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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 décembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je pense que nous avons un quorum suffisant pour entendre des témoins. Je déclare donc la séance ouverte. Le Comité permanent de la condition féminine tient sa huitième séance.
    Nous avons deux témoins qui sont avec nous cet après-midi: Mme Lissa Donner et Mme Armine Yalnizyan. De plus, en vidéoconférence depuis l'Université de l'Australie-Méridionale, nous avons Mme Sharp.
    Est-ce que vous nous entendez, madame?
    Je vous entends et je vous vois très bien aussi. Est-ce que vous me voyez et m'entendez?
    Oui. Je vous souhaite la bienvenue.
    Madame Donner, voulez-vous prendre la parole en premier?
    Chaque témoin aura 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Premièrement, je tiens à vous remercier beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole devant votre comité.
    Je précise que je suis la directrice de la recherche au Community Social Planning Council de Toronto et je suis économiste. Nous faisons de la recherche et du développement communautaire. Nous travaillons avec le secteur des services communautaires à Toronto. Nous sommes financés par Centraide et par la ville de Toronto.
    Le secteur des services communautaires de Toronto compte quelque 1 500 organisations qui fournissent des services directement à des centaines de milliers de résidents et qui touchent la vie de presque tout le monde.
    Hier, Statistique Canada a annoncé que Toronto est l'ONU en action: de toutes les villes de la planète, c'est celle qui compte la plus forte concentration de citoyens nés à l'étranger. Je peux vous dire qu'au cours de nos années de travail avec les groupes communautaire dans des communautés très diverses, la réalité qui s'impose avec le plus de force est que les femmes font la différence dans les sociétés, grâce à nos efforts pour améliorer la vie des citoyens de tous les groupes de revenu, dans tous les quartiers.
    Je vous remercie énormément de prendre au sérieux la question des budgets favorisant l'égalité des sexes.
    Je signale que j'ai mis mes observations par écrit. J'en ai remis le texte aujourd'hui et j'espère qu'il sera traduit et distribué à tous les membres du comité. Le document fait environ cinq pages et je ne le lirai pas textuellement.
    Je voudrais d'abord dire que nous accueillons avec enthousiasme cette discussion sérieuse sur la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes.
    C'est bien sûr important de discuter non seulement de l'outil, mais aussi de ce que l'on veut faire avec cet outil, de jeter un coup d'oeil sur l'analyse faisant ressortir que les politiques budgétaires et les politiques gouvernementales ont des répercussions différentes sur les femmes et les hommes dans notre pays. Il est généralement reconnu que la pleine participation des femmes et l'égalité des sexes sont des précurseurs essentiel pour assurer la croissance économique, le développement social et la durabilité politique.
    En partie, ces trois éléments — la pleine participation des femmes — constituent la raison que l'on donne aux Canadiens pour expliquer pourquoi nos soldats, hommes et femmes, combattent en Afghanistan. Je me rappelle d'avoir été très frappée il y a environ un an et demi quand l'officier militaire qui commande dans la province de Kandahar a dit: « On ne peut pas venir à Kandahar et s'en retourner sans être devenu féministe ». Nous applaudissons chaleureusement les gens qui déploient des efforts là-bas pour que les femmes et les enfants soient intégrés dans le discours politique. Nous vous encourageons à en faire autant ici au Canada parmi nos femmes et enfants marginalisés.
    Nous sommes d'avis que l'engagement fédéral de rehausser la qualité de vie des Canadiens ne peut pas être réalisé en l'absence d'un engagement correspondant envers l'égalité des femmes. À ce jour, il n'y a eu aucune analyse gouvernementale disponible publiquement et montrant l'incidence comparative sur les femmes et les hommes des politiques qui ont été adoptées, par exemple les baisses d'impôt, les compressions dans l'assurance-emploi, le logement et l'aide juridique.
    Non seulement on n'a fait aucune évaluation de ces changements, mais on n'a pas non plus évalué quelle serait l'incidence, non seulement sur les femmes, mais sur l'ensemble de l'économie, d'investissements publics qui augmenteraient la disponibilité de logements et de garderies abordables ou qui réduiraient le coût de l'acquisition de compétences ou des études supérieures pour ceux et celles qui n'arrivent pas à économiser suffisamment d'argent au moyen des REER et REEE.
    La première question que je vous pose est celle-ci: Pourquoi, au départ, voudriez-vous même vous pencher sur la question des budgets favorisant l'égalité des sexes? De quoi s'agit-il et pourquoi s'en soucier?
    En bref, la réponse est que, grâce à la budgétisation favorisant l'égalité des sexes, vous pouvez faire l'une de deux choses. Vous pouvez ou bien examiner ce dont les femmes ont besoin et essayer de trouver le moyen de payer pour donner aux femmes ce qu'il leur faut d'après nous, ou bien vous pouvez examiner comment vous répartissez les ressources publiques et qui bénéficie des politiques financières, fiscales et budgétaires.
    À vrai dire, la budgétisation sexospécifique, en tant qu'outil, ne sert à rien en soi. Cela sert à mettre en place un plan. Vous demanderez peut-être quel serait ce plan sexospécifique et je vous répondrai que nous avons un tel plan et qu'il est en place depuis au moins 1995.
    Mais en fait, tout commence avec ce que nous avons signé en 1948.
    Je signale à titre de curiosité qu'en 1946, c'est un avocat de Montréal nommé John Humphrey qui a rédigé les articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que le Canada a signée, et depuis 1948, le Canada est signataire de l'accord international, dans ses diverses formes, stipulant que les femmes doivent bien sûr s'attendre à pouvoir faire entendre leur voix dans l'arène publique, qu'elles doivent s'attendre à pouvoir vivre dans un environnement sécuritaire; qu'elles doivent s'attendre à obtenir leur part, une juste part de la prospérité, et qu'elles doivent être en mesure de se tailler une place valable dans la vie publique, y compris la vie politique.

  (1545)  

    Nous avons adhéré à tout cela en 1948 en nous engageant à faire une analyse budgétaire sexospécifique ou des vérifications sexospécifiques. Le gouvernement fédéral donnerait enfin suite aux engagements clés pris en 1995 à Pékin, quand nous avons adhéré au programme d'action de Pékin aux côtés de 188 autres nations; pour cela, il nous faudrait mettre en oeuvre des politiques visant à aplanir les obstacles systémiques auxquels se butent les femmes dans leurs efforts pour se libérer de la violence, avoir accès aux objets de première nécessité, pouvoir réaliser leur plein potentiel, et aussi avoir une voix égale dans la vie publique. C'est là une très courte liste de ce que nous devons faire et que nous avons déjà déclaré vouloir réaliser.
    En 1995, le gouvernement fédéral, ayant signé le programme d'action de Pékin, a déclaré que pour réaliser ses engagements pris à Pékin, « La pierre d'assise du plan fédéral est une politique qui prévoit que les ministères et organismes fédéraux procéderont à une analyse comparative entre les sexes des futures politiques et mesures législatives. » Nous attendons toujours que cela se fasse. Nous vous encourageons fortement à prendre cela très au sérieux et à poursuivre les discussions sur la manière de faire en sorte que la budgétisation favorisant l'égalité des sexes devienne réalité, parce que ce sera le catalyseur qui nous permettra de passer aux autres engagements pris envers les femmes en 1995.
    Compte tenu des mesures prises l'année dernière par le gouvernement fédéral pour museler les ONG de femmes qui préconisaient explicitement une égalité plus poussée entre les sexes, et non pas seulement un traitement égal, il est réconfortant de constater que le gouvernement fédéral est actuellement en train d'étudier comment on pourrait réexaminer ces objectifs à l'interne pour s'assurer que les politiques ne soient pas sexistes, c'est-à-dire qu'elles ne favorisent pas les hommes, et qu'elles n'aient pas paradoxalement comme conséquence d'accentuer les avantages dont profitent déjà certains éléments de notre société.
    Les ONG ont toujours dit que la tâche dépasse les ressources disponibles dans notre secteur et qu'en fait, il incombe au gouvernement d'effectuer cette analyse avant de décider comment dépenser notre argent.
    Je voudrais passer en revue très brièvement ce que nous avons signé. D'après la Déclaration universelle des droits de l'homme, signée en 1948, d'après le programme d'action de Pékin, d'après les objectifs de développement du millénaire que nous avons adoptés en 2000 et, plus récemment, quatre provinces et deux partis fédéraux ayant indiqué que nous devons adopter une stratégie globale de lutte contre la pauvreté, je dirais que nous avons une quantité plus que suffisante de plans quant à la manière de s'y prendre pour garantir une plus grande égalité des femmes dans notre pays.
    Toutes ces initiatives avaient de nombreux éléments en commun et les quatre principaux — lesquels, en passant, ont l'appui d'une écrasante majorité de Canadiens, quelle que soit leur préférence politique, comme l'a montré le sondage fait par Environics — les quatre mesures prioritaires que la majorité des Canadiens appuient sont le logement abordable, une éducation postsecondaire abordable, des garderies abordables et une hausse du salaire minimum.
    Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans tout cela et, quel que soit le parti qui prendrait l'initiative à cet égard, celui ou celle qui prendrait sur lui ou sur elle de faire avancer l'un ou l'autre de ces dossiers pourrait compter sur l'appui de l'Immense majorité des Canadiens dans toutes les régions, dans toutes les catégories de revenu, sans distinction de préférence politique.
    Vous remarquerez que ces mesures ne sont pas sexospécifiques. Cependant, elles bénéficient de manière disproportionnée aux femmes.
    Je crois qu'on vous a parlé la semaine dernière des conséquences des baisses d'impôt pour les femmes, en comparaison des hommes. Pour sauver du temps, je ne vais pas vous expliquer maintenant comment faire une meilleure analyse sexospécifique des budgets, mais je tiens à dire que depuis longtemps, les politiques fédérales — il y a ici une petite lacune dans mon exposé et je vais improviser. Je crains de manquer de temps.
    Je tiens cependant à faire le lien avec la dépendance de notre gouvernement fédéral, dépendance qui date de très longtemps, envers la politique d'immigration. Nous allons compter sur les immigrants comme piliers de la croissance économique, encore davantage au cours de la prochaine décennie, durant laquelle nous assisterons à une transformation en profondeur de la population active de notre pays, puisque les gens prendront leur retraite en plus grand nombre que jamais auparavant.
    Il est absolument incongru que nous invitions les gens à venir plus nombreux dans notre pays. Ils sont attirés par les poles de croissance de notre économie, précisément là où ils n'ont pas accès à des logements abordables et où l'infrastructure publique, matérielle et de service, est déjà à la limite de sa capacité.
    Les paliers supérieurs de gouvernement possèdent les outils fiscaux nécessaires pour répondre à ce besoin, mais les villes et les municipalités assument des responsabilités de plus en plus lourdes pour ce qui est de faire fonctionner le système et je veux donc m'attarder un instant au déséquilibre fiscal qui existe.

  (1550)  

    Je tiens à dire que l'orientation politique qui a été adoptée par tous les partis politiques aux deux ordres supérieurs de gouvernement entre 1996 et 2004 n'a pas visé à réaliser l'un ou l'autre des objectifs que j'ai énumérés — logement abordable, garderies abordables, éducation postsecondaire abordable, hausse du salaire minimum, laquelle ne coûterait pas un sou aux gouvernements —, cette politique ayant plutôt consisté à réduire les impôts.
    Je dirai simplement qu'à mon avis, ce groupe de gens que nous avons ici pourrait critiquer férocement une politique qui consisterait à réduire encore davantage les impôts. Nous avons déjà dépensé 250 milliards de dollars en réductions d'impôt entre 1996 et 2004. Le gouvernement fédéral actuel a passé les 21 derniers mois au pouvoir à mettre en place une nouvelle baisse d'impôt de 191 milliards de dollars.
    Nous avons besoin d'investissements et il vous incombe de nous aider à préconiser et obtenir ces investissements dans les domaines où, nous le savons, nous pouvons faire une grande différence dans la vie des femmes, en appuyant un programme axé sur les femmes, en trouvant le moyen d'appuyer un programme qui fait la promotion de la sécurité économique, du développement humain et de la stabilité politique pour tous.
    Je vous remercie de m'avoir écoutée et j'ai hâte d'aborder la prochaine étape du processus.
    Nous passons maintenant à Mme Sharp. Nous n'avons pas le texte de l'allocution de Mme Sharp et nous allons donc prendre des notes pendant que vous parlerez.
    Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.
    Merci beaucoup. Merci de m'avoir invitée.
    Je prends la parole devant vous aujourd'hui à titre de personne qui s'occupe de budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes depuis la mise en place de ce programme en Australie au milieu des années 1980. Cela fait donc quelque 22 ans. Je voulais simplement vous faire part de quelques réflexions et leçons que j'ai apprises durant ce long cheminement.
    Premièrement, je pense qu'il vaut la peine de signaler que dans la majorité des pays, le budget du gouvernement est la principale source de financement pour l'égalité entre les sexes et l'habilitation des femmes. Par conséquent, si nous voulons vraiment promouvoir l'égalité entre les sexes et l'avancement des femmes, nous ne pouvons pas négliger l'incidence du budget gouvernemental.
    Cela dit, il n'y a pas de méthode simple et claire quant à la manière de faire en sorte que le budget du gouvernement atteigne ces objectifs. Ce n'est pas tellement un problème technique ou d'ignorance; bien qu'il y ait des problèmes techniques et que nous ayons besoin de données de plus en plus précises, en particulier des données et une analyse sexospécifique, le problème est plutôt de nature politique.
    Je ne vous apprends probablement rien quand je vous dis qu'au coeur du processus budgétaire, il y a un processus politique qui exige la contestation. Il faut aussi un engagement au plus haut niveau si nous voulons faire changer les choses dans le domaine de l'égalité entre les sexes.
    Je voudrais souscrire aux propos de la dernière intervenante. J'ai trouvé cela intéressant parce qu'en Australie, nous suivons une voie politique semblable en ce sens que nous mettons énormément l'accent ces jours-ci sur les baisses d'impôt comme instrument politique. Les baisses d'impôt et les dépenses fiscales, ce que j'appelle des concessions fiscales, ont d'énormes conséquences sexospécifiques et passent pourtant par le processus budgétaire quasiment sans être remises en question car l'hypothèse admise est que c'est bon pour tout le monde. Or ce n'est pas le cas.
    Je voudrais faire une autre observation. Dans n'importe quel pays industrialisé, il est peu probable que l'on n'ait pas envisagé à un moment ou à un autre de rendre le budget du gouvernement mieux adapté à l'équité et l'égalité entre les sexes. Par conséquent, tout ce processus de budgétisation sexospécifique n'est pas tout à fait nouveau.
    Je lisais l'autre jour un très bon document publié par Condition féminine Canada. On y traitait de l'incidence particulière des dépenses fiscales sur le revenu de retraite des femmes. Voilà un exemple d'un élément de la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes, c'est-à-dire une analyse sexospécifique de l'incidence du budget.
    Je pense que depuis 1995, depuis l'adoption à Pékin du Programme d'action dans lequel on recommandait que les budgets gouvernementaux soient scrutés à la loupe pour en déterminer l'incidence sexospécifique, nous entrons de plus en plus dans une ère où nous nous demandons précisément comment nous pouvons scruter le budget explicitement et systématiquement et amorcer des processus et prendre des mesures qui entraîneront un véritable changement. Il y a probablement eu des éléments de budgétisation sexospécifique dans les pays industrialisés depuis que nous avons élaboré des plans pour promouvoir l'égalité des sexes et favoriser l'avancement des femmes, mais ce qui manquait dans le passé, c'est justement ce lien explicite et systématique avec le processus budgétaire.
    Je pense que j'ai également compris que c'est un geste politique de nommer les choses. Si nous proclamons officiellement que nous adoptons une politique budgétaire favorisant l'égalité des sexes, cela nous impose parfois des contraintes. Je voudrais que la budgétisation sexospécifique devienne de plus en plus la norme, que cela s'inscrive dans le travail quotidien des politiciens, des ONG et des fonctionnaires, surtout ceux des ministères des Finances ou du Trésor.

  (1555)  

    En Australie, nous avons pris l'habitude de dire que nous faisons des « budgets de femmes », comme nous appelions cela au milieu des années 1990. En bout de ligne, cela devient donc un projet plutôt que le train-train quotidien.
    Quand j'en ai parlé à mes collègues de Nouvelle-Zélande, ils m'ont dit: « Nous ne faisons pas de budget sexospécifique ». Je leur ai dit: « C'est intéressant, pour un pays industrialisé qui a une politique des femmes très appuyée ». J'ai donc commencé à déconstruire le processus en leur demandant ce qu'ils faisaient pour mettre en oeuvre leur politique pour les femmes. Il est très vite devenu évident qu'à un certain nombre de niveaux importants, en particulier au ministère des Finances, ils veillent à dégager des ressources suffisantes pour appuyer les projets qui sont nécessaires en vue de mettre en oeuvre leur plan et que les nouveaux projets font l'objet d'une analyse sexospécifique qui va jusqu'au cabinet. Mais ils vous diront: « Nous ne faisons pas de budgétisation favorisant l'égalité des sexes », ce à quoi je rétorque qu'ils se livrent bel et bien à cette politique, en particulier — peut-être moins maintenant, mais encore dans un passé récent — dans le cadre d'une politique néo-libérale très affirmée qui rendait difficile de nommer l'égalité des sexes et la promotion des femmes comme objectifs prioritaires.
    Je vais maintenant vous énumérer quelques leçons clés que j'ai apprises au cours de mes 22 années de travail dans ce domaine.
    Premièrement, il n'y a aucun doute qu'il est important de dégager des crédits ciblant spécifiquement les femmes et les filles, ou les hommes et les garçons. Mais nous ne devons pas perdre de vue que ces crédits sont minuscules par rapport au budget total. Toutes les évaluations — j'en ai fait une moi-même dans mon État d'Australie-méridionale — montrent que cela représente toujours moins de 1 p. 100 du budget total. Il est donc important, quand on parle de budgétisation favorisant l'égalité des sexes, de se pencher vraiment sur le reste des dépenses gouvernementales, les 99 p. 100 qui ne sont pas sexospécifiques, mais qui ont des conséquences importantes et différenciées selon les sexes, comme les politiques de revenu de retraite, les politiques familiales, les politiques relatives à l'infrastructure, les baisses d'impôt, etc. On nous dit souvent que ces politiques ne sont pas conçues en fonction des femmes ou des hommes, mais il s'agit justement de voir quelles sont exactement leurs conséquences et de les changer si elles ne nous plaisent pas.
    Certains pays persistent à mettre l'accent sur des crédits budgétaires ciblés selon les sexes. Je ne veux pas dénigrer cette politique. Je dis simplement que nous devons comprendre clairement qu'il s'agit là d'un élément seulement de la budgétisation sexospécifique et que ce n'est pas le plus important en termes de montants ou d'incidences.
    Une autre observation que j'ai faite non seulement chez moi en Australie, mais dans tous les pays du monde où j'ai travaillé, est que le contexte économique et politique global, en particulier la stratégie macro-économique qui est en place et les discours sur le rôle du gouvernement, joue un rôle fondamental pour ce qui est de décider de ce que l'on peut réaliser en termes d'égalité des sexes, mais surtout, tout aussi important, cela influence la conception de tout exercice de budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes que l'on voudrait mettre en oeuvre.

  (1600)  

    Excusez-moi, il vous reste une minute.
    D'accord.
    Dans un contexte néo-libéral, il est beaucoup plus difficile d'obtenir des augmentations de dépenses par l'entremise du budget, mais il y a des possibilités d'action. Nous pouvons utiliser plus efficacement les réformes budgétaires récentes qui mettaient l'accent sur la transparence, la reddition de comptes et la participation et se servir des indicateurs fondés sur les résultats pour les rendre plus sensibles à l'égalité des sexes.
    En dernier lieu, ce qui est crucial dans ce grand dossier, ce que j'ai dit d'entrée de jeu, c'est qu'il faut des champions pour piloter ce dossier et il faut qu'ils soient là à long terme. Il faut aussi pouvoir compter sur l'engagement politique du gouvernement au plus haut niveau pour s'assurer que le dossier chemine et il faut que le Trésor emboîte le pas. On ne peut se permettre de laisser ces gens-là en dehors du portrait.
    Le dernier élément nécessaire, c'est une société civile très dynamique et des ONG qui exercent des pressions et s'expriment haut et fort au sujet du budget.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame.
    Nous allons maintenant passer à Mme Donner. Je vais aussi vous faire signe lorsqu'il vous restera une minute.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître. Je suis ici à titre de bénévole représentant UNPAC Manitoba. UNPAC est un sigle qui veut dire United Nations Platform for Action Committee.
    À Winnipeg, je suis travailleur autonome. Je fais des travaux de recherche en grande partie consacrés à l'égalité entre les sexes et à la santé et la situation socio-économique des femmes.
    UNPAC Manitoba existe depuis 1995. Quarante-cinq Manitobaines ont assisté à la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes à Pékin. À leur retour, comme Armine l'a mentionné, elles ont voulu, avec beaucoup d'enthousiasme, poursuivre le travail et ont insisté auprès du gouvernement pour que le Canada honore ses engagements au titre du Programme d'action de Pékin.
    UNPAC fonctionne depuis cette époque. De 2003 à 2007, UNPAC a reçu une aide financière de Condition féminine Canada pour son projet de budget tenant compte de la différence entre les sexes. UNPAC a aussi reçu une aide financière de la province du Manitoba, et espère que CFC continuera à le financer pour qu'il poursuive son travail. En ce moment, un certain nombre de membres du personnel ont été licenciés à cause des coupures budgétaires.
    J'aimerais vous parler quelque peu du projet de budget tenant compte de la différence entre les sexes, dont le but ultime est de réduire la pauvreté chez les femmes. Effectuer des études abstraites des budgets des gouvernements fédéral et provinciaux ne nous intéresse pas. Les politiques et les décisions budgétaires gouvernementales peuvent atténuer ou exacerber le fardeau de la pauvreté qui accable les femmes de façon disproportionnée.
    UNPAC a utilisé l'éducation, la consultation et la collaboration avec les décideurs pour atteindre ses objectifs; le comité a adopté une démarche où il intervient à la fois « au sommet et à la base » en travaillant avec les décideurs et avec les femmes des localités.
    À la « base », cette stratégie a permis d'organiser 46 ateliers communautaires sur une période de deux ans, de 2005 à 2007. Ces ateliers, qui se sont déroulés en divers lieux du Manitoba, visaient à présenter à des femmes ayant pour la plupart un faible revenu les processus gouvernementaux d'établissement d'un budget. Ils avaient aussi pour objet de découvrir les priorités de ces femmes en ce qui a trait aux recettes et aux dépenses gouvernementales. Ces ateliers étaient conçus pour être amusants et interactifs.
    UNPAC a aussi créé un personnage de bande dessinée appelé « La Femme Fiscale ». Vous pouvez en voir un dessin à la page 2 de mon texte. Ce personnage a paru dans des bandes dessinées et sur des cartes postales destinées à populariser ces questions. La Femme Fiscale a aussi comparu en personne à l'Assemblée législative du Manitoba, où elle a commenté les budgets provinciaux de 2006 et de 2007.
    Les ateliers qui ont eu lieu un peu partout dans notre province sur une période de deux ans ont permis de dégager un certain nombre d'enjeux. Les thèmes — Armine et moi n'avons pas planifié cela — sont remarquablement semblables. Premièrement: le logement, le logement et le logement; deuxièmement, les services de garde d'enfants; troisièmement, un transport en commun abordable; quatrièmement, l'emploi, le travail et le revenu — des emplois correctement rémunérés, l'équité salariale et de meilleures possibilités d'emploi pour les femmes; la santé, en mettant l'accent sur la prévention; l'intersectionnalité, c'est-à-dire des programmes qui tiennent compte de la manière dont tous ces facteurs contribuent à créer des obstacles pour les femmes; les programmes gouvernementaux — avec un financement stable, à long terme et des ressources adéquates et un personnel sensible aux besoins et aux expériences des femmes à faible revenu; et les recettes gouvernementales.
    Comme les deux intervenantes précédentes l'ont mentionné, les perspectives des femmes qui ont participé à ces ateliers n'étaient pas vraiment en synchronisme avec les initiatives du gouvernement fédéral actuel. Collectivement, elles ont réclamé ce qui suit: une hausse de l'impôt sur les sociétés; une augmentation de l'impôt sur le revenu personnel pour les particuliers ayant des revenus élevés; des taxes sur le luxe et le vice, notamment une taxe sur les aliments-camelote, et des taxes vertes.
    Voilà pour le volet « base » du travail de UNPAC. Mais qu'en est-il du volet « sommet »?
    Au « sommet », la stratégie était conçue pour transmettre un message aux décideurs clés au sujet de l'importance de l'analyse comparative entre les sexes et des priorités des femmes.
     À la fin de chaque atelier, les participantes pouvaient écrire à leur député provincial pour lui demander que cette analyse comparative soit intégrée au processus budgétaire et pour lui communiquer leurs propres priorités budgétaires. Des copies de ces lettres étaient transmises au ministre des Finances et à la ministre responsable de la Condition féminine.
    UNPAC a aussi rencontré le ministre des Finances provincial, l'honorable Greg Selinger, et d'autres ministres clés tels que la ministre responsable de la Condition féminine et le ministre des Services à la famille et du logement.

  (1605)  

    Grâce à l'aide du ministre des Finances, ces rencontres ont été suivies par une série de réunions avec des hauts fonctionnaires qui ont permis de discuter des moyens qui s'offrent au gouvernement d'utiliser les résultats des consultations au niveau communautaire.
    À la suite de ces initiatives, le ministre des Finances a déclaré qu'il souhaitait que les compétences en matière d'analyse comparative entre les sexes et d'analyse de la diversité soient améliorées chez les fonctionnaires provinciaux. UNPAC a encouragé ces efforts et a appuyé le lancement de projets-pilotes pour tester l'utilisation de l'analyse comparative entre les sexes (ACS) et renforcer sur le plan interne les compétences dans ce domaine.
    Lors de cette première étape, la province a établi un ordre de priorité pour les analyses de la situation des femmes et des hommes, des garçons et des filles autochtones, ainsi que des femmes et des hommes, des garçons et des filles handicapés. Et comme professionnelle, j'ai été pressentie pour prendre la direction de ce projet.
    Nous avons commencé par un cours de formation à l'analyse de la diversité et de l'égalité entre les sexes à l'intention des gestionnaires de programmes et des analystes de politiques. Ensuite, quatre projets pilotes ont vu le jour. Ils portaient sur des enjeux prioritaires identifiés par les ministères. Le premier par le ministère des Affaires autochtones et du Nord, le deuxième par la Direction des services des bibliothèques publiques, le troisième par les Services à la famille et au logement, que je vous décrirai plus en détails, et le quatrième par le ministère manitobain de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Initiatives rurales.
    Dans le reste de mon exposé, je mettrai l'accent sur une partie du travail effectué dans le cadre du projet-pilote du ministère manitobain des Services à la famille et du logement. Le ministère souhaitait obtenir plus de données démographiques sur les Manitobains ayant « un besoin impérieux de logement », pour reprendre le vocabulaire de Statistique Canada.
    Et si vous avez la version anglaise de mon mémoire, la définition de ce concept figure à la page 5, dans une note en bas de page. Trois éléments caractérisent cette notion: l'abordabilité, l'adéquation et le nombre suffisant de pièces.
    Le ministère voulait avoir une idée plus précise de la population manitobaine ayant un besoin impérieux de logement afin de mieux planifier l'aménagement et le réaménagement de logements sociaux dans notre province, et particulièrement à Winnipeg.
    On publie habituellement les données relatives aux ménages ayant un besoin impérieux de logement. Intuitivement, cela paraît logique, mais en fait, cela masque les différences entre les sexes dans l'incidence des besoins impérieux de logement.
    À la page 5 de la version anglaise de mon mémoire, vous pouvez voir un tableau standard représentant cette réalité. À Winnipeg, tout comme au Manitoba et dans l'ensemble du Canada, le pourcentage de ménages éprouvant un besoin impérieux de logement a augmenté entre 1991 et 1996, puis diminué de 1996 à 2001. Depuis 1996, la proportion des ménages ayant un besoin impérieux de logement à Winnipeg demeure inférieure à celles du Manitoba et du Canada. Par conséquent, où est le problème? Pourquoi vous plaignez-vous toutes?
    En 2001, plus de 60 000 habitants de Winnipeg avaient un besoin impérieux de logement. En tenant compte du sexe dans notre analyse, nous avons découvert qu'il était plus fréquent que les femmes aient un besoin impérieux de logement. À Winnipeg et au Manitoba dans son ensemble, 100 hommes étaient dans cette situation par rapport à 125 femmes. D'entrée de jeu, on peut donc voir que la simple désagrégation des données selon le sexe a fait une grande différence pour ce qui est de notre compréhension de la situation. Le tableau 2, à la page 6 de la version anglaise de mon mémoire, illustre cette situation.
    Nous voulions également examiner les besoins impérieux de logement chez les hommes et les femmes pendant tout leur parcours de vie. Nous avons constaté que le groupe le plus important d'habitants de Winnipeg ayant un besoin impérieux de logement était formé par les enfants, près de 21 000, et par les jeunes adultes âgés de 18 à 44 ans, en particulier les jeunes femmes. Environ 13 600 jeunes femmes avaient un besoin impérieux de logement dans ma ville en 2001. Le tableau 3 illustre ce fait.
    La vice-présidente (Mme Patricia Davidson): Madame Donner, il vous reste une minute.
    Mme Lissa Donner: D'accord.
    Notez que la proportion de personnes ayant un besoin impérieux de logement est plus faible chez les hommes âgés que chez les jeunes en âge de travailler. Elle est plus élevée chez les femmes âgées que chez les femmes plus jeunes.
    Je me rend compte que mon temps de parole tire à sa fin. J'aimerais attirer votre attention sur le tableau 4 qui fait intervenir l'état de personne handicapée. Encore une fois, les femmes handicapées sont plus susceptibles que les hommes handicapés d'avoir un besoin impérieux de logement. C'est la même chose pour les femmes autochtones comparativement aux hommes autochtones et aux femmes non autochtones. La même situation se répète si l'on compare les hommes et les femmes selon leur statut d'immigrant.
    Selon les participants aux ateliers communautaires de l'UNPAC, le logement constitue une des principales sources de préoccupations budgétaires pour les femmes, quel que soit leur lieu de résidence dans la province.

  (1610)  

    Les recherches effectuées dans le cadre d'un projet d'analyse de la diversité et de l'égalité des sexes pour la province du Manitoba ont aidé à documenter le fait que ce sont surtout les femmes qui avaient un besoin impérieux de logement; elles ont aussi aidé les employés provinciaux à mieux prendre conscience de l'importance de la diversité et de l'égalité des sexes dans la planification des programmes gouvernementaux.
    En conclusion, j'aimerais dire une chose importante, soit que le ministère manitobain des Services à la famille et du logement a déclaré que ces données l'aideront à formuler ses décisions futures au sujet de l'aménagement et du réaménagement d'unités de logements sociaux.
    Nous nous permettons de rappeler au comité l'obligation du Canada, en vertu du Programme d'action de Pékin, d'oeuvrer en faveur de l'égalité des sexes et d'entreprendre une analyse comparative entre les sexes. La question qui se pose est de déterminer comment procéder pour intégrer cette analyse au budget et non de décider si, oui ou non, cela doit se faire.
    Nous recommandons au comité d'encourager le gouvernement fédéral à appuyer les collaborations entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux afin de mieux comprendre les incidences différentes des initiatives budgétaires sur les hommes et les femmes, et d'agir en conséquence. Comme cette étude de cas le montre, les politiques et les programmes dans le domaine du logement peuvent paraître « non sexistes » au premier abord, mais il est fréquent qu'ils le soient dans la pratique.
    Merci beaucoup.
    Je remercie tous nos témoins.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions. Au cours du premier tour de table, les interventions seront de sept minutes.
    Nous allons commencer par M. Pearson.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins d'être venues. Ce fut tout un changement pour nous que d'essayer d'assimiler le concept de la budgétisation favorisant l'égalité des sexes.
    J'ai une question brève pour Mme Sharp. À notre avant-dernière séance, nous avons accueilli un professeur américain qui nous a parlé de l'analyse budgétaire comparative entre les sexes. Il a cité l'Australie en exemple. Selon lui, les choses avaient bien commencé, mais elles se sont gâchées par la suite. Est-ce exact? S'il y a eu un dérapage, pouvez-vous nous dire pourquoi?
    Je dirai tout d'abord qu'au niveau fédéral, cela a quand même duré de manière très explicite et visible pendant 12 ans, ce qui n'est pas mauvais dans n'importe quel contexte. Tous les gouvernements étatiques et territoriaux ont introduit la budgétisation tenant compte de l'égalité entre les sexes, ce que j'appelle maintenant la budgétisation par les « fémocrates », ce qui veut dire que les responsables en étaient les bureaucrates chargés d'élaborer la politique relative aux femmes dans l'appareil gouvernemental. Ces exercices se sont poursuivis de manière similaire jusqu'en 2001.
    Ce qui s'est passé après cela, c'est qu'au niveau fédéral, nous avons eu un changement de gouvernement, lequel a encore changé tout récemment. En 1996, le gouvernement avait aboli l'exercice du type fémicrate et l'avait remplacé par un énoncé budgétaire ministériel présenté chaque année. C'était donc encore visible, mais c'était davantage politisé et moins fondé sur une analyse. Les ministères reconnaissaient ainsi publiquement que le gouvernement leur disait qu'ils devaient continuer à rendre des comptes au public d'une manière ou d'une autre.
    En Australie-méridionale, l'exercice a pris diverses formes. Même en 2003, le Trésor publiait encore dans les documents budgétaires une annexe dans laquelle on disait quelle était l'incidence sur les femmes et les filles.
    Je dirais que les choses ne restent jamais pareil. En Australie, nous avons commis l'erreur de croire que nous pourrions avoir le même modèle éternellement. La situation change, en particulier le climat économique et politique. Au début ou au milieu des années 1990, nous avons adopté un discours différent selon lequel le rôle du gouvernement devait être réduit constamment. Quand nous avions introduit la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes, c'était dans un environnement économique davantage keynésien, où il était possible d'obtenir des hausses importantes du budget consacré aux dossiers des femmes. Quand cet environnement a changé, nous n'avions pas vraiment de stratégie, sinon d'empêcher le pire d'arriver.
    Nous en savons beaucoup plus maintenant, mais je pense que chaque pays doit concevoir l'exercice en fonction de sa propre conjoncture. Je dirais qu'aujourd'hui il y a plutôt un processus consultatif au gouvernement en ces matières et l'on met beaucoup plus l'accent sur une approche globale applicable à l'ensemble du gouvernement, mais nous n'appelons plus cela un exercice de budgétisation sexospécifique ou un budget tenant compte des spécificités des femmes; nous essayons toujours d'intégrer l'élément budgétaire au processus. Ce qui nous manque encore, à mon avis, c'est un mouvement fort à l'extérieur du gouvernement qui exercerait des pressions en matière budgétaire.

  (1615)  

    Merci, madame Sharp, pour cette réponse.
    Madame Yalnizyan, j'ai trouvé que vous avez fait des déclarations qui donnaient matière à réflexion au début de votre intervention. Nous essayons de comprendre la problématique des budgets sexospécifiques. À bien des égards, je pense que le problème tient en grande partie au fait que nous ne savons pas trop par où commencer.
    J'ai passé pas mal de temps à travailler en Afrique au fil des années. Avec des groupes de femmes et d'autres, nous avons signé toutes sortes de déclarations avec les dirigeants communautaires et autres, et quand on revient un an plus tard, on constate que rien n'a été respecté. Évidemment, c'est l'Afrique. Au Canada, je sais bien que nous sommes un pays passablement avancé, avec notamment la signature du document de Pékin en 1995, et pourtant nous semblons avoir de la difficulté à progresser nous-mêmes dans ce dossier.
    Ma question est donc celle-ci. Les gens comme moi qui essaient de comprendre auraient besoin de ce qu'on pourrait appeler La budgétisation sexospécifique pour les nuls — je parle pour moi —, enfin quelqu'un ou quelque chose qui nous donnerait un coup de pouce au départ.
    Vous avez mentionné quatre éléments. Je pense que vous avez nommé l'éducation postsecondaire, le logement, l'équité salariale et quel était encore le quatrième?
    Les garderies et le salaire minimum. En fait, le quatrième élément est le salaire minimum et cela ne coûterait rien au gouvernement. Il s'agirait seulement de fixer les règles.
    Je me demande si vous pourriez nous donner un seul exemple qui serait intéressant d'après vous. Comment pourrions-nous amorcer le processus, au lieu de nous contenter d'étudier tout cela et d'essayer de comprendre? Comment pouvons-nous faire en sorte que ça marche?
    Je dois dire, monsieur Pearson — je vous remercie beaucoup pour votre question — que ce n'est pas quelque chose de flou. En fait, ce qui est en jeu, c'est beaucoup plus la réduction de la pauvreté que n'importe quoi d'autre, comme Lissa l'a dit. En fait, il s'agit seulement de progresser dans les dossiers où nous n'avons pas investi.
    Sauf votre respect, il faut revenir au milieu des années 1990. Vous savez, on entend souvent dire que les pauvres ont été les plus durement touchés par les efforts en vue de remettre de l'ordre dans nos finances, et je dois répéter encore et encore que ce sont les femmes qui ont accusé le coup. Ce sont les femmes qui étaient les principales bénéficiaires des programmes que l'on a supprimés. Ce ne sont pas les femmes qui sont les principales bénéficiaires des baisses d'impôt.
    Nous semblons avoir beaucoup d'argent à dépenser à droite et à gauche. Je dois vous rappeler que nous sommes la neuvième économie au monde en dépit de notre population réduite. Pour moi, en tant qu'économiste, c'est un chiffre qui me saute aux yeux, le fait que nous soyons la neuvième économie au monde. Nous sommes la seule économie des pays industrialisés avancés à enregistrer des surplus budgétaires. Nous l'avons fait au cours des 10 dernières années et cela continuera d'être le cas dans un avenir prévisible, maintenant que les gouvernements provinciaux ont eux-mêmes des surplus... et nous ne semblons pas avoir assez d'argent pour lancer un projet national du logement qui, nous le savons, améliorerait sensiblement la vie des femmes.
    Les femmes n'ont personne vers qui se tourner. Les refuges pour femmes victimes de violence sont pleins. Elles s'en vont dans les refuges d'urgence avec leurs enfants, alors que ce n'est pas un endroit convenable pour les femmes et les enfants.
    Je trouve cela incompréhensible. Nous invitons les immigrants à venir. Où vont-ils? Ils vont à Toronto, Montréal et Vancouver. Où trouve-t-on les pires crises du logement dans notre pays? À Vancouver, Montréal et Toronto. Nous n'avons aucune politique nationale. On considère que ce sont les villes qui doivent s'en occuper. On ne peut pas le faire sans que tout le monde soit à l'unisson. Les villes n'ont pas les ressources voulues pour répondre aux besoins suscités par les conditions de vie.
    Donc, pour moi, de toutes les mesures que vous pourriez prendre, le logement serait l'élément le plus important et qui pourrait faire la plus grande différence dans la vie des femmes, mais ce n'est pas sexospécifique. Quand on étudie l'incidence des baisses d'impôt — on vous en parlé la semaine dernière —, on s'aperçoit que les principaux bénéficiaires des baisses d'impôt sont les hommes. Il suffit de consulter les données fiscales pour s'en convaincre. Où se situent les femmes dans l'échelle des revenus? Au milieu et au bas de l'échelle. Qui touche la part du lion des baisses d'impôt? Ceux qui se situent depuis le milieu jusqu'au sommet. C'est ainsi que cela fonctionne.
    Par conséquent, si vous voulez dépenser notre surplus de manière à investir dans l'avenir, le logement serait l'élément numéro un, le fait de s'assurer que les gens aient un toit...

  (1620)  

    Je suis désolée d'avoir à vous interrompre.
    Je vous en prie. Je vous fais mes excuses.
    Non, je vous en prie.
    Nous allons passer à quelqu'un d'autre et peut-être aurez-vous l'occasion de donner de plus amples explications sur tout cela.
    Nous entendrons maintenant Mme Deschamps, qui a sept minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, je vous souhaite la bienvenue.
    Je vais poursuivre dans la foulée de ce que M. Pearson disait. C'est assez complexe. On a parfois l'impression de vivre un étonnant paradoxe. On essaie de définir le budget favorisant l'égalité entre les sexes et de se donner les outils pour y arriver. Depuis les deux dernières années, on a fait face à deux budgets du gouvernement conservateur qui ne semblent pas favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes.
    Une question m'interpelle beaucoup. Est-il préférable de consacrer tous les excédents budgétaires d'un gouvernement à la dette ou d'investir une partie de ces sommes dans les programmes sociaux afin, justement, de favoriser l'égalité entre les sexes?
    Depuis la dernière année, on a entendu des témoins nous parler de la sécurité économique des femmes. On a fait à peu près le tour de tout ce qui pouvait concerner cette sécurité économique. On parle des femmes âgées, du logement, de l'assurance-emploi, des femmes monoparentales. De façon générale, ce sont des femmes qui sont à la tête des familles monoparentales. Donc, très peu d'outils existent actuellement. De plus, dans le dernier énoncé budgétaire du gouvernement, rien n'indique que des mesures et des moyens concrets seront pris afin de favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes.
    Le fait de consacrer tous les excédents budgétaires à la dette ne vient-il pas accentuer davantage l'inégalité entre les hommes et les femmes?

  (1625)  

[Traduction]

    Je ne suis pas sûre que je devrais répondre en premier, parce que je pense que vous avez entendu ce que j'ai dit. Selon moi, ce que le gouvernement conservateur a fait dans les deux derniers budgets, c'est essentiellement d'affecter 191 milliards de dollars du surplus des prochaines années à des baisses d'impôt et 37 milliards de dollars de surplus à la réduction de la dette, ce qui ne fera rien, absolument rien pour rapprocher les femmes de l'égalité avec les hommes, parce que nous avons besoin d'argent; nous avons besoin d'investissements publics. Voilà ce qui bénéficie aux femmes. Je pense que j'en ai assez dit là-dessus.
    On vous a dit la semaine dernière que les baisses d'impôt avantagent surtout les hommes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la budgétisation sexospécifique est, à tout le moins, une manière de montrer que vous n'obtenez pas les résultats contraires à ceux recherchés en avantageant ceux qui sont déjà avantagés par des ressources publiques plus abondantes.
    Je serais vraiment contente que votre comité, qui fait vraiment du bon travail, ait un débat quelconque sur la manière d'utiliser les surplus budgétaires. Il n'est même pas nécessaire de taxer les gens pour améliorer la situation de la population.

[Français]

    Madame Donner.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je souscris aux propos d'Armine.
    Pour ajouter à cela, nous sommes ici en train de discuter des budgets sexospécifiques et j'ai donné l'exemple du logement parce que je voulais que les membres du comité comprennent que même dans des dossiers qui semblent à première vue ne comporter aucune distinction de sexe, on observe souvent des répercussions différentes pour les hommes et les femmes. La raison d'être de l'exercice de la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes, c'est justement de réfléchir à tout cela dès le départ.
    Par exemple, votre comité pourrait recommander que le ministère des Finances soit tenu d'élaborer des analyses des répercussions différentes sur les femmes et les hommes de toute nouvelle initiative budgétaire. Ainsi, le Canada se conformerait à ses engagements pris aux termes du programme d'action.
    Cela nous ramène à votre observation et à votre question de tout à l'heure, monsieur Pearson, au sujet d'un manuel de budgétisation sexospécifique pour les nuls. Ce n'est pas vraiment très difficile. Au ministère des Finances, on trouve des spécialistes experts en la matière, comme Armine l'a dit, qui sont capables de déterminer qui sera gagnant et qui sera perdant relativement à toute nouvelle initiative gouvernementale, qu'il s'agisse de dépenses ou de baisses d'impôts.
    Je pense que votre comité doit comprendre qu'aux termes de nos engagements pris dans le cadre du Programme d'action de Pékin, le Canada est tenu de se pencher sur les répercussions différentes des initiatives budgétaires sur les femmes et les hommes. À titre de contribuable canadienne, je serais des plus heureuses si vous recommandiez que le ministère des Finances fasse simplement cela.
    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Ce que j'ai retenu davantage des propos de Mme Sharp, qui est en vidéoconférence, c'est que son gouvernement profitait — ils ont changé de gouvernement, eux aussi — du fait que le budget ait été établi et influencé par des groupes de femmes ou par des femmes.
    Ai-je bien compris, madame Sharp?

[Traduction]

    Ce que je disais, c'est que durant la première période de 12 ans, nous avons utilisé un modèle dans lequel la budgétisation tenant compte de l'égalité entre les sexes était dictée par les officines gouvernementales qui s'occupaient de l'élaboration des politiques des femmes. Quand la situation politique et économique a changé en 1996 — vous devez faire preuve de clairvoyance quand vous concevez de tels exercices, et j'y reviendrai dans un instant —, le nouveau gouvernement fédéral a réduit de 40 p. 100 les bureaux chargés des dossiers des femmes. Cela a mis fin à l'exercice, et il vous faut donc une structure durable.
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé, madame Sharp. Nous devons passer à quelqu'un d'autre. Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Grewal, qui a sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie, mesdames, de vos exposés fort informatifs et très intéressants.
    J'ai une question pour Mme Yalnizyan.
    Madame Yalnizyan, dans votre rapport intitulé L'engagement du Canada envers l'égalité: Une analyse des sexospécificités des 10 derniers budgets fédéraux (1995-2004), vous dites qu'en 1995, le gouvernement libéral avait promis d'entreprendre une analyse comparative entre les sexes à l'égard de tous ses budgets et ses politiques microéconomiques et qu'il n'a jamais respecté son engagement. Pourriez-vous commenter cette période?

  (1630)  

    J'aimerais bien pouvoir rapporter que les choses sont différentes — qu'il y a une différence entre les partis —, mais malheureusement les deux gouvernements qui se sont succédés depuis 1995 n'ont pas réussi à concrétiser les engagements pris à Pékin. À cet égard, les libéraux et les conservateurs ont autant à se reprocher. Toutefois, je suis convaincue que nous pourrons collaborer avec le parti au pouvoir, conservateur, libéral ou autre, pour renverser la vapeur et tirer parti des surplus considérables du gouvernement. Le Canada a la possibilité de puiser dans ses surplus pour améliorer le sort des Canadiens et des Canadiennes. C'est une occasion qui se présentera non pas une seule fois dans une génération, mais dans toute l'histoire économique de notre pays. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Après avoir imposé des compressions pendant trois ans, de 1995 à 1998, lorsque le gouvernement libéral a eu la possibilité de réinvestir dans les programmes dans lesquels ils avaient sabré, il ne l'a pas fait. Mais le gouvernement conservateur ne l'a pas fait non plus. Personne ne s'en tire sans tache dans ce dossier.
    En tant que députée au Parlement, des centaines de mes commettants — des hommes, des femmes, des jeunes filles — sont venus me voir pour exiger que le gouvernement fédéral abaisse les impôts. À votre avis, si le gouvernement fédéral adoptait la budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes, serait-on justifié de privilégier les réductions d'impôt par opposition à de nouveaux programmes de dépenses?
    Madame Grewal, j'ignore de quoi vous parlez avec vos commettants. Mais je sais qu'en général, dans le cadre de notre travail au Social Planning Council, que je représente, personne ne réclame des réductions d'impôt. Les gens veulent avoir plus de services.
    Je ne sais pas si vous vous souvenez de cet incident. Je vis à Toronto, et il y a environ six semaines, nous avons été témoins d'une intense querelle politique. La question était de savoir quels centres communautaires, quelles patinoires et quelles piscines allaient devoir fermer. La municipalité a décidé de hausser les taxes pour éviter ces fermetures qui touchaient des quartiers où l'on essayait d'empêcher les jeunes de s'entretuer à coups de fusil. Le problème, c'est que ces jeunes sont désoeuvrés. Par conséquent, il est nécessaire de garder ouverts ces centres d'activité.
    Je pense que la population canadienne en est arrivée au point où... Je ne dis pas que les citoyens sont disposés à payer davantage, mais ils ne veulent pas que l'on réduise les services. À ce stade-ci, je ne pense pas que le gouvernement puisse continuer à abaisser les impôts sans que cela risque de se traduire par une perte de services. Ce n'est pas ce que veulent les Canadiens.
    Voudriez-vous répondre à cela?
    Oui. Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre, madame Grewal.
    Au cours du présent exercice, nous évoquons la possibilité d'intégrer une analyse comparative entre les sexes dans le processus budgétaire. Si votre comité réussissait à convaincre le ministère des Finances d'intégrer cette perspective dans son analyse des nouvelles initiatives fédérales, il ressortirait très clairement que les réductions d'impôt sont plus avantageuses pour les hommes que pour les femmes. Par conséquent, en accordant des réductions d'impôt généralisées, le Canada ne respecte pas l'engagement qu'il a pris au titre du Programme d'action de Pékin. Il y a là un lien très direct.
    Les gens parlent de budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes ou d'analyse comparative entre les sexes dans la budgétisation ou encore de budgets sexospécifiques comme s'il s'agissait d'un sujet abstrait n'ayant guère de rapport avec leur vie. Or, tout cela est très terre à terre. C'est d'ailleurs ce que l'UNPAC a tenté de démontrer, avec succès, grâce à ses ateliers qui ont réuni des femmes ordinaires un peu partout au Manitoba — en zones rurales, urbaines et dans le Nord. Ces questions touchent très directement les femmes.
    Précédemment, d'autres témoins ont dit au comité qu'environ 60 pays avaient pris des initiatives en matière de budgétisation favorable à l'égalité des sexes.
    Êtes-vous au courant de certaines de ces initiatives et pouvez-vous nous donner une idée des leçons que l'on peut en tirer?
    Je connais bien un grand nombre d'entre elles. Dans mon exposé, j'ai essayé de m'attacher à certaines grandes leçons qu'il faut garder à l'esprit. Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'engagement politique et sur les divers rôles des acteurs qui doivent participer à ce processus.
    L'une des intervenantes a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas se laisser distraire par la problématique de la budgétisation sexospécifique; il ne faut pas s'y tromper: la budgétisation sexospécifique vise un objectif très concret, soit la mise en oeuvre de politiques en vue d'éliminer la pauvreté, de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, etc.
    À propos de ces 60 ou 70 initiatives — nous avons du mal à les compter — il faut que vous sachiez qu'elles sont incroyablement diversifiées. Elles diffèrent les unes des autres au chapitre du style, de l'identité des participants, des politiques, etc. Mais elles ont aussi des objectifs très différents en ce sens que chaque pays doit se poser la question: Que souhaite-t-on accomplir en l'occurrence?
    Dans votre pays, on déploie déjà des efforts en vue de réaliser certains objectifs grâce à des budgets tenant compte de l'égalité des sexes. Dans l'exposé précédent, on a donné l'exemple d'ateliers ouverts aux femmes démunies qui tentaient de sensibiliser les autorités au problème du logement; c'est une initiative. Il se peut que l'on se retrouve au Canada avec une myriade d'initiatives qui pourraient être financées par votre Trésor, votre ministère des Finances — je ne sais pas comment vous appelez cela au Canada, ce qui exigerait que l'on évalue la pertinence de nouveaux débours.
    Comme les nouveaux débours ne représentent pas une part importante du budget, ce n'est pas un exercice tellement exigeant. Mais comme vous avez des surplus budgétaires, il est intéressant de s'attacher à l'usage qu'on entend en faire. C'est crucial au plan politique car il semble à première vue — ce qui est faux — que l'on n'enlève rien à personne, mais que l'on distribue simplement des avantages.

  (1635)  

    Merci beaucoup. Madame Grewal, je suis désolée, mais votre temps de parole est expiré.
    Nous passons maintenant à Mme Mathyssen, pour sept minutes, je vous prie.
    Merci, madame la présidente, Je remercie aussi nos témoins. Nous sommes très reconnaissants de l'expertise que vous apportez à notre comité.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Donner qui nous a remis un mémoire d'une clarté impressionnante. Il semble qu'au Manitoba, votre organisation a adopté une approche très pragmatique. Vous avez mis sur pied un processus très clair qui semble bien fonctionner. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
    On nous dit souvent que la budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes est très complexe, très difficile et il semble que vous ayez adopté un processus très clair. Je vous demanderais donc d'en faire le bilan jusqu'à maintenant et de nous dire s'il a donné ou non des résultats satisfaisants. Pouvez-vous catégoriser ces résultats?
    En outre, qui d'autre devrions-nous consulter? À qui devrions-nous parler?
    D'accord. Vous avez posé un grand nombre de questions et je ferai de mon mieux pour y répondre rapidement.
    Je suis l'expert-conseil principal dont la province a retenu les services pour collaborer avec des décideurs de politique dans tous les ministères. Par la suite, ces derniers ont organisé un processus de sélection et quatre projets-pilotes ont été choisis.
    Je pense que nous avons eu un bon départ, et la rétroaction du ministère participant aux projets-pilotes a été plutôt positive. Comme les ministres n'ont pas encore été informés des résultats, je ne suis pas en mesure de vous dire quelles mesures le gouvernement du Manitoba prendra ultérieurement. Je vous invite simplement à rester à l'écoute, mais je pense que la réaction à ces projets-pilotes a été très positive.
    Mais à mon avis, c'est un premier pas. Ce n'était qu'un début. Maintenant, il faut vraiment s'accrocher et déterminer ce qu'il convient de faire pour la suite des choses. Mon avis, pour ce qu'il vaut, est essentiellement le même que celui que je vous ai donné, même si j'ai l'impression d'être un disque usé. J'invite le gouvernement à prendre en compte les conséquences différentes qu'ont sur les hommes et les femmes ses initiatives budgétaires.
    Il ne sera peut-être pas possible de le faire pour l'ensemble des initiatives gouvernementales la première année, mais il suffit de s'attaquer aux grands dossiers. Les gouvernements ont des priorité. Chaque gouvernement qui arrive au pouvoir dit: « Voici nos principales priorités; c'est pour les mettre en oeuvre que la population nous a élus. » Si les gouvernements acceptaient seulement de soumettre ces quelques priorités essentielles à l'analyse comparative de leurs conséquences sur les hommes et les femmes, cela serait un grand pas en avant.
    Comment y arriver? Premièrement, il faut assurer la formation du personnel au sein du gouvernement car les employés n'ont sans doute pas les compétences pour se livrer à cet exercice. Il faut travailler en collaboration avec les organisations non gouvernementales car ce sont elles qui possèdent les compétences et l'expertise dans ce domaine. Il faut ensuite réunir tous les intervenants et s'atteler au travail. Il faut comprendre une chose. Ce n'est pas de la théorie quantique. Pas besoin d'être un génie pour faire cela. Nous avons pris en 1995 un engagement en ce sens, et nous devrions tout simplement commencer.

  (1640)  

    D'accord, merci.
    Ma question est d'ordre général. On parle énormément du coût des programmes. On évoque constamment le coût de la création d'un nouveau programme national. J'aimerais vous parler du coût de la pauvreté. Quel est le coût lié à l'apathie face aux inégalités que l'on voit dans les systèmes budgétaires actuels?
    Puis-je simplement dire à quel point il est facile d'effectuer une analyse budgétaire sexospécifique sur l'incidence d'une mesure fiscale? Il suffit de suivre la filière de l'argent. Pourvu qu'on dispose d'un personnel compétent pour le faire, on peut déterminer l'incidence d'une réduction d'impôt bien précise. Il y a fort à parier que le ministère des Finances se livre déjà à cet exercice, mais sans le rendre public.
    Je ne pense pas que ce soit bien compliqué. Ce qui est plus difficile à faire, c'est déterminer qui sont les bénéficiaires des dépenses.
    À l'heure actuelle, on fait une très bonne analyse du développement du capital humain en se fondant sur l'éducation. C'est une analyse coûts-avantages des plus simples. Elle se fait sur une base individuelle: on investit x dollars dans l'éducation postsecondaire d'un jeune homme ou d'une jeune fille, et cela se traduit par des revenus pendant le reste de leur vie. C'est une analyse coûts-avantages classique.
    Il est acquis que si l'on investit un montant x cela aura un impact macroéconomique. On peut utiliser un modèle entrées-sorties, ou un modèle prévisionnel, il y en a de toutes sortes. Il y a une multitude de trucs que l'on peut utiliser pour savoir ce que l'on obtiendra en investissant un dollar dans l'éducation. Bien sûr, la plupart des Canadiens considèrent l'accès à l'éducation comme la meilleure voie pour sortir de la pauvreté et accéder à des emplois plus rémunérateurs.
    On peut sans doute affirmer que le meilleur investissement consisterait à injecter des fonds dans les services de garde, favoriser un meilleur accès aux cours d'anglais langue seconde dans les écoles, par exemple, et dans l'enseignement postsecondaire. Cela serait assez facile à faire. En outre, nous savons comment nous y prendre dans le domaine des infrastructures publiques. Essentiellement, nous faisons des investissements en immobilisations dont la courbe de rendement traduit les avantages qu'en retire une société. C'est la seule intervention macroéconomique que nous faisons.
    Là où c'est impossible à faire, c'est dans le domaine des dépenses sociales car les effets sont trop éparpillés. Si j'investis 100 milliards dans les soins de santé cette année, comment puis-je savoir quelle a été l'incidence de cet investissement?
    La seule façon de ne pas le savoir, c'est de ne pas dépenser cet argent. Il n'y a pas de groupe témoin. Il faut qu'il y ait un groupe témoin. Il faut pouvoir dire: « Ce groupe a reçu des soins de santé et ce groupe n'en a pas reçus. Voyons l'Incidence de cette décision sur les deux groupes. »
    C'est un domaine très complexe et je ne vous suggère pas d'y consacrer beaucoup de temps. Nous savons que si l'on investit davantage dans les soins de santé, les gens seront en meilleure santé et produiront davantage. Il n'est pas nécessaire de se prendre la tête pour quantifier la grandeur scalaire à partir de laquelle ces investissements publics sont bons.
    Il est plus difficile de cerner dans quelle mesure l'assurance-emploi répond aux besoins des gens lorsqu'ils perdent leur emploi. Mais nous savons que c'est un phénomène contracyclique.
    Nous traversons depuis 12 ans une phase d'expansion économique ininterrompue. Que se passera-t-il lorsqu'une récession frappera? Nous avons réduit au minimum tous les stabilisateurs économiques. L'expérience des années 20 et 30 nous a appris que l'une des façons de traverser une récession est de permettre aux gens de conserver leur pouvoir d'achat. Voilà pourquoi nous avons des mécanismes comme l'assurance-emploi.
    Nous avons fait une expérience sociale dont nous ne connaîtrons les coûts qu'au moment de la prochaine récession. À l'heure actuelle il semble que si une récession survient ce sera un cas de prophétie qui se réalise. Cette situation déclenchera des effets multiplicateurs en tous genres car les gens ne pourront pas dépenser. Il est difficile de chiffrer ces coûts, mais l'histoire nous a enseigné qu'il ne faut pas répéter les erreurs de la dernière décennie.
    Pas besoin d'être un génie pour comprendre cela. Nous connaissons les effets macroéconomiques. J'aurais aimé que l'on apporte des correctifs à certains d'entre eux plus tôt car il semble que nous ayons trouvé 10 milliards de plus par année pour le secteur militaire. De plus, nous avons déniché des sommes d'argent faramineuses pour les ponts et chaussées, non pas à l'échelle du pays, mais à la frontière.
    Si nous disposons de tellement d'argent que nous pouvons nous permettre d'en consacrer 191 milliards à des baisses d'impôt et 37 milliards à la dette, ne pourrions-nous pas remédier à certains problèmes en sachant que cela nous permettrait d'améliorer les conditions de vie des gens et d'aplanir les difficultés économiques advenant que cette tuile nous tombe sur la tête, ce qui pourrait semble-t-il arriver au cours de la prochaine année civile?
    Madame Mathyssen, votre temps de parole est expiré. Nous allons maintenant passer au deuxième tour de table, avec des interventions de cinq minutes.
    Madame Minna, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, je remercie tous nos témoins de leur présence. Je ressens deux sentiments et je crois les partager dans une certaine mesure avec tous les participants dans la salle. Premièrement, l'impatience car nous aurions dû faire cela depuis déjà longtemps. Le second est la conviction que nous avons les connaissances voulues. Nous savons ce qu'il faut faire. Notre collectivité, notre société possède l'expertise voulue. Le moment est donc venu d'agir.
    Je veux poser deux questions. Je suis d'accord avec l'essentiel de vos propos.
    Premièrement, je m'adresse à notre invitée d'Australie. Au cours des 12 années où l'on a appliqué la budgétisation favorable à l'équité entre les sexes, pouvez-vous très brièvement choisir un domaine et nous dire quel a été le résultat? Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure la vie des femmes a été transformée au cours de ces 12 ans, et ce qui s'est passé depuis?
    Veuillez être très brève car je n'ai que cinq minutes et j'aimerais aussi poser une autre question.
    Douze ans, c'est long. On peut donc présumer que cette approche a eu des répercussions dans certains domaines.

  (1645)  

    Au départ, la principale conséquence a été simplement de sensibiliser les décideurs politiques à l'existence de conséquences différentielles selon le sexe, et les gens ont réagi à cela de diverses façons. Entre autres, il y a eu des débats sur la réduction d'impôt pour conjoint à charge, en vertu de laquelle une certaine somme était versée principalement à des hommes parce qu'ils avaient un conjoint à charge. Nous avons obtenu du Trésor qu'il admette que celui nuisait à l'égalité entre les femmes et les hommes et en fin de compte, cette déduction a été abolie et l'argent a été versé sous forme de prestations pour enfants.
    Nous avons pu étoffer l'argument suivant: si l'argent est versé au principal dispensateur de soins, qui est habituellement la femme, il est plus probable qu'il sera dépensé pour les enfants. Nous avons donc réussi à intégrer cette perspective dans l'ensemble du processus de décisions politiques.
    Tous les ans, les documents budgétaires publiaient la liste d'une foule de nouvelles initiatives financières à l'intention des femmes et des jeunes filles, et nous nous en servions comme d'un mécanisme de suivi, en quelque sorte. Cela nous a permis d'améliorer la qualité de nos données. L'analyse budgétaire comparative entre les sexes améliore nécessairement les données, ce qui a des ramifications dans d'autres domaines.
    Cela dit, il ne suffit pas de se focaliser sur le budget, peu importe sa structure, pour obtenir des résultats. Il faut adopter une approche très large. Il ne suffit pas de dire au Trésor de faire ceci ou cela pour régler les problèmes. Cela n'arrivera pas.
    Il faut que cette perspective soit partie prenante du débat sur toutes les orientations politiques. Il faut aussi que le gouvernement et les ONG collaborent ensemble.
    Je vous remercie beaucoup. C'est très utile. Je pense qu'il faudrait que nous puissions discuter plus longuement avec vous. Le temps nous manque aujourd'hui pour aller chercher davantage d'information. Après tout, 12 ans, c'est une longue période de temps et vous êtes sans doute dépositaire d'une mine de renseignements.
    Dans une certaine mesure, vous avez déjà répondu à ma seconde question qui portait sur une initiative récente, soit un plan national sur la garde des enfants. Il a été annulé et remplacé par un dégrèvement imposable de 1 200 $ ou de l'argent versé aux familles. Nous avons une multitude de crédits d'impôt. Si je ne m'abuse, les dépenses fiscales s'élèvent à 25 milliards de dollars environ. J'ai deux questions. La première s'adresse à Mme Donner et à Mme Yalnizyan qui connaissent bien notre système. Que feriez-vous au sujet du plan national sur la garde des enfants et de ce montant de 1 200 $? Quels changements apporteriez-vous dans ces deux cas?
    Mon autre question est la suivante. Je souhaite que nous commencions à analyser nos dépenses fiscales dans la perspective de l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous pourrions commencer par déterminer quel crédit d'impôt il y aurait lieu de transformer en abattement remboursable ou autrement. Y a-t-il des mesures spécifiques par lesquelles vous commenceriez?
    Nous n'avons que très peu de temps pour les réponses.
    Vous pourriez peut-être nous le dire lors de votre prochaine intervention, en répondant à d'autres intervenants.
    Si je peux me permettre de commencer, il est impératif que le Canada se dote d'un programme national de garderies. J'ai déjà collaboré avec votre comité il y a de cela plus d'une vingtaine d'années alors que le gouvernement envisageait de créer un programme national de garderies. C'était au milieu des années 80. Je défendais déjà l'idée d'un tel programme.
    Depuis lors, j'ai eu une fille qui a maintenant passé l'âge de la garderie. Pourquoi suis-je encore ici à réclamer un programme national de garderies? C'est une nécessité.
    Merci. Nous allons maintenant passer à Mme Boucher, pour cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour, mesdames. Bienvenue au gender budgeting.
    Les idées que vous amenez sont très intéressantes. Je vais commencer par m'adresser à Mme Sharp, de l'Australie.
    Cela fait plus de 20 ans que vous oeuvrez dans le domaine du gender budgeting. J'ai cru comprendre que le succès d'une telle budgétisation reposait uniquement sur le gouvernement. Cependant, y a-t-il d'autres contraintes auxquelles vous avez fait face qui ont fait en sorte que l'effort ne soit pas soutenu?

  (1650)  

[Traduction]

    Lorsque je dis que je travaille dans le domaine de la budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes depuis 22 ans, ce n'est pas seulement en Australie. Je prodigue des conseils techniques à d'autres gouvernements, ailleurs.
    En Australie, le Liberal Party, qui est d'allégeance conservatrice, et le Labour Party ont tous deux appliqué différentes formes de budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes. Chacun d'eux a adopté un processus différent. Comme je l'ai dit tout à l'heure, sous le régime du Labour Party, pendant les 12 premières années, on a conféré des pouvoirs accrus aux institutions au sein de l'État, particulièrement aux instances responsables de la condition féminine. Lorsque les partis conservateurs ont pris le pouvoir, il y a eu un changement de cap. Le gouvernement a commencé à publier dans le cadre du budget des déclarations ministérielles dans lesquelles il se vantait de ses réalisations pour les femmes, mais l'analyse était beaucoup plus faible.
    Par conséquent, la couleur politique compte. Mais les conditions macroéconomiques sont aussi importantes. Comme vous disposez de surplus budgétaires, c'est une superbe occasion d'appliquer la budgétisation favorable à l'égalité entre les sexes. C'est beaucoup plus difficile à faire dans un contexte déficitaire.
    Puis-je ajouter une suggestion plus précise?

[Français]

    Si j'ai bien compris, cela dépend de la pensée du gouvernement, quel qu'il soit. Mais ailleurs, avez-vous fait face à d'autres contraintes?

[Traduction]

    Bien sûr.

[Français]

    Il faut que les efforts soient soutenus. Alors, comment faire pour que ces contraintes soient positives, pour que l'effort ne soit pas fait seulement pendant un certain temps mais à long terme?

[Traduction]

    Entre autres choses, le comité permanent pourrait trouver des moyens qui permettraient au Parlement de surveiller le processus. Cela a fort bien fonctionné en Afrique du Sud pendant un certain temps et en Ouganda. Il faut assurer la formation des politiques à cet égard et s'assurer que des questions sont posées à ce sujet au Parlement. De cette façon, lorsqu'arrive l'étape du budget, les parlementaires sont prêts à mettre l'égalité des sexes sur la table. Vous avez sûrement des comités d'examen des dépenses. Sont-ils tenus d'examiner les conséquences de ces dépenses pour les hommes et pour les femmes, comme cela s'est fait en Afrique du Sud pendant un certain temps?
    Vous pourrez surmonter les principaux obstacles en trouvant une façon d'utiliser les structures à votre disposition pour accorder le plus d'importance possible à ce dossier, le surveiller et lui donner un coup de pouce pour s'assurer que le travail continue. Si personne ne pose de questions à ce sujet au Parlement ce sera peine perdue.
    Il vous reste 15 secondes, madame Boucher, si vous voulez les utiliser.

[Français]

    D'accord. Je ne sais pas qui va pouvoir répondre à ma question.
    Quand un gouvernement a terminé l'analyse et qu'il a décidé de faire un budget tenant compte de la spécificité des sexes, par où doit-il commencer? Quelle est la première chose qu'il devrait faire?

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Nous y reviendrons peut-être plus tard.
    Nous passons maintenant à Mme Gagnon, qui a cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je suis une ex-porte-parole en matière de condition féminine et je suis allée à Beijing. Il y avait alors un élan assez extraordinaire et on avait bon espoir que les différents programmes soutenant les femmes seraient améliorés au fil des ans.
    Le premier pas du gouvernement, qu'il soit libéral ou conservateur, qui aille en ce sens est le Transfert social canadien. Vous voulez qu'on puisse améliorer certains programmes, les bonifier, mais vous interpellez aussi les différents gouvernements provinciaux et fédéraux.
    Si le Transfert social canadien en santé, en éducation et en ressources humaines... Vous en avez parlé tout à l'heure. Tout cet argent n'a pas été rétabli pour les provinces. Les gouvernements provinciaux doivent répondre aux besoins de leur population, dont ceux des femmes. C'est donc un peu décevant de voir comment présentement...
    La question que posait ma collègue est très pertinente. Au Québec, il y a le Conseil du statut de la femme. Il y avait un pendant fédéral de cet organisme, mais les libéraux l'ont aboli. Qui peut conseiller le gouvernement? C'était un organisme indépendant, mais il n'existe plus. On a dit aux ministères de faire des études sur les programmes, sur l'impact sur les femmes. De telles études n'existent plus. On ne sait pas ce qui arrivera. On avait dit qu'on ferait rapport à la Chambre.
    Comment un gouvernement, qui est en place pour une période très courte, peut-il arriver à bien cibler les enjeux et à voir les impacts sur chaque programme? On dit qu'il faudrait que le ministère des Finances... Ne pensez-vous pas qu'il est un peu difficile d'arriver à quelque chose de concret et de bien senti? Un organisme indépendant pourrait conseiller le gouvernement et le ministre, mais on a aboli celui qu'on avait. Les libéraux l'ont aboli et les conservateurs sont très loin de vouloir un comité consultatif constitué de femmes. De plus, il faut des gens très spécialisés, vous l'avez dit. Où va-t-on chercher des conseils quand on n'a pas un tel comité? Le Conseil du statut de la femme a pour but de conseiller le gouvernement du Québec. Je pense qu'il y a des directions différentes, l'impact des programmes...
    Je suis donc assez pessimiste présentement face à tout ce qu'on nous dit. Cet avant-midi, il y a eu une question à ce sujet à la Chambre des communes. Je ne me souviens pas du montant — 2 ou 3 millions de dollars —, mais il n'y a pas d'impact sur les programmes parce qu'on ne les voit pas. On peut bien dire qu'on investit 1,6 million de dollars dans le logement social, mais qu'est-ce que cela veut dire exactement?
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.

  (1655)  

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup pour cette question.
    Oui, c'est décourageant pour celles d'entre nous qui faisons partie du mouvement des femmes depuis des décennies, d'avoir ainsi perdu tout ce terrain depuis deux ans.
    Cela dit, comme notre collègue d'Australie l'a dit, on ne peut pas y arriver en comptant seulement sur les institutions et les experts au gouvernement. On ne peut pas y arriver non plus en comptant seulement sur les parlementaires à titre de champions. On ne peut pas le faire non plus en comptant seulement sur la société civile. Il faut que tout le monde, partout, se fasse le champion de cette cause et il faut que l'expertise acquise ne soit jamais perdue. Nous n'avons pas dans le mouvement des ONG la capacité de travail qui existe au Trésor ou aux Finances. Avec un peu de chance, des comités comme le vôtre peuvent faire avancer le processus, pour qu'une partie du travail se fasse là où il doit se faire: au coeur même du gouvernement.
    Mais cela ne suffit pas, comme l'a dit notre collègue d'Australie. Il faut que la société civile fasse pression et, à vrai dire, même si nous disparaissions pendant les 20 prochaines années, nous avons la pierre de touche qu'est la Déclaration universelle des droits de l'homme pour nous dire quels sont les besoins des gens. Les gens ont besoin d'être à l'abri de la peur et de la violence. Les gens ont besoin d'avoir accès à un endroit abordable où ils peuvent se sentir en sûreté, bref des refuges. Les gens ont besoin de manger à leur fin. Les gens ont besoin d'eau potable. Les gens ont besoin de soins de santé et d'éducation. La liste est très courte. Nous savons ce qu'il faut faire pour répondre aux besoins des gens; nous savons que lorsque nous dépensons de l'argent neuf, la manière dont nous le dépensons fait une différence. Pas besoin de la tête à Papineau; ce n'est pas complexe. Ne tombons pas dans le piège de croire que c'est complexe.
    Comprenons bien que le problème n'est pas la complexité de la pauvreté, mais bien la persistance de la pauvreté. Dans un pays qui est aussi riche en ressources économiques et financières que le nôtre, ne pouvons-nous pas faire quelque chose pour s'assurer que tous aient des chances égales, que tous puissent participer à la course au bonheur: hommes et femmes, enfants des deux sexes, immigrants aussi bien que les gens qui sont nés ici.
    Il n'y a aucune raison que nous ne fassions pas mieux, et si je comprends tout à fait votre frustration, je ne crois pas que ce soit la fin de la lutte. La lutte n'est jamais finie, tant qu'il y a des gens comme vous, à ce comité, qui sont disposés à relever le défi pour que cela fasse partie intégrante de la vie politique.

  (1700)  

    Je redonne maintenant la parole à Mme Mathyssen, qui a cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Notre comité va rédiger un rapport sur tout ce que nous avons entendu. Si vous aviez une liste de souhaits, qu'espéreriez-vous voir figurer dans ce rapport de notre comité?
    Si j'avais une liste de souhaits, je vous demanderais de préconiser énergiquement un processus par lequel vous feriez au moins en partie ce qu'on vous a présenté aujourd'hui: c'est-à-dire que chaque nouvelle initiative émanant du budget excédentaire, chaque nouvelle initiative découlant de l'affectation et de la réaffectation de crédits soit évaluée pour vérifier qu'est-ce qu'on supprime, qu'est-ce qu'on ajoute et quelles sont les personnes qui sont touchées.
    Je vous demanderais, s'il vous plaît, de faire des progrès dans les domaines du logement, des garderies et de l'accès à l'éducation. Vous en êtes capables. Vous pouvez aussi donner le ton au gouvernement fédéral quant à ce que devrait être le salaire minimum. Cela ne vous coûterait presque rien, tout en envoyant un message très important à tous ceux qui travaillent au salaire minimum, lequel, dans aucune province, ne se rapproche le moindrement d'un salaire permettant d'en vivre à plein temps, toute l'année — ce qui est scandaleux.
    Voilà ma courte liste.
    Ma courte liste est très semblable. Vous avez été chargés de vous pencher sur la budgétisation sexospécifique. Je vous demanderais de formuler une recommandation en exigeant, comme Armine l'a dit et comme je l'ai dit tout à l'heure, que le personnel très compétent et très savant au ministère des Finances pose la question suivante et y réponde, à propos de toute nouvelle initiative, qu'il s'agisse d'une réduction des dépenses ou d'un nouveau programme: cela aura-t-il des répercussions différentes sur les femmes et les hommes, les garçons et les filles et, dans l'affirmative, de quelle manière?
    Établissez tout cela clairement, pour que vous et vos collègues, à titre de parlementaires, puissiez vous prononcer en sachant clairement que si vous votez en faveur de l'initiative en question, vous augmentez ou réduisez l'écart entre les hommes et les femmes.
    Le deuxième souhait sur ma liste — même si je l'ai effleuré dans mon étude de cas sur le logement, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'en discuter tellement aujourd'hui — est l'importance de bien comprendre que ni les femmes ni les hommes ne sont des groupes homogènes. Vous le verrez dans l'étude de cas que j'ai faite sur le logement: nous nous sommes penchés sur les femmes et les hommes en premier, après quoi nous avons examiné les femmes et les hommes autochtones dans ma ville et dans notre province; nous avons étudié les femmes et les hommes et les garçons et les filles avec et sans handicap; et nous avons étudié les immigrants. C'est une grave erreur de supposer que les femmes forment un groupe homogène et que les hommes forment un groupe homogène, parce que ce n'est pas le cas.
    Cependant, cela dit, dans tous les groupes que nous avons examinés — immigrants, autochtones et non autochtones, personnes handicapées, personnes sans handicap — quel que soit l'angle retenu, on trouve toujours un plus grand nombre de femmes que d'hommes qui ont un besoin impérieux de logement.
    Il vous reste encore presque deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    L'un des problèmes de l'analyse sexospécifique qui se fait actuellement dans l'ensemble du gouvernement fédéral est qu'il n'y a pas de responsabilité ou de transparence. Quelles mesures doivent être prises pour garantir qu'il y ait reddition de comptes et transparence dans ces initiatives de budgétisation tenant compte de l'égalité des hommes et des femmes? Comment devons-nous procéder? Comment s'assurer que tout cela soit transparent?
    Je pense que vous abordez maintenant le noeud de l'affaire, en ce sens qu'en bout de ligne, c'est ce que nous nous efforçons de faire depuis des décennies: exiger que les gouvernements rendent des comptes sur leurs politiques d'égalité des sexes. Il n'y a pas de réponse toute faite en matière de reddition de comptes, sinon d'utiliser les processus que vous connaissez dans votre régime démocratique particulier.
    Je pense que la transparence peut être renforcée grâce à certains changements apportés à la gouvernance et aux arrangements institutionnels en matière d'établissement des budgets. Les gouvernements peuvent donner le signal qu'ils vont accorder la priorité à la transparence. Ensuite, il incombe aux fonctionnaires de voir comment cela peut être mis en oeuvre. Je ne pense pas que vous puissiez vous contenter de dire qu'il faut une plus grande transparence; vous devez vraiment établir un processus.
    Si vous aviez une loi budgétaire ou un engagement inscrit dans la loi à cet égard, ce serait plus efficace.

  (1705)  

    Merci beaucoup, votre temps de parole est écoulé.
    Pour le dernier tour d'une durée de cinq minutes, Mme Boucher est la suivante.

[Français]

    Je pose à nouveau la même question que j'ai posée plus tôt. Quand un gouvernement a décidé de mettre en place un budget tenant compte de la spécificité des sexes, par où devrait-il commencer?

[Traduction]

    Je vais commencer, madame Boucher.
    Si vous devez réduire les impôts encore davantage ou rembourser la dette, montrez-nous quels en sont les avantages.
    Pour tout ce que vous faites avec le surplus, toutes les dépenses que vous engagez, montrez-nous qui en est le bénéficiaire. C'est le moins que vous puissiez faire.
    Comme ma collègue Lissa Donner l'a dit, quand vous votez en faveur de telles mesures, à titre de parlementaires, vous nous montrez ce que vous défendez. Elle a dit aussi que ce n'est pas seulement une question d'hommes et de femmes; il faut aussi tenir compte des tranches de revenu. Franchement, une bonne partie des mesures dont nous discutons ne touchent même pas les femmes parce que la majorité des femmes gagnent moins de 30 000 $ par année et que beaucoup d'investissements ou de dépenses fiscales ne touchent nullement les Canadiens à faible revenu. Ils n'en profitent même pas. La TPS est la seule exception à la règle.

[Français]

    Si un gouvernement, quel qu'il soit, décidait d'adopter un budget tenant compte de la spécificité des sexes, serait-il mieux de commencer à travailler avec le secteur privé pour savoir où il s'en va, ou avec les autres ministères? Par quel ministère devrait-on commencer?

[Traduction]

    Puis-je répondre? Vous devez commencer à l'interne. Vous commencez par vos propres initiatives budgétaires, comme mes collègues l'ont dit, je crois. Cela veut dire que vous devez commencer par mettre de l'ordre dans vos propres affaires, et quand vous votez à titre de parlementaires pour appuyer des initiatives budgétaires ou vous y opposer, vous devez le faire en pleine connaissance de cause et savoir exactement que les mesures envisagées auront ou n'auront pas des répercussions différentes sur les hommes et les femmes parmi vos commettants.
    Vous devez le savoir. Quand vous votez en faveur d'une motion du gouvernement ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire, ne voulez-vous pas savoir comment la mesure envisagée avantagera ou n'avantagera pas les femmes et les hommes de votre circonscription?
    Je vous dirais que vous devriez vous poser la question suivante et exiger qu'on y réponde: Cette mesure va-t-elle accroître l'inégalité ou renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes qui habitent dans ma circonscription? Je trouve que cela fait partie de votre travail à titre de députés au Parlement. Vous êtes envoyés là-bas pour représenter tous vos commettants, femmes et hommes, et cela fait donc partie de l'information qu'il vous faut pour prendre des décisions éclairées. Pour parler dans la langue des affaires, je dirais que cela fait partie de l'effort de diligence raisonnable qu'on attend des députés au Parlement.
    Bien. Il vous reste encore une minute et demie.
    Madame Grewal, avez-vous une observation?
    D'après le professeur John Bartle de l'Université du Nebraska à Omaha, pour que la budgétisation sexospécifique soit couronnée de succès, il faut obtenir l'adhésion à la fois du gouvernement et de l'ensemble de la société, et ce n'est donc pas suffisant d'avoir l'appui des intervenants. Compte tenu de cela, le climat est-il mûr aujourd'hui au Canada pour instaurer la budgétisation sexospécifique?
    Je voudrais vous rappeler que j'ai remis un document de cinq pages qui, je l'espère, sera traduit et distribué aux membres du comité. Les quatre éléments que j'ai énumérés — logement abordable, éducation postsecondaire abordable, garderies abordables et augmentation du salaire minimum — ne sont pas des initiatives sexospécifiques, et ils ont l'appui de 80 p. 100 à 90 p. 100 des Canadiens dans toutes les régions du pays et dans tous les milieux, quelle que soit l'appartenance politique. Si vous faisiez quelque chose dans l'un ou l'autre de ces domaines, vous constateriez une amélioration tangible dans la vie des femmes.
    Je suis tout à fait d'accord avec ce que Lissa a dit, mais si vous faites des progrès dans le dossier de la garde d'enfants, qui en serait le bénéficiaire, l'homme ou la femme dans un ménage, ou les deux? Vous savez que cela fait une différence dans la vie des femmes, parce que c'est nous qui nous efforçons de joindre les deux bouts financièrement, nous ne ménageons aucun effort pour que nos enfants ne manquent de rien et il n'y a pas suffisamment de places dans les garderies pour nous donner l'assurance qu'ils sont entre bonnes mains à un prix que nous pouvons nous permettre de payer.
    Ces quatre éléments, madame Grewal, ne sont pas du tout sexospécifiques, et pourtant ils recoupent complètement le programme pour permettre aux femmes de se rapprocher de l'égalité. Je crois que notre pays est prêt à accepter cela.

  (1710)  

    Merci beaucoup pour votre réponse.
    Il nous reste quelques minutes. Si vous souhaitez poursuivre pendant trois minutes, nous pouvons le faire.
    Madame Minna, voulez-vous commencer?
    Merci. En fait, je voudrais revenir à la question que j'ai posée tout à l'heure; je n'ai pas eu l'occasion d'obtenir une réponse.
    Évidemment, je suis personnellement d'accord avec tout ce qui a été dit au sujet du logement, des garderies, du salaire minimum et de tout ce que nous devons faire. Je sais aussi qu'il y a beaucoup de dépenses fiscales dans notre pays. Peut-être que le point de départ de notre analyse sexospécifique devrait consister à passer en revue les dépenses fiscales.
    Je me demande s'il y en a que vous recommanderiez en particulier. Je ne les ai pas encore examinées. Nous avons demandé qu'on nous en envoie une liste. La dernière fois que j'en ai vu une liste, c'était en 1994 ou 1995, mais je vais réexaminer tout cela. En voyez-vous qu'il faudrait examiner, à part évidemment celles qui sautent aux yeux, pour les garderies et le logement, celles dont nous savons qu'elles sont nécessaires et qu'elles ont une grande incidence?
    Nous savons que certaines dépenses fiscales visent les particuliers, mais pour la plupart, elles bénéficient aux entreprises. Quand vous parlez d'examiner les dépenses fiscales, je suppose que vous voulez dire ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers, auquel cas nous savons que la plus importante est la déduction pour REER, et nous savons que cela...
    Je souscris à ce que Lissa disait. Les femmes et les hommes ne sont pas deux grands blocs monolithiques. La plus grande différence entre les femmes et les hommes, les Canadiens nés à l'étranger et au Canada et toutes les autres catégories, c'est la différence entre les riches et les pauvres, et l'écart s'agrandit dramatiquement.
    Les politiques fiscales et budgétaires ont contribué à élargir ce fossé entre les riches et les pauvres dans notre société. Si vous voulez examiner les dépenses fiscales, en particulier en ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers, je vous recommanderais fortement de vérifier qui en bénéficie. Qui tire profit des REER? Qui tire profit des REEE? Nous versons une contrepartie, dollar pour dollar, aux gens qui peuvent se permettre de mettre de l'argent de côté pour leurs enfants, mais nous savons que dans le cas des familles pauvres, la pire calamité est qu'elles sont incapables d'économiser. Elles dépensent la quasi totalité de leur argent pour les produits de première nécessité.
    Si vous voulez faire quelque chose pour l'éducation postsecondaire, ce serait évidemment un bon point de départ pour revoir tout notre régime de dépenses fiscales.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez 25 secondes.
    C'est tout pour moi.
    Dans ce cas, nous allons passer à Mme Boucher pendant trois minutes.

[Français]

    J'aimerais que vous nous fournissiez une liste d'indicateurs et de données qui revêtent de l'importance pour le processus d'analyse budgétaire favorisant l'égalité des sexes.
    L'une de vous trois peut-elle me répondre?

[Traduction]

    Je suis désolée, je ne le sais pas par coeur. Une liste d'indicateurs de quoi? Qu'est-ce que vous voudriez mesurer?

[Français]

    Une liste.

[Traduction]

    Les indicateurs mesurent le changement avec le temps ou encore des différences entre et parmi des groupes. Qu'est-ce que vous voudriez mesurer? Si je comprenais plus précisément, je pourrais peut-être mieux répondre à votre question.

[Français]

    Quand on veut faire un budget sexospécifique, on définit un indicateur entre les hommes et les femmes; les besoins des hommes et ceux des femmes sont différents. Tout le monde le sait, on est tous différents. Je veux savoir si vous avez des indicateurs. Quand on fait un budget sexospécifique, on donne de l'importance aux femmes afin de faire une différence. Quels sont les indicateurs les plus importants pour établir un budget sexospécifique?

  (1715)  

[Traduction]

    Je vous renvoie au fait que le Canada a un programme d'action qu'il a rédigé en 1995 et auquel il n'a pas encore donné suite. Si vous examinez ce programme d'action, vous y trouverez des indicateurs. Vous n'avez pas besoin de repartir de zéro.
    Vous pouvez déterminer lesquels de ces indicateurs... N'importe lequel fera l'affaire, que vous examiniez l'écart salarial entre hommes et femmes, les besoins impérieux de logement, l'accès à l'aide juridique. Il y a 1 000 indicateurs différents intégrés dans ce document. Vous pouvez choisir par où vous voulez commencer.

[Français]

    D'accord. Thank you.

[Traduction]

    Madame Sharp, voulez-vous ajouter à cela? Professeur Sharp?
    Je pense que nous avons peut-être perdu le contact.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Boucher?
    Non.
    Très bien. Nous allons donc donner trois minutes à Mme Deschamps.

[Français]

    En ce qui a trait aux indicateurs, je pourrais vous suggérer d'aller voir ce qui se fait au Québec. Je pense que le Québec peut servir de modèle pour ce qui est de la mise en place de services de garderie et de l'accès à l'aide juridique, notamment. Le Québec a fait de très grandes avancées et il écoute attentivement les groupes de femmes. Le développement social lui tient à coeur. Ce qui le ralentit aujourd'hui et que ma collègue Christiane Gagnon décriait plus tôt, ce sont les moyens financiers requis pour la mise en place de mesures visant à conserver cette égalité ou à améliorer la situation.
    Je trouve un peu navrant qu'on soit aux prises avec un gouvernement qui va probablement engranger des surplus de l'ordre de 13 milliards de dollars à la fin de l'exercice financier qui se terminera en mars. Des associations comme les vôtres seraient-elles écoutées attentivement par le ministre des Finances, puisqu'il doit être actuellement en consultation dans tout le Canada afin de peaufiner le prochain budget qui nous sera présenté en mars prochain?
    Je crois qu'il devrait écouter attentivement tout ce qu'on a dit aujourd'hui. Il devrait accorder une priorité aux propos de vos associations.

[Traduction]

    Il reste moins d'une minute pour la réponse.
    Ce qu'elle fait et ce que je fais, nous le faisons bénévolement. Nous ne sommes pas payées pour cela. Alors si vous voulez que nous participions à l'élaboration des politiques prébudgétaires et tout le reste, il n'y a absolument aucune possibilité. J'ai préparé mon exposé en 24 heures. Ce n'est pas la bonne manière d'engager la société civile dans des débats comme celui-ci.
    Voilà donc la réponse à votre question. Il n'y a aucun soutien aux ONG pour du travail important.

[Français]

    Pouvez-vous rencontrer le ministre?
    Certainement, si vous voulez organiser une rencontre.

[Traduction]

    Bon, merci. Il vous reste quatre secondes.
    Ah, quatre secondes: un, deux, trois, quatre.
    Nous allons passer à Mme Mathyssen, qui a trois minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Au début des exposés, on nous a parlé des 190 milliards de dollars qui ont été enlevés à la capacité du gouvernement fédéral de financer et d'investir dans les collectivités. Ce déficit ou ce manque à gagner dans notre capacité de financement me trouble beaucoup.
    Quelles conséquences entrevoyez-vous pour les prochaines années?
    Nous progresserons beaucoup plus lentement dans la réalisation du programme dont nous avons parlé, parce que cela correspond en partie à ce que nous entendons de part et d'autre: les tiroirs sont vides.
    Il semble que les États-Unis vont entrer en récession en 2008. Étant donné le degré d'intégration de nos économies, nous pouvons nous attendre à un certain ralentissement. Sachant que vous avez effacé 191 milliards de dollars de surplus pour les quelques prochaines années, vous pouvez dire à juste titre: « Les tiroirs sont vides; nous ne pouvons pas vous aider» . Mais les femmes attendent depuis longtemps, en période de bombance ou de vaches maigres.
    C'est décourageant. C'est immensément décourageant. Cela dit, on ne peut pas dire que nous n'avons pas d'argent et que nous ne pouvons rien faire. Il nous reste encore de l'argent. Nous pouvons dire que, collectivement, comme société, nous voulons payer pour tout cela, mais c'est là qu'il y a recoupement entre politiciens et société civile. Ce que nous faisons est totalement politique. Ce n'est pas par manque d'argent. Nous avons un billion de dollars de plus par année aujourd'hui qu'il y a 25 ans.
    D'une manière ou d'une autre, nous perdons l'accès aux soins de santé, à l'éducation et à tout le reste. Nous nous débattons pour conserver ce que nous avons déjà. Ce n'est pas une question d'argent; c'est à nous de décider que nous voulons dépenser l'argent que nous avons pour façonner le type de société que nous voulons, et j'espère bien que nous entrons en fait dans une nouvelle période politique au cours de laquelle nous pourrons discuter de tout cela raisonnablement, que nous comprendrons que c'est le patrimoine de ma génération, de la génération d'après-guerre, que nous démantelons l'infrastructure publique dont nos propres enfants ne pourront plus bénéficier, et que nous ne savons même pas avec certitude comment ils pourront gagner leur vie au cours des 20 prochaines années. J'espère ardemment que nous n'agirons plus en somnambules et que nous discuterons de la manière dont nous voulons mieux partager la prospérité que nous avons en abondance dans notre pays, en comparaison de la plupart des autres pays.
    Donc, ces 191 millions de dollars sont disparus. Comme le dit le Dr Phil, on ne peut pas défaire les gestes stupides que nous avons posés. Nous l'avons perdu, à moins qu'un gouvernement quelconque, voulant se faire élire, dise ouvertement que nous n'avons pas besoin de renoncer à cet argent. Mais pour cela, il faut du courage politique et c'est peut-être ce qui nous attend, une ère de courage politique durant laquelle nous allons payer pour bâtir le pays dans lequel nous voulons vivre.

  (1720)  

    Il vous reste 15 secondes, si vous voulez ajouter quelque chose.
    Je voudrais seulement ajouter que je vous encourage, en tant que députés au Parlement, à poser des questions supplémentaires quand on vous présente des priorités ou des initiatives gouvernementales. En conformité des engagements pris par le Canada aux termes du Programme d'action de Pékin, vous devriez demander et exiger qu'on vous remette toute l'information dont vous avez besoin pour comprendre si les initiatives en question vont avantager ou léser de façon disproportionnée les hommes et les femmes parmi vos commettants. Vous devez les représenter tous et toutes.
    Merci.
    Je remercie les membres du comité et je remercie beaucoup les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    Je suis désolée que nous ayons perdu le contact avec l'Australie avant de pouvoir remercier le professeur, mais nous allons nous assurer que cela se fasse.
    Oh, pardon, avez-vous une question?

[Français]

    Oui. Est-ce Mme Yalnizyan qui vous a remis un document non traduit?

[Traduction]

    Oui. On s'occupe de le traduire et il sera distribué à tous les membres du comité.
    Avez-vous une question, madame Minna?
    Très bien.
    Encore une fois, merci beaucoup.
    La séance est levée.