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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir entrepris cette importante étude et de m'avoir invité à venir comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle John Allan et je suis le président-directeur général du Council of Forest Industries, ou COFI, président du B.C.Lumber Trade Council, ou BCLTC, et secrétaire de l'Alliance canadienne pour le commerce du bois d'oeuvre, ou ACCBO. Le COFI représente les intérêts de l'industrie forestière de l'intérieur de la Colombie-Britannique et le BCLTC défend les intérêts de l'industrie forestière britanno-colombienne dans le domaine du commerce canado-américain du bois d'oeuvre résineux, tandis que l'ACCBO fait le même travail, mais au niveau national. Je devrais également vous dire qu'en ma qualité d'ancien sous-ministre des Forêts de la Colombie-Britannique, j'espère apporter ici, dans le cadre de ma comparution, une perspective qui respecte les besoins du gouvernement.
L'industrie est encouragée par le fait que le gouvernement canadien ait reconnu les difficultés économiques auxquelles se trouve confronté le secteur forestier du Canada. Nous applaudissons aux récentes annonces visant à stimuler l'économie et surtout aux initiatives destinées à aider les travailleurs qui ont perdu leur emploi à accéder à de la formation professionnelle. Nous sommes également très heureux de l'appui de tous les députés qui ont travaillé infatigablement pour le bien des employés, des familles et des centaines de collectivités qui sont entièrement dépendantes du secteur forestier. Même si le récent budget fédéral sera d'une aide certaine au secteur forestier, je vais aujourd'hui proposer des mesures additionnelles qu'il vous faudrait envisager face aux défis historiques auxquels se trouve confrontée notre industrie forestière.
Les sociétés membres du COFI exploitent 100 installations de production dans plus de 60 collectivités de l'intérieur de la Colombie-Britannique qui dépendent de la forêt et qui comptent pour environ 80 p. 100 de toutes les expéditions de bois d'oeuvre résineux de la Colombie-Britannique et 35 p. 100 de la totalité des exportations canadiennes de bois d'oeuvre résineux. Les sociétés forestières britanno-colombiennes emploient environ 75 000 Canadiens et plus de 150 000 familles dépendent directement ou indirectement de nos entreprises forestières pour leur revenu et leur bien-être.
Cependant, une confluence de forces économiques défavorables, et qui échappent largement au contrôle de quiconque, a frappé le secteur forestier de la Colombie-Britannique, menaçant sa viabilité même à long terme. Premièrement, la rapide hausse de la valeur du dollar canadien a eu une profonde incidence sur le secteur forestier. Une augmentation annualisée d'un cent du dollar canadien réduit d'environ 130 millions de dollars la valeur annuelle des ventes de l'ensemble des produits forestiers de la Colombie-Britannique, dont la majorité sont exportés. Depuis 2002, le dollar canadien a augmenté d'environ 40 cents par rapport au dollar américain, et, sur une base cumulative, cette hausse a arraché 15 milliards de dollars à la valeur de la vente de l'ensemble des produits forestiers de la Colombie-Britannique. En valeur approchée, cet impact pourrait être au moins doublé pour l'ensemble du Canada. Il est important de souligner que cette augmentation soutenue de la valeur du dollar a également été accompagnée d'une augmentation des coûts de production.
Deuxièmement, l'affaiblissement de l'économie américaine et la crise du crédit hypothécaire à risque ont eu une incidence négative sur le secteur de la construction résidentielle américaine, un important acheteur des exportations de bois de la Colombie-Britannique. Les mises en chantier de logements, qui avaient atteint leur maximum à tout juste un peu plus de 2 millions d'unités en 2005, ne dépasseront sans doute pas les 1,2 million en 2008, d'après les prévisions, leur plus bas niveau depuis 1995. C'est ainsi que les prix du bois d'oeuvre ont chuté pour atteindre des niveaux extrêmement bas, tels que le prix actuel au comptant du bois d'oeuvre résulte en une perte de 73 $ par millier de pied-planches pour une scierie typique de l'intérieur de la Colombie-Britannique. Vous demanderiez peut-être pourquoi l'on voudrait rester en affaires? Eh bien, dans l'immédiat, les scieries tournent principalement pour gagner de l'argent pour payer les factures et pour produire des copeaux pour les usines de pâtes et papiers. L'industrie est sur ce plan extrêmement intégrée, et les scieries et les fabriques de pâtes ne peuvent pas fonctionner l'une sans l'autre.
Troisièmement, l'infestation des forêts de l'intérieur par le dendroctone du pin ponderosa, infestation qui s'étend maintenant jusqu'en Alberta, a détruit près de 600 millions de mètres cubes de bois de grande valeur et a amené une hausse importante des coûts de fabrication ainsi qu'une réduction de la valeur du produit.
Enfin, tout le bois d'oeuvre que l'industrie forestière de la Colombie-Britannique expédie aux États-Unis est frappé d'une taxe d'exportation de 15 p. 100 en vertu de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux.
En résumé, l'industrie vit une crise d'une ampleur sans précédent. Comme l'a récemment déclaré Hank Ketcham, PDG et président de West Fraser: « C'est un véritable bain de sang ». Face à cet état de choses, nous sommes d'avis que ni une approche de laissez-faire ni une approche interventionniste axée sur des subventions ne sont la solution. D'autre part, le rôle du gouvernement devrait être de veiller à ce que soit en place le cadre politique adéquat pour que l'industrie puisse être concurrentielle.
Par conséquent, même si le gouvernement reconnaît les obstacles à la viabilité du secteur forestier et a récemment annoncé ou mis en oeuvre un certain nombre de mesures très nécessaires, nous avons à vous soumettre pour examen cinq propositions supplémentaires.
Nous applaudissons à la décision du gouvernement de réduire de 1 p. 100 d'ici à 2008 l'actuel taux d'imposition des sociétés et son intention de ramener ce dernier à 15 p. 100 d'ici à 2012. Cependant, nous vous encourageons à accélérer ces réductions, étant donné surtout que l'économie américaine continue de s'affaiblir. La réduction des taux d'imposition des sociétés permettrait à toutes les industries d'investir dans du capital physique et humain, de faire des gains de rendement et isolerait temporairement les secteurs qui dépendent de l'exportation des effets négatifs de la hausse rapide de la valeur du dollar canadien.
La baisse abrupte de la consommation aux États-Unis a exposé au grand jour notre vulnérabilité du fait de notre dépendance à l'égard d'un seul marché. Il nous faut bâtir une clientèle équilibrée, en nous concentrant tout particulièrement sur les marchés asiatiques émergents. Cela étant, nous encourageons le gouvernement à renouveler et à augmenter l'investissement dans le Programme canadien d'exportation des produits de bois, qui est administré par votre collègue, le ministre des Ressources naturelles. Ce programme est un pilier qui est au coeur de l'effort de l'industrie du bois massif visant à diversifier ses marchés d'exportation outre-mer pour les produits du bois canadien.
Depuis son lancement en 2002, le Programme canadien d'exportation des produits du bois a sensiblement élargi les exportations de bois du Canada dans des marchés traditionnels et émergents. En guise de preuve, je signalerai que les expéditions canadiennes, en volume, ont augmenté de 450 p. 100 pour la Chine, de 290 p. 100 pour la Corée du Sud et de 320 p. 100 pour le Royaume-Uni au cours des cinq années se terminant en décembre 2007. Aussi encourageants soient ces résultats, le développement de nouveaux marchés est une tâche de longue haleine qui exige la persistance. Nous exhortons le gouvernement de s'engager à renouveler pendant un minimum de cinq années, jusqu'en 2014, donc, à raison de 10 millions de dollars par an, le Programme canadien d'exportation des produits de bois, afin de permettre la création de marchés durables et à long terme.
L'industrie forestière britanno-colombienne compte largement sur le réseau ferroviaire canadien pour transporter son produit. Cependant, nos tarifs ferroviaires comptent parmi les plus élevés au monde. Toute mesure gouvernementale visant à favoriser des tarifs ferroviaires concurrentiels et une réduction des frais de transport contribuera à la compétitivité de l'industrie. Je pense être suffisamment bien informé pour pouvoir dire que le service ferroviaire aux expéditeurs de bois de l'intérieur est, pour beaucoup, pauvre ou carrément inexistant.
L'industrie forestière britanno-colombienne est à l'avant-garde en matière de gérance environnementale. Les sociétés forestières de la Colombie-Britannique ont, en vue d'améliorer leur rendement environnemental et de réduire leur empreinte carbone, amélioré leurs installations et adopté des processus novateurs dans le cadre d'un effort continu visant à limiter l'incidence du secteur en matière de changement climatique. Nous sommes encouragés de constater que le récent budget fédéral reconnaît les efforts environnementaux avancés de l'industrie et reflète nos suggestions visant à profiler l'industrie comme étant un chef de file dans cet effort.
Nous sommes tout particulièrement heureux de la promesse du budget fédéral de consentir 10 millions de dollars sur deux ans à RNCan pour la promotion du secteur forestier canadien dans des marchés internationaux en tant que modèle d'innovation environnementale et de durabilité. L'industrie canadienne s'est engagée à devenir neutre en carbone d'ici à 2015 et a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 50 p. 100 depuis 1990. Plus important encore, nous encourageons le gouvernement à reconnaître ces efforts dans tout plan d'action gouvernemental futur en matière de changement climatique. En bref, nous devrions gérer les initiatives en matière de changement climatique de manière à améliorer notre compétitivité.
Nous croyons fermement que l'industrie de la biomasse renferme des avantages potentiels énormes pour l'environnement, ainsi que pour le secteur forestier et le secteur des pâtes et papiers britanno-colombien, qui a, à cet égard, réduit de 60 p. 100 sa consommation de combustibles fossiles depuis 1990. La biomasse est une source d'énergie propre et renouvelable, et des études récentes ont montré que les combustibles tirés de la biomasse peuvent réduire la consommation de gaz naturel de jusqu'à 75 p. 100. Nous encourageons fermement le gouvernement fédéral à travailler avec toutes les parties prenantes en vue de pousser plus loin le développement de l'industrie de la biomasse. Le COFI et ses membres sont prêts à aider le gouvernement sur ce plan.
À notre avis, les cinq propositions que je viens d'énoncer ne vont pas à l'encontre de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux de 2006 et, si elles étaient mises en oeuvre, feraient beaucoup pour alléger l'incidence de la convergence des facteurs économiques qui mettent en péril la viabilité du secteur forestier de la Colombie-Britannique et de tout le Canada.
Enfin, j'aimerais dire quelques mots à l'appui de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux de 2006. Sur la base de la prémisse que nous ne parviendrons jamais à un libre-échange entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est du bois d'oeuvre résineux du fait des activités politiques et juridiques continues de la U.S. Coalition for Fair Lumber Imports, les exportations de bois d'oeuvre résineux canadiens aux États-Unis seront gouvernées ou par un commerce administré ou par des litiges. L'accord offre une solution bien supérieure au litige, et le gouvernement canadien, les gouvernements provinciaux et l'industrie forestière devraient s'efforcer collectivement de veiller à ce que l'accord soit pleinement respecté.
Monsieur le président, la demande mondiale de produits du bois est à la hausse du fait des marchés émergents des pays en développement. Cette croissance s'opère simultanément avec une sensibilisation mondiale toujours croissante à la nécessité d'acheter des articles qui sont produits d'une manière qui soit aussi respectueuse que possible de l'environnement. Il est un fait que les qualités environnementales des produits du bois en font sans conteste les meilleurs produits de construction au monde. Lorsqu'ils sont fabriqués de la manière la plus respectueuse de l'environnement, les produits du bois, qui sont non seulement recyclables, mais qui continuent de séquestrer le carbone emmagasiné dans les arbres dont ils sont issus, peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre les changements climatiques. Le fait que notre industrie ait évolué d'une manière telle qu'elle est aujourd'hui le fournisseur de produits de la forêt le plus respectueux de l'environnement sur toute la planète lui vaut peut-être d'être le fournisseur mondial de choix.
Je mentionne cela afin d'être bien certain que le gouvernement comprenne que le secteur forestier du Canada peut continuer d'être un important participant à la stabilité économique du pays, mais qu'il importe de gérer prudemment cette période de défis de taille. Nous avons besoin de votre participation active, afin d'être en mesure de braver la tempête parfaite qui nous secoue, ainsi que de votre aide, pour remodeler et donner une nouvelle image à notre industrie afin qu'elle soit en mesure de saisir les possibilités qui se présenteront à elle.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Ce n'est rien. Merci beaucoup.
Bonjour au président, aux vice-présidents et aux membres du comité. Notre dernier témoignage devant le comité a porté sur les sables bitumineux. Nous sommes très heureux de comparaître de nouveau aujourd'hui au sujet de la question fort importante dont vous êtes saisis.
[Français]
Notre présentation d'aujourd'hui sera faite principalement en anglais parce que ma maîtrise du français est limitée. Par contre, vous avez une copie de la version française de cette présentation.
[Traduction]
J'aimerais commencer par faire un rapide survol de l'Initiative boréale canadienne. Je sais que certains d'entre vous connaissent notre organisation et notre travail.
Cela fait environ quatre années que nous travaillons sur le terrain, et nous nous occupons principalement de durabilité. Notre objet est de rapprocher des partenaires qui ont, pendant les différentes époques et décennies dans l'histoire des questions forestières canadiennes, été assis aux côtés opposés de la table. Ils siègent aujourd'hui du même côté de la table, proposant et mettant en oeuvre des solutions qui s'inscrivent dans une voie durable.
Nous réunissons environ 18 membres représentant des leaders des premières nations, de l'industrie, des secteurs pétrolier, gazier et forestier, et d'organisations vouées à la conservation. Ensemble, ils se consacrent à la mise en oeuvre de solutions.
Notre véritable créneau est la durabilité. Aujourd'hui, nous nous attarderons beaucoup moins sur les défis graves et tout à fait tragiques auxquels se trouve confronté le secteur forestier, et auquel nous sommes très sensibles. Nous sommes très en faveur du maintien, ici au Canada, d'une industrie forestière robuste, dynamique et durable. Nous croyons que notre créneau pourrait être utile dans la recherche de durabilité. Nous commençons à voir se profiler certains résultats concrets, qui seront utiles sur le plan économique et autrement pour les compagnies qui sont aux prises avec ces défis.
Collectivement, l'Initiative boréale canadienne et nos partenaires, qui s'inscrivent dans un groupe que nous appelons notre Conseil principal de la forêt boréale, appuyons une approche équilibrée pour ce qui est de la région boréale du Canada. Nous sommes en faveur d'une voie embrassant une approche qui verrait environ la moitié de la région boréale canadienne déclarée zone protégée, la deuxième moitié, environ, étant soumise à une gestion durable. Il s'agit d'une vision qui commence à prendre racine dans différentes régions du pays.
Nous appuyons des solutions réelles. Nos sociétés forestières ont obtenu une certification écologique par le Forest Stewardship Council pour plus de 50 millions d'acres dans la région boréale. Le Canada est en la matière le chef de file mondial. Nous sommes le leader du peloton parmi les pays ayant des terres en tenure forestière sous certificat FSC. Nous en sommes plutôt fiers. Nous oeuvrons également à des plans d'aménagement des terres en région forestière, et c'est là-dessus que vont se concentrer mes remarques aujourd'hui.
Nous travaillons très étroitement avec plusieurs gouvernements. Nous venons tout juste de signer un protocole d'entente avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, chose que je cite à titre d'exemple. Nous sommes ce que nous appelons un bureau de courtage de solutions, et nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
Voici maintenant un cliché de la région boréale du Canada. Nous sommes l'un des trois pays du monde à abriter de vastes grandes parcelles de forêt intacte et à pouvoir encore décider de leur avenir. Les autres pays sont le Brésil et la Russie. C'est sans doute le Canada qui a les meilleures chances d'aller de l'avant avec une approche durable. C'est une responsabilité que nous avons envers le monde.
Notre région boréale recouvre plus de la moitié de notre masse terrestre. Elle abrite des collectivités. Elle est une source d'emplois dans le secteur forestier. Et d'autres possibilités encore se dessinent. Les écosystèmes boréaux assurent une vaste gamme de services écologiques, comme par exemple le stockage du carbone, et qui ont une valeur non commerciale qui est de plus en plus reconnue comme représentant une valeur marchande.
Avant de passer aux recommandations, et de poursuivre dans la veine de l'exposé de M. Allan, j'aimerais me concentrer sur cette part du gâteau qui concerne la durabilité et vers laquelle se dirige l'industrie, non seulement en faisant certifier ses opérations forestières mais en assoyant véritablement des marchés. Je suis heureuse de pouvoir dire aujourd'hui que la chose est très prometteuse. L'écologisation de leurs opérations commence à livrer des dividendes aux entreprises, et celles-ci sont en vérité mieux en mesure, de ce fait, d'amortir la crise que l'on sait.
J'aimerais vous donner un exemple très pratique. La semaine dernière, Tembec Inc., l'un de nos principaux partenaires en foresterie — les deux autres étant Domtar et Al-Pac —, a annoncé une restructuration radicale. Je suis certaine que nombre d'entre vous avez vu les informations de presse qui sont sorties là-dessus la semaine dernière. L'entreprise a déclaré que son approche axée sur des produits écologiques l'avait aidée à rester à flot. Elle a déclaré que son contrat avec Home Depot, l'un des plus gros acheteurs de bois d'oeuvre en Amérique du Nord, est l'un des éléments qui lui avait permis de résister au déclin du dollar, en particulier, du fait de pouvoir offrir un produit certifié. Son produit est moins vulnérable face au déclin du dollar du fait que l'entreprise ait pu fidéliser son acheteur, Home Depot. Home Depot lui restera fidèle même avec un dollar en recul. Ce marché a très largement compté dans sa capacité de demeurer à flot.
L'entreprise veut maintenant être le géant mondial FSC, et elle est en voie de le devenir. Ce virage de la part de Tembec n'était pas chose facile. Aussi récemment qu'il y a deux ans, l'entreprise n'avait pas de marché garanti ni d'acheteur garanti, surtout aux États-Unis, et elle avait investi 50 millions de dollars et attendait toujours que cela lui rapporte quelque chose. Nous lui tirons donc notre chapeau du fait d'avoir résisté pendant cette période d'incertitude et d'avoir maintenu ses engagements en matière de certification FSC, ce qui a permis de mieux les asseoir, et voici là où ils en sont aujourd'hui.
Un autre exemple est Cascade. Ses ventes de papier fin ont augmenté de 235 p. 100 l'an dernier, et l'histoire est semblable du côté de Domtar.
Ce que nous essayons de dire est que la durabilité paye, de manière très concrète, pour les entreprises. Nous convenons que la production de produits verts demeure une niche, mais il est très important que vous en teniez compte dans le cadre de votre étude, compte tenu des possibilités de commercialisation et des créneaux qui en découlent.
Pour ce qui est de nos recommandations, nous aimerions nous concentrer sur quelques éléments dont nos collègues ne vont pas forcément faire état aujourd'hui. Ils s'inscrivent en réalité dans deux volets. Le premier est la planification de l'aménagement du territoire, et le deuxième est le marché du carbone. Nous aimerions nous concentrer ici aujourd'hui sur ces deux aspects.
Premièrement, en ce qui concerne l'appui à la planification de l'aménagement du territoire, ce dernier est un exercice dans le cadre duquel industries, premières nations, organisations vouées à la conservation et gouvernements s'assoient autour d'une table pour planifier, pour un territoire donné, quelles zones seront ouvertes au développement de ressources et lesquelles seront protégées pour le long terme.
De tels exercices de planification d'importance primordiale visent à l'heure actuelle près de 60 p. 100 de la région boréale. Le gouvernement fédéral était autrefois un fervent défenseur de ce type de travail, mais il a sur ce plan reculé. Nous recommanderions que vous envisagiez d'encourager le rétablissement de l'appui à la planification de l'aménagement du territoire au niveau fédéral. Si nous disons cela, c'est que les conflits en matière d'aménagement du territoire augmentent le coût pour l'industrie, sont très troublants pour les communautés des premières nations qui sont véritablement à la recherche de l'affirmation de leurs droits ancestraux et découlant des traités, et que ces questions s'inscrivent dans les types de décisions fondamentalement importantes qui sont à la base de la robustesse du secteur et de la certitude en affaires qui sont nécessaires pour pouvoir fonctionner, surtout dans le monde d'aujourd'hui. Voilà pourquoi l'Initiative boréale canadienne et l'Association des produits forestiers du Canada ont, l'an dernier, diffusé un communiqué conjoint demandant aux gouvernements d'appuyer la planification de l'aménagement du territoire.
Pour ce qui est de nos recommandations, nous recommandons que le comité appuie une augmentation sensible du financement fédéral de la planification régionale de l'aménagement du territoire, avec la collaboration des provinces et territoires, des peuples autochtones et des parties prenantes.
Notre deuxième recommandation — et je sais que ce n'est pas un domaine nouveau pour le comité — concerne la promotion d'une exploitation forestière qui réduise les émissions de carbone et de compensation en fixation de carbone.
Le carbone forestier va très bientôt avoir une valeur marchande, et nous aimerions en faire la promotion en tant qu'outil que le gouvernement fédéral peut, devrait et doit appuyer. La Colombie-Britannique et l'Ontario en sont déjà là, et nous avons besoin du leadership fédéral et de celui du comité permanent pour faire avancer les choses sur ce plan. Pour dire les choses simplement — nous fournissons davantage de détails dans notre mémoire —, il y a deux types de mécanismes qui pourraient être appuyés et qui protégeraient les valeurs en carbone du territoire, valeurs qui sont très importantes. De fait, la région boréale de la partie nord du monde renferme dans la terre plus de carbone que n'importe quel autre type d'écosystème sur la planète.
Le président me fait signe qu'il me faut boucler.
Les deux types de mécanismes sont les crédits de carbone et l'exploitation forestière durable. Nous pourrons explorer cela plus avant pendant les questions, mais nous aimerions beaucoup encourager le comité à appuyer ces genres de mécanismes comme moyen d'apporter un dollar de plus à la table. Les avantages pourraient être accumulés par le secteur forestier — par les premières nations en particulier — et seraient tout particulièrement utiles si vous songez aux zones qui sont très éloignées des scieries, zones qui représenteraient peut-être une meilleure valeur sur le marché du carbone que sur le marché forestier.
Nos recommandations sont donc, premièrement, que vous appuyiez ces mécanismes en vue de la gestion du carbone sur les terres et, deuxièmement, que le Canada adopte une attitude proactive dans le cadre des négociations internationales visant le changement climatique, en vue de l'inclusion de mécanismes pour protéger les valeurs du carbone dans la forêt et les tourbières dans tout régime mondial futur de lutte contre le changement climatique.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de m'accueillir ici parmi vous.
Il me faudrait dire au départ que j'arbore ici mon chapeau investissements. Je dirige aux Marchés mondiaux CIBC le groupe qui s'occupe des investissements dans le secteur forestier ainsi que dans celui des bioénergies. J'ai pour rôle, en gros, de conseiller les investisseurs quant aux régions du monde dans lesquelles ils devraient placer leur argent dans le secteur des produits forestiers. Ce peut être le Canada, ce peut être ailleurs.
Cela étant dit, je travaille également avec des gouvernements quant à ce qu'ils peuvent faire, et où, pour attirer des investissements. Je travaille présentement avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, pour lequel je dirige un groupe de travail en vue d'attirer de l'investissement. Je travaille également avec le gouvernement de la Russie.
Nous vivons ici une époque intéressante. Les changements que nous constatons dans l'industrie mondiale des produits forestiers, et pas seulement dans l'industrie, mais également dans les marchés des produits forestiers ainsi que du côté de la politique publique en la matière, sont sans doute les plus profonds que nous ayons vus depuis la fin de l'ère coloniale. Ces changements sont dramatiques. Nous vivons réellement une époque intéressante.
D'un côté, il n'y a pas que l'importance des biens et services non-commerciaux, en tout cas traditionnellement non-commerciaux — et je soulignerais ce que vient de mentionner ma collègue —, il y a également la concurrence pour les médias électroniques et l'émergence de nouveaux concurrents et des changements quant à ceux qui possèdent véritablement les terres à bois. Ces changements surviennent partout dans le monde, et pas seulement ici.
Ce qu'il y a d'intéressant est que ces changements surviennent à un moment où l'on peut dire qu'il y a eu une dégradation ou en tout cas une réduction de la capacité analytique de les évaluer. Cela vaut tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Nous sommes trop occupés à nous débattre avec les alligators. Encore une fois, ce constat ne vaut pas seulement pour le Canada. Nous constatons la même chose en Russie, au Brésil et partout dans le monde. C'est là un sujet de préoccupation. Le fait que vous vous penchiez sur la situation, d'une façon dont nous espérons qu'elle sera très attentive, est chose fort encourageante.
L'industrie canadienne a été frappée par une série de chocs. Mon collègue, John Allan, vient d'en faire la liste. Je ne vais pas la reprendre ici. Il nous faut convenir que certains de ces éléments échappent clairement à notre contrôle, comme par exemple l'évolution de la technologie côté papier. Il a fallu restreindre la capacité en matière de papier journal face à la baisse de 30 p. 100 constatée en Amérique du Nord depuis l'an 2000. C'est là la réalité du marché. Si vous venez en aide à certaines des usines qui étaient moins concurrentielles, cela voudra dire que même vos bonnes papeteries vont sombrer. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas jouer un rôle positif en aidant les collectivités à s'adapter. Nous le devrions. Mais certaines de ces choses échappent à notre contrôle et nous devrions le reconnaître.
Un défi essentiel pour cette industrie au fil du temps est le fait que, contrairement à ce qui a été constaté pour la plupart des matières premières de base, nous avons en vérité constaté un recul du prix du bois. Les marchés sont en train de dire que le bois a valu moins d'argent au fil du temps. Notez que j'ai dit qu'il «y a eu recul ». Nous en sommes à l'heure actuelle à un point d'inflexion intéressant. À notre avis, il y a cinq raisons qui vont amener une hausse à long terme — et je songe à une période de 10 à 15 ans — du prix réel du bois. Je me sens certainement moins confiant si je regarde plus loin.
Je vais rapidement passer en revue ces cinq raisons. Il nous faut en tenir compte, car ces éléments sont en train de façonner l'environnement dans lequel oeuvre cette industrie axée sur l'exportation.
Le premier élément est le déficit croissant en fibres en Asie. La situation est dramatique. Et cela ne se limite pas à la seule Chine; c'est également le cas de l'Inde. Nous pourrons revenir là-dessus dans le détail, si cela vous intéresse.
Le deuxième facteur est ce qui se passe en Russie avec sa taxe à l'exportation des grumes. La Russie est véritablement dans ce secteur un géant qui dort. Elle possède des ressources forestières supérieures à celles du Canada et du Brésil réunis. Elle compte pour 40 p. 100 des exportations mondiales de grumes de bois d'oeuvre et cela va bientôt s'arrêter. Le pays compte imposer une taxe de jusqu'à 80 p. 100 sur l'exportation des grumes. Ce choc va se ressentir partout dans le monde dans l'industrie.
Le troisième choc est une réduction de l'approvisionnement en provenance d'exploitation forestière illégale. Nous n'en parlons pas souvent au Canada, mais, pour vous donner une petite idée, 10 p. 100 environ de la production mondiale de grumes est considérée comme étant illégale. La chose est, presque par définition, non durable. Lorsque vous exploitez illégalement, vous n'allez pas demeurer dans les parages et faire du reboisement. Cette activité a, dans une certaine mesure, cessé; elle n'a pas cessé complètement, mais elle est en diminution. Et nous pouvons vous dire pourquoi. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous avons vu le prix réel du bois baisser : on abattait trop d'arbres dans des endroits comme l'Indonésie, le Brésil, la Chine, etc.
La quatrième raison est cette travestie que l'on a constatée en Colombie-Britannique avec le dendroctone du pin ponderosa. Cela a des ramifications à l'échelle mondiale. Il s'agit d'une région qui fournit 20 p. 100 du bois d'oeuvre dont ont besoin les Américains, et l'on observe une chute marquée dans le temps.
Notre sentiment est que les conséquences en matière de quantité et de qualité ont été sous-estimées, tant par le gouvernement que par l'industrie. Cela va créer des gagnants et des perdants, mais nous devrions être au courant des ramifications à l'échelle mondiale.
Le dernier choc est peut-être le plus fondamental, et c'est ce que nous appelons la convergence des marchés de l'alimentation, des combustibles et des fibres. Par fibres, j'entends la fibre de bois. Le lien est largement le fait de l'énergie.
Qu'est-ce que j'entends par convergence? Il y aura convergence du fait que les produits de départ principaux pour ces trois marchés — aliments, carburants et fibres — auront tendance à se négocier selon leur équivalence énergétique. Cela veut dire qu'il y aura un prix plancher et du bois de moins bonne qualité. Je ne parle pas ici des grumes de sciage. La production énergétique ne pourra jamais faire une surenchère sur le prix que pourra offrir une scierie, mais elle pourra l'emporter sur d'autres.
L'une des choses qu'il faut nous garder à l'esprit ici est que les ramifications de cette convergence — et nous pourrons y revenir lors de la période des questions, si vous voulez — sont telles qu'il nous faudra arrêter de réfléchir à l'intérieur de nos silos traditionnels : agriculture, exploitation forestière, production énergétique. Ces secteurs vont tendre à se rapprocher. Ici, je rejoins vraiment le commentaire fait par ma collègue, qui vient tout juste de parler de la nécessité d'une planification régionale de l'aménagement du territoire, sans quoi il y aura une multiplication des champs de bataille. Nous pourrons discuter un petit peu de cela, mais ce sera certainement l'un des gros enjeux.
Avant d'aborder cette question, j'aimerais simplement faire un commentaire. Pourquoi maintient-on des superficies en exploitation forestière? Je prétends qu'il y a à cela deux raisons. Premièrement, les gouvernements disent qu'il y a des biens ou des services qui ne sont pas saisis par le marché mais qu'ils veulent préserver. Ce peut être les chevreuils. Ce peut être des loisirs. Ce peut être le carbone. C'est ainsi que le gouvernement arrête sa décision. La deuxième raison pour laquelle des superficies demeurent occupées par la forêt est qu'elles ne peuvent pas être utilisées à des fins agricoles.
Ce que nous allons voir avec cette convergence, avec l'augmentation des prix des aliments, des combustibles et des fibres, est que dans les principales régions qui nous livrent concurrence — et c'est une bonne nouvelle pour nous —, une part importante des terres vont abandonner l'exploitation forestière en faveur de la production alimentaire ou de l'exploitation de la biomasse. Cela veut dire que nous allons peut-être fort bien voir ce mouvement de bascule que nous avons observé au cours des 10 à 15 dernières années, de l'hémisphère nord — de pays comme le Canada — vers le sud, se renverser.
Cela continuera d'être un avantage absolu que de faire pousser des arbres au Brésil. Seigneur, nous pouvons presque entendre ces arbres pousser.
Cela étant dit, l'avantage concurrentiel, l'avantage comparatif, pourrait très bien nous revenir. Je ne devrais pas dire cela. Je devrais dire l'hémisphère nord, car ce ne sera pas forcément nous. Nous sommes à peu près certains que cet avantage reviendra aux États-Unis. Nous pensons que la Russie aura de bonnes chances. Quant au Canada, peut-être que oui, peut-être que non. L'un des as que nous pouvons jouer, surtout à l'égard des Russes, est notre capacité de gérer nos forêts de façon durable. Nous voulons commercialiser cet aspect. Encore une fois, je me ferai l'écho des propos tenus par ma collègue. Il s'agit là d'un aspect important.
L'un des messages est que nos forêts publiques vont devenir plus précieuses au fil du temps, pour quantité de raisons, et pas simplement pour leur valeur marchande. La valeur de l'arbre va augmenter, mais ce sera également le cas de certains de ces biens non commerciaux. Nous devrions tenir compte de cela.
Cela étant dit, nous pourrons aborder certaines des conséquences de cette convergence — des conséquences analytiques, organisationnelles, ainsi qu'en matière de politiques et d'investissements — lors de la période des questions, car il vaudrait la peine de les explorer un petit peut. Mais poussons plus loin un instant et soulignons ici qu'il n'y a en la matière pas de solutions miracles. S'il y en avait — nous sommes suffisamment intelligents — nous les aurions trouvées.
Il nous va falloir avoir une réponse réfléchie. La réponse du gouvernement ici, si vous permettez, serait, tout d'abord, de reconnaître au départ que nous ne sommes traditionnellement pas très doués pour choisir les gagnants, mais que les perdants sont de façon générale assez doués pour choisir leurs gouvernements.
Il nous faut donc être quelque peu prudents pour ce qui est de notre capacité de deviner ce que fera le marché. Ce que nous pouvons faire, c'est intervenir lorsque le marché échoue. Le carbone est un élément de ce secteur. Il représente un bien économique réel, mais qui n'a pas encore été saisi par le marché. Nous devrions examiner ce qui se passe. Nous sommes en retard en la matière. Cela s'en vient. Il nous faut comprendre que le carbone se verra attribuer un prix, et lorsque Washington aura décidé de faire cela, mon sentiment est que les milieux d'affaires insisteront pour qu'Ottawa fasse de même immédiatement.
La nature du jeu est cependant en train de changer ici. Il nous faut nous pencher sur la R et D. Il nous faut changer la nature de notre jeu. L'une des choses que je suggérerais — et ce n'est pas une solution à court terme — serait d'envisager des engagements à plus long terme en matière de R et D. Et ce n'est pas juste la R et D — la recherche et le développement. C'est la R et D et D — recherche, développement et déploiement. L'une des choses que nous avons relevées est que, du fait de notre petite taille — et, croyez-moi, nos entreprises sont petites à l'échelle mondiale —, nos entreprises ne bénéficient pas d'économies d'échelle. Or, dans le cadre de cette industrie, les économies d'échelle sont très importantes pour les choses comme la commercialisation et la R et D.
Nous ne pouvons pas prendre le risque, surtout pour ce qui est de certaines de ces nouvelles technologies. Il s'agit là d'un rôle qui revient au gouvernement. J'ai fait le gros de ma formation à l'Université de Chicago. J'ai confiance dans les marchés. Mais il y a un rôle pour le gouvernement dans ce domaine.
D'autre part, il importe de reconnaître ici que lorsque vous faites votre travail de R et D, vous ne devriez pas diluer vos efforts. L'une des choses qui me préoccupent est la crainte que nous nous éparpillions et ne fassions que du saupoudrage.
Nous pourrons discuter de la bioénergie, si cela vous intéresse, ou de solutions à faible ou à forte technicité, mais je vais maintenant rendre la parole au président.
Merci.
Merci, monsieur le président. Mon nom est bien Réjean Gagnon et je suis de l'Université du Québec à Chicoutimi. Je suis directeur du Consortium de recherche sur la forêt boréale commerciale.
Le but principal de notre recherche est d'assurer la pérennité des ressources. Nous sommes des spécialistes de la régénération naturelle des forêts et aussi des paramètres environnementaux qui influencent la croissance des arbres. Nous travaillons principalement dans les forêts de l'est du Canada. Une des particularités de l'est du pays est la présence d'une espèce en particulier, l'épinette noire. Nous sommes des spécialistes de la croissance de cette espèce. Cette essence est très abondante dans l'est, mais elle est rare ailleurs dans le monde. Cette essence est strictement nord-américaine et on trouve les plus grandes forêts d'épinette noire au monde dans l'est du Canada. C'est pourquoi notre université est spécialisée en paramètres et en écologie de ces forêts.
Je remercie les membres du comité de me donner la chance de leur parler aujourd'hui. En tant que biologiste et écologiste, je suis très préoccupé par le fait que dans un proche avenir — on parle de 2050 —, il devrait y avoir neuf milliards de personnes sur terre. À l'heure actuelle, le fait d'avoir accès à une ressource naturelle abondante, le pétrole, fait notre richesse et nous permet d'avoir beaucoup de possibilités, mais cette ressource n'est pas renouvelable et, bien entendu, on ne peut pas baser le développement de notre pays sur cette ressource. On va en avoir besoin, mais ce n'est pas renouvelable.
C'est pourquoi on travaille principalement dans le domaine de la forêt. On sait que la forêt est une ressource naturelle et renouvelable.
Pour nous, le bois est notre meilleur choix de matériau sur le plan environnemental. En effet, comme tout le monde l'a dit, il s'agit d'un matériau non toxique, qui emprisonne le CO2, qui est renouvelable, recyclable, compostable, et qui fournit une source abondante de matériaux, que ce soit du papier, du carton, du bois d'oeuvre, du bois de chauffage ou de la biomasse. Ce matériau alimente aussi nos usines de cogénération et, éventuellement, on pourra aussi produire de l'éthanol cellulosique ou toute la chimie de ces produits, à partir de ce matériau.
La principale question est de savoir si les méthodes de récolte de bois utilisées actuellement vont nous garantir un approvisionnement pour le futur. On se pose, bien entendu, plusieurs questions à ce sujet.
Vous avez peut-être déjà vu un film qui nous montrait que les forêts ne se renouvelaient pas après une coupe. Il s'agit du film L'Erreur boréale de Richard Desjardins. Je ne sais pas si quelques-uns d'entre vous ont eu l'occasion de voir ce film. On pouvait croire, en le voyant, qu'il n'y avait pas d'avenir pour l'industrie forestière. Il ne faut pas oublier que ce film n'en est pas un sur la foresterie, mais qu'il est une charge anticapitaliste. Il a utilisé l'industrie forestière pour démontrer que le capitalisme sauvage n'avait pas sa place au Canada. Ça pose aussi la question de l'acceptabilité sociale de la récolte forestière. Ici, dans l'est, au Québec notamment, on se pose beaucoup de questions.
De façon générale, la population n'est pas tellement favorable à la récolte du bois. Il faut trouver les moyens pour convaincre nos gens qu'on peut récolter du bois. Je pense que pour cela, il faut savoir à quoi sert le bois. Le bois ne doit pas servir seulement à enrichir les grandes compagnies, mais il faut que les gens s'aperçoivent que le bois est notre meilleur choix environnemental.
Ici, c'est un peu particulier si on compare notre situation à celles d'autres endroits dans le monde. Au Québec, on travaille principalement avec la régénération naturelle. Près de 80 p. 100 de nos forêts se régénèrent naturellement. Une des conséquences de cette situation est qu'on ne fait pas de la foresterie de façon intensive. La productivité de nos forêts n'est pas tellement élevée parce qu'on se fie principalement à la régénération naturelle.
Notre objectif est de remettre en production les forêts telles qu'elles sont aujourd'hui. Par contre, nous travaillons avec un processus naturel, ce qui a le grand avantage de maintenir les espèces d'origine et de permettre qu'elles soient issues de parents locaux. En termes de maintien de la biodiversité, la récolte forestière du Québec se présente bien. C'est un bon point de départ. Nous n'avons pas trop de difficulté à maintenir les espèces.
Dans l'est du Canada, on récolte des arbres depuis une centaine d'années. D'après vous, combien d'espèces, tant animales que végétales, ont disparu en raison de la récolte forestière? Est-ce deux, cinq ou huit espèces? Selon les biologistes, aucune espèce animale ou végétale n'a disparu à cause de la récolte forestière. Ça ne veut pas dire qu'aucune espèce n'a disparu pour d'autres raisons, entre autres la trappe.
En forêt boréale, nous avons un problème naturel, c'est-à-dire les feux. Je sais qu'il y en a beaucoup dans l'Ouest et à d'autres endroits du pays, mais il y en a beaucoup dans l'Est. Une espèce en particulier, l'épinette noire, est adaptée au feu, mais cette adaptation n'est pas très bonne. Par conséquent, si la fréquence des feux devient trop élevée, cette espèce va régresser. Selon nos études récentes, il y aurait eu au cours des 50 dernières années une régression de 9 p. 100 représentant les forêts fermées d'épinettes noires s'étant transformées en forêts ouvertes. Ce taux est énorme et plutôt exceptionnel. Il s'agit quand même d'une régression naturelle, et j'insiste sur le mot. C'est naturel: ce n'est pas dû à la récolte forestière mais à des feux fréquents.
Nous avons développé des outils pour le reboisement. En ce qui concerne la fixation du CO2 , un bon nombre de nos territoires considérés aujourd'hui comme improductifs vont pouvoir être remis en production. Nous pourrions les comptabiliser comme nouveaux territoires en ce qui concerne la séquestration du CO2.
La relève est le principal défi que nous avons à relever au Québec. Peu d'étudiants s'intéressent au secteur forestier. Très peu de jeunes s'inscrivent dans nos écoles pour devenir technicien ou ingénieur en foresterie. Le même problème touche la formation portant sur la transformation du bois. C'est pourquoi nous prévoyons depuis cinq ou six ans environ une pénurie réelle de main-d'oeuvre. En outre, nous allons certainement être aux prises avec des problèmes de cet ordre dans l'Est pour ce qui est des chercheurs et des spécialistes de la forêt.
En terminant, je recommande au gouvernement canadien d'encourager par tous les moyens possibles l'utilisation du bois pour les édifices tant publics que commerciaux.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux questions, et je vais adresser la première à M. Allan et la seconde au représentant d'Initiative boréale.
Monsieur Allan — et j'invite d'autres représentants à essayer de répondre aussi à ces deux questions —, au sujet du transport régional, vous avez mentionné les tarifs ferroviaires. Vous avez dit que le service en Colombie-Britannique est soit piètre soit inexistant, et je soupçonne que cette critique concerne surtout le service sur les lignes secondaires.
Pensez-vous que la même situation existe sur les lignes principales? On pourrait dire, en particulier, que les compagnies ferroviaires ont réellement un monopole, même s'il existe en sus une ou deux lignes sur courte distance. Lorsqu'une société a besoin, mettons, de wagons pour son bois à pâte, qu'elle en a besoin très vite parce que la scierie est à pleine capacité et qu'elle va devoir se mettre à entreposer, cela semble être un service quasiment fantaisiste ou indifférent de la part de la compagnie ferroviaire. Les entreprises forestières ont déjà bien assez de mal sans être obligées de fermer une scierie par manque de wagons de chemin de fer. Comment peut-on surmonter un problème aussi fondamental pour le pays, à la lumière de toutes ces autres solutions que vous avez proposées?
La deuxième question — et je l'adresse à vous, peut-être, madame Granskou — est la question de la certification. Aujourd'hui, la province de l'Ontario s'est engagée dans la bonne intendance forestière, mais nulle part en Ontario n'est-il possible d'obtenir un certificat de bonne gestion, même après avoir planté des millions d'arbres — et quand je parle de « millions », c'est un bas mot. Nous avons déjà au Canada l'Association canadienne de normalisation et l'Initiative de la forêt durable. La question est donc de savoir comment les compagnies forestières, qui essaient de se conformer à la norme ISO et à tous ces autres types de normes peuvent s'adapter, lorsque tout d'un coup l'on en introduit une autre? C'est comme si une bureaucratie ajoutait un autre niveau une fois qu'elles se sont conformées aux exigences.
Peut-être les autres témoins voudraient-ils également répondre à ces deux questions.
Merci beaucoup.
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C'est une très bonne question.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres en provenance d'Europe — et ils diffèrent de ceux de l'Amérique du Nord. En Europe, on s'est demandé quelle utilisation d'un mètre cube de bois était plus rentable: la production de bioénergie ou bien la fabrication de pâte et de papier? Les chiffres à retenir sont que, sur le plan du PIB, vous avez un multiplicateur huit fois plus grand avec la pâte et le papier qu'avec l'énergie, et au niveau de l'emploi, c'est 13 fois plus.
Si l'on regarde les chiffres qui intéressent nos collectivités, la production de pâte et papier, que nous vendons souvent à l'exportation, engendre davantage d'activité économique. Cela dit, nous songeons aussi à la bioénergie pour toutes sortes de raisons, qui sont principalement associées à notre anxiété, laquelle est en partie, comme vous l'avez mentionné, une inquiétude devant la sécurité énergétique. Le souci est la sécurité environnementale, la sécurité politique: nous voulons relancer l'activité dans les collectivités en crise.
Je pense que la réalité aujourd'hui nous oblige à jeter un regard dénué de passion pour voir ce qui est aujourd'hui économiquement rentable. Nous pouvons fabriquer toute une série de produits énergétiques, depuis les granulés à faible technologie jusqu'aux bioraffineries fabriquant de l'éthanol cellulosique exigeant une plus haute technologie. Il n'y a pas une solution unique, mais je peux vous dire ma réaction viscérale succincte.
Pour ce qui est de l'utilisation à haute technologie du bois pour la production énergétique ou biochimique, il faudra attendre encore de cinq à sept ans avant d'arriver au stade commercial. Ce n'est pas rentable aujourd'hui, et c'est pourquoi nous souhaitons un travail de R et D afin de trouver des procédés plus rentables.
La taille est également très importante dans ce domaine, car lorsqu'on parle d'éthanol cellulosique... La première raffinerie qui va être construite en Amérique du Nord sera située dans l'État de Georgie. Elle produira 100 millions de gallons. Il faut pour cela...
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Merci, monsieur le président.
C'est une discussion très intéressante. Je remercie tous les témoins de leurs exposés, qui étaient très complets.
J'aimerais aborder plusieurs points. Le premier est celui de l'aménagement du territoire qui a été évoqué, je crois, par Mme Granskou et M. Roberts.
Cela est important, surtout pour nos premières nations, qui cherchent à asseoir leur sécurité économique et à développer leur assiette économique. Je serais curieuse de savoir comment l'organisation que vous avez mentionnée, le Forest Stewardship Council, collabore avec les premières nations et les partenaires des collectivités et l'industrie pour développer ses relations et améliorer la sécurité économique.
La discussion sur l'utilisation du bois comme combustible et fibres était très intéressante. Cela met en jeu l'aménagement du territoire et il faut y réfléchir selon une perspective large. Cela va déterminer comment les premières nations et d'autres utilisent la terre et vers quoi nous nous dirigeons sur le plan de l'aménagement du territoire. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Avant de vous laisser répondre à cette question, j'aimerais aborder un autre point, celui des exportations de grumes brutes. Je crois savoir que nous exportons beaucoup de grumes en Corée du Sud et en Chine. J'ai appris que nous exportons entre 8 et 30 p. 100 en Asie. Les chiffres varient énormément, et je ne suis pas sûre du pourcentage réel.
Nous cherchons à accroître nos exportations vers les marchés asiatiques, que je crois importants. Envisageons-nous d'exporter davantage de grumes ou bien des produits à valeur ajoutée? Cherchons-nous à exporter des fibres? Cela me paraîtrait beaucoup plus logique si les fibres vont devenir le générateur de revenus de l'avenir.
En outre, dans quelle mesure des pressions s'exerceront-elles sur le Canada pour que nous exportions nos grumes brutes si la Russie va accroître ses tarifs, qui vont limiter ses exportations vers ces pays? Et que pouvons-nous faire pour conserver l'emploi ici au Canada, conserver les emplois de transformation chez nous? Il s'agit de protéger notre emploi.
Madame Granskou, dans votre document vous avez parlé d'accroître l'âge de rotation des arbres. En Colombie-Britannique, on raccourcit au contraire cette rotation, ce qui fait que l'on coupe des arbres de plus en plus jeunes et petits. Cela oblige par voie de conséquence les scieries à se réoutiller. Je sais qu'il existe des scieries qui peuvent recevoir des grumes plus grosses et qui exportent ce bois vers le marché asiatique.
Pourrais-je avoir vos réponses sur ces points?
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Merci. C'est une très bonne question.
En ce qui concerne l'aménagement du territoire, je pense que la meilleure façon d'appréhender la question est de réaliser qu'il deviendra de plus en plus nécessaire de le planifier étant donné la nécessité, et même l'obligation pour l'État, de consulter les Autochtones. En effet, principalement au cours des 10 dernières années, la jurisprudence a réaffirmé l'impératif de la concertation, et l'aménagement du territoire est un mécanisme clé pour ce faire.
Les pouvoirs publics pêchent sur le plan d'une concertation réelle en matière d'aménagement du territoire et ne lui consacrent pas les fonds requis. Une planification efficace de l'utilisation des terres exige de 5 à 10 millions de dollars sur une période de cinq à huit ans, et elle doit être exhaustive. Initiative boréale canadienne est probablement l'un des grands partenaires sur le terrain, travaillant avec les pouvoirs publics, les premières nations, l'industrie et d'autres pour faciliter cette concertation poussée qui est susceptible de réduire les conflits sur le terrain.
C'est absolument fondamental, mais vu que c'est un processus qui exige du temps, vous pouvez imaginer qu'il n'est pas la première priorité autour des tables des cabinets. C'est pourquoi nous vous exhortons à le soutenir de manière à réduire l'incertitude que connaît le secteur forestier.
Pour ce qui est des co-avantages du carbone, il est possible, par le biais de l'aménagement du territoire, de planifier le rôle du carbone avant le stade de la commercialisation, car le carbone, et notamment le carbone forestier, sera un enjeu commercial à l'avenir. Le Canada devrait se mettre de la partie et, par le biais de l'aménagement du territoire, faire en sorte qu'il soit l'un des facteurs ou l'une des priorités pris en compte au moment de décider quel type d'activité se déroulera sur quelle partie du territoire.
Le climat politique en Ontario et en Colombie-Britannique est bon actuellement pour réfléchir aux crédits de carbone, ce qui pourrait ensuite se répercuter sur les décisions d'aménagement du territoire.
Voilà pour la première question. Aimeriez-vous que je...
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Très rapidement, existe-t-il une opportunité du fait que les Russes n'ont pas...? Encore une fois, il n'y a pas que l'infrastructure physique, il y a l'infrastructure sociale, un total manque de transparence. Ils auront de la difficulté à cet égard.
Lorsqu'ils vont retirer ces grumes du marché, il y aura une fenêtre. À notre avis, il faudra de cinq à sept ans avant qu'ils s'organisent. Ils vont d'abord mettre sur le marché du bois solide. Ils vont exporter du bois d'oeuvre et du contre-plaqué en premier, c'est clair. Ensuite ils vont nous tomber dessus; ils vont d'abord utiliser leur production pour le marché intérieur mais ensuite ils vont viser le marché chinois et japonais. Ils ont un produit de haute qualité.
Quant à leur talon d'Achille, vous croyez que nous avons un problème de main-d'oeuvre? Regardez en Russie. Il est encore plus gros là-bas.
L'une des raisons pour lesquelles notre compétitivité va s'améliorer est que nombre des régions concurrentes vont être touchées par des facteurs négatifs — ce n'est pas que nous-mêmes nous nous améliorons, mais chez eux les choses vont empirer. On le voit abondamment pour ce qui est de la disponibilité de bois. Il est intéressant de voir que le prix des grumes de bois dur à pâte au Brésil est plus élevé que dans l'est du Canada. C'est dû en partie au cours de la monnaie et en partie au fait qu'ils construisent des usines de papier plus vite qu'ils n'arrivent à planter des arbres.
On voit donc une pression à la hausse sur les prix. C'est dû en partie aussi à leur territoire restreint, et vous y avez fait allusion à propos du choix entre produire des aliments, du carburant ou des fibres. Ils vont arracher leurs plantations. Nous connaissons une situation au Vietnam où une plantation d'eucalyptus de trois ans a été coupée. Ils ont planté à la place du palmier à huile. C'est une bonne nouvelle pour les Canadiens, du point de vue des débouchés.
Donc, oui, nous avons des opportunités. La capacité de réception est certainement une source d'inquiétude. C'est vrai. Mais la bonne chose, c'est que les perceptions peuvent changer très vite. Les gens s'intéressent aujourd'hui à des carrières écologiques. Nous devons gérer nos forêts de manière durable, avec sincérité. Ce sera un avantage.
Lorsque je voyage à l'étranger, je rencontre un intérêt sincère de la part des compagnies qui font cela. Nous devons communiquer. Nous avons besoin de porte-parole pour disséminer ce message positif. Nous ne sommes pas une industrie vouée à disparaître. Je pense que nous avons quelques opportunités. Nous pouvons jouer la carte de l'énergie verte durable. Nous pourrons même un jour produire des matières plastiques de sources renouvelables, mais nous n'y sommes pas encore.