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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1935)  

[Traduction]

    Bonsoir tout le monde. Bienvenue à cette 63e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
     Conformément à l’article 108(2) du Règlement, nous entreprenons une enquête approfondie du rôle d’un diffuseur public au XXIe  siècle.
    Ce soir, nous accueillons l’Alliance pour les enfants et la télévision, l’Alliance des arts médiatiques indépendants, l’English Language Arts Network, et les Documentaristes du Canada.
    Bienvenue à vous tous. Nous procéderons par ordre pour les présentations. L’idéal serait de limiter les présentations à environ dix minutes, mais nous ne fonctionnons pas avec un chronomètre. Nous sommes intéressés à vous entendre.
     Monsieur Moss, voulez-vous commencer?
    Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité.
     Mon nom est Peter Moss et je suis le président de l’Alliance pour les enfants et la télévision (AET). Avant de commencer cette présentation, j’aimerais d’abord vous présenter ma collègue Madeleine Lévesque qui est vice-présidente exécutive au développement de contenus chez Nine Story Entertainment de Toronto et membre du conseil d’administration de l’AET.
     Le mandat de l’Alliance pour les enfants et la télévision est d’influencer positivement la vie des enfants canadiens au moyen d’activités de promotion, de reconnaissance et de formation pour enrichir le contenu qui leur est présenté à l’écran. Pour nous, le contenu des émissions jeunesse doit être à la fois pertinent et divertissant: il doit stimuler l’intelligence et la créativité et susciter l’ouverture aux autres. Il doit aussi être un reflet fidèle du monde dans lequel les enfants grandissent, il doit respecter leur dignité et favoriser leur apprentissage.
     L’Alliance représente des personnes et des organisations, issues de partout au Canada, et dédiés à veiller au développement d’une programmation télévisuelle qui puisse intéresser nos enfants et notre jeunesse, tout en contribuant au développement de notre culture nationale. Établie il y a plus de 30 ans, en 1974, l’Alliance bénéficie de l’expertise des meilleurs créateurs, artistes, artisans, éducateurs, producteurs et radiodiffuseurs canadiens de programmation pour enfants, programmation qui se retrouve sur un nombre croissant de plateformes médias.
     Personnellement, je travaille dans le domaine de la radiodiffusion et du divertissement télévisuel depuis plus de 25 ans. J’ai été, entre autres, directeur de la création du secteur jeunesse de la CBC, vice-président de la programmation et de la production à YTV et Treehouse TV — deux chaînes pour enfants au Canada — et plus récemment, vice-président de la programmation et du développement des chaînes de télévision du groupe Corus. Je suis actuellement producteur indépendant d’émissions jeunesses et autres émissions.
     Nous sommes très heureux d’être ici parmi vous aujourd’hui pour participer à ce que nous espérons sera une nouvelle lancée pour la CBC/SRC. Nous misons beaucoup sur notre système national de radiodiffusion canadien, et particulièrement sur notre radiodiffuseur public national. Notre objectif aujourd’hui consiste essentiellement à rappeler aux membres du comité l’importance de tenir compte des besoins et préoccupations des enfants canadiens, lesquels sont malheureusement trop souvent ignorés quand on traite du système de radiodiffusion canadien, de ses buts et de ses responsabilités.
     Le comité n’est évidemment pas sans savoir que la CBC/SRC comparaîtra bientôt devant le Conseil de la radiodiffusion (CRTC) en vue de renouveler sa licence de radiodiffusion qui vient à échéance en août 2007. Or, nous sommes convaincus qu’il s’agit là d’une occasion privilégiée d’étayer, dans le cadre du rapport que vous vous apprêtez à rédiger, des recommandations au gouvernement et au CRTC quant aux buts et objectifs que devrait se fixer la CBC/SRC au cours de la prochaine décennie.
     D’entrée de jeu, l’Alliance tient à souligner qu’elle appuie sans contredit le maintien et le développement d’une CBC/SRC forte et vigoureuse alors que nous avançons dans le XXIe siècle, pour qu’elle puisse notamment répondre aux besoins des jeunes Canadiens en leur offrant une programmation canadienne de qualité qui soit développée et diffusée en tenant spécifiquement compte de leurs intérêts.
     La SRC et la CBC ayant un mandat de service public qui les distingue se doivent d’offrir une programmation qui serve d’abord et avant tout l’intérêt public et non des intérêts commerciaux. La CBC/SRC a un rôle unique à jouer pour refléter l’importante croissance de la diversité ethnoculturelle des citoyens canadiens. En leur proposant des histoires canadiennes, cette programmation contribuera à concrétiser une société canadienne unique. Comme plusieurs enfants canadiens sont eux-mêmes le reflet de cette nouvelle réalité ethnoculturelle, la CBC/SRC a la responsabilité de les aider à saisir, grâce à une programmation innovatrice, la spécificité et les valeurs canadiennes, tout en mettant en lumière la richesse de la diversité de notre pays.

  (1940)  

[Français]

    Comme le comité le sait fort bien, le contenu est à la base de tout en radiodiffusion, et ce, qu'on parle de programmation pour enfants, de nouvelles, de sport, de divertissement ou de dramatique. Mais il faut se rendre à l'évidence: les changements technologiques et la prolifération de l'information ont non seulement bouleversé la façon dont les Canadiens ont accès à l'information qu'ils recherchent, mais ils ont aussi permis de décupler la quantité d'information disponible, permettant ainsi une mobilité et des choix individuels accrus, avec comme conséquence pour les télédiffuseurs, et plus particulièrement pour les télédiffuseurs conventionnels dont la SRC/CBC, un accroissement non négligeable de la fragmentation des auditoires.
    Malgré tout, selon les plus récentes données du CRTC, le nombre moyen d'heures d'écoute hebdomadaires allouées par les Canadiens à la télévision a continué d'augmenter depuis 2001-2002, passant de 23,7 à 25,1 heures par personne en 2004-2005. Or, il importe de souligner que la plus grande croissance de l'écoute télévisuelle entre 2001-2002 et 2004-2005 se trouve chez les enfants de 2 à 11 ans, où elle est passée de 16,3 à 19,2 heures par semaine, et chez les jeunes de 12 à 17 ans, où elle est passée de 16,4 à 18,6 heures par semaine. Ces données du CRTC démontrent clairement que même si les jeunes Canadiens passent beaucoup de temps à l'ordinateur à clavarder, par exemple, ils regardent aussi beaucoup la télévision, voire même plus qu'avant.
    La Loi canadienne sur la radiodiffusion établit clairement ce qui suit:

ç
i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois : (i) être variée et aussi large que possible en offrant à l’intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit, [...]
     Mais que penser du rôle de la SRC/CBC dans ce contexte où s'opèrent de nombreux changements technologiques et une fragmentation accrue des auditoires? Tel que nous l'avons déjà mentionné, nous ne mettons pas en doute l'importance d'une SRC/CBC forte, mais il importe que nous puissions tous nous consulter pour déterminer collectivement ce que la SRC/CBC doit faire si elle veut continuer d'être pertinente au XXIe siècle.

[Traduction]

    Historiquement, la CBC/SRC a toujours été à l’avant-garde en matière de création et de production de programmation pour enfants, ce qui lui a d’ailleurs valu de gagner à plusieurs occasions des prix au niveau national et international. La CBC/SRC a en effet déjà servi d’incubateur créatif pour de nouveaux talents dans le secteur jeunesse, mais elle semble avoir perdu, depuis quelques années, son enthousiasme pour la création et le développement d’émissions pour enfants et pour jeunes.
    Le CRTC avait clairement énoncé, lors de son dernier renouvellement de licence, ce à quoi il s’attendait de la CBC/SRC, en déclarant que:
Les services de télévision payante, de télévision commerciale, de télévision éducative et de télévision spécialisée de langue anglaise et française offrent un large éventail d’émissions pour enfants. Malgré cette disponibilité, et parce que la CBC/SRC rejoint presque tous les Canadiens, elle a la responsabilité unique d’offrir aux enfants et aux jeunes des émissions informatives, éducatives et de divertissement. Il lui incombe également d’encourager le développement des talents artistiques qui constituent l’avenir de l’industrie de la télévision.
    Dans cette même foulée, nous croyons fermement que la CBC/SRC a le devoir d’investir dans le développement d’émissions jeunesse et d’identifier de nouvelles façons de rejoindre nos enfants et nos jeunes par le biais de nouvelles technologies. Ce faisant, la CBC/SRC contribuera non seulement à la formation de nouveaux talents canadiens mais aussi au développement d’un nouveau bassin de téléspectateurs
    L’étude intitulée The Case for Children's Programming à laquelle l’Alliance a collaboré l’an passé avec l’ACPFT, l’Office national du Film et le SHAW Rocket Fund et rendue publique en février 2007, a clairement démontré que les fonds consacrés à la production d’émissions pour enfants au Canada sont en régression, passant de 380 millions de dollars en 1999-2000 à 283 millions de dollars en 2005-2006, une baisse de plus de 25 p. 100 dans un très court laps de temps.
    Pendant la même période, la part des budgets totaux pour la production d’émissions pour enfants, lorsque comparée aux budgets totaux pour la programmation de télévision canadienne, est passée de 22 p. 100 à 16 p. 100. De plus, de 1998-1999 à 2005-2006, le budget moyen d’une émission pour enfants de 30 minutes a chuté de 11 p. 100, passant de 224 000 $ à 200 000 $, en dollars constants.
    Nous sommes convaincus que la CBC/SRC doit faire plus et investir davantage dans les émissions pour les enfants de 2 à 11 ans et pour les jeunes de 11 à 17 ans afin de créer une programmation originale qui reconnaisse l’importance du rôle de la télévision dans la formation des attitudes des jeunes Canadiens qui, rappelons-le, sont de plus en plus nombreux à être venus des quatre coins du monde pour contribuer à la société canadienne.
     Nous recommandons fortement au comité d’envoyer un message non équivoque à la CBC/SRC d’exercer un rôle de leadership quant au développement et à la diffusion de programmation jeunesse de haute qualité qui soit non seulement d’intérêt pour les jeunes mais qui sache interpeller leur intelligence et les informer sur des sujets qui contribueront à leur développement à titre de fiers canadiens.
     Monsieur le président, membres du comité, l’Alliance pour les enfants et la télévision a l’expertise, la capacité et la volonté de contribuer efficacement au développement du système de radiodiffusion canadien et de collaborer avec la CBC/SRC, notre radiodiffuseur public national, pour développer de nouvelles initiatives qui ultimement profiteront à nos enfants, peu importe où ils se trouvent au Canada.
     Notre position est claire, la CBC/SRC doit faire plus pour la programmation pour enfants, elle doit trouver de nouvelles façons de rejoindre nos enfants avec des contenus d’intérêt qui contribueront à leur développement intellectuel, social et culturel.
    Voici pour notre présentation orale. Il nous fera plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir.
    Merci.

  (1945)  

    Merci de ce témoignage.
     La parole est maintenant à Mme Dorner.
     Pour commencer, j’aimerais remercier le Comité permanent du patrimoine canadien de cette occasion qui m’est offerte de prendre la parole au nom de nos membres et des diverses collectivités que nous représentons.
    L’Alliance des arts médiatiques indépendants est un réseau national de 84 organismes indépendants et sans but lucratif qui s’occupent de la production, de la distribution et de la présentation de films, de vidéos et de nouveaux médias. Ils représentent plus de 12 000 artistes et travailleurs culturels partout au Canada. L’Alliance, qui existe depuis 25 ans, s’active depuis les premiers jours à améliorer la situation des artistes œuvrant dans les médias indépendants, et ce, à chacune des étapes, depuis le financement à la production, en passant par la distribution et les expositions.
     D’abord et avant tout, je voudrais souligner le rôle important de la CBC/SRC comme principale institution de radiodiffusion pour les arts et la culture au Canada. La CBC/SRC est un endroit important pour la production et la présentation d’œuvres artistiques réalisées par des médias indépendants, en plus d’une source de premier plan pour la diffusion et la promotion de nos événements et de reportages sur nos activités. La CBC/SRC est essentielle à l’élargissement des publics et des marchés en ce qui concerne le secteur des arts médiatiques indépendants.
     Permettez-moi de faire un peu de coq à l’âne et de vous entretenir brièvement du Conseil des Arts du Canada, car bon nombre de nos membres ont recours au Conseil des Arts pour assurer leur survie.
     Le Conseil des Arts du Canada reçoit annuellement du gouvernement fédéral environ 150 millions de dollars, qu’il investit dans les artistes et organisations qui créent et diffusent des œuvres d’art d’avant-garde en souhaitant rejoindre un vaste public canadien. Il tombe sous le sens que le gouvernement fédéral devrait investir dans la promotion et la diffusion des ces œuvres par le biais de notre diffuseur public national.
    Les émissions de télévision telles que Zed et Socket, diffusées l’été dernier à la radio de la CBC, mettaient en scène de jeunes créateurs canadiens et plongeaient les auditeurs dans des thèmes culturels et esthétiques d’actualité. Non seulement ces émissions ont-elles grandement aidé à acquérir de nouveaux publics pour notre secteur, mais elles étaient également des spectacles intéressants et, à mon avis, vraiment divertissants. Malheureusement, on les a retirées des ondes.
    La tendance à faire des compressions dans les émissions artistiques lorsque la CBC/SRC est aux prises avec des problèmes de financement est une approche fondée sur l’imprévoyance. Nous exhortons le gouvernement fédéral à reconnaître les avantages à long terme découlant du soutien offert aux émissions qui illustrent les arts médiatiques indépendants, et ce, en fournissant à la CBC/SRC un financement stable accru.
     Nous avons également le sentiment que la CBC/SRC n’est pas en mesure de remplir son mandat culturel avec cohérence dans chaque région et chaque discipline artistique. La majorité des émissions artistiques, dirait-on, portent sur les grandes productions commerciales. Dans certaines régions, les émissions témoignent du secteur des arts médiatiques alors que dans d’autres régions, il est pratiquement impossible d’obtenir un reportage sur nos événements. Nous croyons que la CBC/SRC saurait bien mieux réaliser son mandat si elle ne dépendait pas tant des recettes commerciales.
    Dans certaines régions, la CBC/SRC s’est montrée très dynamique en mobilisant des collectivités autochtones et diverses par le biais d’ateliers de formation et de perfectionnement, de parrainage, de émissions conjoints et de son site Web. À titre d’exemple, au Manitoba, la CBC/SRC participe dans une grande mesure à la collectivité des Premières nations. Nous rêvons de voir ce genre d’initiative se produire partout au Canada.
     La CBC/SRC peut faire beaucoup pour promouvoir les nouveaux artistes, des artistes de tous les milieux culturels ainsi que des artistes autochtones. Il est écrit dans son mandat que la CBC/SRC doit « contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes » et « refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada ». Un financement accru permettrait à la CBC/SRC de répondre aux besoins particuliers des collectivités autochtones au Canada. Nous croyons fermement qu’il faudrait consulter la collectivité autochtone dans le cadre de ce processus.
    En réponse à la demande de renseignements concernant les nouveaux médias et leurs répercussions sur la diffusion publique, nous estimons que ce secteur présente un potentiel énorme. Les arts médiatiques connaissent une croissance rapide. De plus en plus d’artistes travaillent avec les nouveaux médias. La chose est attribuable à la popularité des arts médiatiques comme mode d’expression audiovisuelle dans la culture d’aujourd’hui.
     Les jeunes du Canada côtoient et apprennent à connaître Internet, la vidéo, la télévision et d’autres technologies bien avant d’autres formes de communications visuelles ou de productions artistiques. Par conséquent, bon nombre d’entre eux choisissent les arts médiatiques comme forme d’expression créatrice.
     En outre, pour accéder aux émissions, de plus en plus de Canadiens se tournent vers de nouvelles plateformes et de nouveaux formats, comme Internet, les téléphones cellulaires et les assistants numériques, ou les PDA. Cet état de choses agit sur la façon dont la CBC/SRC peut s’acquitter de son mandat. Ce nouvel environnement de communications présente des frontières différentes de celles qui réglementent le secteur de la radio et de la télévision et que le CRTC est chargé d’appliquer.

  (1950)  

    Les communications par satellite, Internet et la télédiffusion mobile, qui évoluent dans un environnement de marché libre, ont permis à des diffuseurs privés d’infiltrer ces nouvelles plateformes au moyen desquelles l’augmentation de la demande et l’éventail d’options ont prédominance sur la qualité des émissions. Dans un tel contexte, la CBC/SRC risque de voir sa capacité de remplir son mandat être amoindrie par un mouvement vers un modèle de nouveaux médias moins réglementé.
     Le rôle vital du gouvernement fédéral sera de financer ces initiatives axées sur les nouveaux médias pour s’assurer que le contenu culturel canadien jouit d’une forte présence dans ces nouveaux supports.
     Un ensemble de technologies plus diversifiées et à vaste diffusion profitera également aux Canadiens. De nouveaux réseaux de communication devraient être vus comme des outils pouvant servir de passerelle pour rejoindre les collectivités, par exemple, les collectivités autochtones dans le nord et les régions plus peuplées du sud du Canada.
     Les nouveaux supports donnent à la CBC/SRC le potentiel de progresser et de faire évoluer son mandat. La CBC/SRC sera en mesure de cibler des publics sur une base régionale, culturelle, ethnique ou linguistique tout en développant une conscience et une identité nationales qui témoignent de notre société diversifiée.
     Certaines émissions de la CBC/SRC sont assorties d’un procédé de baladodiffusion qu’il faut continuer de développer et d’offrir en ligne. Ces initiatives non seulement rejoignent de nouveaux publics au Canada, mais ils rendent accessibles le contenu canadien dans le monde entier.
     Le Canada est l’un des pays les plus évolués sur le plan technologique, et nous sommes en position d’occuper l’avant-scène dans la révolution des médias numériques, ce dont bénéficieraient les Canadiens. La chose est également profitable aux artistes, puisque ces derniers pourraient disposer de nombreux nouveaux modèles économiques de production et de commercialisation.
     Cela étant dit, nous aimerions souligner qu’il devrait y avoir un mécanisme pour s’assurer que les artistes canadiens sont rémunérés pour le travail qu’ils présentent, quel que soit le médium.
     En outre, il sera important de s’assurer que, peu importe les plateformes utilisées, le contenu est accessible dans tout le Canada et, plus important encore, aux Canadiens de tous les milieux socio-économiques.
     L’une des forces de la radio et de la télévision publiques est sa capacité de rejoindre les Canadiens de toutes les régions par le biais des ondes. Le gouvernement fédéral devrait étudier des moyens d’assurer l’exploitation de nouveaux médias et l’accès à tels médias pour tous les Canadiens.
     Pour conclure, le financement fédéral permet au diffuseur public de présenter une programmation qui offre une solution de rechange aux diffuseurs homogènes privés. Un diffuseur public solidement financé apporte à notre système démocratique une perspective équilibrée qui doit témoigner de l’information diffusée au public.
     Merci. Il me fera plaisir de répondre aux questions.
    Merci à vous.
     Passons maintenant à l’organisme English Language Arts Network. Monsieur Cox, voulez-vous prendre la parole, s’il-vous-plaît?
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier le comité d’être venu à Montréal. Je sais que ce n’est pas une mince affaire que de quitter Ottawa. Mais ainsi, il est certainement bien plus facile pour nous tous de vous rencontrer. Donc, nous apprécions votre présence.
     J’aimerais vous présenter notre délégation de l’organisme ELAN. Ian Ferrier est un représentant des rédacteurs qui siège au sein du conseil d’administration. Je suis un représentant de l’industrie du film et de la télévision. Guy Rodgers est notre directeur exécutif, et Anna Fuerstenberg est une représentante du milieu théâtral.
     ELAN est l’acronyme de English Language Arts Network of Quebec. L’organisme a atteint un jalon ce mois-ci. En effet, nous avons rejoint le plateau des 1 000 membres.
    Vous vous dites sans doute: « Un millier d’artistes anglophones au Québec? Impossible. » Vous vous demandez alors qui sont ces artistes. Vous avez vu ou entendu le fruit de notre travail, sinon vous avez reconnu nos noms.
     Nous sommes des musiciens tels que Oscar Peterson, Kate et Anna McGarrigle, Oliver Jones, Arcade Fire, Rufus Wainwright et Susie Arioli — la présidente actuelle d’ELAN — et son groupe.
    Nous sommes des auteurs de pièces de théâtre, de romans policiers et de poésie, comme David Fennario, Louise Penny, Anne Carson, qui a remporté le prix MacArthur, Leonard Cohen et Mavis Gallant.
    Nous faisons dans la danse comme Margie Gillis, Vincent Warren et Lin Snelling, ancienne présidente d’ELAN.
    Nous sommes des peintres et des artistes vidéo comme Betty Goodwin, Ghitta Caiserman-Roth, Nelson Henricks et Ingrid Bachmann.
     Nous sommes des acteurs comme Clare Coulter, Christopher Plummer, Walter Massey et Jack Langedijk.
    Bien entendu, nous travaillons également dans le domaine du cinéma et de la télévision. Nous sommes des producteurs comme Arnie Gelbart et Kevin Tierney, dont le film Bon Cop, Bad Cop a fracassé des records en salle au Canada.
    Nous sommes des réalisateurs, par exemple Brian McKenna, Colin Low et John N. Smith, mieux connu pour son retour à Montréal après avoir réalisé le film d’Hollywood Dangerous Minds, avec Michelle Pfeiffer, qui a remporté un grand succès.
     Bien entendu, certaines personnes, de Norma Shearer à William Shatner en passant par Donald Sutherland, ne sont jamais revenues. Le producteur Jake Eberts possède un chalet dans les Cantons de l’Est et fait des dons à McGill, donc il est ici en esprit.
     J’ai pris le temps d’énumérer ces noms de façon à ce que vous sachiez qui nous sommes, à savoir une minorité de langue officielle bien vivante qui a des répercussions dans tout le Canada et autour du monde. Nous aurions seulement souhaité que bon nombre d’entre nous n’aient pas eu à quitter le Québec pour gagner leur vie en faisant ce que nous aimons faire et ce que nous faisons bien lorsqu’on nous en donne la possibilité. J’ai lu ce matin dans le Globe and Mail la phrase suivante: « La plupart des gens travaillent pour gagner leur vie, mais les artistes gagnent leur vie afin de travailler. » J’ai trouvé ce commentaire pertinent.
    Il y a 75 ans exactement, la diffusion publique s’amorçait dans un local comme celui-ci, devant un autre comité parlementaire. Graham Spry, alors jeune, a prononcé cinq mots qui précisaient les enjeux et ont galvanisé ces parlementaires. Il a dit qu’un choix simple s’offrait au Canada en matière de télédiffusion: « C’est l’État ou les États ».
     Aujourd’hui, je vous dis aussi fortement et clairement que possible que nous appuyons la diffusion publique. Nous l’appuyons sans équivoque et avec passion, en qualité de créateurs, de téléspectateurs et d’auditeurs. En tant que Canadiens, il nous faut une diffusion publique qui nous relie à tous les coins du pays et avec nous-mêmes. Cela nous fait profiter d’une diversité de points de vue et d’émissions que nous ne pouvons obtenir par la télévision ou la radio commerciale. Nous espérons qu’un jour, la télévision de la CBC/SRC deviendra un diffuseur public tout comme la radio de la CBC/SRC.
    Pour l’instant, le sous-financement chronique qui dure depuis des décennies sous des gouvernements libéraux et conservateurs imprévoyants a amené la CBC/SRC à maximiser ses recettes tirées de sources commerciales. Plus elle doit encaisser de recettes de cette nature, plus elle doit compromettre son mandat de service public et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
    La CBC/SRC n’a tout simplement pas les fonds pour remplir son mandat tel qu’établi par la Loi. Je crois que le Parlement — le gouvernement du jour — doit regarder dans le miroir lorsqu’il se demande ce qu’il faut faire.*
    Et pourtant, il n’est pas possible d’examiner isolément la CBC/SRC au XXIe siècle. Nous devons la regarder comme faisant partie du système de radiodiffusion. Le système de radiodiffusion canadien-anglais est un gâchis.
    Il y a trois ans, j’ai réalisé une étude intitulée Through the Looking Glass: A Comparison of broadcast licence fees in Canada, Australia, the United Kingdom and the United States. J’ai découvert que les diffuseurs canadiens reçoivent le plus bas revenu publicitaire télévisé par tête parmi les pays étudiés. Pourquoi? Probablement en raison de la publicité indirecte des États-Unis. En contrepartie, les diffuseurs canadiens sont, parmi les pays étudiés, ceux qui paient les plus faibles redevances, qui sont établies en pourcentage du budget. Pourquoi? Parce que les subventions publiques conçues pour soutenir les productions indépendantes canadiennes se sont retrouvées en bout de ligne à subventionner indirectement les diffuseurs. Ils peuvent se permettre de réduire les redevances qu’ils versent pour le contenu canadien et néanmoins répondre aux obligations du CRTC. Je propose au CRTC de regarder lui aussi dans le miroir.

  (1955)  

    Que font-ils avec l’argent économisé en payant de faibles redevances? Et je précise que ce faible taux est un record mondial. C’est là où les diffuseurs privés se démarquent de la CBC/SRC. L’argent que les diffuseurs privés épargnent en sous-payant les émissions nationales est utilisé pour surpayer les émissions américaines vendues aux enchères à Los Angeles. Cette méthode a fait grimper le coût de ces émissions à un sommet record de 688 millions de dollars l’année dernière, soit 12 p. 100 de plus que l’année précédente.
     En bout de ligne, les diffuseurs commerciaux anglo-canadiens paient davantage pour les émissions étrangères que pour les émissions nationales, contrairement à ce qui se produit dans le reste du monde industrialisé. Nous avons établi un record à ce chapitre.
    Lorsque les diffuseurs privés dépensent les deux tiers d’un milliard de dollars — et j’ai bien dit milliard — pour des émissions à Los Angeles plutôt qu’au Canada, le producteur canadien indépendant et la collectivité créative d’ici absorbent les coûts. La situation a empiré au fil des ans pour les producteurs canadiens. Le budget moyen pour les émissions anglo-canadiennes indépendantes a chuté de 41 p. 100 en dollars constants entre 1984 et 2001.
     Comme nous pouvons le constater, il y a bel et bien de l’argent dans le système de télévision commerciale pour améliorer la qualité et la quantité des émissions canadiennes, mais cet argent doit rester au Canada. Nous avons besoin de diffuseurs privés qui dépensent davantage pour les émissions canadiennes que pour les émissions étrangères.
     Généralement parlant, la CBC/SRC ne fait pas concurrence aux diffuseurs privés tant qu’elle applique une stratégie de programmation nationale et une stratégie de programmation étrangère. Nos diffuseurs privés ont même renoncé, pour tout dire, à la liberté de programmer leur propre créneau de pointe pour profiter de la diffusion simultanée des émissions des réseaux américains.
     Nous avons besoin d’un diffuseur public qui ne poursuit pas les objectifs commerciaux des diffuseurs privés, mais qui reçoit un financement public. Cela implique des augmentations appréciables et fiables dans les crédits parlementaires, et non pas davantage de publicité.
    Ici au Québec, la collectivité artistique a particulièrement besoin de la radio de la CBC/SRC pour avoir des nouvelles sur ce qui se passe dans nos disciplines. Nous avons besoin d’une production radiophonique à Montréal qui met à profit nos gens doués et qui rejoignent les anglophones dans toute la province.
    Avec l’abdication des émissions culturelles à la télévision de la CBC/SRC, sa radio sœur représente notre filet de sécurité. Elle en fait davantage que n’importe quel autre diffuseur, mais l’érosion du financement a diminué sa qualité. La radio de la CBC/SRC a besoin d’un financement public accru, et non pas de publicité, comme l’a réclamé l’Association canadienne des annonceurs devant ce comité.
     Il faut que la CBC/SRC consacre davantage de fonds aux émissions de télévision, et qu’il se prenne davantage de décisions ici. Il faut améliorer les communications avec la CBC/SRC. Nous devons rencontrer régulièrement les cadres supérieurs de la CBC/SRC de manière à pouvoir développer ces relations. Contrairement à vous, ils ne quittent pas souvent Toronto.
     Nous aimerions que soit mis sur pied un comité consultatif pour la CBC/SRC et le milieu de la production qui puisse se développer et gérer un échange commercial national avec les producteurs indépendants.
    Nous aimerions également que soit augmenté le budget du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendante. C’est le seul fonds de production qui ne soit pas contrôlé par les diffuseurs. Par conséquent, il est affecté dans les régions à des petits producteurs. Sur le plan comparatif, dollar pour dollar, c’est la plus importante source de financement pour la production dans le Québec anglais.
     L’augmentation du budget de la CBC/SRC devrait-elle être une priorité parlementaire? Oui. Au moins davantage que l’augmentation du budget militaire, parce que nous sommes au XXIe siècle et qu’il nous faut redéfinir notre idée de la souveraineté nationale. Le 49e parallèle est une frontière des médias, une frontière culturelle, et non pas seulement une ligne géographique. Nous ne pouvons que défendre notre pays et l’esprit de nos gens avec une programmation télé et radio qui nous aide à nous voir nous-mêmes et notre pays, non pas quelqu’un d’autre. Nous voulons travailler, et nous voulons voir notre travail sur nos écrans, petits et grands, sans avoir à aller à Hollywood pour être payés avec nos propres dollars pour créer la vision de quelqu’un d’autre.
     C’est ainsi que se termine mon exposé. J’aimerais maintenant céder le micro à Ian Ferrier, qui représente les auteurs au sein de l’ELAN. Il parlera de la radio.

  (2000)  

    Merci également au comité.
     Je m’appelle Ian Ferrier, et jusqu’à l’année dernière, j’étais président de la Quebec Writers' Federation, qui représente les auteurs de langue anglaise au Québec. J’ai aussi occupé le poste de directeur de l’English Language Arts Network.
     J’aimerais m’exprimer quelques instants au nom de la radio de la CBC. C’est le médium qui a engendré les plus fortes répercussions sur la carrière des poètes, des auteurs et des artistes du spectacle que je connais, en les rémunérant pour les œuvres diffusées sur les ondes, en promouvant le travail du milieu littéraire de langue anglaise auprès de notre collectivité et en présentant la littérature anglo-québécoise au reste du Canada.
     Lorsque je vais dans les Cantons de l’Est, au sud de Montréal, ou en Gaspésie, la radio de la CBC est la voix et le cœur de la collectivité anglophone au Québec. Dans des endroits où le nombre d’anglophones est peu élevé et où la culture est menacée, tout le monde écoute la CBC, qui sert à définir ce qu’est la collectivité anglophone.
     À Montréal, la radio de la CBC est la voix de la littérature anglo-québécoise, car sauf quelques exceptions, les stations commerciales ne s’intéressent pas à la littérature. Si mes collègues auteurs et moi jouissons d’une certaine célébrité dans cette province, c’est grâce à la radio de la CBC. On nous invite à venir parler de nos livres en ondes, à présenter notre travail au public anglophone du Québec et au public canadien en général, qui écoute avec avidité des émissions comme WireTap et qui apprennent par le biais du programme Canada Reads que l’auteure montréalaise Heather O'Neill a écrit l’un des meilleurs livres de la saison.
     Cette chaîne démontre qu’il est payant d’être alphabète, et ce faisant, elle promeut l’alphabétisation comme ne le fait aucun autre diffuseur. La CBC promeut des concours pour les auteurs et leur présente des prix. Ses responsables se trouvaient au festival littéraire Blue Metropolis ainsi qu’au Festival Voix d'Amériques et au Spoken Word Festival. Je peux dire sans exagérer que sans la radio de la CBC, une grande partie de la culture anglo-québécoise serait inaccessible, même à la collectivité dans laquelle elle est créée.
     Au Québec, le mandat de base de la radio de la CBC est de présenter les meilleurs éléments de la culture anglophone à la collectivité minoritaire de langue anglaise, et de montrer à cette collectivité toutes les petites collectivités qui la composent. Ce mandat de base s’élargit jusqu’à donner aux intervenants anglophones un meilleur aperçu de la majorité francophone qui nous entoure et qui est parmi nous, et comme de plus en plus de émissions régionaux deviennent nationaux, s’élargit jusqu’à montrer l’éventail et l’enthousiasme de la culture anglo-québécoise au reste du pays.
     Le fait qu’on n’ait pas augmenté le financement de la radio de la CBC/SRC représente une compression pendant chacune des années où cette politique demeure en place. Cela signifie que chaque année, il y a de moins en moins de producteurs, de moins en moins de spectacles, de plus en plus de reprises et moins d’œuvres mises à la portée des Canadiens pour les Canadiens. Dans le cas de la radio en particulier, c’est là une question cruciale puisqu’elle est à la veille de devenir un médium d’archives plutôt qu’un médium éphémère. Chaque semaine, la CBC reçoit des appels de gens qui veulent savoir comment obtenir une copie de WireTap ou Ideas ou qui demandent comment se procurer tel ou tel morceau de musique spécial entendu à Roots Montreal la semaine précédente.
     Le mandat de la CBC/SRC — et la clé de son avenir — est d’être en position de présenter du contenu à ses auditeurs lorsqu’ils le veulent, de la manière dont ils le désirent et à l’endroit souhaité. Dans l’avenir, le portail clé par lequel la CBC/SRC s’acquittera de son mandat fera probablement un virage vers l’Internet. En d’autres mots, le spectacle sur lequel un producteur a travaillé pendant des mois ne disparaîtra pas après une diffusion ou deux. Dans un monde idéal, le produit serait accessible à n’importe quel auditeur de CBC/SRC qui souhaiterait l’entendre. Dans le processus, on créera des archives culturelles faisant autorité, et les gens pourront faire des téléchargements et les écouter au moment qui leur plaît.
     Tout cela coûte de l’argent. Je crois que la meilleure chose que vous pourriez faire serait de financer la CBC/SRC de manière à ce qu’il n’y ait pas de compression d’année en année, et de manière également à ce qu’elle puisse relever le défi qui se pose et élargir son rayonnement dans ce nouveau monde où l’excellent travail qu’elle accomplit conservera sa pertinence auprès de quiconque dans le monde a accès à l’Internet.
     Merci.

  (2005)  

    Merci.
    Je donne maintenant la parole à l’un de nos derniers conférenciers, des Documentaristes du Canada, monsieur Létourneau.

[Français]

    Chers membres du comité, bonsoir. Nous aimerions vous remercier de nous donner la chance de nous exprimer.Je m'appelle Yanick Létourneau et je suis président du comité exécutif de DOC Québec, la section québécoise de Documentaristes du Canada,

[Traduction]

    Documentaristes Canada.

[Français]

    Documentaristes du Canada est une organisation professionnelle nationale bilingue et sans but lucratif représentant plus de 650 documentaristes indépendants de partout au pays. Ses membres sont tout autant cinéastes indépendants que propriétaires d'entreprises employant plus de 50 personnes.
    Notre intervention comprend six points. J'aimerais préciser que nos remarques touchent autant Radio-Canada que CBC, à moins que l'on indique qu'il en est autrement.

[Traduction]

    Je suis vice-président des Documentaristes du Canada (DOC) au Québec, et président du comité de pression pour le conseil d’administration national des Documentaristes du Canada.
     Les documentaires dont nous parlons ici aujourd’hui sont des documentaires d’opinion ou d’auteur, autrement dit la majorité des films réalisés par nos membres. Ces films présentent le point de vue subjectif du réalisateur ou d’un personnage du film. Ils ne relèvent pas du journalisme. Ce ne sont pas toujours des œuvres équilibrées, mais elles sont originales. Ce sont des œuvres passionnelles, le plus souvent divertissantes et provocantes. On les présente dans les festivals du monde entier, à la télévision et plus rarement, dans les salles de cinéma.
     Les documentaires d’opinion canadiens présentent une vision du Canada, pas seulement aux Canadiens, mais au monde entier. Ils véhiculent une perspective canadienne unique sur des sujets de société d’actualité brûlants, comme la politique, la guerre, les droits de la personne, etc. Le public manifeste un intérêt croissant pour ce type de films. Ainsi, la fréquentation du festival Hot Docs au mois d’avril a augmenté de 33 p. 100.
     Parmi les films présentés dans le cadre du festival, citons The Corporation, Roger Toupin, Shake Hands with the Devil, Manufactured Landscapes et le tout récent succès au Québec et lauréat du Jutra, À force de rêves. Et la liste est encore longue.
     Ces films sculptent notre identité nationale et exportent notre perspective canadienne dans le monde. Ces films ne peuvent pas être des productions internes, c’est-à-dire réalisés par des diffuseurs canadiens, publics ou privés. Ils ne peuvent être réalisés que par des sociétés de production indépendantes.

  (2010)  

[Français]

    Ces documentaires ne peuvent continuer de se faire sans un télédiffuseur public national solide et stable. Un diffuseur public n'a pas le même mandat ni les mêmes objectifs qu'une entreprise privée, puisqu'il doit travailler pour le meilleur intérêt du public. Il ne peut être assujetti aux diktats de la cote d'écoute et ne doit pas chercher à plaire aux annonceurs. Un diffuseur public fort prend des risques et investit dans des projets qui privilégient d'abord et avant tout l'intérêt public.
    Les documentaristes veulent que leurs films soient vus et, en effet, ils le sont. Les exemples mentionnés auparavant par John ont tous été des succès au cinéma, dans les festivals et à la télévision, au Canada comme ailleurs. En faisant la chasse aux cotes d'écoute pour séduire les annonceurs plutôt que de travailler pour l'intérêt public et les téléspectateurs canadiens, la SRC/CBC dénature son mandat et sa programmation. Cette course effrénée pour le plus grand public possible affaiblit la programmation et pousse notre télévision d'État vers des contenus répondant au plus grand dénominateur commun, similaires à ceux offerts par le privé: téléréalité, concours de chant, jeux de hasard et j'en passe. Ces émissions évacuent toute notion de risque et coûtent très peu à produire.
    Les documentaires d'auteurs et les documentaires de point de vue sont difficiles à faire et parfois risqués financièrement et politiquement. Pourtant, lorsqu'ils sont appuyés et diffusés adéquatement, leurs chances de succès augmentent considérablement. Nous sommes d'avis que ces types de documentaires sont les plus à même d'aider Radio-Canada et CBC à remplir leur mandat, que nous comprenons ainsi: SRC/CBC devrait être distinctement canadienne, elle devrait être un moyen d'expression culturelle, elle devrait contribuer à notre conscience nationale et elle devrait refléter la diversité et la nature multiculturelle du Canada dans les deux langues officielles.
    Or, ces dernières années, notre organisation, DOC, a vu un déclin alarmant de la programmation du documentaire à la télévision publique, en particulier du côté de CBC, donc du côté anglais. Les heures de programmation du documentaire ont décliné, passant de 263 heures de programmation en 2002-2003 à 122 heures en 2005-2006. Les cases documentaires ont été coupées les unes après les autres sur la chaîne principale, par exemple The Passionate Eye, Life and Times et Witness, alors que d'autres cases documentaires ont été réduites. CBC a éliminé Opening Night, la seule case documentaire pour les arts, alors qu'en 2006, le documentaire An Inconvenient Truth fracassait le box-office. La très populaire émission The Nature of Things fut réduite à une série limitée diffusée l'été, sans un mot officiel sur son retour éventuel.
    Les producteurs indépendants attendent depuis 18 mois de savoir combien de nouveaux programmes seront préachetés pour la nouvelle saison. Comment est-ce possible, à une époque où l'environnement est sur toutes les lèvres et où David Suzuki est le Canadien le plus populaire au pays?

[Traduction]

    Le troisième point que nous voulions soulever est que la CBC/SRC ne devrait pas se soumettre à la dictature des cotes d’écoute. En raison d’un sous-financement chronique, la CBC/SRC est désormais largement dépendante des recettes publicitaires pour assurer sa survie. Résultat: l’équipe dirigeante actuelle est obsédée par les cotes d’écoute pour augmenter ses recettes publicitaires. En faisant la course aux cotes d’écoute, la CBC/SRC est obligée de se comporter comme une station privée ce qui, selon nous, l’empêche de remplir correctement son mandat en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, et donc diminue son intérêt pour le grand public.
     La solution idéale à ce problème est un financement accru et stable à long terme. C’est la solution que nous préconisons. Si le financement de la CBC/SRC n’est pas accru ou ne peut pas être accru de cette façon, nous proposons que l’opposition entre sa dépendance vis-à-vis des recettes publicitaires et sa mission d’intérêt public soit entendue et reconnue pour que l’on puisse incorporer des garanties dans la mission de la CBC/SRC lui interdisant de faire la course aux cotes d’écoute. Nous aimerions que son mandat incorpore des clauses qui minimisent l’importance des recettes publicitaires, et que les décisions de programmation ne soient pas prises en fonction des cotes d’écoute. Si la CBC/SRC s’adressait majoritairement à des paires d’yeux, elle n’aurait qu’à programmer des films américains tous les soirs — comme elle le fait déjà chaque été — puisque ces émissions recueillent les plus fortes cotes d’écoute du réseau à cette époque de l’année. Mais nous ne voulons pas que l’argent des contribuables serve à financer les productions hollywoodiennes, comme disaient nos collègues. Ce n’est pas le rôle d’une société de radiodiffusion publique.
     Compte tenu de tout cela, nous pensons qu’il existe un risque dans les mois et les années à venir de confondre l’institution publique avec sa gestion provisoire et l’importance globale de la radiodiffusion publique. L’inquiétude de DOC est que, si la société de radiodiffusion publique disparaît, ce sera pour toujours. Ce serait une énorme perte pour le pays, mais aussi pour l’industrie du film et des productions télévisuelles. Nous pensons que l’exclusion des cotes d’écoute du mandat de la CBC/SRC éviterait aux futures équipes de direction de tomber dans le même piège que la direction actuelle.

  (2015)  

[Français]

    L'industrie du documentaire indépendant au Canada constitue un succès créatif. Le Canada est connu et reconnu depuis longtemps pour la qualité de ses documentaires. Ceux-ci sont parmi les meilleurs au monde, parmi les plus pertinents et les plus percutants. Nos documentaires voyagent beaucoup. Ils sont nos meilleurs ambassadeurs à l'étranger. Grâce à eux, nous faisons découvrir au monde un point de vue canadien et un point de vue unique sur des questions internationales.
     Nous croyons qu'il est impossible pour les services de production interne des télédiffuseurs privés ou publics de faire des films tels que ceux nommés plus tôt. Ceux-ci sont l'oeuvre d'une voix unique, d'un créateur, d'un auteur avec son propre point de vue. C'est une voix qui n'est pas assujettie aux forces du marché, ni aux influences politiques, particulièrement dans le contexte d'une organisation affiliée au gouvernement.
     Ces documentaires sont proposés en grande partie par de petites et moyennes entreprises de production indépendantes qui assurent une diversité de points de vue et d'approches, ce qui fait la richesse et la diversité du documentaire canadien.
    Nous recommandons que le nombre d'heures des documentaires produits à l'interne ainsi que les sommes disponibles pour ces types de productions maison de CBC et de Radio-Canada soient réduits substantiellement et que ces chiffres soient rendus publics.

[Traduction]

    La dernière recommandation que nous aimerions faire est que les Canadiens bénéficient de la distribution obligatoire des programmes de la CBC/SRC et de CBC Newsworld par l’intermédiaire d’une EDR, et de la vente approuvée du Documentary Channel, ainsi que des tarifs d’abonnement raisonnables pour chaque canal. Les réseaux éducatifs devaient également bénéficier du même statut. Il faut que la majorité des fonds recueillis grâce à cette distribution obligatoire soit investie dans la programmation canadienne. Si cela n’est pas fait, le risque est qu’en cas de déréglementation de l’industrie, les auditeurs et les ressources, en particulier pour CBC Newsworld, seraient frappées de plein fouet, entraînant une perte substantielle de l’argent des commandes publiques et subséquemment, des films canadiens commandés.
     En résumé, je voudrais dire que nous pensons que la CBC/SRC devrait revenir à son mandat: offrir des émissions d’actualités, des documentaires, des émissions artistiques, et seulement les meilleures dramatiques canadiennes. Je tiens également à réaffirmer mon soutien pour une société de radiodiffusion publique forte. À son meilleur, la CBC/SRC peut contribuer à définir l’identité canadienne et jouer le rôle d’ambassadeur de notre pays dans le monde. Nous espérons sincèrement que les récentes difficultés de la société de radiodiffusion publique n’entacheront pas sa réputation nationale et internationale. Les Canadiens ont besoin de la CBC/SRC, tout comme l’industrie de la production de films documentaires.
     Au nom de DOC Québec, je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer ici devant vous.
     Je vous invite à poser des questions.
    Je vous remercie tous pour vos présentations.
    Je donne maintenant la parole à M. Scarpaleggia pour les questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je suis désolé d’avoir manqué la première partie, qui était consacrée à la présentation de l’Alliance pour les enfants et la télévision. La CBC/SRC semble avoir trouvé un auditoire cible. La programmation pour les enfants est d’excellente qualité et les enfants l’adorent. Est-ce que la CBC/SRC a vraiment trouvé un auditoire cible?
     Par exemple, si vous allumez la télé le matin pour vos enfants, vous allez sur PBS ou CBC ou Radio-Canada ou Télé-Québec. Vous gravitez autour de ces canaux. Les taux d’audience à ce moment de la journée pour les émissions pour enfants sont-ils importants?

  (2020)  

    Non, pas du tout. En fait, une minorité de téléspectateurs choisit CBC ou PBS, en particulier PBS. Treehouse TV est la chaîne pour enfants d’âge préscolaire la plus regardée au Canada. YTV, Teletoon, et Family Channel dépassent largement la CBC en termes de cotes d’écoute et d’audience, mais aussi sur le plan de la qualité, de la variété et de la programmation.
     C’est justement sur ce plan que la CBC/SRC est défaillante: autrefois, la CBC/SRC était capable d’assumer le leadership de l’industrie; elle dominait dans le domaine de la création, elle était un modèle de qualité que tous ses concurrents ou presque aspiraient à suivre ou à imiter. C’est l’inverse qui s’est produit. La CBC/SRC a relégué la programmation pour enfants en arrière-plan, pas seulement en termes de qualité mais aussi en termes de ressources.
    Que doit faire la société pour faire remonter le niveau — avantage de productions internes?
    Je ne pense pas que la solution réside dans la quantité. Il ne s’agit pas d’offrir plus d’heures, mais de capter l’attention des jeunes téléspectateurs. Le créneau des émissions pour enfants est occupé par deux radiodiffuseurs, en l’occurrence Teletoon et précédemment YTV et Treehouse TV. Lorsqu’un radiodiffuseur..
    Précédemment.
     Oui, en effet — d’anciens radiodiffuseurs, des radiodiffuseurs en cours de rétablissement.
     Lorsqu’un radiodiffuseur veut mettre en avant un projet ou une initiative, cela se voit. Ce que la CBC/SRC doit faire, c’est dire qu’elle est prête à assumer le leadership de l’industrie, ce qu’elle n’a pas fait depuis longtemps. Cela signifie de commander de nouvelles émissions et de définir des orientations et des objectifs pour le genre de programmation que nous voulons voir — nous pouvons en parler plus tard ou maintenant, si vous voulez — de cette façon, la grille des programmes est renouvelée régulièrement, elle est ouverte et accessible à tous les groupes de population qui constituent notre auditoire, d’est en ouest. Nous avons l’occasion de parler aux enfants du Canada d’une seule voix, et pour l’instant, nous ne disons pas grand-chose. Nous avons décidé de ne rien dire.
    Il me semble que la CBC/SRC aurait intérêt à investir plus de temps et de moyens dans ce type de programmation. Si les enfants prennent l’habitude de regarder la CBC/SRC à partir de cinq ou six ans, cela permet de créer un lien durable, qui perdure jusqu’à l’âge adulte.
     Par ailleurs, j’ai également l’impression que toutes les personnes ici présentes partagent votre vision de Radio-Canada. Je crois que nous sommes tous d’accord. La seule chose qui me gêne, c’est la nécessité de... Je ne parlerai pas de compromis, parce que cela a une connotation péjorative, mais dans la réalité, comment pouvons-nous...? Vous nous avez présenté un point de vue de puriste. Vous nous dites que la CBC/SRC doit s’inspirer d’excellentes idées et des idées que vous produisez, qui sont excellentes aussi, je n’en doute pas. Vous nous dites que nous avons besoin davantage de ressources financières pour mettre en œuvre nos idées pour Radio-Canada et pour le Canada, ce qui est très bien, parce que nous avons besoin d’une programmation de qualité. Mais à un moment donné, surtout quand nous avons constamment des gouvernements minoritaires, et à moins qu’un financement accru et stable pour Radio-Canada soit inscrit dans la Constitution, les parlementaires devront décider ce qu’il convient de faire. Si les Canadiens ne regardent plus les émissions de la CBC/SRC, quelle qu’en soit la raison, ils auront du mal à justifier ces décisions.
     Je me souviens qu’à un certain moment, j’étais en faveur de la suppression des messages publicitaires à la télévision de Radio-Canada, puis je me suis rallié à l’argument du conseil de la publicité, à savoir que la publicité est en quelque sorte un baromètre permettant d’évaluer l’intérêt de la programmation auprès du public. Je veux dire par là que si les gens ne regardent pas les émissions, la société n’attire pas les annonceurs.
     Il faut maintenant déterminer comment maintenir cette responsabilité sans sacrifier l’éthique fondamentale de Radio-Canada qui repose sur une programmation de qualité, la diversité des intervenants, et des points de vue différents. Et que reproche-t-on à Hockey night in Canada? Je sais que ce n’est pas une émission de haut niveau intellectuel, mais au moins, elle obtient des taux d’écoute élevés et elle établit un lien viscéral avec les gens.

  (2025)  

    Puis-je faire un commentaire? J’ai du mal à me retenir.
    J’ai l’impression que je vais recevoir la balle en plein front.
    Non, au contraire, je suis d’accord avec ce que vous avez dit. Je pense qu’il est très important de ne pas confondre l’impératif publicitaire avec les cotes d’écoute. Ce n’est pas du tout la même chose. La CBC/SRC devrait se préoccuper des cotes d’écoute. C’est une société de radiodiffusion, il faut que les gens regardent ses émissions. Elle devrait diffuser Hockey night in Canada le samedi soir, produire des émissions pour enfants d’excellente qualité, et réaliser des émissions sur les arts et des documentaires. Partout au Canada, il y a des gens qui regardent la CBC/SRC à différentes heures de la journée. Tout le monde ne regarde pas la télé en même temps tous les soirs sur un seul canal. Si vous aimez le sport, vous savez où aller. Si vous préférez les arts, vous savez où aller. Et si vous aimez les documentaires, vous savez où aller. C’est la vraie différence entre ça et dire que ce sont les considérations commerciales qui prédominent.
    Absolument.
    Cela veut dire que le conseil de la publicité nous ment. Il ne s’agit pas de savoir s’ils sont prêts à acheter des espaces publicitaires sur la CBC/SRC pour diffuser une publicité de Coca-Cola ou de telle ou telle marque de voiture devant des paires d’yeux. C’est la CBC/SRC qui doit toucher de nombreuses communautés différentes et collectivement, elle touche beaucoup de monde. Souvenez-vous des années 1990. Lorsque la CBC/SRC a annoncé sa première grille de programme 100 p. 100 canadienne aux heures de grande écoute en 1995, les cotes d’écoute n’ont pas chuté: elles ont progressé. C’est par la suite que les cotes d’écoute ont commencé à se dégrader. Ce n’est pas à cause de l’argent.
    Y a-t-il quelqu’un d’autre qui aimerait s’exprimer sur cette question?
     Monsieur Cox.
    La question que vous soulevez est évidemment une question fondamentale, à savoir comment le Parlement peut justifier les fortes sommes consacrées à la CBC/SRC, si cette dernière n’a qu’un taux d’écoute de 7 p. 100. C’est comme si on demandait comment nous pouvons justifier une route transcanadienne nationale si personne dans ce pays ne prend cette autoroute. Il s’agit également de la CBC/SRC qui n’a pas de fortes cotes d’écoute mais qui revêt une importance capitale pour le service collectif. Combien de personnes utilisent les Forces canadiennes? Je ne sais pas, mais vous y consacrez 16 milliards de dollars l’an. Avons-nous les Forces canadiennes parce que c’est quelque chose que tout le monde utilise? Non. C’est parce que c’est quelque chose qu’on considère nécessaire pour le pays.
    Je suis d’accord ave la logique de votre raisonnement sur la question, mais la réalité est que beaucoup d’électeurs ne regardent pas nécessairement la CBC/SRC. À un moment donné, lorsqu’interviennent les considérations budgétaires, il nous faut des munitions pour dire que les gens se tournent vers la CBC/SRC, que cette dernière est pertinente et qu’elle n’est pas un incubateur pour des idées expérimentales qui n’a aucune sorte de responsabilité vis-à-vis des téléspectateurs.
     La CBC/SRC est concurrentielle en termes de part d’écoute dans le marché fragmenté où elle évolue. Tous les canaux américains mis en ensemble ont une part d’écoute de 12 p. 100. Global détient une part de 8,6 p. 100, la CBC/SRC 7 p. 100, CTV 14,6 p. 100. Ce sont là les parts d’écoute pour 2006-2007. Donc, ce n’est pas comme si personne ne suivait ses émissions. Croyez-moi, tout le monde veut avoir un auditoire le plus large possible, qu’il s’agisse d’un cinéaste ou d’un gestionnaire. C’est tout à fait naturel. Sauf qu’il s’agit ici d’un service collectif, au même titre que l’éducation publique ou la route nationale. Nous parlons ici d’une chose qu’on ne devrait pas juger strictement sur la base des cotes.
    Madame Lévesque, vous pouvez faire un très bref commentaire.
    J’ai une toute petite remarque à savoir qu’il ne faut pas confondre le facteur cote avec d’autres choses. Prenons l’exemple de Télé-Québec, qui a vu chuter ses cotes il y a quelques années. Mais en se concentrant sur les programmes destinés aux enfants, ils ont réussi à remonter la pente pour se remettre en première position. Donc, c’est possible si vous y mettez l’attention nécessaire et si vous avez des objectifs clairs. C’est possible.
    Merci.
    Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être là.
    En liminaire, je commencerai par une remarque de nature sémantique. J'entendais les mots « multiculturalisme » et « multiracial ». Selon une autre perspective, le multiculturalisme est un projet politique et je ne pense pas que ce soit le rôle d'un diffuseur public que de s'impliquer ou d'être instrumenté pour faire ce travail de promotion. En ce qui a trait au terme « multiracial », l'humanité compte une race, humaine et entière. Elle ne peut pas être fragmentée sur la base de la pigmentation ou des tendances des couleurs de peau. Il y a une race humaine, il faut l'accepter comme telle. Je voulais faire le point là-dessus.
    J'ai une petite question, avant de poser trois questions afin de cerner la pensée qui se dégage de vos exposés. Êtes-vous au courant des réductions de budget chez les diffuseurs publics au début des années 1990? Si oui, connaissez-vous le montant de ces compressions à cette époque?

  (2030)  

[Traduction]

    Il y avait une réduction dans le budget 1993 de Paul Martin, pas seulement pour la radiodiffusion publique mais pour toute une gamme de choses. Je ne connais pas le chiffre exact, mais l’année 1993 est certes le moment où les choses ont sérieusement dégringolé.
    Les réductions étaient de 500 millions de dollars pour la partie anglaise de la CBC/SRC au début des années 1990. On est passé de 1,5 milliard à moins d’un milliard.

[Français]

    Il s'agit donc d'un chiffre réaliste. On a tout de même effectué des compressions énormes. En effet, ce n'est pas négligeable: on a réduit le budget de près d'un demi-milliard de dollars. L'enveloppe parlementaire de la SRC est d'environ 1,1 milliard de dollars au moment où on se parle.
    Selon vous, la SRC/CBC s'acquittait-elle mieux de son mandat avant ces réductions massives?

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute, à mon avis, que les ressources étaient directement reliées à la capacité de la CBC/SRC d’accomplir son mandat. Chose certaine, la gamme d’émissions offerte par le radiodiffuseur n’était pas sans subir les conséquences des compressions budgétaires. Une partie de ces sommes a été transférée au Fonds canadien de télévision, c’est-à-dire ces fonds sont passés de la CBC/SRC à la communauté indépendante. L’argent était encore dans le système, mais parce qu’il n’allait pas spécifiquement aux mains de la CBC/SRC, cela avait influé sur les décisions.
    Nous allons passer à M. Cox. Essayez d’être bref, je vous prie.
    Je vais essayer d’être bref.
     La question est que le financement de la CBC/SRC est un jeu politique et l’a été pendant longtemps, et que depuis l’institution du Fonds canadien de télévision, on a tenté de transférer les deniers publics qui auraient été attribués à la CBC/SRC vers un fonds indépendant. Voilà que maintenant Shaw, Vidéotron, etc. en font des histoires. Donc, la CBC/SRC requiert son propre budget pour accomplir son mandat. Il y a aussi la question du financement d’une production indépendante qui soit accessible à tous les radiodiffuseurs. Si la CBC/SRC était financée à long terme comme on le fait en Grande-Bretagne, on éliminerait le jeu politique qui se joue chaque année, car la CBC/SRC recevrait un montant bien déterminé sur une période de dix ans, qui serait majoré pour tenir compte de l’inflation.

[Français]

    Vous parlez du financement de la BBC au Royaume-Uni. C'est essentiellement la redevance. Nous n'avons pas un tel système ici. Si le gouvernement, ou le Parlement, ne bonifie pas l'assiette financière, le financement, croyez-vous que l'avenue de la redevance serait acceptable pour la population?

[Traduction]

    Je ne comprends pas ce que vous entendez par « droits d’auteur comme... »

[Français]

    On ne paie pas de redevance ici. On paie une taxe sur les postes de télévision quand on en achète un. On est alors dans le système et on vous traite comme ça jusqu'à...

  (2035)  

[Traduction]

    Au Canada, il y avait une redevance à payer pour chaque appareil de radio dans les années trente, ce qui surprend probablement la plupart des gens dans cette salle. Cette redevance a été éliminée très rapidement car les gens protestaient en disant que les Américains ne la payaient pas, et pourquoi nous. Au moins, il y a l’océan Atlantique entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, ce qui explique pourquoi ils peuvent l’avoir. Donc, je ne pense pas que nous pouvons faire payer une redevance pour chaque appareil de télévision comme en Grande-Bretagne. Je dis tout simplement que les fonds publics attribués à la BBC sont échelonnés sur une période de temps et sont garantis, tandis qu’au Canada, le financement se fait chaque année. C’est comme si on disait, voyons si nous allons donner à la CBC/SRC un dollar ou un milliard de dollars.
    J’étais dans une salle avec Bev Oda avant qu’elle ait été élue, et elle a dit « Nous devons donner à la CBC/SRC un financement stable qui s’étend sur plusieurs années et c’est la position des conservateurs ». Je voulais tout simplement faire cette remarque.
    J'aimerais passer à M. Christou.
    Je voulais également faire remarquer qu’on devrait reconnaître qu’il y a eu une explosion dans le paysage télévisuel depuis 1993. Il y a maintenant tellement plus de voies numériques qu’il y en avait autrefois.
    Mettons l’argent de côté — pour revenir un peu à la question concernant les cotes — si la CBC/SRC agit comme tous les nouveaux radiodiffuseurs qui ont émergé depuis lors, à quoi ça sert si c’est la même chose que tous les autres radiodiffuseurs? Pour quelle raison y consacre-t-on des deniers publics? Il faut donc reconnaître que la CBC/SRC doit marquer la différence pour être pertinente aujourd’hui: elle ne peut pas être la même chose que le reste des canaux qui sont déjà sur le marché.
    Merci.
    Monsieur Kotto.

[Français]

    De notre point de vue, tout ce que vous avez dit au sujet de l'enfance est le coeur du problème. Un enfant grandit, pousse et construit sa personnalité psychique. Quand il se nourrit de l'image et de l'imagerie en général et que celle-ci est connotée par une identité autre que celle de sa sphère naturelle, une aliénation se produit au fil des années. Cela fait un potentiel client étatsunien et non plus canadien en ce qui vous concerne. Je souffre pour vous parce que vous partagez votre langue avec les Américains.
    Pour sa part, le Québec résiste depuis deux siècles parce qu'il a une langue distincte. Je comprends très bien le problème. Je suis originaire d'Afrique et j'ai hérité de plusieurs histoires de colonisation et d'aliénation culturelle. Je sais de quoi je parle. Vous êtes en danger, et il faut le dire.
    Quand vous dites qu'il faut soutenir CBC, je suis d'accord avec vous. Le problème qui se pose est superficiel. C'est un problème d'argent. M. Cox a bien fait de comparer l'investissement pour un diffuseur public tel que CBC à un investissement pour les hôpitaux, les autoroutes, l'école et la santé. Il n'y a pas de profit économique à faire dans ce domaine. Cela participe à l'éducation collective. On parle bien d'éducation quand on parle du diffuseur public. C'est fondamental. En ce qui concerne les anglophones au Canada et au Québec, il est essentiel de soutenir un tel pilier pour garantir leur souveraineté culturelle. Au Québec, on fait ce qu'il faut avec ce qu'on a.
    J'aimerais savoir si vous privilégiez — on parlait de l'argent — un moyen ou un autre. Je pose la question par anticipation parce que je ne sais pas ce qui sortira. On est tous d'accord sur le fait que CBC/ Radio-Canada est sous-financée. S'il existe d'autres avenues de financement, quelles sont-elles de votre point de vue?

[Traduction]

    Répondez très brièvement, je vous prie. Vous oubliez de me regarder certaines fois.

[Français]

    Excusez-moi, monsieur le président.

[Traduction]

    Est-ce qu’il y a quelqu’un qui voudrait répondre?
     Monsieur Christou.
    Une partie de ce que nous proposons — distribution obligatoire et frais de souscription pour Newsworld et The Documentary Channel, si la CBC/SRC achète le canal — permettrait bien de résoudre ce problème.
    Très bien.
     Monsieur Cox, pourriez-vous répondre très brièvement?
    Le CRTC vient d’adopter une ordonnance selon laquelle les radiodiffuseurs d’antenne ne seraient pas habilités à faire payer des frais de câble. Je pense que ça va. Mais peut-être dans le cas des radiodiffuseurs publics, cela pourrait valoir la peine d’envisager d’instituer certains frais, comme des frais d’éducation nationale ou quelque chose du genre sur le câble. Donc, quand vous prenez le câble parce que vous tenez à obtenir des canaux américains, vous finissez par payer un dollar ou quelque chose du genre pour la CBC/SRC également.

  (2040)  

    Très bien. Merci pour l’intervention.
     Je vais passer maintenant à M. Angus.
     Toutes les interventions ont été fascinantes. Vu que le temps qui m’est imparti est très limité, je vais essayer de réellement cibler mes questions. Je vais faire en sorte qu’elles soient brèves afin que nous puissions avancer dans le dossier.
    Monsieur Christou, j’aimerais commencer avec vous, car, à ma connaissance, c’est la première fois que ce comité est saisi de la question de la déréglementation à venir en 2009 et de ses éventuelles répercussions sur la CBC/SRC. Pouvez-vous clarifier la situation afin que le comité comprenne clairement ce qui est en jeu ici?
    Oui. Pratiquement ce qui est en jeu est que le canal qui risque d’en souffrir le plus est CBC Newsworld. Je pense que CBC Newsworld compte 10 millions d’abonnés à l’heure actuelle. En 2009, si CBC Newsworld ne bénéficie pas d’une distribution obligatoire, ce nombre sera réduit de moitié ou plus, ce qui aura évidemment pour effet de réduire énormément les ressources qu’aura le canal pour continuer à fonctionner. C’est une question qui revêt une importance capitale. La distribution obligatoire s’avère nécessaire, sinon les choses seront pires qu’elles le sont maintenant.
    Très bien, merci.
     Monsieur Cox, j’ai lu votre étude, Through the Looking Glass, sur la baisse continue enregistrée au niveau des droits de licence que payent les stations privées et les effets de ce phénomène sur la production canadienne. Si je comprends bien vos constatations, la baisse du côté des stations privées.... était-elle de 24 p. 100 durant la période, ou 41 p. 100 sur...
    Parlez-vous de l’argent de la production en dollars constants?
    Oui.
    Oui, c’était 41 p. 100 du côté anglais sur une période d’environ 17 ans, et 33 p. 100 du côté français, je pense.
    Donc cette baisse au niveau des droits de licence, des droits de diffusion...
    C’est la baisse dans les budgets de production. Quant aux droits de licence, je ne les ai pas analysés sur une période historique, je ne pense pas, mais ils étaient extrêmement bas.
    Très bien. Vous suggérez alors que cette baisse plutôt spectaculaire dans les budgets de production des programmes canadiens est peut-être dans un sens une forme de subvention détournée qui permettrait d’acheter des émissions américaines en baissant le coût des programmes canadiens...
    Oui. Mais je pense qu’on est devant une situation où les radiodiffuseurs commerciaux font évidemment tout ce qu’ils peuvent pour réduire leurs dépenses de programme, plus précisément les programmes canadiens. Ils font cela en partie en réduisant les droits de licence. Ils font cela en partie parce qu’ils ont accès à certains genres d’avantages qui sont offerts au secteur public, c’est-à-dire des subventions publiques comme le FCT. Ils en profitent alors.
    Le problème est que l’argent obtenu en baissant les droits de licence au Canada est dépensé allègrement à Los Angeles: on parle des centaines et des centaines de millions de dollars. Ce qui nous inquiète, c’est qu’ils ne devraient pas se mettre à dépenser autant là-bas. À Los Angeles, les choses se vendent aux enchères. Ce n’est pas comme si on avait une voiture avec un prix fixe. C’est comme une voiture dont le prix ne cesse de grimper lorsqu’on a deux ou trois personnes qui le poussent. Par conséquent, le Canada, en tant qu’entité, dépense plus d’argent sur les émissions américaines que tout autre pays du monde. Les radiodiffuseurs anglo-canadiens en dépensent plus. Je pense plus précisément aux radiodiffuseurs d’antenne. C’est une chose à laquelle personne ne prête attention — comme le CRTC — à mon avis. Ce à quoi il faut accorder une attention particulière est de savoir comment nous pouvons rapatrier ces dollars de production.
    Une des questions qui a été soulevée ici au sein de notre comité est de savoir si la CBC/SRC lèse injustement les intérêts des stations privées, si elle devrait jouer un rôle quant à l’accès aux fonds publicitaires et si elle devrait être dans les marchés locaux où se trouvent les stations privées. J’ai demandé à mes amis qui œuvrent dans le domaine de la radiodiffusion privée de nous expliquer les intérêts que cela présente pour le public, car je n’ai pas encore très bien compris la situation.
    Il me semble que nous avons une substitution simultanée, ce qui fait que toutes nos émissions se retrouvent dans les ligues mineures. Nous avons l’article 19.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui donne aux stations privées un marché protégé et des revenus d’environ 300 millions de dollars, et surtout les canaux nettement plus hauts. Nous avons maintenant des messages publicitaires illimités. Les stations privées peuvent recourir au FCT pour accéder aux deniers publics afin de produire leurs émissions. Nous avons la promesse d’une déréglementation plus poussée. Pourtant, je ne vois nulle part dans le scénario un équilibre où les stations privées font le nécessaire pour s’assurer que nous avons des émissions canadiennes concurrentielles et intéressantes capables d’offrir ce que n’offre pas la CBC/SRC.
    Je m’adresse à tout le monde. Si nous allons envisager un univers multi-canaux, il faut un certain équilibre entre la radiodiffusion publique et privée. Y a-t-il équilibre à l’heure actuelle?

  (2045)  

    Vous avez les droits de licence assujettis à la partie II, que les intervenants du secteur privé viennent de rapatrier, soit environ 60 ou 70 millions de dollars de plus qu’ils doivent maintenant dépenser à Los Angeles.
     S’ils faisaient quelque chose avec tout cet argent qu’ils prélevaient de toutes les sources que vous venez de mentionner et s’ils faisaient quelque chose dans l’intérêt public, comme ils sont censés faire .... Les radiofréquences sont des biens publics et non des biens privés. Et parce que ce sont des biens publics, les stations privées doivent faire des choses dans l’intérêt du public et le CRTC se doit de les réglementer. Je ne pense pas que le CRTC fait son travail. Je pense qu’il s’est fait prendre au piège des groupes de pression du secteur de la radiodiffusion.
    Les stations privées font montre d’un certain niveau de rapacité dans la manière dont ils dépensent leur argent, et elles ne dépensent pas ces sommes-là où elles sont censées les dépenser. L’année dernière, 688 millions de dollars ont été dépensés à Los Angeles. Il faut que quelqu’un intervienne pour dire : « Attendez une seconde: les radiofréquences sont des biens publics. Vous ne faites pas votre travail. Nous pensons qu’il faut établir certaines normes. » Si c’est le CRTC qui doit les établir et ne le fait pas, alors il faut quelqu’un pour le réprimander parce qu’il ne fait son travail.
    Je pense également que les radiodiffuseurs sont un peu fourbes, dans le sens qu’ils font leur argent parce qu’ils fonctionnent dans un environnement réglementé. Ils sont protégés contre la concurrence. Franchement, s’ils fonctionnaient dans un environnement où le marché était ouvert à la libre concurrence, la NBC viendrait implanter un canal à Toronto et prendre CFTO par la gorge. CFTO crierait à l’injustice en disant que nous sommes un pays différent et que la NBC ne peut pas venir nous faire cela ici. Mais en même temps, ils disent que la CBC/SRC est injuste et qu’elle fait de la concurrence avec nous.
    Pratiquement, ils tentent de l’avoir par tous les moyens possibles. On peut comprendre cela. Ils sont des entrepreneurs. C’est ainsi qu’ils choisissent de faire leur argent. Très bien, mais je ne pense pas que le reste d’entre nous doit être si crédule. Je ne pense pas que vous les parlementaires devriez être si crédules au point de croire qu’ils ont besoin de 25 000 différentes façons de faire de l’argent sans devoir assumer aucune responsabilité en retour.
    Merci.
    Monsieur Moss.
    Je ne veux pas du tout être mis dans une situation où j’essaie de défendre les stations privées, car mon cœur est du côté des radiodiffuseurs publics. Mais, je ne pense pas que l’image que nous avons représente fidèlement la manière dont le système fonctionne à Los Angeles.
     Un des problèmes majeurs réside dans la décision de 1999 du CRTC, qui éliminait les dépenses obligatoires des stations privées. Si l’on recule encore plus loin, lorsque Keith Spicer œuvrait au sein du CRTC, lorsque l’industrie du câble a connu un grand essor dans les années 1980 et au début des années 1990, il était possible de dire si vous êtes radiodiffuseur dans ce pays, vous devez payer votre part du coût du contenu canadien. Tous les canaux par câble doivent payer entre 30 p. 100 et 47 p. 100 de leur revenu de l’année antérieure sur le contenu canadien. Les stations privées aussi devaient faire cela jusqu’en 1999. Il fut un temps où vous auriez pu dire si vous êtes la NBC et que vous diffusez par l’intermédiaire d’un exploitant d’un réseau de câbles au Canada, vous devez vous aussi dépenser un pourcentage de votre revenu dans le système. Mais on a raté cette occasion et depuis lors, le système a été sous-financé.
     Je ne pense pas que c’est une question qui concerne Los Angeles. J’ai assisté à ces enchères. Je n’arrive pas à croire que nous dépensons autant d’argent, car j’ai vu ce que dépensaient les Britanniques, et j’ai vu ce que dépensaient les Latino-Américains et j’ai perdu les droits de.... Il ne s’agit pas autant de l’aspect Los Angeles de la question, mais surtout du choix que l’on fait, à savoir comment l’argent est dépensé à l’intérieur du Canada. Je ne pense pas qu’il faut se replier en disant qu’il devrait y avoir moins de publicité.
     L’une des solutions suggérées est de suivre les Australiens dans une certaine mesure en instituant des fonds à vocation spécifique de manière à éviter que des entités comme le FCT puissent couvrir des émissions dramatiques, des documentaires, des émissions distractives et artistiques. La Australian Children's Television Foundation a des fonds provenant d’une allocation parlementaire pour produire des émissions pour enfants au sein du système. Nous pourrions reproduire ce modèle ici au Canada pour les émissions pour enfants, les émissions documentaires et les émissions artistiques. Avec un tel système, ce ne sont pas les radiodiffuseurs qui contrôleront les émissions, mais plutôt le gouvernement. Elles seront réalisées par les producteurs et introduites dans le système pour alimenter tous les canaux qui peuvent les diffuser pour leur public.

  (2050)  

    La réponse doit être très brève.
    Comme la dernière fois.
    Ce que je trouve tragique également c’est l’occasion qu’on a ratée. Les stations privées qui ont émergé au cours de la dernière décennie... Je peux seulement parler pour Teletoon. Les droits de licence que j’ai payés ont plus que doublé en dix ans, donc je ne peux m’en tenir qu’à cela. Ces autres intervenants qui appuient financièrement ces émissions et qui obtiennent les cotes prouvent encore une fois que cela est faisable, mais vous devez avoir la volonté de le faire, et vous devez payer pour cela.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Scott.
    Les questions que je pose varient d’une réponse à l’autre, c’est une chose qui s’annonce pas mal difficile. Mais je pense bien que vous avez commencé par le vif du sujet.
    Peu importe ce qui a inspiré le Canada à inventer un radiodiffuseur public et à s’aventurer dans le domaine de la télévision, et à réinventer le radiodiffuseur public. Peu importe les situations qui ont rendu une telle chose impérative à ce moment-là, est-ce moins impératif maintenant? Je dirais non — et peut-être même que ce l’est davantage, dans ce monde qui se rapetisse.
    Le débat que nous tenons pour essayer de comprendre le rôle de la CBC/SRC, ce radiodiffuseur sous-financé, est un peu artificiel, c’est-à-dire pourquoi faut-il financer cette société de radiodiffusion avec les deniers publics si les émissions qu’elle produit ne sont pas suffisamment distinctes pour que cela vaille la peine? Mais nous disons en même temps que cette situation est due au fait qu’ils courent après un modèle commercial, car ils ont besoin de recettes publicitaires en raison du problème de sous-financement. Je pense que nous disons là deux choses.
    Si nous reconnaissons tous que le réseau est sous-financé, il y a peut-être différents modèles qu’on peut suivre pour obtenir à un radiodiffuseur public des revenus qui viendront compléter le crédit parlementaire. Si nous sommes tous en faveur d’un crédit parlementaire qui soit plus stable, prévisible, de longue durée et plus généreux, devrions-nous clarifier le mandat? Car la plupart des gens qui croient savoir où irait l’argent seront surpris dans deux ans quand ils se rendront à l’évidence qu’il n’est pas allé là où ils espéraient, et nous voilà bel et bien bloqués, dans une certaine mesure. Il nous faudrait peut-être clarifier les choses.
     Je sais que du côté régional la notion de la raison d’être de la CBC/SRC à St. John’s ce matin n’est pas la même que celle qu’on a à Montréal aujourd’hui. Pour quelqu’un qui vient de Fredericton, c’est une chose tout à fait différente. Nous sentons le besoin non seulement d’être souverain en tant que pays, mais nous nous sentons très vulnérables dans le contexte de notre propre identité dans le pays.
    Mais je pense qu’il est possible de s’en sortir. Nous sommes tous conscients de la nécessité. Nous reconnaissons que le radiodiffuseur est sous-financé. Nous avons même le sentiment de ce que devrait être sa raison d’être, et qu’il est plus important maintenant qu’il ne l’a jamais été, probablement. C’est déjà un très bon point de départ, il me semble.
    L’occasion dont il est question dans la description de notre travail --soit le rôle du radiodiffuseur au XXIe siècle — représente pour moi une occasion d’y penser peut-être, sans se laisser emballer dans...
    Ah, en passant, il s’agissait du budget de 1995. Cela paraît particulièrement ironique que je sois la personne à souligner ce fait, mais c’était le budget de 1995 qui était si brutal. Le budget de 1993 n’était pas le nôtre. Mais ce que je peux dire...
    C’était un budget de Paul Martin, nous l’avons tous reconnu.
    Oui, nous nous sommes entendus là-dessus. Et je ne sais pas pourquoi ce serait à moi de vous le dire.
     De toute façon, si l’occasion se présente de revigorer le radiodiffuseur public en raison des nouvelles technologies, des nouveaux médias, des nouvelles possibilités de diffuser les histoires de différentes façons, c’est un de ces moments historiques qu’il ne faudrait pas rater. Je pense que ce serait une distraction de nous laisser emballer dans de vains débats à savoir nous devrions faire telle ou telle chose parce que ce n’est pas suffisamment distinct et tous ces genres de choses.
     Maintenant, l’autre aspect de la question — et je touche à tout aujourd’hui, comme je vous ai averti — concerne le rôle de la CBC/SRC qui fait partie d’une série de partenaires ayant un objectif général. Je pense que par le passé, le radiodiffuseur public était vu comme le chef de file parmi les nombreuses institutions qui œuvrent dans ce domaine. Je pense que c’est peut-être une partie du mandat que nous devons repenser.
    Si des gens venant de divers horizons, soit Téléfilm Canada, l’Office national du film, d’autres canaux parmi la gamme de canaux qui sont actuellement disponibles, proposaient des choses susceptibles de présenter un intérêt complémentaire, si nous pouvions nous organiser, si la CBC/SRC assumait un rôle de chef de file à ce chapitre, je pense que nous aurions peut-être une chance. Mais il faudrait que tout soit prévu dans le mandat de la CBC/SRC, car, à l’heure actuelle, ils ne sont pas structurés de cette façon sur le plan institutionnel. La plupart des autres intervenants se sont plaints au sujet de cette situation, à savoir la position adoptée par le réseau en ce qui concerne non seulement la production interne, mais de manière générale, en ce sens qu’ils sont l’entité qui protège notre souveraineté dans le pays, etc.
    Il n’y a pas eu un consensus ici sur la question de savoir s’il faut remanier le mandat. Certains ont dit oui et d’autres non. En ce qui concerne plus précisément cette question, l’entité est-elle adéquate comme elle est si elle dispose des ressources nécessaires?

  (2055)  

    D’après l’expérience que j’ai vécue dans le domaine de la télévision, le problème réside dans les détails. Ce n’est jamais la vision et la description générale du mandat qui pose problème, mais plutôt l’exécution du mandat. Je pense que la Loi sur la radiodiffusion que nous avons actuellement est incroyablement complète et suffisamment souple pour permettre la mise en œuvre de la vision que vous venez d’exprimer si on avait entrepris de le faire avec détermination. Le fait de remanier la Loi sur la radiodiffusion n’améliorerait pas nécessairement la CBC/SRC, et cela ne jouerait nécessairement pas contre elle non plus.
    En même temps, d’après mon expérience avec les gens de la CBC/SRC, je pense que son budget diminue car l’augmentation du coût de la vie n’a pas été prise en compte. Le réseau éprouve des difficultés, et si vous voulez qu’il joue un rôle de chef de file, vous devez au moins lui donner les moyens de le faire. Ils sont plus préoccupés à savoir comment combler le nombre d’heures qu’ils ont. Avec quoi vont-ils les combler, qu’est-ce qu’ils vont faire avec cette compression budgétaire cette année, qui partira, qui restera? Donc, ils ne sont jamais en mesure de déterminer ce qu’ils devraient faire en tant que radiodiffuseur public.
    D’abord, je conviens avec Peter Moss que le problème réside dans les détails et que le mandat de la CBC/SRC est à l’heure actuelle extrêmement vaste. De toute évidence, elle n’a pas les ressources nécessaires pour l’accomplir.
    Je pense que vous devez faire attention quant à l’idée de dire que la CBC/SRC peut faire plus d’argent avec des accords publicitaires. Vous avez entendu beaucoup de gens qui sont venus ici pour dire: « Je peux aider la CBC/SRC à faire beaucoup d’argent! J’ai un accord publicitaire pour eux ». Cependant, tous ces accords publicitaires ont un prix.
    Si vous considérez les annonces comme accord publicitaire fondamental, cela a causé à la CBC/SRC d’innombrables problèmes pendant très longtemps — à la télévision évidemment. Si vous considérez la radio de la CBC/SRC comme l’alter ego de la CBC/SRC, vous pouvez dire qu’il y a un service collectif dans un médium différent qui ne présente aucune publicité, et qu’est-ce qu’il fait? Est-il capable d’atteindre des gens? S’il n’a pas un auditoire important, est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Regardez la radio de la CBC/SRC et posez-vous les questions que vous posez maintenant: le service collectif est-il en mesure de s’acquitter de ses fonctions? Et je pense que la radio de la CBC en donne bien la preuve. Le problème avec la télévision est que vous avez bâti un système qui requiert 400 millions de dollars de recettes publicitaires, et il serait très difficile de s’en passer. C’est tout un défi, évidemment.
    Il importe d’y mettre l’effort. Je pense que vous devez accepter tout au moins le fait que la publicité fausse définitivement la stratégie de programmation de la CBC/SRC, et cela n’est pas une bonne chose.
    Est-ce un absolu, ou est-ce tout simplement le fait que la dépendance est trop forte?
    C’est en effet un absolu. Il y aura plus de place pour le rôle de radiodiffuseur public dans la mesure où l’on peut réduire la publicité sur les ondes de la CBC/SRC.
    Une entreprise appelée McKinsey a réalisé il y a 20 ans une étude sur tous les radiodiffuseurs publics dans le monde. L’analyse des messages publicitaires et des émissions a révélé que les radiodiffuseurs publics qui dépendaient le plus des recettes tirées de sources commerciales, qu’il s’agisse de la publicité ou d’une combinaison de choses, diffusaient des émissions publicitaires le plus et ne faisaient pas leur travail en tant que radiodiffuseurs publics.
    TV Ontario, qui a un très petit budget, est un diffuseur public. Regardez les émissions pour enfants. Regardez TV Ontario et demandez-vous ce qu’ils pourraient faire avec un autre montant de 60 millions de dollars.
     La CBC/SRC a beaucoup de problèmes, car la publicité fait bien plus de tort qu’elle rapporte réellement. C’est le cas de la queue qui remue le chien.

  (2100)  

    Merci.
     Nous devons revenir à M. Kotto.

[Français]

    Je vais renchérir sur la publicité en poursuivant dans la veine du financement.
    Selon vous, quel serait pour un diffuseur public, en l'occurrence la CBC et la SRC, le seuil acceptable en termes de temps alloué à la publicité? On a pris connaissance de la décision du CRTC visant à augmenter d'une minute la fourchette publicitaire. La proposition consistait à diffuser en 2008 jusqu'à 15 minutes de publicité entre 19 heures et 23 heures. Entre-temps, il est question de revoir, d'analyser les impacts de cela.

[Traduction]

    On devrait peut-être adopter une formule selon laquelle le réseau se verra attribuer une certaine somme par le Parlement pour chaque minute de publicité qu’elle ne diffuse pas, ou encore la CBC/SRC aura accès à des recettes de câblodistribution ou quelque chose du genre.
    Au lieu de dire qu’il n’y devrait y avoir aucune publicité — cela pourrait s’avérer peu réaliste dans l’environnement actuel, je dois dire — on devrait adopter une formule dégressive prévoyant des incitatifs à la réduction de la publicité et attendre pour voir jusqu’où ça ira.
    Je crois bien que la CBC/SRC comme tout radiodiffuseur a besoin d’un certain niveau de souplesse, car ces entités doivent composer avec toutes sortes de forces contradictoires. Et vous à cette table ne pouvez réellement pas les microgérer, mais vous pouvez créer des incitatifs qui vont dans ce sens.
    Mais, il y aura un coût. Quel que soit l’incitatif, il y aura un coût.
    Merci.
    Monsieur Moss.
    Beaucoup de débats on eu lieu autour de cette question pour tenter d’y trouver une réponse.
    La meilleure solution que nous pouvons proposer est de limiter la publicité aux sports et de l’éliminer dans les nouvelles, les émissions dramatiques et artistiques. Et évidemment, il n’y en a pas dans les émissions pour enfants de toute façon.
    Il faudrait donc limiter la publicité aux grands événements sportifs — les Jeux olympiques, les matchs de hockey et le football — et utiliser cela comme base pour les recettes de source commerciale dont ils ont besoin.
    Je ne sais pas si c’est vrai, car j’ai un peu perdu le sens des réalités, mais si ma mémoire est fidèle, bien plus de trois-quarts des recettes provenaient des sports de toute façon.

[Français]

    Ça m'amène à poser une autre question.
    Le palliatif serait l'enveloppe parlementaire, donc le gouvernement. En privilégiant cette voie, ne contribuerait-on pas au renforcement de la dépendance du diffuseur public envers le politique? Ça pourrait influencer directement ou indirectement le contenu des émissions, que ce soit par l'entremise de nominations au conseil d'administration et à la présidence ou autrement. Je me fais l'avocat du diable.

[Traduction]

    Dites-vous que sans la publicité, la politique risque de s’ingérer dans les émissions de nouvelles? Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

    Pour ce qui est du palliatif que vous évoquiez, la contribution financière du gouvernement comblerait le manque à gagner causé par la minute de publicité retranchée, par exemple. N'est-ce pas une voie qui renforcerait la dépendance du diffuseur public à l'égard du politique et de ses humeurs? Est-ce que ce dernier ne pourrait pas en venir à vouloir orienter le contenu, la programmation?

  (2105)  

[Traduction]

    C’est la différence entre un radiodiffuseur d’État et un radiodiffuseur public sans lien de dépendance.
    La France avait autrefois un radiodiffuseur d’État où le gouvernement et le radiodiffuseur travaillaient main dans la main. Et la Russie en a un maintenant. Ce n’est pas de quoi on parle au Canada. Nous parlons d’une situation où il n’y a probablement aucun lien de dépendance, où il y a un conseil d’administration séparé, etc.
    Le Canada a certes connu des moments historiques — et John Diefenbaker a participé à un de ces moments — où le premier ministre a téléphoné à la CBC/SRC pour dire « Telle ou telle émission ne me plaît pas du tout », ce à quoi les présidents qui valaient leur pesant d’or ont répondu « Allez au diable! ». C’est probablement pourquoi la CBC/SRC a été sous-financée.
    Mais nous parlons d’un radiodiffuseur public sans lien de dépendance doté d’un programme équilibré pour s’assurer... Vous savez, vous faites les nouvelles de cette façon et vous gagnez de l’argent, et vous faites les nouvelles d’une autre façon et vous ne gagnez pas d’argent. Mais, à mon avis, nous avons une tradition de radiodiffusion publique et j’espère bien que tous les présidents de la CBC/SRC auraient cette attitude, au moins ceux qui en parlent. Il y en a qui en parlent et d’autres qui n’en parlent pas, mais cela est une autre histoire. À un moment donné, quand nous serons dans un bar, je vous en parlerai.

[Français]

     Mais pour garantir cette indépendance, qui pourrait être incarnée par la tête dirigeante, ne serait-il pas approprié que ce soit le Parlement et non le Cabinet du premier ministre qui nomme les gens à la tête de la SRC?

[Traduction]

    Évidemment, il devrait y avoir un conseil d’administration, et il y en a un, et le conseil d’administration devrait nommer le président. Je ne pense pas qu’il revient au premier ministre de le faire. Ce serait une façon d’accroître l’autonomie.
    Si le Parlement en tant qu’entité devait s’en charger, ce serait intéressant. Si on pouvait garantir le financement pour une période de temps, soit cinq ou six ans, de manière à retirer le financement de la CBC/SRC du cycle de la propagande électorale, ce serait une formidable façon d’accroître l’autonomie. Les gens ne diraient pas: « Vous feriez mieux de faire ce que je veux, sinon l’année prochaine vous n’allez pas... »
    Chaque fois que je regarde la comédie télévisée This Hour has 22 Minutes et qu’ils disent du mal de quelqu’un — par exemple, un premier ministre — je dis, « Merde, la CBC n’aura pas d’augmentation l’année prochaine. » Ou c’est le sentiment que j’ai, de toute façon.
    Soyez très bref, je vous prie.

[Français]

    Tout à l'heure, j'évoquais le multiculturalisme. Vous connaissez maintenant ma position à ce sujet. Je parlerai davantage de diversité culturelle ou d'interculturalisme. De votre perspective des choses, comment voyez-vous son illustration dans un réseau public? Quand je parle de diversité, je parle de toute la diversité humaine et de la diversité de genre. La société est composée de près de 52 p. 100 de femmes, mais on ne voit pas autant leurs oeuvres que celles des hommes. On ne voit pas leur sensibilité, leur regard. Comment voyez-vous cela s'inscrire chez un diffuseur public?
    Je vais répondre en anglais.

  (2110)  

    Parfait.

[Traduction]

    Je m’adresse ici à nos députés. Nous constatons une augmentation du nombre de festivals et d’œuvres d’arts médiatiques produits par les groupes culturellement diversifiés. Nous aimerions que beaucoup plus de ces œuvres soient enregistrées et présentées sur les ondes de la CBC/SRC.
     En préparant ce mémoire, j’ai trouvé que les nouveaux médias représentent un domaine intéressant qu’on pourrait envisager. Je me rends compte que beaucoup de gens regardent encore la télévision et écoutent la radio. Mais l’une des choses que nous aimerions voir se réaliser par exemple, c’est qu’on étudie les diverses possibilités de mettre en ligne des courts métrages. Assurément, nous voyons la CBC/SRC jouer un rôle important à diffuser ces œuvres dans la population, surtout pour les communautés autochtones.
     Une de nos régions est la National Indigenous Media Arts Coalition, et beaucoup de débats ont eu lieu sur le degré d’efficacité avec lequel la CBC/SRC gère dans ce secteur. Une autre enquête pourrait donc s’avérer nécessaire pour étudier cette question, mais il faut absolument un financement public pour que cela se réalise.
    Monsieur Létourneau.

[Français]

    La diversité est quelque chose qu'on voit tous les jours dans la rue, dans la vie. Selon moi, cette diversité, on ne la retrouve pas dans la plus grande partie de ce qui est présenté à la télévision, dans les médias commerciaux et à la télévision publique. La plupart du temps, on n'a que des stéréotypes . On a des clichés et on utilise souvent, par exemple, un Noir dans une émission comme Watatatow pour dire qu'on reflète la diversité canadienne. C'est assez hypocrite. Le problème fondamental, c'est que la plupart des gens qui détiennent un poste de pouvoir, autant dans une société publique comme Radio-Canada que chez les télédiffuseurs privés, sont des gens d'une certaine génération qui sont un peu déconnectés de ce qui se passe dans la rue. Il y a un problème de communication entre les gens dans leur tour d'ivoire et la base, c'est-à-dire le peuple.
    Il y a vraiment une différence, et je la vois. Je ne suis plus très jeune, j'ai 36 ans, mais je suis très près des jeunes en général. J'écoute du hip-hop, je voyage beaucoup, je fais des documentaires et je m'intéresse aux problèmes liés à l'identité et aux jeunes.
    Cette question est fondamentale pour moi. Il y a vraiment un problème. Déjà, au niveau du personnel, il y a des changements à faire. Je ne parle pas seulement de la couleur de la peau, mais aussi de l'âge. Il y a beaucoup de gens aux postes décisionnels qui sont dans la cinquantaine. Ce serait bien qu'il y ait un peu de diversité à ce niveau. Pourquoi, aux États-Unis, a-t-on de la diversité? Il y a des gens de 25 ou 26 ans qui occupent des postes de pouvoir alors qu'ici, c'est très rare. Il faut avoir 45 ou 50 ans pour avoir un poste décisionnel et on fait des choix qui ne sont peut-être pas les mêmes. Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard au sein des réseaux publics.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Monsieur, avez-vous une autre question?
    Oui, merci.
    Madame Dorner, j’aimerais connaître le rôle que joue la CBC/SRC dans les efforts pour exposer les nouveaux artistes à un public et aussi le rôle que jouent les stations privées.
    Je viens de l’industrie de la musique, et je me souviens quand John Roberts n’était pas un célèbre présentateur de nouvelles américain, mais tout simplement J.D. Roberts, et City TV a introduit plus de nouveaux orchestres que ne l’a jamais fait un réseau de télévision; ils sont allés là où personne d’autre n’allait à cette époque. C’est la seule raison qui fait que j’ai fini par paraître à la télévision.
    Mais la CBC/SRC avait un rôle à jouer, dans le sens que si vous évoluez sans une grosse machine pour vous aider à atteindre le sommet, le réseau était la seule façon de parvenir à la notoriété du jour au lendemain. La radio joue un rôle tout à fait particulier. Je ne sais pas, mais la télévision n’a jamais donné l’impression qu’elle joue le même rôle, mais la radio m’a toujours paru un incubateur pour les arts et les artistes. Est-ce là l’expérience que vous avez vécue sur le terrain?
    Je suis tout à fait d’accord avec cela, surtout pour les jeunes artistes contemporains.
     À l’heure actuelle, il est clair que nous n’avons pas suffisamment de couverture. Notre crainte est réellement si la CBC/SRC se lance dans la publicité commerciale pour pouvoir subvenir à ses besoins de financement, nous redoutons sérieusement de nous retrouver sans la moindre couverture à ce moment-là. Nous avons déjà suffisamment de difficultés à obtenir quelques minutes de couverture, ne serait-ce que pour le reportage d’une exposition. Si nous en obtenons, c’est souvent lorsqu’il y a une controverse ou quelque chose du genre, ce qui est malheureux. C’est pourquoi nous considérons ce rôle comme étant très important pour nos artistes, tant pour les vidéos que pour les nouveaux médias et audios.
    J’aime la musique, et c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. J’aimerais pouvoir répondre, mais je ne vois pas le lien avec le documentaire.
    Encore une fois, il y a tant d’artistes de qualité qui émergent, ne serait-ce que de Montréal, de Québec, et nous n’en entendons pas parler suffisamment à la radio de la CBC/SRC. Il pourrait y avoir plus d’espace pour les nouveaux artistes, les nouvelles visions qui vont finir par percer comme Arcade Fire — ils sont là depuis un bon bout de temps.
    Je suis désolé, je vais passer à ma dernière question, autrement je vais me faire couper le micro.
    La question que je vais soumettre à la discussion est très facile. Il est clair que le gouvernement canadien dépense beaucoup d’argent dans la création de contenu, peut-être une autre somme de 400 ou 500 millions de dollars, au moins. Si vous regardez Téléfilm, le FCT, le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, le crédit d’impôt, la somme serait nettement plus élevée. Or, nous avons un radiodiffuseur national qui passe en été Lethal Weapon 3 ou quelque chose du genre, et il y a la question de savoir combien de personnes voient tout le formidable contenu que nous produisons.
     Est-ce le modèle que nous avons, un modèle qui a fonctionné à merveille dans les années 70, et dans un univers multi-canaux? Devons-nous repenser tous ces différents silos de financement de manière à nous assurer que le contenu produit et financé avec l’argent des contribuables est en fait vu d’une manière qui plaît à tous les Canadiens?
     La question est ouverte à tous.

  (2115)  

    Tout le monde peut répondre. Je vais le faire.
    Monsieur Moss, vous pouvez passer en premier.
    Je pense que la question concerne des précisions et détails. Je pense que nous devrions séparer la notion de transmission de la notion de création de contenu. Nous avons bel et bien un bon système pour la création de contenu. Nous n’avons pas nécessairement un système efficace pour la diffusion de ce contenu.
    À mon avis, ce n’est pas une question de nouveaux médias, parce que la diffusion se fait sur des créneaux de plus en plus petits. Il s’agit de savoir comment rendre le discours accessible au grand public et engager le grand public dans le discours, tant pour les arts que pour la culture en général.
    Cela me paraît intéressant qu’au Québec, on semble comprendre la nécessité d’un discours public. Dans le Canada anglais, un discours public n’est pas nécessaire. Il y a des émissions à l’échelle du spectre de la radiodiffusion au Québec qui traitent des arts, de la politique, de la littérature et de la danse tous les dimanches soirs pour une durée d’une heure. Cela relève du discours public et rien n’est fait de l’autre côté.
     Donc, ce n’est pas une question de création de contenu ni même une question de fonds. Je veux dire, nous avons constaté le sous-financement de la CBC/SRC; nous en avons beaucoup parlé. Si vous deviez partir de zéro, et dans le cas d’un plus petit pays, vous dites vous avez autant d’argent pour la télévision et vous vous plaignez...? Si vous deviez partir avec un budget base zéro, vous trouverez peut-être qu’il y avait beaucoup de ressources. Ne dites jamais cela — évidemment donnez-leur plus d’argent. Mais pour moi, ce n’est pas là la question. Ce qui importe pour moi, c’est le discours public.
    Monsieur Cox.
    Le contenu est tout ce qui importe; tout le reste est accessoire. Robert Fowler a dit cela en 1957, et je pense que c’est encore vrai.
    J’ai une vision. Je n’ai pas un rêve, mais j’ai bien une vision, c’est-à-dire quelque part au Conseil du Trésor, le budget de la CBC/SRC et celui des Forces canadiennes vont se mélanger de sorte que la CBC/SRC aura un budget de 16 milliards de dollars et les Forces canadiennes un budget de un milliard de dollars. Les Forces canadiennes ne peuvent faire qu’une chose avec cet argent: retirer leurs forces de tous les pays du monde où elles se trouvent et échanger leurs chars d’assaut et ce qu’elles ont comme avions. Elles garderont les côtes est, ouest, et nord. Si le Groenland envahit le Canada, ils composent rapidement le numéro du Pentagone pour dire « On nous envahit. Faites quelque chose. » Et évidemment les Américains feront quelque chose.
    Mais le 49e parallèle est là où nous devons dépenser les 16 milliards de dollars affectés au ministère de la Défense nationale, et alors avec ces 16 milliards de dollars, nous allons nous rendre compte que nous avons tellement d’argent que nous devons faire tellement d’émissions, et nous devrons faire des émissions de très grande qualité; et de plus nous n’avons pas suffisamment de gens pour le faire immédiatement, donc nous allons devoir faire revenir tous les Canadiens qui sont à Los Angeles. Et avant longtemps, les Américains qui se trouvent là-bas vont se dire « Comment se fait-il que ces gars font plus d’argent que moi? Je veux m’installer au Canada maintenant. » Nous allons avoir un exode inverse des cerveaux, et avant longtemps, le Canada va être le centre du monde.
     Cela pourrait en fait arriver dans les émissions télévisées avec un simple changement comme cela, soit dans le budget total réel du gouvernement canadien--juste en inversant l’adresse de ces deux segments.
    De toute façon, c’est une vision, et peut-être que vous pouvez suggérer cela.
    Merci.
    Monsieur Scott.
     J’ai peur des soldats américains probablement presque autant que des émissions télévisées américaines en ce qui a trait à la vision que vous venez de nous communiquer, mais j’ai saisi votre point de vue.
     Je pense que peut-être l’élément nouveaux médias est introduit pour lancer le débat dans le sens qu’il s’avère complémentaire. C’est donc une occasion d’engager le pays dans le débat, et je pense que cela pourrait le lancer. Je ne pense pas que c’est la solution. Je pense qu’il pourrait simplement servir à lancer le débat.
     Tout le monde ici tient à cœur la CBC/SRC ou voit la radiodiffusion publique comme étant nécessaire, pour toutes les raisons qui ont fait l’objet de nos discussions. Ils ont pris des décisions qui laissent à désirer — tous le reconnaîtront, car s’ils cherchent dans leurs pensées, ils en trouveront au moins une — et cela ne vous a jamais donné l’idée d’abandonner ou de quitter la CBC/SRC. J’ai été du mauvais côté du canon à poulets assez souvent. Nous sommes également capables de nous engager en tant que Canadiens et d’endurer les coups de temps à autre, tout en maintenant notre ferme engagement envers la radiodiffusion publique.
    Moi personnellement, je ne me vois pas me rendre à une réunion du Cabinet pour réclamer la tête de la CBC/SRC parce que Rick Mercer me donne du fil à retordre, et il l’a fait. Je ne connais personne qui penserait cela non plus. Donc, si vous trouvez cela rassurant, laissez-moi vous rassurer. Il s’agit d’une chose bien plus grosse que notre propre ego et même que notre succès politique. Cela représente beaucoup pour l’identité du pays, et je pense que c’est pourquoi nous sommes tous si déterminés. Ce qui pose maintenant réellement problème est la manière de le faire et non ce qu’il faut faire.
    Je voulais tout simplement faire cette remarque. Merci.

  (2120)  

    Merci pour cela.
     Sur ce, je dirai que la séance est terminée. Merci beaucoup pour vos aimables réponses et vos formidables présentations.
    La séance est levée.