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INDU Rapport du Comité

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Acquisition proposée de Shaw Communications par Rogers Communications : À deux, est-ce vraiment mieux?

Introduction

Le 19 mars 2021, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie[1] (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur l’acquisition proposée de Shaw Communications par Rogers Communications; que cette étude dure au moins huit heures; que le greffier convoque les témoins à des séances d’une durée d’une heure; que les déclarations liminaires des témoins durent au plus trois minutes; que les réunions aient lieu pendant les semaines de relâche de Pâques, si possible, et que le Comité présente un rapport à la Chambre dans les plus brefs délais, une fois que les témoins auront été entendus.

Dans le cadre de cette étude, le Comité a entendu 28 témoins entre mars et avril 2021 et reçu quatre mémoires.

Le Comité tient à souligner que le contexte entourant cette étude a changé depuis l’adoption de la motion en mars 2021. Tout d’abord, le Comité n’a pas pu présenter un « rapport à la Chambre dans les plus brefs délais », puisqu’une élection a eu lieu à l’été 2021, dissolvant le Parlement et par le fait même, le Comité. Le Comité a relancé cette étude dès que possible lors de la 44e législature, menant au dépôt du rapport ci-présent. Le Comité tient aussi à souligner que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a rendu deux décisions importantes au printemps 2021, après que le Comité a eu terminé d’entendre des témoignages dans le cadre de cette étude. En avril 2021, le CRTC a annoncé la mise en place d’un régime d’exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV)[2]. En mai 2021, il a annoncé revenir en arrière et annuler sa décision sur les tarifs de gros annoncée en août 2019[3].

Mise en contexte de la fusion proposée

Proposition de Rogers Communications et Shaw Communications

Le 15 mars 2021, Rogers Communications (Rogers) a annoncé dans un communiqué sa proposition d’acheter Shaw Communications (Shaw) pour 26 milliards de dollars[4]. Lors de leurs témoignages devant le Comité, Joe Natale, président et chef de la direction, Rogers, et Brad Shaw, président exécutif et chef de la direction, Shaw, ont expliqué les retombées positives de la transaction. Ils ont expliqué que la combinaison des deux entreprises permettrait d’augmenter le niveau et la rapidité d’investissements à travers le pays pour répondre aux besoins croissants des Canadiens. Avec plus de ressources, ils croient qu’ils pourraient combler plus rapidement le fossé numérique au pays[5]. M. Natale a affirmé que Rogers voulait offrir plus de choix dans les régions non desservies ou dans celles où il y a seulement un fournisseur de services de télécommunications (FST)[6]. Selon eux, la fusion créerait un concurrent plus fort, ce qui maintiendrait la tendance à la baisse des prix[7]. Cela permettrait aussi d’améliorer la couverture de réseau (câblodistribution, filaire, sans-fil, satellite, WiFi) à travers le pays et de créer un réseau national de fibre optique. M. Shaw a affirmé que tous les Canadiens tireraient profit de la transaction proposée[8].

Les témoins de Rogers et de Shaw ont souligné l’importance de la collaboration de leurs deux entreprises. Paul McAleese, président de Shaw, a affirmé que seul, Shaw n’a pas les capacités d’investir à la hauteur des besoins du Canada :

Le meilleur exemple que je puisse donner est probablement celui des régions rurales et éloignées de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, qui sont desservies actuellement par des services sans fil fixes, une infrastructure utilisant une série de bandes du spectre. Il s'agit d'une collection ou d'un portefeuille de bandes du spectre que nous n'avons tout simplement pas aujourd'hui. Les titulaires ont une longueur d'avance de 25 ans. Ainsi, même si nous avons participé aux enchères récentes, nous n'avons tout simplement pas les bandes du spectre nécessaires pour offrir ce produit dans les régions rurales et éloignées de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Pour un grand nombre de ces collectivités, cela signifie qu'il n'y a qu'un seul fournisseur, un monopole[9].

Shaw a souligné dans son mémoire qu’il avait atteint la limite de ce qu’il pouvait accomplir au pays pour un concurrent de sa taille[10]. M. Natale a ajouté qu’« ensemble nous pouvons aller plus loin et plus rapidement. C’est une question d’échelle [dans le secteur des télécommunications] »[11].

Selon eux, la fusion proposée permettrait aussi d’accélérer le déploiement de la cinquième génération de services sans fil (5G) au pays. M. Shaw a affirmé que Shaw ne pouvait pas investir suffisamment pour déployer la 5G sans la fusion[12]. La fusion permettrait d’accélérer le déploiement de la 5G au pays et de le faire à plus grande échelle, en combinant les forces des deux FST[13]. M. Natale croit que Rogers pourrait ainsi offrir la 5G plus rapidement dans les régions rurales et éloignées[14]. D’ailleurs, Rogers s’est engagé à investir 2,5 milliards de dollars dans l’ouest du pays pour la construction de réseaux 5G, ce qui, selon M. Natale, permettrait notamment d’accroître la compétitivité et de combler plus rapidement le fossé numérique entre les collectivités urbaines et rurales[15].

M. Natale a aussi expliqué les différents engagements de Rogers si la fusion était approuvée. Il a affirmé qu’il n’augmenterait pas les prix des services des clients de Freedom Mobile pour trois ans[16]. Cette fusion créerait près 3 000 emplois dans l’ouest du pays, dont 500 à Calgary pour la mise en place d’un centre national d’excellence en technologie et en ingénierie[17]. M. Natale a noté que ce sont de nouveaux emplois nets dus à l’expansion nécessaire pour déployer la 5G et s’implanter dans les régions rurales[18]. Il a aussi affirmé que Rogers investirait un milliard de dollars pour la création d’un fonds dédié à la connexion des communautés rurales, éloignées, et autochtones. Il allait aussi consulter les groupes autochtones pour créer de nouveaux FST issus de leurs communautés. Enfin, Rogers vise aussi à étendre à l’échelle nationale son programme Branché sur le succès visant à offrir des forfaits Internet à prix abordables[19].

Survol des préoccupations soulevées

Lors de leurs témoignages devant le Comité, plusieurs témoins ont émis de fortes réserves quant à la fusion proposée. Certains s’y sont carrément opposés, soutenant qu’aucune condition ne serait suffisante pour contrebalancer les répercussions négatives de cette fusion, telles que la diminution de la concurrence et par le fait même l’augmentation des prix des services[20]. Ils ont ajouté que si les priorités du gouvernement étaient de soutenir la concurrence et favoriser l’abordabilité, il n’accepterait pas la fusion[21]. Par ailleurs, les prix des services de télécommunication sont déjà très élevés au pays et la fusion ne ferait qu’empirer la situation[22]. Ainsi, la fusion représenterait un pas en arrière quant aux politiques gouvernementales des dernières années visant à favoriser la concurrence et l’abordabilité des services[23]. Aussi, des témoins croyaient que la fusion mènerait à des pertes d’emplois, puisque Rogers est à la recherche d’efficience[24]. Bref, selon Matt Stein, président-directeur général, Opérateur des réseaux concurrentiels canadiens (ORCC), cette transaction serait seulement bénéfique pour Rogers et Shaw, et non pour tous les Canadiens[25].

En plus des enjeux soulevés par la fusion en matière de concurrence au pays, des témoins ont souligné dans leurs mémoires d’autres préoccupations. Par exemple :

  • Un témoin a expliqué que seul Freedom Mobile avait accepté de participer au réseau sans fil du métro de la Toronto Transit Commission (TTC). Ainsi, même s’ils sont abonnés à d’autres FST, les passagers peuvent utiliser le réseau de Freedom Mobile pour faire un appel au 911. Il était donc inquiet que le service 911 ne soit plus disponible dans le TTC à la suite de la fusion si Freedom Mobile disparaissait[26];
  • Des témoins ont souligné qu’avec la fusion, Shaw et Rogers auraient accès à une importante quantité de données personnelles, soulevant des questions importantes en matière de pouvoir de marché, vie privée et protection des données[27].

Les témoins se sont aussi questionnés sur les réels besoins financiers de Shaw d’être racheté par Rogers. Dwayne Winseck, professeur, Université Carleton, a souligné qu’actuellement, proportionnellement à la taille de l’entreprise, Shaw réinvestit plus de ses recettes dans la mise à niveau de ses réseaux fibre et sans-fil que Rogers[28]. Jean‑Philippe Béïque, président directeur général, EBOX inc., a ajouté que

Shaw, une entreprise de 5,4 milliards de dollars, avance qu'une fusion est inévitable, sinon elle ne sera plus concurrentielle. Or Vidéotron, une entreprise de 4,3 milliards de dollars, est prête à dépenser pour se retrouver dans la même situation, sans pouvoir compter sur une base existante d'abonnés aux services filaires dans les marchés de l'Ouest. Toute cette situation est paradoxale et sert l'intérêt du moment de gens d'affaires déjà très puissants[29].

De plus, bien que M. Natale ait affirmé que « les véritables profits réalisés par Rogers, s'élevaient en moyenne à 8 % au cours des cinq dernières années »[30], selon M. Winseck, les grands FST titulaires, dont Rogers, ont conservé des marges de profits de 30 à 40 % dans les dernières années, ce qui représente jusqu’à quatre fois la moyenne de l’industrie canadienne dans son ensemble[31].

Certains témoins n’étaient pas catégoriquement contre la fusion proposée, mais proposaient de l’assujettir à certaines conditions. Parmi les conditions proposées, il y a notamment la mise en place d’un régime d’ERMV et la cession de tous les actifs sans fil de Freedom Mobile à une tierce partie. Selon Andy Kaplan-Myrth, vice‑président, Affaires règlementaires et distributeurs, TekSavvy Solutions inc. (TekSavvy), cette transaction souligne l’importance du cadre règlementaire entourant le secteur des télécommunications et de sa surveillance[32].

Les témoins ont aussi exprimé des réserves face aux promesses de Rogers, affirmant qu’aucun processus de reddition des comptes ne pourrait être établi pour s’assurer qu’il les mette en œuvre[33]. Par exemple, un témoin saluait l’engagement de Rogers d’investir un milliard de dollars pour son fond pour les communautés rurales, mais ne pouvait être certain que Rogers remplirait son engagement, ce qui démontrait un besoin d’une plus grande surveillance règlementaire[34]. D’ailleurs, pour ce fonds, on ne peut savoir où l’argent serait dépensé ni comment le succès serait mesuré[35]. Des témoins ont ajouté que Rogers serait sûrement tellement endetté après la transaction (en plus de ses dépenses pour l’enchère de spectre de 3500 mégahertz [MHz] qui a eu lieu en juin 2021)[36], qu’il se questionnait sur ses capacités financières d’accomplir les investissements promis[37].

Les témoins ont aussi fait part de leurs réserves par rapport à la promesse de Rogers de geler les tarifs de Freedom Mobile pour trois ans. Laura Tribe, directrice exécutive, OpenMedia, a affirmé que Freedom Mobile exerçait une influence à la baisse sur les prix, donc si les prix étaient gelés, ils n’auraient plus d’impact sur le prix des services des concurrents[38]. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, Faculté de droit, Université d'Ottawa, a quant à lui affirmé qu’il croyait que promettre de geler les prix pour trois ans signifiait sûrement les augmenter dans trois ans[39]. M. Winseck et Ben Klass, associé de recherche senior, Projet de recherche sur la concentration des médias canadiens, ont affirmé que cette promesse n’avait aucune signification et que la marque serait sûrement supprimée rapidement après la fusion[40].

Enfin, les témoins ont présenté des situations comparables afin de démontrer que la fusion proposée ne devrait pas être acceptée. M. Winseck a affirmé qu’aux États-Unis, à la suite du refus de la fusion d’AT&T et T-Mobile, il y avait eu des changements positifs dans l’industrie:

Ensuite, nous avons examiné le cas des États-Unis; ils ont fait face à une fusion similaire en 2011, quand AT&T, deuxième fournisseur en importance, a opté pour T-Mobile. Le ministère de la Justice des États-Unis a refusé, et que s'est-il immédiatement passé après? T-Mobile a renforcé sa stratégie non conformiste en proposant des plans tarifaires plus abordables et des quotas de données beaucoup plus généreux, et en faisant quelque chose de complètement inédit, mais qui serait certainement bien accueilli au Canada, à savoir proposer aux abonnés de T-Mobile des offres « Partout chez vous » qui leur permettaient de se déplacer dans plus de 100 pays partout dans le monde sans frais supplémentaires de 10 ou 15 $ par jour[41].

En 2018, il y a tout de même eu une fusion entre T-Mobile et Sprint. Rogers a affirmé que la Commission fédérale des communications avait souligné les avantages concurrentiels de cette fusion qui permettrait notamment, en étendant la capacité globale du réseau, de renforcer les mesures incitatives à innover pour les FST[42]. Dans leur mémoire, MM. Klass et Winseck ont toutefois affirmé que cette fusion a été un « désastre » et a renversé la tendance à la baisse des prix des services sans fil mobiles aux États-Unis[43].

Les témoins ont aussi discuté de la fusion, en 2016, de Bell et Manitoba Telecom Services (MTS). Ils ont affirmé que pour cette fusion, Bell avait fait les mêmes promesses que Rogers fait actuellement, et pourtant, le résultat a été des prix plus élevés, moins de concurrence et des pertes d’emploi[44]. M. Winseck a souligné que lors de cette fusion, une part des actifs de MTS avait été transférée à Xplornet afin de favoriser la concurrence, mais ceci n’a pas mené au résultat escompté[45]. Toutefois, Jean‑François Pruneau, président et chef de la direction, Vidéotron ltée, a quant à lui affirmé que cette transaction démontrait que les fusions avaient besoin de cadres règlementaires précis. Selon lui, l’erreur a été de ne pas imposer des conditions au transfert des actifs vers Xplornet et TELUS, ce qui aurait permis d’assurer une concurrence viable et durable[46].

Enfin, des témoins ont souligné que la décision sur la fusion démontrera le type de société que le gouvernement fédéral veut établir au Canada. Selon M. Klass,

beaucoup de ces choses concernent une décision par rapport au type d'économie et de société que nous voulons avoir. Voulons-nous avoir de grands champions puissants à qui nous pouvons confier une énorme quantité de pouvoirs et en qui nous pouvons avoir une grande confiance ou préférerions-nous voir un environnement concurrentiel plus décentralisé qui réagit à des types de pressions exercées par un marché[47]?

M. Geist a affirmé qu’avec sa décision sur cette fusion, le gouvernement fédéral donnera le ton dans le secteur des télécommunications pour les années à venir. D’un côté, si la transaction va de l’avant, cela démontrera que les fusions sont possibles, puisqu’il y en aura deux grosses à l’intérieur de quelques années, menant à la chasse d’autres concurrents, comme SaskTel. D’un autre côté, si elle est refusée, le gouvernement enverra le message que les consommateurs et la concurrence sont la priorité au Canada[48].

Enjeux en matière de concurrence dans le secteur des télécommunications

Bureau de la concurrence et Loi sur la concurrence

Le Commissaire à la concurrence, Matthew Boswell, a présenté au Comité le rôle du Bureau de la Concurrence (BC) dans l’évaluation de la transaction proposée. Il a expliqué que le BC évaluera si la fusion va diminuer ou empêcher sensiblement la concurrence. Selon M. Boswell, l’examen est axé sur le pouvoir de marché : il évalue les répercussions d’une fusion sur les prix et sur d’autres facteurs comme la qualité, le service et l’innovation. Pour son examen, il collectera des données de diverses sources. M. Boswell a expliqué que s’il estime que la transaction va diminuer ou nuire à la concurrence, il pourra demander au tribunal de la concurrence d’émettre une ordonnance pour dissoudre ou modifier la fusion. Il pourrait aussi éviter d’aller devant le tribunal en négociant une entente avec les parties concernées. Il ne pouvait pas dire en avril 2021 combien de temps serait nécessaire pour évaluer la fusion proposée, puisque les délais varient d’une situation à l’autre[49].

M. Boswell a commenté le rôle et les ressources du BC après l’annonce d’une décision sur une fusion. Il a expliqué que le BC assurait le suivi du respect du consentement, mais n’avait pas les ressources pour y revenir et vérifier l’efficacité. Il a noté que la Loi sur la concurrence prévoit un délai de prescription qui empêche le BC d’intervenir un an après l’annonce d’une décision[50]. M. Boswell a expliqué que de toute façon, le BC n’a

tout simplement pas les ressources pour effectuer une évaluation après coup de nos mesures correctives en matière de fusion. Les ressources dont nous disposons sont toutes consacrées aux fusions en cours, que nous devons évaluer conformément à la loi.
Ensuite, la Loi sur la concurrence ne nous accorde pas le pouvoir d'obliger les parties au sein du marché à nous fournir les renseignements et les données nécessaires pour évaluer adéquatement l'efficacité d'une mesure corrective antérieure[51].

Il a souligné qu’aux États-Unis, il n’y avait pas ce délai de prescription et l’on pouvait rouvrir un dossier après plus d’un an, ce qui a déjà été fait[52].

Considérant ces enjeux, M. Boswell a souligné l’importance d’une révision complète de la Loi sur la concurrence[53]. Comme la loi dans sa forme actuelle ne donne pas le pouvoir d’obliger les parties à fournir des renseignements et données nécessaires pour évaluer adéquatement l’efficacité d’une mesure corrective antérieure, il aimerait établir une unité de mesures correctives où il y aurait un suivi des consentements avec un centre d’expertise[54]. Il croit que cette loi devrait être étudiée en profondeur pour déterminer comment elle pourrait être modifiée pour mieux tenir compte de l’économie axée sur le numérique et les données. Les partenaires commerciaux du Canada le font déjà. Il croit aussi que la norme qui préside à l’examen d’une fusion devrait être examinée: « Par exemple, il faudrait se demander si la loi canadienne devrait être assortie de présomptions au sujet des fusions, présomptions que les parties devraient ensuite réfuter (…). » Il a ajouté qu’il y avait beaucoup de questions à considérer[55].

Lors de son témoignage, M. Boswell a discuté des implications de l’exception dans les cas de gains en efficience, énoncée à l’article 96 de la Loi sur la concurrence, pour la fusion proposée. Il a expliqué que cet article stipule que :

lorsque la fusion aura vraisemblablement pour effet d'entraîner des gains d'efficience et que ces gains surpasseront et neutraliseront les effets de l'empêchement ou de la diminution de la concurrence, cette exception l'emportera et la fusion sera autorisée, et ce, même si l'on conclut à une diminution substantielle et à un empêchement de la concurrence[56].

Ainsi, cette disposition permet à « une fusion autrement anticoncurrentielle d'aller de l'avant sur la base des gains d'efficience »[57]. M. Boswell a affirmé que si Rogers et Shaw l’utilisaient, ils devraient prouver les gains en efficience et le BC aurait besoin de beaucoup de temps pour examiner minutieusement les preuves fournies[58]. Enfin, M. Boswell a affirmé que cette disposition était controversée ici et à l’étranger depuis sa mise en œuvre en 1986 et selon lui, il serait bénéfique que les parlementaires la discutent[59].

Les témoins étaient préoccupés par la forte possibilité que Rogers utilise cette exception pour justifier la fusion. Robin Shaban, cofondateur et économiste principal, Vivic Research, croyait que Rogers allait utiliser cette exception pour faire approuver la fusion, car lors de l’annonce, il a souligné qu’elle engendrerait un milliard de dollars par année en synergie et en efficacité[60]. Elle a ajouté que « si c'est vrai, alors le Bureau ne pourra peut-être prendre aucune mesure pour protéger la concurrence dans les marchés de la télécommunication »[61]. Mme Tribe a ajouté que si les entreprises cherchent des gains en efficience, il n’y a pas de création d’emplois. Elle se demandait donc quels types d’emplois seraient créés par Rogers. D’ailleurs, OpenMedia a reçu beaucoup de lettres de Canadiens qui s’inquiétaient des répercussions de la fusion sur les emplois[62]. Mme Shaban a noté que seuls le BC et les membres du Tribunal de la concurrence pourraient vérifier la véracité des données avancées par Rogers[63].

Plusieurs témoins ont exprimé des réserves par rapport à l’exception dans les cas de gains en efficience dans la Loi sur la concurrence, affirmant qu’elle s’opposait aux intérêts des consommateurs. Mme Shaban a expliqué que :

C'est important que l'efficience fasse partie du mandat de la politique sur la concurrence. En ce sens, il serait logique de conserver une partie de cet objectif dans toute révision de la Loi sur la concurrence.
Le problème avec la défense fondée sur les gains en efficience, c'est qu'elle est très structurée dans la façon dont elle oblige le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence à évaluer les gains en efficience. Elle oppose les intérêts des clients à ceux des entreprises et privilégie les entreprises.
À mesure que notre économie évolue et que nous nous dirigeons vers une ère plus numérique, la philosophie qui sous-tend la défense fondée sur les gains en efficience n'est pas très pertinente[64].

M. Kaplan-Myrth a ajouté que le BC « doit se montrer vigilant en protégeant les consommateurs et la concurrence contre les abus de ceux qui occupent une position dominante sur le marché ». Il a ajouté que la « défense fondée sur les gains en efficience ne fonctionne que si le Bureau veille à ce que les parties qui possèdent le pouvoir de marché n'en abusent pas et ne se servent pas de cette efficience pour évincer la concurrence »[65].

Considérant la situation économique au Canada, les témoins se questionnaient sur le bien-fondé de l’utilisation de cette exception pour cette fusion. Ils ont affirmé qu’il était le seul pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avec cette provision[66]. Mme Shaban a expliqué que les quelques petits pays (par exemple Malte et Barbades) qui ont cette provision, l’ont probablement mis en place pour que leurs entreprises se développent assez pour être compétitives internationalement[67]. Or, le Canada est le 8e marché sans fil en importance au monde, valant 29,2 milliards de dollars[68]. Il n’y a donc pas de raisons que les entreprises aient accès à la défense fondée sur les gains[69]. Mme Shaban a affirmé que ce serait au moins plus pertinent d’appliquer cette provision à des entreprises qui ont réellement l’intention de participer à des échanges commerciaux internationaux, ce qui ne semble pas être le cas pour Rogers[70].

Pour étayer son opposition à cette exception, Mme Shaban a discuté du cas de l’acquisition de Superior Propane par ICG Propane dans les années 1990. Elle a expliqué que cette transaction avait été approuvée grâce à cette exception, même si c’était prédit que la fusion contribuerait à une augmentation des prix au détail de propane de près de 8 %. Le résultat de cette fusion a été la création de monopoles dans 16 collectivités au Canada[71].

Ainsi, selon des témoins, l’exception fondée sur les gains d’efficience, telle que présentée dans la section 96, devrait être rayée, car elle n’est pas bénéfique pour les Canadiens. Mme Shaban a souligné qu’« il y a peut-être une façon d'intégrer à la loi un cadre d'efficience, mais la structure de cette disposition ne favorise pas la création de résultats économiques équitables »[72]. John Lawford, directeur exécutif et avocat général, Centre pour la défense de l’intérêt public, a noté que c’est une disposition indépendante dans la loi et pourrait donc être éliminée sans entraîner d’autres effets[73]. Mme Shaban a ajouté qu’en général, les lois canadiennes régissant les fusions n’ont pas été conçues pour protéger les consommateurs, comme le démontre la fusion de Superior Propane[74]. Elle ne croyait pas le BC ait les outils pour agir dans l’intérêt des consommateurs[75].

Enfin, Geoff White, directeur, Affaires juridiques et règlementaires, ORCC, a émis des réserves face à ces discussions. Il a affirmé que les enjeux entourant la Loi sur la concurrence, bien qu’importants, devraient être considérés séparément de l’étude de la fusion actuelle. Par exemple, bien qu’il crût aussi que l’exception présentée dans la section 96 de la Loi sur la concurrence fut problématique, M. White ne croyait pas que ce fut un enjeu important pour la fusion actuelle. Il a expliqué que selon lui, la défense fondée sur les gains en efficience est « terrible », mais si on tente de modifier la loi pour empêcher la fusion, il faut s’attendre à des années de difficulté[76]. Aussi, selon lui, le BC a les ressources nécessaires et tous les « mécanismes dont il a besoin pour arriver au bon résultat pour les Canadiens »[77].

Règlementer la concurrence

Un représentant du CRTC a expliqué le rôle du CRTC dans l’examen de la fusion proposée. Ian Scott, président et dirigeant principal, CRTC, a expliqué qu’un des volets à examiner dans les activités de Shaw dans le cadre de la fusion proposée est ses activités dans le domaine des télécommunications (sans fil et Internet). Toutefois, selon la Loi sur les télécommunications, les transactions sur les services de télécommunications ne nécessitent pas l’approbation du CRTC, excepté pour s’assurer que l’entreprise reste sous contrôle canadien. Il a ajouté que bien que le rôle du CRTC soit restreint pour l’aspect télécommunications d’une fusion proposée, il exerçait tout de même une surveillance constante des FST pour s’assurer que les services offerts respectent les objectifs de la loi[78].

Au cours de l’étude, les témoins ont discuté du rôle du CRTC dans la fusion, particulièrement dans le soutien à un secteur des télécommunications concurrentiel. Selon un témoin, le CRTC a les outils nécessaires pour gérer la fusion[79]. De son côté, M. Geist était préoccupé que le CRTC ne mette pas les consommateurs au centre de ses considérations lors de son examen de la fusion, puisqu’il ne l’a pas toujours fait selon lui[80]. D’autres témoins ont affirmé que le CRTC devrait faire preuve de « courage règlementaire » et mettre en place des politiques qui soutiennent la concurrence basée sur les services, tels que les tarifs de gros, le régime ERMV et les concurrents régionaux[81]. M. White a affirmé qu’avec plusieurs articles de la Loi sur les télécommunications, notamment les articles 7 et 27, le CRTC a des orientations stratégiques claires pour règlementer l’industrie des télécommunications en priorisant les consommateurs canadiens[82]. Enfin, des témoins ont affirmé que malgré les efforts pour soutenir la concurrence, les progrès demeurent fragiles et insuffisants en comparaison à l’international[83].

Certains témoins avaient des positions complètement opposées sur la manière par laquelle ils souhaitaient que les politiques règlementaires du CRTC changent. D’un côté, Shaw a affirmé qu’avec le changement technologique, le Canada avait besoin de nouvelles politiques. Il a affirmé qu’avec l’annonce des nouveaux tarifs de gros en 2019 et les consultations pour le régime ERMV, le CRTC avait créé une incertitude règlementaire. Selon lui, il serait important qu’il soutienne plutôt les FST dotés d’installations dans ses politiques[84]. D’un autre côté, un témoin a affirmé qu’il y a eu un échec constant de l’arrivée de nouveaux concurrents dans les dernières années et que les politiques visant à favoriser la concurrence n’ont fait que renforcer la position des titulaires. Il a affirmé qu’« en répétant ces tentatives, nous arriverons aux mêmes résultats. En suivant les sentiers battus, nous avons échoué. Il est temps de sortir des sentiers battus »[85].

Malgré ces préoccupations, selon Rogers et Shaw, la concurrence actuelle dans le marché des télécommunications canadien est adéquate. Selon Rogers, le marché canadien est très compétitif; les prix ont d’ailleurs beaucoup diminué dans les dernières années[86]. Dans son mémoire, Rogers a souligné que les réseaux de Rogers et Shaw ne se chevauchent pratiquement pas et que la fusion proposée ne réduirait donc pas la concurrence au pays[87]. En réponse à une question sur les répercussions de la fusion sur la concurrence dans le secteur des télécommunications, Rogers a affirmé que les parties prenantes gouvernementales ont la charge d’évaluer ces enjeux[88]. Il a ajouté que l’intérêt des consommateurs serait protégé par la surveillance accrue du BC, du CRTC et d’Innovation, Science et Développement économique Canada (ISDE)[89].

Rogers et Shaw étaient en accord que la fusion proposée allait même améliorer la concurrence au pays. Ils ont expliqué qu’en créant un FST d’assez grande taille pour s’opposer à Bell et à son alliance avec TELUS, la fusion stimulerait la concurrence[90]. Rogers a affirmé dans son mémoire que l’annonce de la fusion avait déjà stimulé des investissements de la part de Bell, TELUS et SaskTel[91]. M. Natale a souligné que même avec la fusion, Rogers serait encore plus petit que Bell pour les services filaires[92]. Selon M. McAleese, « un milieu dynamique et concurrentiel fait baisser les prix »[93]. M. Shaw a ajouté : « je crois qu'elle [la fusion] stimulera la concurrence et que ce sera terriblement excitant pour les Canadiens »[94].

D’autres témoins ne partageaient pas le même optimisme face à l’état de la concurrence dans le secteur des télécommunications canadien. Un témoin a affirmé que même si les activités des deux entreprises ne sont actuellement pas en concurrence dans toutes les régions, les activités d’un a tout de même des répercussions sur l’autre[95]. Des témoins étaient préoccupés que Rogers devienne trop gros avec la fusion. MM. Klass et Winseck ont expliqué dans leur mémoire que selon des données du BC, une entreprise détenant une part de marché de 35 % ou plus a la capacité d’« exercer unilatéralement un pouvoir sur le marché ». Ils ont souligné qu’avec la fusion, Rogers aurait une part de marché supérieure à 35 % à l’échelle nationale[96]. Selon plusieurs témoins, puisque Rogers deviendrait si gros, cela mènerait à des prix plus élevés[97].

Les témoins ont aussi partagé leurs préoccupations par rapport à l’état des services sans fil au pays. M. Klass a souligné que le Canada a le plus faible taux d’adoption des services sans fil parmi les pays de l’OCDE depuis plus de dix ans, car ses coûts sont prohibitifs[98]. Les FST régionaux, dont Shaw et Freedom Mobile, ont permis de diminuer le coût des services et d’augmenter les limites de données des forfaits au cours des dernières années. Or, la fusion proposée éliminerait Freedom Mobile et donc augmenterait la concentration dans le secteur des services sans fil et renverserait la trajectoire vers l’amélioration des dernières années[99]. Selon M. Geist, la fusion met en lumière un grave échec de la politique sur les services sans fil. Il a affirmé que « les gouvernements successifs ont promis de s'attaquer aux coûts élevés des services sans fil, mais n'ont souvent pris que des demi-mesures, s'ils n'ont pas reculé devant l'opposition des fournisseurs titulaires »[100].

Soutenir les fournisseurs de services de télécommunication régionaux

Des témoins ont discuté de l’importance des FST régionaux, souvent considérés comme les quatrièmes FST dans certaines régions[101]. Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction, Québécor Media inc., a expliqué que, selon des données du BC, grâce au quatrième FST au Québec (Vidéotron), les Québécois payaient jusqu’à 40 % moins que les autres Canadiens[102]. M. Lawford a expliqué qu’à la suite d’une fusion en Autriche où le nombre de FST est passé de quatre à trois, les prix ont augmenté de 95 %[103]. D’ailleurs, selon une affirmation du CRTC, le prix des services sans fil est plus bas dans les régions où il y a un quatrième FST ou un FST indépendant qui a obtenu une part de marché de 5% ou plus. Freedom Mobile est devenu un FST important en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario, où il détient près de 6 % des revenus[104]. M. Geist était convaincu qu’avec la disparition du quatrième joueur, il y aurait une diminution de la concurrence au pays et une hausse des prix[105].

Selon Shaw et Rogers, même si un quatrième FST était éliminé avec la fusion, cela ne nuirait pas à la concurrence au pays. Selon eux, pour avoir une concurrence saine, ce qui importe ce n’est pas le nombre de concurrents, mais bien leur force et la performance du marché[106]. D’ailleurs, il y a moins de concurrents en téléphonie cellulaire qu’il y a 10 ans et pourtant, l’intensité concurrentielle a augmenté selon Shaw[107]. Rogers a d’ailleurs souligné que selon des études universitaires indépendantes, il n’y a pas de nombre optimal de FST[108]. MM. Winseck et Klass ont discrédité la crédibilité de ces études, soulignant qu’une seule d’entre elles avait été révisée par les pairs et publiée[109]. Ils ont ajouté que bien qu’il n’y ait pas de chiffre magique quant au nombre de FST nécessaire pour un marché concurrentiel, la recherche documentaire conclut qu’avoir quatre FST est souhaitable, voire optimal[110].

Des parties prenantes ont expliqué que la fusion proposée démontrait combien il était coûteux d’être un FST régional au Canada. M. Lawford a fait les commentaires suivants concernant Shaw :

cela montre aussi, malheureusement, à quel point il est difficile d'attaquer le marché et d'être un quatrième joueur en importance au Canada. Je pense que c'est épuisant et que cela exige énormément de capitaux. Et même avec tous les avantages que cela représente d'être une entreprise de câblodistribution solide et imposante, on sent la pression[111].

Il a ajouté qu’au « bout du compte, ce n'est qu'une question de gros sous, c'est une énorme transaction, et ils [la famille Shaw] souhaitent probablement seulement retirer leurs billes »[112]. M. Péladeau a quant à lui souligné que quand Vidéotron a voulu investir pour devenir le quatrième joueur au Québec, il a notamment dû dépenser 500 millions de dollars pour les licences de spectre en 2008 et plus de deux milliards de dollars pour construire son réseau[113].

Considérant les préoccupations par rapport à la perte d’un quatrième FST, certaines parties prenantes ont suggéré que les actifs sans fil de Shaw (Freedom Mobile) soient cédés comme condition pour approuver la fusion, afin de créer un autre concurrent[114]. Des témoins ont proposé que le CRTC mette en place le régime d’ERMV et que les actifs de Freedom Mobile soient cédés à un ou plusieurs ERMV[115]. En l’absence d’un régime d’ERMV, M. Stein a affirmé que minimalement, tous les actifs de Freedom Mobile devraient être cédés à une partie qui priorise la concurrence axée sur les services[116]. M. Péladeau a affirmé que la fusion pourrait être bénéfique pour les consommateurs si Shaw vendait Freedom Mobile[117].

Néanmoins, M. Winseck ne croyait pas que cette stratégie entraînerait des répercussions suffisantes pour contrer les effets négatifs de la fusion, car il considérait cela paradoxal d’éliminer un FST pour en créer d’autres :

D'abord, l'idée d'essayer de créer un quatrième nouveau compétiteur imaginaire pour en remplacer un qui existe déjà est insensée. Nous avons déjà vu avec l'accord Bell MTS. Le quatrième compétiteur n'a pas réussi à se développer et l'échec a été total. Je fais ici référence à Xplornet[118].

Un autre témoin a ajouté que :

Le fait que Shaw lance la serviette, bien qu’il s’agisse d’un titulaire très solide, en dit long sur ses espoirs de faire croître Freedom, ou sur tout espoir de voir un véritable concurrent émerger dans un environnement où seule la concurrence dotée d’installations est permise (…)[119].

Certains témoins ne croyaient pas que le gouvernement fédéral devait seulement soutenir l’approche du quatrième joueur. M. Kaplan-Myrth a expliqué qu’avec seulement quatre concurrents, l’on était toujours à une fusion de l’effondrement de la concurrence. Selon lui, le quatrième joueur aide à faire baisser les prix, mais ne permet pas une concurrence robuste. Il est donc important que le gouvernement encourage plusieurs formes de concurrence[120]. M. Kaplan-Myrth a aussi souligné que soutenir l’approche du quatrième FST menait à la surconstruction des infrastructures, car cette approche favorise la construction de réseaux plutôt que le partage[121]. Selon lui, une approche soutenant aussi la concurrence basée sur les services, permettant la participation de nombreux FST indépendants est importante. M. White a ajouté que « le modèle du quatrième joueur est de toute évidence brisé. Il nous faut un modèle d'accès complet, ouvert et global. Le CRTC dispose actuellement des outils nécessaires pour celui-ci »[122].

Soutenir les fournisseurs de services de télécommunication indépendants

Considérant le rôle important que peuvent jouer les FST indépendants, des témoins ont souligné l’importance de la mise en place d’un régime d’ERMV[123] au Canada, particulièrement si la fusion est approuvée[124]. Selon M. Béïque, seul le régime d’ERMV peut permettre une concurrence adéquate et des prix abordables[125]. Si le modèle est adopté de façon large et complètement ouvert, cela permettrait une concurrence plus dynamique et une consolidation moindre dans le secteur des télécommunications, puisqu’il pourrait y avoir beaucoup plus que trois ou quatre FST principaux[126]. M. Béïque a ajouté qu’il était important qu’une politique gouvernementale mette en place ce régime, car par expérience, il a constaté qu’il était impossible de négocier un partage du réseau mobile avec les FST titulaires[127]. Selon M. Lawford, la mise en place d’un régime d’ERMV permettrait de diminuer les effets anti-concurrence de l’approbation de la fusion[128]. Un témoin a émis des réserves face à cette affirmation, soulignant que la mise en place d’un tel régime nécessiterait au minimum plusieurs années[129].

Selon M. Béïque, règlementer les opérateurs de téléphonie mobile sans réseau afin de créer une discipline de marché est la seule vraie solution pour un secteur concurrentiel robuste. Il a toutefois nuancé que pour que cette règlementation fonctionne,

Il faut des restrictions qui empêchent les entreprises dominantes d'user de leur pouvoir comme, par exemple (sic), la concurrence des marques à rabais des grandes compagnies, qui fixent bien souvent leur tarif de détail proche du tarif règlementé dans l'espoir d'asphyxier la concurrence. Pour reprendre une expression célèbre du Comité, il faut un parasite pour en reconnaître un autre[130].

De son côté, M. Péladeau ne croyait pas que les ERMV puissent avoir un impact suffisant sur la concurrence au pays pour justifier la mise en place d’un régime conditionnellement à l’approbation de la fusion. Selon M. Péladeau, le régime d’ERMV ne pourrait pas contrecarrer les effets de la transaction. Selon lui, les FST indépendants n’ont pas les mêmes répercussions sur le marché que les FST dotés d’installation, car ils n’ont pas les moyens d’innover. Il a affirmé qu’il parle en pleine connaissance de cause, puisque Vidéotron était à ses débuts un ERMV[131]. M. Béïque a rejeté cette affirmation, affirmant que les FST indépendants investissent « proportionnellement à la taille de [leur] entreprise des dizaines de millions de dollars dans l'expérience client, [le] réseau de transport, [les] centres de données et le développement maison d'un logiciel de télévision numérique »[132]. M. Kaplan-Myrth a aussi affirmé que TekSavvy est la preuve qu’il peut y avoir investissements et concurrence[133].

Soutenir la concurrence étrangère

Des témoins ont déploré les règles restrictives pour les entreprises étrangères, les empêchant de s’implanter au Canada et d’y améliorer le niveau de concurrence dans le secteur des télécommunications. MM. Winseck et Geist ont affirmé que le Canada devrait être ouvert à l’arrivée d’entreprises américaines dans le marché canadien et éliminer tous les obstacles[134]. Selon M. Winseck, le Canada a des règles trop restrictives en matière de propriété étrangère. Il a affirmé que « Nos règles [canadiennes] en matière de propriété étrangère sont parmi les plus restrictives au monde. La dernière fois que j'ai vérifié, la Corée du Sud était le seul pays de l'OCDE qui avait des règles plus restrictives que le Canada. »[135]. M. Geist a expliqué que Verizon avait tenté d’entrer au Canada, mais qu’ « il s'est heurté à une énorme opposition de la part des trois grandes entreprises et a juste décidé que le Canada n'en valait pas la peine. Il y avait d'autres endroits où l'entreprise pourrait faire de l'argent sans devoir se battre contre trois gros fournisseurs titulaires. »[136].

M. Geist a présenté des conditions pour faciliter l’entrée d’entreprises étrangères au Canada. Il a noté qu’il faudrait notamment : éliminer les seuils pour prendre le contrôle d’une entité canadienne et considérer le maintien des restrictions actuelles concernant la propriété de radiodiffusion[137]. Il a noté que

le fait d'ouvrir le marché complètement pour qu'une entreprise puisse songer à y entrer — peut-être pas seulement avec ces actifs, mais avec certains des grands actifs également — pourrait à tout le moins fournir la perspective que c'est un marché assez attrayant. Du point de vue des clients, le fait de proposer ce type de pouvoir de fixation des prix, ce genre de capacité d'itinérance à l'échelle mondiale ouvre la porte, je crois, à des occasions que les Canadiens ne connaissent pas, mais que connaissent les clients de nombreux autres pays[138].

Mme Shaban a ajouté que cela porte aussi à réfléchir sur la taille des entreprises canadiennes. Elle a souligné que si les entreprises canadiennes deviennent trop grosses à cause de la défense fondée sur les gains, les entreprises étrangères ne pourront pas être concurrentes au Canada[139].

Considérer les divers types de concurrence

Enfin, lors de réflexions quant aux politiques visant à soutenir la concurrence dans le secteur des télécommunications, il est important de distinguer le type de concurrence recherché, soit la concurrence basée sur les services ou sur les installations. M. Kaplan‑Myrth a expliqué que, d’un côté, lorsqu’on parle d’encourager la concurrence, on parle souvent de l’expérience du point de vue de l’utilisateur final et donc du choix et des prix des services offerts. Ceci fait partie de la concurrence basée sur les services. D’un autre côté, quand Rogers et Shaw parlent de construction de réseaux et de gains en efficience, ils parlent de la concurrence basée sur les installations. Il a souligné que :

Il est clair qu'il s'agit d'enjeux importants du point de vue de la concurrence, mais ce sont des enjeux différents. Lorsque vous élaborez des politiques et que vous réfléchissez aux mesures de protection à mettre en place pour protéger la concurrence, il est important de faire la distinction entre le genre de concurrence dont vous parlez afin que les politiques permettent d'atteindre les objectifs que vous vous étiez fixés[140].

Lorsque le gouvernement met en place des politiques et des mesures pour protéger la concurrence, il doit réfléchir au type de concurrence recherchée afin que ces mesures atteignent les objectifs établis. Ainsi, selon M. Kaplan-Myrth, la fusion entre Rogers et Shaw ne mènera pas au type de concurrence qui entraînera de meilleurs services et des prix plus abordables[141].

Considérant ces enjeux, des témoins ont proposé une séparation structurelle. Comme susmentionné, les FST font souvent la construction de réseaux et l’offre de services, mais ce sont deux secteurs d’activité distincts[142]. M. Stein a expliqué que ce modèle permettrait de soutenir une concurrence fondée sur les services :

Ce à quoi vous faites référence, lorsque vous parlez de diviser les grandes compagnies de téléphone, c'est une séparation structurelle, une séparation où l'infrastructure… J'ai parlé plus tôt des propriétaires de l'infrastructure. L'infrastructure sous-jacente est la propriété d'une entreprise, et les opérations de détail — la marque, les clients et ainsi de suite — appartiennent à une autre. En procédant de cette manière, comme cela a été fait dans d'autres pays partout dans le monde, de très grandes économies, le détaillant finit par acheter des services auprès de l'organisme d'infrastructure selon des modalités bien comprises et bien divulguées, mais, en même temps, d'autres détaillants peuvent le faire au même rythme, avec les mêmes outils, aux mêmes prix, dans les mêmes délais et ainsi de suite[143].

Selon un témoin, ce modèle est nécessaire et permettrait de mettre de l’avant les services de gros et d’encourager les FST titulaires à les favoriser. Avec ce modèle, ISDE pourrait séparer les licences de spectre entre les FST dotés d’installations, ce qui diminuerait les coûts associés pour les FST et accélérerait la distribution du spectre[144].

Autres considérations dans le secteur des télécommunications

Gestion du spectre et déploiement de la 5G

Dans le cadre de l’examen de la fusion proposée, ISDE s’occupe de l’examen et de l’approbation du transfert du spectre commercial entre les parties. M. Scott a expliqué que de son côté, le CRTC n’avait aucun rôle à jouer dans l’approbation des transferts de propriété et de spectre, sauf pour confirmer qu’ils restaient sous contrôle canadien (règles sur la propriété étrangère)[145].

Éric Dagenais, sous-ministre adjoint principal, Secteur du spectre et des télécommunications, ISDE, a expliqué que l’examen des licences de spectre était guidé par le Cadre portant sur le transfert, la division et la subordination des licences de spectre mobile commercial qui appuie l’objectif de la politique gouvernementale qui vise à « maximiser les retombées économiques et sociales que la population canadienne retire de l’utilisation des ressources du spectre des radiofréquences qui englobe l’efficacité, la compétitivité du marché canadien des télécommunications, la disponibilité et la qualité des services offerts aux consommateurs ». Il a expliqué que pour évaluer les possibles répercussions du transfert de licence sur cet objectif, ISDE examine notamment les changements apportés au niveau de concentration du spectre. La décision considère notamment :

les licences actuelles des requérants dans les zones visées; la distribution générale du spectre attribué par licence dans toutes les bandes de spectre mobile commercial; les services qui seront offerts ainsi que les technologies accessibles à l’aide de la bande de spectre; la disponibilité d’autres bandes de spectre aux caractéristiques semblables; les caractéristiques de la région, qu’elle soit urbaine ou rurale, les niveaux et la densité de la population, ou autres facteurs pouvant jouer sur la capacité ou l’encombrement du spectre; et tout autre facteur pertinent aux objectifs de politique pouvant découler du transfert de licence[146].

Les témoins ont discuté de leurs préoccupations par rapport aux licences de spectre acquises par Shaw dans les dernières années grâce à la pratique de mise de côté. Pour soutenir la concurrence, lors des enchères de spectre, ISDE réserve parfois des licences pour les concurrents régionaux. ISDE a expliqué que Shaw a obtenu du spectre réservé lors de l’enchère de 2019 et qu’une des conditions était de ne pas transférer les licences réservées à des titulaires pour une période de cinq ans[147]. M. Péladeau a proposé que le spectre acquis par Shaw soit transféré à un autre FST régional si la fusion est acceptée[148].

M. Dagenais a expliqué qu’ISDE fait un certain suivi après l’attribution de licences. Il vérifie notamment tous les cinq ans si les titulaires respectent les conditions de déploiement associées aux licences acquises et ce, pour toute la durée d’une licence, soit généralement 20 ans. Il a ajouté qu’ISDE avait la possibilité de retirer des licences si les conditions n’étaient pas respectées. Lorsqu’on lui a demandé si ISDE avait déjà retiré des licences, M. Dagenais a affirmé que « nous avons déjà eu plusieurs discussions avec des fournisseurs de services Internet et de télécommunications relativement aux conditions de déploiement » et qu’« en général, le problème s'était résolu par la suite »[149].

Les témoins ont partagé leurs préoccupations par rapport aux enchères de la 5G à venir en juin 2021. Ces enchères visaient à attribuer une tranche de 200 MHz de la bande de 3 500 MHz pour les zones de service de niveau 4 à des fins d’utilisation souple[150]. En mars 2021, les participants à cette enchère étaient inconnus, ce qui soulevait des préoccupations chez les témoins, qui se questionnaient sur la place de Shaw dans cette enchère si le gouvernement ne rendait pas sa décision sur la fusion avant la tenue des enchères. Des témoins avaient donc proposé de retarder les enchères de spectre jusqu’à ce que la décision soit rendue[151]. En avril 2021, ISDE a publié la liste de requérants pour cette enchère : Rogers y figurait, mais pas Shaw[152].

Les témoins ont aussi discuté du déploiement de la 5G au pays. Rogers a affirmé qu’il serait très coûteux d’offrir la 5G au pays. Selon des données de PricewaterhouseCoopers citées par Rogers, l’infrastructure 5G devrait coûter aux exploitants de télécommunications entre 39 % et 71 % plus cher que la 4G, en raison de la nécessité de déployer de nombreuses petites cellules[153]. Selon Rogers et Shaw, la fusion permettrait de la déployer beaucoup plus rapidement, grâce aux économies d’échelles[154]. Ils ont aussi souligné que sans la fusion, Shaw n’aurait pas les moyens financiers pour investir suffisamment dans le déploiement de la 5G[155]. Déployer la 5G rapidement au pays est important pour que le Canada demeure concurrentiel[156]. Enfin, selon Rogers, puisqu’il ferait des économies sur le déploiement de la 5G, les consommateurs économiseraient aussi pour obtenir ses services[157].

Les témoins ont émis des réserves par rapport à cette affirmation. Ils ont souligné que Rogers et Shaw n’avaient pas dit combien ils dépenseraient chacun de leur côté pour le déploiement de la 5G sans la fusion[158]. Des témoins ont aussi affirmé que la fusion n’était pas la seule option pour déployer la 5G au pays : Rogers et Shaw pourraient collaborer et partager leurs réseaux ou leur fibre, comme Bell et TELUS le font déjà[159]. Aussi, bien qu’ils comprennent l’importance de déployer la 5G au pays, plusieurs parties prenantes ont souligné que la réalité des régions rurales et éloignées était encore très éloignée de cette technologie, qui sera déployée à partir des grands centres[160].

Connectivité rurale

Considérant les annonces de Rogers quant aux investissements potentiels dans les régions rurales et éloignées, les témoins ont discuté du coût élevé de mettre en place des infrastructures de services de télécommunication dans les régions rurales. Rogers a expliqué que le coût d’offrir des services varie d’une région à l’autre. Selon lui,

Le défi est strictement d'ordre économique. Il en coûte environ 3 500 $ pour brancher une maison en milieu urbain au Canada. Dans les banlieues canadiennes, le coût peut se situer entre 5 000 $ et 10 000 $. Dans les régions rurales du Canada, on parle d'un montant de 15 000 $ à 100 000 $[161].

Rogers a affirmé que le Canada est, dans le monde, un des pays les plus difficiles à couvrir de réseaux technologiques[162]. Shaw a affirmé que puisqu’il est coûteux de connecter les régions rurales et éloignées, en combinant leurs efforts et faisant des économies d’échelles, il y aura plus de ressources pour ces régions et ceci offrira « une égalité des chances aux communautés autochtones, rurales et éloignées actuellement mal desservies »[163].

Les témoins ont toutefois questionné la prémisse de financer la connectivité rurale par la fusion proposée. Ils ont affirmé que même si la transaction est approuvée avec conditions, ce sont les Canadiens qui payeraient pour connecter les zones rurales en acceptant une fusion qui nuirait au marché des télécommunications[164]. M. Geist a souligné que « même si nous avons besoin de connecter ces régions [rurales], ce n'est pas correct de financer cela au moyen d'une fusion qui va nous nuire »[165].

Des témoins ont aussi émis des réserves par rapport aux promesses de Rogers et Shaw pour les régions rurales. Jim Wood, maire, Red Deer County, a expliqué qu’il avait discuté avec Shaw brièvement à la suite de l’annonce de la fusion et selon lui, la transaction ne ferait sûrement rien pour améliorer la connectivité rurale[166]. Les témoins ont aussi affirmé que les régions qui n’étaient pas profitables avant l’annonce de la fusion ne le seraient pas davantage après. Les FST améliorent leurs services dans une région donnée seulement si cela est profitable[167]. Selon Mme Tribe, la taille d’une entreprise ne change rien à l’incitatif financier de construire dans ces zones[168]. M. Winseck a aussi noté que bien que Rogers semblât vouloir améliorer la connectivité sans fil des régions rurales, plusieurs résidents de ces régions préféreraient avoir accès à la fibre[169].

Par ailleurs, dans un mémoire publié conjointement, MM. Klass et Winseck ont affirmé que :

lorsque ces collectivités tentent de mettre en place leurs propres réseaux, elles sont confrontées à des tactiques d’obstruction sans fin de la part des entreprises en place plutôt que de trouver des partenaires volontaires et fiables (comme le montre le dossier public de l’enquête du CRTC (2019) sur les obstacles aux services à large bande en milieu rural). Nous devrions nous méfier des affirmations selon lesquelles la fusion de Rogers et Shaw résoudra les problèmes qu’elles ont chacune contribué à créer et à perpétuer pendant des décennies[170].

Aussi, Jay Thomson, directeur général, Canadian Communication Systems Alliance, était préoccupé quant à l’intérêt de Rogers d’offrir des services dans des petites collectivités ou des collectivités rurales où il y a déjà un FST. Il a noté qu’habituellement, si ces collectivités ont déjà un FST, c’est qu’elles ont obtenu de l’aide financière gouvernementale. Donc,

Ce que Rogers semble maintenant proposer, c'est de reconstruire des infrastructures dans des collectivités où le gouvernement a déjà participé à l'établissement de la large bande. Il ne nous semble pas que de rebâtir ce qui a déjà été construit par l'argent des contribuables soit la meilleure façon d'utiliser les ressources disponibles et une bonne politique d'intérêt public[171].

Enfin, selon certains témoins, les problèmes de connectivité rurale sont directement liés au manque de concurrence dans ces régions. Selon M. White, les prix des services de télécommunications ne sont pas liés à la densité de population, mais bien au nombre de FST dans une région donnée. Il a souligné que les FST indépendants offrent des tarifs de 5 à 35 % inférieurs[172]. M. Béïque a noté qu’en Abitibi, les prix au détail ont diminué jusqu’à 50 % avec l’arrivée de Vidéotron et Ebox[173]. M. Kaplan-Myrth a noté que la construction de réseau dans les régions mal desservies serait accélérée si le plan canadien de la large bande incluait la concurrence par définition[174].

Pour remédier aux problèmes de connectivité rurale, des témoins ont proposé l’octroi de financement gouvernemental pour le déploiement d’infrastructures partagées dans ces régions. M. Wood a souligné que cette aide était « absolument nécessaire ». Il a signalé le besoin d'avoir « des lois pour obliger les entreprises de télécommunications à mieux partager leurs actifs, éviter les redondances et réduire les coûts »[175]. Selon Mme Shaban, le gouvernement fédéral pourrait aussi mettre en place des incitatifs pour que les collectivités mettent en place leurs propres réseaux, puisque certaines régions ne seront jamais rentables[176]. Par exemple, tanné d’attendre pour obtenir des services, le Comté de Red Deer en Alberta a investi dans son propre réseau de fibre optique ouvert. Il s’est associé à un FST qui serait profitable, mais qui n’aurait pas le contrôle exclusif du marché. Selon M. Wood, cela a permis le développement de services de plus grande qualité et plus abordables que ceux dans les grandes villes de l’Alberta[177].

Enfin, l’octroi de ce financement ciblé permettrait d’éviter la surconstruction d’infrastructures et de réseaux. M. Stein a souligné que ça ne serait jamais rentable pour plusieurs concurrents de construire chacun un réseau sans fil et un réseau de fibre optique, particulièrement dans les régions rurales et éloignées[178]. M. Wood a rappelé qu’on ne construit pas plusieurs routes côte à côte, on les partage; il devrait en être de même pour les infrastructures de télécommunication[179]. Selon lui, si le réseau est ouvert pour tous, les arguments soutenant la fusion ne seraient plus valides, puisque moins de financement serait nécessaire pour construire les infrastructures requises[180].

Enjeux de radiodiffusion

M. Scott a expliqué le rôle du CRTC dans la considération des activités de Shaw pour les services de télévision par câble et par satellite et vidéo sur demande. Selon la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC doit approuver le transfert de propriété des actifs de radiodiffusion. M. Scott a expliqué qu’en date du 7 avril 2021, le CRTC attendait les documents de toutes les parties prenantes pour entamer son examen. Il a ajouté que le CRTC publierait un avis de consultation soulignant les différents enjeux liés à la fusion proposée[181]. Il a souligné qu’à première vue, il croyait que la diversité des voix serait le principal enjeu pour l’aspect radiodiffusion de la transaction, car il voulait s’assurer que les Canadiens aient accès aux émissions de télévision locales et communautaires[182]. M. Scott a affirmé que « Nous ne sommes pas prêts en général à autoriser une personne — une entreprise — à contrôler tous les fournisseurs de services de télévision dans un marché géographique donné »[183]. Enfin, il a noté que pour éclairer sa décision, le CRTC ne peut qu’utiliser les documents et témoignages reçus dans le cadre de ses consultations[184].

Des témoins ont présenté leurs perspectives respectives quant à cet aspect de la fusion. MM. Natale et McAleese ont affirmé que la fusion n’éliminerait pas la concurrence dans le secteur de la radiodiffusion, car les réseaux de Shaw et Rogers se complètent, mais ne sont pas concurrents[185]. MM. Winseck et Klass ont affirmé que bien Shaw et Rogers avaient respectivement un monopole dans l’Ouest et dans l’Est du pays, les organismes de règlementation les ont laissés depuis 25 ans « définir les conditions du marché », démontrant leurs répercussions sur la concurrence dans ce secteur[186].

Les témoins ont manifesté des préoccupations quant aux actifs de radiodiffusion de Shaw et Rogers. Un témoin a souligné que la fusion proposée entraînerait des répercussions sur les secteurs de la télévision, du film et de la culture canadienne[187]. MM. Winseck et Klass ont souligné qu’il y avait déjà une forte intégration verticale dans les services de télévision au pays. Cette fusion pourrait donc entraîner des répercussions importantes sur les producteurs et les fournisseurs indépendants, car elle diminuerait le nombre de distributeurs, déjà limité à quatre au pays[188]. Selon M. Thomson, si la fusion est acceptée, Rogers deviendra encore plus gros et pourrait utiliser sa taille pour « contraindre les petits fournisseurs à payer des tarifs de distribution plus élevés pour ses services, et obtenir d'autres concessions » ce qui mènerait à des prix plus élevés et moins de choix pour les Canadiens vivant dans les régions rurales. M. Thomson a ajouté que sans mesures de protection du CRTC (déjà affaiblies par l’influence et la taille des grands FST), « Rogers pourrait utiliser sa présence accrue dans le domaine de l'Internet pour s'avantager en prenant des ententes d'accès exclusif pour son service de diffusion de sportif en ligne, Sportsnet Now »[189].

Les témoins ont aussi émis des préoccupations spécifiquement par rapport à Corus. MM. Klass et Winseck ont noté que Shaw détenait encore une part importante de Corus, qui est la deuxième société de télévision en importance au pays (Rogers est troisième). Corus est aussi le troisième plus grand groupe de propriétaires de radio commerciale au Canada et Rogers est le deuxième[190]. Dans leurs mémoires, des témoins ont souligné qu’avec la fusion, Shaw aurait une place au conseil d’administration de Rogers, ce qui pourrait poser un problème, car Shaw contrôlerait encore Corus tout en pouvant maintenant se prononcer sur les actifs de Rogers[191]. Selon M. Thomson, il faut qu’il y ait une confirmation dans la Loi sur la radiodiffusion de la compétence du CRTC en matière de protection des consommateurs, sinon les prix des services de câblodistribution vont aussi augmenter et le choix va diminuer[192].

Observations et recommandations

À la lueur des témoignages entendus au cours de cette étude, le Comité est très préoccupé par l’état actuel de la concurrence dans le secteur des télécommunications au pays. Considérant l’état déjà précaire de la concurrence dans ce secteur, le Comité est particulièrement inquiet des répercussions potentielles sur la concurrence de la fusion proposée. La plupart des témoins ont soumis diverses préoccupations importantes par rapport à la fusion proposée, particulièrement quant à ses répercussions sur la concurrence au pays et par le fait même, sur l’abordabilité et l’accessibilité des services de télécommunications. Le Comité considère ces préoccupations valables et espère qu’elles seront toutes considérées diligemment par les différentes organisations gouvernementales concernées.

Le Comité est perplexe quant aux arguments avancés par Rogers et Shaw. Rogers a fait plusieurs promesses liées à la fusion pour lesquelles le gouvernement n’a aucun mécanisme de suivi. Le Comité doute aussi des promesses de Rogers envers les régions rurales, puisque la taille d’une entreprise ne change pas la rentabilité d’une région. Aussi, Shaw a émis des affirmations assez contradictoires entre décembre 2020 et en mars 2021. D’une part, dans son mémoire envoyé au Comité le 18 décembre 2020, Shaw a affirmé que

des entreprises concurrentes dotées d’installations régionales telles que Shaw, Vidéotron et Eastlink – sont en trait (sic) d’éroder assez rapidement la dominance des trois grands fournisseurs (les trois géants) que sont Rogers, Bell et TELUS, entraînant ainsi un choix et une accessibilité de coûts sans précédent pour les consommateurs[193].

Il a ajouté que « l’arrivée de Freedom a modifié la dynamique du marché, ce qui a amené les trois géants à réduire considérablement les frais de dépassement et à proposer un volume de données beaucoup plus considérable à des prix beaucoup plus bas »[194]. D’autre part, à peine quelques mois plus tard, lors de son témoignage devant le Comité en mars 2021, Shaw a souligné l’importance de la fusion pour les Canadiens et a tenté de nuancer les propos de son mémoire. Bref, le Comité n’a pas été convaincu par les arguments de Rogers ou Shaw quant au bien-fondé de la fusion proposée.

Au cours de cette étude, tout comme au cours de l’étude du Comité sur l’abordabilité et l’accessibilité des services de télécommunications au pays (rapport présenté en juin 2021), les témoins ont souligné la possibilité d’une séparation structurelle dans le secteur des télécommunications comme solution à de nombreux problèmes dans l’industrie. Une séparation structurelle permettrait de limiter la surconstruction et de cibler les investissements gouvernementaux pour bâtir les infrastructures manquantes dans les régions rurales et éloignées. Ceci permettrait de favoriser le partage de réseau, car les FST titulaires devraient offrir leur capacité aux FST désirant offrir les services aux consommateurs. Le Comité est d’avis que cette idée mérite d’être considérée, afin de comprendre plus en profondeur ses répercussions sur le secteur des télécommunications et les services aux Canadiens. Le Comité recommande donc :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada lance des consultations nationales pour considérer la mise en place d’une séparation structurelle dans le secteur des télécommunications entre les entreprises construisant des infrastructures et celles offrant des services pour assurer une équité propice au développement des réseaux dans les métropoles comme dans la ruralité.

Aussi, le Comité se questionne par rapport aux outils des organismes de règlementation pour évaluer la fusion dans une optique de protection des intérêts des Canadiens. D’une part, la Loi sur la concurrence ne semble pas fournir les outils nécessaires au BC pour mettre l’intérêt des Canadiens au premier plan lors de son évaluation de la fusion. M. Boswell lui-même a souligné le besoin d’une révision complète de cette loi. D’ailleurs, le Comité, tout comme de nombreux témoins, remet aussi en question le bien-fondé de l’exception dans les cas de gains en efficience, telle qu’actuellement formulée dans la Loi sur la concurrence, particulièrement lorsqu’elle s’applique à des transactions comme la fusion entre Rogers et Shaw. Le BC devrait aussi avoir un mécanisme en place, et les ressources adéquates, pour évaluer les répercussions de ses décisions après coup. Le Comité comprend que cette loi ne peut être réformée à temps pour entraîner une répercussion sur l’examen actuel de la fusion, mais souligne l’importance de cette révision pour l’examen des futures fusions. Néanmoins, le gouvernement fédéral doit s’assurer que le BC a actuellement tous les outils nécessaires pour évaluer de manière approfondie la fusion entre Rogers et Shaw.

D’autre part, ISDE et le CRTC ont émis des commentaires dans les derniers mois démontrant que leurs orientations règlementaires ne semblent pas tendre dans une direction qui favorise l’abordabilité et l’accessibilité des services. En effet, en avril 2021, le CRTC a annoncé la mise en place d’un régime ERMV qui représente un pas modeste en avant considérant la structure du régime annoncée. Quelques semaines plus tard, il a infirmé sa décision sur les tarifs de gros annoncés en août 2019, ce qui fut très décevant pour les membres du Comité et pour la plupart des Canadiens. Plusieurs témoins avaient pourtant souligné l’importance de ces décisions, particulièrement si la fusion est approuvée. Le Comité est inquiet de la direction dans laquelle ISDE et le CRTC semblent tendre. Il se préoccupe donc des répercussions de cette direction règlementaire sur l’évaluation de ces organisations de la fusion annoncée. Le Comité recommande donc :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada mette en place des moyens pour mieux soutenir les travaux du Bureau de la concurrence. Par exemple :

  • Lancer immédiatement une révision de la Loi sur la concurrence, incluant un examen de la défense de l’efficacité; et
  • S’assurer que le Bureau de la concurrence ait des ressources suffisantes pour effectuer ses travaux, notamment le suivi des répercussions de ses décisions.

Recommandation 3

Que, lors de son évaluation de la fusion proposée, le gouvernement du Canada mette en place des moyens pour s’assurer que les intérêts en matière d’accessibilité et d’abordabilité de tous les Canadiens priment sur toutes autres considérations, par exemple en tenant compte de l’importance particulière des actifs de Freedom Mobile en tant que quatrième opérateur et en s’assurant que lors de leur examen de la fusion, les organisations gouvernementales impliquées considèrent les répercussions des récentes décisions du CRTC sur l’environnement règlementaire.

Recommandation 4

Que, bien que le comité soit d'avis que la fusion ne devrait pas avoir lieu, si cette fusion va de l’avant, le gouvernement prenne soin, dans la mise en œuvre de sa décision, de s'assurer que toutes les conditions rattachées à l’approbation de la fusion soient pleinement applicables et que les ressources soient disponibles pour cette application.


[1]                  Au début du 44e Parlement, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes a été renommé le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes pour refléter la création du nouveau Comité permanent des sciences et de la recherche de la Chambre des communes.

[2]                  Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Politique règlementaire de télécom CRTC 2021-130.

[3]                  Gouvernement du Canada, Le CRTC fixe les tarifs de gros définitifs pour les services à large bande.

[5]                  Chambre des communes, 2e session, 43e législature, Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie [INDU], Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Joe Natale, Rogers Communications [Rogers]), INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1125, 1140 (Brad Shaw, Shaw Communications [Shaw]), Rogers, Mémoire, Shaw, Mémoire.

[6]                  INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1245 (Natale).

[7]                  INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Natale), INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1125 (Shaw), Rogers, Mémoire.

[8]                  INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1125 (Shaw). Voir aussi Shaw, Mémoire.

[9]                  INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1135 (Paul McAleese, Shaw).

[10]               Shaw, Mémoire.

[11]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1140 (Natale).

[12]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1125 (Shaw), Shaw, Mémoire.

[13]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Natale), Rogers, Mémoire.

[14]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1135 (Natale), Rogers, Mémoire.

[15]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Natale), Rogers, Mémoire.

[16]               Rogers, Mémoire.

[17]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Natale).

[18]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1245 (Natale).

[19]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1115 (Natale). Voir aussi : Rogers, Mémoire.

[20]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535, 1620 (Laura Tribe, OpenMedia), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110, 1200 (Dwayne Winseck, À titre personnel), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Matt Stein, Opérateurs de réseaux canadiens [ORC]).

[21]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck), INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Tribe).

[22]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1435 (Jay Thomson, Canadian Communication Systems Alliance), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1300 (Ben Klass, Projet de recherche sur la concentration des médias canadiens), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Jean-Philippe Béïque, EBOX).

[23]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1430 (Pierre Karl Péladeau, Québécor), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1205 (Klass), Ben Klass et Dwayne Winseck, Mémoire.

[24]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Michael Geist, À titre personnel), INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Tribe).

[25]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Stein).

[26]               Vaxination Informatique, Mémoire.

[27]               Klass et Winseck, Mémoire.

[28]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck). Voir aussi : Klass et Winseck, Mémoire.

[29]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Béïque).

[30]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1150 (Natale).

[31]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1155 (Winseck).

[32]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1540 (Andy Kaplan-Myrth, TekSavvy Solutions inc.).

[33]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Tribe), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110, 1200 (Winseck), Klass et Winseck, Mémoire.

[34]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1435 (Thomson).

[35]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1450 (Thomson).

[36]               Par exemple, en 2019, Rogers a dépensé 1,7 milliard de dollars pour l’enchère de spectre de la bande de 600 MHz. Pour plus d’information sur l’enchère de spectre de 3 500 MHz qui a eu lieu en juin 2021, voir : Gouvernement du Canada, Enchères des licences de spectre de la bande de 3 500 MHz.

[37]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1225 (Winseck), Klass et Winseck, Mémoire.

[38]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1555 (Tribe).

[39]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist).

[40]               Klass et Winseck, Mémoire.

[41]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1200 (Winseck).

[42]               Rogers, Mémoire.

[43]               Klass et Winseck, Mémoire.

[44]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Tribe), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Klass), Klass et Winseck, Mémoire.

[45]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1200 (Winseck).

[46]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1520 (Jean-François Pruneau, Vidéotron ltée).

[47]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1225 (Klass).

[48]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1305 (Geist).

[49]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1440 (Matthew Boswell, Bureau de la concurrence).

[50]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1500, 1510 (Boswell).

[51]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1510 (Boswell).

[52]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1525 (Boswell).

[53]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1500 (Boswell).

[54]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1510 (Boswell).

[55]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1520 (Boswell).

[56]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1535 (Boswell).

[57]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1535 (Boswell).

[58]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1535 (Boswell).

[59]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1540 (Boswell).

[60]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Robin Shaban, Vivic Research).

[61]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Shaban).

[62]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1610 (Tribe).

[63]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Shaban).

[64]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1215 (Shaban).

[65]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1540 (Kaplan-Myrth).

[66]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (John Lawford, Centre pour la défense de l’intérêt public), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Shaban).

[67]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1150 (Shaban).

[68]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck).

[69]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1155 (Winseck).

[70]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1230 (Shaban).

[71]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Shaban).

[72]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1215 (Shaban).

[73]               INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Lawford).

[74]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Shaban).

[75]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1150 (Shaban).

[76]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1145, 1200 (Geoff White, ORC).

[77]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1140 (White).

[78]               INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1435 (Ian Scott, CRTC).

[79]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1140 (White).

[80]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist).

[81]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1245 (Winseck), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Stein).

[82]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1235 (White).

[83]               Klass et Winseck, Mémoire.

[84]               Shaw, Mémoire.

[85]               Vaxination Informatique, Mémoire.

[86]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1255 (Natale), Rogers, Mémoire.

[87]               Rogers, Mémoire.

[88]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1140 (Natale).

[89]               Rogers, Mémoire.

[90]               Rogers, Mémoire, Shaw, Mémoire.

[91]               Rogers, Mémoire,

[92]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1205 (Natale), Rogers, Mémoire.

[93]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1240 (McAleese).

[94]               INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1310 (Shaw).

[95]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Winseck).

[96]               Klass et Winseck, Mémoire.

[97]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck), INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1515 (Thomson), INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Tribe), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Klass).

[98]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Klass). Voir aussi : Klass et Winseck, Mémoire.

[99]               INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck).

[100]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist).

[101]             On parle souvent de la dominance des trois FST principaux au pays, soit Bell, Rogers et TELUS.

[102]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1430 (Péladeau).

[103]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1625 (Lawford).

[104]             Klass et Winseck, Mémoire.

[105]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist).

[106]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1220 (Natale), INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1230 (McAleese), INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1310 (Shaw), Rogers, Mémoire, Shaw, Mémoire.

[107]             Shaw, Mémoire.

[108]             Rogers, Mémoire.

[109]             Klass et Winseck, Mémoire.

[110]             Klass et Winseck, Mémoire.

[111]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1600 (Lawford).

[112]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1600 (Lawford).

[113]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1455 (Péladeau).

[114]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1435 (Péladeau), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Stein).

[115]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021,1435, 1505 (Thomson), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist), Vaxination Informatique, Mémoire, INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115, 1300 (Stein).

[116]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Stein).

[117]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1510 (Péladeau).

[118]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1200 (Winseck).

[119]             Vaxination Informatique, Mémoire.

[120]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1620 (Kaplan-Myrth).

[121]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1630 (Kaplan-Myrth).

[122]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1235 (White).

[123]             Le CRTC a publié la Politique règlementaire de télécom 2021 130 à ce sujet le 15 avril 2021.

[124]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021,1435, 1505 (Thomson), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist), Vaxination Informatique, Mémoire.

[125]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1145 (Béïque).

[126]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1205 (Geist), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1300 (Stein), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Béïque).

[127]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120, 1145 (Béïque).

[128]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1535 (Lawford).

[129]             Vaxination Informatique, Mémoire.

[130]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Béïque).

[131]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1430 (Péladeau).

[132]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Béïque).

[133]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1540 (Kaplan-Myrth).

[134]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1200 (Winseck), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105, 1210 (Geist).

[135]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1200 (Winseck).

[136]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1210 (Geist).

[137]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1210 (Geist).

[138]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1210 (Geist).

[139]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1230 (Shaban).

[140]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1550 (Kaplan-Myrth).

[141]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1550 (Kaplan-Myrth).

[142]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1540 (Kaplan-Myrth).

[143]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1250 (Stein).

[144]             Vaxination Informatique, Mémoire.

[145]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1435 (Scott).

[146]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1445 (Éric Dagenais, Innovation, Sciences et Développement économique Canada [ISDE]).

[147]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1615 (Dagenais).

[148]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1445 (Péladeau).

[149]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1535 (Dagenais).

[150]             ISDE, Enchères du spectre de la bande de 3 500 MHz.

[151]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1235 (White).

[153]             Rogers, Mémoire.

[154]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1120 (Natale), Rogers, Mémoire, Shaw, Mémoire.

[155]             Rogers, Mémoire, Shaw, Mémoire.

[156]             Rogers, Mémoire.

[157]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1150 (Natale).

[158]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1630 (Lawford), Klass et Winseck, Mémoire.

[159]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1225 (Klass), Klass et Winseck, Mémoire.

[160]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1555 (Tribe), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1145 (White), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1240 (Jim Wood, Red Deer County).

[161]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1135 (Natale).

[162]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1145 (Natale).

[163]             Shaw, Mémoire.

[164]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist), INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1155 (Shaban).

[165]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1105 (Geist)

[166]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Wood).

[167]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125, 1250 (Wood), INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1630 (Tribe).

[168]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1630 (Tribe).

[169]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1110 (Winseck)

[170]             Klass et Winseck, Mémoire.

[171]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1450 (Thomson).

[172]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1300 (White).

[173]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1120 (Béïque).

[174]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1540 (Kaplan-Myrth).

[175]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Wood).

[176]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1245 (Shaban).

[177]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1125 (Wood).

[178]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115, 1250 (Stein).

[179]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1130 (Wood).

[180]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1240 (Wood).

[181]             Le CRTC a publié l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2021-281-1 le 12 août 2021.

[182]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1430, 1450 (Scott).

[183]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1450 (Scott).

[184]             INDU, Témoignages, 7 avril 2021, 1515 (Scott).

[185]             INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1205 (Natale), INDU, Témoignages, 29 mars 2021, 1240 (McAleese).

[186]             Klass et Winseck, Mémoire.

[187]             INDU, Témoignages, 6 avril 2021, 1115 (Winseck).

[188]             Klass et Winseck, Mémoire.

[189]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1435 (Thomson)

[190]             Klass et Winseck, Mémoire.

[191]             Vaxination Informatique, Mémoire, Klass et Winseck, Mémoire.

[192]             INDU, Témoignages, 31 mars 2021, 1530 (Thomson).

[193]             Shaw, Mémoire.

[194]             Shaw, Mémoire.