qui est maintenant en production et qui a réuni 100 créateurs: 50 poètes, 11 cinéastes, 11 musiciens, 24 photographes. C'est une production multiplateforme. Un seul diffuseur public pouvait m'appuyer dans ce genre de production, c'était Radio-Canada: RDI, la radio Espace Musique, la Première Chaîne, Nouveaux Médias. C'est un projet culturel dans lequel un diffuseur privé n'aurait évidemment pas pu s'investir parce qu'il était trop risqué sur le plan commercial. Mais en même temps, c'est un exemple de production nécessaire et importante pour susciter et encourager la création, mais aussi pour nous rappeler un certain nombre de choses identitaires.
    Enfin, dernièrement, j'aimerais simplement dire que le monde change beaucoup dans le domaine des technologies. Il faut absolument que Radio-Canada continue de saisir l'occasion de développer ces nouvelles technologies et que cela puisse aussi être une façon de se faire connaître dans le monde. Il n'y a pas que nous, Canadiens, à regarder ce que nous faisons. C'est extrêmement important, mais cela doit aussi être un véhicule qui nous permette de donner au monde une image de ce que nous faisons, de ce que nous pouvons faire et surtout de notre façon de voir le monde. Je crois que seulement un diffuseur public peut assurer cela.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer au groupe suivant. Je ne sais pas comment prononcer votre prénom et je vous prie encore de m'en excuser.
    Madame Lepage.
    C'est facile.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Membres du comité, merci de recevoir ce matin les membres de Réalisatrices équitables. Je suis avec Lucette Lupien, Marie-Pascale Laurencelle et Isabelle Hayeur, qui m'accompagnent ce matin et qui pourront aussi répondre à des questions à la suite de notre présentation.
    Tout d'abord, je ne m'étendrai pas longtemps sur l'obligation de financer adéquatement Radio-Canada, comme l'a si brillamment démontré Mme Simard. C'est à notre avis très important. Il ne faut pas que Radio-Canada soit obligée de suivre les mêmes diktats que les téléviseurs commerciaux. Elle doit être différente, avoir sa propre voix et refléter les valeurs de tous les Canadiens dans le monde et non se confiner à des genres qui seraient « plus populaires », mais qui marginaliseraient tout le reste.
    Cela étant dit, on va aborder notre sujet principal, c'est-à-dire la place des femmes, et particulièrement des réalisatrices, chez notre diffuseur public. Bien que la description de son mandat soit louable, Radio-Canada, entre autres dans le cas de la diversité culturelle, oublie de mentionner l'importance de représenter plus de la moitié de la population, c'est-à-dire les femmes. L'année dernière, Statistique Canada disait encore qu'on était 51 p. 100 de la population. Étant donné que tous les citoyens et citoyennes de notre pays sont réputés être égaux, on pourra me rétorquer que, pour notre société d'État et pour le gouvernement, les femmes sont incluses dans cette appellation.
    Cependant, quand je regarde plus en détails les énoncés, je vois qu'en (ii), on précise qu'il faut « rendre compte de la diversité régionale », qu'en (iv), on dit qu'il faut être soucieux des besoins des deux collectivités et des deux langues et qu'en (viii), il est question de « refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada ». Pourquoi fallait-il nommer ces réalités? Sans doute parce que les parlementaires se sont rendu compte que sans règles précises, les grands centres avaient tendance à être favorisés au détriment des régions, comme on le disait tout à l'heure. On avait aussi probablement tendance à penser que les citoyens de cultures différentes n'auraient peut-être pas leur place et que les deux langues pouvaient être représentées de façon inéquitable. On a donc cru bon de préciser cela dans le mandat.
    Maintenant, nous voudrions que le gouvernement se préoccupe de l'espace inéquitable accordé à l'imaginaire des femmes à l'écran et de la présence inéquitable des réalisatrices chez notre télédiffuseur national.
     C'est à mon tour de m'excuser, monsieur le président, car on a un peu modifié notre mémoire, particulièrement les tableaux, mais ils sont facile à comprendre. Si vous avez lu La Presse, vous devriez vous en tirer très facilement. Ce sont surtout des chiffres. Le tableau A représente la situation de Radio-Canada actuellement, au printemps de 2007, et le tableau B représente d'autres éléments du système qui défavorisent les femmes réalisatrices sur le plan de la production. Comme vous le voyez, les écarts sont assez importants, soit 63 p. 100 et 37 p. 100 pour ce qui est de Radio-Canada. Ces tableaux sont aux pages 9 et 10.
    Avez-vous les tableaux A et B aux pages 9 et 10?

  (0950)  

[Traduction]

    Nous les avons.

[Français]

     Pour moi, ces écarts, qui sont de l'ordre de 90 p. 100 et 10 p. 100 en ce qui concerne les longs métrages de fiction à Téléfilm Canada et de 63 p. 100 et de 37 p. 100 à Radio-Canada, tous genres confondus, ainsi que pour toutes les membres de Réalisatrices équitables, ces chiffres sont injustifiables en 2007, dans un secteur subventionné à 100 p. 100 par l'État. On n'a pas tout relevé, mais ces chiffres, parmi bien d'autres, confirment que les systèmes actuels défavorisent grandement les femmes et qu'ils alimentent l'iniquité de revenu pour les réalisatrices, sans compter l'iniquité de l'imaginaire des femmes mis à l'écran. Je suis tout à fait d'accord en ce qui a trait à la diversité culturelle, mais il est essentiel de penser aussi à la moitié de la population.
    La compilation du tableau A a été faite à partir de la grille-horaire du printemps de 2007. On peut constater que Radio-Canada est loin d'accorder le même espace aux réalisatrices qu'aux réalisateurs. De plus, la plupart des réalisatrices sont confinées aux magazines. Il n'y a presque pas de femmes dans le secteur de la dramatique: 1,5 p. 100.
    Certains nous diront que plusieurs femmes scénaristes voient souvent leurs oeuvres de fiction mises à l'écran. C'est vrai. On pourrait s'en réjouir si on ne constatait pas que la grande majorité des scénarios écrits par des femmes sont réalisés par des hommes, alors que l'inverse n'est pas vrai.
    Le métier de la réalisation est méconnu, mais il est tout aussi essentiel à la concrétisation d'une oeuvre que son écriture. Il n'y a pas que l'histoire qui soit différente, mais également le traitement, le regard, l'approche et les 1 000 choix artistiques que cela suppose.
    Évidemment, la Société Radio-Canada n'est pas la seule responsable de l'actuelle situation de la moitié de la population et des femmes cinéastes, mais la SRC a une très grande influence, elle est partie prenante d'un ensemble de systèmes qui défavorisent les femmes, même pour tout ce qui se produit et qui est financé par d'autres instances dans l'« industrie privée » . Nous avons mis les mots « industrie privée » entre guillemets parce que, d'une certaine façon, cette industrie est pratiquement inexistante au Canada, étant subventionnée d'une façon ou d'une autre par nos taxes à tous, donc à 50 p. 100 et plus par des femmes.
    Au tableau B, on voit l'écart entre les sommes investies par Téléfilm Canada et la SODEC au Québec dans des projets de réalisatrices et de réalisateurs. Pourquoi notre télédiffuseur national a-t-il un rôle si déterminant dans ces données? Parce que, selon les règles diffusées par l'industrie canadienne, la télévision, par l'achat ou le préachat de licences, détermine les projets qui seront réalisés et les personnes qui les réaliseront. La télévision dicte très souvent également les budgets de production, parce que ceux-ci sont calculés en fonction de la licence accordée par le télédiffuseur. Radio-Canada fait donc partie du processus décisionnel qui juge et donne son aval à la production d'un grand nombre de projets dits « du privé ». Ce sont également ses cadres et son personnel qui discutent des orientations des projets et des publics cibles qui seront favorisés. Toutes ces décisions sont clairement déterminantes dans le choix des émissions, films, séries et documentaires produits au Québec, même pour les projets financés principalement par d'autres instances. Radio-Canada/CBC gère notamment près de 40 p. 100 de l'enveloppe du Fonds canadien de télévision.
    Le déséquilibre actuel ne fait pas du tort seulement aux femmes qui ont décidé de choisir la réalisation comme métier. L'appauvrissement du contenu, le manque de diversité des regards et le rétrécissement de l'imaginaire ont évidemment des répercussions sur l'ensemble de la société. En 2005, un groupe de comédiennes affirmait que  revendiquer une place plus grande pour les femmes dans l'imaginaire collectif était une bataille essentielle pour la survie démocratique et économique de notre société. Nous sommes d'accord. La bataille de l'imaginaire est aussi importante que celle des salaires et du soutien aux familles.
    Nous croyons aussi que la place insuffisante accordée aux femmes sur nos écrans et derrière la caméra contribue grandement à influencer la perception du public, qui a tendance à croire que les femmes sont moins importantes que les hommes dans notre société. Les histoires et les préoccupations diffusées à la télévision sont des modèles pour tous les jeunes Canadiens, filles ou garçons. Nous devons pour tous, mais particulièrement pour nos enfants, construire une télévision nationale qui représente équitablement toute la société. Elle doit donner autant de place aux filles et aux femmes du pays qu'elle n'en donne aux garçons et aux hommes. D'ailleurs, selon un récent sondage réalisé par l'Association d'études canadiennes, 94 p. 100 des Canadiens affirment que l'égalité entre les sexes est une de leurs priorités. En fait, aux yeux des Canadiens, l'égalité entre les hommes et les femmes vient au deuxième rang des valeurs les plus importantes, tout de suite après la santé. Pour les Québécois, cette valeur viendrait en première place, avant même la santé.

  (0955)  

    Les manquements. Après ce que nous venons de révéler, nous estimons que la SRC/CBC manque à plusieurs des obligations fixées dans son mandat.
    Alinéa (ii): elle ne reflète pas la globalité canadienne, parce que 51 p. 100 de la population est sous-représentée.
    Alinéa (iii): la SRC ne contribue pas assez activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre. La diversité des sexes est à notre avis essentielle.
    Alinéa (vi): elle contribue insuffisamment au partage d'une conscience et d'une identité nationales, puisque l'égalité des droits entre les hommes et les femmes fait partie des valeurs importantes de notre identité nationale. On le savait déjà, mais cela a été confirmé dans un sondage dont les résultats ont paru ce mois-ci.
    Nous recommandons, dans un souci d'équité envers toutes les femmes et afin de répondre à une priorité de la population canadienne, la modification des alinéas (v) et (viii), dont les libellés devraient se lire comme suit:
    (v) Radio-Canada/CBC devrait chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais, et chercher l'équilibre dans le financement et la diffusion des réalisations d'hommes et de femmes.
    (viii) Elle devrait refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada en tenant également compte de l'équité entre les hommes et les femmes du pays.
    Mesures concrètes. Afin que le déséquilibre actuel soit rapidement comblé, le renforcement de principe dans le mandat devrait aussi s'accompagner de mesures concrètes. Nous suggérons que la société d'État adopte de façon urgente des mesures incitatives favorisant ouvertement les réalisations des femmes dans tous les secteurs de la production où les réalisatrices sont sous-représentées, tout particulièrement pour les séries dramatiques et les longs métrages de fiction, où elles sont encore plus rares.
    Des règles exigeant une telle représentation de l'imaginaire des femmes et davantage de réalisatrices ne nuiront aucunement à la liberté d'expression, si chère à certains, ni à la qualité des produits présentés au petit écran. Au contraire, nous serons en présence d'encore plus de diversité de contenu ainsi que d'une réelle pluralité de regards et de talents.
    Comme en 1991, quand la Loi sur la radiodiffusion a été modifiée pour demander qu'une part plus importante des productions soit faite par l'entreprise privée et que nous avons assisté à une explosion du nombre de maisons de production et de producteurs indépendants, nous pensons que des mesures incitatives comme insérer dans la loi l'obligation de faire appel à plus de femmes réalisatrices dans tous les secteurs apportera une explosion d'expressions et de talents féminins. En plus d'avoir une influence positive sur l'ensemble de l'industrie, cela bénéficiera à toute la population de tous âges, origines et langues confondus.
    Nous croyons fermement que la présence équitable des points de vue, des histoires, des préoccupations, des mises en scène et des rôles de femmes à la télé est un formidable stimulant pour une société qui veut encourager l'égalité des chances dans tous les secteurs. La société a tout à gagner dans la promotion et la mise en valeur de l'imaginaire des femmes. Toute la population bénéficiera du leadership du télédiffuseur national en matière d'équité.
    En terminant, à l'aube du XXIe siècle, il est certainement important de discuter des nouvelles technologies et du financement de la société d'État, mais nous croyons qu'il est encore plus urgent de se pencher sur cet important déséquilibre, qui ne fait que s'aggraver depuis 20 ans, croyez-le ou non. Cela nous inquiète en notre qualité de réalisatrices, mais nous touche également, comme la majorité de la population du Québec et du Canada, en tant que spectatrices et citoyennes.
     Sur une note personnelle, j'ajouterais que cela m'inquiète aussi en tant que mère de jumeaux, un garçon et une fille de 10 ans. J'espère que dans 20 ans, ils verront la société canadienne les représenter équitablement et offrir à l'un et à l'autre les mêmes chances.
     Merci beaucoup de votre attention.

  (1000)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je dois rappeler à tous qu'il reste environ 26 minutes à cette portion de notre réunion.
    Je vais demander à Mme Bourgeois de poser la première question. Essayons d'être aussi brefs que possible dans nos questions et nos réponses de telle sorte que chacun ait la possibilité d'intervenir.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, je veux d'abord vous féliciter d'avoir apporté un éclairage tout à fait nouveau à ce comité. Je suis la seule femme membre du comité à avoir fait le tour du Canada, à part Mme Keeper, bien sûr, qui n'a pas été là souvent lors des séances tenues à l'extérieur de la Colline du Parlement. Vous nous apportez un volet auquel personne n'avait pensé. C'est vraiment un nouvel élément.
     Je regardais mes collègues pendant que vous nous parliez, madame Lepage, et je me demandais comment ils allaient réagir quand vous avez dit que les femmes, qui comptent pour 51 p. 100 de la population, ne sont peut-être pas visibles dans cette proportion à la télévision en ce qui a trait à la passation des valeurs. Je n'en suis pas certaine. Et c'est encore pire quand on va dans l'Ouest canadien. En effet, on sait très bien qu'ici, au Québec, les femmes, le mouvement féminin a été le chef de file, a ouvert beaucoup de portes.
    Je ne sais pas quelle est la situation dans l'Ouest car, évidemment, on n'avait pas les moyens d'avoir des chiffres pour tout le Canada.
    C'est pire dans l'Ouest. Je trouve extrêmement important le fait que vous nous éclairiez ce matin sur ce qui se passe au niveau de la télévision de Radio-Canada, parce qu'on connaît la dualité canadienne. Cette dualité se fait aussi sentir dans les valeurs. Or, on s'en va de plus en plus vers la droite, et les femmes canadiennes vont perdre ce qu'elles ont acquis au cours des 30 dernières années. Il est urgent que les femmes soient là pour nous faire des documentaires, pour nous faire réfléchir, pour nous apporter une vision de ce que vous vivez, de ce que l'on vit en tant que femme avec nos petits, notre besogne quotidienne, et pour qu'on puisse dire au reste du Canada qu'assez, c'est assez: on a besoin de différents services.
    Cela étant dit, on n'est pas là pour une question politique, mais je voulais quand même passer ce message. Bravo! Félicitations! Et sachez que cela n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Je vais tenter d'y revenir.
    Ma question s'adresse en particulier à Mme Simard.
    Vous avez parlé de Radio-Canada en disant qu'elle devait être un diffuseur fort qui doit continuer à faire davantage. Au fond, vous parliez quasiment d'excellence aussi. J'aimerais savoir ce que cela implique concrètement, en trois ou quatre lignes. Qu'est-ce qu'un diffuseur fort, pour vous?

  (1005)  

    Pour moi, c'est un diffuseur qui a les moyens, les ressources pour remplir un mandat qui doit être clair. C'est important. Je pense que ce mandat doit en même temps clairement indiquer un certain nombre de choses. C'est la responsabilité de celui qui l'alimente, soit le gouvernement. Mais c'est un diffuseur qui doit aussi avoir une marge de manoeuvre. Ce n'est pas une télévision d'État. On se comprend bien, c'est une télévision publique. Ce diffuseur doit donc avoir une autonomie dans sa programmation et les moyens d'avoir de l'audace. Il y a de la production d'information, mais il y a aussi de la production dite artistique, culturelle. Il faut avoir de l'audace parce que l'excellence se vérifie aussi dans l'audace, la capacité d'être à l'avant-garde, de faire des choses que d'autres ne feront pas parce que c'est trop risqué, pas assez conventionnel ou pas assez rentable à court terme sur le plan commercial.
    Si on se rappelle les choses qui ont été les plus marquantes et distinctives de la production de CBC ou de Radio-Canada, y inclus dans le genre de l'information, on constate qu'on avait les moyens de permettre aux créateurs, aux concepteurs et aux programmateurs de pouvoir avoir de l'imagination, de pouvoir innover dans différents domaines. C'est ce que je dis quand je parle d'un diffuseur fort. Fort, c'est avoir les moyens non seulement de représenter tout ce que j'ai dit, mais en plus, de pouvoir le faire dans une forme divertissante et séduisante. Pour moi, c'est cela, un diffuseur fort.
    Mesdames, je termine là-dessus. Une ou l'autre me répondra. Quand on parle de diffuseur fort, quand on parle de passer des valeurs féminines — je n'ose pas dire féministe parce que le mot fait peur —, peut-on parler de gouvernance?
    Voulez-vous dire la gouvernance de Radio-Canada?
    De Radio-Canada.
    En ce moment, Radio-Canada est dirigée par un conseil d'administration que vous nommez, n'est-ce pas?
    On est censés le faire.
    C'est un conseil nommé par le gouvernement ou, en tout cas, par la ministre. Ce conseil d'administration assume non pas la direction quotidienne de la société d'État, mais il veille à ce que son mandat soit respecté. C'est le rôle de gouvernance. C'est un conseil d'administration qui doit faire en sorte de présenter le mandat et de vérifier de façon régulière et attentive que ce mandat soit respecté, et de faire des rappels à l'occasion, lorsqu'il ne l'est pas. Je ne pense pas que la structure de gouvernance est nécessairement un problème en soit. C'est la façon dont on exerce cette gouvernance qui peut parfois être discutable. Je ne dis pas que celle-ci est discutable nommément; je parle de la gouvernance en général. C'est important de garder quand même une certaine distance et de laisser à ceux qui ont à faire de la radio, de la télévision ou des nouveaux médias, l'espace pour le faire, toujours dans le respect des mandats.
    C'est pour cela qu'il est important, à mon avis, que les mandats soient clairs et qu'on puisse les modifier au besoin. En général, ils sont suivis. Je donnais l'exemple de 1991, alors qu'on a inscrit dans la loi qu'il fallait impliquer davantage les producteurs privés à la télévision de Radio-Canada. Il y a eu littéralement une explosion de nouvelles boîtes de production qui a amené une grande vitalité dans l'industrie. Ces règles sont donc suivies. Il faut peut-être les changer plus régulièrement, les vérifier et les chiffrer pour voir si cela a bien fonctionné. Personne ne peut nier que cela a extrêmement bien fonctionné dans le secteur de la production privée. Si on établit des règles de contenu, il faut très bien les préciser et vérifier leur application. Il y a des scénaristes. Est-ce que cela compte? Oui, cela compte, mais il en faut aussi à la réalisation. C'est méconnu.
    D'ailleurs, dans la liste, on nous a appelées des producers. Nous sommes des directors. C'est différent. Monique est une producer, mais nous sommes des réalisatrices. Nous faisons des choix artistiques au même titre qu'un ou une scénariste. Nous faisons de la création. La production est un truc de création. Les producteurs et les productrices — Monique est une de mes productrices et je ne peux pas dire de mal d'elle, car elle est formidable — font un très bon travail et sont créatifs en partie. Personne ne dira que les films de Denys Arcand sont des films de femmes, même s'ils ont été produits par une femme. Quand on pense à des choses semblables, il faut dire que les réalisatrices doivent avoir une place importante à Radio-Canada et partout dans la société. C'est également par cette voie que passe la réalité des femmes, que ce soit une réalité de mère ou de n'importe quoi d'autre. Il faut que Radio-Canada mette plus de femmes à l'écran.
     Aux États-Unis, les sondages ont commencé à changer. Les Américains ont peut-être commencé à accepter d'avoir une femme comme présidente quand une comédienne très populaire a joué le rôle de la présidente des États-Unis dans une série télé. On voit donc à quel point la télévision est importante. La fiction et les documentaires entrent dans le salon des gens. J'ai déjà entendu des enfants demander pourquoi les garçons étaient meilleurs que les filles. C'est parce qu'à la télévision, c'est ceci ou cela. La télévision commence à dire cela à ma fille. Ce n'est pas ce qu'on dit nommément, mais après un certain temps, cela finit par être la réalité. Il n'y a que des présidents, des premiers ministres, et on se dit que c'est cela, la réalité. Ce n'est pas ce que l'on veut. Je suis certaine que tout le monde partage nos valeurs sur l'égalité des sexes, mais la télévision ne représente pas ces valeurs.

  (1010)  

    J'aimerais ajouter un bref commentaire. Si la SODEC investit 14 p. 100 de ses fonds dans des films de femmes et que Téléfilm en investit 11 p. 100, c'est en grande partie parce que, dans l'ensemble, l'audiovisuel au Québec et au Canada est déclenché par les télévisions. Radio-Canada, qui contrôle 37 p. 100 de l'enveloppe du Fonds canadien de télévision, peut faire des changements majeurs. Elle peut demander à la SODEC et à Téléfilm Canada de changer leurs règles. Si Radio-Canada change ses demandes envers les maisons de production, il y aura des changements dans toute la chaîne de production audiovisuelle.
    On pourrait établir une règle selon laquelle les conseils d'administration des sociétés d'État doivent être composés à 50 p. 100 de femmes. Les conseils de ministres sont maintenant paritaires en France et au Québec. C'est encore plus facile d'atteindre la parité quand on peut nommer les gens à un conseil d'administration. On franchirait un bon pas en exigeant que le conseil d'administration de Radio-Canada soit composé à 50 p. 100 de femmes.
    Une voix: Mais ça ne serait pas suffisant.

[Traduction]

    Je sais que nous pourrions continuer pendant des heures, mais nous avons pris un peu de retard. Si nous voulons permettre à chacun de poser une question, il faut éviter de s'éterniser. Il ne nous reste que 15 minutes.
    Monsieur Angus.
    J'ai un peu interverti l'ordre établi.

[Français]

     Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

    Je trouve que cette discussion est tout à fait fascinante. En fait, je vais prendre une voie un peu inhabituelle pour moi. En règle générale, je laisse les réflexions philosophiques à mon bon ami M. Kotto et je me limite à des questions précises et techniques. Mais j'ai l'impression ce matin qu'il faut que je m'approprie une partie de sa vision exceptionnelle.
    Nous discutons du rôle d'un diffuseur public au sein d'un univers médiatique fragmenté. On a notamment fait valoir que, dans un monde où la fragmentation est si importante — ce phénomène est bien évidemment moins marqué dans le marché du Québec, pour des raisons bien précises, comparativement au marché anglophone. Mais quel rôle peut jouer un diffuseur public, quelle voix peut-il faire entendre lorsque le nombre de chaînes dépasse le millier? Quand nous avons reçu M. von Finckenstein, il nous a parlé de toutes ces voix qui pouvaient s'exprimer. Il y a 10 millions de blogues sur Internet. Dans un univers auparavant occupé par les seuls journalistes et réalisateurs de documentaires, nous avons maintenant droit à 10 millions d'opinions différentes.
    Cette discussion me fascine parce qu'il m'apparaît que nous avons besoin, plus que jamais, d'un discours cohérent, engagé et intelligent — et je dis bien intelligent, pas intellectuel. On peut voir dans un univers comptant un millier de chaînes... Je ne veux pas dénigrer les canaux spécialisés, mais j'ai vu à la télé hier soir une émission où l'on présentait des trucs de plomberie à l'intention des yuppies pendant une heure et demie. L'autre soir, c'était une émission de télé-réalité au sujet d'un salon de tatouage qui a duré environ deux heures. Comment les Canadiens peuvent-ils se reconnaître dans tout cela?
    Ma question comporte donc deux volets.
    Premièrement, dans le contexte actuel où les chaînes se multiplient, la présence d'un diffuseur public cohérent n'est-elle pas encore plus justifiée qu'auparavant?
    Deuxièmement, nous sommes sur le point de vivre un bouleversement majeur qui verra les fonctionnalités BitTorrent permettre aux gens de télécharger tout ce qu'ils veulent, au moment où ils le désirent. Alors même que nous devrions mettre les bouchées doubles pour, je ne dirais pas relever le défi, mais profiter de l'occasion pour propulser notre produit sur la scène internationale via Internet, on semble plutôt vouloir faire marche arrière avec notre diffuseur national et nos produits canadiens. On parle même de déréglementer encore davantage. On veut permettre à n'importe qui de faire n'importe quoi, un peu comme si l'on s'assoyait tranquillement sur une plage en attendant que le tsunami des progrès numériques nous engloutisse.
    Quel rôle doit-on jouer pour utiliser nos ressources de manière à relever le défi médiatique du XXI siècle, non seulement au sein d'un univers comptant un millier de chaînes, mais partout sur le Web?

  (1015)  

[Français]

    À vos deux questions, je ne suis pas en mesure de répondre autre chose que ce que vous venez de dire, parce que c'est exactement mon premier point. Le quatrième point de ma présentation, c'est que plus que jamais, en cette ère fragmentée, on en a besoin. En fait, la constellation inimaginable de chaînes, de sites Web, de blogues, etc. ne vous donnent pas nécessairement un tout. Chacun va en chercher un petit peu dans ce que j'appelle les ignorances spécialisées: on se concentre sur de petits champs. On ne s'expose pas à plus.
    Évidemment, nous vivons dans un pays libre où chacun est libre d'aller regarder ce qu'il veut, mais on vit quand même en société. On est encore un pays, une société complexe changeante. Qu'est-ce que cette société se donne comme outil de cohésion? Qu'est-ce que cette société se donne comme outil pour essayer de partager un certain nombre de valeurs et de critères, entre autres de représentativité, évidemment. J'ai parlé de la diversité culturelle, mais il y a aussi la représentation des genres: féminin, masculin et autres.
    Sinon, pourquoi sommes-nous ici, autour de la table, aujourd'hui? Je pense que les nouvelles technologies et les nouvelles plateformes de diffusion sont, au contraire, des outils extraordinaires d'expansion et de visibilité dont il faut se servir. Il y a peut-être eu un peu de piétinement, mais on a fait quand même un assez bon travail pour les utiliser jusqu'à maintenant. Il faut encourager la société d'État à aller davantage de ce côté-là. C'est au coeur des débats.
    Personnellement — si je peux me permettre d'être un peu philosophique, comme vous l'êtes —, je pense que les problèmes qu'on vit actuellement sur la planète sont en partie attribuables au fait qu'on se confine dans des univers fermés, spécialisés, dans des groupes fermés. Donc, la compréhension de la réalité des autres nous échappe. On n'a pas les moyens de la comprendre ou de la voir. Alors, il faut forcer, d'une certaine façon, l'éclatement.

  (1020)  

    En Grèce, un an après qu'on ait privatisé la télévision d'État, 82 p. 100 des émissions diffusées à la télé étaient étrangères. Quand on parle d'outils de cohésion, la télé de Radio-Canada peut être un outil de cohésion où il y a des règles. Plus que jamais, comme vous le disiez, monsieur Angus, il faut une télé d'État forte, bien financée où l'on peut se retrouver et non retrouver le pays d'à côté, qui est très bien, mais... Il faut se retrouver, retrouver nos valeurs et ce qu'on a envie d'être.
    Le Brésil est un exemple. Le Brésil est un immense pays qui compte presque 200 millions d'habitants, un pays où les inégalités économiques sont terribles, mais un pays où il y a beaucoup d'argent aussi. Le Brésil n'a jamais eu de télévision publique. Or, en ce moment, il est en train d'étudier la possibilité, voire la nécessité de se donner une télévision publique. C'est pour vous dire à quel point non seulement le XXIe siècle ne marquera pas la fin des télévisions publiques, mais dans certains cas, là où il n'y en a jamais eu, on sent le besoin, pour des raisons que j'ai énoncées ici, d'en créer une.

[Traduction]

    Madame Lupien.

[Français]

    J'aimerais ajouter que Dominique Volton, qui est un chercheur français, a déjà dit que la télévision publique est un grand lieu de démocratie. Après la tenue d'élections tous les quatre ans, c'est le lieu où les gens se rassemblent et qui donne aussi bien sûr une image, qui a en même temps un objectif d'image d'un pays à proposer.
    J'ajouterais que si on regarde Radio-Canada en particulier, l'utilisation qu'on y fait de l'Internet est une façon de nous guider à travers cet univers où il y a effectivement 100 000 sites sur n'importe quel sujet. Alors, lorsqu'on regarde une émission à Radio-Canada et qu'on va ensuite sur Internet, on nous guide vers différents sites ou différentes informations qui peuvent enrichir notre réflexion. En ce sens, il n'y a pas d'autre chaîne qui fasse ce travail.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Scarpaleggia.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Nous avons reçu des groupes tout à l'heure — vous étiez peut-être dans la salle — qui nous ont dit qu'une émission produite par des producteurs indépendants coûte environ 25 p. 100 plus cher. Quelle est votre réaction à cette déclaration? On pourrait peut-être commencer par cette question. Croyez-vous qu'on devrait en faire plus à l'interne? On parle de Radio-Canada. Vous êtes des producteurs et des productrices indépendants. Donc, j'imagine que vous êtes plutôt d'avis que Radio-Canada devrait faire produire davantage d'émissions ou, à tout le moins, autant qu'elle en fait produire actuellement.
    Je pense qu'on devrait faire produire de plus en plus de films de femmes, parce qu'il y a 10 ans, les statistiques révélaient que les films de femmes coûtaient 20 p. 100 moins cher que les films d'hommes. Donc, ce serait finalement kif-kif.
    Non. Je ne pose pas la question dans l'optique de l'égalité des sexes.
    Non, mais je vous réponds très sérieusement que si déjà cet équilibre était respecté, peut-être que ça coûterait moins cher.
    D'abord, il faudrait voir comment cela a été comptabilisé. Je n'étais pas là lorsqu'on a présenté cela. De quels types d'émissions s'agissait-il? Qu'a-t-on compté ou pas?
    On parlait de Virginie. On disait que lorsqu'on produisait Virginie par l'entremise d'un producteur indépendant qui avait recours au même studio, aux mêmes comédiens et comédiennes, cela coûtait 25 p. 100 plus cher que lorsqu'on produisait l'émission à l'interne.
    Il faudrait vérifier. Mais encore là, une fois que c'est produit à l'externe, il y a aussi un certain financement qui vient de l'externe qui n'est pas du financement interne. Donc, pour la comptabilité finale, ça coûte peut-être moins cher à la société d'État.
    Mais trouvez-vous qu'on devrait faire plus de productions à l'externe? D'autres sont venus nous voir pour nous dire qu'on devrait en faire plus à l'interne.
    Je pense qu'en ce moment, on vit dans un système mixte. Il n'y a presque plus de productions dramatiques à l'interne. Il y en a une, je crois, à Radio-Canada. Je n'en parle pas de CBC mais de Radio-Canada. En documentaires, c'est fait à l'externe exclusivement. Donc, il y a en ce moment un équilibre qui me semble convenable et qui a été enrichissant, soit dit en passant. Radio-Canada a aussi dans ses rangs des gens extrêmement compétents qui assurent et qui font, par exemple, un certain nombre d'émissions d'affaires publiques excellentes, réputées. Si vous consultez Input, chaque année, vous verrez des émissions de Radio-Canada.

  (1025)  

    Sur la question de l'égalité des sexes, ce qui est important, c'est que tous et toutes soient bien représentés dans les instances décisionnelles. On parlait, tout à l'heure, de peut-être exiger que la moitié du conseil d'administration soit composé de femmes. Dans les instances décisionnelles à Radio-Canada et CBC actuellement, qu'êtes-vous en mesure de constater? Nous sommes allés à Toronto et nous y avons rencontré deux responsables de haut niveau, l'une de la radio et l'autre de la télévision. Les deux étaient des femmes dont je ne me rappelle pas les noms. Que voyez-vous?
    C'est très bien, et je ne suis pas contre la parité au niveau des conseils d'administration ou du conseil des ministres. Au contraire, j'applaudis à deux mains. Cependant, on oublie souvent d'exiger qu'au niveau de la création, il y ait la moitié des fonds publics. À la limite, dans une entreprise privée, on pourrait comprendre, mais quand on a fait une analyse rapide de TVA, on a constaté que TVA était plus avancée que Radio-Canada à cet égard. Comment se fait-il qu'une entreprise privée, qui a comme but de faire de l'argent, soit plus représentative de notre société que notre télévision d'État, qui est financée par tout le monde?
    Vous parlez des réalisatrices?
    Des réalisatrices, oui. Oui, il faut qu'il y ait à la tête des gens des deux sexes, mais tout le monde baigne dans le même univers. Je suis pratiquement tombée de ma chaise quand j'ai vu ces chiffres, et c'est pourquoi je suis devenue partiellement militante. Je travaille depuis 20 ans, j'ai tellement de contrats que je ne peux presque pas respirer entre deux films et j'avais naïvement l'impression que tout avait été réglé. Quand j'ai vu cela, je me suis dit: « Oh, my God! » Lorsque j'ai assisté à une réunion où j'ai vu des femmes extraordinaires, des femmes de talent qui n'avaient pas tourné depuis quatre ou cinq ans, je me suis dit qu'il y avait un problème. Comment se fait-il que, dans notre société, on ait le luxe de gaspiller ce talent?
    Vous êtes en train de dire que dans le secteur privé, on trouve davantage de débouchés pour les femmes.

[Traduction]

    Il nous reste une minute.

[Français]

    Comme on le disait, Radio-Canada est le déclencheur de tout ce qui se passe dans le privé. Il n'y a pas d'industrie privée au Canada.
    Il y a TVA et il y a...
    Oui, mais TVA va aussi chercher de l'argent dans nos poches, dans le Fonds canadien de télévision. Il y a aussi la SODEC.
    Voici comment les choses fonctionnent. Pour obtenir de l'argent pour tourner un long métrage de la SODEC et de Téléfilm Canada, on doit d'abord aller voir les télévisions et demander un préachat ou une licence. Si Radio-Canada ne nous donne pas cette licence, on a très peu de chances d'être financées pour notre long métrage.
    Dites-vous que vous avez plus de succès auprès des chaînes privées comme TVA et CTV?
    Non, non.
    Non, mais dans leur grille-horaire, il y a plus d'oeuvres de réalisatrices. Radio-Canada est un peu la seule à acheter au niveau des longs métrages, parce que le privé se désengage un peu de cela. C'est pourquoi il est important que cela se fasse dans la production interne et dans tout ce qu'on appelle « privé » au Canada, et particulièrement au Québec, parce que c'est ce qu'on connaît le mieux.

[Traduction]

    Je vous prie de m'excuser; il me semble que cette portion-ci de la réunion pourrait se prolonger pendant encore une bonne heure, mais nous devons nous en tenir à notre horaire.
    Je vous remercie à nouveau pour vos exposés et vos réponses à nos questions.
    À quelle heure terminez-vous? Nous pourrions nous rencontrer après coup.
    Des voix: Oh, oh!
    Il faut bien que je finisse par rentrer à la maison.
    Nous allons prendre une pause de quelques minutes.
    Nous vous remercions encore une fois.

  (1030)  

    Bienvenue à notre prochain groupe de témoins.
    Il s'agit de la 64e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre enquête approfondie sur le rôle d'un diffuseur public au XXIe siècle.
    Je souhaite la bienvenue à nos prochains intervenants.
    Comme on m'en a fait la demande, je vous prierais d'essayer d'être aussi brefs que possible dans vos exposés préliminaires de manière à nous permettre de vous poser un maximum de questions. Si vous pouviez vous en tenir à huit ou dix minutes, ce serait formidable.
    Nous accueillons maintenant les représentants de CKRT-TV, Radio Nord Communications et la Coalition pour la radiotélévision publique francophone.
    Est-ce vous, monsieur Simard, qui allez prendre la parole au nom de CKRT-TV?

  (1035)  

    D'accord. Vous allez ouvrir le bal.
    Monsieur le président, je vais débuter par quelques mots en anglais.
    Soit dit en passant, mon épouse est anglophone. Elle est de Sudbury (Ontario).
    Nous comprenons très bien qu'il peut être difficile pour vous de prononcer nos noms, mais je dois dire que le vôtre nous poserait tout autant de difficulté.
    Des voix: Oh, oh!
    Je m'appelle Gary Schellenberger.
    Merci.

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, je m'appelle Marc Simard. Je suis le président de CKRT-TV, qui est propriétaire de la station CKRT-TV affiliée à Radio-Canada à Rivière-du-Loup depuis 45 ans. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Raynald Brière, le président et chef de la direction de Radio-Nord communications, qui possède la station CKRN-TV, affiliée de Radio-Canada à Rouyn-Noranda, une station qui a été fondée il y a près de 50 ans. Nous accompagne également M. Pierre Harvey, vice-président exécutif de CKRT-TV.
    Nous désirons vous remercier de prendre le temps de nous écouter aujourd'hui. Nous croyons que le travail de votre comité sera crucial pour orienter les activités de la Société Radio-Canada pour l'avenir et pour assurer l'accessibilité de ce service gratuitement à tous les Canadiens.
    Notre mémoire ne traitera pas de l'ensemble des questions soulevées par la présente enquête sur le rôle d'un diffuseur public au XXIe siècle. Nous nous prononcerons plutôt sur certaines questions qui nous préoccupent particulièrement en tant que stations de télévision affiliées à Radio-Canada au Québec et opérant principalement dans les régions depuis près de 50 ans.
    Le 2 juin 1952, la première image à Radio-Canada, une tête d'Indien, apparaissait pour la première fois sur les écrans de télévision de CBFT-Montréal, qui présente sa première émission quelques semaines plus tard, le 25 juillet. À cette époque, le gouvernement du Canada et la Société Radio-Canada veulent rendre accessible, et ce gratuitement, le service de la télévision francophone et anglophone à l'ensemble des Canadiens le plus rapidement possible. Pour des raisons économiques, à ce moment-là, l'implantation de la télévision de Radio-Canada se fera seulement dans les grandes villes du pays.
    Pour étendre son service de télévision dans les régions, la Société Radio-Canada, qui ne possède pas les ressources financières nécessaires, devra faire appel à des personnes ou à des entreprises locales qui implanteront les premières stations de télévision privées en région affiliées à Radio-Canada, donnant ainsi à la très grande majorité des Canadiens le premier service de télévision en langues française et anglaise au pays.
    Plus particulièrement, au Québec, l'arrivée de la télévision dans les régions a été rendue possible grâce à d'importants capitaux locaux, un travail et des efforts colossaux de la part de personnes voulant développer leur milieu en fournissant un moyen de communication et d'échange sans pareil: la télévision. En même temps, elles répondaient à la volonté du gouvernement de l'époque de fournir le plus rapidement possible la télévision à tous les Canadiens. Il est remarquable de constater que la plupart de ces familles sont encore très actives aujourd'hui dans le domaine des communications et qu'elles contribuent à assurer l'extension et le maintien de la télévision de Radio-Canada en région, un service encore aujourd'hui inestimable.
    Le développement de la télévision dans les petits marchés du Québec a été facilité grâce à une réglementation souple et à la volonté du CRTC d'apporter le maximum de services de télévision en région. Par la suite, évidemment, en raison de la grande fragilité des petits marchés, le CRTC encourageait les propriétaires des stations de télévision existantes à obtenir des permis pour exploiter des stations de télévision affiliées aux deux autres réseaux de télévision francophones au Québec, et ce, afin de fournir des signaux supplémentaires de télévision aux populations vivant en région ainsi que des services locaux.
    Aujourd'hui plus que jamais, l'exploitation des stations affiliées à Radio-Canada, dans nos régions, représente un apport essentiel pour la viabilité ou la rentabilité de l'ensemble des services de télévision offerts dans nos petits marchés.
    Les stations affiliées au réseau français de Radio-Canada, au Québec, desservent présentement 20 p. 100 de l'auditoire de Radio-Canada. En effet, les marchés de Sherbrooke, Trois-Rivières, Saguenay, Rouyn-Noranda et Rivière-du-Loup représentent une population totale de 1,4 million de personnes de deux ans et plus.
    L'ensemble des stations affiliées représente, en termes d'auditoire, 4 300 000 heures-écoute par semaine, sur un total de 20 700 000 heures-écoute générées par l'ensemble des émissions présentées à la SRC. Il s'agit d'un apport de près de 21 p. 100 de la performance totale d'écoute de Radio-Canada généré par les stations affiliées au Québec.
    Les cinq stations affiliées à SRC possèdent des engagements en production locale de 15 heures et 5 minutes par semaine, représentant un minimum d'engagement de près de 800 heures de contenu local de programmation par année.
    Les émissions locales sont surtout composées de bulletins de nouvelles, d'entrevues avec des personnalités du milieu ainsi que des capsules d'information communautaire destinées aux collectivités qu'on dessert. Donc, le reflet local est continuellement présent, d'heure en heure et jour après jour, par l'entremise des messages gratuits traitant d'activités destinées aux communautés.
     Le point 2 du mandat public de la CBC/SRC, tel que mentionné dans les thèmes d'étude et questions suggérés par votre comité, mentionne que la SRC doit refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au niveau national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions.
    Nous croyons que la SRC s'acquitte bien de cette partie de son mandat grâce, notamment, à l'appartenance et aux partenariats avec les stations affiliées qui desservent plusieurs régions du marché francophone. Nous croyons qu'il est extrêmement important que les stations affiliées continuent à remplir leur rôle en assurant une présence locale régulière et quotidienne.

  (1040)  

    Le point 7 du mandat de Radio-Canada souligne qu'elle doit être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens.
    Selon nous, la manière la plus adéquate et efficace pour atteindre cet objectif, que nous considérons fondamental, est de continuer la diffusion des émissions de Radio-Canada par ondes hertziennes, et ce, pour l'ensemble des Canadiens sans exception. En effet, même avec l'arrivée de la télévision haute définition et des autres plateformes de distribution, tous les pays du monde ont choisi de continuer la diffusion hertzienne en mode numérique par voie terrestre.
    Même encore aujourd'hui, en 2007, plusieurs foyers ne peuvent recevoir le service de la câblodistribution ou le service Internet haute vitesse parce qu'ils demeurent dans des zones trop éloignées des centrales téléphoniques ou des secteurs considérés non rentables par les câblodistributeurs. Même dans un avenir à moyen terme, il est fort probable que ces secteurs ne bénéficieront pas de l'Internet haute vitesse ou d'un service de câblodistribution, en raison des coûts engendrés. De plus, plusieurs Canadiens, dont certains figurant parmi les moins favorisés, ne veulent pas payer pour s'abonner à des services de distribution de signaux de télévision parce que les signaux qu'ils reçoivent gratuitement par ondes hertziennes leur conviennent parfaitement.
    Économiquement parlant pour notre industrie, il en coûtera moins cher d'implanter la nouvelle télévision haute définition dans quelques années, comparativement à la télévision analogique dans les années 1950 et 1960, et ce, principalement en raison des facteurs suivants: les sites de transmission et les routes d'accès sont déjà développés; et les infrastructures telles que les tours, les antennes et les bâtisses sont déjà existantes.
    Évidemment, lorsque nous évaluons le coût de l'implantation de la nouvelle télévision haute définition dans son ensemble, cela peut représenter des montants importants. Toutefois, lorsqu'on considère les coûts de remplacement des équipements de transmission analogique désuets, qui devront être remplacés de toute façon, ce coût nous apparaît plus acceptable et justifié, considérant qu'il rendra disponible le premier service de télévision publique, et ce gratuitement, à l'ensemble des Canadiens.
    À notre avis, la Société Radio-Canada, en tant que diffuseur public, devrait exercer le leadership dans le domaine de la transmission numérique par voie hertzienne au Canada et ainsi montrer l'exemple à l'ensemble des autres radiodiffuseurs du pays.
    Encore une fois, nous croyons profondément qu'aucune nouvelle plateforme ou nouveau média ne réussira jamais à remplacer la télévision conventionnelle dans le monde. En effet, selon plusieurs experts et observateurs, la télévision conventionnelle continuera à occuper une place prépondérante auprès des consommateurs en tant que média de masse, et ce, pendant encore plusieurs années.
    S'il est possible pour les affiliés tels que nous de renouveler des contrats d'affiliation raisonnables avec la Société Radio-Canada, nous prévoyons investir comme nous l'avons fait au début, il y a 50 ans, pour transformer nos équipements en haute définition dans quelques années afin de continuer à desservir adéquatement et gratuitement l'ensemble de la population de nos régions.

  (1045)  

    Quant à la question de savoir si la CBC/SRC est en mesure de s'acquitter de son mandat législatif en fonction des crédits parlementaires reçus et des recettes actuellement à sa disposition, nous croyons que la SRC ne pourra plus compter sur une augmentation de ses recettes publicitaires afin de maintenir son niveau de service actuel. En effet, au Canada, et particulièrement au Québec, la télévision conventionnelle subit une forte pression sur ses revenus en raison de la concurrence toujours grandissante de la télévision spécialisée et de l'attrait qu'exercent les nouveaux médias sur les grands annonceurs.
    La clé n'est donc pas dans l'augmentation des recettes publicitaires, surtout au Québec, mais dans un financement adéquat de la part du gouvernement. Un meilleur financement de la SRC par le gouvernement lui assurera la stabilité financière nécessaire pour mieux remplir son mandat de diffuseur public et permettra du même coup aux deux autres télédiffuseurs privés d'évoluer dans un marché publicitaire moins encombré.
    Pour ce qui est de la section C, qui concerne les défis que doivent relever les différents services offerts par Radio-Canada, nous désirons souligner principalement les éléments suivants concernant la programmation offerte.
    Considérant que la SRC possède d'importantes ressources humaines, techniques et financières et un mandat de diffuseur public au service de la population canadienne, les émissions produites ou diffusées par Radio-Canada devraient toujours être de très haute qualité et offertes gratuitement, par transmission hertzienne ou terrestre, à l'ensemble des Canadiens sans exception, et ce, partout au pays.
     Cela n'empêchera pas la société de se positionner sur de nouvelles plateformes de communication ou d'information comme elle le fait actuellement. Toutefois, le principe de gratuité et d'accessibilité du service de Radio-Canada, financé en majeure partie par les fonds publics, devrait être maintenu en utilisant la transmission numérique par voie hertzienne au cours des prochaines années.
    En conclusion, monsieur le président, nous voulons que le Comité permanent du patrimoine canadien retienne les points suivants.
    Les stations affiliées à Radio-Canada au Québec desservent 20 p. 100 de l'auditoire total de Radio-Canada dans la province.
    Vingt et un pour cent de l'écoute de Radio-Canada au Québec est généré par nos stations affiliées.
    Depuis 50 ans, nos stations affiliées à Radio-Canada diffusent du contenu local durant la grande majorité de ses pauses locales, soit 6 fois l'heure, 18 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année.
     La télévision locale a permis à nos régions de former leur propre identité en se préservant d'une inondation de messages en provenance des grands centres comme Montréal ou Québec.
    S'il est possible pour les affiliés de renouveler des contrats d'affiliation raisonnables avec la Société Radio-Canada, nous prévoyons transformer nos équipements de diffusion en haute définition dans quelques années afin de continuer à desservir adéquatement l'ensemble de la population de nos régions.
    Aucune autre plateforme de distribution, incluant l'Internet, ne pourra jamais égaler la qualité de diffusion technique offerte par des émetteurs numériques.
     Selon l'avis de plusieurs experts, la télévision conventionnelle continuera d'occuper une place prépondérante auprès des consommateurs en tant que média, et ce, durant plusieurs années.
    En tant que diffuseur public national, la Société Radio-Canada devrait exercer le leadership dans le domaine de la transmission par ondes hertziennes en mode haute définition et montrer l'exemple aux autres radiodiffuseurs privés du pays. Radio-Canada devrait également fournir gratuitement la télévision publique conventionnelle en haute définition à tous les Canadiens, sans exception.
    Enfin, monsieur le président, nous aimerions vous mentionner qu'en tant qu'affilié, nous désirons continuer à jouer le rôle que nous avons joué depuis les 50 dernières années.

[Traduction]

    Merci pour votre exposé.
    La parole est maintenant à M. Morin.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
    Je suis accompagné de François Lewis, qui est membre du comité directeur de la coalition et président du Syndicat des techniciens et artisans du réseau français de Radio-Canada. Il est membre actif de la coalition. Pour ma part, je suis le porte-parole de la coalition, bien que ce ne soit pas ce qui me permet de gagner ma vie. Je suis un employé contractuel du réseau public de Télé-Québec au Québec. J'organise un magnifique concours international qui s'appelle « La Dictée des Amériques ». Je ne vous ferai pas faire de dictée aujourd'hui.

  (1050)  

[Traduction]

    Je vais acquiescer à votre demande et ne pas prolonger indûment ma déclaration de telle sorte que vous ayez plus de temps pour vos questions.

[Français]

    La Coalition pour la radiotélévision publique francophone a vu le jour le 14 décembre 2005, à l'initiative des syndicats et des associations d'employés du réseau français —  radio et télévision — de Radio-Canada ainsi que de Télé-Québec. Elle est formée d'individus et d'organismes représentant divers secteurs de la société québécoise et canadienne qui considèrent la radiotélévision publique comme un service essentiel, un outil privilégié de la démocratie et du développement collectif.
    Essentiellement, nous voulons faire un plaidoyer en faveur de la télédiffusion et de la radiodiffusion publiques que sont le grand réseau de Radio-Canada dans son ensemble et, dans une moindre mesure, Télé-Québec et, en Ontario, le petit réseau de TFO.
    Quels sont les objectifs de la coalition? La coalition veut sensibiliser la population et faire pression sur les décideurs afin d'obtenir que cesse toute forme d'affaiblissement de la radiotélévision publique francophone; qu'un débat public ait lieu sur l'avenir de la radiotélévision publique francophone; que la radiotélévision publique francophone soit financée de façon stable et adéquate; que le financement public de la production indépendante privée ne se fasse pas au détriment des diffuseurs publics francophones; que le système de financement public de la production télévisuelle francophone soit révisé afin d'accorder aux diffuseurs accès à toutes les subventions à la production; que la télévision publique francophone puisse avoir les moyens de promouvoir une production maison de qualité distincte, centrée sur son bien le plus précieux, la tradition et le savoir-faire de ses artisans et de ses artisanes, afin de conserver notre patrimoine culturel; que les populations de toutes les régions et les divers groupes de la société québécoise et canadienne puissent bénéficier de services de qualité pluralistes et sans frais de la part des télédiffuseurs publics.
    À cet égard, je viens d'entendre le discours de mes distingués collègues et je pense qu'on se rejoint passablement.
    Selon la coalition, les faits démontrent clairement que les télédiffuseurs généralistes et publics sont encore et toujours au coeur même du système canadien de radiodiffusion et qu'ils en garantissent la spécificité. Le système actuel ne peut exister sans une intervention substantielle des pouvoirs publics dans son financement, que cette intervention se fasse par l'intermédiaire des fonds subventionnaires ou des télédiffuseurs généralistes et publics.
    Le cadre réglementaire du système canadien de télédiffusion devrait refléter cette réalité à notre avis incontournable. Plus spécifiquement, la coalition est d'avis que les télédiffuseurs généralistes et publics devraient avoir le même accès aux fonds subventionnaires et aux mêmes conditions que les producteurs dits indépendants qui, soit dit en passant, ne sont pas le moindrement indépendants car ils sont dépendants du financement public. D'ailleurs, je vais vous faire aujourd'hui une affirmation qui va vous étonner, chers membres du comité: tout ce qui est production télévisuelle, au Canada, et en particulier dans le milieu francophone, à l'exception des émissions d'information et d'affaires publiques, est financé par les deniers publics.
    Quand on entend M. Pierre Karl Péladeau dire qu'il est injuste que Radio-Canada bénéficie des fonds publics et que c'est de la concurrence déloyale, c'est de la foutaise. D'ailleurs, on a vu ce qui s'est produit lorsque Shaw Cable et Vidéotron ont décidé de ne pas verser leur contribution au Fonds canadien de télévision. Vidéotron y verse 14 millions de dollars, mais il en récupère 18. Alors, qu'on ne vienne pas me dire que la télévision privée ne bénéficie pas de l'argent public. C'est un fieffé mensonge!
    De plus, les droits de diffusion des productions subventionnées devraient appartenir aux institutions qui en assument le financement et le risque commercial, à savoir les fonds subventionnaires et les télédiffuseurs généralistes et publics. L'évolution technologique fait en sorte qu'il est possible que les productions financées par les pouvoirs publics et dont le risque commercial est assumé par les télédiffuseurs généralistes et publics en viennent à cannibaliser le système canadien de radiodiffusion, si elles sont largement diffusées par des médias non réglementés comme, par exemple, l'Internet.
    La coalition estime que les pouvoirs publics doivent établir des recommandations ou exigences quant au financement public stable et pluriannuel des télédiffuseurs généralistes et publics qui, placés comme ils le sont au coeur même du système canadien de radiodiffusion, sont fiduciaires et garants du bien public que sont les productions presque entièrement subventionnées qui forment l'essence même de l'identité de l'industrie audiovisuelle canadienne.

  (1055)  

    La coalition est aussi d'avis que le CRTC doit insister auprès des pouvoirs publics, dont votre comité, et des télédiffuseurs généralistes et publics afin que ces derniers effectuent eux-mêmes une partie significative de la production audiovisuelle qu'ils diffusent, afin de maintenir un niveau de concurrence et de qualité élevé dans toute l'industrie.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous vous remercions.
    Cette fois-ci, nous allons débuter les questions avec M. Angus.
    Merci.

[Français]

    Je viens de la région de Temiskaming, en Ontario, et ma circonscription est Timmins—Baie James. Je connais donc bien CKRN à Rouyn-Noranda.
    Ce matin, je voudrais parler de la nécessité d'un plan à long terme pour

[Traduction]

    les émetteurs haute définition. Ainsi, quelqu'un a souligné que nous avions maintenant un système analogique, avec les tours de transmission correspondantes, et que nous devions amorcer la transition.
    Je vous entends dire qu'il est beaucoup plus rentable d'opter pour des émetteurs haute définition. Est-ce bien cela?

[Français]

    Monsieur Angus, l'implantation de la télévision haute définition par le système des émetteurs comporte sûrement des coûts additionnels que les petites stations en particulier auraient à défrayer si on allait vers ce mode de diffusion.
    Par contre, ce n'est pas le système le plus économique, et on l'admet. Toutefois, on pense que les émissions de la télévision de Radio-Canada, comme premier réseau francophone dans le cas de la province de Québec, ou anglophone dans les autres provinces, doivent être accessibles gratuitement à tous les citoyens et que, malgré tout, même s'il y a des frais plus élevés pour convertir nos équipements de transmission, c'est le meilleur système puisque le mandat de la Radio-Canada est de rejoindre tous les Canadiens gratuitement, si nous sommes capables, comme petits affiliés dans nos régions, de continuer à conclure des ententes raisonnables avec la Société Radio-Canada.

[Traduction]

    Allez-y.

[Français]

    J'aimerais vous faire part d'un point de vue moins technique à ce sujet. La loi qui régit Radio-Canada dit que tous les Canadiens doivent avoir accès au service de Radio-Canada. Je parle du côté francophone. C'est la même chose pour les anglophones dans l'ensemble du Canada. Cette réalité existe également pour les francophones hors Québec.
    À l'heure actuelle, on nous dit que non seulement le signal ne sera plus accessible par ondes hertziennes, mais qu'il le sera par système numérique, donc par câble. Tous les Canadiens vont donc devoir dorénavant s'abonner, payer des redevances au câble. S'ils veulent avoir accès aux autres services de Radio-Canada — depuis plusieurs années, Radio-Canada, surtout au réseau français, a amené la convergence des nouvelles plateformes, tant en radio qu'en télévision et avec les sites Internet —, les contribuables canadiens, qui paient déjà des impôts pour avoir les services de Radio-Canada et des émissions produites par le secteur privé mais financées par leurs impôts, vont devoir dorénavant payer encore plus, notamment par les services satellitaires et le câble, pour avoir le service de Radio-Canada. Pas plus tard qu'hier, j'ai payé ma facture de Vidéotron. J'ai payé 94 $ pour avoir l'Internet haute vitesse, le service de télévision numérique et le câble. Si je veux écouter Radio-Canada, je dois payer davantage. Selon la loi, à moins qu'on l'ait modifiée, Radio-Canada va devoir trouver les moyens financiers ou technologiques pour faire en sorte que le signal et les services soient disponibles gratuitement pour l'ensemble des Canadiens.

[Traduction]

    Eh bien, cela nous amène à la question de nature plus générale dont nous avons discuté au cours de ces audiences. Si nous passons à un système fondé uniquement sur les frais d'abonnement, dans le cadre duquel il faudrait être abonné au câble pour avoir accès...
    À l'heure actuelle, les francophones de l'Ouest — et 50 000 nouveaux francophones se sont installés en Alberta au cours des dernières années — doivent payer un montant supplémentaire sur leur facture de câble pour avoir droit aux services en français. Nous en sommes rendus maintenant à 300, voire 800 ou 900 chaînes. Dans le contexte de la déréglementation annoncée par le CRTC, il faut s'interroger sur les répercussions quant à l'accès à ces services.
    J'aimerais donc vraiment que les choses soient bien claires relativement à ces émetteurs haute définition. Industrie Canada en fait la promotion. Est-ce qu'un plan a été mis en place? Avons-nous une idée des sommes qu'il faudra investir pour s'assurer que tous les citoyens canadiens puissent avoir accès, sur les canaux 2 à 13 de leur téléviseur ou autrement, aux services francophones de Radio-Canada ou anglophones de CBC?

  (1100)  

[Français]

    C'est un peu ce que je dis, monsieur Angus. Même si nous sommes obligés de débourser des frais additionnels, nous pensons qu'il est extrêmement important que Radio-Canada continue d'offrir le service par ondes hertziennes.
     On pense parfois qu'on a exagéré les coûts d'implantation de la télévision par transmetteur. Ne parlons pas de tous les studios qui, de toute façon, devront être mis sur pied. On parle uniquement de la transmission par voie hertzienne avec des émetteurs. Toute l'infrastructure est déjà en place: les tours, les bâtisses, etc. Cette infrastructure est bonne et demeurera. La Société Radio-Canada possède plusieurs locaux. Dans une même tour, elle a des antennes FM, elle loue de l'espace.
     Dans bien des cas, les émetteurs analogiques utilisés actuellement devraient être remplacés. Même s'il n'y avait pas eu de transition au numérique, dans plusieurs cas, les émetteurs auraient quand même dû être remplacés par de nouveaux émetteurs. Aujourd'hui, un émetteur numérique haute définition coûte la même chose qu'un émetteur analogique. Pour le rayonnement du réseau de la Société Radio-Canada, il serait important que la transmission par voie hertzienne demeure.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Scott.

[Français]

    Merci, monsieur le président, et merci à tous.

[Traduction]

    Je vais poursuivre l'exploration. Je dois vous dire que j'ai grandi en syntonisant une station affiliée, CHSJ à Saint John.
    Au cours des dernières années, les restrictions budgétaires ont mis à rude épreuve les services de la CBC dans notre région du Canada, le Nouveau-Brunswick. J'ai présumé que le fait que l'on ne pouvait plus recourir à l'appui d'une station affiliée avait contribué à compliquer la situation. Je comprends donc très bien vos arguments.
    Mais il faut que je vous dise que vous êtes vraiment les premiers à nous déclarer — et je pense que c'est M. Brière qui a fait cette affirmation — que la CBC/Radio-Canada s'est bien acquittée de son mandat pour ce qui est des régions. Je pense que c'est ce que vous avez indiqué. En tout cas, ce n'est pas ce que nous avons entendu...

[Français]

    Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. Je m'en excuse si je me suis mal exprimé. J'ai dit qu'en tant qu'affilié, on est en mesure de remplir, mieux que Radio-Canada ne l'a fait dans le passé, le mandat de la programmation locale. C'est notre business, c'est notre vocation, on est exclusivement au service des régions. On n'a pas de station de télévision dans les grands centres, on n'a que des stations de télévision dans des marchés de 150 à 200 000 personnes. Le mandat de la programmation et de l'information locale que Radio-Canada nous confie est donc clairement le coeur de notre entreprise.
    La difficulté qu'on vit depuis quelques années est que les ententes avec Radio-Canada sont de plus en plus difficiles à négocier et les fonds, réduits. Une forte pression est exercée sur nous pour réduire les services. La réalité est qu'on a moins de moyens qu'on en avait il y a cinq ans. La dernière négociation que nous avons eue avec Radio-Canada s'est soldée par une diminution de 30 p. 100 de revenus pour nous.
    Radio-Canada est placée devant deux choix: soit elle reprend ses stations locales et les exploite, soit elle les confie aux stations affiliées, tout en leur fournissant les moyens nécessaires. Je ne pense pas qu'il y ait de solution autre que ces deux choix.

  (1105)  

    Monsieur Simard, voulez-vous ajouter quelque chose?
     Il faut bien comprendre que les sommes d'argent qui nous sont versées par la Société Radio-Canada ne sont, en fin de compte, qu'une partie des revenus des ventes réseau. Dans la province de Québec, comme dans les autres provinces au Canada, Radio-Canada vend de la publicité pour toute la province et nous en remet seulement une partie. En tant qu'affiliés, on diffuse ces publicités vendues par Radio-Canada et celle-ci ne nous remet qu'une partie des recettes publicitaires; elle s'en garde une partie. Déjà, les sommes que l'on perçoit proviennent de la publicité. Malheureusement, la SRC, il y a quelques années, a diminué la partie de ces recettes qu'elle nous remettait.
    Un peu partout au Canada, la télévision régionale demeurera peut-être un élément essentiel très fort pour bien desservir les Canadiens. On est en place depuis 50 ans, on est installés et on connaît notre marché. On veut simplement vous faire part de l'importance du rôle que l'on joue et qu'on voudrait continuer à jouer.

[Traduction]

    Une sombre ironie semble se dégager de toute cette histoire. C'était probablement seulement une question de séquence des événements. Nous avons fait pression pendant si longtemps au Nouveau-Brunswick pour obtenir un studio de la CBC et ne plus dépendre de CHSJ. Les démarches ont abouti juste au moment où la CBC se retrouvait dans une situation particulièrement précaire. Je suppose, comme on le dit dans mon coin de pays, qu'il faut faire attention aux souhaits que l'on exprime.
    Quoi qu'il en soit, je me préoccupe notamment de la coexistence de la transmission par voie hertzienne et de tous les autres modes de diffusion qui seront accessibles. Je crois que nous allons recommander au diffuseur national de s'assurer une présence dans cet autre univers également, s'il souhaite maintenir sa pertinence et emboîter le pas à tous ces nouveaux intervenants.
    À partir de quel moment deviendra-t-il problématique de maintenir l'universalité du service dans un contexte où la variété de l'offre se multiplie à ce point? Si on concentre ses efforts sur un aspect en faisant toujours davantage, à partir de quel point les contraintes vont-elles se manifester?

[Français]

    La semaine dernière, le CRTC a fait une annonce sur la question des télévisions généralistes, des ondes hertziennes et du passage du système analogique au numérique d'ici 2011. Si je vous ai bien compris, monsieur Scott, vous êtes en train de dire que le Comité du patrimoine canadien dira au CRTC que ce qu'il a décidé n'est plus bon et qu'on va maintenir le système des ondes hertziennes. La semaine dernière, on a été déboutés à cet égard. Le CRTC a décrété qu'à partir de 2011, il n'y aurait plus d'obligation, notamment pour la Société Radio-Canada, de maintenir le système des ondes hertziennes. On ajoute une petite clause disant que, pour les régions éloignées, on verra. Êtes-vous en train de dire que le comité va renverser cette décision? La décision a été rendue par le CRTC pas plus tard que vendredi dernier.

[Traduction]

    J'aimerais bien pouvoir décider à la place du comité, mais je ne crois pas que notre président me laisserait faire.
    Je me contente donc simplement d'examiner les différentes possibilités. Si nous essayons d'agir simultanément sur les deux tableaux, je crains que la disparité entre les deux augmente encore davantage. Le défi serait alors d'un tout autre ordre. Je pense qu'il y a vraiment lieu de s'inquiéter.
    J'aimerais aussi que vous nous parliez des impacts des restrictions budgétaires. Nous en avons déjà discuté ici même et nous avons eu des commentaires en ce sens dans toutes les régions du pays. Je ne crois pas que personne voudra contester le fait que les manquements de la CBC/Radio-Canada dans l'accomplissement de son mandat peuvent être en partie attribuables aux restrictions budgétaires qui remontent probablement à 15 ans en arrière.
    Est-ce que chacun de vous pourrait nous dire quelles ont été les répercussions pour son organisation? Comment avez-vous perçu ces restrictions ou ces coupures?

[Français]

    Pour les stations affiliées, les résultats ont été les suivants. En tant que radiodiffuseurs responsables depuis 50 ans, on a maintenu le même niveau de production locale dans nos stations malgré les coupes de Radio-Canada. Par conséquent, actuellement, nos stations sont à peine rentables. En tant que radiodiffuseurs, on a décidé de faire l'effort de continuer en espérant qu'il y aurait ajustement à un moment donné, mais on n'a pas diminué du tout notre programmation locale pour maintenir les services à nos concitoyens.

  (1110)  

    Il y a une chose que je ne comprends pas bien. Dans le cas des stations affiliées de Sherbrooke, Saguenay et Trois-Rivières, dans le passé, Radio-Canada a pris la décision d'établir des contrats de service. Par contre, la production d'émissions est faite par des journalistes et par des techniciens, en partie, de Radio-Canada. C'est Radio-Canada qui produit le bulletin pour Sherbrooke, Saguenay et Trois-Rivières. Le contrat de service porte sur la mise en ondes et la diffusion. Je pense que Radio-Canada fait son bout de chemin pour assurer la création de l'émission. Ensuite, il reste à la mettre en ondes. Je ne sais pas si les pourcentages que j'ai entendus reflètent cette réalité. Il y a eu un changement à cet égard, alors que Radio-Canada a assumé une certaine partie de la production. C'est probablement parce que la société ne dispose pas de l'argent nécessaire pour avoir des émetteurs et des transmetteurs afin de diffuser. Cela est fait par les stations affiliées.
    Je vais émettre un commentaire sur l'impact que cela a sur la programmation. Il faut comprendre que ce qu'on a enlevé à Paul, on va le donner à Pierre. Les compressions qui ont été effectuées à Radio-Canada ont été faites pour créer des programmes de fonds subventionnaires, notamment fédéraux. À Ottawa comme à Québec, on ne crée pas l'argent. Dans les années 1990, Gérard Veilleux a fermé les stations locales. Les budgets qui ont été supprimés à Radio-Canada ont été donnés aux petits amis du secteur privé par l'entremise des fonds subventionnaires. Il faut bien comprendre cela.
    Des gens ont parlé de l'impact que cela avait eu sur la programmation francophone de Radio-Canada. La société, ayant un manque à gagner, a dû faire des choix de programmation qui, dans certains cas, n'étaient pas nécessairement conformes à son mandat. Elle a dû emprunter une direction commerciale privée où il fallait aller chercher des cotes d'écoute pour faire en sorte que les publicitaires payent de l'argent afin de compenser les compressions. Il y a donc eu des choix de programmation. Par exemple, dans le domaine des sports à Radio-Canada, il y a déjà longtemps que La soirée du hockey n'existe plus. Au Canada anglais, on bénéficie encore de Hockey Night in Canada. Pourtant, Radio-Canada est un réseau généraliste. Le domaine des sports a été accaparé par le Réseau des sports, un canal privé accessible seulement au moyen du câble. Des choix de programmation ont été faits. Les compressions ont eu une incidence: la transformation de tout l'univers.
    À la coalition, on parle de tenir un débat public sur l'avenir de la radiotélévision publique. En réalité, c'est un débat sur l'avenir de la télévision au Canada qu'on devrait tenir. J'estime que le gouvernement fédéral ne devrait pas parler seulement de Radio-Canada, mais de l'ensemble de l'industrie et en faire le bilan. Il y a 15 ou 20 ans, on a créé des programmes. Aujourd'hui, on doit voir où on en est rendu; on voit les crises que cela suscite. Il existe un élément de convergence et de nouvelles plateformes. Je pense qu'on en est rendu au point où tous les gens de l'industrie au Canada doivent s'asseoir — cela peut être dirigé par le gouvernement fédéral — pour faire le bilan et voir ce qui se passe à l'heure actuelle. J'estime qu'avant longtemps, on va se retrouver dans un cul-de-sac. Si on examine chacun des éléments un à la fois, seulement Radio-Canada, seulement le privé ou seulement le fonds, quelque chose va éventuellement se produire et la machine va se briser.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Rebonjour et merci d'être présents. Ce que vous nous confiez aujourd'hui est très intéressant.
    J'ai de nombreuses questions à vous poser, mais je vais essayer de les condenser pour obtenir la substance essentielle pour nourrir nos analystes. Ma première question s'adresse aux stations affiliées, et je me fais l'avocat du diable. Pourquoi avez-vous jugé pertinent et nécessaire de témoigner ici aujourd'hui?

  (1115)  

    Parce que nous jouons un rôle extrêmement important et un peu méconnu. Nous sommes situés dans des régions qui ne sont pas exposées à une haute visibilité: le nord du Québec, le Bas-Saint-Laurent, etc. Ce ne sont pas des régions qui font la manchette tous les jours, et on n'en parle pas régulièrement. Il existe une espèce de clivage entre les grands centres et les régions. On a beaucoup concentré l'attention sur les grandes villes. Je suis originaire de la région du Saguenay. Je vis à Montréal depuis 25 ans. J'ai souvent l'occasion d'aller en région et je vois que les besoins sont différents. Ce n'est pas la même chose. C'est correct qu'il en soit ainsi. On a le droit d'avoir une qualité de vie à Rouyn-Noranda, à Timmins, à Kapuskasing ou n'importe où ailleurs. Nous pensons qu'il est important de faire entendre ce point de vue. Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary sont des centres importants. Rouyn-Noranda, Chicoutimi, Red Deer, etc. sont des endroits importants. La moitié de la population du Québec vit à l'extérieur de Montréal. Nous travaillons pour ces 50 p. 100. Nous représentons la moitié des gens, ceux qui vivent à l'extérieur des grand centres. Je pense donc qu'il est important que nous nous fassions entendre aujourd'hui.
    Vous dites souhaiter que votre rôle actuel soit maintenu intégralement. Que défendez-vous sur le plan local? La culture, l'information?
    Une station de télévision locale est d'abord le centre d'information: elle diffuse les nouvelles. Avec la concentration des médias qui s'accentue — et cela ne s'arrêtera pas —, le marché francophone du Canada a assisté à une certaine uniformisation des contenus. L'information est fabriquée à Montréal et redistribuée dans les régions.
    Nous pensons que la vie locale existe. Le problème du bois d'oeuvre dans le nord du Québec, par exemple, n'a pratiquement pas d'impact à Montréal. Si je vis à Outremont ou à Westmount, les problèmes du bois d'oeuvre ou des mines dans le nord du Québec ne me concernent pas. Par contre, si j'habite à Rouyn-Noranda, ma vie et ma famille sont touchées. J'ai donc besoin d'une vie communautaire pour pouvoir parler et débattre de ces questions. Voilà pour l'information.
    Quant à la vie culturelle, un festival important a lieu à Rouyn-Noranda, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. À Montréal, on s'y intéresse peu, car il y a déjà un gros festival du film dans cette ville et il y en a un encore plus gros à Cannes. Le festival du cinéma de Rouyn-Noranda, who cares? Mais c'est important pour les gens qui y vivent.
    Il y a aussi le festival de la guitare à Rouyn-Noranda. Il y a des activités locales culturelles. Ces gens ont le droit d'avoir une vie communautaire. C'est la télévision qui sert de perron d'église, elle permet aux gens de se rassembler et de discuter. La promotion économique, les oeuvres communautaires, tout cela est en train de disparaître parce qu'on vit dans des grandes villes et que c'est là que les décisions se prennent.
    Pourtant, la moitié du monde vit à l'extérieur de ces grandes villes. On est une sorte de moteur économique culturel, social et d'information. Cent pour cent de nos nouvelles sont locales. Personne ne peut le faire, les réseaux ne peuvent plus le faire parce que ce n'est plus leur vocation. Leur modèle économique est construit sur autre chose. C'est cela, la grande différence.
    Comment voyez-vous le réseau des radios communautaires?
    C'est une bonne question.
    Ce réseau est important. La difficulté vient de son mode de financement. Si je dois compétitionner avec des organismes qui reçoivent des subventions, je ne me bats pas à armes égales ou avec les mêmes outils. En donnant à ces organismes des avantages économiques et les mêmes possibilités de tirer des revenus publicitaires, on crée un déséquilibre qui finira par nous affecter. Nous sommes des entreprises privées et nous vivons essentiellement de la publicité. Il est donc difficile pour nous d'être en concurrence avec des organismes qui sont subventionnés.

  (1120)  

    Permettez-moi d'ajouter quelque chose. En fait, la télévision conventionnelle, dans nos régions, rend service à la population jour après jour, gratuitement. Il y a des bénévoles qui organisent toutes sortes d'activités dans nos régions, qu'on annonce gratuitement sur nos ondes.
    J'essaie de comprendre le sens de votre question. Bien sûr, s'ils annoncent leurs activités par l'entremise d'une station communautaire, sur le câble, au canal 82, par exemple, et que nous annonçons une activité importante d'une organisation musicale en pleine soirée, sur les espaces qu'il nous reste, dans une émission du réseau, vous comprendrez que s'il y a 50 000 auditeurs qui écoutent le message gratuit qu'on vient de diffuser, il n'y a aucune mesure de comparaison avec un message qui serait diffusé par une station communautaire, n'en déplaise aux stations communautaires.
    De plus, nos infrastructures ne sont aucunement comparables à celles des stations communautaires. On se doit, en tant que stations affiliées, d'avoir des équipements de production presque aussi perfectionnés que ceux qu'il y a à Montréal. Imaginez-vous que vous êtes dans une de nos régions ou dans une autre région du Canada et que vous écoutiez sur une petite station une émission d'une demi-heure qui arrive du réseau et qui a été produite au coût d'un quart de millions de dollars. Pour produire des émissions locales, on doit avoir des équipements adéquats. On a des équipements similaires à ceux des grands réseaux pour produire des émissions de très bonne qualité, mais ce n'est pas comparable.
    La télévision conventionnelle, qui est une télévision de masse, donne à notre population une grande visibilité. C'est ce qui est important. Les gens peuvent bénéficier d'un média de masse pour faire connaître à tout le monde les activités de chez nous.
    J'ai bien saisi le message. Même si je ne pose pas beaucoup de questions, c'est bien évident pour moi. On a été nourris à cet égard.
    Soit dit en passant, monsieur Kotto, si le mot « communautaire » est inscrit dans la Loi sur la radiodiffusion, c'est grâce à moi. Je vous expliquerai cela un jour.
    Votre plaidoyer laissait entendre que vous aviez une crainte, celle que soit diminué le rôle que vous jouez en région. D'où vient cette crainte?
     Plus Radio-Canada subit de pressions sur le plan financier, plus elle nous transmet ces pressions. C'est le principe du plus gros au plus petit. C'est un peu comme à la pêche: les gros poissons mangent les petits.
    Je vous ai dit tout à l'heure qu'on renouvelait les ententes tous les cinq ans. En termes de revenu, la présente entente est de 30 p. 100 inférieure à ce que nous avions il y a cinq ans. Qu'en sera-t-il au moment du renouvellement en 2010?
    À mon avis, il y a deux choix possibles: ou bien Radio-Canada décide de reprendre ses stations affiliées, en les rachetant ou autrement, et de produire elle-même ses contenus, de s'en occuper, de s'installer à Rouyn-Noranda, à Rivière-du-Loup ou ailleurs, et de desservir la population; ou bien elle reconnaît que nous jouons un rôle important et décide de travailler avec nous à améliorer ce rôle. Il y a de petites choses qu'on peut faire.
    En Abitibi, il y a une infrastructure dans laquelle on a investi des millions de dollars en équipement. On devrait donc être en mesure de fournir des images de ce marché à Radio-Canada à Montréal. Or, pour la couverture du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, Radio-Canada utilise ses propres réalisateurs. Cela n'a pas de sens puisqu'on a les infrastructures nécessaires en tant que station affiliée. On devrait être en mesure de fournir ce service. On pourrait faire des économies ensemble. Il n'est pas interdit que le public et le privé travaillent ensemble. Il n'y a rien dans la loi qui dit que cela ne peut se faire. Je pense qu'on aurait intérêt à le faire davantage.

  (1125)  

    J'aimerais aussi donner un exemple qui s'est produit dans l'est du pays, dans le bas du fleuve, où je demeure. Il y a une quinzaine d'années, la Société Radio-Canada exploitait une station de télévision dans la ville de Rimouski, un marché deux fois plus gros que celui de Rivière-du-Loup et de Rouyn. La société, pour des raisons économiques, a dit ne plus pouvoir exploiter une station dans ce marché.
     Nous oeuvrons dans des marchés deux fois plus petits. Après 20 ans, nous sommes encore là et nous produisons tous les jours des bulletins de nouvelles. Je vous donne cet exemple pour répondre à la question que vous posez dans votre document, à savoir si les affiliés privés peuvent continuer à jouer un rôle dans le système de radiodiffusion canadien, en particulier avec Radio-Canada. Je vous le dis: nous sommes prêts à le faire.
    M. Angus a fait allusion aux nombreux services spécialisés, mais ceux-ci ne desservent pratiquement pas les régions. Le seul moyen de rejoindre une masse de citoyens reste toujours la télévision conventionnelle. Je sais bien qu'il existe des stations de radio, communautaires ou autres, mais je parle ici de télévision. Nous sommes prêts à continuer à jouer ce rôle, comme on l'a fait il y a 50 ans lorsque la société n'en avait pas les moyens. À l'époque, Radio-Canada disait que la télévision coûtait tellement cher qu'elle n'avait pas les moyens de l'étendre partout au pays et qu'elle se limiterait aux grandes villes.
    On a contribué à étendre le service de Radio-Canada et on aimerait continuer à le faire. On est capable de le faire très bien.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'aurais seulement quelques observations à formuler, même si elles vont trahir un peu mon âge.
    Je me souviens parfaitement bien de cette tête d'Indien qui servait de mire à l'écran au début des années 50. Je nous revois très bien assis devant le téléviseur à regarder seulement ce motif de test. Que ce soit à la CBC, à CTV ou à Global — je ne crois pas avoir manqué une seule ouverture dans notre région — nous pouvions regarder cet Indien pendant de longs moments.
    À l'époque — eh oui, je viens du sud-ouest de l'Ontario — CFPL London était une station affiliée à la CBC et desservait très bien notre région. Avec les années, j'ai constaté le même phénomène avec les journaux. Le journal local pouvait desservir une région avant d'être acheté par un conglomérat ou une autre entreprise. Il ne fallait pas bien longtemps pour qu'il vous suffisse d'acheter le Toronto Star pour connaître le contenu de tous les journaux publiés. Il restait très peu de place pour les nouvelles régionales.
    On n'a pas cessé de nous le répéter, que ce soit à Terre-Neuve, à Yellowknife, à Vancouver ou à Winnipeg: l'aspect régional est primordial. Je sais que de nombreux diffuseurs publics sont présents dans certains secteurs; par exemple, dans notre région, Rogers Cable s'acquitte très bien de son mandat régional. Ils s'intéressent à ces petites choses — un centième anniversaire de naissance, par exemple — qui sont très importantes.
    Je sais pour avoir parlé aux gens du groupe Corus que celui-ci compte quelques stations affiliées, dont une à Kingston. Je connais la façon dont ces choses peuvent s'emboîter. Les stations affiliées peuvent se retrouver parfois un peu coincées, mais si nous devons régler quelques-unes des difficultés régionales que connaît notre diffuseur public, la CBC/Radio-Canada, je pense que c'est une avenue que nous devons envisager dans une plus large mesure.
    On s'est également demandé si la CBC/Radio-Canada devrait assurer la transmission de la programmation ou simplement la produire. Devrait-il y avoir un partenariat public-privé en vertu duquel l'aspect transmission serait confié à l'externe pour qu'on puisse se concentrer sur l'aspect programmation? Je sais que cette formule fonctionne pour certains hôpitaux; on fait construire un bel hôpital et on en devient locataire avec tout l'équipement. Il existe différents arrangements semblables.
    J'ai trouvé les exposés de ce matin fort intéressants. J'ose espérer que mes commentaires ne vous auront ennuyés d'aucune manière. Merci pour vos déclarations et pour la franchise avec laquelle vous avez répondu à nos questions.
    La séance est levée.