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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 21 mai 2002




¿ 0910
V         

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Magda Havas (professeure associée, Programme d'études sur l'environnement et les ressources, Université de Trent)
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)

¿ 0935
V         Mme Magda Havas

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955

À 1000
V         Le président
V         M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ)

À 1005
V         M. Vernon Thomas (professeur, Département de zoologie, Université de Guelph)
V         M. Bernard Bigras

À 1010
V         Mme Magda Havas
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)

À 1015
V         M. Vernon Thomas
V         M. Joe Comartin
V         M. Vernon Thomas
V         M. Joe Comartin
V         M. Vernon Thomas
V         M. Joe Comartin
V         Mme Magda Havas

À 1020
V         M. Joe Comartin
V         Mme Magda Havas
V         M. Joe Comartin
V         Mme Magda Havas
V         M. Joe Comartin
V         Mme Magda Havas
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Julian Reed (Halton, Lib.)
V         M. Vernon Thomas
V         M. Julian Reed
V         M. Vernon Thomas
V         M. Julian Reed
V         M. Vernon Thomas
V         M. Julian Reed

À 1025
V         Mme Magda Havas
V         M. Julian Reed
V         Mme Magda Havas
V         M. Julian Reed
V         Mme Magda Havas
V         M. Julian Reed
V         Mme Magda Havas
V         M. Julian Reed
V         Mme Magda Havas
V         M. Julian Reed
V         Le président

À 1030
V         M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne)
V         Le président
V         Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)
V         Mme Magda Havas
V         Mme Karen Redman
V         Mme Magda Havas
V         Mme Karen Redman
V         Mme Magda Havas

À 1035
V         Mme Karen Redman
V         Mme Magda Havas
V         Mme Karen Redman
V         
V         Mme Karen Redman
V         M. Vernon Thomas

À 1040
V         Mme Karen Redman
V         M. Vernon Thomas
V         Le président
V         M. Roy Bailey

À 1045
V         M. Vernon Thomas
V         M. Roy Bailey
V         M. Vernon Thomas
V         M. Roy Bailey
V         Mme Magda Havas
V         M. Roy Bailey
V         Mme Magda Havas
V         M. Roy Bailey
V         Mme Magda Havas
V         M. Roy Bailey
V         Mme Magda Havas
V         M. Roy Bailey
V         Le président

À 1050
V         M. Vernon Thomas
V         Le président
V         Mme Magda Havas
V         Le président
V         Mme Magda Havas
V         Le président
V         Mme Magda Havas
V         Le président
V         Mme Magda Havas
V         Le président
V         Mme Magda Havas

À 1055
V         Le président
V         Mme Karen Redman
V         M. Vernon Thomas
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)
V         M. Vernon Thomas
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         Mme Magda Havas
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous avons le quorum.

[Français]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Nous commençons notre travail aujourd'hui avec deux témoins spéciaux.

[Traduction]

    Nous accueillons Mme Magda Havas, de l'Université de Trent, qui est une chercheuse scientifique renommée dans le domaine des effets de l'énergie électromagnétique sur la santé humaine, et M. Vernon Thomas, chercheur scientifique de renom, spécialisé dans les effets du plomb sur l'environnement et le saturnisme dans la faune.

    Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, aux nouveaux membres, aux invités et aux membres que nous pensions avoir perdus dans la nature à l'occasion de batailles électorales.

    Sans plus tarder, nous avons le plaisir de donner la parole à chacun des témoins pour une quinzaine ou une vingtaine de minutes, après quoi nous aurons une bonne période de questions. Qui va commencer?

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Thomas.

    Madame Havas.

+-

    Mme Magda Havas (professeure associée, Programme d'études sur l'environnement et les ressources, Université de Trent): Merci beaucoup. Je souhaite remercier Charles Caccia de m'avoir permis de venir devant votre groupe aujourd'hui.

    Ce dont je vais vous parler est pratiquement à l'opposé de ce dont vous a parlé Vernon Thomas. Il s'est concentré sur le plomb, c'est-à-dire quelque chose qui existe depuis très longtemps, puisque nous savons que déjà les Romains ont été victimes de saturnisme en buvant du vin dans des contenants de plomb. Je vais vous parler aujourd'hui de champs électromagnétiques. L'électricité est abondamment utilisée depuis un peu plus d'une centaine d'années. Les téléphones cellulaires existent depuis bien moins longtemps encore, et je parle donc d'un danger environnemental plus récent.

    Je vais me concentrer surtout non pas sur la faune, mais sur la santé humaine. Je vais vous parler d'énergie électromagnétique émise par matériel câblé et par matériel sans fil, vous donner un aperçu des problèmes que cela pose au niveau de la santé et vous présenter un appel à l'action. Je pensais vous parler à la fois des émissions par câble et sans fil, mais très franchement, je ne pense pas pouvoir le faire en 20 minutes. J'ai donc décidé de m'en tenir simplement à l'énergie électromagnétique émise par matériel sans fil. Je vais très brièvement vous expliquer la différence entre les deux.

    L'énergie électromagnétique émise par matériel câblé désigne tout ce qui doit être branché et l'électricité qui alimente ces appareils. Les lignes à haute tension, les fils électriques, les aspirateurs ou les séche-cheveux utilisent du matériel câblé. Pour obtenir l'énergie, il faut un branchement. Ces dispositifs comportent toutes sortes de risques pour la santé, notamment la leucémie chez les enfants exposés à des radiations à la maison et divers cancers liés à une exposition en milieu de travail. Mais je n'ai pas l'intention de m'attarder sur l'énergie transmise par matériel câblé—je me réserve cela pour la période des questions—et je vais plutôt vous parler d'énergie électromagnétique émise par matériel sans fil. Je parle ici essentiellement des signaux de radiotélédiffusion. Toutefois, ce qui nous inquiète le plus, ce sont les télécommunications par téléphone cellulaire en raison de la prolifération des antennes de téléphonie cellulaire et du très grand nombre d'utilisateurs de ces téléphones.

    À ce propos, il y a un certain nombre de termes techniques. Par exemple, on parle de champ électromagnétique à «fréquence extrêmement faible», ou FEF. Dans le cas des émissions sans fil, on parle de fréquences radio, de fréquences micro-ondes et de radar.

    La popularité et l'utilisation généralisée des téléphones cellulaires ont entraîné la prolifération rapide des antennes de téléphonie cellulaire dans le monde entier. C'est un problème pas seulement au Canada, mais aussi dans les pays en développement. Souvent, ces antennes sont érigées dans des zones résidentielles, près des écoles, sur des églises, sur des tours à bureaux dans le centre-ville des grands centres urbains sans qu'on se préoccupe guère de l'exposition de la population environnante. Nous ne parlons pas ici de zones rurales, où les problèmes qui se posent concernent plus la faune et le saturnisme; nous parlons des zones urbaines.

    Les recommandations de divers pays en matière d'exposition varient entre 0,001 et 10 000 microwatts par centimètre carré et ceci devrait être suffisant pour nous alerter tous. Comment peut-il y avoir un écart aussi énorme entre les directives utilisées par divers pays? Puisque nous sommes tous également vulnérables aux radiations électromagnétiques, que nous vivions en Finlande ou au Canada, leurs effets sur notre santé devraient être identiques. Cela devrait donc nous faire penser qu'il existe un problème grave. Au Canada, nous avons les lignes directrices du Code de sécurité 6. Nos limites sont parmi les plus élevées au monde, ce qui veut dire que nous avons vraiment un problème très grave ici.

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Les plus élevés, cela veut dire les pires?

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Magda Havas: Les limites les plus élevées, cela veut dire qu'on peut aller jusque-là avant que les lignes directrices interviennent.

    En outre, il est rare que Santé Canada ou Industrie Canada, l'organisme responsable de la réglementation de l'industrie des télécommunications et de l'octroi des licences, évalue les sites où sont situées ces antennes. De multiples antennes font souvent leur apparition sur des tours sans qu'on prenne en considération la combinaison de leur diagramme de rayonnement. La Ville de Toronto a tenté en vain de réduire la limite canadienne actuelle à un centième de ce qu'elle est actuellement.

    Ce qui est essentiel ici, c'est que des effets biologiques sont observables sous les limites prévues dans le Code de sécurité 6 du Canada. Par conséquent, il faut réévaluer ces limites. En outre, la zone entourant les tours de téléphonie cellulaire et les gratte-ciel munis de multiples antennes doit être surveillée adéquatement, ce qui ne se fait pas actuellement, et il faut encourager les recherches sur les effets biologiques de ces antennes et des téléphones cellulaires. Nous sommes en train de faire des expériences à très grande échelle sur des humains en exposant une vaste population à des micro-ondes, sans comprendre les effets biologiques et les conséquences pour la santé à long terme.

    C'était là le résumé de mon exposé. J'espère maintenant pouvoir vous présenter quelques-unes des preuves des affirmations que je viens de faire.

    Je me demandais si j'allais vous présenter un tableau bien précis. C'est une représentation technique de l'ensemble du spectre électromagnétique. Les chercheurs scientifiques divisent ce spectre en différentes bandes de fréquence. Tout en bas, vous avez les fréquences extrêmement faibles, et vous voyez ensuite s'accroître la fréquence du spectre. Les fréquences de l'ordre de 60 cycles par seconde sont dans cette catégorie des fréquences extrêmement faibles, et c'est ce que j'appelais tout à l'heure l'énergie électromagnétique «par câble».

    Quand on arrive dans les fréqueces radio et les fréquences supérieures, je parle d'énergie «sans fil» car cette énergie se propage dans l'espace. On n'a pas besoin d'un fil pour transmettre l'information. La radio, la télévision, les téléphones cellulaires et le radar sont tous des appareils qui utilisent cette bande de fréquence radio très massive. Parfois, les gens parlent de micro-ondes. Les micro-ondes font effectivement partie de la bande des fréquences radio. On désigne simplement les paliers les plus élevés de cette bande par un nom différent. La lumière solaire en fait aussi partie, et la lumière appartient à ce spectre. Toutes les manifestations liées à la lumière, comme le reflet et la concentration, font partie du spectre électromagnétique et se retrouvent aussi dans le cas des fréquences radio.

    Ce qui est vraiment préoccupant quand on passe au-dessus de ce niveau, c'est qu'on entre dans les rayonnements ionisants. Aucun scientifique digne de ce nom ne prétendra que les rayons X ne sont pas dangereux, car ils le sont. Ils ont un effet ionisant, tout le monde le reconnaît. Dans cette bande-ci, nous savons que nous avons des problèmes de chaleur. La véritable question concerne les conséquences sur la santé dans la partie inférieure de cette bande, et les mécanismes selon lesquels les organismes sont touchés. C'est là qu'il y a débat. Ces mécanismes sont controversés. Certains physiciens de renom et très respectés prétendent qu'il n'y a pas d'effets nocifs à ce niveau, mais ils ont tort.

    J'enseigne un cours intitulé «Effets biologiques des champs électromagnétiques». Il y a quelques années, un de mes étudiants m'a proposé d'établir une carte des antennes dans la ville de Peterborough. Nous avons simplement essayé de localiser les antennes utilisées pour radiodiffuser sur certaines fréquences ou pour transmettre les communications par téléphone cellulaire. Cet étudiant est donc allé demander ces renseignements au bureau de Peterborough puisque c'est la municipalité qui autorise l'installation de ces antennes. Il a commencé par constater qu'il existait effectivement un dossier sur la question, mais que les informations étaient complètement désordonnées. Il a été obligé de passer des heures et des heures à essayer de faire le tri pour savoir quelles antennes étaient autorisées, où elles étaient situées, etc. Nous espérions simplement pouvoir situer ces antennes pour déterminer leur champ de rayonnement et voir qui était exposé à ce rayonnement. En fait, nous nous sommes rendu compte que cela aurait été pratiquement impossible dans le temps dont cet étudiant disposait pour cette étude.

    Nous avons cependant appris des choses très positives au niveau fédéral. Industrie Canada, qui octroie les licences pour toutes les antennes, conserve un dossier pour chacune d'elles et met cette information à la disposition de tous ceux qui le souhaitent sur son site Web. Je crois que nous sommes le seul pays au monde à faire une chose pareille. Je sais que les États-Unis ne le font pas, alors qu'ils ont une Commission des communications fédérales dont le rôle est à peu près le même que celui d'Industrie Canada. Aux États-Unis, ceux qui veulent savoir où sont situées ces antennes et quel est leur champ de rayonnement sont obligés d'aller sur place pour vérifier à chaque fois l'information, alors qu'au Canada, si l'on consulte le site d'Industrie Canada, on a les informations pour la totalité du pays.

    J'ai demandé à mon étudiant de recueillir des informations sur les antennes situées dans diverses communautés, et ce sont ces informations que je vais vous présenter dans le cadre de mon exposé aujourd'hui. Je vais vous montrer les diverses capitales provinciales ainsi qu'Ottawa et le nombre de licences qui ont été émises. Il s'agit de toutes les installations, à l'exception des installations militaires, en date d'octobre 1999. Depuis, il y en a encore beaucoup plus. Le nombre évolue constamment et il est ventilé ici par année.

    Comme vous le constatez, nous n'avons pas d'information pour un très petit pourcentage de licences octroyées. Dans les années 50 et 60—en jaune—il y en avait très peu. La plupart du temps, c'étaient des antennes de radiodiffusion pour des émetteurs-récepteurs utilisés par la police et les services de télécommunications. Au cours des années 70—en vert—on a érigé de plus en plus d'antennes. Durant les années 80, leur nombre avait progressé de façon colossale, la plupart des antennes étant utilisées pour les télécommunications par téléphone cellulaire. Au cours des années 90, il y a eu de nouvelles poussées, et je crois que le nombre va encore grimper au cours des 10 prochaines années. Il y a donc eu une croissance exponentielle du nombre d'antennes partout, et pas seulement dans les capitales.

    Toronto a un problème particulier. J'ai ici le nombre de licences octroyées dans les années 90—autrement dit, sur une période de 10 ans. Le total des licences actuelles dans la ville de Toronto frise les 10 000. Si l'on prend une ville comme Ottawa et qu'on fait le total de ces antennes, on approche de 3 000, ce qui veut dire que vous aviez environ 3 000 antennes à Ottawa en 1999. Je pense qu'il faut dans ces conditions se poser la question: Peut-on être certain que toutes ces tours utilisées simultanément n'ont aucun effet sur la santé? Je pense qu'on a de très fortes raisons de penser qu'elles ont effectivement des répercussions sur la santé des populations environnementes.

    Il y a quelques années, les autorités de Toronto se sont inquiétées de la prolifération des antennes dans cette ville. Elles ont tenu une réunion publique à laquelle j'ai été invitée. Lors de cette réunion, on a proposé de remplacer les limites fédérales par d'autres limites. On proposait que les limites actuelles soient réduites de plusieurs centaines de fois pour assurer la protection du public. Il s'agissait uniquement des nouvelles antennes.

    La mauvaise nouvelle concernait les antennes déjà existantes. Si elles vous inquiètent, vous pouvez vous adresser aux fournisseurs de services de téléphone cellulaire et leur demander de vous fournir les informations sur la zone qu'ils desservent. Mais ils ne sont pas tenus de le faire. À mon avis, c'est un peu comme aller demander au renard combien de poules il reste dans le poulailler. Ce ne sont pas les bons interlocuteurs.

    Si vous demandez à Industrie Canada d'aller faire ces mesures, vous devez avoir une justification. Bien souvent, vous allez devoir recruter des ingénieurs qui vont faire des mesures et prouver que le rayonnement est très important, et à ce moment-là Industrie Canada pourra venir vérifier cette information. C'est la même chose aux États-Unis, où la situation est donc très semblable.

    J'ai dit que le problème se posait ailleurs, et je vais vous en donner quelques exemples.

    En Allemagne, on a installé un mât de télécommunications sans fil destiné aux communications numériques. Ce mât a été érigé en pleine campagne, à proximité d'un troupeau de vaches. On a constaté que la production de lait diminuait considérablement et que les vaches avortaient, alors que ça n'arrivait pas avant l'érection de cette tour. Pour étudier le cas de façon un peu plus scientifique, des chercheurs ont déplacé le troupeau vers un autre pâturage qui n'était pas dans l'axe de l'antenne de télécommunications. La production de lait est redevenue normale. Il y avait donc un lien avec l'exposition aux rayonnements de ce mât. On dit qu'un mât doit être à 200 ou 250 mètres de toute zone habitée. Je crois que dans ce cas particulier, il était à une cinquantaine de mètres, c'est-à-dire très près.

¿  +-(0945)  

    Il y a un autre exemple en Lettonie. Dans ce cas-là, on a installé une antenne de télécommunications qui avait une école dans son champ de rayonnement. L'un des enseignants s'est rendu compte que les élèves étaient devenus moins attentifs. Les parents se sont plaints de ce que leurs enfants dormaient mal. Le gouvernement s'en est inquiété. C'est quelque chose qui ne se produisait pas avant l'installation de cette tour. Ce sont des phénomènes qui se sont produits quelques mois après la mise en activité de cette tour, et le gouvernement a donc mis fin aux activités de cet émetteur en considérant qu'il y avait un lien de cause à effet.

    Voici un autre exemple assez intéressant. En Suisse, on a fait une étude sur la santé de la population en utilisant diverses méthodes subjectives pour déterminer l'état de santé ou les symptômes. On a demandé à un échantillon assez important de citoyens de prendre des notes quotidiennes sur leur santé. S'ils avaient un mal de tête, ils notaient qu'ils avaient eu un mal de tête ce jour-là ou qu'ils avaient tel ou tel symptôme. Quand les chercheurs ont examiné les données recueillies auprès de cet échantillon important—je crois qu'il y avait plus de 2 000 participants—ils ont constaté que pendant une période de trois jours, un pourcentage très important de ces répondants n'avait pas présenté les symptômes habituels. En vérifiant les dossiers de la tour de télécommunications, ils se sont rendu compte qu'elle n'avait pas fonctionné pendant ces trois jours, parce qu'elle était fermée pour réparation. Là encore, je crois qu'on a une preuve tout à fait convaincante des effets de ces tours sur la santé humaine.

    En Grande-Bretagne, les télécommunications sont très souvent réglementées au niveau fédéral, mais c'est au niveau municipal qu'on autorise le choix des emplacements. Dans certaines régions de Grande-Bretagne, les autorités ont décrété que ces antennes ne seraient pas autorisées sur les propriétés du conseil ou font intervenir la politique dite “de précaution”. Le point essentiel dans cette approche de précaution, c'est la phrase du bas: «Le processus de décision…qui consiste à attendre d'avoir “des preuves scientifiques concluantes” pour agir, a des chances d'être erronné». Je crois que c'est le cas aussi pour les télécommunications sans fil. Si nous attendons que tous les chercheurs scientifiques soient d'accord sur la question, nous allons nous retrouver avec de vastes épidémies de tumeurs au cerveau, de leucémie et d'autres retombées sur la santé humaine.

    Permettez-moi de faire quelques remarques sur les normes, les limites et les lignes directrices—toutes les informations que nous avons au Canada. Le Code de sécurité 6 est une ligne directrice. Ce n'est ni une norme, ni une limite. On ne peut donc pas imposer son application. La notion de restriction prudente, dont on parle aussi beaucoup à propos des champs électromagnétiques, signifie simplement qu'on essaie de réduire l'exposition. Nous pouvons nous protéger par des restrictions prudentes, ou demander à l'industrie des télécommunications d'exercer des restrictions prudentes en évitant d'exposer les populations. Mais encore une fois, c'est une simple directive qui n'est pas exécutoire. Ce qu'il nous faut, ce sont des normes exécutoires.

    Dans le résumé, j'ai dit que les normes et directives variaient selon les pays. Dans certains cas, il s'agit de normes. Dans d'autres pays, comme le Canada, ce sont de simples directives. Les normes sont liées à des fréquences car nous savons qu'il y a des effets liés aux fréquences. Une fréquence d'un million de cycles par seconde n'a pas le même effet qu'une fréquence de 100 milliards de cycles par seconde, et nous savons que les effets biologiques sont différents. Toutes les directives étant liées à certaines fréquences, j'ai essayé de choisir celles qui se chevauchent au moins dans une certaine mesure pour vous donner une idée de l'écart entre ces normes et directives.

    Parmi les meilleures, il y a celles de l'ex-Union soviétique, des pays communistes du bloc de l'Est. Parmi les pires, il y a celles du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Les normes américaines sont parmi les pires au monde. Les Américains ont aussi un lobby des télécommunications incroyablement puissant, de sorte qu'il est extrêmement difficile de faire évoluer les choses chez eux. Je pense que les perspectives sont un peu meilleures au Canada, mais vous pouvez constater que même si nos normes sont inférieures de 10 p. 100 à un dizième de celles des États-Unis, elles sont toutefois mille fois plus élevées que certaines des normes les plus strictes ailleurs dans le monde. Or, comme je vous le disais tout à l'eure, qu'on vive en Russie ou qu'on vive au Canadda, les effets biologiques sont les mêmes.

¿  +-(0950)  

    Les cataractes sont l'un des problèmes de santé associés aux champs électromagnétiques. Les yeux sont extrêmement sensibles, de même que les testicules. Ce sont deux parties du corps qui sont très peu irriguées. Par conséquent, si elles sont exposées à un rayonnement par micro-ondes, il y a un effet thermique localisé. Ce sont donc deux parties du corps qu'il faut protéger. À propos des testicules, on a publié des articles jugés par les pairs et des rapports sur les policiers qui utilisent des radars situés à proximité de leurs jambes. Le cancer des testicules est plus fréquent dans ce groupe que dans le reste de la population du même groupe d'âge.

    Certains individus peuvent même entendre les micro-ondes. Ils entendent un bourdonnement ou un cliquetis dans leur tête. D'autres, croyez-le ou non, peuvent percevoir des communications radio s'ils ont des plombages en métal. Par moments, ils captent une station de radio et ils entendent la musique ou le son, mais ils ne peuvent pas le couper ni changer de station. C'est extrêmement pénible. C'est une question de fréquence, parce qu'ils ont une sorte de petite antenne dans la bouche.

    On a aussi établi un lien avec l'asthme et diverses maladies du sang, notamment la leucémie. Mais la grande majorité des problèmes de santé concerne le cerveau. Certaines personnes établissent la preuve de maux de tête. On constate que l'activité des ondes cervicales est affectée si l'on se situe approximité de ces fréquences radio. L'incidence des tumeurs du cerveau est en progrès. Il y a actuellement un procès aux États-Unis à propos du Dr Christopher Newman, qui a utilisé un téléphone cellulaire depuis le milieu des années 80. C'est un médecin qui a une tumeur au cerveau. La société dirigée par Peter Angelos, l'avocat qui avait intenté des recours collectifs contre des compagnies de tabac et d'amiante, intente cette fois-ci un recours collectif contre les fabricants de téléphones cellulaires.

    Ce qui est intéressant à ce propos—et je n'en parlerai que très brièvement—c'est que les tumeurs du cerveau que l'on constate sont un peu différentes de celles que l'on constate normalement. Elles sont situées tout près de la surface du cerveau. On sait que les micro-ondes du téléphone cellulaire ne pénètrent que sur environ 2 centimètres dans le cerveau. Or, c'est exactement à cette profondeur-là qu'on trouve ces tumeurs. On constate aussi qu'elles se situent du côté où l'on utilise le téléphone cellulaire. Dans certains cas, c'est l'antenne et on constate très bien que la tumeur est située dans le champ de rayonnement de l'antenne. C'est une preuve incroyablement percutante qui va probablement faire la une des médias cet automne aux États-Unis en raison de ce recours collectif.

    Il est prouvé que les micro-ondes affectent la barrière hémato-encéphalique. C'est une barrière qui protège le cerveau contre les produits chimiques de l'environnement. Elle les empêche de pénétrer. En rendant cette barrière hémato-encéphalique plus perméable, on permet la pénétration d'autres produits toxiques et de produits chimiques potentiellement toxiques.

    On sait que les micro-ondes ont aussi un effet sur le sommeil, et j'ai parlé des effets sur les enfants qui étaient dans le champ de cette tour.

    Il y a des détériorations de l'ADN à des niveaux extrêmement faibles. C'est quelque chose qui vient d'être démontré et qui fera partie des preuves qui seront utilisées dans l'affaire Newman.

    Mais ce qui est vraiment intéressant, c'est que ces signaux peuvent aussi être utilisés pour soigner. On se sert du rayonnement de fréquences radio pour soigner des fractures de la hanche, des genoux et des chevilles, des endroits où la guérison est très difficile. Nous savons donc que ces fréquences ont des effets biologiques. Selon leur intensité et leur fréquence, ces effets peuvent être positifs ou négatifs. Le problème, c'est qu'on irradie des populations très importantes sans vraiment avoir une idée des retombées biologiques éventuelles de ce rayonnement.

    Puisque vous êtes le Comité permanent de l'environnement et du développement durable, je vous signale que Gro Harlem Brundtland, qui a été première ministre de la Norvège, a aussi été l'une des personnes qui ont contribué à popupariser la notion de développement durable. Voici la traduction d'un passage d'un article de journal paru il y quelques mois:

La directrice générale de l'OMS, Gro Harlem Brundtland (62 ans), a des maux de tête quand elle se sert d'un téléphone mobile. Pire: les personnes près d'elle doivent couper leur téléphone pour éviter de la déranger.

«Ce n'est pas au son, mais aux ondes que je réagis. Je suis devenue tellement hypersensible que je réagis à des téléphones mobiles à plus de 4 mètres de distance.»

Et elle ajoutait:

«Des gens sont venus dans mon bureau avec un téléphone mobile caché dans leur poche ou dans leur sac. On a testé mes réactions sans que je sache si leur téléphone était allumé ou éteint. J'ai toujours réagi quand le téléphone était allumé et jamais quand il était coupé. Il n'y a absolument pas de place pour le doute.»

    Il n'y a donc pas le moindre doute sur ce que je vous ai présenté et il est parfaitement clair qu'elle est affectée par ces téléphones.

¿  +-(0955)  

    Dans ce cas, il y a une question d'hypersensibilité. Certaines personnes réagissent de façon anormale à ce genre de rayonnement. Très souvent, quand ces gens-là consultent leur médecin de famille, il pense qu'ils sont fous et il les oriente vers un psychiatre. Je crois que ce genre d'hypersensibilité va se multiplier, de même que la sensibilité aux actions chimiques semble aussi progresser. Il y a en Suède un groupe qui s'occupe des personnes hypersensibles. Si cela vous intéresse, je peux vous donner ces informations.

    Si l'on examine les normes existantes—en mauve ici—et les effets prouvés en laboratoire en fonction du montant total, de l'intensité de la puissance émise… Je vous signale que j'utilise ici une échelle logarithmique, ce qui veut dire que chaque division est 10 fois plus élevée et non pas une fois. Tout d'abord, vous pouvez constater que l'exposition varie énormément. Le Canada est en vert, et il y a une gamme parce que cela dépend de la fréquence. Si l'on autorisait des densités de cet ordre, on aurait toutes sortes de retombées biologiques qui ont été déjà prouvées, notamment un accroissement de la mélatonine chez les vaches et une stérilité irréversible chez les souris.

    Il s'agit là de constats établis en laboratoire et certains diront que nous ne sommes pas des animaux de laboratoire. Ils veulent avoir des constats d'études réalisées sur des humains. Or, les preuves dans ce cas-là sont tout à fait semblables. On constate des effets sur les êtres humains. On a établi que l'exposition à certains rayonnement pouvait provoquer une leucémie chez les enfants, mais on continue quand même à tolérer des doses très élevées au Canada. En gros, on continue à laisser faire en attendant d'agir. Le problème, c'est qu'on ne peut même pas agir puisqu'il s'agit d'une simple ligne directrice et c'est donc très inquiétant.

    Il y a quelques années, Santé Canada a demandé à la Société royale du Canada de revoir les lignes directrices du Code de sécurité 6. Le document qu'elle a rédigé s'intitule Rapport sur les risques possibles pour la santé des champs de radiofréquences produits par les appareils de télécommunications sans fil. J'aimerais vous en citer quelques paragraphes.

    Au Canada, les lignes directrices concernant la sécurité des appareils produisant des champs RF sont contenues dans le Code de sécurité 6 de Santé Canada. Bien que le Code de sécurité 6 s'applique uniquement aux employés du gouvernement fédéral et aux équipements qu'ils utilisent, Industrie Canada se fonde sur ce Code pour attribuer les licences d'utilisation des appareils émettant des champs RF.

Donc, le Code ne s'applique même pas à d'autres personnes que les employés du gouvernement fédéral.

    Les gens qui citent ce document disent que la Société royale s'est contentée de dire que les lignes directrices existantes étaient satisfaisantes et qu'il n'y avait rien d'autre à faire. J'aimerais m'inscrire en faux contre cette opinion, en me fondant sur des citations de ce même document. Tout d'abord:

Par conséquent le groupe de travail conclut que les limites d'exposition pour certaines parties du corps peuvent ne pas assurer une protection complète des travailleurs contre les effets thermiques associés aux champs RF.

Par «limites d'exposition pour certaines parties du corps», ils entendent l'exposition dans la région du cou, des hanches et des poignets. Plus la partie du corps est mince, plus l'exposition est forte. Si l'on prend l'organisme tout entier, le comité dit que c'est correct. Au niveau de rayonnement fixé, il ne risque pas d'y avoir d'effet thermique sur l'ensemble de l'organisme. En revanche, il y risque d'y avoir un important effet thermique sur le cou si l'on parle avec un téléphone cellulaire ou si l'on est exposé au rayonnement de l'antenne, et il faut donc tenir compte de ces facteurs.

    Poursuivons:

    Il existe un nombre toujours croissant de preuves scientifiques qui indiquent que l'exposition à des champs RF à des intensités de loin inférieures au niveau pouvant causer une élévation de température mesurable, puisse affecter les cellules et les tissus.

Les lignes directrices du Code de sécurité 6 concernent uniquement les effets thermiques. Elles ne tiennent pas compte des autres retombées possibles, et même dans le cas des effets thermiques elles laissent à désirer. Si l'on a une retombée non thermique qui peut être démontrée biologiquement, le problème est de pouvoir prouver que c'est une retombée nocive. C'est là que se situe toute la controverse.

    Je poursuis:

Ces effets biologiques comprennent, entre autres, les changements au niveau de l'enzyme ornithine décarboxylase.

À  +-(1000)  

C'est une enzyme très fréquente dans les tissus cancéreux. Si l'on peut réduire la concentration de cette enzyme, on peut enrayer le cancer. Il y a donc un lien très fort entre la présence de cette enzyme et le tissu cancéreux, lien qui a tendance à s'accroître si l'on est exposé à des rayonnements RF.

    Certains de ces effets biologiques engendrés à des niveaux d'exposition non thermique peuvent être nuisibles pour la santé.

Autrement dit, on constate de plus en plus qu'il y a des risques pour la santé.

Le groupe de travail...recommande donc que les limites d'exposition pour les diverses parties du corps dans le cas des travailleurs soient revues quant au niveau et à la durée de l'exposition.

Et le groupe de travail suggère aussi que les limites d'exposition pour les yeux soient abaissées.

    Ce que dit en fait le groupe de travail, c'est que l'effet thermique est acceptable si l'on considère l'ensemble de l'organisme, mais pas si l'on prend des parties de l'organisme. Il faut tenir compte des effets autres que thermiques mentionnés dans la littérature scientifique.

    On a pris prétexte de la controverse dans le milieu scientifique pour ne pas agir. Permettez-moi de vous citer un passage d'un exposé de Charles Caccia à l'Université de Guelph l'an dernier. C'était son discours intitulé «La politique du développement durable»:

    Dans la législation canadienne, on trouve un principe de précaution énoncé dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement:

«en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.»

    Je crois que nous devons utiliser ce principe de précaution au moment de choisir l'emplacement des antennes de téléphonie cellulaire, et, à mon avis, il faut des mesures aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau municipal. Ici, on essaie de répondre à la question de savoir ce qu'il faut faire en ce qui concerne l'énergie électromagnétique émise par le matériel sans fil et par le matériel câblé, mais je vais me concentrer uniquement sur le matériel câblé.

    Nous devons absolument sensibiliser le public. Les gens doivent savoir à quoi ils sont exposés et comment diminuer cette exposition. Il faut également alerter la profession médicale, parce que les gens viennent voir les médecins et ceux-ci ne savent pas comment réagir devant les personnes qui ont des sensibilités inhabituelles à l'électricité. Il faut encourager les gens à la prudence, mais ils ne peuvent pas le faire tant qu'ils ne savent pas exactement à quoi ils sont exposés. Par conséquent, cette prudence doit être exercée par tous les fabricants de téléphones cellulaires et toutes les sociétés responsables de la conception et de l'installation des antennes.

    Il nous faut des normes, pas des lignes directrices. Nous avons besoin de quelque chose d'obligatoire. Pour les communications sans fil, je proposerais que les stations de base soient à au moins 500 mètres des endroits où les gens restent normalement assez longtemps. Cette recommandation ne vient pas de moi. Elle se trouve dans les publications spécialisées, mais c'est celle qui me paraît la plus raisonnable.

    Nous devons aussi établir des normes de radiation pour protéger la santé publique. D'après moi, la valeur devrait être de 0,1 microwatt par centimètre carré. Mais même si nous descendions à 1 microwatt par centimètre carré, ce serait déjà un immense progrès.

    Il faut surveiller les différentes zones, surtout là où il y a des enfants, parce qu'ils sont beaucoup plus sensibles à ce genre de radiation. C'est pourquoi il est lamentable de voir ces compagnies de télécommunications essayer de mettre sur le marché des téléphones cellulaires pour de jeunes enfants, surtout en Europe.

    Nous devons aussi nous préoccuper des centres urbains. Il y a là de nombreuses antennes qui interagissent entre elles.

    Et nous devons aussi encourager et soutenir la recherche sur les effets de ce genre d'exposition. Il y a en fait très peu d'argent consacré à ce genre de recherche.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, madame Havas.

    Très bien, nous allons commencer par M. Bigras, M. Comartin, M. Reid et Mme Redman.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, en ce qui a trait à l'utilisation des plombs comme leurres de pêche, dois-je rappeler que ma collègue de Saint-Bruno, lorsqu'elle a présenté la motion M-414 visant justement à exclure cet usage, agissait à titre de pêcheur, naturellement, mais son intention, à titre de marraine de cette motion, était aussi de protéger l'environnement. Dans une présentation qu'elle a faite, elle nous disait que les plombs étaient responsables de l'empoisonnement de 5 à 50 p. 100 des huards au Canada. Donc, la marge est assez large en termes de mortalité associée à l'ingestion de ce type de plombs.

    Ma question est la suivante. Combien y a-t-il d'études, et quelle est la moyenne du taux de mortalité associé à l'ingestion de ces plombs? Elle nous a dit qu'il y avait un taux de mortalité associé à l'ingestion de ces plombs qui se situait entre 5 et 50 p. 100. Quelle est la moyenne et quelles sont les études reliées au taux de mortalité des huards?

À  +-(1005)  

[Traduction]

+-

    M. Vernon Thomas (professeur, Département de zoologie, Université de Guelph): Le chiffre très élevé quant au taux de mortalité des huards vient des États de Nouvelle-Angleterre, région où beaucoup d'oiseaux adultes passent la majorité de l'hiver. Le chiffre qui est environ de 47 p. 100 ou plus correspond aux huards pendant l'hiver. Si vous prenez la moyenne pour l'Amérique du Nord, elle est d'environ 25 à 26 p. 100 pour tous les huards de toutes les catégories d'âges, c'est-à-dire aussi bien les oiseaux immatures que les oiseaux adultes.

    D'où viennent les données? Elles viennent des sources suivantes: résultats publiés de la School of Veterinary Medicine à Tufts University au Massachusetts, sous la direction du Dr Mark Pokras—données qui ont été largement publiées dans les ouvrages vérifiés par des comités d'étude; études de New York qui ne sont pas publiées mais font partie des travaux de recherche de l'État de New York effectués par le département de pathologie de la faune; études de l'État du Michigan qui ne sont pas publiées encore mais font partie des travaux du laboratoire de pathologie de la faune de l'État; et une étude de l'État du Minnesota, là encore non publiée encore, mais réalisée par le laboratoire de pathologie des poissons et de la faune.

    Au Canada, les résultats viennent essentiellement de deux sources. L'une a été publiée dans le International Journal of Environmental Management par un étudiant de deuxième cycle et moi-même, et c'est l'étude principale jusqu'ici. Nous avons des travaux venant du Atlantic Veterinary College, à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard , qui fait l'analyse pour les provinces atlantiques.

    Toutes les données canadiennes font partie de la très vaste base de données qui a été établie par le programme national de recherche sur la santé de la faune. Il s'agit d'un programme du gouvernement fédéral, du Service canadien de la faune, et des universités, avec une participation du Western College of Veterinary Medicine à l'Université de Saskatchewan, du Ontario Veterinary College à l'Université de Guelph, à l'Université Laval, et à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous combinons toutes nos données en une seule grande base de données, mais mon étude est la seule publication fondée sur cette base de données jusqu'à présent.

    Les chiffres sont considérables. Ce sont près de 600 oiseaux dans le cas du Maine, et j'ai donné d'autres chiffres pour d'autres États des États-Unis. Dans le cas de l'étude publiée que j'ai réalisée en 1988, l'échantillon correspondait à presque 215 huards morts qui avaient été examinés par des pathologistes reconnus. Il est clair qu'il y a beaucoup plus d'huards morts que ça, mais nous avons décidé de ne parler que des résultats obtenus pour les oiseaux examinés par des pathologistes.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Ma question s'adresse maintenant à Mme Havas. Je dirais que votre présentation est plutôt inquiétante dans la mesure où nous sommes tous touchés dans nos circonscriptions. Il y a même, à quelque deux kilomètres de chez moi, à peu près, une tour de communication sur une église située, dirais-je, à trois mètres d'une cour école. À cet égard, c'est assez inquiétant.

    Cependant, comme législateur, j'aimerais bien agir, mais dans votre document vous indiquez que les normes de Santé Canada, dans son Code de sécurité 6, sont parmi les plus élevées au monde. Donc, ma question est la suivante. Donnez-moi deux ou trois balises sur lesquelles on pourrait intervenir en termes de normes et dites-moi quels sont les pays qui ont été les plus proactifs, les plus vigilants en termes de protection. Est-ce qu'il y a d'autres exemples? Vous nous dites que le Canada est probablement un des pays où les normes sont les plus élevées, avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. Y a-t-il d'autres références? Y a-t-il des pays, que ce soit la Suède ou certains autres pays européens, où les normes sont plus sévères et où on pourrait justement trouver des modèles qui nous permettraient d'assurer une meilleure protection?

À  +-(1010)  

[Traduction]

+-

    Mme Magda Havas: En disant que ce sont des «normes élevées», je ne veux pas dire que ce sont de bonnes normes. J'entends par là que les niveaux d'exposition que l'on est prêt à tolérer sont élevés. C'est exactement l'inverse.

    Les pires pays sont le Royaume-Uni et les États-Unis. Le Japon, le Canada et l'Allemagne utilisent aussi beaucoup de communications à fréquences radio et se placent à l'avant-dernier rang. Les pays qui sont les mieux sont la Russie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. L'Italie commence à étudier la question très sérieusement, et les Italiens ont maintenant des lignes directrices qui deviennent beaucoup plus raisonnables. La limite est de moins de 10 microwatts par centimètre carré pour les fréquences radio. Ils deviennent aussi assez vigilants pour ce qui est des fréquences extrêmement faibles. Et la Suède examine aussi la question de très près.

    Il y a quelques années, il y a eu une conférence à Salzbourg, en Autriche, qui a abouti à la Convention sur la protection des Alpes, texte que j'ai cité et où l'on fixe le chiffre à 0,1 microwatt par centimètre carré.

    Je pense qu'il est en fait très difficle d'atteindre ce niveau de 0,1 microwatt. J'ai pris des mesures dans la ville de Toronto pour essayer de comprendre ce que seraient les niveaux. Ils sont même inférieurs aux lignes directrices proposées par la Ville de Toronto. Lorsque j'ai parlé au médecin hygiéniste qui est arrivé avec ce chiffre correspondant à un centième des lignes directrices fédérales, elle m'a dit que lorsqu'elle en avait parlé à des représentants d'Industrie Canada, ceux-ci lui avaient répondu qu'il serait impossible d'arriver à ce chiffre à Toronto, étant donné ce qui existait déjà.

    Vous disiez qu'il y a une tour de communications sur une église. C'est très fréquent. Les églises ont souvent des toits pointus très élevés. Il peut y avoir des problèmes concernant leur statut d'organisme de charité si elles acceptent de l'argent pour cela. Beaucoup se font payer de 1 000 $ à 3 000 $ par mois pour l'installation de ces tours de communications.

    Je pense que la proximité avec une école est particulièrement gênante. En fait, certaines écoles ont même permis à des sociétés de télécommunications d'installer des antennes parce que les écoles sont toujours à court d'argent.

    Donc, il y a d'après moi deux choses à prendre en considération. D'une part, la distance. Il faut veiller à ce qu'il y ait une distance minimum, une zone tampon, entre les antennes et les zones importantes comme les écoles. D'autre part, il faut essayer de diminuer les niveaux dans nos lignes directrices. Mais pour y arriver, il faudra faire face à une opposition énorme. Je peux certainement vous aider en vous donnant les références pertinentes prouvant les effets sur la santé, mais vous vous heurterez néanmoins à une très forte opposition. Personne dans le secteur des télécommunications ne veut que ce niveau soit réduit.

    Comme Industrie Canada vend les licences, je ne crois pas que ce soit l'instance appropriée pour assurer aussi la réglementation, dans la mesure où le ministère profite de la vente. Il faudrait peut-être mettre sur pied une autre organisation pour s'occuper de cela.

[Français]

+-

    Le président: Merci, Monsieur Bigras.

[Traduction]

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur Thomas, je vais vous poser une série de questions.

    Vous avez dit que les huards mouraient très rapidement. Pouvez-vous nous dire à peu près combien de temps s'écoule entre le moment où ils ingèrent les pesées de plomb et le moment où ils meurent? En ce qui concerne la quantité de plomb présent dans l'environnement actuellement, pouvons-nous faire quelque chose pour enlever ce plomb de l'environnement, ou la situation va-t-elle perturber encore pendant des centaines d'années notre population d'oiseaux? Enfin, au sujet des autres options que vous avez mentionnées, a-t-on fait des études sur leur incidence à long terme sur l'environnement naturel, là encore si elles sont ingérées par d'autres oiseaux?

À  +-(1015)  

+-

    M. Vernon Thomas: Pour ce qui est de votre première question sur le temps que les huards mettent à mourir, nous pensons que la période va de 10 à 14 jours. Ceci se fonde sur deux observations réelles de huards ayant pris un plomb à un pêcheur dans l'été, sur un lac où il n'y avait qu'un couple de huards. Les oiseaux ont ensuite été trouvés après 13 jours dans un cas et 14 jours dans l'autre, morts d'avoir ingéré des plombs de pêche.

    Nous n'aimons pas faire d'expériences en laboratoire sur ce genre de mortalité. C'est inutile. Mais nous pensons qu'il faut moins de deux semaines étant donné les poids moyens des pesées de pêche et des canards.

    Pouvez-vous me rappeler votre deuxième question, s'il vous plaît?

+-

    M. Joe Comartin: Il s'agissait de la quantité de plomb dans l'environnement. Y a-t-il quelque chose à faire et pendant combien de temps le problème va-t-il se poser?

+-

    M. Vernon Thomas: Le plomb dans l'environnement va rester là pendant des centaines ou même des milliers d'années, si l'on repense au plomb des Grecs et des Romains. Le plomb se décompose dans les eaux acides et se retrouve dans la végétation des eaux souterraines, mais la majeure partie du plomb de la grenaille et des pesées va rester là pendant des centaines d'années.

    Il y a deux types de plomb qui nous gênent. Dans le cas de la grenaille, c'est la grenaille qui est au fond du marais et qui va être ingérée par des oiseaux pendant très longtemps à l'avenir. Nous savons que si l'on utilisait de la grenaille non toxique, on pourrait réduire considérablement la mortalité due à l'empoisonnement au plomb chez les oiseaux aquatiques. D'après une étude publiée dans le Journal of Wildlife Management, qui est la bible des responsables de la gestion de la faune, de 1991—année où les États-Unis ont interdit la grenaille de plomb—à 1996-1997, environ 1,4 million d'oiseaux aquatiques ont été sauvés chaque année de l'empoisonnement par le plomb grâce à l'adoption de grenaille non toxique. C'est un gain énorme. C'est deux fois plus que ce que l'on pourrait obtenir en travaillant avec Ducks Unlimited pour accroître l'habitat de façon à encourager l'augmentation du nombre d'oiseaux aquatiques.

    Dans le cas des plombs de pêche, on sait que beaucoup de huards—on ne connaît pas la proportion, mais d'après les chiffres que nous avons, il se pourrait que les deux tiers des huards meurent empoisonnés par le plomb—absorbent du plomb présent dans un morceau d'appât vivant, que ce soit un poisson ou un ver. En passant à des formes de pesées non toxiques, on éviterait ce genre d'empoisonnement par le plomb chez les huards. Il y a toujours ces plombs au fond du marécage cependant et les oiseaux les consomment.

    Y a-t-il une façon de retirer le plomb des marécages? À moins de faire des excavations, non. Ce plomb est là pour longtemps. Il en va de même pour le plomb qui se dépose sur les champs de tir à la suite des activités de tir au fusil. Il est là pour longtemps, quoique dans le cas des champs de tir, on peut recourir à des solutions chimiques pour essayer d'amender le sol localement. Mais ceci ne peut pas se faire sur de très grands terrains, comme tous les lacs et les marécages d'Amérique du Nord.

+-

    M. Joe Comartin: Et j'avais aussi posé une question au sujet des autres options. A-t-on fait des études sur les risques d'impacts négatifs?

+-

    M. Vernon Thomas: Tout matériau approuvé pour remplacer le plomb au Canada et aux États-Unis doit subir un programme d'évaluation rigoureux qui dure environ deux ans et demi. Tous les produits de remplacement autorisés pour l'instant ont été évalués aussi bien pour leur incidence à court terme sur les oiseaux en cas d'ingestion, que pour leurs effets sur les autres dimensions de l'écosystème, que cet écosystème comprenne des végétaux, des invertébrés dans l'eau, des invertébrés sur terre, ou, bien sûr des humains. Toutes les dimensions de l'écosystème ont été prises en considération avant d'accorder une autorisation. Notre processus d'approbation est de très loin le plus rigoureux qui soit, quel que soit le pays considéré.

+-

    M. Joe Comartin: Madame Havas, comme nous utilisons tous des téléphones cellulaires, est-ce qu'on est moins exposé au risque si l'on se sert de l'écouteur pour que l'appareil soit plus éloigné du cerveau?

+-

    Mme Magda Havas: Oui, ça fait une différence. C'est l'antenne qui émet la radiation, donc lorsque vous parlez dans un téléphone cellulaire, vous émettez par l'antenne. Plus vous pouvez tenir cette antenne loin du cerveau, mieux c'est, bien sûr. La distance fait une grande différence de ce point de vue. J'ai dit que la radiation ne pénétrait qu'à deux ou trois centimètres dans le cerveau, et donc si vous penchez même un peu l'antenne pour l'éloigner de la tête, ça fait une grosse différence.

    En fin de compte, je crois qu'il faudra trouver un genre de dispositif écran que l'on puisse placer entre le cerveau et l'antenne.

    Donc ça change si l'on se sert de l'écouteur. Le problème c'est que vous le garderez sans doute dans une poche de poitrine et…

À  +-(1020)  

+-

    M. Joe Comartin: En fait, je le laisse dans ma poche du bas, et ça m'inquiète aussi. Vous parliez de cancer des testicules, et je vais donc peut-être arranger ça dans les minutes qui vont suivre.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Mme Magda Havas: Le téléphone cellulaire est en communication constante avec la station, donc il est toujours actif.

+-

    M. Joe Comartin: Du point de vue de la technologie, en dehors des remarques que vous avez formulées, vous n'avez pas proposé de technologie de remplacement. Existe-t-il une technologie de remplacement ou est-ce que c'est vraiment irréaliste étant donné le stade d'avancement de cette technologie-ci?

+-

    Mme Magda Havas: Vous parlez de quelque chose qui remplacerait les téléphones cellulaires?

+-

    M. Joe Comartin: Oui, et de toute l'utilisation de l'énergie électromagnétique.

+-

    Mme Magda Havas: Je ne pense pas que nous puissions changer cela. Tout ce que nous pouvons faire, au fond, c'est essayer de réduire notre exposition à ce genre d'énergie. Cela devra se faire partout.

    Nous pouvons réduire notre exposition. On peut orienter les tours de manière à ce qu'elles ne soient pas axées vers… Certaines sont omnidirectionnelles, et certaines sont un peu comme des lampes toches. Si la lampe-torche est axée sur un édifice et que vous déplacez son faisceau, vous allez faire une énorme différence. Le problème, c'est que l'industrie des télécommunications estime qu'il n'y a pas de problème et ne va donc pas apporter les toutes petites modifications rentables que cela impliquerait. Je pense donc que nous allons continuer à être exposés à cette multitude de formes d'énergie.

    Je pense que pour l'autre aspect de la question, il faudrait faire des recherches car nous n'avons pas de réponse. Certaines fréquences sont biologiquement actives alors que d'autres ne le sont pas. Si l'on pouvait commencer à faire des recherches pour savoir lesquelles sont les plus nocives… J'ai dit tout à l'heure que certaines avaient un effet positif. Si l'on pouvait commencer à comprendre l'interaction de ces fréquences et des êtres humains, on pourrait limiter certaines de ces télécommunications à des fréquences moins nocives que d'autres. Mais c'est un domaine dans lequel nous manquons de connaissances et dans lequel il faudrait donc pousser les recherches.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur, monsieur le président.

    Je tiens à saluer les deux témoins. Ils font un travail très utile et je leur suis très reconnaissant d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Monsieur Reed.

+-

    M. Julian Reed (Halton, Lib.): Monsieur le président, je vous présente mes excuses pour mon retard ce matin. C'est à cause de l'avion.

    Monsieur Thomas, les oiseaux sont-ils plus susceptibles d'être empoisonnés par le plomb que d'autres êtres animés comme les mammifères ou les êtres humains?

+-

    M. Vernon Thomas: La réponse est oui, et l'explication, c'est que les oiseaux n'ont pas de dents. Souvent, ils se servent de petites pierres dans leur estomac pour broyer leurs aliments. Le plomb, qui est une matière tendre, est très facile à moudre en très petits morceaux, et il ne quitte l'estomac que lorsqu'il est réduit en particules infimes. Donc le plomb sous forme de grenaille ou de turlutte reste dans l'estomac des oiseaux jusqu'à ce qu'il soit presque complètement réduit en poussière. Une fois transformé en ces minuscules particules, il se dissout facilement dans l'environnement acide de l'intestin et il est absorbé par l'organisme. C'est pour cela que les oiseaux sont plus vulnérables que les êtres humains par exemple.

+-

    M. Julian Reed: Merci. C'est très intéressant, car je me souviens que jadis, la tuyauterie des maisons en Ontario était souvent en plomb.

+-

    M. Vernon Thomas: C'est exact.

+-

    M. Julian Reed: Le réservoir d'eau au deuxième étage de la maison dans laquelle je vis avait un revêtement de plomb. Mon grand-père est mort jeune, à 96 ans, mais il a été exposé à ce plomb toute sa vie, depuis sa naissance jusqu'à sa mort.

+-

    M. Vernon Thomas: Dans le cas du plomb, le problème se pose surtout quand on a de l'eau acide qui peut détacher des particules de plomb de ce tuyau.

    Pour en revenir à votre question sur la vulnérabilité des êtres humains au saturnisme, l'un de nos problèmes vient de ce que nous avons un appendice. Si vous avalez par exemple un plomb de pêche—souvent, les pêcheurs en prennent dans leur bouche—ou si vous mangez un morceau de viande qui contient un plomb de chasse, ce plomb va traverser très rapidement votre estomac, mais il va souvent se retrouver coincé dans l'appendice. C'est là que vous allez avoir un énorme problème d'appendicite. Et avant cela, vous allez avoir absorbé du plomb dans votre organisme. C'est pour cela que c'est un problème pour les Autochtones.

+-

    M. Julian Reed: Merci.

    Madame Havas, j'aurais une question à propos de ce que vous appelez le rayonnement électromagnétique émis par matériel câblé. Vous dites que les lignes de transport d'électricité vous inquiètent. Qu'en est-il des centrales?

À  +-(1025)  

+-

    Mme Magda Havas: Les centrales m'inquiètent surtout à cause de l'exposition des personnes qui se trouvent à proximité. Les personnes exposées à l'énergie des centrales ne sont pas très nombreuses, mais à partir du moment où l'on commence à distribuer l'énergie produite par ces centrales au moyen de câbles, l'on crée un champ électromagnétique autour du câble. Si ce câble passe près de votre maison, vous ne pouvez pas échapper à son champ magnétique, car il est assez important.

    Plus de deux douzaines d'études ont maintenant été réalisées sur la leucémie chez les enfants qui vivent à proximité de ces lignes électriques. Ces études ont mis en évidence un accroissement de l'incidence de la leucémie chez les enfants, accroissement qui va du double au quintuple selon le champ magnétique émis par le câble en question. On a constaté que les jeunes enfants étaient plus vulnérables que les enfants plus âgés. Chez un enfant de six ans, le risque est encore plus élevé que chez les jeunes de moins de 16 ans. Les adultes ne semblent pas affectés par ce niveau d'énergie. La limite qui a été déterminée à partir de ces étudies épidémiologiques—et il s'agit maintenant de la force du champ magnétique et non de la densité d'énergie, c'est très différent—est de l'ordre de 2 à 4 milligauss, les unités qu'on utilise. On sait que l'exposition de nuit est critique car un enfant va rester au même endroit pendant 8 à 10 heures. C'est vrai aussi pour les adultes, et il faut donc s'assurer qu'on est très peu exposé la nuit. Des objets comme les couvertures électriques augmentent considérablement cette exposition, et des études ont révélé un risque d'avortement chez les femmes exposées à un champ magnétique lorsqu'elles dorment avec une couverture électrique ou sur un lit d'eau chauffé électriquement, ce qui produit un champ magnétique.

    Outre ces études sur l'exposition des enfants en milieu résidentiel, on constate une augmentation du nombre de tumeurs du cerveau, de cancers du sein et de leucémies chez les adultes exposés en milieu de travail. Ces constats ont aussi été obtenus dans le cadre de tout un éventail d'études, et par conséquent l'exposition aussi bien en milieu résidentiel qu'en milieu de travail est très inquiétante.

    Dans le cas des enfants, il y a un autre environnement critique, c'est l'école, compte tenu du temps qu'ils y passent. Nous faisons des études sur les écoles, mais les directeurs de l'enseignement et les administrations de ces écoles ne coopèrent pas beaucoup. Quand j'ai téléphoné à la directrice d'une de ces écoles, elle m'a demandé ce que je comptais faire de ces informations. Quand je lui ai dit que nous les rendrions publiques, elle nous a interdit tout accès à tout son secteur. Donc, les directeurs de l'enseignement ne veulent pas entendre parler de cela.

    Nous faisons faire des mesures par les élèves eux-mêmes maintenant. Nous allons dans des classes de physique, nous donnons les instruments aux élèves et nous leur apprenons rapidement à prendre des mesures, et ce sont eux-mêmes qui déterminent leur taux d'exposition dans leur école. Nous savons qu'il y a des niveaux à ne pas dépasser, et je pense que nous aurons là des informations de poids pour les conseils scolaires.

+-

    M. Julian Reed: Avez-vous fait des recherches auprès des travailleurs de l'industrie électrique?

+-

    Mme Magda Havas: Personnellement non, mais il y a eu des études. L'une des plus importantes a été menée par Hydro Ontario en collaboration avec Hydro-Québec.

+-

    M. Julian Reed: Vous connaissez leurs conclusions?

+-

    Mme Magda Havas: Elles ont mis en évidence un risque accru d'une forme rare de leucémie chez les adultes qui travaillent dans des centrales électriques. L'incidence semble augmenter avec la durée d'exposition, ce qui évoque la possibilité d'une relation dose-réponse. Et toutes ces données ont été normalisées en fonction de l'âge, donc il ne s'agit pas simplement d'une hausse du risque de leucémie chez les travailleurs plus âgés.

    Ces résultats n'ont pas vraiment enthousiasmé les autorités des deux entreprises. Des gens d'Hydro Ontario m'ont dit qu'ils avaient fait cette étude dans l'espoir de pouvoir démentir d'autres études, et que c'était comme cela qu'ils avaient découvert cette forme rare de leucémie chez les adultes. L'étude n'a pas révélé d'augmentation du risque de cancer du sein chez les hommes, alors que c'est ce que montraient d'autres études, et elle n'a pas montré non plus un hausse du risque de tumeurs du cerveau.

+-

    M. Julian Reed: Il s'agissait des gens qui travaillaient sur les lignes électriques elles-mêmes. A-t-on constaté une différence entre ces travailleurs et ceux qui travaillaient dans les centrales?

+-

    Mme Magda Havas: En fait, l'étude portait sur tout le monde. C'était l'ensemble des employés des centrales.

+-

    M. Julian Reed: Oh, c'était tout le monde.

+-

    Mme Magda Havas: Oui.

+-

    M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Reed.

    Avant de donner la parole aux trois intervenants suivants, je voudrais profiter de ce que nous avons un confortable quorum pour présenter un motion préparée par M. Mills. Elle est au Feuilleton et elle a été présentée conformément au Règlement.

    Les deux vice-présidents ont manifesté un intérêt pour cette conférence. La motion est rédigée de façon à permettre à tous les membres du comité qui le souhaiteraient—à condition évidemment que les leaders à la Chambre donnent leur assentiment—d'aller à Washington assister à cette conférence début juin. La motion de M. Mills a été présentée avant la semaine dernière, donc le délai de 24 heures a été largement respecté.

    Quelqu'un propose-t-il cette motion?

À  +-(1030)  

+-

    M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Moi.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bailey. Y a-t-il des commentaires ou questions? Non?

    (La motion est adoptée)

    Le président: Merci.

    La parole est maitenant à Mme Redman, suivie de M. Bailey et du président.

+-

    Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Madame Havas, tout ceci me ramène à l'époque où j'étais syndic scolaire. Il y avait des lignes à haute tension qui passaient juste au-dessus de notre école, et nous sommes passés de l'air du «Nos scientifiques sont meilleurs que les vôtres» à celui du «Nos avocats sont meilleurs que les vôtres». La dynamique dont vous parlez est regrettable, mais c'est probablement moins la directrice que le conseil scolaire lui-même qui impose ce genre d'attitude.

    Puisque vous dites qu'il faut faire un travail d'éducation—et il y a manifestement un aspect qui concerne la santé, mais nous sommes le comité de l'environnement—et que vous avez déjà mentionné le mandat d'Industrie Canada, quel serait d'après vous le meilleur contexte pour mener les recherches et trouver l'appui nécessaire pour s'attaquer à ce problème?

+-

    Mme Magda Havas: Vous parlez du matériel câblé ou du matériel sans fil? Ce n'est pas pareil.

+-

    Mme Karen Redman: J'ai l'impression que vous vous concentrez plus sur le matériel câblé, mais si vous voulez répondre pour les deux cas, il n'y a pas de problème.

+-

    Mme Magda Havas: Dans le cas de la recherche sur l'énergie émise par matériel sans fil, le travail fondamental consiste à comprendre les effets biologiques. Il faut donc comprendre les mécanismes. Nous avons pour l'instant une certaine idée des mécanismes concernés. Je vous ai parlé de la barrière hémato-encéphalique et de l'enzyme liée au cancer, ce qui montre que nous commençons à avoir une certaine idée de ce genre de chose. Mais il faut pousser ces recherches pour que les gens qui refusent de changer la réglementation ne puissent plus nier l'existence du problème. Il faut faire des recherches sur les questions vraiment fondamentales, c'est-à-dire la réponse biologique à des fréquences différentes, à des intensités différentes et à des mélanges différents de ces champs électromagnétiques. Tous ces éléments constituent un champ d'études scientifiques.

    L'autre domaine qui doit être étudié scientifiquement, c'est le contrôle. Nous ignorons à quoi ressemblent ces champs. J'ai des instruments que j'emmène avec moi un peu partout, bien que je ne les aie pas apportés ici aujourd'hui. J'ai pu constater par exemple qu'en matière de fréquences radio, quand je suis au dernier étage d'un hôtel où je séjourne quand je viens à Ottawa, je capte des ondes radio dans ma chambre. Souvent, je choisis pour dormir le lit qui est le plus éloigné de la fenêtre car les ondes sont presque comme un faisceau électrique qui entre dans la pièce. Je ne vois pas ce faisceau mais je n'y suis pas exposée si je ne suis pas sur sa trajectoire.

    On travaille très peu sur le contrôle. Industrie Canada ne fait strictement rien dans ce domaine. Le ministère s'en remet aux fournisseurs d'antennes pour téléphones cellulaires, mais ces fournisseurs ne font aucun contrôle de leur côté. Ils se contentent de calculer l'intensité de leur champ et ils font le calcul pour leur propre antenne. Le problème, c'est que sur une tour, vous pouvez avoir de multiples antennes. Sur la seule Tour du CN, il y a 280 antennes qui interagissent toutes de diverses manières. Elles ont des effets cumulatifs, ce qui veut dire qu'elles se superposent. Elles peuvent s'annuler mutuellement. Elles peuvent faire toutes sortes de choses.

    Nous n'avons tout simplement pas la moindre idée de ce que cela entraîne. Nous ne savons pas à quoi ces champs ressembleraient si on les convertissait en lumière. Il faut donc faire des recherches sur le contrôle pour savoir exactement à quoi sont exposés les individus.

    C'est à mon avis dans ces deux domaines qu'il faut faire des recherches scientifiques.

+-

    Mme Karen Redman: Si on essaie de trouver l'autre bout de la ficelle pour essayer de commencer à faire bouger un peu les choses… Vous avez parlé de la différence entre lignes directrices et réglementation. Pensez-vous que c'est avec des règlements qu'on pourrait déclencher ce genre de recherche scientifique? Les universités ne font pas ce genre de recherche parce que cela n'intéresse pas les gens? J'essaie simplement de voir quelle pourrait être l'étape suivante. Si nous reconnaissons qu'il y a là quelque chose d'inquiétant et qu'il faudrait pousser les recherches, que peut faire le gouvernement pour faire avancer les choses?

+-

    Mme Magda Havas: Je pense qu'il faut d'abord débloquer des fonds. Au départ, je faisais des recherches sur les pluies acides. Aussi bien au niveau fédéral que provincial, il y a eu un énorme effort pour trouver des réponses au problème des pluies acides. Les sommes mises à la disposition des personnes qui voulaient faire des recherches sur les pluies acides ont été colossales, et on a donc vu des chercheurs de toutes sortes d'horizons se regrouper et coopérer. En l'espace de 10 ans, nous avons accompli des progrès qui auraient pris normalement 30 ans, simplement parce que nous avions les fonds nécessaires.

    Actuellement, il y a un laboratoire de Colombie-Britannique qui fait ce genre de recherche, et il y a aussi des gens à l'Université McGill, ainsi que quelques poches isolées d'individus qui essaient d'obtenir assez d'argent pour faire ces recherches. Si l'on donnait des fonds au CRSNG, au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, je pense que ce serait extrêmement utile. On a mis en évidence la nécessité de pousser les recherches dans ce domaine, et l'on pourrait ainsi regrouper des physiciens qui ont de sérieuses objections à ce qui se passe actuellement. Ils pourraient alors procéder au contrôle essentiel dont on a besoin.

À  +-(1035)  

+-

    Mme Karen Redman: J'ai lu dans le journal ce matin un article sur la mise au rancart des téléphones cellulaires. Je ne sais pas ce que les autres en pensent, mais j'ai mis le mien dans mon sac en me disant: «Oh là là, il est temps que je me débarrasse de ce machin». Je me demande si on a fait aussi des recherches sur les BlackBerries.

+-

    Mme Magda Havas: Ils ont un rayonnement très faible, donc ce n'est pas du tout la même chose. Ils ne fonctionnent que quand vous vous branchez sur votre courrier électronique. Les BlackBerries fonctionnent à l'énergie infrarouge, et il faut être près de la source de contact pour les activer. Là encore, ce sont des appareils qui fonctionnent en visibilité directe, donc c'est la ligne de mire qui est importante. Il ne faut pas laisser votre main sur la ligne de mire, car cela va entraver la communication.

+-

    Mme Karen Redman: Merci beaucoup. Je crois que vous soulevez une questions très importante. Malheureusement, j'ai dû m'absenter entre l'exposé de M. Thomas et le votre. Je voulais essayer de vous faire parler des pesées et des turluttes en plomb quand je suis revenue, mais cela n'a pas marché.

    Monsieur Thomas, merci beaucoup aussi pour votre très importante intervention. Étant donné la réaction très négative jusqu'à présent à propos des plombs et des turluttes, pensez-vous que nous devrions attendre d'avoir les résultats des recherches sur l'impact sur la faune avant d'adopter une autre interdiction pour les espèces migratoires étrangères qui sont actuellement exclues de la loi?

+-

    M. Vernon Thomas: Je ne crois pas, et ce pour plusieurs raisons--je vais commencer par les plombs de pêche et les huards.

    Depuis 15 ans que nous examinons ces résultats--tant au Canada qu'aux États-Unis--nous nous sommes uniquement contentés d'augmenter la taille de l'échantillon de huards. Ce qui est intéressant, c'est que le pourcentage de huards morts des suites de l'ingestion de plomb est demeuré remarquablement constant durant toute cette période. Je dirais donc que si c'est la tendance que l'on constate, pourquoi aller chercher encore d'autres échantillons? Ce n'est pas comme s'il y avait un seuil critique ou un niveau critique en deçà duquel on ne fait rien, et au-delà duquel on intervient. Il s'agit essentiellement d'une procédure subjective.

    De plus, dans le cas de l'espèce que j'ai mentionnée, la bécasse, il ne s'agissait pas simplement d'un petit échantillon, mais de centaines et centaines d'oiseaux du nord-est des États-Unis, de l'est du Canada et de l'Ontario. Les preuves sont accablantes. Le Dr Scheuhammer a dit qu'environ 40 p. 100 des oiseaux qu'il a examinés—il examinait les os de ces oiseaux—avaient été exposés au plomb. Si l'on appliquait à la bécasse le même critère de 5 p. 100 que celui qui a été utilisé par le Canada pour interdire la chevrotine pour la chasse au gibier d'eau, les bécasses seraient dès demain placées dans la même annexe que le gibier d'eau.

    Il ne s'agit donc pas de multiplier les études. Ce qui compte, c'est plutôt la qualité des recherches et la taille des échantillons qui ont été utilisés. À mon avis, on pourrait agir dès aujourd'hui si on le voulait.

+-

    Mme Karen Redman: Avant le début de cette réunion, nous avons eu tous les deux une brève conversation sur les relations entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Avez-vous cherché à avoir l'opinion des provinces sur l'extension de l'interdiction de la chasse de certaines espèces relevant de leur responsabilité, et si oui, quelle a été leur réaction?

+-

    M. Vernon Thomas: Nous avons surtout examiné la situation en Ontario, au Manitoba et en Alberta. Dans les trois cas, la réponse de la province a été très semblable, c'est-à-dire qu'on admet que les pathologistes ont constaté un problème. Toutefois, pour l'instant, les provinces estiment que ce n'est pas un problème suffisamment sérieux. Les autorités ontariennes soutiennent que les huards sont plus souvent victimes des pesées de pêche elles-mêmes que de l'empoisonnement par des plombs. À cela, je réponds que la route tue plus que l'avion, mais que cela ne nous empêche pas d'essayer d'améliorer la sécurité de nos aéroports et de nos avions.

    L'autre attitude des provinces consiste à dire qu'on n'a pas encore pu prouver cet énorme problème de saturnisme chez la sauvagine. C'est vraiment refuser de voir la réalité. Aussi bien aux États-Unis qu'au Canada, on commence à constater chez certaines espèces d'importants problèmes d'ingestion de plomb et de saturnisme chez le gibier des hautes terres.

    Un autre argument consiste à dire que les produits de remplacement ne coûtent pas le même prix que le plomb et qu'il y a un problème de coût. Or, on constate maintenant qu'on a des munitions en acier non toxique de haute qualité qui coûtent à peu près la même chose que les munitions en plomb, et notamment les munitions en plomb de haute qualité, de sorte que c'est un argument de moins en moins valable. Certes, certains produits de substitution, qui utilisent par exemple du bismuth ou du tungstène, coûtent plus cher. Mais quand on songe au coût total de la chasse et de la pêche, le coût des munitions et des plombs de pêche ne représentent qu'une petite fraction de l'ensemble.

À  +-(1040)  

+-

    Mme Karen Redman: J'ai une dernière question: À votre avis, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement est-elle un instrument efficace pour interdire les plombs de fusil ou pensez-vous qu'il y aurait une autre démarche plus efficace?

+-

    M. Vernon Thomas: Je pense qu'elle peut être un instrument efficace. N'oubliez pas que votre comité a recommandé en 1995 que la LCPE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, serve d'instrument législatif pour interdire non seulement l'utilisation, mais la fabrication, la vente et l'importation de plombs pour la pêche et de plombs de chasse. Je ne vois aucun changement. En fait, j'ai écrit un article à ce sujet dans un de mes journaux internationaux à comité de lecture anonyme. J'ai dit que le plomb figurait déjà dans l'Annexe 1 de la LCPE. Mais il s'agit du plomb qu'on trouve dans l'atmosphère et dans le sol et du plomb qui vient des fonderies. Comme cette matière figure à l'Annexe 1 de la Loi, le ministre doit énoncer des règlements, s'il le juge bon, pour contrôler la fabrication, la vente et l'importation. Si l'on modifiait la loi ou si l'on y précisait que le plomb de chasse et de pêche qu'on trouve dans l'environnement ne présente aucune différence chimique avec le plomb des fonderies, on pourrait très bien invoquer la LCPE pour contrôler l'importation, la vente, la fabrication et l'utilisation de plombs de chasse et de pêche. C'est à ce niveau qu'on pourrait faire respecter le règlement, puisqu'on solutionnerait le problème au niveau de la vente, de l'importation et de la fabrication. Ce ne serait donc plus à la discrétion de l'utilisateur.

+-

    Le président: Merci, madame Redman.

    Monsieur Bailey.

+-

    M. Roy Bailey: Merci beaucoup. Je prie les témoins de m'excuser d'avoir dû m'absenter, monsieur le président. J'imagine qu'on a déjà répondu à certaines des questions que j'aurais voulu poser. J'en suis certain.

    Vos deux sujets m'ont beaucoup intéressé, surtout en raison de leur actualité. Le plomb m'a coûté beaucoup d'argent de diverses manières depuis des années, mais surtout à cause de ma négligence quand j'ai laissé traîner de vieilles batteries alors que j'aurais dû immédiatement les porter au garage.

    Je comprends bien ce que vous dites à propos des provinces qui légifèrent alors que d'autres ne le font pas, etc. J'ai l'impression que cette responsabilité concerne non seulement le Canada et les États-Unis, mais aussi la totalité du continent nord-américain. Je pense que cela ne sert pas à grand-chose que le Michigan—car je crois que vous avez parlé du Michigan—interdise les plombs de chasse, etc. si les États voisins ne le font pas. Si c'est le cas, on ne fait que déplacer le problème.

    Vous avez parlé de l'aspect coût. À mon avis, une fois que l'on aura interdit le plomb et qu'il y aura un plus grand volume de ces nouveaux projectiles sur le marché, les prix vont baisser, non?

    Quand on a adopté au départ des produits de remplacement dans les Prairies—et il se trouve que je vivais sur la trajectoire de la grande voie migratoire du Canada—la loi a été respectée. La seule plainte que les chasseurs ont formulée, c'était que les nouveaux projectiles n'avaient pas la même portée. Mais ensuite, ils ont été totalement acceptés.

    Je suis bien d'accord pour que le plomb ne soit pas interdit seulement pour le gibier d'eau, mais aussi pour le gibier des hautes terres. Ce gibier des hautes terres alimente une industrie importante dans la région où je vis. Mais j'ai l'impression que la Saskatchewan ne doit pas essayer de faire cela toute seule. Il faut que ce soit une initiative nationale. Et c'est la même chose pour les États-Unis. Dans la plupart des cas, notre gibier des hautes terres ne migre pas. Néanmoins, il y a un problème parce que les chiens ne trouvent pas toujours les faisans ou le gibier des hautes terres. Vous allez avoir un oiseau qui va rester là et finir par se faire manger par un coyote ou un autre animal, et la chaîne va se poursuivre. J'affirme donc qu'il doit s'agir d'une initiative nationale.

    L'autre question qui me préoccupe, c'est le type de plomb qu'on utilise. M. Reed a parlé du type de plomb utilisé pour la plomberie. Quand j'avais un animal qui souffrait et qui était manifestement anémié, le diagnostic le plus fréquent était ce qu'on appelle la «réticulopéritonite». La vache avait avalé quelque chose dans l'air et il fallait lui injecter un aimant. Cet aimant restait dans la vache pendant toute sa vie, et il attirait le métal. Cet aimant n'était-il pas fait en plomb?

À  +-(1045)  

+-

    M. Vernon Thomas: Non.

+-

    M. Roy Bailey: Oh. J'avais toujours cru que c'était du plomb.

+-

    M. Vernon Thomas: Le plomb n'a strictement aucune vertu magnétique. Les aimants sont faits à base de fer—du fer et du manganèse ou du fer et du zirconium—et c'est cela qui produit l'effet magnétique, pas le plomb.

+-

    M. Roy Bailey: Eh bien, j'aurai vraiment appris quelque chose aujourd'hui. Je croyais que l'aimant qu'on mettait dans l'estomac de la vache était en plomb, mais je me trompais.

    J'ai écouté la même émission que Mme Redman à propos de la mise au rancart des téléphones cellulaires. Je l'ai écoutée pendant une heure. Il y avait des gens qui en connaissaient bien plus long que moi sur la question. J'ai l'impression que nous allons avoir besoin de quelque chose de semblable à ce que nous avons pour les BPC. Il va falloir des entrepôts spéciaux pour ces téléphones cellulaires. D'après ce que vous avez dit et ce que j'ai entendu, il faudrait en installer au niveau des villes, au niveau provincial etc. Je pense que le contenu de ces téléphones est une véritable menace pour la santé même lorsqu'on ne peut plus s'en servir. C'est bien cela?

+-

    Mme Magda Havas: C'est bien ce que je pense. Je crois qu'il faudrait renoncer à l'idée du téléphone cellulaire jetable. Il faudrait les concevoir de manière à ce qu'ils durent longtemps ou les fabriquer de façon à pouvoir les démonter et en recycler les diverses pièces.

+-

    M. Roy Bailey: Exactement.

    Et c'est justement la dernière remarque que je voulais faire: Vous avez dit que l'industrie elle-même n'avait pas de bons moyens d'effectuer des mesures. Quand on installe une antenne sur une tour, est-ce qu'on ne donne pas automatiquement les fréquences de rayonnement? Est-ce que c'est toujours la même présentation?

+-

    Mme Magda Havas: Oui. On donne les fréquences. On donne toutes ces informations. Le problème, c'est qu'une fois qu'on a plus d'une antenne, les antennes interagissent.

+-

    M. Roy Bailey: Sur la même…

+-

    Mme Magda Havas: Sur la même tour, oui. Or, personne ne donne cette information. Cela représenterait des calculs mathématiques tellement compliqués qu'on ne le fait pas. Il faudrait aller mesurer sur place.

    Donc les fournisseurs doivent effectivement communiquer ces données individuelles pour les antennes qu'ils fournissent, mais ils n'ont pas à le faire cumulativement.

+-

    M. Roy Bailey: Donc à chaque fois qu'on en rajoute une, on ne…

+-

    Mme Magda Havas: Exactement.

    Dès que quelqu'un érige une tour de relais, il veut la louer au plus grand nombre possible de fournisseurs de signaux puisque c'est comme cela qu'il la rentabilise. Aux États-Unis, on appelle cela l'immobilier vertical. Il y a des gens qui achètent juste une parcelle de terre, qui y érigent une tour et qui obtiennent une autorisation en sachant qu'à chaque fois qu'un fournisseur de téléphones cellulaires va vouloir installer un relais sur cette tour, cela va rapporter 1 000 $ de revenu par mois tant que l'antenne restera là. Donc, pour certaines personnes, c'est un simple investissement, et c'est vraiment très inquiétant.

+-

    M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bailey.

    J'ai une ou deux questions moi-même, et ensuite nous pourrons faire un bref deuxième tour pour ceux que cela intéressera.

    Monsieur Thomas, en réponse à la question de Mme Redman, vous avez dit que puisque le plomb des fonderies était déjà mentionné dans la LCPE, on pourrait très bien élargir cette disposition pour inclure aussi les plombs de chasse. Mais n'y a-t-il pas une différence importante entre le plomb des fonderies, qui est vaporisé, et le plomb sous forme solide? Autrement dit, comment faire?

À  +-(1050)  

+-

    M. Vernon Thomas: Vous pensez peut-être qu'il y a une différence parce que le plomb qui sort de la fonderie se présente sous forme de minuscules particules atmosphériques, mais ce sont quand même de petites particules de plomb. Du point de vue chimique, il n'y a aucune différence entre un milligramme de plomb dans le sol qui provient d'une fonderie et un milligramme qui vient de plombs de chasse. Sur le plan chimique, c'est exactement la même chose, c'est du plomb métallique dans les deux cas. Les deux formes de plomb suivent exactement le même cheminement dans le sol. Dans les deux cas, ce plomb peut être absorbé par des êtres vivants, des animaux ou des humains. Sur le plan chimique, il subit les mêmes transformations. Il a le même destin chimique. Et c'est la même chose pour les plombs de pêche, même si ces plombs sont immergés dans l'eau. Encore une fois, toutes ces formes de plomb ont exactement le même cheminement chimique. Il n'y a aucune différence.

    La question est donc tout simplement de savoir si nous sommes prêts à regrouper en une seule catégorie plusieurs formes de plomb qui sont de toute façon identiques sur le plan de l'environnement. En tant que scientifique, je crois que le principe de cet amendement est parfaitement acceptable.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Havas, dans votre exposé, vous avez parlé de la Ville de Toronto et de sa demande. Savez-vous à qui elle a adressé cette demande?

+-

    Mme Magda Havas: C'était à Industrie Canada. Industrie Canada avait des représentants à la réunion publique que la Ville a organisé.

+-

    Le président: Donc c'est Industrie Canada qui décide des normes?

+-

    Mme Magda Havas: C'est l'organisme qui établit les normes au niveau fédéral, en effet. Toutefois, je ne sais pas si d'autres paliers peuvent déterminer des normes plus rigouses que les normes fédérales pour ce genre de rayonnement. Je ne sais même pas si c'est possible. C'est quelque chose qu'on envisage aux États-Unis, par exemple. Tout récemment, il y a eu un problème de qualité de l'eau dans un des États. C'était peut-être le Michigan, mais je ne me souviens plus très bien. Quoi qu'il en soit, un État voulait imposer des normes plus rigoureuses que les normes fédérales, et on lui a donné l'autorisation de le faire. Mais je ne sais absolument pas si l'on pourrait faire le même genre de choses au Canada.

+-

    Le président: Les normes canadiennes actuelles ont-elles été fixées par Industrie Canada?

+-

    Mme Magda Havas: Oui, sur la base des informations fournies par Santé Canada.

+-

    Le président: Est-ce qu'une province a essayé de fixer des normes?

+-

    Mme Magda Havas: Pas à ma connaissance. La plupart des gouvernements provinciaux n'en savent pas assez sur la question. C'est un domaine relativement nouveau. Nous n'avons pas suffisamment d'information pour permettre aux décideurs de se prononcer en connaissance de cause, et cela nous freine beaucoup. En fait, les gouvernements provinciaux ne s'occupent même pas de l'emplacement des tours de téléphonie cellulaire, ce sont les administrations municipales qui décident. C'est une responsabilité fédérale et municipale. Ce sont ces deux paliers qui sont responsables des sites d'implantation de ces tours. Bien souvent, le seul critère consiste à savoir si la tour risque de tomber sur un édifice dans le cas où elle s'effondrerait. Les fréquences radio ne sont pas même pas considérées comme un élément important dans les délibérations municipales.

+-

    Le président: Enfin, estimez-vous qu'il existe suffisamment de preuves scientifiques pour qu'on invoque le principe de précaution?

+-

    Mme Magda Havas: Certainement. Je n'ai pas le moindre doute là-dessus. Je crois que nous avons suffisamment de preuves scientifiques pour abaisser le niveau actuel des lignes directrices au Canada. Je crois que nous agissons de façon complètement irresponsable.

    Quand on examine les faits, les chercheurs scientifiques ne sont pas tous d'accord. Nous avons beaucoup de points de désaccord. Mais les preuves commencent à…c'est un peu comme quand les pièces d'un casse-tête commencent à s'imbriquer les unes dans les autres. D'ici cinq à 10 ans, je pense que nous aurons des données biologiques qui démontreront clairement la nocivité de toutes ces choses, et que les gouvernements qui refuseront d'agir à ce moment-là seront purement et simplement irresponsables. Le problème, c'est que le secteur des télécommunications est tellement puissant que quand il lance ses propres experts scientifiques dans la bataille, on a un gros problème.

    Dans l'affaire en cours aux États-Unis dont je vous parlais, l'une des questions sur lesquelles le juge se penche actuellement est de savoir s'il doit ou non admettre les preuves scientifiques financées par l'industrie des télécommunications. À partir du moment où l'argent vient des fournisseurs, on peut avoir des doutes sur la crédibilité de ces informations. Et je sais que les revues médicales demandent maintenant aux chercheurs de divulguer leurs sources de financement lorsqu'ils publient des articles sur des produits pharmaceutiques, justement à cause de cette question de crédibilité.

À  -(1055)  

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions? Madame Redman.

+-

    Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, je vous remercie tous les deux pour vos interventions très intéressantes.

    Monsieur Thomas, je crois que ce que j'ai entendu de plus choquant ce matin, ce qui m'a le plus profondément troublée, c'est ce que vous avez dit à propos du plomb qu'on trouve chez les Cris. J'aimerais savoir d'où cela vient? Dans quelle étude avez-vous trouvé cela? C'était une étude sur la santé? Et qu'a-t-on fait, ou a-t-on fait quelque chose pour remédier à cette situation?

+-

    M. Vernon Thomas: J'ai le document ici sous les yeux. C'est une étude parmi plusieurs autres, et celle-ci vient des départements de biologie et de biochimie des universités York et McMaster. Ce sont des études sur les Cris en situation médicale et sur la façon dont ils se procurent leur nourriture et les aliments qu'ils consomment. On a aussi communiqué énormément d'information aux Cris de la baie James et de la baie d'Hudson sur les risques entraînés par le plomb et sur la disponibilité de produits de remplacement.

    Nous savons que les Cris respectent très peu la réglementation sur les projectiles non toxiques. C'est vraiment la base du problème. C'est comme cela que le plomb entre dans leur organisme. Il y a un détail qui pourrait intéresser votre comité, c'est le fait qu'en vertu du Traité no 8, qui couvre les Cris de la baie James et de la baie d'Hudson, le gouvernement fédéral paie en totalité le coût des munitions qu'ils utilisent chaque année. Personnellement, il me semblerait logique d'exiger que ces Autochtones utilisent des projectiles non toxiques dans leur intérêt et dans l'intérêt de l'environnement, puisqu'ils s'en servent pour abattre des oiseaux dont ils dépendent pour leur nourriture. Dans le contexte actuel, comme on peut acheter du plomb pour chasser au niveau provincial, les gens peuvent commander du plomb qui va leur permettre de chasser dans la province du gibier d'eau réglementé au niveau fédéral. C'est comme cela que le problème se perpétue, surtout chez les gens pour lesquels le gibier abattu au fusil à plombs constitue l'essentiel de l'alimentation.

+-

    Le président: Je dois passer à la question suivante car nous allons devoir quitter cette salle.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

    J'ai une question très semblable à celle de Karen. Ma circonscription, c'est le Nunavut, et nous avons la même situation. Savez-vous si l'on a fait des études sur la région arctique du Canada?

+-

    M. Vernon Thomas: On n'en a pas publié jusqu'à présent. Le Service canadien de la faune a mené une enquête auprès de résidents de l'Arctique. Il a recueilli certaines informations, mais elles n'ont pas été publiées. Je ne souhaite donc pas faire de commentaires à ce sujet.

    Toutefois, si vous voulez examiner une communauté analogue dans un autre pays, le Groenland, je peux vous donner un document qui a été publié dans une publication internationale revue par un comité de lecture. Cette étude montre que le plomb provenant de la viande des oiseaux abattus constitue la plus importante source de plomb et le plus important risque pour les Inuits du Groenland. Sachant que ces deux populations ont des méthodes semblables sinon identiques de chasse et de consommation du gibier abattu, j'imagine qu'il y a aussi un risque pour les habitants de votre circonscription.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bailey, vous aviez une dernière question? Non?

    Merci beaucoup. Nos collègues du Comité permanent de la santé doivent maintenant s'installer dans cette salle à 11 heures, mais Mme Havas voudrait faire une dernière remarque.

+-

    Mme Magda Havas: Je voulais simplement dire que des copies de mes acétates sont à la disposition de tous ceux qui en voudraient.

-

    Le président: Oui, nous avons trouvé votre exposé très utile. Merci beaucoup. Nous vous en sommes très reconnaissants.

    La séance est levée.