Je vous souhaite la bienvenue à la 63e réunion du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Comme vous pouvez le constater, la séance d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran.
Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité, je vous informe que les tests de connexion requis ont été effectués avec tous les témoins avant la réunion.
Avant d'aller plus loin, nous avons une question à régler rapidement concernant notre étude à venir sur les investissements étrangers et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche. Notre greffière a préparé et soumis à votre examen une proposition de budget à cette fin. Si cette proposition convient à tout le monde, nous devons adopter la motion suivante:
Que le budget d'un total de 27 000 $ proposé, pour l'étude des investissements étrangers et de la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche, soit approuvé.
(La motion est adoptée.)
Le président: Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 18 janvier 2022, le Comité reprend son étude des impacts écosystémiques et de la gestion des populations de pinnipèdes.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons d'abord deux représentants de l'Arctic Research Foundation, soit M. Tom Henheffer, chef des opérations; et M. Adrian Schimnowski, chef de la direction. Nous recevons également M. Dion Dakins, chef de la direction, Carino Processing Ltée.
Merci de prendre le temps de comparaître devant nous aujourd'hui. Chaque organisation dispose de cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires.
Nous allons d'abord entendre l'exposé présenté au nom de l'Arctic Research Foundation.
Je ne sais pas si c'est l'un de vous deux qui va prendre la parole ou si vous allez partager le temps imparti, mais vous avez droit à cinq minutes au total.
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Monsieur le président et honorables membres du Comité, bonjour. Nous voulons d'abord et avant tout vous remercier de nous donner l'occasion de nous exprimer concernant l'importante question des impacts écosystémiques et de la gestion des populations de pinnipèdes.
L'Arctic Research Foundation est un organisme caritatif à but non lucratif qui facilite la réalisation de projets communautaires liés à la science et aux infrastructures en servant de catalyseur. Nous travaillons avec les différentes collectivités pour établir des réseaux réunissant ONG, universités, chercheurs et gouvernements afin de financer et d'offrir des programmes en plus de donner accès à des navires, à des laboratoires mobiles fonctionnant à l'énergie propre et à d'autres équipements. Nous sommes la seule organisation au Canada à disposer d'une flotte de six navires de recherche tout équipés avec spécialisation pour le littoral et les zones maritimes non cartographiées. Vous trouverez tous les renseignements sur nos trois plus grands bateaux à l'annexe B du mémoire écrit que nous vous avons transmis.
Notre travail est très varié. Il peut aller de la cartographie hydrographique jusqu'à la surveillance écologique, en passant par l'innovation en matière de sécurité alimentaire et le transport des membres des communautés autochtones jusqu'aux territoires de récolte où les aînés peuvent transmettre le savoir traditionnel aux plus jeunes. Nous avons une vaste expérience des eaux de l'Arctique, de l'Atlantique et du Pacifique ainsi que du travail auprès des chasseurs, des trappeurs et des pêcheurs autochtones qui sont directement touchés par les politiques gouvernementales touchant les pêches et les mammifères marins comme les pinnipèdes.
Depuis le début de cette étude menée par votre comité, plusieurs témoins ont souligné l'insuffisance des données concernant les populations de pinnipèdes, leur régime alimentaire et leur impact général sur les écosystèmes. Les représentants du ministère des Pêches et des Océans ont eux-mêmes admis l'existence d'importantes lacunes quant aux connaissances en la matière. Tout cela confirme ce que nous avons pu entendre lors de nos consultations auprès des collectivités et des chercheurs, ainsi que ce que nous avons pu nous-mêmes observer pendant nos opérations sur le terrain.
J'aimerais vous citer à ce sujet Jackie Jacobson, un leader inuk de Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui est député de Nunakput et membre du conseil d'administration de notre fondation. Il a dit que les phoques mangent les truites des lacs Husky et sont donc tirés à vue en dénonçant l'absence totale de ressources pour mener des études scientifiques, si bien que l'on n'a aucune idée de la taille de la population de phoques et que l'on sait simplement que la truite ne mord plus.
Je vais maintenant demander à mon collègue, Tom Henheffer, de bien vouloir poursuivre.
Les sentiments exprimés par M. Jacobson sont partagés par les gens de toutes les régions dans lesquelles nous travaillons. Il y a toutefois un problème beaucoup plus vaste auquel nous devons nous attaquer.
Le manque de données scientifiques et environnementales prend des proportions endémiques dans l'Arctique. Il y a en effet tout lieu de s'inquiéter de l'absence d'une cartographie des voies navigables et des zones inondables; de la mauvaise compréhension de la santé du béluga dans la mer de Beaufort; du manque d'études sur la formation et la fragmentation des glaces dans le Grand lac des Esclaves; et des recherches largement insuffisantes sur la contamination par les microplastiques et sur les espèces de poisson envahissantes, pour ne donner qu'un petit échantillon des problèmes qui minent les sciences de la mer dans l'Arctique. La situation est d'autant plus difficile que la recherche scientifique est beaucoup plus coûteuse dans l'Arctique que dans le Sud.
Il n'en demeure pas moins que le ministère des Pêches et des Océans et le gouvernement fédéral dans son ensemble continuent de sous-financer ce travail essentiel. Pour vous donner un exemple, notre plus grand bateau est le navire de recherche Nahidik II. C'est le seul navire de recherche de taille normale à être utilisé exclusivement dans le Grand lac des Esclaves, sur le fleuve Mackenzie et dans la mer de Beaufort. Pour la troisième année consécutive, il restera cette année en cale sèche en raison du manque de financement fédéral pour les sciences de la mer. Il en est ainsi malgré le fait que notre fondation subventionne le fonctionnement de ce navire à hauteur de 1 million de dollars à même son financement de base, et en dépit des revendications des comités de chasseurs et de trappeurs de la région en faveur d'un financement fédéral suffisant pour la recherche scientifique.
Pour ce qui est des pinnipèdes, le Canada ne dispose pas d'une image claire de l'ampleur des dommages qu'ils causent dans nos eaux. Une chose est toutefois bien claire: le problème est exacerbé par le fait que le MPO ne procède pas à des évaluations complètes des stocks de poisson dans la majeure partie du Canada. À titre d'exemple, le ministère a annoncé qu'il avait complètement annulé ses études d'automne sur les stocks de poisson dans certaines régions l'an dernier, et il n'a jamais réussi à bien évaluer ces stocks dans la plus grande partie de l'Arctique. Cela illustre on ne peut mieux les risques d'un financement inadéquat pour ce genre d'études.
Les plus récentes évaluations des stocks affichées sur le site Web du MPO remontent à 2020. Parmi les 180 stocks de poisson répertoriés, 21 se trouvent dans les régions du Centre et de l'Arctique. Pour trois de ces espèces seulement, on considère que la zone est saine, de prudence ou critique. Pour les 18 autres, la situation est incertaine. On sait donc à quoi s'en tenir pour seulement 3 des 21 espèces.
Ce manque de connaissances est inacceptable et tout à fait évitable.
Une bonne part des évaluations dans leur forme actuelle s'effectue par chalutage au moyen de grands navires et de filets massifs. C'est un processus coûteux et dommageable pour l'environnement. Il existe pourtant des technologies éprouvées permettant d'obtenir des résultats équivalents, voire meilleurs, à un coût minime et sans impact véritable sur l'environnement.
Depuis des années, les pays scandinaves ont recours à du matériel de cartographie bioacoustique, une technologie semblable à celle utilisée pour les sonars de pêche, ainsi qu'à de l'équipement hydrographique servant à la cartographie des fonds marins pour évaluer les stocks de poisson. Ce sont des équipements que nous utilisons tous les jours sur le bateau, et les méthodes permettant de les adapter pour évaluer les stocks de poisson ont démontré leur efficacité ailleurs dans le monde. On pourrait ainsi rendre ces évaluations encore plus précises, et procurer des emplois intéressants aux pêcheurs locaux, en procédant à des relevés sur place au moyen de petits chaluts mettant à contribution une flotte locale à coût moindre.
Voici maintenant nos recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. Il faudrait mettre en place sans tarder un projet pilote pour l'évaluation des stocks de poisson à l'aide de matériel bioacoustique et de chaluts locaux, lorsque la situation s'y prête. Il convient d'intensifier les investissements dans les sciences de la mer pour l'Arctique afin de les porter à la hauteur de ce qui se fait ailleurs au pays. II faut ajouter un supplément nordique aux subventions versées pour les recherches scientifiques dans l'Arctique de manière à tenir compte des coûts additionnels liés à la navigation dans cette région. On doit absolument faire en sorte que les pêcheurs, les chasseurs et les trappeurs locaux ainsi que les intendants de la faune autochtones aient vraiment leur mot à dire dans l'établissement des stratégies de gestion de la faune. Il convient enfin de conférer des pouvoirs accrus aux collectivités nordiques de telle sorte qu'elles puissent déterminer à quoi vont servir les subventions pour la recherche scientifique dans l'Arctique.
Nous disposons des bateaux, de la technologie, des méthodes et de l'expertise nécessaires pour régler l'un des principaux aspects du problème des pinnipèdes en reprenant les évaluations des stocks de poisson d'une manière à la fois abordable et très peu invasive. Des solutions semblables sont possibles pour les autres facettes du problème, mais nous n'avons pas le temps d'en discuter en profondeur sur cette tribune. Le dénominateur commun entre tous ces éléments est la nécessité de voir le gouvernement fédéral passer à l'action.
Je vous remercie.
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Merci de me donner l'occasion de m'exprimer.
Carino produit de la viande, des huiles, des peaux et d'autres sous-produits du phoque depuis 1958. Nos activités requièrent un approvisionnement stable en phoques du Groenland, en phoques à capuchon et en phoques gris. La prospérité de notre entreprise est étroitement liée à viabilité des populations de phoques, en particulier des phoques du Groenland.
Si nous nous préoccupons vraiment du sort des phoques, nous devons accepter un fait qui est de plus en plus évident et alarmant: nous devons assurer une gestion responsable des populations toujours croissantes de phoques pour protéger notre écosystème océanique et les espèces qui en font partie, y compris les phoques eux-mêmes.
Dissipons le mythe qu'une chasse aux phoques responsable et sans cruauté menace la viabilité des phoques. En réalité, la chasse aux phoques est une mesure environnementale nécessaire pour assurer la viabilité à long terme des phoques et des espèces dont ils se nourrissent. Nous devons accorder une importance égale aux différentes espèces d'animaux. Il serait mal inspiré et irresponsable de sacrifier une espèce pour en protéger une autre.
Les propres données scientifiques du ministère des Pêches et des Océans confirment que si la population de phoques gris ne diminue pas, elle causera la disparition de quatre espèces de poisson commercial qui vivent dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Ni l'écosystème ni les phoques ne peuvent survivre à ce genre de déséquilibre. Nous devons rétablir l'équilibre.
En 2002, les chasseurs de phoques du Groenland ont été les premières personnes au Canada à adopter l'approche de précaution, que de nombreux pays reconnaissent comme un élément essentiel de la gestion durable des pêches. Cette approche incite à opter pour la prudence quand les données scientifiques ne sont pas concluantes, mais aussi à ne pas prétexter l'insuffisance des données scientifiques concluantes pour retarder ou abandonner une mesure qui éviterait de causer des torts importants aux stocks de poissons et à leur écosystème. Cela ne nous a pas empêchés d'utiliser durant des années le prétexte des données scientifiques insuffisantes pour nier les ravages des populations record de phoques dans les stocks de poissons commerciaux et l'écosystème marin le long de nos côtes.
Les données scientifiques actuelles du ministère des Pêches et des Océans sur les phoques du Groenland nous révèlent que depuis que la population a surpassé les 5,4 millions de têtes, en moyenne, le poids des femelles mesuré en février (un moment critique du cycle de gestation) a diminué de 20 kilos et leur taille a diminué de 1,7 centimètres. L'âge moyen auquel les femelles ont une première portée a augmenté de deux ans. Les fausses couches tardives ont augmenté de 200 %. De plus, les espèces de phoques dépendantes de la glace comme le phoque du Groenland sont plus sensibles aux répercussions du changement climatique lorsqu'elles sont nombreuses. Si la population de phoques gris ne diminue pas, elle causera la disparition de quatre espèces de poisson commercial qui vivent dans le sud du golfe du Saint-Laurent.
Le rapport de 2022 publié par le Groupe de travail sur la science des phoques de l'Atlantique nous apprend que:
[...] les données sur la nourriture, l'alimentation et la migration des populations de phoques du Groenland et de phoques gris dans le Canada atlantique sont terriblement insuffisantes pour déterminer avec précision le rôle que jouent les phoques dans l'écosystème de l'Atlantique Nord-Ouest [...]
[...] l'absence de collecte de données actuelles et complètes sur l'alimentation, le régime alimentaire et la migration dans l'ensemble de l'aire de répartition saisonnière et spatiale des phoques, notamment au sein de la population de phoques du Groenland, contribue probablement à l'absence de preuves scientifiques crédibles.
[...] la forte abondance des populations de phoques gris et de phoques du Groenland, qui atteignent ou approchent des niveaux historiques, a de sérieuses répercussions sur l'écosystème océanique du Canada atlantique. L'étendue de ces répercussions ne peut être déterminée avec l'information limitée détenue par le Secteur des sciences du MPO.
En Norvège, les scientifiques estiment que, pour satisfaire à ses besoins énergétiques, un phoque du Groenland consomme 3,3 mégatonnes de poisson par année. Selon les estimations du ministère des Pêches et des Océans, il consommerait plutôt 1,1 mégatonne de poisson. Les phoques en eaux canadiennes consomment de 8,36 à 25,08 millions de mégatonnes de poisson par année. Par comparaison, le rendement de la pêche commerciale sur la côte Est du Canada est inférieur à 750 000 mégatonnes de poisson par année.
Peu importe qui dit vrai, la grande voracité des phoques est une menace pour nos stocks de poissons. Il est urgent d'examiner les estimations fournies par la Norvège et le Canada et d'analyser les calculs scientifiques sous-jacents pour comprendre l'écart entre les estimations.
Des aînés inuits m'ont dit que les phoques du Groenland délogent les phoques annelés de leurs terres ancestrales et que cela nuit à la sécurité alimentaire et à la santé de leur peuple. À notre usine, nous avons remarqué des traces de griffes sur la peau des jeunes phoques du Groenland. Nos spécialistes du contrôle de la qualité pensent que les femelles essaient de sevrer leurs petits plus tôt que la normale.
Les phoques du Groenland se reproduisent sur la glace de mer, une glace menacée par le changement climatique. En 2016, le scientifique du ministère des Pêches et des Océans Garry Stenson et ses collaborateurs ont publié un article intitulé « The impact of changing climate and abundance on reproduction in an ice-dependent species, the Northwest Atlantic harp seal ». Dans cet article, ils affirment qu'il existe un lien entre la hausse des populations de phoques et le déclin de leurs taux de grossesse (qui comprend la hausse des fausses couches tardives). Ils affirment aussi que les phoques du Groenland paraissent sensibles aux moindres modifications de l'environnement lorsqu'ils sont nombreux.
Il s'ensuit que si nous faisons diminuer la population de phoques du Groenland, nous améliorerons leurs chances de survivre aux répercussions du changement climatique.
L'objectif de rétablir l'équilibre de notre écosystème sert l'intérêt de toutes les entités qui dépendent de cet équilibre pour survivre, y compris celui des phoques. Nous devons agir, et nous devons le faire maintenant.
Merci de m'avoir donné l'occasion de faire la lumière sur cette question cruciale.
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J'ai visité le Centre des sciences de la mer en 2008 avec le Dr Pierre-Yves Daoust, le vétérinaire qui nous a aidés à réviser le Règlement sur les mammifères marins pour tenir compte du processus en trois étapes.
À l'époque, j'avais demandé au gardien quelle quantité de nourriture chacun de ces phoques adultes consommait. Il était très fier de m'informer qu'il avait redonné aux phoques un poids santé, alors que le gardien précédent leur donnait plus de trois tonnes métriques de poissons pélagiques par an. Il s'agit de poissons entiers engloutis par le phoque. Ce chiffre ne tient pas compte des morsures au ventre ni des rejets. À l'époque, les phoques étaient rendus tellement obèses qu'ils ne pouvaient même plus sortir du bassin. Le nouveau gardien a ramené leur consommation à 2,2 tonnes de poisson par an, afin de leur redonner un poids sain pour des phoques en captivité.
Nous estimons actuellement que les phoques vivant dans les eaux canadiennes mangent une tonne métrique de poisson par an, mais nous encourageons l'Équipe scientifique spéciale sur le phoque de l’Atlantique à réévaluer ces données et nous ne sommes pas en mesure d'y accéder. Je m'interroge vraiment sur la volonté d'évaluer les chiffres dont nous disposons actuellement. Je suis sûr que tous ceux et celles qui ont un animal de compagnie savent combien ils lui donnent en nourriture par semaine, par mois et par an, je suis donc pas mal certain que nous savons combien de nourriture nous donnons à ces phoques du Groenland dans le bassin de Logy Bay.
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Les scientifiques du ministère affirment eux-mêmes que c'est lié à la disponibilité des proies et à la taille du troupeau.
Tous ces faits et les chiffres proviennent des scientifiques du ministère des Pêches et des Océans. Le plus alarmant, c'est l'augmentation de 200 % de la prévalence des avortements tardifs. Une femelle phoque du Groenland peut, selon son état physique, décider à tout moment de la période de gestation d'avorter. C'est ce qu'elles font. Les jeunes femelles avortent parce qu'elles sont en sous-poids et que leur corps est plus court.
Les marques de griffes que nous observons sur les jeunes phoques de l'année que nous récoltons sont de plus en plus nombreuses. Là encore, nos spécialistes qui effectuent le classement dans l'usine pensent que c'est parce que les mères essaient de sevrer les petits plus tôt, peut-être parce qu'elles n'ont pas assez de masse corporelle pour les alimenter jusqu'à la fin du cycle.
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Je pense qu'il ne fait aucun doute que les gens du ministère des Pêches et des Océans font tout ce qu'ils peuvent. Nous travaillons en étroite collaboration avec les scientifiques du ministère dans la plupart de nos travaux. Le problème, c'est le manque de financement. Ils n'ont pas les fonds nécessaires pour faire ce qui devrait être fait, tout simplement. Il faut y consacrer plus d'argent.
J'ai ici des courriels, je ne dirai pas de qui, mais d'un certain nombre de scientifiques du ministère, qui disent avoir vraiment eu du mal à obtenir de l'argent pour réussir à faire le travail scientifique fait jusqu'ici. Il n'y a pas de financement fédéral pour cela. Ils ont dû trouver des sources de financement extérieures. C'est un véritable problème, qui les empêche de faire leur travail, carrément.
Ce n'est pas faute d'essayer, ni parce qu'ils cachent la vérité. Ce sont de bons scientifiques qui travaillent dur et qui veulent produire de bonnes données scientifiques, mais ils n'ont tout simplement pas les fonds nécessaires.
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Ce que nous faisons de différent, c'est le travail en zone littorale et en eaux non cartographiées. Vous avez peut-être entendu parler de nous parce que nous sommes l'organisation qui a permis de retrouver l'expédition Franklin.
Il faut ce genre de petit navire de type rover martien pour cela. Les grands brise-glaces ne peuvent pas pénétrer dans ces zones. Ils ne peuvent pas pénétrer dans les zones écologiquement sensibles où l'eau des lacs ou des rivières se jette dans l'océan, où les Inuits et les Autochtones du Nord chassent et pêchent le phoque. On ne peut y pénétrer qu'avec des navires à faible tirant d'eau, spécialement conçus pour naviguer dans des zones plus risquées.
À notre connaissance, nous sommes la seule organisation à disposer de ce genre de navires, mais nous ne recevons pas un sou du gouvernement fédéral pour le moment. Cette année, l'un de nos principaux navires n'est pas présent dans le Grand lac des Esclaves, le fleuve Mackenzie et la mer de Beaufort, ce qui signifie que le travail scientifique qui doit y être effectué... Il y a deux zones de protection marine très importantes dans la mer de Beaufort, et les organisations locales de chasseurs-trappeurs veulent désespérément que des travaux y soient effectués. Elles veulent des données bathymétriques et des évaluations des stocks, parce qu'elles craignent que le retour aux quotas ne signe l'arrêt de mort de leur industrie de la pêche.
Voilà quelques-unes des régions où nous travaillons et quelques-uns des problèmes les plus urgents qui nous occupent.
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Oui, absolument, il y a un manque d'intérêt pour l'Arctique.
Le Grand lac des Esclaves est, d'un point de vue écologique, l'un des endroits les plus importants du pays. C'est le canari dans la mine de charbon, et c'est un lac extrêmement productif pour les animaux. C'est là qu'on peut observer comment l'eau douce s'écoule dans l'Arctique. En comparaison, le lac Winnipeg ou le lac Ontario sont étudiés à l'extrême, mais le Grand lac des Esclaves est à peine cartographié.
Le navire de recherche que nous avons déployé le plus récemment se trouve dans le Grand lac de l'Ours. C'est le tout premier navire de recherche déployé dans le Grand lac de l'Ours, rien de moins. Aucune étude n'y a été réalisée auparavant. Et il ne s'agit que de lacs intérieurs, nous ne parlons même pas de l'océan.
Nous avons étudié de nombreuses voies de circulation dans le passage du Nord-Ouest. Ces voies sont bien cartographiées par les grands brise-glaces, mais ce n'est pas là que les gens pêchent et chassent. Ce n'est pas là que les sédiments des différentes régions se mélangent. Tout cela est beaucoup trop peu étudié.
Si nous connaissons du succès, c'est en partie parce que nos travaux s'inscrivent dans des cycles de cinq à vingt ans. Ce sont des études à long terme, qui ne se limitent pas à une, deux ou trois années, pour voir ce qui se passe. Il faut de la recherche stable à long terme pour recueillir des informations vraiment utiles. C'est un véritable défi avec les modèles de financement actuels.
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Nous ne sommes pas des chercheurs scientifiques, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les communautés et nous écoutons les chasseurs et les trappeurs. Ce que nous constatons souvent, c'est que l'on est ce que l'on mange. Les chasseurs constatent que différents poissons sont remplacés par les crevettes et que la taille des phoques a changé. Ils coulent alors qu'ils sont censés flotter lorsqu'on les chasse.
À se rapprocher de la population et à écouter les gens qui vivent près de l'océan, des rivières et sur les terres... Ils voient bien les changements soudains et abrupts. Ils voient les effets du changement climatique. Ils voient les changements dans les migrations.
Nous devons vraiment lier ces connaissances traditionnelles et ces connaissances de terrain à des recherches et à des infrastructures. On ne peut pas seulement prendre un cliché instantané de la situation. Il nous faut un modèle de gestion qui tienne compte de l'ensemble de l'écosystème. Les instantanés appartiennent au passé. Cela ne fonctionne pas. Il faut tenir compte de l'écosystème dans son ensemble.
Les habitants du Nord — les communautés — sont une partie importante de cet écosystème, comme nous en faisons tous partie. Entre les phoques et les poissons, il y a un équilibre. Nous ne voyons pas les changements qui s'opèrent dans cet équilibre, mais les habitants du Nord, eux, les voient. Il nous faut de véritables programmes de fond pour réorienter la recherche.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Leurs témoignages sont évidemment fort intéressants. Ils nous ont fait part de leur perspective quant à la situation dans l'extrême nord du pays.
La fin de semaine dernière, j'ai rencontré un ami de mon père. Il était accompagné d'un cinéaste, ou plus précisément d'un documentariste qui mène une recherche sur la réalité du Saint‑Laurent. Par exemple, il met en lumière le fait que la population de bélugas est en déclin dans le Saint‑Laurent, qu'il n'y a plus de morues dans le fleuve et que diverses espèces, comme le bar rayé, s'alimentent de petits poissons qui se retrouvaient auparavant dans nos pêches.
Tout cela est problématique chez nous, au Québec. Je me rends compte qu'on fait relativement les mêmes constats pour ce qui est de l'extrême nord. De notre côté, nous entendons le même discours, soit qu'il n'y a pas nécessairement d'écoute. En fait, Pêches et Océans Canada, ne semble pas prendre au sérieux vos besoins immédiats, votre désir de perfectionner vos observations et vos relations avec les gens sur le terrain. Il me semble que ces derniers possèdent des connaissances de ce qui se passe en temps réel. D'après moi, c'est ce qui nous a manqué au cours des 25 dernières années.
Il y a 25 ans, mon père disait que l'arrêt de la chasse aux phoques allait faire en sorte qu'il n'y aurait plus de morues dans le fleuve. Cette observation était juste. Les gens sur le terrain possèdent ce genre de connaissances.
Depuis combien de temps sentez-vous que vous n'avez pas les moyens de mener les recherches? Les besoins ont augmenté, mais vos ressources financières ont diminué. Depuis environ combien de temps sentez-vous cela?
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Je vous remercie pour la question.
C'est un sérieux problème depuis toujours. Nous avons très rarement reçu des fonds du gouvernement fédéral. C'est la raison pour laquelle nous collaborons à la création de réseaux avec les universités, les gouvernements des provinces et des territoires, ainsi que les ministères fédéraux quand l'occasion se présente. Notre but est de mettre en place des programmes de recherche de qualité.
Chaque année, nous devons faire des pieds et des mains afin de combiner suffisamment de programmes pour ne pas perdre trop d'argent, une situation qui mettrait la fondation en péril. Nous sommes un organisme sans but lucratif. Nous perdons de l'argent en accomplissant notre travail, ce qui n'est pas un problème puisque nous ne cherchons pas à engranger des profits.
La question principale, ce n'est pas vraiment « depuis combien de temps? »; c'est plutôt « quelle est la situation actuelle? ». Le gouvernement fédéral a fait beaucoup d'annonces concernant l'octroi de fonds importants destinés à la recherche scientifique dans l'Arctique. C'est excellent.
Dès lors, nous avions bon espoir que nos navires fonctionneraient à plein rendement pendant toute la saison. Toutefois, quand nous nous sommes adressés aux membres des collectivités sur le terrain — puisque les fonds passent par les collectivités, comme ils le devraient souvent —, ils nous ont dit qu'ils voulaient entreprendre, par exemple, des travaux d'hydrographie dans la zone de protection marine près de Paulatuk et Tuktoyaktuk. Bien que les fonds annoncés soient suffisants pour effectuer ce genre de travaux, l'argent n'est pas encore disponible, et il faudra peut-être attendre plusieurs années avant qu'il le soit.
Exploiter des navires dans le Nord coûte très cher. Or les sciences de la mer exigent des navires, et la plupart des activités scientifiques doivent être faites dans des zones littorales. Nous sommes la seule organisation qui dispose des navires nécessaires, et pourtant, nous devons toujours remuer ciel et terre pour bâtir les programmes en tirant parti de diverses sources de financement. C'est toujours un problème, mais nous avons espoir que la situation s'améliorera. Pour ce faire, il faut augmenter considérablement et sérieusement les investissements à long terme et, comme M. Schimnowski l'a dit, il faut adopter une approche écosystémique globale.
Très brièvement, l'autre enjeu, c'est que nous réussissons bien parce que nous travaillons suivant un modèle de génération conjointe de connaissances. Les collectivités mènent, et nous les suivons. Nous utilisons une approche écosystémique globale, ce qui est très difficile à financer pour des organismes comme ISDE, le MPO et Agriculture Canada. Ces organismes exigent des paramètres et des résultats de recherche précis, ce qui ne correspond pas à la réalité du Nord, où il faut en apprendre davantage sur les écosystèmes dans leur ensemble.
Notre modèle a beau fonctionner, nous avons beaucoup de difficulté à obtenir des fonds dans le cadre du régime de financement fédéral actuel.
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Je suis membre du Comité consultatif sur les phoques de l'Atlantique, qui est présidé par le MPO.
Ce que je vais dire, c'est que depuis près de 20 ans, l'industrie envoie un message clair au MPO relativement à l'approche de précaution et au régime de gestion dans son ensemble. Quelles sont les obligations du Canada à l'égard des pinnipèdes, tant sur la côte Est que sur la côte Ouest? Nous avons la preuve scientifique que le phoque gris causera la disparition de quatre espèces; pourtant, nous nous croisons les bras et nous nions notre responsabilité de prendre des mesures pour redresser la situation.
Le problème n'est pas propre au Canada; il touche aussi les États-Unis. Les Américains échangent avec nous. J'ai parlé à nombre d'Américains de Nantucket et de partout dans le Maine. Ils sont contrariés que des phoques provenant du Canada se nourrissent de poissons dans les eaux américaines. La seule mesure qui a été prise est une demande présentée pour savoir si le phoque peut être utilisé comme appât en vertu de la MMPA, et quelles en seront les répercussions.
Selon moi, nous avons l'obligation d'agir pour les générations futures. Nous devons absolument tenir compte des observations faites par les gens sur le terrain, que ce soit dans le Nord ou sur la côte Est. Ces gens sont témoins de la situation. Ils ont prévu l'effondrement des stocks de morue longtemps avant le MPO. Nous devons intégrer l'expérience de première main dans le modèle de gestion. Nous devons également assumer la responsabilité de corriger le déséquilibre créé dans notre écosystème.
D'autres pays ou régions ont connu des situations semblables. Prenez l'exemple de l'Australie et des mesures qu'elle a prises pour régler le problème de désertification et de perte de terres causé par les kangourous, qui menaçaient de détruire les pâturages naturels.
En défendant l'interdiction d'utiliser cette ressource durable, on apprend au reste du monde qu'on est contre l'environnement. On est contre la planète. On place les gens dans des positions marginales, et on détruit la culture et les traditions. On menace la sécurité alimentaire des populations locales. On viole les règles de la Convention sur la diversité biologique.
De nombreux moyens et de nombreuses solutions s'offrent à nous pour redresser la situation et rétablir l'équilibre au sein de l'écosystème. Le problème concerne l'écosystème, et non la pêche commerciale du phoque. Il faut restaurer l'équilibre pour sauver la planète ainsi que l'écosystème de l'Atlantique Nord-Ouest.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. J'ai tellement de questions. Franchement, j'avais peine à décider lesquelles seraient les plus importantes à poser aujourd'hui.
J'ai encore quelques questions pour vous, monsieur Dakins.
L'un des enjeux principaux, c'est le manque d'information nécessaire pour faire en sorte que les discussions portent sur les mêmes points et pour réfuter les fausses informations. J'aimerais mettre certaines choses au clair.
Sauf erreur, nous en sommes à notre cinquième réunion au sujet des pinnipèdes, et je commence à remarquer certaines divergences. J'aimerais obtenir des précisions sur le régime alimentaire des phoques. On nous parle beaucoup de la quantité de nourriture que consomment les phoques en Norvège. J'utilise cet exemple à titre comparatif pour montrer l'inexactitude des données sur ce que mangent les phoques le long des côtes canadiennes. J'ai aussi appris que les différences dans les habitudes alimentaires pouvaient être attribuables aux différences dans l'environnement. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet pour nous aider à comprendre?
Si l'on maintient qu'il faut concilier les différences... J'ai peut-être tort, mais l'on semble présumer que les données relatives à l'alimentation des phoques le long de la côte de Terre-Neuve, par exemple, devraient être les mêmes que celles portant sur la consommation des phoques le long de la côte de la Norvège. Cependant, selon de nouveaux renseignements, ces données ne seraient pas nécessairement comparables. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur l'information que vous nous avez fournie à ce sujet, s'il vous plaît?
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Je pense que l'important, c'est de concilier les différences, car la consommation d'un kilo par jour représente le retrait d'une quantité astronomique de biomasses de l'environnement. Le chiffre provenant de la Norvège est basé sur les besoins énergétiques d'un phoque du Groenland sauvage, qui parcourt quelque 15 000 kilomètres à la nage par année. Nous avons aussi les données du MPO. D'après nos observations, les phoques se déplacent jusqu'à la côte Est du Groenland, puis reviennent. Nous savons qu'aujourd'hui, les phoques du Groenland consomment de l'omble dans des rivières qu'ils ne fréquentaient pas auparavant.
La première chose à faire quand tout problème se pose, c'est de le définir; or nous n'avons pas encore défini le problème. Nous disposons de groupes scientifiques, et je pense que nous pourrions tous nous entendre sur le besoin d'effectuer immédiatement une analyse afin de dresser un bilan des connaissances, d'évaluer la valeur des données et de relever les lacunes.
Je vous encourage à entamer des discussions avec d'autres pays qui font face au même problème que nous. La surabondance de pinnipèdes et ses répercussions sur les pêches ne sont pas un problème propre au Canada; il touche toutes les régions où vivent les pinnipèdes. D'après moi, tant qu'il s'agira d'un dossier sensible, il sera impossible de commencer à examiner la question que vous posez, car ce que les personnes sur le terrain constatent... Je ne passe certainement pas la majorité de mon temps là‑bas, mais je parle quotidiennement à des gens sur le terrain. Selon eux, de grandes quantités de crabes et de crevettes se font manger; pourtant, il ne s'agit pas d'aliments nutritifs pour le phoque du Groenland. George Rose aurait dit que c'est l'équivalent de manger du maïs soufflé. Pourquoi les phoques consomment-ils autant de crevettes?
Je tiens à mentionner encore une fois la situation dans le Sud du golfe du Saint-Laurent. Nous savons que le phoque gris causera la disparition de quatre espèces et nous n'y faisons rien. C'est la quatrième fois que je participe à une réunion de comité. Les recommandations ne sont pas suivies.
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Je vous remercie, monsieur Dakins, pour ces renseignements pertinents. J'essaie simplement de faire en sorte qu'à la fin de notre étude, nous puissions présenter les recommandations les plus valables qui soient au gouvernement quant aux mesures à prendre, car l'une des difficultés principales qui ressort encore et encore, c'est le manque de données et d'information. Je veux m'assurer que l'information que nous recevons est claire avant de formuler des recommandations.
Je me fais en quelque sorte l'avocate du diable. Un autre élément qui ressort de l'information que je reçois se rapporte à l'adoption d'une approche écosystémique. Lorsqu'il est question de chasse aux pinnipèdes — je tiens à préciser que j'appuie en grande partie ce qui a été dit —, il faut tenir compte non seulement de la consommation des pinnipèdes, mais aussi de leur rôle global dans l'écosystème.
Les représentants de l'Arctic Research Foundation sont peut-être les mieux placés pour répondre à ma question.
Je sais que vous travaillez de près, entre autres, avec les Inuits. Quel est votre avis sur l'importance d'adopter une approche écosystémique durable afin de prendre les meilleures décisions possible pour l'avenir?
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Je trouve certainement important d'abandonner les travaux scientifiques qui ne donnent qu'un aperçu. Habituellement, les recherches sont faites en eau libre; cependant, la glace présente entre les saisons est essentielle et elle fournit probablement plus d'information que l'eau libre.
En créant des programmes qui regroupent des collectivités, des équipes de recherche et des groupes commerciaux et en faisant des recherches toute l'année plutôt que durant un mois seulement, on obtient une meilleure vue d'ensemble de la situation. Pour comprendre l'écosystème, il faut étudier les routes migratoires et les distances parcourues par les animaux, non seulement par le phoque, mais aussi par les espèces qu'ils consomment. Que font les poissons? Quelles sont leurs routes migratoires? Où sont les aires de reproduction des crevettes? Les phoques chercheront les endroits où ils peuvent se nourrir le plus facilement possible.
Dans certaines régions, il y a peut-être seulement des crevettes. Ailleurs, les activités commerciales ont peut-être une plus grande incidence. Si tout ce que nous avons, c'est un aperçu, nous ne le saurons jamais vraiment. Par ailleurs, en faisant des recherches toute l'année, on favorise la création d'une industrie; on donne aux collectivités la possibilité de renforcer leurs capacités pour soutenir les activités de recherche.
Il y a aussi les véritables connaissances traditionnelles, les programmes de génération conjointe qui ont un sens à la fois pour l'industrie et pour les chercheurs, mais surtout pour les collectivités du Nord. Ainsi, un équilibre est nécessaire; à mon avis, c'est la seule façon d'arriver à comprendre l'équilibre de l'écosystème.
Monsieur Dakins, en 2021, Mme Dwyer, biologiste principale chargée de l'évaluation des stocks au MPO — vous la connaissez peut-être —, a affirmé que le phoque n'avait pas d'effet perceptible sur la prédation des poissons pélagiques. Puis, un an plus tard, la a déclaré que le phoque mange du poisson et qu'il faut donc mener plus d'études.
La croit-elle qu'il faut mener plus d'études parce que Mme Dwyer a dit que le phoque n'avait pas d'effet, ou y a‑t‑il d'autres raisons?
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Je devine que les recherches scientifiques ne sont probablement pas légion dans le Nord. La recherche est beaucoup plus active sur la côte Est. Il y a eu la Commission royale sur les phoques en 1986. Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, établi en 1993, a pour sa part mené des études approfondies sur les phoques avant de demander en 1999 que la population de ces animaux soit réduite de moitié. Or, cette population a presque doublé depuis.
Comme vous l'avez dit, de nombreux rapports de comités — au moins quatre ou cinq — ont traité de la question. Des données sur le phoque gris publiées l'an dernier par les chercheurs du MPO prédisent, exactement comme vous, la disparition d'espèces dans le golfe. Voici 122 pages d'échantillons de contenus stomacaux de phoque, que j'ai obtenus grâce à une demande d'accès à l'information ou à une demande au Feuilleton.
Devant le Comité consultatif du maquereau de l'Atlantique, le MPO a présenté une diapositive indiquant que le régime alimentaire du phoque gris se compose en hiver à 50 % de maquereau, espèce qui n'est pas censée se trouver là en cette saison, et à 80 % de morue et de hareng de l'Atlantique en été.
Ces données scientifiques ne suffisent-elles pas pour déterminer qu'il y a trop de phoques?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi d'entendre ce groupe de témoins. Cette étude est très instructive. Beaucoup de thèmes récurrents sont ressortis. J'ai relevé des comparaisons et des contrastes intéressants auxquels je reviendrai dans un instant.
Monsieur Dakins, vous avez dit que l'accès au marché était problématique. Au cours des 20 dernières années, les gouvernements successifs ont tenté différentes choses. Le gouvernement Harper a essayé de resserrer les liens commerciaux avec la Chine. Ces efforts n'ont pas nécessairement abouti. Récemment, le gouvernement a annoncé la stratégie pour l'Indo-Pacifique visant à diversifier les activités commerciales du Canada dans la région.
J'aimerais approfondir un peu le sujet de l'accès au marché. Comment des débouchés commerciaux dans l'Indo-Pacifique se répercuteraient-ils sur l'industrie du phoque? J'aimerais ensuite revenir brièvement sur la recherche scientifique. De nombreux scientifiques sont venus comparaître devant le Comité. D'autres témoins ont dit que nous avions assez de données scientifiques. Je voudrais me pencher un peu plus sur cette question avec vous.
Vous dites que nous devrions effectuer une analyse de l'écart dans les données scientifiques. J'aimerais faire un lien entre la science et l'accès au marché. Comment la science pourrait-elle contribuer à l'accès au marché?
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Depuis tout récemment, nous essayons de favoriser le commerce et de trouver de nouveaux clients un peu partout en Asie. Actuellement, la conjoncture mondiale est idéale pour la vente de suppléments d'oméga‑3. L'effondrement des pêches en Amérique du Sud et la situation du secteur de la pêche péruvien et chilien ont entraîné une pénurie mondiale. Nous croulons sous les demandes pour les suppléments d'oméga‑3 à base d'huile de phoque, qui s'accumulent depuis mars.
Le hic, c'est que dans de nombreux pays, les décideurs estiment que le phoque du Groenland est en danger. Les groupes de défense des droits des animaux et d'autres détracteurs de l'industrie diffusent ce message. Nous devons être en mesure d'y répliquer. Le seul outil pour le faire est la science. Qu'attendons-nous pour effectuer une analyse de l'écart dans les données?
Je ne comprends pas. Le MPO pourrait entreprendre cette analyse tout de suite. Il faut parler aux Norvégiens. En conciliant les écarts d'interprétation, nous aurons les bases qui nous permettront de comprendre le problème et le caractère urgent des mesures à prendre.
Si les autres pays veulent acheter des produits de la mer canadiens, ils vont devoir convenir que des mesures doivent être prises à l'égard des superprédateurs — non seulement le phoque du Groenland, mais aussi le phoque gris — qui sévissent dans les eaux de l'est, de l'ouest et du nord du Canada.
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Merci. J'aimerais poursuivre la discussion avec vous, si vous le permettez.
Je ne sais pas si vous en avez parlé dans votre déclaration liminaire ou dans vos réponses lors de la série de questions précédente, mais vous avez mentionné la possibilité de mettre sur pied un groupe d'action. Lorsque nous nous penchons sur les problèmes liés aux phoques, plusieurs thèmes ressortent, en l'occurrence le manque d'accès au marché et la loi sur la protection des mammifères marins aux États-Unis. Nous découvrons aussi que les pêcheurs dans certaines régions des États-Unis éprouvent les mêmes difficultés que les pêcheurs canadiens. Ce serait merveilleux d'aller rencontrer ces gens sur le terrain et en mer pour recueillir leurs observations.
J'aimerais revenir au groupe d'action. Si vous regardez du côté du gouvernement, des ONG, des pêcheurs, des associations de pêche et les entreprises comme la vôtre, qui parmi ces joueurs pourraient faire partie du groupe d'action?
Selon moi, le MPO, Affaires mondiales, les services commerciaux... Qui d'autre ferait partie du groupe d'action, et quelles seraient les deux ou trois initiatives prêtes à se concrétiser? Nous pourrions peut-être prévoir une analyse de l'écart dans les données, non pas dans six ans, ni dans un an, mais dans les six prochains mois.
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Je pense que l'apport d'Affaires mondiales Canada ferait débloquer les choses. Nous devons regarder le contexte sous un angle commercial. Les exemptions accordées aux Inuits et aux Autochtones ont donné des résultats pitoyables. Environnement Canada devrait aussi s'impliquer. L'île de Sable, qui a été désignée parc national, est envahie par le phoque gris.
Nous avons mis au point cette stratégie que nous avons soumise à plusieurs reprises au gouvernement fédéral au cours de la dernière décennie. Je serais heureux de faire le suivi de nos démarches auprès du Comité. Nous avons mis au point une stratégie, car nous répétons les mêmes choses depuis 40 ans. Nous avons parlé de la chasse au phoque durable. Nous avons souligné l'importance de cette activité pour la préservation des cultures et des traditions et le caractère pragmatique des produits et de leur utilisation finale. Nous ne sommes pas allés jusqu'à invoquer la santé de l'écosystème, mais je crois que nous sommes rendus là, monsieur Kelloway.
Je vois une réelle occasion de discuter avec des spécialistes des relations commerciales pour leur expliquer ce qui se passe tous les jours dans l'industrie et pour leur faire part des occasions que nous percevons et des raisons pour lesquelles nous n'y avons pas accès. Je veux être très clair. Il y a suffisamment d'acheteurs pour les produits du phoque dans le monde, mais nous n'avons pas accès à ces acheteurs. Nous avons reçu des demandes tout récemment pour des suppléments d'oméga‑3 à base d'huile de phoque en Amérique. Nous recevons constamment des demandes de l'Union européenne, mais nous ne pouvons pas y répondre, car les gens ne comprennent pas l'ampleur des obstacles que nous devons franchir.
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C'est très intéressant.
Je vais revenir sur la création d'un groupe d'action d'urgence, qui serait une très bonne idée, à mon avis. Pensez-vous qu'il serait envisageable que des groupes de défense des animaux puissent faire partie de ce groupe d'urgence?
N'y a-t-il pas un effort à faire pour rétablir la communication avec les groupes extrémistes? Quand je dis « extrémistes », ce n'est pas négatif; je parle des gens qui croient fondamentalement que les gros méchants sont les humains qui détruisent la planète. Ce constat est vrai, mais, dans le cas des pinnipèdes, on a peut-être une mauvaise compréhension de la situation.
Tantôt, vous disiez que l'écosystème était en danger. En général, les groupes de défense des animaux et les environnementalistes défendent les écosystèmes. Le fait de les inclure dans un tel groupe pourrait être une manière de les réintégrer dans le système de prise de décision. Pensez-vous que c'est réalisable? Moi, je rêve de cela.
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Merci, monsieur le président.
Merci encore aux témoins.
Les représentants de l'Arctic Research Foundation voulaient nous transmettre des informations. Je voulais leur donner l'occasion de le faire. Pourriez-vous en dire plus sur la première étape que devrait prendre le gouvernement?
Soit dit en passant, l'été dernier, je suis allée dans la petite communauté de Pangnirtung au Nunavut. J'ai constaté de visu l'importance culturelle de la chasse aux phoques pour les Nunavummiuts. J'étais ébahie.
N'hésitez pas à nous faire part de n'importe quelle information qui nous permettrait d'élargir nos connaissances à ce sujet. Merci.
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La première étape serait d'augmenter le financement de la recherche scientifique dans le Nord. Davantage de fonds devraient être versés aux communautés, qui détermineraient elles-mêmes comment les dépenser. Les fonds n'ont pas à transiter par des organismes comme le nôtre. Ils doivent se rendre directement dans les communautés pour qu'elles décident quoi en faire.
La deuxième étape, qui se rapporte aux phoques, serait d'effectuer des évaluations rigoureuses des stocks dans les différentes régions, surtout dans l'Arctique, où nous n'avons aucune donnée sur la santé de 18 des 21 espèces. Ces études s'imposent.
La troisième étape serait d'adopter une approche écosystémique. Pour vous donner un exemple rapide, la recherche scientifique est très coûteuse, mais ces coûts peuvent être allégés lorsque les activités ne sont pas menées sur d’énormes brise-glace. De plus petits bateaux permettraient en fait d'accéder aux régions littorales non explorées, négligées depuis des années, où il est vraiment nécessaire de mener ces travaux.
Au moyen de notre bateau, un seul projet peut englober l'hydrographie — afin d'établir la topographie pour les infrastructures ou la navigation —, la surveillance bioacoustique pour l'évaluation des stocks ainsi que le chalutage pour l'étude de la contamination aux microplastiques, qui constitue un autre problème grave. Nous pouvons aussi prélever au passage des échantillons de carottes de pergélisol et poursuivre une analyse continue des éléments nutritifs dans l'eau. Enfin, il est possible de former à bord des membres des communautés locales pour les aider à obtenir leur certification d'homme de quart à la passerelle de Transports Canada, qui les mènera à de bons emplois dans le secteur maritime. Des camps peuvent aussi être organisés pour faire connaître aux jeunes issus des communautés les activités scientifiques locales.
Voilà le modèle que nous utilisons et ce à quoi servent les fonds que nous grappillons à gauche et à droite. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas faire la même chose. Ce modèle recoupe bon nombre de programmes et de ministères, ce qui est inhabituel, mais c'est la manière de financer la recherche scientifique dans le Nord.
Voilà qui conclut la première heure de la séance.
Je tiens à remercier les témoins, M. Henheffer, M. Schimnowski et M. Dakins, de leur présence aujourd'hui et des connaissances approfondies qu'ils ont transmises au Comité. Tous les témoignages ont été très instructifs.
Nous allons suspendre la séance pour un instant afin de nous préparer pour le deuxième groupe de témoins.
Encore une fois, merci beaucoup de votre participation.
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J'aimerais souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins de la séance d'aujourd'hui.
Nous accueillons Mme Erin Carruthers, scientifique des pêches au Fish, Food and Allied Workers Union, qui participe par vidéoconférence. Par vidéoconférence également, nous avons M. Gil Thériault, directeur de l'Association des chasseurs de phoques intra-Québec. Enfin, du Sport Fishing Institute of British Columbia, nous recevons en personne M. Owen Bird, directeur général, et M. Martin Paish, directeur, Pêches durables.
Merci d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui. Chaque groupe disposera de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
Nous commençons avec Mme Carruthers.
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Merci, monsieur le président.
Au nom des 13 000 membres de la Fish, Food and Allied Workers Union de Terre-Neuve-et-Labrador, je vous remercie de donner à notre syndicat l'occasion de prendre la parole devant les membres du Comté aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur les impacts écosystémiques et la gestion des populations de pinnipèdes.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas la FFAW, celle‑ci représente les pêcheurs de toute l'île de Terre-Neuve et du sud du Labrador. Nous comptons parmi nos membres environ 3 000 propriétaires-exploitants et plus de 7 000 membres d'équipage. Nous comptons également des milliers de travailleurs dans les usines de transformation du poisson, le transport maritime, la fabrication de métaux, l'hôtellerie et bien d'autres secteurs dans toute la province.
En tant que syndicat représentant les pêcheurs et les travailleurs du secteur de la transformation, la FFAW milite en faveur de la croissance économique et sociale et de la durabilité des communautés côtières dans toute la province. Ces communautés côtières, dynamiques, dépendent de pêcheries et de stocks de poissons durables et sains. C'est ce dont je vais parler un peu aujourd'hui.
Je vous ai donné une vue d'ensemble du syndicat, mais je voudrais aussi vous parler de notre section scientifique. Certains ne savent peut-être pas que la FFAW dispose d'une section scientifique qui a été créée en 1994 dans le cadre de notre programme sentinelle pour la pêche à la morue. L'un des objectifs du programme sentinelle — c'est d'ailleurs l'un de nos principaux objectifs depuis le début — est de faire intervenir les pêcheurs, leurs observations et leurs connaissances dans l'évaluation et la gestion, afin qu'ils fassent partie de la gestion des écosystèmes et des pêcheries. Nous avons des programmes sur tous les stocks pêchés commercialement à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que de nombreux autres programmes. Dans le cadre de tous nos programmes, les pêcheurs mettent à contribution leurs observations, leurs connaissances et leur expertise en matière de pêche, notamment pour les projets.
Avant de passer à mes commentaires sur les phoques en particulier, je tiens à préciser que la documentation des observations et des connaissances des chasseurs demeure au sommet des priorités de la FFAW. Je note ici que, dans le cadre de votre étude, ce comité a entendu des pêcheurs et des chasseurs de phoques de Terre-Neuve-et-Labrador et d'autres régions. Parmi eux, certains pêcheurs de longue date que je connais bien, MM. Trevor Jones et Eldred Woodford, ont présenté leurs observations et transmis leurs connaissances sur les changements survenus dans leur environnement halieutique. Plus précisément, je présume qu'ils ont parlé des changements dans les populations de phoques à Terre-Neuve et au Labrador, de leur abondance, de leur répartition et de leurs effets.
Vous avez probablement entendu la frustration des pêcheurs, que la FFAW a soulignée à plusieurs reprises pour l'avoir clairement entendue, concernant l'absence d'engagement à étudier les conséquences de la prédation des phoques sur des espèces importantes comme le capelan, la morue de l'Atlantique, le maquereau, le hareng, le crabe et bien d'autres encore. En plus des rapports d'observation sur les troupeaux massifs de phoques, les pêcheurs ont également présenté, souvent au MPO directement, des photos et des vidéos de la déprédation causée par les phoques. Depuis des années, nos membres demandent au MPO de recueillir des données sur la répartition et l'abondance actuelles des populations autour de Terre-Neuve-et-Labrador qui ont des répercussions sur nos espèces halieutiques.
Je pense qu'il ne s'agit pas seulement de demander au MPO de documenter la situation. Il faut que le MPO donne la priorité à la recherche collaborative sur les incidences des phoques, une recherche qui s'appuie sur les observations et les connaissances des gens qui naviguent sur l'eau. Comme vous le savez certainement à ce stade de votre étude, il y a un écart énorme entre les observations des pêcheurs et les évaluations du MPO concernant les répercussions des phoques sur l'écosystème. Je vais vous présenter un exemple précis auquel j'ai participé et l'utiliser pour illustrer certains des points que je souhaite aborder. Cet exemple provient d'une évaluation de la morue de la sous-division 3Ps et d'un plan de reconstitution des stocks. Je recommanderai ensuite des moyens possibles de combler l'énorme fossé qui existe entre les évaluations des répercussions réalisées par les pêcheurs et celles réalisées par les scientifiques du MPO.
Tout d'abord, la morue de la sous-division 3Ps est l'un des trois stocks de morue de Terre-Neuve-et-Labrador. Il s'agit du stock situé sur la côte sud de l'île de Terre-Neuve. Il s'étend de la baie de Plaisance, à l'est, à Burgeo, à l'ouest. Actuellement, on estime que la sous-division 3Ps est une zone critique, ce qui signifie que nous devons mettre en place un plan de reconstitution des stocks. Comme pour les stocks de morue du sud du golfe, l'évaluation de la morue de la sous-division 3Ps montre que les niveaux de pêche n'influencent pas la trajectoire du stock. En fait, les résultats du modèle montrent que la mortalité naturelle est estimée à 10 fois la mortalité par pêche — 10 fois.
L'évaluation la plus récente du stock, disponible en ligne, indique que « seule une très petite proportion de la population de phoques gris [...] utilise la sous-division 3Ps ». On cite ensuite une étude sur le marquage publiée il y a cinq ans. Or, cette étude et, surtout, les données de marquage par satellite sur lesquelles elle se fonde remontent à au moins 13 à 15 ans.
Nous nous prononçons sur ce qui se passe actuellement sur notre côte sud et nous essayons d'élaborer un plan de reconstitution d'un stock de morue très important, mais nous utilisons des données qui remontent à 15 ans. Nous disons que la population de la côte sud est très faible. C'est pourquoi les gens sont frustrés. C'est un exemple de la raison pour laquelle les gens sont frustrés, et cela vous montre l'ampleur de l'écart.
Pour être honnête, j'ai soulevé cette question au sein du groupe de travail sur le plan de reconstitution, un petit groupe de travail composé de scientifiques et de gestionnaires du MPO, de représentants de l'industrie et de groupes autochtones. Lorsque j'ai souligné le problème que pose l'utilisation de données historiques pour déterminer la situation actuelle, parce qu'on ne peut pas déterminer la situation actuelle et les répercussions actuelles à partir de données qui datent de 15 ans...
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Bonjour, tout le monde.
Je vous remercie de m'avoir invité à participer à vos travaux.
Je m'appelle Gil Thériault et je suis directeur de l'Association des chasseurs de phoques intra-Québec. Ma participation dans ce dossier a commencé en 1992, ce qui me donne un certain recul et une certaine vision à long terme du dossier du phoque. Je n'ai pas préparé de grand discours. J'ai écouté les présentations qui ont été faites tout à l'heure, et plusieurs choses m'ont interpellé. Je vais essayer d'en nommer quelques-unes au cours des quelques minutes de temps de parole qu'il me reste.
Tout d'abord, il est important de savoir qu'il n'y a pas une industrie du phoque, mais des industries du phoque au Canada. Les Autochtones ont certainement la leur, ainsi que le Québec, les Maritimes et Terre‑Neuve‑et‑Labrador. On a au moins quatre zones qui ont leur propre réalité et leurs propres défis. Il est donc très important d'en tenir compte lors des discussions liées à ce dossier.
Un des énormes problèmes, c'est que le ministère des Pêches et des Océans n'admet pas la possibilité qu'il y ait trop de phoques. Je ne sais pas combien de fois j'ai participé à des réunions où participaient des scientifiques du ministère. Ils disaient que cela n'existait pas, qu'il n'y avait pas trop de phoques, tout comme il n'y avait pas trop de homards. Ces scientifiques ont une approche espèce par espèce. L'important pour eux, c'est le fait qu'il y en a de plus en plus. Pourtant, c'est possible qu'il y ait trop d'oies, trop de renards, trop d'orignaux ou trop de chevreuils, par exemple, dans un écosystème donné. Tout à l'heure, on se demandait s'il était possible que le ministère minimise ce problème. Selon moi, c'est assurément le cas. L'approche visant le principe de précaution espèce par espèce est une approche du passé. Elle est aussi passéiste que l'approche anthropocentrique. Aujourd'hui, il faut absolument préconiser l'approche écosystémique, et il semble y avoir beaucoup de résistance au ministère à cet égard.
Présentement, en ce qui concerne le golfe du Saint‑Laurent, j'entendais dire qu'il y avait quatre espèces de poisson qui étaient menacées, ce qui n'est absolument pas le cas. C'était le cas il y a plusieurs années, mais il y en a beaucoup plus que cela. Il y a la morue franche, la plie canadienne, la plie grise, la limande à queue jaune, la merluche blanche, la raie tachetée, le maquereau et le hareng. Dans quelques années, il va y en avoir encore plus que cela.
L'ampleur du problème quant au phoque gris ici, dans le golfe du Saint‑Laurent, est énorme. On est déjà en pleine crise, et on a déjà beaucoup trop attendu. Je pourrai vous parler, plus tard, de la question des appâts à base de phoque, à titre d'exemple. La situation à cet égard reflète le manque total de volonté du ministère pour ce qui est de régler ce problème.
Merci.
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Merci. C'est ce que je vais faire.
Je signale que je visais six minutes. Je crois savoir que ma déclaration a été transmise à tous. Je vais faire de mon mieux, mais je ferai attention au temps.
Le Sport Fishing Institute of BC est une organisation de défense, fondée en 1980, qui représente les intérêts des pêcheurs récréatifs, des entreprises qui soutiennent la pêche sportive et les activités connexes, ainsi que des communautés qui en dépendent. Notre pêche repose en très grande partie sur les salmonidés. Notre pêche repose en très grande partie sur les salmonidés. Cependant, les études et les résultats obtenus en Colombie-Britannique, dans l'État de Washington et dans l'Oregon, ainsi que l'expérience et les connaissances des pêcheurs et des habitants de la côte, montrent clairement que la prédation exercée actuellement par les pinnipèdes menace l'avenir de la production de saumons et de truites arc‑en‑ciel anadromes, et par conséquent, de la pêche au saumon et à la truite arc‑en‑ciel anadrome.
La prédation des saumons et des truites arc‑en‑ciel anadromes par les pinnipèdes en Colombie-Britannique constitue un grave problème depuis des décennies. On sait désormais que la prédation par les pinnipèdes a une plus grande incidence sur la production de saumons et de truites arc‑en‑ciel anadromes que toutes les autres pêches et captures combinées. Une étude publiée dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques sur la consommation de saumon du Pacifique par les mammifères marins prédateurs dans les eaux intérieures de l’État de Washington souligne l’ampleur de ce problème dans les eaux adjacentes à la Colombie-Britannique:
De 1970 à 2015, nous estimons que la biomasse annuelle de saumon quinnat consommée par les pinnipèdes est passée de 68 à 625 tonnes métriques. Après conversion des saumons quinnats juvéniles en équivalents adultes, nous avons constaté qu'en 2015, les pinnipèdes avaient consommé deux fois plus de saumons que les épaulards résidents et que leur consommation représentait six fois les captures commerciales et récréatives combinées.
La population de pinnipèdes semble s’être stabilisée, mais elle est tout de même 10 fois ce qu'elle était auparavant. L'aire de répartition et les habitudes de la population anormalement élevée se sont axées sur les zones fréquentées par les saumons juvéniles et adultes et sur les périodes de l'année où ils s'y trouvent. La corrélation entre la population de pinnipèdes et la rareté des saumons est de plus en plus documentée et évidente. L’avenir du saumon est sombre à moins que l’on ne fasse quelque chose rapidement pour inverser la tendance.
La gestion écosystémique dont l'approche ne tient pas compte des pinnipèdes ne mène pas au « réensauvagement » de la côte de la Colombie-Britannique ou des mammifères marins, mais elle provoque systématiquement un déséquilibre dans le milieu marin et l’aggrave. À l’état naturel, au cours des millénaires précédant l’arrivée des Européens, l'humain était l’un des plus grands prédateurs des pinnipèdes en Colombie-Britannique, surtout dans les endroits et les zones où les pinnipèdes se rassemblent pour se nourrir de saumon. Les Autochtones considéraient la viande de phoque comme un élément important de leur régime alimentaire et utilisaient soigneusement les parties du corps pour fabriquer des vêtements et des outils. On n’a qu’à visiter le Musée d’anthropologie à l’Université de la Colombie-Britannique pour voir d’anciens bols pour les potlatchs, gros comme des canoës, qui servaient à partager cette riche source de protéines avec les autres.
L’idée selon laquelle les mammifères marins sont en concurrence avec la pêche commerciale a indéniablement entraîné des mesures qui ont bouleversé l’équilibre entre les humains, les pinnipèdes et les salmonidés. L’interdiction totale de capturer ou de chasser les pinnipèdes en Colombie-Britannique dans les années 1970 a été une mesure qui, une fois en place, a modifié radicalement l’approche relative à la gestion de l’écosystème. C'est allé trop loin, trop vite, et gérer l'écosystème sans tenir compte des pinnipèdes a conduit à la situation désastreuse que nous connaissons maintenant.
Comme plusieurs l’ont fait remarquer, nous sommes en situation de crise en ce qui concerne les conséquences de la prédation des pinnipèdes sur la production de salmonidé en Colombie-Britannique. En plus de défis supplémentaires liés aux changements climatiques et à la perte d’habitat, de nombreux stocks de saumons et de truites arc‑en‑ciel anadromes sont menacés ou en voie de disparition, selon la désignation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Nous craignons que, si aucune mesure n’est prise, des espèces emblématiques comme la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur disparaissent bientôt; selon une étude menée par la Colombie-Britannique, la prédation par les pinnipèdes serait l’une des principales sources de mortalité chez les juvéniles de cette espèce.
L’investissement considérable fait en 2020 pour restaurer les stocks de saumon dans le cadre de l’Initiative de la Stratégie relative au saumon du Pacifique est un moyen d’endiguer le déclin du saumon de manière intégrée en misant sur les piliers que sont la restauration de l’habitat, la mise en valeur, la transformation de la pêche et la communication. Les efforts en vue de transformer la pêche ont fait en sorte que la mortalité liée à la pêche ciblée n’est plus un facteur limitatif en ce qui concerne la production de saumon. Cependant, aucune mesure ou discussion au sujet des pinnipèdes n’est prévue dans le cadre des autres piliers, des séances de consultations et des groupes de travail liés à l’Initiative de la Stratégie relative au saumon du Pacifique. La discussion sur les pinnipèdes brille par son absence dans ce qui devrait être un processus objectif et fondé sur la science qui doit inclure tous les éléments de la question à l’étude. Si aborder de manière pertinente ce sujet délicat et politique représente un véritable défi, l’ignorer ou l’éviter est inacceptable et risque de rendre toutes les autres mesures inefficaces et insuffisantes.
Nous nous réjouissons de savoir que des travaux sont en cours pour rétablir la pêche autochtone et nous saluons et soutenons pleinement ces efforts. Toutefois, nous craignons qu’ils ne soient pas déployés assez rapidement pour enrayer l'entièreté du problème dans un délai raisonnable. Heureusement, comme pour les épaulards résidents du sud, nous pouvons nous tourner vers les États-Unis pour observer des méthodes et des stratégies qui ont fait leurs preuves pour régler le problème et aider à rétablir le rôle traditionnellement joué par les humains pour maintenir l’équilibre entre les pinnipèdes et les salmonidés.
Nous espérons que l’objectivité...
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Merci beaucoup, monsieur Arnold.
J'ai trouvé très intéressant d'écouter les témoignages de ce matin et en même temps désolant de constater que ce qui se passe en Colombie-Britannique est tout à fait similaire à ce qui se passe et est bien documenté sur la côte Est depuis ce qui semble être des dizaines d'années. Nous sommes confrontés à des situations similaires.
J'ai entendu entre autres parler de quatre stocks de poissons commerciaux menacés d'extinction par la prédation des pinnipèdes. La similitude avec la truite arc‑en‑ciel du Fraser intérieur, qui est une espèce emblématique de la Colombie-Britannique, est là. Je sais que vous êtes parfaitement au courant de cette situation, monsieur Arnold.
Oui, il y a des similitudes évidentes. Je pense que ce qui m'interpelle en tant que représentant de la côte Ouest, c'est de voir que cette question fait l'objet de débats depuis si longtemps sans que des mesures soient prises pour y remédier. C'est relativement nouveau en Colombie-Britannique, mais il semble que nous soyons confrontés à un sombre avenir.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner que nous entendons maintenant parler de problèmes similaires sur la côte Nord. La gestion de l'écosystème est problématique sur les trois côtes du Canada, essentiellement parce qu'on néglige de tenir compte des pinnipèdes dans le travail de gestion.
Pouvez-vous tous les deux décrire les observations que vous avez faites au fil du temps? Je pense que vous êtes tous deux impliqués dans le secteur de la pêche sur la côte Ouest depuis un certain nombre d'années. Qu'avez-vous vu changer au fil du temps?
Essayez de le faire le plus brièvement possible, mais j'aimerais vous entendre là‑dessus.
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Oui, j'ai une réponse courte au sujet d'une longue période.
Je suis d'accord. Dès mon plus jeune âge, j'ai commencé à pêcher sur la côte, dans les mêmes environnements que ceux où l'on observe aujourd'hui cette formidable... Ils sont pratiquement envahis par les pinnipèdes.
C'est un phénomène qui s'est manifesté tout au long des années 1990, et plus particulièrement dans les années 2000, jusqu'à ce que nous en soyons là aujourd'hui, à tel point que je peux donner des exemples précis.
À Campbell River, par exemple, des groupes de pêcheurs à la ligne participent à des activités d'élevage de saumons quinnats dans des cages en filet. Ils le font depuis de nombreuses années. Récemment, ils ont rencontré des problèmes avec des pinnipèdes qui venaient dans la zone de la rivière où se trouvent les cages en filet. En fait, l'écloserie de Quinsam, qui finance et soutient cette activité, a déclaré qu'elle cesserait de le faire parce que les pinnipèdes l'en empêchent.
Les exemples, petits et grands, abondent sur toute la côte. C'est le genre de choses qui s'y produit, et ce, directement à cause de l'arrivée de populations de pinnipèdes dans certaines zones et de leur si forte expansion.
Vous avez parlé de la prédation des pinnipèdes sur les truites arc-en-ciel anadromes. On nous a également parlé des incidences des pinnipèdes, et on nous a dit qu'ils deviendront sélectifs dans les espèces qu'ils prendront.
Je sais que vous vous efforcez de mettre en place une pêche sélective, très limitée et prudente, des poissons marqués.
Les pinnipèdes peuvent-ils distinguer un poisson marqué d'un poisson non marqué, comme le font les pêcheurs?
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Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adressent d'abord à M. Thériault.
Monsieur Thériault, je pense que votre réputation n'est plus à faire dans le domaine. Vous êtes bien connu. Récemment, vous avez assisté au Sommet sur les phoques, qui s'est tenu à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Vous avez dit que le Sommet avait raté sa cible. J'ai un peu les mêmes préoccupations, et je suis d'avis que nous avons eu amplement de réunions et de sommets comme celui-là au cours des dernières années.
Pourquoi dites-vous qu'il a raté sa cible? Qu'a-t-on mal fait? Aurait-on pu déterminer la racine du problème pour régler une fois pour toutes le problème de surpopulation des phoques?
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Merci de la question, monsieur Cormier.
Selon moi, tout tient à une réelle volonté d'agir. Quand je suis allé au Sommet, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, j'ai trouvé qu'il y avait des trucs intéressants. On a besoin de la science, c'est vrai, mais je suis totalement d'accord avec la personne du groupe précédent qui disait que, de la science, on en a suffisamment. On sait que le phoque est en haut de la chaîne alimentaire, qu'il mange ce qu'il y a en bas et qu'il est opportuniste. Il va manger, peu importe ce qu'il y a. Nous pourrions en discuter encore pendant 20 ans afin d'obtenir plus de précisions scientifiques, mais on va arriver au même constat: il y a trop de phoques et cela cause un problème dans l'écosystème.
De plus, les marchés internationaux sont très intéressants pour Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Ils le sont beaucoup moins pour les Maritimes, les Inuits et le Québec. Le problème, au Québec, c'est qu'on n'arrive pas à répondre à la demande quant au marché existant. Cette année, on aurait aimé chasser de 3 000 à 4 000 phoques juste pour la viande, mais on en a chassé 800. Je pense qu'il faut reconnaître qu'il n'y a pas qu'un seul problème. Il y en a plusieurs, et les défis varient selon les régions.
Nous avons aussi traité d'un troisième sujet, mais je m'en souviens plus ou moins. Je dois dire qu'on parle souvent d'informer les gens du dossier sur le phoque et de les convaincre qu'il y a un problème. J'ai obtenu un diplôme universitaire en communication et je vous le dis, j'observe cela depuis 1992, il n'y a pas de solution. Les gens qui ne croient pas au problème n'y croiront jamais. C'est comme essayer de convaincre un musulman qu'Allah n'existe pas ou un catholique que Dieu n'existe pas. Cela n'arrivera pas. Il est grand temps de passer aux actes.
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Merci beaucoup, monsieur Thériault.
[Traduction]
Madame Carruthers, sur le même sujet, vous avez affirmé que vous représentez 13 000 membres de la Fish, Food and Allied Workers Union, des pêcheurs et des travailleurs d'usine de traitement de poisson.
Je répète que si nous n'adoptons pas de bonnes mesures, nous risquons d'avoir des difficultés quant à nos marchés d'exportation du crabe, du homard et d'autres espèces.
Un témoin précédent — je ne sais pas si vous étiez à l'écoute — a déclaré que les Américains sont contrariés en ce moment, en raison de la surpopulation de phoques et du fait que certains de ces phoques se rendent chez eux. Le témoin a affirmé cela, et que les États-Unis nous demandaient d'agir.
Croyez-vous que des discussions doivent se tenir en plus haut lieu, que ce soit à l'initiative du Bureau du lors d'une rencontre avec le président américain, ou d'un ministre du Commerce ou des Pêches et des Océans qui se rendrait aux États-Unis pour reconnaître l'existence du problème et trouver une solution?
À votre avis, le moment est‑il venu d'agir ainsi? Nous avons suffisamment de données scientifiques. Nous avons tenu suffisamment de réunions. Ne croyez-vous pas qu'il s'agit là de ce qu'il faut faire, à présent?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Thériault, je suis contente de vous voir à ce comité. Tout le monde ici, autour de cette table, j'en suis certaine, peut mesurer l'étendue des connaissances que vous avez acquises depuis 1992. Vous êtes presque aussi vieux que mon père. Nous nous sommes vus aux Îles‑de‑la‑Madeleine il n'y a pas longtemps et, à cette occasion, j'ai été en mesure de constater à quel point la chasse au phoque faisait partie intégrante de la société madelinoise.
Je me demande pour quelles raisons on n'arrive pas à répondre à la demande. Au Québec, des restaurateurs veulent inclure le phoque à leur menu, et des supermarchés veulent vendre de la viande de phoque.
S'agit-il d'un manque sur le plan de la formation ou des possibilités ou encore sur le plan financier? Y a-t-il d'autres facteurs en cause?
Quelles sont vos observations à ce sujet?
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Beaucoup de facteurs sont en jeu, mais l'un des principaux est certainement le fait que l'industrie du phoque a été fondée sur la chasse au phoque du Groenland. Il s'agit ici d'une chasse complètement différente de la chasse au phoque gris, qui est pour sa part assez récente. On parle d'une dizaine d'années pendant lesquelles l'on a appris tranquillement, progressivement, à chasser le phoque gris.
Le phoque gris se tient en petites colonies qui se dispersent partout. Il se tient sur les berges, contrairement au phoque du Groenland, qui a toujours besoin de la glace, notamment pour mettre bas. En une dizaine d'années, le phoque gris s'est adapté aux berges et à l'absence de glace. Évidemment, si on tire un coup de feu sur une colonie de 2 000 phoques, il n'en restera plus beaucoup sur la plage au deuxième coup. Dans le cas de cette chasse, on en est encore aux balbutiements.
Chasser le phoque gris en grande quantité est très compliqué. Évidemment, il y a un important manque de formation sur la façon de prélever la viande de phoque pour en préserver la qualité. Les gens se sont habitués à chasser le phoque du Groenland pour sa peau. Comme on ne mange pas la peau, se tromper n'est que relativement grave. Dans le cas de la viande, par contre, on ne peut pas faire d'erreur. Il en va de même pour la graisse. Il faut que les produits soient de très haute qualité.
On a beaucoup de chemin à faire. Pour ma part, je pense qu'il est malheureusement trop tard dans le golfe du Saint‑Laurent. La population de phoques gris, qui variait de 5000 à 10 000, est maintenant d'un demi‑million et elle continue à croître. De plus, il faut tenir compte de tous les règlements en place. On ne peut pas chasser pendant certaines périodes, à certains endroits ou avec certains bateaux. Il y a aussi la question de l'âge. On nous met tellement de bâtons dans les roues qu'une chasse déjà complexe devient pratiquement impossible.
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Je suis absolument d'accord là-dessus. Je pense qu'il faut enlever beaucoup de drapeaux rouges. Il faut simplifier l'approche.
Aujourd'hui, nous avons déjà de la difficulté à avoir des chasseurs de phoque, encore plus des chasseurs professionnels. Il y a aussi plusieurs amateurs ou chasseurs qui se livrent à cette activité pour leurs besoins personnels. Il faut comprendre qu'il y a des restrictions. Par exemple, il n'est pas possible de changer de zone, de chasser dans telle section, à telle époque de l'année, avec tel fusil, et ainsi de suite.
Or, nous savons que même si on enlevait le plus de règlements possible, ce serait encore compliqué de chasser le phoque. Il y a des règlements qui doivent rester en place pour que les choses se fassent correctement, mais il y en a qui sont complètement inutiles. Je pense qu'il faut vraiment épurer toute la réglementation entourant la chasse au phoque.
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On peut examiner le problème de plusieurs façons.
D'abord, le problème est venu, à l'origine, de la fermeture complète de la chasse aux phoques dans les années 1970, mais d'autres activités ont aussi cours.
Je crois que l'une des activités qui a eu le plus d'incidence est peut-être l'utilisation d'estacades flottantes. Ces estacades dans les estuaires et les baies près des milieux d'élevage de saumons ont créé des échoueries sûres pour les phoques et les otaries qui n'existaient pas auparavant et qui leur ont permis d'éviter leurs prédateurs, comme les épaulards et d'autres.
Il n'y a qu'à descendre, par exemple, jusqu'à l'embouchure du fleuve Fraser pour voir le grand nombre d'estacades flottantes et l'abondance de phoques et d'otaries qui s'y trouvent. Ce sont là les deux exemples qui me viennent à l'esprit, pour répondre brièvement.
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De manière générale, je dirais que l'État de Washington, en particulier, et l'Oregon ont observé, comme je l'ai fait remarquer... Ils ont examiné minutieusement le problème et s'y attaquent déjà.
Dans certains cas, sur le fleuve Columbia, en particulier, on a utilisé le piégeage ou simplement le retrait. Je ne sais pas exactement comment on a procédé aux retraits. Toutefois, les données indiquent déjà qu'il y a augmentation importante quant au rétablissement et au passage de la truite arc‑en‑ciel anadrome par ces « points de capture » naturels. Différentes voies et différents moyens ont été pris pour s'assurer de respecter la loi américaine sur les mammifères, qui est semblable à celle en place au Canada. Comme je l'ai dit, un projet a d'abord été entrepris pour discuter de mesures de dissuasion pour les animaux, mais cela n'a pas fonctionné. Alors, les intervenants sont passés à l'étape suivante. En ce moment, ils utilisent le piégeage et le retrait.
Il y a de nombreux exemples, comme je l'ai dit, mais les tactiques adoptées ont semblé s'attaquer assez efficacement au problème.
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Merci pour la question.
Il y a deux périodes dans la vie des salmonidés où ils affrontent la prédation par les pinnipèdes; dans les deux cas, on en trouve en grande concentration. Les saumons et les truites arc‑en‑ciel sont des espèces anadromes, contrairement à d'autres espèces plus pélagiques. En raison de leur mode de vie, ils sont forcés de passer par des points de capture lors de leur migration.
La première est la période adulte, quand les salmonidés adultes font la migration de retour. Il s'agit de la source la plus évidente de prédation, où on peut voir des phoques et des otaries agiter des saumons de tous les côtés. Le spectacle est en vérité assez horrifiant, ou spectaculaire, selon le point de vue que l'on adopte.
La seconde période, celle où on trouve les salmonidés en plus grande concentration, est la dévalaison des jeunes. Ceux‑ci doivent quitter leur milieu pour atteindre l'océan. La truite arc‑en‑ciel anadrome est intéressante du fait qu'elle est un salmonidé de type dulcicole, ce qui signifie que cette espèce passe d'un à deux ans en eau douce, avant de migrer vers l'océan. Il y a des enjeux communs particulièrement avec les stocks en péril et menacés du fleuve Fraser, car la majeure partie est constituée de salmonidés de type dulcicole. Quand ils atteignent l'océan, ils pèsent normalement de 200 à 600 grammes. Selon ce qu'on m'a dit, il s'agit de la différence qu'on ferait, pour des tablettes de chocolat, entre une Smartie et une Oh Henry!
Les phoques et les otaries dépensent le moins d'énergie possible pour obtenir le maximum de protéines. Ils ciblent ces salmonidés de type dulcicole. De nombreuses personnes se sont penchées sur la question. Il y a eu des études à ce propos. La prédation par les pinnipèdes est pointée du doigt comme étant la source du statut d'espèce menacée et d'espèce en péril des salmonidés de type dulcicole. La truite arc‑en‑ciel anadrome en est le meilleur exemple en raison de son statut d'espèce gravement en péril.
Ma question est pour Mme Carruthers.
Lors des récentes réunions consultatives à Halifax au sujet du maquereau, on a fourni des données sur la consommation de maquereau par les phoques gris. Ces échantillons ont été recueillis pendant l'hiver. Leur régime était constitué à 47 % de maquereaux. Or, nous savons que cette espèce fait l'objet d'un moratoire. Nous savons que, pendant la saison hivernale, le maquereau est censé être dans le bassin du fleuve Hudson, dans l'est de l'État de New York.
Qu'est‑ce que ces données nous indiquent, madame Carruthers?
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La position des Américains est sans contredit attribuable à la pression des activistes. Je suis content que vous posiez la question, parce que si on pense à l'enjeu des amorces... Récemment, nous avons prouvé que l'utilisation des phoques comme amorces serait bénéfique à tous les points de vue. Nous pourrions mieux gérer les phoques. Nous pourrions les utiliser, plutôt que de nous servir de poissons qui anéantissent la pêche au homard et au crabe. La technique ferait des merveilles. Les fonds canadiens resteraient au Canada. Nous pourrions utiliser des ressources locales.
La solution est tout à fait logique, mais les États-Unis continuent à exercer des pressions sur le Canada et à dire: « Non, vous ne pouvez pas employer cette technique. »
L'exemple démontre à quel point la situation est devenue déraisonnable, et les décisions sont prises sans logique. Rien, sur le plan scientifique, ne justifie ce raisonnement qui est entièrement dogmatique. Je crois qu'il est grand temps que le Canada intervienne et dénonce l'incohérence de la loi américaine sur la protection des mammifères marins. Elle est peut-être justifiée aux États-Unis. Les Américains peuvent faire ce que bon leur semble, mais, ici au Canada, la loi est une aberration. Il faut exiger que les Américains cessent de nous imposer leur loi pour la raison dogmatique que les phoques sont extrêmement mignons.
La loi est incohérente.