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CIMM Rapport du Comité

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À la demande générale : Arriérés chroniques en immigration

Introduction

Un grand nombre de personnes venant des quatre coins du monde s’établissent de façon permanente au Canada à l’issue du processus d’immigration ou y séjournent temporairement en tant que visiteurs, étudiants ou travailleurs. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) veille, dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, à ce que ses agents traitent les demandes de ces personnes, au Canada et à l’étranger, pour qu’elles obtiennent un visa et un statut, et soient ainsi autorisées à rester au pays.

Le 1er février 2022, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes (le Comité) a décidé d’étudier les arriérés et les délais de traitement des demandes d’immigration[1]. Il a tenu des réunions du 5 mai au 1er novembre 2022 au cours desquelles il a entendu 44 témoins, notamment des avocats, des consultants, des travailleurs en établissement, des défenseurs de droits et des représentants d’organismes d’aide aux réfugiés. Rédigé en février 2023, le présent rapport rend compte des témoignages livrés en 2022 ainsi que des données relatives aux arriérés et aux délais de traitement durant cette période.

Dans un mémoire présenté en juin 2022, l’Association canadienne des avocats en immigration (ACAI) précise que l’arriéré des demandes s’élève à deux millions, soit un million de plus qu’avant la pandémie de COVID-19[2]. Le 14 décembre 2022, la page Web d’IRCC spécifiait que 2 006 000 demandes figurent dans l’inventaire des demandes, dont 819 000 d’arriéré. Pour IRCC, un arriéré s’entend d’une demande dont le traitement n’a pas été terminé conformément aux normes de service, soit un délai établi par le Ministère. Les normes de service sont « fondées sur les expériences passées, sur une évaluation des activités d’IRCC et sur les objectifs auxquels [le Ministère] aspire[3] ». Pour évaluer si et à quel moment le traitement d’une demande est en retard, le Ministère calcule le temps écoulé à partir du moment où un agent commence à la traiter, soit après qu’il a jugé qu’elle est complète et qu’il a en main tous les documents justificatifs, et, après avoir envoyé un accusé de réception[4] Une demande incomplète renvoyée au demandeur n’est pas prise en compte[5]. De plus, le Ministère ne soumet pas certains volets de résidence permanente et certains programmes pilotes à des normes de service[6], bien qu’il mesure ces programmes par rapport à un délai de traitement prévu de 12 mois[7]. De façon générale, IRCC calcule l’arriéré en fonction du nombre de demandes plutôt qu’en fonction du nombre de demandeurs uniques; en effet, dans certains volets, un demandeur peut présenter plusieurs demandes, conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et aux règles de traitement des demandes d’IRCC[8].

Le 14 décembre 2022, 38 % de toutes les demandes de résidence temporaire, 51 % de toutes les demandes de résidence permanente et 25 % de toutes les demandes de citoyenneté accusaient du retard[9]. Pour décembre 2022, le Ministère a réparti ces catégories de l’arriéré en catégories principales de la façon suivante :

Figure 1 — Pourcentage de l’arriéré par sous-volets principaux, en décembre 2022[10]

Pourcentage des demandes dans certains volets d’immigration qu’IRCC n’a pu traiter conformément aux normes de service, en décembre 2022

Explication : Ce graphique vise à fournir une ventilation des demandes qui n’ont pas été traitées par IRCC conformément aux normes de service. La ventilation présente les données des sous volets de la résidence temporaire, de la résidence permanente et de la citoyenneté au moment où le Comité menait son étude sur l’arriéré des demandes à IRCC en décembre 2022. Le graphique montre qu’IRCC a des arriérés de plus de 20 % dans tous les programmes sélectionnés, notamment pour les visas de résidence temporaire (70 %) et le Programme des candidats des provinces (41 %), pour lesquels les chiffres sont particulièrement élevés.

Source : Figure produite par la Bibliothèque du Parlement au moyen de données obtenues auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Bâtir un système d’immigration plus fort (décembre 2022). Nota : Les demandes au titre du Programme des candidats provinciaux dans ce graphique sont celles faites à l’aide du système Entrée express seulement.

Le présent rapport se divise en trois parties. La partie I présente la description que les témoins ont faite de ces arriérés de demandes et de ces délais de traitement, et résume les répercussions qu’ils ont sur les demandeurs au Canada et à l’étranger. La partie II se penche sur les causes probables des arriérés à l’heure actuelle, comme les activités menées pendant la pandémie, les problèmes de dotation en personnel et la transition numérique. La partie III énonce les exigences à satisfaire, selon les témoins, pour qu’IRCC améliore le traitement des demandes et présente les solutions que les témoins proposent au Comité.

Partie I — Les longs délais d’attente et leurs répercussions

La présente section passe en revue les témoignages sur les délais d’attente et leurs répercussions. Le Québec c’est nous aussi, un groupe de défense des droits, a résumé les effets multidimensionnels relatifs aux arriérés et aux délais de traitement actuels : « Ces délais encourus par les personnes candidates à l’immigration ont des impacts majeurs sur [leur vie] et portent également préjudice à différents secteurs de l’économie canadienne ainsi qu’à la réputation du Canada[11]. »

Au début de l’étude du Comité, Kareem El-Assal, directeur de la politique et de la stratégie numérique à CanadaVisa, a déclaré ceci :

L’arriéré nuit aux objectifs économiques, sociaux et humanitaires du Canada. Nous avons le taux de chômage le plus bas jamais enregistré et plus de 800 000 postes vacants. L’arriéré nuit à nos efforts de relance économique, car nous ne pouvons pas faire venir les nouveaux arrivants au Canada assez rapidement pour combler nos manques de main-d’œuvre. Par exemple, il faut maintenant 31 mois pour traiter les demandes des travailleurs qualifiés du Québec et 28 mois dans le cas des demandes papier présentées dans le cadre du Programme des candidats des provinces, et ce, même si la norme de service pour les deux programmes est de 11 mois[12].

Pour Kyle Hyndman, président de la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien, « les retards sont bien plus qu’une question d’attente. Les conséquences des retards de traitement sont profondes, personnelles, parfois permanentes et irrémédiables, et il s’agit souvent d’une perte de droits[13] ». De son côté, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste, l’honorable Sean Fraser, a affirmé au Comité que « [c]haque demande représente une personne dont la vie est, à certains égards, en attente ou autrement affectée. Je le sais très bien. Notre Ministère est aussi très conscient des effets réels que les difficultés avec lesquelles notre système d’immigration doit composer peuvent avoir sur les individus et leurs familles[14]. »

Le Comité a entendu des témoins qui ont une connaissance pratique de l’ensemble des programmes d’IRCC. La présente section donne d’abord un aperçu des arriérés et des délais de traitement propres aux programmes des catégories de la résidence temporaire et de la résidence permanente. Elle présente ensuite les principales préoccupations concernant le traitement par le Canada des populations vulnérables, comme les réfugiés et les personnes protégées. Elle se termine par un aperçu du traitement des demandes de citoyenneté canadienne.

Arriéré et résidence temporaire

Les demandes de résidence temporaire sont présentées par des visiteurs, des étudiants et des travailleurs, entre autres. Les visiteurs peuvent souhaiter venir au Canada pour découvrir le pays ou rendre visite à des parents qui vivent au loin. Les étudiants attendent avec impatience le règlement de leur demande, tout comme les universités qui les ont acceptés et qui attendent leur arrivée. Les travailleurs, pour la plupart, ont été sélectionnés par des employeurs canadiens qui ont besoin d’eux pour pallier la pénurie de main‑d’œuvre.

Arriéré et visiteurs

En ce qui concerne les visiteurs, le Comité a entendu parler de voyageurs d’affaires qui n’ont pas pu obtenir leur visa à temps pour assister à d’importants événements au Canada[15]. Claire Launay, présidente, Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, a confirmé au Comité avoir « vu quelques conférences et événements internationaux […] donner une image du Canada, qui n’est pas celle que nous voulons refléter à l’étranger, puisque des participants n’étaient pas capables de se rendre à l’événement, faute de visa[16] ».

Par ailleurs, Beth Potter, présidente et chef de la direction de l’Association de l’industrie touristique du Canada, a déclaré que certains agents de voyages avaient de la difficulté à faire venir des groupes internationaux au Canada. Il s’agit selon elle d’occasions perdues pour l’industrie du tourisme, qui ne font que s’ajouter aux difficultés des entreprises dans le Canada de l’après‑pandémie[17]. Le Comité a également été informé que certains présentent la même demande plus d’une fois afin de pouvoir entrer au Canada, une pratique qui est même encouragée par le bureau des visas de New Delhi pour les demandes de visa de visiteur[18]. Cet aspect sera abordé plus en détail dans la partie II du présent rapport.

Arriéré et étudiants

En ce qui concerne les étudiants, le Comité a été informé par Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, que l’arriéré et les délais de traitement d’IRCC étaient tels que des milliers d’étudiants doivent reporter leur arrivée d’un semestre, voire d’un an dans le cas de certains programmes. Pour les étudiants, ces retards induisent « des situations d’angoisse et d’incertitude », alors que ces premiers sont censés se préparer à déménager dans un autre pays. Ils entraînent également des répercussions financières sur ceux qui ont déjà payé leurs frais de scolarité. Dans son mémoire, Le Québec c’est nous aussi conclut en disant que « [l]eur nouvelle vie au Canada commence ainsi sur une note particulièrement négative[19] ».

Par ailleurs, le Comité a appris que l’arriéré et les délais ont aussi des conséquences sur les établissements d’enseignement :

Pour les établissements recevant ces étudiants, le risque est de perdre en attractivité. En effet, si la situation n’est pas réglée prochainement, à qualité d’enseignement comparable[,] des étudiants internationaux choisiront d’aller étudier dans d’autres pays afin d’éviter le fardeau de procédures d’immigration longues et incertaines[20].

Le Comité recommande ce qui suit :

Délivrance automatique des permis de travail postdiplôme

Recommandation 1

Qu’immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada délivre automatiquement des permis de travail postdiplôme aux étudiants qui ont terminé avec succès leurs études postuniversitaires.

Arriéré et travailleurs

En ce qui concerne les travailleurs, Shervin Madani, consultant réglementé en immigration canadienne pour Regency Immigration Solutions, a fourni des exemples de temps d’attente pour l’obtention d’un permis de travail dans trois pays :

[E]n Iran, il faut attendre le plus souvent environ un an pour obtenir une réponse à une demande de permis de travail. Au Brésil, où le traitement était très rapide à une époque, même les demandes relevant de certains volets pour lesquels le gouvernement s’était engagé à respecter un délai de 15 jours pour les permis de travail, comme le Volet des talents mondiaux, il faut compter environ 16 semaines à l’heure actuelle […] Dans le cas de l’Inde, c’est habituellement… Les délais les plus brefs que nous ayons eus récemment ont été de six à huit mois[21].

Le Comité a aussi appris que « [l]e taux de chômage [au Canada] est extrêmement faible [et que] pourtant l’arriéré en date du 29 avril 2022 portait sur 189 061 nouveaux permis de travail[22] ».

L’ACAI a informé le Comité que plusieurs raisons expliquent le choix des entreprises canadiennes de faire venir un travailleur étranger au Canada. Par exemple, elles peuvent avoir besoin d’un travailleur aux compétences particulières qu’elles n’arrivent pas à trouver chez un travailleur au Canada. En outre, « il est tout simplement avantageux sur le plan des affaires de déplacer à l’étranger des employés basés au Canada et de faire venir au pays des personnes talentueuses d’une filiale située ailleurs dans le monde. Cela permet à l’entreprise, comme à notre pays d’ailleurs, de demeurer concurrentielle[23]. » Le mémoire de l’ACAI a également mis en évidence la façon dont des secteurs entiers, comme les technologies de l’information, la fabrication et la construction, préparent leurs rapports de recherche sur le marché du travail pour prouver qu’ils souffrent de la situation et justifier l’embauche de travailleurs venant de l’étranger.

Par ailleurs, les délais de traitement d’IRCC empêchent des milliers d’étrangers qui souhaitent travailler au Canada d’obtenir rapidement un permis de travail. Ils sont placés « dans une situation de précarité financière et mentale importante[24] ». Claire Launay a confié au Comité que « des employeurs sont obligés de fermer temporairement leurs portes ou de refuser des contrats parce qu’ils n’arrivent pas à trouver des travailleurs[25] ».

Programme des travailleurs étrangers temporaires

Les employeurs sont censés faire appel au Programme des travailleurs étrangers temporaires en dernier recours. Le Programme a été modifié en 2014 : des plafonds ont alors été établis d’après le nombre d’employés canadiens, et des exigences ont été imposées aux employeurs pour qu’ils obtiennent une étude d’impact sur le marché du travail auprès d’Emploi et Développement social Canada, montrant qu’aucun Canadien ou résident permanent n’est en mesure d’accomplir le travail pour lequel ils veulent faire venir des travailleurs étrangers.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a été catégorique : « [l]e Programme des travailleurs étrangers temporaires est essentiel ». Il a poursuivi en faisant savoir au Comité qu’« [i]l y a des délais inacceptables à partir du moment où les entreprises trouvent des travailleurs étrangers temporaires. Les délais peuvent être aussi longs qu’un an. Ce sont des délais beaucoup trop longs. La fonction de ce programme est de répondre à des besoins immédiats en faisant appel à des ressources disponibles et qualifiées[26]. »

Pour Adrienne Foster, vice-présidente de la Politique et des Affaires publiques à l’Association des hôtels du Canada, « les travailleurs temporaires étrangers représentent une solution à court terme à la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons ». Lors de sa comparution devant le Comité en septembre 2022, elle a indiqué que selon 45 % des membres de l’Association des hôtels du Canada interrogés au cours d’un sondage mené en août 2022, on n’avait répondu à aucune de leur demande depuis janvier 2022[27]. Mme Foster s’est penchée sur la pénurie de main‑d’œuvre dans le secteur du tourisme, estimée à environ 200 000 employés, et sur la façon dont les hôtels essaient de faire face à la situation :

Nos membres veulent embaucher des Canadiens. Les hôtels se sont adaptés à l’évolution du milieu de travail en offrant des horaires plus flexibles, des salaires plus élevés, des primes à l’embauche et des programmes en milieu de travail, mais la réalité, c’est qu’avec des taux de natalité et de chômage qui n’ont jamais été aussi bas, et avec les baby-boomers qui sont nombreux à prendre leur retraite, il n’y a tout simplement pas assez de personnes au Canada pour pourvoir les postes vacants. Un sondage effectué auprès de nos membres en août a révélé que 69 % se sont vus contraints de limiter le nombre de chambres disponibles pour maintenir les normes de service et que 75 % d’entre eux ont dû affecter des employés à des postes autres que ceux pour lesquels ils avaient été embauchés[28].

Beth Potter a témoigné que les entreprises de tout le pays ont de la difficulté à faire approuver leurs demandes de travailleurs étrangers temporaires et à obtenir des permis. Selon elle, « [t]out cela entrave la capacité du secteur du tourisme à exploiter son plein potentiel et entache d’autant la réputation de notre secteur[,] assombrie par les fermetures, les restrictions et les exigences concernant la vaccination et le port du masque imposées aux frontières au cours des 30 derniers mois[29] ».

Afin de répondre aux besoins actuels et futurs du Canada en matière de main-d’œuvre, le Comité recommande ce qui suit :

Plan exhaustif du marché du travail

Recommandation 2

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, en collaboration avec Emploi et Développement social Canada et les gouvernements du Québec, des provinces et des territoires, qui connaissent davantage les besoins en matière de main-d’œuvre sur leur territoire, prenne immédiatement des mesures afin de résoudre la crise de main-d’œuvre au Canada en élaborant des plans économique, d’éducation et de formation exhaustifs qui répondront aux besoins du marché du travail à court, à moyen et à long terme.

Arriéré et perte du statut de résident temporaire

La plupart des ressortissants étrangers ont un statut juridique lorsqu’ils arrivent au Canada, mais ils peuvent le perdre pour diverses raisons. Elizabeth Long, avocate pour Long Mangalji s.r.l., a expliqué que « [d]e nombreuses personnes sans statut le sont à cause de problèmes dans le système. Il [faut] trop de temps — plus de six mois, par exemple — pour qu’un permis de travail soit évalué au Canada. » Elle a aussi évoqué une ancienne loi « qui obligeait les travailleurs à quitter le Canada s’ils y travaillaient depuis plus de quatre ans. Beaucoup de gens ne pouvaient pas partir, et ils [étaient] obligés de rester[30]. » Elle a informé le Comité que les étrangers disposent de seulement 90 jours à compter de la date où ils perdent leur statut de résident temporaire pour en demander le rétablissement[31].

Par ailleurs, Krishna Gagné, avocate et vice-présidente aux affaires économiques de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, a donné un exemple plus complet des répercussions des délais sur le rétablissement du statut d’une personne :

Parlons maintenant du délai de traitement lié aux demandes de permis de travail, qui est d’environ six mois. Ce chiffre est encore aléatoire. Pourtant, ce délai a des conséquences. Une personne peut facilement déposer une demande de permis de travail alors qu’elle en a déjà un toujours en vigueur, mais finir par le perdre si sa demande est refusée. En effet, à cause de la longueur des délais de traitement, un demandeur en attente d’une réponse peut se retrouver avec un permis de travail expiré. Il lui faut alors demander un rétablissement de statut. Or, il peut s’écouler entre six et neuf mois avant d’obtenir une réponse à une demande de rétablissement de statut. Pendant cette période, le demandeur ne peut ni travailler, ni avoir accès à la Régie de l’assurance maladie du Québec, ou RAMQ, ni obtenir de soins, ne serait-ce qu’un accompagnement psychosocial s’il est en détresse. Cela crée de réelles situations de vulnérabilité, totalement attribuables aux délais de traitement du système. Le système rend donc carrément vulnérables des gens qui ne l’étaient pas[32].

Arriéré et résidence permanente

Le Plan des niveaux d’immigration d’IRCC définit les cibles quant au nombre de résidents permanents qui s’établiront au Canada au cours d’une année donnée. Les candidats de la catégorie économique passent pour la plupart par le programme Entrée express, qui accuse du retard. Le Comité a appris qu’il y avait aussi des retards dans les programmes pilotes pour les aides familiaux, le programme de regroupement familial et le programme de visa pour démarrage d’entreprise. Les réfugiés et les personnes protégées présentent également des demandes pour s’établir au Canada, pour fuir le danger. Les longs délais de traitement peuvent entraîner des conséquences particulièrement graves sur eux.

Omniprésence de certains problèmes dans tous les volets de la résidence permanente

Le Comité a appris que les trois documents suivants ont une incidence sur le traitement des demandes dans tous les volets de la résidence permanente : l’accusé de réception (AR), la confirmation de la résidence permanente et la carte de résidence permanente.

Accusé de réception

Le Comité a été informé des longs délais pour l’envoi de l’AR. IRCC envoie un AR par courriel aux demandeurs de résidence permanente après avoir reçu leur demande et jugé qu’elle est complète et que tous les documents justificatifs s’y trouvent. L’AR a pour but de « confirmer qu’une demande satisfait aux exigences afin de passer à l’étape du traitement[33] ». Si la demande ne satisfait pas aux exigences, elle est renvoyée au demandeur sans être traitée. Comme le souligne Kyle Hyndman,

lorsqu’une personne dépose une demande d’immigration, la première étape du traitement consiste pour IRCC à effectuer un contrôle d’intégralité en vertu de l’article 10 du Règlement. Les demandes jugées complètes sont placées dans la file d’attente pour être traitées. Celles qui sont jugées incomplètes, aussi insignifiante que soit la lacune apparente, sont renvoyées sans avoir été traitées et sont considérées, en termes juridiques, comme si elles n’avaient jamais été déposées. Les demandeurs doivent alors tout recommencer[34].

Des témoins ont signalé des retards importants dans l’envoi de l’AR ou le renvoi de leur demande. Peter Bhatti, président d’International Christian Voice, a donné l’exemple d’une demande de parrainage de réfugié présentée en 2022. En octobre 2022, il en attendait toujours l’accusé de réception. Le réfugié qu’il parraine « continue de [lui] demander, ‟Avez-vous soumis la demande?ˮ ou ‟Avez-vous une preuve?ˮ, et [il n’a] pas de réponse à lui donner. Le réfugié était désespéré et très déçu : ‟Si cela prend un an pour me faire parvenir l’accusé de réception de la demande, combien de temps faudra-t-il jusqu’à ce qu’ils traitent la demande?ˮ[35] » Kyle Hyndman a lui aussi signalé qu’il faut parfois jusqu’à une année pour recevoir l’AR[36].

Étant donné que certaines personnes se trouvent dans des situations précaires avant d’obtenir l’AR — comme des résidents permanents qui doivent renouveler des documents expirés — des témoins ont mentionné que « les conséquences peuvent être graves et parfois permanentes[37] ». Afin de diminuer l’état de vulnérabilité de ces demandeurs et de brosser un tableau plus exact des délais, le Comité recommande ce qui suit :

Délivrance immédiate de l’accusé de réception

Recommandation 3

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada envoie un accusé de réception électronique dès la soumission en ligne du dossier.

Confirmation de la résidence permanente

Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, s’est intéressé aux personnes au Canada qui attendent la confirmation de leur résidence permanente (CRP) : « Ces situations précaires présentent de multiples facettes, allant de la santé mentale […] aux aspects financiers (accès au marché du travail et aux régimes d’assurance maladie), en passant par les innombrables procédures requises afin de maintenir un statut tout au long de l’attente[38]. »

Carte de résidence permanente

La délivrance de la carte de résidence permanente aux résidents permanents, dont ils ont besoin pour voyager, accuse également du retard. Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, estime que l’attente pour la réception d’une carte de résident permanent est actuellement de plusieurs mois[39].

Entrée express

Le programme Entrée express est un volet d’immigration qui a été spécifiquement conçu pour éviter les arriérés. Les candidats présentent une déclaration d’intérêt, puis les plus qualifiés sont régulièrement invités à envoyer des demandes complètes. Des témoins ont indiqué au Comité qu’IRCC a continué de lancer des invitations jusqu’à la fin de 2020 pour le Programme des travailleurs qualifiés (volet fédéral) et jusqu’en 2021 pour la Catégorie de l’expérience canadienne, qui font tous deux partie du programme Entrée express. Ce dernier a été suspendu en 2021 en raison de l’arriéré, pour reprendre en juillet 2022[40]. Au titre du programme, des points sont attribués, notamment pour les études, les compétences linguistiques et la présentation d’une offre d’emploi. Saint-Phard Désir, directeur exécutif du Partenariat local pour l’immigration d’Ottawa, a souligné que le programme « ne fournit pas son plein rendement parce que, justement, les retards dans le traitement des demandes font que les employeurs, après un certain temps, annulent l’offre d’emploi si les gens ne sont pas capables d’avoir leur visa à temps[41] ».

Aides familiaux

La présente section met en lumière les problèmes que connaissent les aides familiaux, que les témoins ont portés à l’attention du Comité. Les aides familiaux dont la demande est active ont présenté une demande dans le cadre de plusieurs itérations du programme des aides familiaux. Plus récemment, les programmes pilotes des gardiens ou gardiennes d’enfants en milieu familial et des aides familiaux à domicile ont été lancés en juin 2019 pour une durée de cinq ans. Les programmes permettent aux fournisseurs de soins qualifiés et aux membres de leur famille de venir au Canada afin de devenir résidents permanents. Les personnes qui satisfont aux exigences reçoivent un permis de travail ouvert pour une profession en particulier, mais elles doivent acquérir 12 mois d’expérience de travail avant d’être admissibles à la résidence permanente. Ces programmes pilotes ont remplacé le Programme des aides familiaux résidants (PAFR), qui a pris fin en novembre 2014, le Programme des soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés et le Programme de la garde d’enfants, qui ont tous deux pris fin en juin 2019, ainsi qu’un programme de transition appelé Voie d’accès provisoire pour les aides familiaux, qui s’est déroulé par intermittence de mars à juin, puis de juillet à octobre 2019[42].

À l’heure actuelle, IRCC continuera de traiter les demandes présentées avant la fin de chaque programme. Dans le cas du PAFR, les demandeurs peuvent également présenter de nouvelles demandes s’ils ont deux ans d’expérience de travail connexe et travaillent déjà au Canada en vertu d’un permis de travail du PAFR ou s’ils ont été approuvés pour leur premier permis de travail du PAFR en fonction d’une étude d’impact sur le marché du travail soumise au plus tard le 30 novembre 2014[43].

En 31 décembre 2021, certaines demandes devaient encore être finalisées dans le cadre des six programmes pour les aidants familiaux[44]. Vilma Pagaduan, conseillère en établissement de la Neighbourhood Organization, a informé le Comité des retards auxquels font face diverses cohortes d’aides familiaux :

Certains de mes clients sont dans le [Programme des aides familiaux résidants] depuis 2015 et attendent toujours de recevoir leur statut de résident permanent. Certains de ceux qui ont fait une demande en 2017 et en 2018 ont évoqué des raisons humanitaires et de compassion, parce qu’ils ne trouvaient aucun moyen d’obtenir la résidence permanente […] Certains de mes clients ont fait leur demande en 2018 et en 2019, lors de la mise en œuvre du nouveau programme — ou du programme provisoire. Ils n’ont toujours pas reçu d’accusé de réception[45].

Mme Pagaduan a expliqué que les retards ont fait perdre aux demandeurs qui ont demandé la résidence permanente toute chance de l’obtenir, car, selon le programme, elles doivent avoir travaillé pendant 24 mois sur une période de 36 mois et que leur demande a été traitée après cette période[46]. Elle a rappelé ceci au Comité : « Les aides familiaux sont ceux qui prennent soin des personnes les plus importantes dans nos vies : nos parents et nos enfants. Ils sont hautement spécialisés dans les compétences comportementales et doivent donc être une priorité absolue dans le secteur de l’immigration[47]. »

Elizabeth Long a déclaré que « [l]es demandes d’aides familiaux n’ont même pas été traitées depuis l’ouverture du programme en 2019. Il faut maintenant entre deux et quatre ans pour traiter les demandes de permis de séjour temporaire et les autres demandes de résidence temporaire qui sont déposées au Canada et transférées à des bureaux locaux[48]. » Pour Omer Khayyam, avocat chez Omni Law Professional Corporation, une attente aussi longue conduit à un manque de prévisibilité. Néanmoins, les dossiers présentés dans le cadre de la voie d’accès permettant aux résidents temporaires de demander la résidence permanente, lancée en 2021, ont été traités rapidement[49]. Or, selon Vilma Pagaduan, certains aides familiaux n’ont pas pu se prévaloir de cette voie d’accès, puisqu’on peut uniquement en faire la demande en ligne et que les restrictions imposées par la COVID-19 ont entraîné la fermeture des bibliothèques, ainsi que des centres et des organismes communautaires[50].

Regroupement familial

La présente section brosse un tableau des lourdes conséquences que peuvent entraîner les retards dans le regroupement des familles. Kareem El-Assal a fait savoir au Comité qu’en mai 2022, le parrainage d’un conjoint prenait 16 mois si la demande était présentée au Canada et 20 mois si elle l’était à l’étranger[51]. Or, la norme de service pour le parrainage d’un conjoint est de 12 mois. Chantal Desloges, associée principale chez Desloges Law Group, a décrit ce qui arrive aux familles qui sont séparées : « Les conséquences des délais dont j’ai été témoin personnellement dans ma pratique au cours des dernières années ont été déchirantes : des mariages qui ont éclaté, des enfants de deux ans qui n’ont jamais rencontré leur père, des clients qui souffrent de dépression nerveuse et sont ruinés financièrement[52]. »

Le Conseil canadien pour les réfugiés a informé le Comité qu’IRCC crée parfois des obstacles supplémentaires qui ne font que s’ajouter aux retards et aux dépenses : « Certaines familles, notamment celles originaires d’Afrique […] doivent se soumettre à des tests ADN pour établir le lien familial. Les tests ADN sont coûteux et le prélèvement d’échantillons peut s’avérer extrêmement difficile, en particulier lorsque les membres de la famille se trouvent dans des régions en proie à des conflits armés et à l’instabilité politique[53]. »

Arriéré et Programme de visa pour démarrage d’entreprise

Siavash Shekarian, avocat, a rappelé au Comité que « [l]a Banque de développement du Canada considère que nous sommes un pays d’entrepreneurs. Elle prétend que notre économie dépend sans équivoque des petites et moyennes entreprises. Les PME fournissent 90 % des emplois du secteur privé et 55 % de notre [produit intérieur brut][54]. »

Le Programme de visa pour démarrage d’entreprise (VDE) d’IRCC a été conçu pour inciter les entrepreneurs internationaux aux idées novatrices à venir s’établir au Canada et y faire croître leur entreprise. Vikram Khurana, président du Toronto Business Development Centre, a fait savoir au Comité que le Canada était le premier pays à concevoir un tel programme créatif et qu’il avait de ce fait profité d’un certain nombre de réussites qui ont contribué à la création d’emplois et aux exportations[55]. Siavash Shekarian a pour sa part confié au Comité qu’il s’agissait du seul programme fédéral qui ciblait les entrepreneurs. Pourtant, en octobre 2022, plus de 6 000 demandes présentées au titre de ce programme attendaient d’être traitées, les délais de traitement étant largement supérieurs à 32 mois[56].

Voici comment Vikram Khurana a décrit le problème auquel sont confrontés ces entrepreneurs : « Pour vous donner une idée, si le fondateur en puissance de Shopify est sud‑américain, indien ou nigérian et qu’il lui faut patienter plusieurs années avant de pouvoir s’installer au Canada, au bout de combien de temps peut‑on réalistement s’attendre à ce qu’il décide d’aller ailleurs[57]? »

Réinstallation des réfugiés et des personnes protégées au Canada

Dans le Plan des niveaux d’immigration d’IRCC, une petite partie de la cible annuelle concernant l’accueil de nouveaux arrivants est réservée aux réfugiés se trouvant à l’étranger et aux personnes protégées se trouvant au Canada[58]. Pour Janet Dench, directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés, le Plan donne automatiquement lieu à des arriérés et à de longues périodes d’attente pour les membres de la famille des réfugiés en attente de leur résidence permanente, car il y a plus de demandes que de places[59].

Il existe deux grands programmes grâce auxquels les réfugiés peuvent venir au Canada : celui des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) et celui des réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP). Les réfugiés du premier programme sont accueillis dans des communautés où l’on trouve des fournisseurs de services du Programme d’aide à la réinstallation, et reçoivent une aide au revenu de la part du gouvernement du Canada pendant leur première année au pays[60]. Comme l’a dit Mary Roman, directrice exécutive de l’Ottawa Community Immigrant Services Organization, « [l]a plupart des RPG sont des clients vulnérables qui rencontrent de nombreux obstacles. Un pourcentage élevé d’entre eux sont en situation de handicap. La plupart d’entre eux éprouvent des difficultés au chapitre de la langue et de la littératie numérique[61]. » Les réfugiés du deuxième programme sont recommandés à IRCC par des signataires d’entente de parrainage qui se voient attribuer un certain nombre de places chaque année, par des groupes communautaires ou par des groupes de cinq personnes qui s’engagent à accueillir et à aider financièrement les réfugiés qu’ils parrainent pendant un an[62]. On entend par « personne protégée » une personne se trouvant au Canada qui répond à la définition de réfugié après que sa demande ait été entendue par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).

Des témoins ont abordé la question des temps d’attente extrêmement longs et comment il était arrivé que le traitement des demandes de réfugiés soit suspendu lorsque des crises, comme celles en Afghanistan et en Ukraine, éclatent. Comme l’a déclaré au Comité le révérend Rudy Ovcjak, directeur du Bureau des réfugiés de l’Archidiocèse de Toronto : « Le problème que nous avons toujours eu, c’est que les ressources sont réaffectées du traitement des demandes des populations de réfugiés existantes au traitement des demandes de cette nouvelle cible. C’est tout à fait injuste pour les populations de réfugiés qui attendent déjà depuis de nombreuses années et qui vivent des situations très intolérables[63]. » Et comme Janet Dench l’a expliqué à son tour, « [l]e nombre de personnes […] et de réfugiés qui ont besoin d’être réinstallés dans le monde est extraordinairement élevé. Le Canada doit faire davantage pour y répondre et pour intervenir de façon équitable dans les situations d’urgence. Cela inclut les urgences en Afrique, par exemple, qui ont toujours été négligées[64]. » Même s’il semble y avoir de l’inégalité dans la négligence, les retards touchent tous les réfugiés, même les Ukrainiens et les Afghans. Pour Kareem El-Assal, les retards sur le plan humanitaire font « vivre les réfugiés et les personnes déplacées dans l’inconfort beaucoup plus longtemps que nécessaire[65] ».

Luisa Veronis, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes de l’Université d’Ottawa, a décrit l’effet domino des retards administratifs, qui entraînent également des retards d’intégration :

Par ailleurs, dans le cas des réfugiés qui ont été admis au Canada et qui souhaitent parrainer des membres de leur famille immédiate ou élargie qui sont restés dans des camps de réfugiés ou des zones de conflit, les délais sont énormes. Ces personnes subissent un stress important parce qu’elles sont préoccupées par le bien-être de leurs êtres chers, surtout les enfants, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas se concentrer pleinement sur leur propre établissement et intégration au Canada ni effectuer les investissements nécessaires, ce qui retarde encore plus leur propre bien‑être[66].

Au Canada, la politique de traitement d’IRCC crée également des pressions sur les signataires d’entente de parrainage. Chaque année, le Plan des niveaux d’immigration du gouvernement du Canada établit le nombre de résidents permanents que le Canada admet pour l’année — y compris le nombre de réfugiés parrainés par le secteur privé. Dans le cadre de ce processus, le gouvernement restreint le nombre de nouvelles demandes que les signataires d’entente de parrainage hors du Québec peuvent soumettre[67]. Deacon Rudy Ovcjak a mentionné que la publication du nombre de places ouvertes pour 2022 à la fin de juillet de cette année-là, plutôt qu’à la fin de février, comme il en est l’habitude, a imposé « une pression incroyable sur les [signataires d’entente de parrainage] pour qu’ils traitent et soumettent les demandes dans les cinq mois et demi qui restent, en comprimant essentiellement une année de travail en cinq mois et demi[68] ». Il a fait valoir que le cadre d’intégrité du programme récemment révisé pour l’évaluation des signataires d’entente de parrainage exacerbe cette pression, en particulier « un sondage très onéreux de 34 questions qui porte d’abord et avant tout sur la documentation des politiques et procédures des [signataires d’entente de parrainage][69] ». Ce cadre a été mis à jour le 1er novembre 2023[70].

Le Comité a également entendu des témoignages sur le partenariat du Canada avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, dans la gestion du Programme de réinstallation des réfugiés. Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste a expliqué que le HCR recommande des millions de personnes pour l’établissement de réfugiés et délivre des documents de détermination du statut de réfugié à des personnes partout dans le monde. Les demandes de parrainage privé qui ne sont pas présentées par les signataires d’une entente de parrainage doivent se soumettre à la procédure de détermination du statut de réfugié, que le HCR engage habituellement dans les pays qui ne sont pas en mesure de le faire ou qui ne sont pas signataires de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés[71]. À la suite de la crise en Afghanistan, IRCC a mis sur pied plusieurs programmes pour accueillir les personnes fuyant le pays et a travaillé avec différents partenaires de recommandation[72].

Selon Chantal Desloges, le Canada s’en remet trop au HCR pour la sélection des réfugiés qu’il accueille. Elle considère que le HCR est une organisation externe qui a un programme différent de celui du gouvernement du Canada, et peut-être aussi d’autres motifs et attentes. Elle a déclaré au Comité qu’on ne devrait pas être tenu d’obtenir le document de détermination du statut de réfugié remis par le HCR pour les réfugiés parrainés par le secteur privé avant d’envisager de les réinstaller au Canada[73]. Peter Bhatti, président de l’International Christian Voice, a abondé dans le même sens et a laissé entendre qu’IRCC devrait procéder à sa propre évaluation plus nuancée de la persécution[74].

Lors de son témoignage, le révérend Rudy Ovcjak a fait référence à un article paru dans le Wall Street Journal en 2016 dans lequel on analysait l’arrivée des Syriens aux États-Unis. Sur les 12 800 réfugiés syriens qui ont été réinstallés sous l’administration du président Obama, moins de la moitié d’un pour cent étaient des chrétiens, malgré le fait que les chrétiens représentaient 10 % de la population syrienne avant la guerre. Bien que plusieurs raisons puissent expliquer la situation, le journaliste a affirmé que cette sous-représentation des minorités chrétiennes était principalement attribuable au HCR[75].

Peter Bhatti a fait savoir au Comité que son organisation, l’International Christian Voice, a présenté plus de 100 demandes de parrainage au Canada depuis 2016. Le « délai d’attente atteint en moyenne trois ans ou plus pour terminer le processus de parrainage[76] ». Il a donné l’exemple d’une famille en attente en Thaïlande, un pays non-signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Elle n’a obtenu gain de cause qu’à l’issue d’un contrôle judiciaire, neuf ans après sa fuite et le décès du père de famille.

Peter Bhatti a exprimé certaines préoccupations concernant les demandeurs d’asile persécutés en raison de leur foi :

Selon notre expérience, la plupart des réfugiés et des demandeurs d’asile qui ont été persécutés pour leur foi gagnent de faibles revenus, sont très peu scolarisés et ne savent pas communiquer efficacement. Ils sont grandement désavantagés lorsqu’ils tentent de décrire leurs expériences de persécution avec les agents des visas, ce qui peut les débouter de leurs demandes[77].

Le Comité recommande donc ce qui suit :

Annuler les exigences relatives au document de détermination du HCR pour les réfugiés parrainés par le secteur privé

Recommandation 4

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada annule les exigences relatives à l’obtention du document de détermination du statut de réfugié du HCR pour tous les réfugiés parrainés par le secteur privé tout en respectant les compétences du Québec et des provinces qui reçoivent et approuvent les demandes de parrainage privé.

Allonger la liste des partenaires pour la recommandation de réfugiés

Recommandation 5

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada s’affranchisse de sa dépendance au HCR pour les réfugiés en ce qui concerne la sélection et le traitement des demandes d’asile et qu’il allonge plutôt la liste des partenaires de référence afin d’y inclure d’autres organisations crédibles, bien établies, pour sélectionner et traiter les demandes d’asile.

Cadre d’intégrité du programme pour les signataires d’entente de parrainage

Recommandation 6

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada remédie aux préoccupations concernant le Cadre d’intégrité du programme et la nouvelle série d’exigences à laquelle doivent répondre les signataires d’entente de parrainage.

Arriéré et Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) est le tribunal administratif qui entend toutes les demandes d’asile au Canada et qui détermine si les personnes les ayant présentées sont des réfugiés au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Irena Sompaseuth, gestionnaire des services d’établissement pour les LUSO Community Services, a souligné que les demandeurs d’asile au Canada sont des personnes « qui ont traversé des épreuves inimaginables [et qui] se retrouvent dans une situation où elles ont très peu de droits et d’options[78] ». Par ailleurs, Stéphanie Valois, avocate et présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, a informé le Comité qu’« [e]n ce moment, l’attente est de plus d’un an pour les personnes qui demandent l’asile à l’intérieur du Canada et dont le dossier doit être traité par IRCC[79] » avant qu’il soit renvoyé à la CISR.

Le Conseil canadien pour les réfugiés a déclaré dans son mémoire que « [l]e nombre de personnes dont la demande de statut de réfugié est acceptée a augmenté de façon spectaculaire, au fur et à mesure que […] la CISR [a augmenté] sa capacité, avec l’ajout d’un nombre important de nouveaux décideurs. En 2021, plus de 30 000 personnes ont été acceptées comme réfugiés par la CISR, contre 16 000 en 2020[80]. » Le Comité a également appris que la Section de la protection des réfugiés de la CISR a pris des décisions de vie ou de mort en se fondant sur des évaluations de crédibilité réalisées par vidéoconférence pendant la pandémie[81].

Arriéré et citoyenneté canadienne

Ce sont les demandes de citoyenneté qui accusent le moins de retard à IRCC. Néanmoins, on observe des arriérés dans deux volets du programme. Le premier est le traitement des demandes de citoyenneté canadienne, qui comprend un examen écrit. Ensuite, lorsque les candidats sont retenus, ils doivent attendre d’être convoqués à une cérémonie de citoyenneté.

Irena Sompaseuth a indiqué au Comité que les délais de traitement ont été réduits pour les demandes de citoyenneté présentées récemment, mais « [i]l n’en reste pas moins que de nombreux demandeurs n’ont pas encore reçu de réponse ni de mise à jour concernant l’état d’avancement [de] leur demande de citoyenneté ou tout problème connexe[82] ». Elle a ajouté que « [l]a reprise des examens de citoyenneté en personne et des cérémonies de citoyenneté en personne est une autre façon d’accélérer le traitement des demandes, parce qu’en raison de problèmes techniques qui surviennent durant les séances virtuelles, bon nombre de demandeurs ratent la cérémonie ou doivent reprendre l’examen[83] ». Le Conseil canadien pour les réfugiés a souligné que l’acquisition de la citoyenneté est particulièrement importante pour les personnes protégées qui sont apatrides et qui comptent sur le Canada pour les protéger[84].

Afin de résoudre ce problème, le Comité recommande ce qui suit :

Offrir des options claires pour les cérémonies de citoyenneté

Recommandation 7

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada fasse savoir clairement à tous qu’il leur revient de choisir la cérémonie de citoyenneté la plus adaptée à leurs besoins; que, même si les cérémonies en personne devraient être l’option par défaut, les cérémonies virtuelles devraient également être permises; que tout serment de citoyenneté auto-administré devrait faire l’objet de mesures d’intégrité robustes.

Partie II — Causes probables des arriérés de demandes et des délais de traitement

Dans la section qui suit, ce rapport tentera de déterminer les causes sous-jacentes des arriérés de demandes et des délais de traitement à IRCC. Tout d’abord, seront mises en lumière certaines données qui ont aidé le Comité à saisir le problème en cause; ensuite, sera recadré le problème des arriérés dans le contexte des programmes Entrée express et Visa de résident temporaire; enfin, seront discutées les répercussions qu’ont des événements circonstanciels, comme la pandémie de COVID-19 et les crises humanitaires internationales, sur les processus d’IRCC, et seront soulevées les préoccupations concernant l’équité procédurale.

Les chiffres et ce qu’ils dévoilent sur les arriérés

Les données rendues publiques par IRCC peuvent être très révélatrices, en ce sens qu’elles aident les Canadiens à comprendre concrètement comment les inventaires et les arriérés engorgent les processus du Ministère. D’ailleurs, Rabea Allos, directeur du Conseil catholique de parrainage pour réfugiés, a laissé entendre qu’« IRCC a beaucoup de données qui pourraient servir à optimiser le système [et à] accroître l’efficacité du processus[85] ». Les représentants du Bellissimo Law Group ont convenu que la « mine de données » d’IRCC est peut-être « l’occasion d’en apprendre davantage sur la façon dont les bureaux des visas traitent les demandes » et d’aider les parties prenantes à les utiliser « pour déterminer la meilleure façon de traiter les dossiers à l’avenir afin de mieux normaliser le processus décisionnel[86] ».

Dans les sous-sections qui suivent seront présentés des chiffres d’une grande importance, notamment des données sur la croissance du nombre de demandes présentées à IRCC et les délais auxquels sont actuellement soumis les demandeurs.

Augmentation de la demande pour immigrer au Canada

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste, Sean Fraser, a expliqué au Comité que le Canada était devenu « la destination de choix [des ressortissants étrangers] dans le monde », ce qui est à la fois un cadeau et un fardeau pour IRCC, car cela fait nécessairement augmenter le « nombre de demandes[87] ». Les données suivantes, fournies par IRCC, montrent que les demandes présentées par des ressortissants étrangers pour immigrer en sol canadien ne cessent d’augmenter.

Tableau 1 — Demandes reçues par IRCC, par année, de 2017 à 2019

 

2017

2018

2019

Approuvées

310 236

326 877

349 223

Refusées

24 291

30 934

42 391

Retirées

9 701

11 055

5 088

Non admissibles

112

145

106

Total

344 340

369 011

396 808

Source : Chambre des communes, Document parlementaire Q-97, 31 janvier 2022, Annexe A, p. 1 à 84.

Du point de vue des relations publiques, le ministre alors en poste a donné une tournure positive à la question en déclarant que les arriérés sont au moins un bon indicateur du fort intérêt que manifestent les immigrants qualifiés pour le Canada[88]. Néanmoins, certains témoins se sont demandé si son augmentation ne compromettait pas la réputation du Canada et ne dissuadait pas plutôt les ressortissants étrangers de présenter une demande pour y immigrer[89].

Par exemple, Dory Jade, directeur général de l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, a indiqué que la demande pour le programme de résidence temporaire a augmenté de plus de 30 % par rapport aux niveaux de 2019[90]. Ainsi, en date d’octobre 2022, plus de 70 % de l’arriéré était constitué de demandes de visa de résidence temporaire, ce qui représentait en tout plus de 900 000 dossiers.

Délais actuels, arriérés et réponse du gouvernement — 2022

Laura Schemitsch, avocate spécialisée en droit de l’immigration et des réfugiés pour Race and Company s.r.l., a fait savoir qu’au début de 2022, l’arriéré était estimé à près de 1,8 million de demandes au total[91]. En mai 2022, IRCC a annoncé que son arriéré avait augmenté de 600 000 dossiers au cours des dix mois précédents et que 2,1 millions de demandes étaient en attente[92]. Toujours en mai 2022, les délais de traitement des demandes de parrainage de conjoint étaient de 15 mois au Canada et de 22 mois à l’étranger[93].

Selon les données publiées par IRCC le 30 septembre 2022, 2,6 millions de demandes figuraient dans l’inventaire du Ministère, dont 1,49 million était en retard. La plupart des demandes en retard concernaient les visas de résidence temporaire, suivies par les visas de résidence permanente et la citoyenneté[94]. La hausse a été observée latéralement dans de nombreux programmes d’IRCC : en septembre 2022, les demandes de résidence permanente présentées dans le cadre du Programme de visa pour démarrage d’entreprise étaient traitées en 31 mois, au lieu de 12 comme le prévoit la norme de service[95].

Le ministre alors en poste a soutenu que « [m]algré cette charge de travail de plus en plus grande et complexe », IRCC a réussi à traiter 156 000 demandes de résidence permanente au cours du premier trimestre de 2022, soit le double par rapport à la même période en 2021[96]. Les figures suivantes montrent le nombre de demandes reçues et traitées par IRCC au cours des 10 dernières années (2012–2022).

Figure 2 — Traitement des demandes de résidence permanente

Progression de la capacité de traitement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par rapport au nombre de demandes de résidence permanente reçues et traitées de 2012 à 2022.

Explication : Ce graphique a pour but de démontrer que le nombre de demandes de résidence permanente reçues par le ministère a dépassé sa capacité de traitement en 2014 et de 2017 à 2021. En 2022, la capacité du ministère de traiter ces demandes a augmenté, et le nombre de demandes reçues a diminué, ce qui a permis au ministère de résorber l’arriéré.

Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données obtenues d’IRCC, 30 mars 2023.

Figure 3 — Traitement des demandes de résidence temporaire et prolongations

Progression de la capacité de traitement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par rapport au nombre de demandes de visas de résidence temporaire reçues et traitées de 2012 à 2022.

Explication : Ce graphique a pour but de démontrer que le nombre de demandes de visas de résidence temporaire reçues par le ministère a dépassé sa capacité de traitement pour toutes les années entre 2012 et 2022, à l’exception de 2014 et 2019. En 2022, bien que la capacité du ministère de traiter les demandes de visas de résidence temporaire se soit accrue, le nombre de demandes a également augmenté, et l’arriéré n’a pas pu être résorbé.

Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données obtenues d’IRCC, 30 mars 2023.

Figure 4 — Traitement de toutes les demandes (résidence temporaire, résidence permanente et citoyenneté)

Progression de la capacité de traitement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par rapport au nombre total de demandes reçues et traitées de 2012 à 2022.

Explication : L’objectif de ce graphique est de démontrer que le nombre de demandes reçues et traitées par le ministère a continué à augmenter de 2012 à 2018, puis que ce nombre a diminué légèrement en 2019 et de manière significative en 2020 et 2021. En 2022, le nombre de demandes reçues est plus de trois fois supérieur à celui de 2020 et 2021, tandis que le traitement de ces demandes a pris du retard, bien qu’il soit nettement plus élevé que pendant la pandémie.

Source : Ces données incluent toutes les demandes approuvées, refusées et retirées pour tous les volets de résidence temporaire et de résidence permanente, ainsi que l’ensemble des octrois et preuves de citoyenneté. Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données obtenues d’IRCC, 30 mars 2023.

Siavash Shekarian a précisé que les arriérés et les délais sont loin d’être des problèmes nouveaux à IRCC. Depuis 2012, le gouvernement a engagé des « milliards de dollars » pour les résoudre[97]. Plus récemment, dans sa Mise à jour économique et budgétaire de 2021, le gouvernement a annoncé un montant de 85 millions de dollars pour 2022–2023 « afin de pouvoir traiter plus de demandes de résidence permanente et temporaire, et de réduire les délais de traitement dans des secteurs clés touchés par la pandémie[98] ». Dans sa correspondance avec le Comité, le Ministère a précisé ce qui suit :

On s’attend à ce qu’un montant allant jusqu’à 10 millions de dollars soit destiné à résoudre la question des cérémonies de citoyenneté et à traiter les autres demandes figurant dans l’inventaire du programme d’immigration, à ce qu’un montant de 35 millions de dollars serve à traiter les demandes de visa de résidence temporaire, de permis de travail et d’études figurant dans l’inventaire et à ce qu’un montant de 40 millions de dollars soit utilisé pour éliminer l’inventaire de renouvellement de la carte de résident permanent, réduire les inventaires des demandes papier pour les secteurs d’activité de la résidence permanente et renforcer la capacité de recevoir et de gérer électroniquement les demandes de résidence permanente[99].

Dans son budget du printemps 2022, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il avait engagé 2,1 milliards de dollars sur cinq ans et 317,6 millions de dollars par la suite en nouveau financement afin de soutenir le traitement des demandes et la réinstallation des nouveaux résidents permanents du Canada dans le cadre du Plan des niveaux d’immigration de 2022–2024. Ces fonds comprennent une aide pour l’engagement de réinstaller 40 000 réfugiés afghans comme résidents permanents. Pour ce qui est des résidents temporaires, le budget propose également de verser 385,7 millions de dollars sur cinq ans et 86,5 millions de dollars par la suite à IRCC, à l’Agence des services frontaliers du Canada et au Service canadien du renseignement de sécurité afin de faciliter l’entrée des visiteurs, des travailleurs et des étudiants[100]. La portion de 2022–2023 attribuée au traitement des résidents temporaires s’ajoute au montant de 35 millions de dollars qui fait partie des 85 millions de dollars promis dans la Mise à jour économique et budgétaire de 2021[101]. Enfin, le gouvernement a annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, un montant supplémentaire de 50 millions de dollars en 2022–2023 afin « de réduire les arriérés de demandes, d’accélérer le traitement et de permettre aux nouveaux arrivants de combler les besoins en main-d’œuvre critiques[102] ». Il a également restructuré le soutien pluriannuel pour le traitement et l’établissement des nouveaux résidents permanents, dans le cadre du plan des niveaux de 2023–2025, pour qu’il soit de 1,6 milliard de dollars sur six ans[103].

Des représentants du Bellissimo Law Group ont prévenu que « [b]ien qu’un financement substantiel représente une étape importante, le défi consiste à bâtir un nouveau système sur une base précaire, les bureaux des visas étant débordés en raison du volume extrêmement élevé de demandes. En l’absence de changement transformateur, le nombre de dossiers en attente continuera d’augmenter rapidement[104]. » D’où la question suivante : faut-il recadrer le problème des arriérés pour mieux le résoudre?

Recadrer le problème des arriérés

Le Bellissimo Law Group soutient que l’arriéré est incontestablement le fruit de nombreux facteurs, notamment le sous-financement, l’établissement de quotas annuels et les choix stratégiques à l’origine de ces quotas[105] ». Siavash Shekarian a aussi fait valoir qu’en axant la stratégie d’immigration du Canada sur l’atteinte de certaines cibles, au lieu de la faire reposer sur la gestion des arrivées, l’arriéré devient inhérent au système. En termes simples, « [l]’arriéré tient essentiellement à un ensemble de tâches requises pour réaliser un plan stratégique plus vaste. Autrement dit, la stratégie une fois corrigée, l’arriéré disparaît[106] ». Recadrer le problème des arriérés peut donc nous amener à en découvrir l’origine.

On dit souvent des programmes d’immigration qu’ils constituent les « voies d’accès » au Canada. À l’heure actuelle, les demandeurs admissibles peuvent emprunter l’une des 80 « routes[107] » d’IRCC pour obtenir ou renouveler leur statut au Canada. Les demandes remplies à l’étranger circulent dans un « réseau mondial[108] » de bureaux des visas et font la queue pour être traitées au sein de l’infrastructure d’IRCC. En cours de route, les demandeurs doivent fournir des documents supplémentaires (par exemple, les données biométriques) avant leur arrivée au Canada.

Omer Khayyam, avocat pour Omni Law Professional Corporation, a soutenu que le Comité devrait se pencher sur la question des arriérés avec pragmatisme. Selon lui, il faut établir un parallèle entre les arriérés de demandes et les embouteillages dans les villes en pleine effervescence :

Il y a toute une branche des mathématiques qui s’intéresse à [la façon dont les villes gèrent la circulation]. Les spécialistes ont remarqué que l’ajout de voies à une autoroute ne fait qu’accroître la congestion routière. Cela s’appelle le paradoxe de Braess […] Lorsque nous avons ajouté [un autre programme], il s’agissait d’une nouvelle voie. Nous avons près de 80 programmes au Canada, et la congestion semble augmenter. Il y a plus de gens qui veulent emprunter l’autoroute. L’arriéré semble avoir augmenté très rapidement depuis la création de certains de ces programmes[109].

En résumé, on est placé devant le paradoxe de Braess lorsqu’une nouvelle voie devient si désirable pour un nombre trop important de personnes qu’elles décident toutes, en fonction de leurs intérêts individuels, de l’emprunter. Ce qui était initialement une option hautement souhaitable pour chacun se trouve dilué par sa popularité et devient donc sans conséquence pour tous. La solution à ce problème, paradoxalement, est de fermer la route principale afin que les autres options deviennent plus attrayantes[110].

Deux des « routes principales » qui exercent une pression constante sur le système de traitement des demandes d’IRCC sont le programme Entrée express pour la résidence permanente et le programme des permis de travail (visas de résidence temporaire)[111]. Ces deux volets ont accusé du retard pendant la pandémie, car IRCC n’était pas en mesure de répondre aux demandes en respectant ses normes de service.

Arriéré de demandes du programme Entrée express

Le programme Entrée express est la voie principale dans laquelle la plupart des migrants économiques s’engagent pour obtenir leur résidence permanente au Canada. Kareem El-Assal a précisé que le programme « a été lancé en 2015 pour permettre au gouvernement de réduire le nombre de demandes reçues, car pour présenter une demande, il faut avoir reçu une invitation du gouvernement[112] ». Il a donc essentiellement été créé pour éliminer l’arriéré de demandes.

Pour être jugés admissibles, les candidats doivent satisfaire aux critères de points s’appliquant à l’un des sous-volets admissibles, et désignés par le ministre, du Système de classement global, qui trie les candidats en fonction de leur mérite[113]. Le sous-volet le plus populaire qui permet aux immigrants économiques d’obtenir une invitation à demander la résidence permanente dans le cadre du programme Entrée express est le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) (PTQF). Comme son nom le suggère, ce sous-volet favorise les candidats qui sont des professionnels qualifiés. Malheureusement, au fil des ans, le programme Entrée express est devenu « l’une des principales causes [de l’arriéré et des délais][114] ».

Tel que discuté plus loin, au début de 2020, la pandémie et les restrictions liées au confinement ont progressivement paralysé les activités d’IRCC. Même si le Ministère avait de la difficulté à traiter les dossiers à un rythme conforme aux cibles d’immigration du ministre, il a continué d’envoyer des invitations pour présenter une demande au titre du PTQF du programme Entrée express[115]. En décembre 2020, il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas traiter toutes les demandes se trouvant dans le système et a dû suspendre temporairement le PTQF, jusqu’en juillet 2022, en cessant d’envoyer des invitations[116].

Au début de 2021, IRCC a changé son fusil d’épaule et a envoyé des invitations aux candidats de la catégorie de l’expérience canadienne du programme Entrée express, qui donne la priorité aux demandeurs qui ont acquis une expérience professionnelle au Canada. En septembre 2021, il s’est à nouveau rendu compte que le nombre d’invitations envoyées dépassait sa capacité à traiter les demandes en temps opportun et il a dû suspendre le programme de la catégorie de l’expérience canadienne[117].

Un troisième embouteillage est venu perturber le programme Entrée express après l’adoption de la voie de la résidence temporaire (RT) à la résidence permanente (RP) en avril 2021. Des milliers de demandes ont été présentées dans le cadre de cette voie d’accès, qui permet aux étudiants étrangers et aux travailleurs essentiels résidant au Canada d’obtenir plus rapidement leur résidence permanente, sans avoir à satisfaire aux critères de points comme il est de mise en temps normal[118]. D’une certaine manière, la voie de la RT à la RP a court-circuité les processus en place à IRCC, car elle a entraîné une augmentation massive du nombre de demandes de résidence permanente. Selon Ravi Jain, membre du comité directeur de l’ACAI, on a omis de plafonner le nombre de demandeurs admissibles à la voie de la RT à la RP, ce qui « [a] donné lieu à plus de demandes que prévu[119] ». En conséquence, plus de 80 000 demandes ont été ajoutées dans le système en moins d’un an, ce qui fait en sorte que « cette catégorie cannibalise aujourd’hui des places du système Entrée express pour 2022 et 2023[120] ».

Au sujet de la voie de la RT à la RP, le ministre alors en poste a expliqué qu’il s’agissait d’une mesure prise dans le contexte des restrictions liées à la COVID-19, qui a obligé IRCC « à modifier [sa] stratégie pour installer davantage de personnes qui étaient déjà au Canada, plutôt que des personnes qui étaient dans des pays tiers », ce qui, par ricochet, a fait augmenter le nombre de « personnes qui voulaient venir[121] » au pays.

Des témoins, comme Alain Dupuis, directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et Vilma Pagaduan, ont déclaré qu’ils accepteraient que l’on répète l’expérience des « passerelles rapides vers la résidence permanente[122] » pour des groupes désignés, comme les étudiants, les aides familiaux et les travailleurs migrants francophones[123]. En revanche, d’autres témoins, comme Omer Khayyam, ont soutenu que l’« ajout de voies » au titre de nouveaux programmes d’accès accéléré n’est pas une solution à long terme pour éviter l’engorgement de l’inventaire d’IRCC[124].

Les données donnent tout lieu de penser qu’IRCC n’utilise pas le programme Entrée express comme prévu, c’est-à-dire pour limiter le nombre de demandes qu’il reçoit, ce qui a de graves conséquences sur le système. Face à l’arrêt du processus de manière aussi abrupte, de nombreux demandeurs n’ont eu d’autre choix, pour renouveler leur permis temporaire et maintenir la validité de leur statut, que de présenter des demandes par intérim et d’emprunter les autres voies offertes par IRCC (c’est-à-dire permis de travail avant l’obtention de l’AR, puis permis de travail ouvert transitoire). Par ailleurs, d’autres demandeurs décident de se tourner vers les tribunaux pour faire traiter leur dossier (c’est-à-dire ils présentent des demandes de mandamus auprès de la Cour fédérale pour tenter de faire avancer leurs demandes)[125]. Dans certains cas, la confusion engendrée par les importants retards de traitement dans ce système est si débilitante pour les demandeurs qu’elle peut leur fait perdre leur statut de travailleur temporaire[126]. En bref, les retards systémiques donnent lieu à « plus de travail pour le [M]inistère, car toutes ces personnes qui sont au Canada en attente d’un tirage au sort lié [au programme Entrée express] perdent leur statut et doivent présenter de nouvelles demandes à IRCC, ce qui accroît l’arriéré[127] ».

Visas de résident temporaire : arriéré et problèmes aux bureaux des visas à l’étranger

En mai 2022, le Bellissimo Law Group a indiqué que « plus de la moitié de l’arriéré [était] constitué de demandes de résidence temporaire[128] ». En octobre 2022, Dory Jade a précisé que la « demande des programmes de résidence temporaire continue de croître de plus de 30 % par rapport aux niveaux de 2019. Plus de 70 % de l’arriéré est composé de dossiers de visa de résident temporaire. L’arriéré continue de croître, ce qui augmente le stress supplémentaire sur le système, dont l’arriéré compte maintenant plus de 900 000 dossiers temporaires[129]. »

En ce qui concerne la main-d’œuvre, le nombre de demandes présentées à IRCC pour faire venir des travailleurs étrangers dans les entreprises canadiennes continue à augmenter. Comme l’a expliqué Beth Potter, « [s]elon les estimations les plus récentes, le secteur [du tourisme] compte quelque 230 000 postes vacants. Pour répondre aux besoins croissants attendus avec la reprise des voyages, il nous faudra plus de 900 000 employés supplémentaires au cours des huit prochaines années[130]. » Pour sa part, Adrienne Foster, vice-présidente de la Politique et des Affaires publiques à l’Association des hôtels du Canada, a fait savoir qu’il manquait, dans des secteurs comme le commerce de détail, ainsi que la construction et la fabrication, près de 110 000 et 90 000 employés, respectivement[131].

IRCC subit certes de fortes pressions pour aider les secteurs mentionnés dans le paragraphe précédent et admettre plus de travailleurs étrangers pour résoudre les problèmes de pénurie de main-d’œuvre que connaissent les entreprises canadiennes. Selon Elizabeth Long, « [l]es niveaux d’immigration doivent être augmentés en fonction des pénuries de main-d’œuvre. Nous sommes actuellement en concurrence avec le reste du monde dans ce domaine. Il ne s’agit pas seulement de la main‑d’œuvre hautement qualifiée, mais aussi de ce que le gouvernement dit être une main‑d’œuvre peu qualifiée. C’est généralisé. Si nous n’augmentons pas les niveaux d’immigration, nous allons être perdants[132]. » Les secteurs dictent donc la demande, mais IRCC a de la difficulté à y répondre au regard de ses capacités de traitement actuelles.

Il est aussi indéniable que les bureaux des visas sont submergés par le nombre considérable de demandes de visa de résidence temporaire. À titre d’exemple, le présent rapport examinera la situation au bureau des visas de New Delhi, en Inde, et à celui de Dakar, au Sénégal. Les témoignages ont fait ressortir un net déséquilibre entre le nombre de demandes traitées par les bureaux des visas respectifs du Canada à l’étranger[133].

Bureau des visas de New Delhi, en Inde

D’importants problèmes d’équité ont été soulevés concernant le traitement des demandes au bureau des visas de New Delhi, en Inde. Kyle Hyndman a souligné que « New Delhi est en quelque sorte le récidiviste chronique en la matière, avec des délais de traitement extrêmement longs pour les permis de travail [et] vraiment aucun moyen de communiquer avec le bureau des visas au sujet de ces demandes dont le traitement tarde depuis longtemps[134] ». Ravi Jain a déclaré que les membres de l’ACAI ont reçu des courriels du bureau de New Delhi les informant que tous les messages qui ne seraient pas transmis au moyen du formulaire Web seraient supprimés[135]. Dans son mémoire, l’ACAI a également souligné que le bureau des visas de New Delhi a encouragé les demandeurs à présenter plusieurs demandes de visa de visiteur[136]. Selon les règles de traitement d’IRCC pour traiter multiples demandes de visa de visiteur — renseignements non accessibles au public et au Comité — cette pratique pourrait avoir comme effet de multiplier le nombre de demandes à traiter par IRCC et s’ajouter à l’arriéré[137].

Bureau des visas de Dakar, au Sénégal

Le bureau des visas de Dakar, au Sénégal, fait face à un « problème de volume de traitement », une situation alarmante qui a amené Claire Launay, présidente de Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, à affirmer qu’il y a des « problèmes de préjugés et de discrimination envers les étudiants francophones[138] ». Par ailleurs, Yves-Gérard Méhou-Loko, vice-président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, a souligné que cette lacune au chapitre de la capacité de traitement des bureaux des visas d’IRCC est assez inquiétante, en particulier pour un bureau qui dessert l’un des plus grands bassins de ressortissants étrangers francophones du monde, l’Afrique subsaharienne[139].

M. Méhou-Loko a aussi informé le Comité que, même si le bureau de Dakar traite des demandes en provenance de 16 pays majoritairement francophones, les chiffres du recensement de novembre 2022 indiquent que seulement deux de ces pays figurent parmi les 20 principaux pays d’origine des immigrants francophones s’établissant à l’extérieur du Québec[140]. C’est avec un certain soulagement qu’il a appris l’ouverture, à l’automne 2022, du nouveau bureau des visas tant attendu à Yaoundé, au Cameroun, bien que ce bureau ne traite pas de demandes pour le moment. Selon lui, une chose est claire : IRCC doit « accroître considérablement la capacité de traitement[141] ».

On observe également des délais déraisonnables dans le traitement des demandes des francophones au Canada. Luisa Veronis a indiqué avoir remarqué, tout au long de ses recherches, que les « demandeurs francophones semblent faire face à ces [délais] dans une plus grande mesure[142] ». Elle a mentionné qu’une pétition avait été signée par 700 immigrants francophones dont les dossiers étaient toujours en attente de traitement après la présentation de leur demande au titre du programme Entrée express suivant son approbation dans le cadre du Programme des candidats des provinces, alors que le système doit normalement traiter ces candidats en priorité.

C’est pourquoi le Comité recommande ce qui suit :

Accroître la capacité des bureaux des visas

Recommandation 8

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accroisse la capacité des bureaux des visas à traiter les demandes et, entre autres, à communiquer efficacement avec les clients.

Traitement des demandes par les employés du Ministère

Recommandation 9

Que le traitement des demandes par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans les centres de réception des demandes de visa situés à l’étranger soit effectué par des employés du Ministère, et non par des sous‑traitants.

Répercussions d’événements circonstanciels sur les arriérés et l’équité procédurale

La section qui suit porte sur les répercussions qu’a eue la pandémie de COVID-19 sur les processus d’IRCC, y compris la transition technologique et les défis en matière de ressources humaines, les situations d’urgence internationales, notamment en Afghanistan et en Ukraine, et les mesures spéciales mises en place pour y réagir, et enfin, les problèmes d’équité procédurale qui nuisent aux processus du Ministère.

Répercussions initiales de la COVID-19 sur les arriérés et les délais de traitement

La pandémie de COVID-19 a profondément déstabilisé les effectifs d’IRCC. Selon Ravi Jain, bien que le Ministère soit considéré comme faisant parti des « infrastructures essentielles » du pays par Sécurité publique Canada, 80 % de ses effectifs ont été dans l’impossibilité de travailler « pendant de longues périodes[143] ». Au cours d’une réunion avec IRCC, il a été informé que les agents n’étaient pas en mesure de se rendre dans les centres de traitement pour travailler sur les dossiers papier, et que les bureaux des visas fonctionnaient avec un personnel réduit en raison du virus[144].

Selon Siavash Shekarian, le Ministère n’a pu, dans le meilleur des cas, fonctionner qu’à 80 % de sa capacité pendant les trois années qu’a duré la pandémie[145]. Il ne faut donc pas sous‑estimer les répercussions que cette dernière a eues sur les arriérés de demandes, car elles sont généralisées et durables dans toute l’infrastructure du Ministère. Ravi Jain a expliqué que la paralysie de la main-d’œuvre a eu une incidence importante sur les arriérés à IRCC et qu’elle a compromis la capacité du Canada à réagir aux crises humanitaires et à « réunifier des familles [et qu’elle a aussi compromise sa] compétitivité […] sur le plan économique[146] ».

Selon Chantal Desloges, le « sous-investissement dans l’infrastructure des technologies de l’information » a fait en sorte qu’« IRCC s’est retrouv[é] paralys[é] lorsque la pandémie a frappé ». L’accès à distance des employés au système, qui va de soi en 2023, était quelque chose de nouveau il y a seulement trois ans : « [A]ucun plan d’urgence efficace n’a été mis en place pour le travail à la maison, et aucun plan efficace n’a été mis en place pour procéder aux entrevues avec les demandeurs à distance[147]. »

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste a rapidement admis qu’IRCC n’avait pas anticipé les répercussions que les bouleversements provoqués par la pandémie de COVID-19 auraient sur sa capacité à traiter les demandes :

Les quelques dernières années ont posé des défis réels qui auraient été inimaginables il y a quelques années à peine. Les systèmes d’immigration du monde entier ont été perturbés par la pandémie en raison des longues fermetures des frontières, des restrictions de voyage et des mesures de santé publique qui ont empêché les gens de venir travailler[148].

Alors même qu’IRCC faisait des pieds et des mains, en 2020 et en 2021, pour trouver des solutions afin que les employés puissent travailler depuis la maison, l’arriéré ne cessait de croître. Saint-Phard Désir, directeur exécutif du Partenariat local pour l’immigration d’Ottawa, estime que la paralysie causée par la pandémie et la frustration engendrée par l’incapacité du Ministère à fournir rapidement aux employés des solutions de travail à domicile ont incité des employés à quitter leur poste[149].

En mai 2022, le ministre Fraser, alors en poste, a mentionné que la situation s’était en grande partie stabilisée et que « tous [les] programmes et 100 % des bureaux d’IRCC [liées à la COVID-19] et des fournisseurs de service [étaient] ouverts ». Même si les « limites de capacités continuent de nécessiter que les employés télétravaillent, [cela n’empêche pas IRCC] de traiter les demandes ou de réduire les arriérés », car la main-d’œuvre s’est adaptée à la nouvelle normalité post-pandémique[150].

Kareem El-Assal a fait valoir que les arriérés peuvent à tout le moins représenter « une occasion pour [le Canada] de relever les défis auxquels [il a fait face] dans le contexte de la pandémie et d’obtenir une surveillance et une expertise externes afin de hausser encore plus la barre[151] ». Parmi ces défis figurent la pénurie de main-d’œuvre et la transition numérique.

Pénurie de main-d’œuvre et réaffectation des ressources

Même si Siavash Shekarian a rappelé au Comité que le nombre d’employés à IRCC a augmenté de 30 % depuis 2016[152], certains témoins ont souligné qu’il était encore nécessaire d’accroître le soutien à l’égard des mesures de dotation. Pour Oliver Thorne, il manque « de ressources pour traiter les demandes[153] » et pour Peter Bhatti, « les causes profondes des retards actuels pourraient s’expliquer par un manque de ressources humaines[154] ». Comme nous l’avons vu plus haut, il manque certainement de ressources aux bureaux auxiliaires d’IRCC, comme les bureaux des visas de Dakar et de New Delhi, qui traitent un nombre disproportionné de demandes de visa à l’extérieur du Canada si on les compare à d’autres bureaux.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a reconnu « qu’au cours de la dernière année, le gouvernement fédéral a investi des fonds supplémentaires et […] s’est engagé à embaucher plus de personnel » et que même si, reconnaît-il, des efforts ont été faits, « il y a [toujours] une obligation de résultat[155] ». Lorsqu’IRCC a embauché plus de 1 000 nouveaux employés, Irena Sompaseuth a observé, grâce à son travail auprès des nouveaux arrivants, que la capacité de traitement du Ministère a augmenté et que les délais ont été réduits pour se rapprocher des paramètres d’avant la COVID[156]. Elle a donc convenu que l’affectation « du personnel et des ressources au traitement de demandes particulières », notamment par l’embauche d’employés et leur formation, contribuerait à réduire les arriérés du Ministère[157].

Or, d’autres témoins ont souligné que pour résorber les arriérés, il ne suffit pas d’augmenter le nombre d’employés : IRCC doit examiner comment ces ressources sont affectées et formées[158]. Roger Rai, directeur de Regency Immigration Solutions, a fait remarquer que la formation des agents au pays et à l’étranger semble déficiente, puisqu’il a constaté qu’« un manque de connaissance des exigences du programme » amenait les agents à demander des documents inutiles et à rejeter des demandes sans raison valable[159].

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste a admis qu’il considérait le problème des arriérés non pas comme « simplement une question de nombres ou de ressources, [mais aussi] un défi sur le plan humain[160] ». Selon lui, « [l]’un des grands défis […] à relever […] est de réaliser qu’il faut du temps pour embaucher et former les gens et les mettre à niveau[161] », même s’il estime que des investissements très importants aideraient IRCC à atteindre ces objectifs au fil du temps.

Par ailleurs, les représentants du Bellissimo Law Group ont convenu que la recherche de solutions aux arriérés ne devait pas se limiter à la réaffectation du personnel. Citant une étude publiée par Deloitte, ils ont fait valoir qu’il était essentiel de recadrer l’approche à l’égard de la formation :

Une philosophie axée sur la facilitation et la transparence est cruellement nécessaire et doit être fondée sur la formation. La nécessité d’une formation supplémentaire a été confirmée dans une étude de Deloitte, où il a été déterminé qu’il existe une possibilité au sein des ministères d’accroître l’efficacité en améliorant la culture et le comportement organisationnels. Deloitte indique qu’IRCC devrait adopter une approche axée sur les résultats en mettant l’accent sur la formation, la prise de décisions de haut niveau et la motivation. La mise à profit de la technologie […] et un virage fondamental vers la facilitation, la transparence et l’amélioration de la communication seraient révolutionnaires et appuieraient la transition nécessaire en matière de culture[162].
Incidence de la transition numérique

Le ministre Fraser, alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, croyait qu’IRCC avait été en mesure d’atténuer les conséquences de la pandémie « grâce à l’adoption de solutions numériques et d’innovations au sein des programmes », notamment « en accroissant la numérisation des dossiers, en offrant une voie numérique de réception des demandes pour de nombreux secteurs d’activité et en traitant davantage de demandes à distance[163] ». Toutefois, selon d’autres témoins, si la transition vers les plateformes en ligne a pu être bénéfique dans l’ensemble, elle n’a pas été déployée avec suffisamment de préparation.

Selon Chantal Desloges, les problèmes technologiques ne sont « rien de moins qu’un désastre total[164] ». Elle a recensé les problèmes suivants avec les portails en ligne : « Dans un des formulaires en ligne, on demande d’appuyer sur un bouton… un bouton qui n’existe pas. Les demandes que vous avez téléchargées disparaissent, tout simplement. Il est impossible d’ouvrir une session dans divers portails durant des semaines voire plus d’un mois, dans certains cas[165]. » Il ne s’agit là que d’un petit échantillon d’un grand nombre de problèmes signalés par les avocats spécialisés en immigration[166]. Selon Chantal Desloges, les portails sont si instables qu’ils ont amené les avocats à s’opposer activement au passage obligatoire au traitement numérique[167]. Laura Schemitsch a souligné ce qui suit :

Par exemple, bien qu’il soit tout à fait possible qu’un système modernisé soit plus efficient, il est important de reconnaître qu’il y a d’importants problèmes technologiques qui obligent les représentants à passer à des portails en ligne qui n’ont pas été testés de manière appropriée ou qui sont associés à un soutien technique déficient. Ainsi, on annule les progrès qui pourraient être réalisés grâce à la modernisation[168].

Certes, plusieurs cabinets d’avocats ont fait part à IRCC de leurs observations concernant les problèmes liés au portail, mais Chantal Desloges estimait qu’il n’appartient pas aux utilisateurs, mais bien à IRCC, le fournisseur du service, de trouver les défectuosités du système[169]. Stéphanie Valois a également convenu qu’IRCC aurait dû effectuer plus d’essais sur ses portails en ligne avant de les lancer[170]. Ravi Jain a mentionné que l’ACAI a été « totalement exclu[e] des nouvelles plateformes numériques mises au point par IRCC, sous prétexte qu’elles doivent être déployées rapidement[171] ».

Les portails en ligne créent également des problèmes d’accessibilité pour les demandeurs dont les capacités sont limitées sur le plan linguistique et numérique[172]. Le fait que les avocats ne sont pas autorisés à accéder à certains portails au nom des demandeurs complique les choses. « [U]n client qui a un problème ou des difficultés ne peut [donc pas] demander à son propre avocat de l’aider[173] », ce qui a fait dire à Irena Sompaseuth qu’il devrait toujours être possible, pour les demandeurs qui éprouvent des difficultés avec la technologie, de présenter des demandes papier[174].

L’intégration de la technologie dans les processus d’IRCC a suscité de vives préoccupations. D’une part, Mary Roman et Irena Sompaseuth ont fait savoir que la transition au numérique ne devait pas se faire au détriment des demandes papier qui accusent du retard. Leurs deux organismes ont constaté que les « demandes présentées après la COVID, en 2021, ont été traitées en priorité, alors que celles datant de 2019 et de 2020 sont encore en attente[175] ». D’autre part, Elizabeth Long a prévenu le Comité qu’IRCC devrait faire preuve de prudence avant de déployer des outils d’IA pour résoudre le problème des arriérés, puisque « bon nombre des décisions issues de [ces] systèmes […] sont injustes » et « [p]ar conséquent, la Cour fédérale est engorgée par des contestations[176] ».

De manière générale, Vikram Khurana a convenu qu’il serait utile de poursuivre la modernisation du système de traitement pour résoudre le problème des arriérés à IRCC[177]. Selon le Ministère, la modernisation et la numérisation des processus de citoyenneté ont donné des résultats très positifs. Le ministre Fraser, alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a indiqué que, « [g]râce à la combinaison d’un processus de demande numérique et de cérémonies virtuelles, nous sommes en mesure de traiter un nombre extraordinaire de personnes », soit 41 000 nouveaux citoyens canadiens en mars 2022 seulement[178]. Le ministre a attribué cette augmentation du nombre de demandes traitées et de la capacité du système à l’adoption de solutions technologiques.

Afin de résoudre les problèmes causés par les portails et les formulaires en ligne et de maximiser les avantages liés à la modernisation du système de traitement, le Comité recommande ce qui suit :

Auditer les portails et les formulaires en ligne

Recommandation 10

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada audite le processus sur les portails en ligne pour y détecter les bogues et les erreurs, qu’il s’engage à corriger immédiatement les bogues et les erreurs et qu’il s’assure que tous les formulaires en ligne fonctionnent correctement.

Consulter les utilisateurs du système et des portails en ligne

Recommandation 11

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada consulte les utilisateurs du système et des portails en ligne afin que le gouvernement puisse y corriger les bogues et les problèmes techniques sur les portails qui surviennent fréquemment.

Langage simple et amélioration du français

Recommandation 12

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada instaure immédiatement l’utilisation d’un langage simple dans tous ses processus de demande, et que le site Web soit également mis à jour afin que le niveau du français écrit soit amélioré dans le processus des demandes en ligne pour les demandeurs francophones.

Urgences internationales et conséquences sur les processus de traitement des demandes

L’insécurité mondiale et les conflits militaires ont tragiquement transformé le monde alors qu’il entrait dans la nouvelle décennie. Le 15 août 2021, les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan, provoquant le déplacement de masse d’Afghans ayant collaboré avec les gouvernements occidentaux. Le 24 février 2022, la Russie a attaqué l’Ukraine, provoquant le déplacement de masse de millions de ses habitants vers l’Europe de l’Ouest, des chiffres jamais vus depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement du Canada a réagi en adoptant des mesures spéciales en matière d’immigration au fur et à mesure que ces crises humanitaires internationales se déroulaient.

En ce qui concerne l’Afghanistan, IRCC a annoncé son intention de réinstaller 40 000 réfugiés d’ici 2024 dans le cadre de plusieurs programmes spéciaux. Ceux-ci incluent un programme destiné aux personnes ayant des liens durables avec le gouvernement du Canada, dont les organismes de recommandation sont Affaires mondiales Canada et le ministère de la Défense nationale. Un autre est un programme humanitaire destiné à un maximum de 5 000 personnes dont la profession peut faire d’elles des cibles des talibans, comme les défenseurs des droits de la personne. Un programme a aussi été créé pour permettre aux membres de la famille élargie d’anciens interprètes déjà établis au Canada de trouver une voie vers la résidence permanente.

En ce qui concerne l’Ukraine, IRCC a rapidement mis au point un programme pour accueillir les Ukrainiens déplacés, l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU), qui consiste en la délivrance de permis de résidence temporaire de trois ans[179]. Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté alors en poste a expliqué la décision de ne pas procéder à l’exemption de visa dans le cadre du programme de l’Ukraine en disant au Comité que la capacité d’IRCC à traiter les personnes dépassait la demande. Comme les demandeurs devaient fournir des données biométriques, IRCC a amélioré les installations où ils devaient se rendre dans les pays limitrophes. En mai 2022, le ministre Fraser, qui était alors en poste, a déclaré que 200 000 Ukrainiens avaient présenté une demande d’AVUCU en l’espace d’un mois et demi[180]. L’AVUCU est un programme non plafonné et, selon les chiffres compilés par Hameed Khan, ancien interprète afghan, en mai 2022, le Canada avait accordé la résidence temporaire à près de 100 000 Ukrainiens[181]. En février 2023, IRCC a déclaré que ce nombre avait dépassé 135 000[182]. Les demandeurs ukrainiens ont vu leurs demandes traitées avec beaucoup de célérité par IRCC, puisque « le délai de traitement de 14 jours est respecté pour 90 % de [la] clientèle[183] ».

Malheureusement, les Afghans qui ont présenté une demande dans le cadre des mesures d’urgence canadiennes n’ont pas eu droit au même niveau de préparation coordonnée de la part d’IRCC que les Ukrainiens. Hameed Khan, ancien interprète afghan, a déclaré au Comité que malgré les garanties données par l’ancien chef de cabinet d’IRCC selon lesquelles les demandeurs commenceraient à recevoir des numéros d’identification dans un délai de 24 à 48 heures, cela ne s’est pas produit[184]. En mai 2022, le ministre Fraser, qui était alors en poste, a indiqué qu’IRCC n’avait pu traiter que 13 000 demandes et que les retards dans l’atteinte de la cible étaient attribuables aux « immenses défis à relever sur le terrain[185] ». Le ministre a souligné que l’un des obstacles consistait au passage sécuritaire des demandeurs afghans vers un pays tiers pour qu’ils puissent y passer leurs examens biométriques[186]. Oliver Thorne a reconnu que l’effort d’évacuation de l’Afghanistan a été entravé par l’obligation pour les évacués de fournir des données biométriques, étant donné que le fait d’entrer dans des pays proches de l’Afghanistan (par exemple, le Pakistan et les Émirats arabes unis) et de satisfaire aux « exigences relatives au passeport et au visa » de ces États constituait en soi un « énorme fardeau administratif et financier[187] ».

Hameed Khan a souligné que les interprètes afghans qui ont présenté une demande dans le cadre des mesures spéciales en matière d’immigration ont fait face à des difficultés administratives disproportionnées, comme de longs délais pour les examens médicaux et des processus trop rigoureux et stricts, par rapport aux réfugiés syriens et ukrainiens[188]. Le manque de préparation peut expliquer ces difficultés, car, selon Oliver Thorne, les lacunes observées sont « directement attribuable[s] au fait que le gouvernement n’était pas prêt à faire face à la chute du gouvernement afghan et à la crise humanitaire qui a suivi[189] ».

Oliver Thorne, directeur général du Réseau de transition des vétérans, a informé le Comité des coûts des arriérés d’IRCC pour les futurs Canadiens d’origine afghane, pour les anciens combattants canadiens et pour les organismes de bienfaisance qui les soutiennent. Il a décrit la vie, en Afghanistan, de ceux qui ont aidé les Forces armées canadiennes :

Un grand nombre de leurs enfants ne peuvent pas fréquenter l’école et ces personnes ne peuvent pas travailler. Elles n’ont pas accès aux services limités que le gouvernement afghan pourrait leur offrir, par exemple le système judiciaire, les soins médicaux et d’autres services, car elles craignent d’être repérées par les talibans[190].

Claire Launay a admis que même si la pandémie avait eu de grandes répercussions sur les activités d’IRCC, « il y a un problème beaucoup plus vaste et plus profond concernant la gestion » par le Ministère de l’augmentation des délais de traitement et des retards dans la réinstallation des réfugiés[191]. Elle a affirmé que pendant les crises afghanes et ukrainiennes, « IRCC est devenu un ministère de gestion de crise où les ressources sont systématiquement réaffectées d’un système à un autre afin de gérer des crises, au détriment du traitement des demandes de résidence permanente, de permis de travail et de permis d’études, bref, au détriment [de son] fonctionnement normal[192] ». L’ACAI a aussi souligné que les urgences internationales ne devraient pas servir d’excuse à IRCC pour « interromp[re] la communication avec les demandeurs[193] ».

Le révérend Rudy Ovcjak a fait remarquer que, bien qu’il soit louable de la part du gouvernement du Canada de fournir de l’aide aux personnes déplacées lors de crises internationales, le redéploiement des ressources principales vers ces situations d’urgence entraîne « une augmentation importante de l’arriéré et des délais de traitement pour toutes les autres populations de réfugiés[194] ». Rabea Allos, directeur du Conseil catholique de parrainage pour réfugiés, a précisé que cette tendance à s’occuper des problèmes immédiats au détriment des responsabilités essentielles était également à l’œuvre lors de la crise humanitaire syrienne, où « des ressources ont été retirées de différents bureaux des visas ailleurs dans le monde et déplacées vers la Syrie et la Turquie, afin de pouvoir [réinstaller] 25 000 Syriens en quelques mois. Les réfugiés du reste du monde ont été laissés en plan[195]. »

Le Conseil canadien pour les réfugiés a déclaré qu’en janvier 2022, on dénombrait plus de 70 000 demandes de résidence permanente présentées par des personnes protégées et des membres de leur famille. Si l’on tient compte du fait que la cible pour ce volet a été plafonnée à 24 500 en 2022 et à 25 000 en 2023, toute situation d’urgence qui détourne les employés des tâches essentielles entraîne nécessairement un accroissement de l’écart entre le nombre de demandes et les cibles d’immigration[196].

Le révérend Rudy Ovcjak a reconnu qu’IRCC avait pris d’importantes mesures pour réduire les délais de traitement avant la pandémie[197]. Toutefois, Janet M. Bigland-Pritchard, coordinatrice du Bureau des migrations du Diocèse catholique romain de Saskatoon, a mentionné que ces crises internationales successives

ont bien sûr eu l’effet de renverser les progrès effectués [par le Centre des opérations de réinstallation d’IRCC] en matière de délais de traitement. Les signataires d’entente de parrainage n’ont pas été autorisés à soumettre de nouvelles demandes de parrainage privé de réfugiés avant le mois de mai cette année. Cela exerce de la pression sur l’entièreté de notre système et fait augmenter les temps d’attente pour les réfugiés qui attendent une réponse[198].

À cela s’ajoute le fait que, comme l’a rapporté Janet M. Bigland-Pritchard, le nombre de dossiers de réfugiés que traite IRCC a quadruplé depuis 2014[199].

Pour résoudre les crises internationales passées et futures plus équitablement et plus efficacement, le Comité recommande ce qui suit :

Mesures d’immigration spéciales pour les Afghans

Recommandation 13

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada s’assure immédiatement que toutes les personnes et leur famille immédiate qui ont appuyé les diverses missions canadiennes en Afghanistan bénéficient de mesures d’immigration spéciales au Canada sans délai et que si elles ont déjà subi un examen biométrique dans le cadre de ces missions, qu’elles soient considérées exemptées jusqu’à ce qu’elles soient arrivées en territoire canadien.

Politique publique en faveur du traitement non discriminatoire des réfugiés

Recommandation 14

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada crée une politique publique pour faire en sorte que, lorsque survient une crise humanitaire, les demandes de tous les réfugiés soient traitées selon les mêmes critères, quel que soit le pays d’origine des demandeurs.

Problèmes d’équité procédurale à IRCC

Selon Laura Schemitsch, pendant la pandémie de COVID-19, les employés d’IRCC ont lentement transmis leur frustration et leur angoisse aux demandeurs qui attendaient le traitement de leur dossier : « Pendant les premiers stades de la pandémie, le Canada et le monde entier étaient confrontés à une incertitude sans précédent, ce qui a eu pour effet de paralyser le système d’immigration canadien, mais en 2022, la patience des demandeurs et des représentants vis-à-vis des solutions pour endiguer l’arriéré croissant s’est épuisée[200]. »

Selon Dory Jade, l’opacité règne à IRCC et même si ce manque de transparence est devenu un problème pressant au cours des trois dernières années, du fait de l’augmentation des arriérés, « [l]e système n’a pas vraiment changé. C’est juste que nous constatons davantage l’opacité depuis le début de la pandémie de COVID‑19[201]. »

Au fur et à mesure de l’augmentation des arriérés, de plus en plus de demandeurs ont commencé à faire l’expérience de ce qui est devenu monnaie courante pour les représentants du droit canadien de l’immigration, à savoir qu’il est « pratiquement impossible de communiquer avec IRCC » pour connaître l’état des demandes qui accusent du retard depuis longtemps[202]. Le Ministère « a complètement isolé les communications », que celles-ci s’effectuent par téléphone (par l’intermédiaire du Télécentre d’IRCC) ou par courrier électronique (par l’intermédiaire du formulaire Web)[203]. Kareem El-Assal a qualifié ce système impénétrable de « boîte noire[204] ».

Selon lui, les demandeurs et les représentants ne devraient pas avoir à se fier « aux demandes d’accès à l’information, comme cela a été le cas pendant la pandémie, pour [se] tenir au courant du système d’immigration[205] ». Il a fait valoir qu’IRCC devrait à tout le moins publier des mises à jour mensuelles sur les enjeux importants, comme le plan de réduction de l’arriéré, afin de « rétablir la confiance en notre système d’immigration qui s’est détériorée pendant la pandémie[206] ».

Le gouvernement a pris acte de la proposition et a annoncé, le 25 juin 2022, « la création d’un groupe de travail ministériel pour aider à réduire l’arriéré dans le traitement des demandes et améliorer le service à la clientèle[207] ». Comme il avait été demandé, ce groupe de travail publie des données mensuelles pour aider à informer les Canadiens de l’état actuel des arriérés et des prévisions à court terme concernant ceux-ci.

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, de nombreux témoins se sont plaints de l’opacité générale d’IRCC lorsqu’il s’agit d’informer les demandeurs de l’état de leur demande, en particulier via les formulaires Web d’IRCC, qui est le système d’envoi électronique désigné du ministère pour demander des mises à jour sur les dossiers[208]. Laura Schemitsch a déclaré que « l’intégrité du système d’immigration canadien était mise en péril par l’arriéré, notamment en raison du manque de transparence et de l’impossibilité d’obtenir de l’information sur l’état d’avancement des demandes au moyen de formulaires Web[209] ».

Selon le Bellissimo Law Group, « [l]es demandeurs, IRCC et même les députés qui demandent de simples mises à jour sur les dossiers de demandeurs perdent beaucoup de temps et de ressources[210] ». En effet, bien qu’IRCC donne des consignes sur son site Web pour communiquer avec lui en cas de problèmes techniques avec les portails, « depuis la pandémie, les demandes soumises au moyen de formulaires Web donnent généralement lieu à des réponses génériques extrêmement tardives[211] ».

Comme nous l’avons déjà mentionné, IRCC peut également renvoyer un dossier à un demandeur s’il le juge incomplet. Kyle Hyndman a expliqué que, sur le plan juridique, cela place le demandeur dans la même situation que s’il n’avait jamais présenté de documents. Il a expliqué que cela peut toutefois contribuer indirectement à accroître les arriérés d’IRCC : « [J]’ai vu des personnes perdre définitivement le droit d’inclure des enfants ou ne plus être admissibles à un programme parce qu’une demande avait été renvoyée plusieurs mois après son dépôt. Cela crée à son tour une cascade d’autres demandes pour tenter de résoudre les problèmes[212]. »

En outre, « les demandeurs ne savent [pas nécessairement] pourquoi leur demande a été rejetée. Ainsi, ils n’ont pas l’occasion de remédier à ce qui a été perçu comme une lacune[213]. » Par exemple, Dory Jade a expliqué qu’IRCC peut rendre une décision négative simplement parce qu’il manque un document, sans toutefois le préciser dans sa réponse[214]. Les avocats doivent souvent présenter des demandes d’accès à l’information et aux renseignements personnels pour obtenir des copies des notes des agents de traitement et, parfois, s’adresser à la Cour fédérale pour simplement obtenir les raisons d’un refus. Claire Launay a souligné qu’il serait utile qu’IRCC « soit plus transparent quant aux directives données à [ses] agents afin de mieux comprendre comment les décisions sont prises », ce qui pourrait aider à cerner les problèmes systémiques dans les processus d’IRCC[215]. En particulier, Krishna Gagné, avocate et vice-présidente aux affaires économiques de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, a souligné que l’on ne sait pas grand-chose sur la façon dont IRCC accorde la priorité à des dossiers par rapport à d’autres, et plus précisément, sur la façon dont il gère les dossiers qui ne sont pas traités conformément à ses normes de service, car ces « dossiers ne sont pas traités selon la règle du premier arrivé, premier servi[216] ».

Des témoins ont souligné qu’il devrait y avoir plus d’équité dans les processus d’IRCC; on devrait notamment permettre à un plus grand nombre de demandeurs de corriger des lacunes mineures sans avoir à tout recommencer à zéro, car cela « éviterait beaucoup de désagréments aux demandeurs ainsi que beaucoup de demandes répétées et d’autres mesures que les demandeurs doivent prendre si une demande est renvoyée », par exemple dans le cas d’un ressortissant étranger qui n’a plus de statut ou qui essuie un refus parce qu’on pense qu’il a fait de fausses déclarations[217]. Lorsque la Cour fédérale, après avoir examiné une décision, ordonne à IRCC de réexaminer de nouveau une demande rejetée, cela « contribue davantage à l’arriéré[218] ».

En ce qui concerne la possibilité de réformer le contrôle judiciaire, les témoins ne s’entendaient pas. Comme le prévoit l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision négative rendue par IRCC peut être déposée auprès de la Cour fédérale dans les 15 jours suivant la décision pour une demande faite au Canada et dans les 60 jours suivant la décision pour une demande faite à l’extérieur du pays[219]. Janet M. Bigland-Pritchard a fait valoir qu’il faudrait supprimer le contrôle judiciaire. Selon elle, « [c]e processus d’examen judiciaire ne fonctionne pas très bien […] Il bloque les demandes pendant des années, et il est très coûteux. Tout ce que vous obtenez si vous gagnez, c’est une autre visite au même bureau des visas[220]. » À l’opposé, Omer Khayyam et Siavash Shekarian ont déclaré qu’ils étaient pour le maintien du contrôle judiciaire, car il sert un objectif important : il offre aux ressortissants étrangers un recours devant un juge canadien[221].

Partie III — Exigences et solutions

La présente section expose ce qu’il faut faire, selon les témoins, pour corriger les causes probables des arriérés dans le système d’immigration canadien, à savoir respecter des délais de traitement précis et équitables, veiller à la transparence du processus d’immigration, intervenir rapidement en cas d’urgence et ajouter des ressources. Elle présente aussi les solutions que le Comité souhaite recommander à IRCC pour qu’il puisse rétablir ce qui est devenu un système d’immigration de plus en plus lourd.

Délais de traitement précis et équitables

Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, les délais de traitement varient considérablement d’un volet d’immigration à l’autre. De nombreux témoins ont fait remarquer qu’afin de respecter les normes de traitement, d’anciennes demandes sont souvent mises de côté pour que de nouvelles soient traitées plus rapidement, ce qui donne l’illusion que les délais s’améliorent. Ainsi, au sein d’un même volet d’immigration, certaines demandes sont traitées aussi rapidement que possible, tandis que d’autres peuvent être mises en attente pendant des années. Il n’y a donc pas d’équité entre les différents volets et au sein d’un même volet, et il ne s’agit pas d’une représentation exacte des délais de traitement. Les témoins ont réclamé des délais de traitement précis qui seraient rendus publics et ont déclaré que le traitement au sein des volets ne devrait pas être nettement supérieur ou inférieur aux délais d’attente indiqués. C’est pourquoi le Comité recommande ce qui suit :

Reddition de comptes du gouvernement concernant l’élimination de l’arriéré

Recommandation 15

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada se donne un échéancier pour éliminer l’arriéré et mette en place des mesures de reddition de comptes pour s’assurer que le Ministère le respecte, et qu’un groupe de travail spécial soit établi et un échéancier fixé pour traiter les demandes antérieures de l’arriéré.

Mise à jour en temps réel des dossiers

Recommandation 16

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada mette à jour ses systèmes en ligne et publics afin de fournir des mises à jour en temps réel des dossiers aux demandeurs, à ceux qui défendent leurs intérêts et à toute autre personne à qui ils ont donné l’autorisation de consulter leurs renseignements personnels en leur nom.

Temps de traitement précis

Recommandation 17

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada publie des délais de traitement exacts en ligne.

Délais de traitement des demandes de permis de travail des réfugiés

Les délais de traitement des demandes de permis de travail font que de nombreux travailleurs admissibles ne peuvent pas travailler légalement au Canada. Ce problème a été soulevé par divers témoins, qui ont tout particulièrement insisté sur les effets qu’il a sur les demandeurs d’asile et les personnes protégées au Canada. Irena Sompaseuth a expliqué que ces derniers font face à des délais importants pour obtenir les documents du demandeur d’asile, une entrevue et un permis de travail, ce qui limite l’accès des demandeurs d’asile aux mesures de soutien et aux services : « [C]es personnes […] se retrouvent dans une situation où elles ont très peu de droits et d’options[222]. »

Pour remédier à cette situation, un témoin a proposé que l’on réaffecte le personnel afin qu’il s’occupe des demandes de permis de travail des demandeurs d’asile. Irena Sompaseuth a déclaré que « [p]rivés de ces ressources et outils essentiels, les demandeurs d’asile sont plus à risque de tomber dans l’itinérance et de connaître d’autres difficultés susceptibles d’avoir de graves conséquences sur leur vie et leur santé[223] ».

Mary Roman, de l’Ottawa Community Immigrant Services Organization, a proposé plusieurs solutions et soutenu que sans statut de résidence, les demandeurs d’asile ne peuvent pas quitter le Canada ou enclencher le processus de réunification avec leur famille :

L’OCISO recommande qu’IRCC accorde des permis de travail ouverts immédiatement à tous les demandeurs pour atténuer la pression en attendant que leur dossier soit traité. Ce que nous demandons s’apparente à l’approche adoptée par IRCC dans le cadre de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, ou AVUCU, qui s’est avérée une réussite, car elle a permis aux gens de travailler immédiatement. Nous espérons que cette approche s’appliquera également à tous les demandeurs d’asile[224].

Sachant que cet arriéré a entraîné des répercussions négatives sur les demandeurs les plus vulnérables et qui présentent les risques les plus élevés dans le système d’immigration canadien, soit les demandeurs d’asile et les personnes protégées, le Comité recommande ce qui suit :

Permis de travail des demandeurs d’asile au Canada

Recommandation 18

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accorde sans tarder des permis de travail ouvert aux demandeurs d’asile au Canada.

Régularisation : une mesure temporaire pour résorber les arriérés

Le Conseil canadien pour les réfugiés a présenté au Comité un mémoire dans lequel il fait état de la dure réalité concernant les délais actuels pour le regroupement des familles de réfugiés au Canada :

Les personnes qui ont été reconnues comme réfugiées au Canada, souvent après des années d’attente dans le processus de demande d’asile, doivent faire face à des années d’attente supplémentaires avant de recevoir la résidence permanente. Pendant qu’elles attendent, il leur est difficile de poursuivre leur vie au Canada, car elles sont toujours considérées comme des étrangers à bien des égards et leurs droits en tant que personnes protégées sont limités. Les délais sont particulièrement pénibles si elles attendent d’être réunies avec les membres de leur famille immédiate — afin d’être réunie avec son conjoint ou sa conjointe et avec ses enfants, une personne réfugiée doit d’abord obtenir la résidence permanente, puis attendre que le Canada délivre des visas de résidence permanente aux membres de sa famille à l’étranger. Les longs délais sont en partie dus à l’inefficacité du traitement, mais ils résultent surtout de la décision du gouvernement de fixer des objectifs annuels d’immigration trop bas par rapport au nombre de demandeurs dans la catégorie des personnes protégées[225].

Dans son mémoire, le Conseil canadien pour les réfugiés a souligné qu’un réfugié doit obtenir la résidence permanente avant de pouvoir faire venir sa famille au Canada au titre du volet du regroupement familial. La pandémie a exacerbé les délais d’attente, et ces retards ont des répercussions profondes et lourdes sur les réfugiés, comme cela a été également souligné dans la section précédente sur les permis de travail. Le Conseil explique dans son mémoire que, même si, en principe, le réfugié « conserve le droit de travailler » en attendant le renouvellement de son permis, « les employeurs sont souvent confus à ce sujet, ce qui conduit dans certains cas à la perte d’emploi » et ce qui compromet la capacité du réfugié « à contribuer à la société canadienne — une perte non seulement pour eux et leurs familles, mais pour toute la société[226] ».

La solution proposée par le Conseil canadien pour les réfugiés est sans équivoque : il faut modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés « de façon à ce que, à moins de problèmes d’inadmissibilité soulevés par l’Agence des services frontaliers du Canada ou par IRCC, les réfugiés acceptés obtiennent la résidence permanente de plein droit, sans avoir à présenter de demande[227] ». Le problème des niveaux d’immigration ne se poserait plus, car la plupart des réfugiés deviendraient automatiquement des résidents permanents, ce qui, selon le mémoire, permettrait de libérer les ressources d’IRCC. Le Conseil canadien pour les réfugiés a également fait valoir que « [p]lus l’attente de la résidence permanente est longue, plus le délai avant que les personnes protégées puissent demander la citoyenneté canadienne est long. L’acquisition de la citoyenneté est particulièrement importante pour les réfugiés, puisqu’ils sont en pratique apatrides — ils n’ont aucun État sur lequel ils peuvent compter pour les protéger pleinement, ou pour leur délivrer un passeport, jusqu’à ce qu’ils deviennent canadiens[228]. »

Plusieurs témoins ont approuvé des propositions de régularisation similaires. Chantal Desloges a proposé que :

[Que l’on prenne] tous les cas limites et [que l’on passe] simplement […] outre à l’entrevue pour faire avancer ces dossiers et en faire débloquer un grand nombre rapidement. Eh oui, quelques personnes passeront alors à travers les mailles du filet, mais honnêtement, c’est le prix à payer actuellement, car les torts causés par les arriérés dépassent largement les torts potentiels que pourraient causer les quelques personnes approuvées par erreur […] Je ne suggérerais jamais une telle chose [accepter des cas limites] si une question de sécurité était en jeu. Je parle, par exemple… Il arrive qu’un agent ait une question concernant la lettre de référence d’emploi d’une personne ou d’un diplôme d’études. Dans d’autres cas, la personne n’a pas le niveau d’anglais ou de français requis, de sorte que cela nécessite une entrevue. Il peut aussi s’agir d’un dossier de mariage pour lequel on doute de l’authenticité du mariage. Dans de tels cas, où il y a des incertitudes, mais pas de préoccupations importantes, il y aurait habituellement une entrevue. Ce que je dis, c’est simplement que si un dossier est dans une zone grise, donnons aux gens le bénéfice du doute et acceptons la demande[229].

Claire Launay a également déclaré qu’il faudrait sérieusement envisager de suspendre temporairement l’application de certains critères : « Je crois aussi qu’il faudrait un cadre pour déterminer la responsabilité du Canada à cet égard. Lorsqu’on a dépassé la période de traitement — disons 12 ou 18 mois —, il faudrait peut-être éliminer certains critères[230]. » Siavash Shekarian et Omer Khayyam ont cependant hésité à lui donner raison, prévenant qu’on pourrait ainsi envoyer le mauvais message, soit que les futurs demandeurs seraient examinés de plus près que ceux dont la demande a été traitée pendant une telle période de grâce. Siavash Shekarian a toutefois reconnu que ces nouveaux demandeurs n’auraient pas à attendre autant d’années que les demandeurs actuels.

Chantal Desloges a rappelé au Comité qu’IRCC avait dans le passé accordé un statut aux demandeurs d’asile déboutés qui se trouvaient au Canada depuis des années :

Il y a des années, à mes débuts, il y avait ce qu’on appelait la “mesure de renvoi à exécution différée”. Le gouvernement de l’époque a reconnu qu’il y avait beaucoup de réfugiés laissés pour compte au Canada, des gens qui se trouvaient dans les limbes du système depuis longtemps. Il a donc décidé de créer ce programme pour traiter leurs dossiers rapidement. Tant qu’ils répondaient aux critères d’admissibilité, et qu’ils n’avaient pas d’antécédents criminels ou de problèmes médicaux, ils étaient acceptés en masse dans le cadre de ce programme. C’était un moyen d’éliminer l’arriéré de cas. Ces gens erraient dans le système depuis longtemps, mais n’avaient pas été renvoyés[231].

Siavash Shekarian a laissé entendre que le Canada devrait créer « une loterie et [en être] fie[r]. Les États-Unis ont lancé des loteries et ils ont été francs à ce sujet[232]. »

Plusieurs témoins ont prôné d’autres formes de régularisation. Adrienne Foster et Beth Potter ont préconisé la création d’une voie vers la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires. Adrienne Foster a souligné que les travailleurs étrangers temporaires « entretiennent déjà des liens avec leurs employeurs. Ils ont des réseaux au Canada et ont su démontrer qu’ils peuvent être d’excellents membres de la communauté et qu’ils peuvent contribuer à notre économie[233]. » Beth Potter a également fait valoir que les travailleurs sans papiers devraient se voir accorder un statut[234].

Après avoir entendu tous les témoins, le Comité recommande ce qui suit :

Politique publique temporaire pour les personnes protégées

Recommandation 19

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada conçoive une politique publique temporaire pour les personnes protégées afin de leur permettre d’obtenir automatiquement la résidence permanente, puisqu’elles l’attendent, dans certains cas, depuis des années.

Donner suite à la lettre de mandat ministériel pour accélérer le regroupement familial

Recommandation 20

Que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté donne suite à sa lettre de mandat et accélère le traitement des demandes au titre du regroupement familial pour les demandes d’asile et les demandes de la catégorie du regroupement familial et que le gouvernement publie régulièrement les délais de traitement pour ces volets.

Politique publique temporaire pour la délivrance de permis de travail ouvert

Recommandation 21

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada accorde des permis de travail ouverts à toutes les personnes sans papier et aux travailleurs temporaires étrangers au Canada.

Volet des aides familiaux

Comme mentionné ci-dessus, un autre volet qui a accumulé un important arriéré tout au long de la pandémie est celui des aides familiaux. D’ailleurs, on a pratiquement cessé d’en traiter les demandes. Selon Elizabeth Long, aucune demande présentée par des aides familiaux n’a été traitée depuis l’ouverture du programme en 2019[235]. Vilma Pagaduan a également remarquer que le délai de traitement pour les deux projets pilotes sur les aides familiaux n’a jamais été mis à jour[236]. Mme Pagaduan a formulé de nombreuses recommandations, dont les suivantes :

Je veux recommander aussi qu’on régularise le statut de tous les travailleurs migrants et les aides familiaux. Il faut mettre en place un programme humanitaire particulier dans le cadre duquel les aides familiaux et les travailleurs migrants, qui peuvent ne pas être admissibles, pourraient demander la résidence permanente. Il faut diminuer les exigences et créer un programme d’amnistie pour eux.
J’aimerais recommander aussi qu’IRCC supprime le plafond par programme pour les programmes des aides familiaux à domicile et des gardiens d’enfants en milieu familial, ou à tout le moins qu’il augmente le nombre de demandes de résidence permanente pour les aides familiaux dans les niveaux d’immigration[237].

Chantal Desloges a fait écho à ces recommandations, soulignant que ce genre de régularisation n’est pas sans précédent :

Ce n’est donc pas comme si c’était quelque chose qui ne s’était jamais fait. Je dirais que si des aidants naturels errent dans le système depuis longtemps, le gouvernement devrait à tout le moins envisager d’approuver leur dossier. On pourrait peut-être assouplir les critères d’admissibilité et les procédures de vérification. S’ils répondent aux critères d’admissibilité, ils devraient être acceptés.
Ce serait assez facile. Le gouvernement n’aurait qu’à utiliser les dispositions [pour motifs de considération humanitaire] de l’article 25 de la loi pour établir une politique stipulant qu’on renoncera à certains éléments pendant une période précise. L’idée, c’est en quelque sorte de leur donner un laissez-passer pour certaines exigences.
Ce n’est pas difficile à faire. Le gouvernement n’a même pas besoin de changer la loi; il doit simplement créer une politique[238].

À la lumière de ces témoignages, le Comité recommande ce qui suit :

Politique publique temporaire sur la régularisation

Recommandation 22

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada conçoive une politique publique temporaire qui permettra de régulariser les personnes sans papier et les travailleurs temporaires étrangers au Canada, y compris les aides familiaux qui travaillent au Canada dans le but d’obtenir la résidence permanente et dont le délai de traitement de leur demande a entraîné des répercussions directes sur leur vie et leurs moyens de subsistance.

Création d’un portail de résidence permanente pour les aides familiaux

Recommandation 23

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada crée un portail propre à la résidence permanente pour les programmes pour les aides familiaux.

Éliminer les obstacles pour les aides à domicile, les gardiens d’enfants en milieu familial et les aides familiaux

Recommandation 24

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada abolisse le plafond par programme pour les programmes pilotes d’aide à domicile et de gardiens d’enfants en milieu familial et qu’il élimine l’exigence d’acquérir deux années de travail pour le Programme des aides familiaux résidants.

Augmentation des niveaux d’immigration

Bien qu’à première vue, il peut sembler contre-intuitif d’augmenter les niveaux d’immigration pour résorber les arriérés de demandes, la réalité est que ces derniers sont en partie attribuables aux cibles fixées par le gouvernement, qui limitent le nombre de réfugiés admis au Canada chaque année. Janet Dench a approfondi l’idée en ce qui a trait au regroupement familial :

Le problème [avec l’accélération du traitement du regroupement des familles des réfugiés], c’est qu’il est possible d’avoir un traitement efficace, mais si les objectifs empêchent les gens d’arriver au Canada, peu importe l’efficacité du traitement[, ils] devront encore attendre l’année suivante. C’est ce qui arrive. Si les objectifs fixés ne sont que de 24 500 personnes cette année, une fois que les autorités auront reçu ce nombre de personnes, elles ne traiteront plus de demandes avant l’année suivante. Les objectifs sont le principal problème[239].

Dans son mémoire, le Conseil canadien pour les réfugiés soutient qu’« [i]l est essentiel que les objectifs d’immigration pour les personnes protégées au Canada et les personnes à charge à l’étranger soient augmentés, pour 2022 et les années suivantes, afin [qu’ils correspondent] au nombre de demandes[240] ».

Dans le même ordre d’idées, Saeeq Shajjan a fait part au Comité des difficultés que connaissent les Afghans pour faire venir leur famille au Canada :

[J]e pense que le nombre de visas est limité à quelque 18 000. Cela m’apparaît injuste. On avait créé des attentes chez ces personnes en raison de leur lien durable avec le gouvernement du Canada. Ce nombre doit être augmenté autant que possible. Nous pensions que sur les 40 000 visas prévus à l’origine, au moins 35 000 ou un nombre qui s’y approche seraient accordés à ceux qui ont un lien durable avec le gouvernement du Canada et que les autres visas pourraient être accordés pour des raisons humanitaires, mais à l’heure actuelle, nous constatons que 18 000 seulement sont accordés à des personnes qui ont ce lien avec le gouvernement du Canada.
Nous constatons que des personnes de catégories différentes sont prises en compte, mais qu’elles sont comptabilisées dans ces 40 000. Encore une fois, je pense que c’est injuste. Il faut que cela cesse et nous devons prendre des mesures immédiates pour nous assurer de vraiment mettre en sécurité ces personnes qui sont en danger en Afghanistan simplement en raison de leur relation et des services qu’elles ont rendus au gouvernement du Canada[241].

Ghulam Faizi, Hameed Khan et Kareem El-Assal ont tous recommandé que les Afghans soient soumis au même processus simplifié mis en place pour les Ukrainiens[242].

Transparence dans tout le processus d’immigration

La présente section expose les suggestions des témoins en ce qui concerne la transparence du système d’immigration canadien. Les témoins recommandent des mesures aussi simples que celle qui consiste à communiquer la ou les raisons précises pour lesquelles une demande est refusée, et aussi importantes que celle qui préconise la création d’un poste d’ombudsman indépendant de l’immigration. Dans l’ensemble, les témoins ont signalé un manque de transparence dans les décisions des agents concernant les demandes. Elizabeth Long a fait valoir que

nous devons élaborer des critères appropriés qui sont clairement énoncés afin que les agents et le public puissent comprendre comment les décisions sont prises. À l’heure actuelle, les critères utilisés par un agent pour décider de façon floue s’il croit qu’un demandeur va retourner au pays sont beaucoup trop vagues, ce qui entraîne des frustrations des deux côtés. Cela contribue à engorger la Cour fédérale avec des contestations de décisions déraisonnables[243].

Pour s’attaquer à ce problème et favoriser la transparence, le Comité recommande ce qui suit :

Énoncer des critères clairs afin de mieux faire comprendre le processus de décision

Recommandation 25

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada énonce clairement les critères appropriés afin que les agents et le public puissent comprendre comment les décisions sont prises.

Mario Bellissimo, du Bellissimo Law Group, a résumé certains des principaux problèmes liés à la transparence d’IRCC :

Parmi les plus grands défis auxquels IRCC doit faire face, mentionnons le manque de transparence et d’accessibilité. Malgré de nombreux efforts louables pour moderniser le système d’immigration, il subsiste d’importants obstacles à la communication avec IRCC. L’utilité du centre d’appels est limitée. Les relations de travail sur le terrain entre IRCC et les représentants autorisés, qui devraient accélérer le traitement, sont souvent distantes au mieux. Ces limites de communication entraînent des retards, des litiges et des demandes répétées ou incorrectement déposées, ce qui compromet le fonctionnement du système[244].

Nous aborderons bon nombre de ces autres questions dans les prochains paragraphes.

Enregistrement des entrevues et formation du personnel d’IRCC

De nombreux témoins ont proposé que l’on enregistre les entrevues pour favoriser la transparence, ainsi que pour vérifier les raisons du refus d’une demande par un agent d’immigration, dans l’éventualité d’un examen de la décision. Chantal Desloges a évoqué l’idée d’enregistrer simplement les entrevues, un peu comme on enregistre parfois des réunions et des procédures judiciaires : « Si tout est conforme aux règles, pourquoi voudrait‑on garder cela secret et s’opposer à l’enregistrement?[245] » Selon elle, toutes les entrevues non liées à la sécurité devraient être enregistrées par défaut afin qu’elles puissent être menées « sans contraintes géographiques ou logistiques. Si la Section de la protection des réfugiés peut rendre des décisions de vie et de mort en procédant à des évaluations de crédibilité par vidéo, on peut assurément procéder à des entrevues administratives de la même façon[246]. » Mme Desloges a ajouté que non seulement les entrevues devraient être enregistrées, mais que toutes les notes, conversations internes et transcriptions devraient être fournies au demandeur en temps voulu[247]. Siavash Shekarian s’est dit du même avis et a ajouté qu’il n’y a aucune raison valable pour qu’IRCC n’enregistre pas les entrevues[248].

Peter Bhatti a avancé d’autres raisons convaincantes pour que les entrevues soient enregistrées. Il a déclaré que l’enregistrement s’avérerait utile lorsqu’un demandeur fait une demande de contrôle judiciaire ou fait appel de la décision, car « [d]es enregistrements vidéo d’entrevues confirment que des interprétations erronées de conversations entre les agents des visas et les demandeurs surviennent pendant les entrevues[249] ». Il a précisé que ces malentendus peuvent parfois découler de différences culturelles ou de conflits politiques et religieux dans les pays d’où viennent les réfugiés et où se déroulent les entrevues par la suite. L’enregistrement des entrevues, a-t-il dit, « aiderait grandement à justifier que le réfugié a eu un problème, que l’interprète a eu un problème ou que l’agent des visas a pris la mauvaise décision[250] ». M. Bhatti a également recommandé que l’on offre une formation aux agents des visas sur les différentes cultures et la démographie afin de combler cette lacune et de dissiper certains de ces malentendus[251].

Pour sa part, Mario Bellissimo a aussi estimé que cette formation était nécessaire et a cité une étude de Deloitte selon laquelle le gouvernement du Canada pouvait « accroître l’efficacité en améliorant la culture et le comportement organisationnels[252] ». Dans son mémoire, il soutient que Deloitte a proposé qu’IRCC adopte une approche axée sur les résultats en mettant l’accent sur la formation, la prise de décision de haut niveau et la motivation. Il a recommandé que l’on s’inspire de l’Australie pour former les agents au Canada :

D’autres pays ont jugé qu’il fallait repenser la formation des agents d’immigration. Un exemple réussi est ressorti de l’Australie, où un “Collège des agents d’immigration” a été mis en place en 2006. Le Collège met l’accent sur la formation normalisée pour les agents d’immigration et permet une formation spécialisée. Grâce à ces méthodes, le Collège a tenté d’accroître l’efficacité du traitement des demandes et de réduire le nombre d’erreurs de traitement commises […] [L]a mise en œuvre d’une formation exhaustive et variée est nécessaire. Mettre en œuvre un modèle australien pourrait s’avérer grandement bénéfique[253].

Par ailleurs, lors de sa comparution devant le Comité, le ministre Fraser a déclaré que :

L’une des choses qu’il est vraiment important de garder à l’esprit, c’est qu’au gouvernement, nous devons reconnaître ce que nous faisons bien et les aspects que nous devons améliorer. Je pense que dans toute organisation de la taille de notre [M]inistère et dans l’ensemble du gouvernement, nous devons constamment rechercher l’équité, la justice et les initiatives antidiscrimination[254].

Après avoir entendu les témoignages des témoins et du ministre lui-même, et sachant que les répercussions des décisions prises par les agents au quotidien se font sentir longtemps après la fin du processus de demande, le Comité recommande ce qui suit :

Enregistrement des entrevues

Recommandation 26

Que les entrevues conduites par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ou par des tiers partis soient enregistrées à des fins de reddition de comptes, et que ces enregistrements puissent servir comme preuve dans le cadre de toute révision judiciaire des décisions sur les demandes.

Formation des agents et sensibilité aux réalités culturelles

Recommandation 27

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada analyse la formation offerte aux agents d’immigration dans divers pays afin de déterminer si un modèle de formation convient mieux au contexte canadien; qu’il conçoive ensuite une formation et l’offre à ses agents pour les aider à prendre des décisions éclairées qui tiennent compte des réalités culturelles pendant le traitement des demandes et la réalisation des entrevues.

Pratiques exemplaires et nouvelle formation pour les agents sur l’authenticité des mariages

Recommandation 28

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada collabore avec des intervenants externes, y compris des intervenants du Québec et des avocats spécialisés en droit civil du Québec, et des dirigeants des groupes confessionnels afin d’établir des pratiques exemplaires et de nouvelles formations et lignes directrices pour aider les agents de délivrance des visas à reconnaître et à comprendre les diverses normes culturelles de mariage et à savoir comment questionner les demandeurs d’une façon qui respecte leur culture pour évaluer l’authenticité d’une relation.

Embauche et formation d’agents locaux

Recommandation 29

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada embauche et forme des agents locaux et des équipes locales afin qu’ils se spécialisent dans le traitement de demandes et de volets spécifiques.

Notes des agents

De nombreux témoins ont demandé à avoir accès aux notes des agents d’immigration, pour diverses raisons liées à la transparence, mais aussi pour la simple et bonne raison qu’ils souhaitent comprendre la décision qu’ils rendent et savoir si une correction au dossier ou une nouvelle demande permettrait de résoudre tout problème entraînant une réponse négative.

Kyle Hyndman a expliqué qu’à l’heure actuelle, les demandeurs déboutés reçoivent une lettre pro forma de la part d’IRCC, c’est-à-dire une lettre de refus générale, sans que la raison du refus soit cochée, « de sorte qu[’ils] ne savent pas vraiment pourquoi leur demande a été rejetée. Ainsi, ils n’ont pas l’occasion de remédier à ce qui a été perçu comme une lacune[255]. » Pour connaître la raison du refus, ils présentent alors une demande d’accès à l’information et de renseignements personnels, ce qui paralyse encore plus les ressources d’IRCC. C’est donc pour cette raison que Kyle Hyndman a soutenu qu’« [e]n donnant des raisons claires et complètes du refus, on réduira certaines de ces étapes supplémentaires et on pourrait même réduire les demandes de suivi si les personnes sont effectivement non admissibles. Cela réduira les recours à la Cour fédérale […] Il y a certainement des gains d’efficacité à y trouver[256]. »

Krishna Gagné a abondé dans le même sens et a ajouté que souvent, les raisons d’un refus ne sont pas claires, même après avoir présenté une demande d’accès à l’information et de renseignements personnels. Elle a donc recommandé que l’on précise les raisons d’un refus : « Il ne suffit pas de dire, dans une petite phrase, que l’agent ne croit pas que le demandeur retournera dans son pays, eu égard à sa situation financière. Il faut préciser ce qui manque dans la demande pour répondre aux questions ou aux préoccupations de l’agent. Actuellement, on peut déposer la même demande deux fois et obtenir une réponse différente selon l’agent qui la traite[257]. » De même, Laura Schemitsch a déclaré que les candidats devraient recevoir « une réponse précise au sujet du statut de leur dossier. Il ne suffit pas de fournir un outil de mise à jour du statut ou un autre outil générique[258]. »

Mario Bellissimo a présenté des arguments semblables dans le mémoire qu’il a soumis au Comité et a demandé un accès en temps réel aux notes des agents :

Les demandeurs, IRCC et même les députés qui demandent de simples mises à jour sur les dossiers de demandeurs perdent beaucoup de temps et de ressources […] [Les notes au dossier comprendraient] les renseignements sur l’étape de traitement, le lieu de traitement, les notes relatives au traitement et les raisons du refus. L’accès aux notes permettrait de cerner les préoccupations plus tôt, de préserver l’individualisation du processus et de bénéficier d’un deuxième point de vue provenant des parties prenantes qui s’intéressent également au processus et au résultat — les demandeurs qu’IRCC sert. Cela favorisera un traitement plus rapide dans certains cas, car les problèmes seraient mieux cernés et réglés plus rapidement[259].

Par ailleurs, Dory Jade a fourni l’exemple suivant : un demandeur qui ne dispose pas de documents pour démontrer ses moyens financiers peut recevoir un avis l’informant du refus de sa demande parce qu’il « n’a pas l’intention de retourner dans son pays par la suite[260] ». S’il savait que le problème est causé par l’absence d’un document, il pourrait rectifier le tir ou présenter à nouveau sa demande avec le document manquant; M. Jade a convenu que les demandeurs devraient recevoir ce genre d’information dans un souci de transparence[261].

À la lumière de ces témoignages, le Comité recommande ce qui suit :

Communication des notes des agents aux candidats à l’immigration

Recommandation 30

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada communique toutes les notes utiles des agents aux demandeurs à chaque étape du processus afin de s’assurer qu’ils connaissent l’évolution de leur dossier dans le cadre d’un système plus efficace et plus performant.

Possibilité de corriger des erreurs mineures dans les demandes d’immigration

Recommandation 31

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada permette aux candidats d’apporter des corrections mineures à leur demande, notamment un document manquant, et qu’il leur accorde suffisamment de temps pour corriger les erreurs avant qu’il la leur retourne ou la rejette, et ce, afin d’offrir un service davantage axé sur le client.

Création d’un poste d’ombudsman

Plusieurs intervenants ont soulevé la question de la création d’un poste d’ombudsman au fil des ans. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, Mario Bellissimo explique pourquoi il estime que la création d’un poste officiel d’ombudsman de l’immigration est une bonne idée maintenant et quels mécanismes seraient nécessaires pour qu’un tel ombudsman puisse remplir son mandat avec succès :

Il faut rendre obligatoire non seulement les audits externes des programmes d’IRCC, mais aussi le suivi des résultats de ces audits. Bien que certains problèmes puissent être cernés dans le cadre d’une consultation entre IRCC et d’autres parties prenantes, il n’existe actuellement aucune exigence selon laquelle ces problèmes doivent être réglés en droit ou en pratique […] Pour pouvoir obtenir du succès, ce fonctionnaire doit disposer de certains pouvoirs et ressources.
L’ombudsman pourrait être chargé initialement de superviser les améliorations apportées aux programmes et de veiller à ce que les changements soient maintenus et appliqués. Des efforts pourraient ensuite être déployés pour transformer la prestation des services d’immigration, en mettant l’accent sur la mise en œuvre de mesures de gouvernance transparentes, responsables et novatrices. Si les ressources sont suffisantes, un ombudsman pourrait être un élément important de la solution[262].

Cette recommandation a amené le Comité à demander à d’autres témoins s’ils appuyaient la création d’un poste d’ombudsman dans le système d’immigration du Canada. Les personnes et organisations suivantes qui ont témoigné devant le Comité ont approuvé la création d’un tel poste :

  • a)      Kareem El-Assal, directeur de la politique, CanadaVisa[263];
  • b)      Luisa Veronis, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes, Université d’Ottawa, à titre personnel[264];
  • c)       Ravi Jain, membre du comité directeur, Association canadienne des avocats et avocates en immigration, qui a affirmé qu’on avait besoin de plus de responsabilisation et de transparence[265];
  • d)      Janet M. Bigland-Pritchard, coordonnatrice du Bureau des migrations du Diocèse catholique romain de Saskatoon, qui a jugé l’idée d’un tel poste judicieuse pour traiter les cas d’immigration difficiles[266];
  • e)      Rabea Allos, directeur, Conseil catholique de parrainage pour réfugiés[267];
  • f)        Oliver Thorne, directeur général, Réseau de transition des vétérans, qui a accueilli favorablement l’idée de créer un poste d’ombudsman, pour autant que cela n’entrave pas le traitement des demandes par IRCC[268];
  • g)      Vikram Khurana, président, Toronto Business Development Centre[269];
  • h)      Claire Launay, présidente de Le Québec c’est nous aussi, qui a déclaré que la création d’un tel poste est une étape nécessaire si l’on veut qu’IRCC atteigne ses cibles et que des solutions concrètes puissent être mises en œuvre lorsqu’il ne les atteint pas[270];
  • i)        Krishna Gagné, avocate et vice-présidente aux affaires économiques de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, qui a dit qu’un ombudsman « assurerait déjà une surveillance ainsi qu’une plus grande transparence et une plus grande confiance envers le système[271] »;
  • j)        Elizabeth Long, avocate, Long Mangalji s.r.l., qui a déclaré au Comité que ce serait une bonne chose de nommer un ombudsman, pour autant qu’il possède suffisamment de pouvoir pour procéder à des changements[272];
  • k)      Saint-Phard Désir, directeur exécutif, Partenariat local pour l’immigration d’Ottawa[273];
  • l)        Laura Schemitsch, avocate spécialisée en droit de l’immigration et des réfugiés, Race and Company s.r.l., qui a estimé que ce serait une bonne idée de créer un poste d’ombudsman afin que les demandeurs puissent recevoir des réponses précises au sujet de leur demande d’immigration en cours[274].

D’autres témoins ont également réagi à l’idée d’ajouter un ombudsman. Dory Jade a déclaré au Comité que la création d’un poste d’ombudsman devrait « faire l’objet d’une profonde réflexion », car « augmenter la bureaucratie n’est pas toujours une bonne idée[275] ». Par ailleurs, Chantal Desloges a souligné que la création d’un tel poste est une bonne solution pour pallier le manque de communication entre IRCC et ses clients[276] :

Je vais vous donner un exemple très typique de ce que je voie chaque jour dans mon bureau qui témoigne d’une culture du secret qui engendre des délais. La limite de temps pour le traitement d’un dossier est dépassée, et nous ne savons pas pourquoi. Les consignes du gouvernement sont alors de remplir un formulaire Web d’enquête. Nous le faisons, mais soit nous ne recevons pas de réponse, soit nous recevons une réponse qui n’a aucun sens, ne nous dit rien, et qui, de plus, nous arrive habituellement plus de quatre semaines plus tard, soit bien trop tard pour être utile. Nous sommes donc forcés alors d’aller déranger les braves gens à la direction de la gestion des dossiers. Cela fonctionne parfois, et parfois cela ne fonctionne pas.
Nous devons ensuite vous déranger, vous, les députés, et cela nous aide parfois, et parfois cela ne nous aide pas. Nous sommes alors forcés d’aller déranger les gens au Bureau de l’accès à l’information. Cela prend des mois, ce qui ne nous aide pas vraiment. En dernier recours, nous sommes forcés de nous tourner vers la Cour fédérale et de déranger les juges et le ministère de la Justice en intentant des poursuites.
On voit comment le tout peut rapidement devenir exponentiel, ce qui mène à un surplus de travail pour tous les intervenants, y compris IRCC. C’est un gaspillage de ressources importantes à tous les niveaux. Si nous pouvions obtenir une réponse claire la première fois, nous pourrions éviter tout cela[277].

Selon Chantal Desloges, si on réglait le problème de communication d’IRCC et si ce dernier répondait rapidement aux demandes des clients, on n’aurait pas besoin d’un ombudsman.

Des témoins ont recommandé des solutions de rechange pour améliorer la transparence à IRCC. Dans le mémoire qu’il a présenté au Comité, Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, a recommandé le dépôt d’un projet de loi qui créerait « un cadre réglementaire afin d’encadrer les délais de traitement d’IRCC et les obligations du Canada vis-à-vis des personnes candidates en cas de dépassement[278] ». Pour sa part, Rabea Allos a recommandé au Comité que l’on crée un poste d’agent d’immigration parlementaire. Il a déclaré ce qui suit :

Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas de transparence. IRCC a beaucoup de données qui pourraient servir à optimiser le système pour le rendre plus efficace et pour accroître l’efficacité du processus. Je crois qu’un poste d’agent d’immigration parlementaire semblable à celui du directeur parlementaire du budget devrait être créé. Il pourrait s’agir d’un organisme indépendant pour surveiller IRCC, qui aurait pleinement accès aux chiffres du [M]inistère et qui pourrait extraire ses données, poser des questions et obtenir des réponses[279].

Après avoir entendu tous les témoins ci-dessus au sujet de la création d’un poste d’ombudsman, le Comité recommande ce qui suit :

Création d’un poste d’ombudsman de l’immigration

Recommandation 32

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada crée le poste d’ombudsman de l’immigration, qu’il charge son titulaire de surveiller ses activités et qu’il lui accorde le pouvoir de superviser les délais de traitement dans tous les volets d’immigration, y compris les volets d’immigration temporaire, et d’imposer des changements aux délais et aux méthodes de traitement, le cas échéant.

Intervention rapide en cas d’urgence

IRCC a beaucoup de difficulté à réagir aux urgences internationales, mais de nombreux témoins avaient des suggestions sur la façon dont le Ministère pourrait s’améliorer.

Claire Launay a déclaré que le gouvernement du Canada en général et IRCC en particulier devraient investir dans un programme à long terme de préparation aux urgences humanitaires qui permettrait le déploiement systématique de ressources dans ces situations. Cela empêcherait IRCC de redéployer en mode crise des ressources qui sont nécessaires au bon fonctionnement de ses activités normales[280].

L’ACAI a formulé une suggestion semblable dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité :

IRCC pourrait également investir dans la préparation aux situations d’urgence, afin de ne pas être pris au dépourvu la prochaine fois que surviendra une crise comme celles en Afghanistan et en Ukraine. Une meilleure planification est nécessaire, afin que le Canada puisse réagir à la prochaine guerre ou catastrophe naturelle sans devoir redéployer les agents affectés au traitement des demandes, qui sont fondamentales pour répondre aux besoins économiques du Canada et permettre la réunification des familles[281].

D’autres témoins ont abondé dans le même sens, notamment Oliver Thorne, qui a déclaré qu’une équipe d’urgence spécialisée ne pouvait être qu’au bénéfice du Ministère et qu’elle contribuerait à atténuer les répercussions sur le traitement des dossiers dans le reste du système d’immigration[282]. Le révérend Rudy Ovcjak a convenu que la séparation des processus serait une bonne solution, à condition que des ressources supplémentaires soient fournies[283].

En prévision de futures situations d’urgence et de la nécessité pour IRCC de traiter rapidement les demandes des personnes arrivant au Canada dans la foulée de ces situations d’urgence, le Comité recommande ce qui suit :

S’occuper des personnes qui arrivent au Canada en raison de situation d’urgence à l’étranger

Recommandation 33

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada crée une division ministérielle indépendante des autres sur le plan des ressources et du personnel et la charge de s’occuper des personnes en situation d’urgence.

Investir dans l’état de préparation aux situations d’urgence

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada investissent dans des programmes de préparation aux situations d’urgence pour répondre aux crises humanitaires mondiales afin que les ressources ne soient pas redéployées au détriment de la mise en œuvre des programmes existants.

Ressources supplémentaires pour les nouvelles mesures d’immigration

Recommandation 35

Que, lorsque le gouvernement du Canada met en place de nouvelles mesures d’immigration, des ressources et des effectifs supplémentaires soient prévus pour répondre aux exigences des nouvelles initiatives.

Aide au logement pour les interprètes afghans

Recommandation 36

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada offre une aide au logement aux interprètes afghans et aux membres de leur famille qui ont fui vers des pays tiers.

Levée du quota pour les Afghans qui ont servi le Canada

Recommandation 37

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada lève le quota pour les Afghans qui ont servi le Canada et leurs proches en danger.

Mettre en sécurité les Afghans qui ont servi le Canada

Recommandation 38

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada mette en sécurité de façon urgente et rapide les Afghans qui ont servi le Canada et leurs proches en les ramenant au Canada.

Autres ressources nécessaires

Avant la pandémie, IRCC a procédé à des changements qui ont été salués par Janet M. Bigland-Pritchard, qui en a décrit certains en détail, notamment l’envoi des demandes par courriel avec confirmation automatique, le Programme de formation sur le parrainage privé des réfugiés, l’outil EDC « qui permet aux parrains de suivre le progrès d’un cas en ligne », ainsi que des délais de traitement raisonnables[284]. Mme Bigland-Pritchard a également fait remarquer que, depuis peu, les communications avec le Centre des opérations de réinstallation d’Ottawa se font avec un agent d’identification, ce qui permet « d’être sûrs que [les] messages se rendent à la bonne personne plutôt qu’à une boîte de réception impersonnelle »; en outre, elle a affirmé que le personnel d’IRCC est plus à l’écoute de la communauté des signataires d’entente de parrainage (SEP) et que « la haute direction semble plus disposée à intervenir lorsque nous nous heurtons à un mur[285] ».

Un autre témoin, Roger Rai de Regency Immigration Solutions, a abordé devant le Comité la question des agents d’immigration et de la délégation de la prise de décisions à la frontière aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada :

[J]’estime que le travail que fait l’Agence actuellement ne donne pas de bons résultats ou qu’il faut y apporter des changements, parce que je pense que bon nombre d’agents ne sont pas satisfaits du traitement des demandes d’immigration à la frontière […] Depuis 2004, une profonde ambiguïté existe à la frontière au sujet [du] rôle [des agents de l’ASFC]. On leur a confié le rôle d’agents d’immigration et d’agents d’application de la loi. L’immigration est en grande partie un service[286].

Néanmoins, malgré le financement récent destiné à résorber les délais de traitement et l’arriéré, décrits dans la partie II du présent rapport[287], des témoins ont réclamé une augmentation du financement et du nombre d’employés d’IRCC afin qu’il puisse régler bon nombre des problèmes décrits dans le présent rapport. Les personnes et organisations suivantes ont convenu que le budget d’IRCC devrait être augmenté :

  • a)      Laura Schemitsch, qui a déclaré que l’embauche de nouveaux employés contribuerait à réduire les arriérés, ce qui exige davantage de ressources[288];
  • b)      Bellissimo Law Group, qui, dans son mémoire, a déclaré que les arriérés découlent en partie du sous-financement d’IRCC[289];
  • c)       Le Québec c’est nous aussi, le groupe de défense des droits, qui a recommandé dans son mémoire que l’on augmente « de façon substantielle le budget accordé à IRCC chaque année, afin qu’IRCC puisse non seulement atteindre ses propres cibles de traitement, mais également le faire avec humanité et décence pour les personnes candidates[290] ».

Embauche de personnel

On a souvent recommandé au Comité qu’IRCC recrute du personnel afin qu’il puisse s’attaquer aux arriérés de demandes et aux délais de traitement. Omer Khayyam a suggéré qu’IRCC s’inspire du modèle des cours provinciales où, la fin de semaine, « un juge, un procureur et un avocat du secteur privé viennent alléger le fardeau de la semaine suivante[291] ». Il a proposé qu’IRCC accorde des incitatifs aux agents chevronnés qui seraient prêts à travailler plus longtemps ou durant les fins de semaine.

Peter Bhatti a convenu qu’IRCC avait besoin de plus d’employés[292], tout comme Irena Sompaseuth, qui a mis en évidence un besoin précis en la matière :

Dans le cadre de son plan, le [M]inistère a embauché mille nouveaux employés […] C’est un pas dans la bonne direction, mais il faut faire plus d’efforts pour augmenter le nombre d’agents dans les centres d’appels. Les demandeurs doivent pouvoir parler à un agent, lui poser des questions et obtenir des renseignements et une mise à jour de leur dossier. Comme ils n’arrivent pas à communiquer avec IRCC pour obtenir des mises à jour et des renseignements sur leur dossier, la situation est très difficile et préoccupante pour bon nombre de demandeurs d’asile et leurs familles[293].

Conscient que le financement et la dotation en personnel vont de pair dans tout ministère, le Comité recommande ce qui suit :

Affectation de fonds supplémentaires à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Recommandation 39

Que le gouvernement du Canada fournisse des ressources et des effectifs supplémentaires à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada afin qu’il s’attaque pleinement aux arriérés de demandes et aux délais de traitement qui l’affligent depuis des années et qui ont causé de grands bouleversements dans la vie des réfugiés, des immigrants, des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants.

Augmenter le personnel dans les centres d’appel

Recommandation 40

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada affecte plus de personnel aux centres d’appel afin que les personnes puissent recevoir des informations en temps voulu concernant leur dossier.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM), Procès-verbal, 1er février 2022.

[2]              Association canadienne des avocats en immigration (ACAI), Mémoire, 17 juin 2022, p. 1.

[3]              Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Déclaration de service; IRCC, Bâtir un système d’immigration plus fort, à jour en date du 31 mars 2022. Au sujet de la différence entre les normes de service et les délais de traitement, voir IRCC, Quelle est la différence entre délai de traitement et norme de service?, Centre d'aide; IRCC, Que sont les délais de traitement?, Centre d'aide.

[6]              Pour la période allant du 1er avril 2021 au 31 mars 2022, IRCC a publié des normes de service pour huit secteurs d’activité, excluant des programmes comme le Programme de la garde d’enfants; le Programme des aides familiaux (Programme des aides familiaux résidants); le Programme des soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés; le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord; et le Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) (pas par l’intermédiaire d’Entrée Express) (liste non exhaustive). IRCC, Normes de service pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; cf. Document parlementaire 8555-432-708, Q-708, question posée par M. Jasraj Singh Hallan (Calgary Forest Lawn), 30 avril 2021, p. 219 à 221 du PDF. Le Centre d’aide d’IRCC souligne que le Ministère a instauré des normes de service pour « les services et les activités qui sont mesurables, rentables et stables », où « stable » s’entend d’un service ou d’une activité qui « doit avoir un volume similaire depuis plusieurs années, doit avoir gardé à peu près les mêmes procédures et ne doit pas faire l’objet de changements qui pourraient changer d’ici peu les délais de traitement nécessaires ». IRCC, « Pourquoi Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a-t-il adopté des normes pour ces services et activités en particulier? », Centre d’aide.

[7]              Dans son rapport du 19 octobre 2023 sur les délais de traitement et les arriérés pour les demandes de résidence permanente, la vérificatrice générale du Canada a souligné qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) attribue ces points de repère de 12 mois pour l’analyse des demandes dans le cadre du Programme de parrainage d’époux ou conjoints de fait au Canada, du Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement, et du Programme de parrainage privé de réfugiés, programmes qui n’ont pas de norme de service. Bureau du vérificateur général du Canada, Le traitement des demandes de résidence permanente — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, rapport 9 dans 2023 — Rapports 5 à 9 de la vérificatrice générale du Canada, note à la pièce 9.5, p. 10.

[8]              IRCC publie sa politique sur les demandes multiples uniquement pour certains volets. Pour les demandes de citoyenneté, le Ministère « doit déterminer si la nouvelle demande doit être traitée en même temps que la demande antérieure en cours de traitement »; pour les demandes de prolongation du permis d’étude ou du permis de travail, « [l]es agents doivent traiter les deux demandes et ne pas annuler la demande en instance sur le plan administratif ». IRCC, Procédure : Demandes multiples; IRCC, Résidents temporaires : Statut conservé au cours du traitement (qui portait anciennement le nom de statut implicite). De façon plus générale, CIC News signale que, dans la correspondance par courriel avec CIC News, IRCC a mentionné que « [l]a Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et son règlement d’application n’interdisent pas la présentation de plusieurs demandes dans le volet économique. Toutefois, avant de clore l’une des demandes, l’agent d’immigration doit aviser le demandeur que l’autre demande ou les autres demandes doivent être retirées [traduction]. » Shelby Thevenot, « Can you apply for 2 Canadian immigration programs at once? », CIC News, 23 septembre 2023. D’autre part, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés interdit explicitement les demandes multiples pour les demandes de parrainage (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, paragraphe 10(5)).

[9]              IRCC, Bâtir un système d’immigration plus fort, accédé le 14 décembre 2022.

[10]            En décembre 2022, les normes de services étaient de 14 jours pour les nouvelles demandes de visa de visiteur; 60 jours pour les nouveaux permis d’étude à l’extérieur du Canada; 120 jours pour les permis d’études depuis le Canada; 60 jours pour les permis de travail à l’extérieur du Canada; 120 jours pour les prolongations de permis de travail depuis le Canada; 56 jours pour les permis de travail dans le cadre d’Expérience internationale Canada; 180 jours pour le Programme des candidats des provinces au moyen d’Entrée express; 12 mois pour le parrainage de membres de la famille à l’étranger; 12 mois pour les demandes de citoyenneté. Ces normes de services ont été pour la plupart examinées en février 2019, à l’exception des normes de service pour le parrainage (mises en œuvre en avril 2010) et celles pour les demandes de citoyenneté (mises en œuvre en novembre 2015). IRCC, Normes de service pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

[11]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 2.

[12]            CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1155 (Kareem El-Assal, directeur de la politique et de la stratégie numérique, CanadaVisa).

[13]            CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1215 (Kyle Hyndman, président, Section du droit de l’immigration, Association du Barreau canadien).

[14]            CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1205 (L’hon. Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté).

[15]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1645 (Beth Potter, présidente et chef de la direction, Association de l’industrie touristique du Canada).

[16]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1645 (Claire Launay, présidente, Le Québec c’est nous aussi).

[17]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1650 (Beth Potter).

[18]            ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 2.

[19]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 2–3. Alain Dupuis a abondé dans le même sens : CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1620 (Alain Dupuis, directeur général, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada).

[20]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 3.

[21]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1430 (Shervin Madani, consultant réglementé en immigration canadienne, Regency Immigration Solutions). ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 1 : la délivrance d’un permis de travail pour une personne en provenance de l’Inde prend jusqu’à 40 semaines.

[22]            ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 2.

[23]            Ibid., p. 1.

[24]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 3.

[25]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1645 (Claire Launay).

[26]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1345 (Michel Leblanc, président et chef de la direction, Chambre de commerce du Montréal métropolitain).

[27]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1700 (Adrienne Foster, vice-présidente, Politique et Affaires publiques, Association des hôtels du Canada).

[28]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1640 (Adrienne Foster).

[29]            CIMM, Témoignages, 1re novembre 2022, 1645 et 1650 (Beth Potter).

[30]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1340 (Elizabeth Long, avocate, Long Mangalji s.r.l., à titre personnel).

[31]            Ibid.

[32]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1355 (Krishna Gagné, avocate et vice-présidente aux affaires économiques, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration).

[33]            IRCC, Soumission de demandes.

[34]            CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1215 (Kyle Hyndman).

[35]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1615 (Peter Bhatti, président, International Christian Voice).

[36]            CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1215 (Kyle Hyndman).

[37]            Ibid.; Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 4-6.

[38]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 4.

[39]            Ibid.

[40]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch, avocate spécialisée en droit de l’immigration et des réfugiés, Race and Company s.r.l.); CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1230 (Kareem El-Assal).

[41]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1655 (Saint-Phard Désir, directeur exécutif, Partenariat local pour l’immigration d’Ottawa).

[43]            IRCC, Aides familiaux.

[44]            IRCC, CIMM 6.5 : Applications en attente Réponse d’IRCC à une demande d’information présentée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 15 février 2022.

[45]            CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1725 (Vilma Pagaduan, conseillère en établissement, The Neighbourhood Organization).

[46]            Ibid.

[47]            Ibid., 1605.

[48]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1300 (Elizabeth Long).

[49]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1405 (Omer Khayyam, avocat, Omni Law Professional Corporation, à titre personnel).

[50]            CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1605 (Vilma Pagaduan).

[51]            CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1245 (Kareem El-Assal).

[52]            CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1555 (Chantal Desloges, associée principale, Desloges Law Group, à titre personnel).

[53]            Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 7.

[54]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian, avocat, Shekarian Law Professional Corporation, à titre personnel).

[55]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1540 (Vikram Khurana, président, Toronto Business Development Centre).

[56]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian).

[57]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1540 (Vikram Khurana).

[59]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1350 (Janet Dench, directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés).

[61]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1310 (Mary Roman, directrice exécutive, Ottawa Community Immigrant Services Organisation).

[62]            IRCC, Parrainer un réfugié.

[63]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1500 (Révérend Rudy Ovcjak, directeur, Bureau des réfugiés, Archidiocèse de Toronto).

[64]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1340 (Janet Dench).

[65]            CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1155 (Kareem El-Assal).

[66]            CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1150 (Luisa Veronis, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[68]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1435 (Deacon Rudy Ovcjak).

[71]            Nations Unies, Convention et Protocole relatifs au statut des réfugiés.

[72]            CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1130 (L’hon. Sean Fraser).

[73]            CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1735 (Chantal Desloges).

[74]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1610 (Peter Bhatti).

[75]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1445 (Révérend Rudy Ovcjak).

[76]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1535 (Peter Bhatti).

[77]            Ibid.

[78]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth, gestionnaire des services d’établissement, LUSO Community Services).

[79]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1410 (Stéphanie Valois, avocate et présidente, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration).

[80]            Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 2–3.

[81]            CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1555 (Chantal Desloges).

[82]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth).

[83]            Ibid.

[84]            Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 8.

[85]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1605 (Rabea Allos, directeur, Conseil catholique de parrainage pour réfugiés).

[86]            Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 5.

[87]            CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1215 (L’hon. Sean Fraser). Kareem El-Assal reconnaît aussi que, « [d]e toute évidence, la demande d’immigration au Canada est plus forte », CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1230 (Kareem El‑Assal).

[88]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian).

[89]            Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 2.

[90]            CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1430 (Dory Jade, directeur général, Association canadienne des conseillers professionnels en immigration).

[91]            CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[92]            Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 3.

[93]            Ibid, p. 7–8.

[94]            Ibid.

[95]            CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1540 (Vikram Khurana).

[96]            CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1205 (L’hon. Sean Fraser).

[97]            CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian).

[98]            Gouvernement du Canada, Mise à jour économique et budgétaire de 2021, p. 15.

[99]            IRCC, CIMM 6.1 : Ventilation de l’allocation de 85 millions de dollars, réponse d’IRCC à une demande d’information présentée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 15 février 2022, 28 mars 2022, p. 1 [traduction].

[101]          Ibid., p. 141.

[102]          Gouvernement du Canada, Énoncé économique de l’automne de 2022, p. 40.

[103]          Ibid.

[104]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 3.

[105]          Ibid.

[106]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian).

[107]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1500 (Omer Khayyam, avocat, Omni Law Professional Corporation, à titre personnel).

[108]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1235 (Kyle Hyndman).

[109]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1455 (Omer Khayyam).

[110]          Ibid.

[111]          Ibid.

[112]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1230 (Kareem El-Assal).

[113]          Ibid.

[114]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1415 (Siavash Shekarian).

[115]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[116]          Ibid.

[117]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1230 (Kareem El-Assal).

[118]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1625 (Alain Dupuis).

[119]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1205 (Ravi Jain, membre du comité directeur, Association canadienne des avocats et avocates en immigration).

[120]          ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 3.

[121]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1215 (L’hon. Sean Fraser).

[122]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1625 (Alain Dupuis).

[123]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1605 (Vilma Pagaduan).

[124]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1455 (Omer Khayyam).

[125]          Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 4–5; ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 3.

[126]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1340 (Elizabeth Long).

[127]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1230 (Kareem El-Assal).

[128]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 7.

[129]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1430 (Dory Jade).

[130]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1645 (Beth Potter).

[131]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1640 (Adrienne Foster).

[132]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1340 (Elizabeth Long).

[133]          Ibid., 1300.

[134]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1235 (Kyle Hyndman).

[135]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1205 (Ravi Jain).

[136]          ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 3.

[137]          Voir la note de bas de page 6 pour connaître les politiques publiées d’IRCC en ce qui concerne les demandes multiples dans d’autres volets.

[138]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1710 (Claire Launay).

[139]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1530 (Yves-Gérard Méhou-Loko, vice-président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada).

[140]          Ibid.

[141]          Ibid., 1625.

[142]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1150 (Luisa Veronis).

[143]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1240 et 1245 (Ravi Jain).

[144]          ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 2.

[145]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1420 (Siavash Shekarian).

[146]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1250 (Ravi Jain).

[147]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1555 (Chantal Desloges).

[148]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1200 (L’hon. Sean Fraser).

[149]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1720 (Saint-Phard Désir).

[150]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1205 (L’hon. Sean Fraser).

[151]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1240 (Kareem El-Assal).

[152]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1420 (Siavash Shekarian).

[153]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1630 (Oliver Thorne, directeur général, Réseau de transition des vétérans).

[154]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1535 (Peter Bhatti).

[155]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1345 (Michel Leblanc).

[156]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth).

[157]          Ibid., 1420.

[158]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1425 (Siavash Shekarian).

[159]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1410 (Roger Rai, directeur, Regency Immigration Solutions).

[160]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1205 (L’hon. Sean Fraser).

[161]          Ibid., 1210.

[162]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 4.

[163]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1205 (L’hon. Sean Fraser).

[164]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1555 (Chantal Desloges).

[165]          Ibid., 1705.

[166]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[167]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1610 (Chantal Desloges).

[168]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1715 (Laura Schemitsch).

[169]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1705 (Chantal Desloges).

[170]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1410 (Stéphanie Valois).

[171]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1205 (Ravi Jain).

[172]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1410 (Stéphanie Valois); CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1310 (Mary Roman).

[173]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1705 (Chantal Desloges).

[174]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1405 (Irena Sompaseuth).

[175]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1310 (Mary Roman); CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth).

[176]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1300 (Elizabeth Long); Chambre des communes, CIMM, Promouvoir l’équité dans les décisions d’immigration du Canada, douzième rapport, novembre 2022.

[177]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1635 (Vikram Khurana).

[178]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1255 (L’hon. Sean Fraser).

[180]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1240 (L’hon. Sean Fraser).

[181]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1210 (Hameed Khan, ancien interprète afghan, à titre personnel).

[183]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1255 (Daniel Mills, sous-ministre adjoint principal, Opérations, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada).

[184]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1145 (Hameed Khan).

[185]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1220 (L’hon. Sean Fraser).

[186]          Ibid., 1230.

[187]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1620 (Oliver Thorne).

[188]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1145 (Hameed Khan).

[189]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1610 (Oliver Thorne).

[190]          Ibid., 1545.

[191]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1645 (Claire Launay).

[192]          Ibid.

[193]          Association canadienne des avocats en immigration, Mémoire, 17 juin 2022, p. 4.

[194]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1435 (Révérend Rudy Ovcjak).

[195]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1555 (Rabea Allos).

[196]          Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 2–3.

[197]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1435 (Révérend Rudy Ovcjak).

[198]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1650 (Janet M. Bigland-Pritchard, coordonnatrice, Bureau des migrations, Diocèse catholique romain de Saskatoon).

[199]          Ibid.

[200]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[201]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1455 (Dory Jade).

[202]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1710 (Chantal Desloges).

[203]          Ibid.; CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1245 (Kyle Hyndman).

[204]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1155 (Kareem El-Assal).

[205]          Ibid.

[206]          Ibid.

[207]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[208]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1310 (Mary Roman).

[209]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[210]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 4.

[211]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1640 (Laura Schemitsch).

[212]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1230 (Kyle Hyndman).

[213]          Ibid.; CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1420 (Krishna Gagné).

[214]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1455 (Dory Jade).

[215]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1710 (Claire Launay).

[216]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1355 (Krishna Gagné).

[217]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1230 (Kyle Hyndman).

[218]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 9.

[219]          Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72.

[220]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1650 (Janet M. Bigland-Pritchard).

[221]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1450 (Omer Khayyam).

[222]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth).

[223]          Ibid.

[224]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1310 (Mary Roman).

[225]          Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 1–2.

[226]          Ibid., p. 8.

[227]          Ibid., p. 9.

[228]          Ibid., p. 8.

[229]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1555, 1710 (Chantal Desloges); CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1340 (Janet Dench).

[230]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1715 (Claire Launay).

[231]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1730 (Chantal Desloges).

[232]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1450 (Siavash Shekarian).

[233]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1715 (Adrienne Foster).

[234]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1710 (Beth Potter).

[235]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1300 (Elizabeth Long).

[236]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1605 (Vilma Pagaduan).

[237]          Ibid.

[238]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1730 (Chantal Desloges).

[239]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1350 (Janet Dench).

[240]          Conseil canadien pour les réfugiés, Mémoire, 16 août 2022, p. 9.

[241]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1255 (Saeeq Shajjan).

[242]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1235 (Ghulam Faizi, ancien interprète afghan, à titre personnel); CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1240 (Hameed Khan); CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1240 (Kareem El-Assal).

[243]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1300 (Elizabeth Long).

[244]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 3–4.

[245]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1720 (Chantal Desloges).

[246]          Ibid., 1555.

[247]          Ibid., 1720.

[248]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1440 (Siavash Shekarian).

[249]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1535 (Peter Bhatti).

[250]          Ibid., 1550.

[251]          Ibid., 1535.

[252]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 4.

[253]          Ibid.

[254]          CIMM, Témoignages, 12 mai 2022, 1240 (L’hon. Sean Fraser).

[255]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1230 (Kyle Hyndman).

[256]          Ibid.

[257]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1425 (Krishna Gagné).

[258]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1715 (Laura Schemitsch).

[259]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 4–5.

[260]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1455 (Dory Jade).

[261]          Ibid.

[262]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p 8.

[263]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1240 (Kareem El-Assal).

[264]          CIMM, Témoignages, 5 mai 2022, 1240 (Luisa Veronis).

[265]          CIMM, Témoignages, 7 juin 2022, 1240 (Ravi Jain).

[266]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1700 (Janet M. Bigland-Pritchard).

[267]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1630 (Rabea Allos).

[268]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1630 (Oliver Thorne).

[269]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1630 (Vikram Khurana).

[270]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1645 et 1710 (Claire Launay).

[271]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1420 (Krishna Gagné).

[272]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1355 (Elizabeth Long).

[273]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1725 (Saint-Phard Désir).

[274]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1715 (Laura Schemitsch).

[275]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1455 et 1500 (Dory Jade).

[276]          CIMM, Témoignages, 18 octobre 2022, 1720 (Chantal Desloges).

[277]          Ibid., 1555.

[278]          Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 1.

[279]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1605 (Rabea Allos).

[280]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1645 (Claire Launay).

[281]          ACAI, Mémoire, 17 juin 2022, p. 3.

[282]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1610 (Oliver Thorne).

[283]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1500 (Révérend Rudy Ovcjak).

[284]          CIMM, Témoignages, 27 septembre 2022, 1650 (Janet M. Bigland-Pritchard).

[285]          Ibid.

[286]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1410 et 1440 (Roger Rai).

[287]          Voir, p. 41.

[288]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1700 (Laura Schemitsch).

[289]          Bellissimo Law Group Professional Corporation, Mémoire, 7 juin 2022, p. 3.

[290]          Le Québec c’est nous aussi, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 6.

[291]          CIMM, Témoignages, 21 octobre 2022, 1405 (Omer Khayyam).

[292]          CIMM, Témoignages, 1er novembre 2022, 1615 (Peter Bhatti).

[293]          CIMM, Témoignages, 7 octobre 2022, 1350 (Irena Sompaseuth).