Passer au contenu
Début du contenu

INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 046 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 février 2007

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    À l'ordre, s'il vous plaît. La séance est ouverte. Le comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie poursuit son étude de la déréglementation dans le secteur des télécommunications, conformément à l'article 108(2) du Règlement.
    Aujourd'hui, nous accueillons deux groupes de témoins. Le premier sera entendu de 15 h 30 à 17 heures et abordera le sujet des entreprises de services locaux concurrents.
    Je vais maintenant vous lire les noms de nos nombreux témoins, dans l'ordre de leurs communications respectives. Nous entendrons d'abord le président de Distributel, M. Mel Cohen puis le chef de la direction financière de Télésat Canada, M. Ted Ignacy, le président et directeur général d'Access Communications Co-operative Limited, M. Jim Deane, de Persona Cable, M. Dean MacDonald, le président et chef de la direction de Barrett Xplore, M. John Maduri et enfin, le président de Bluewater TV Cable, M. Tim Stinson.
    Soyez tous les bienvenus parmi nous. Nous disposons d'une heure et demie mais étant donné que nous devons entendre un assez grand nombre de témoins, nous vous demandons de bien vouloir limiter vos déclarations liminaires à trois minutes. Ensuite, nous passerons immédiatement aux questions des membres.
    Monsieur Cohen, nous allons vous donner la parole en premier; vous avez jusqu'à trois minutes.
    Il est manifestement beaucoup plus souhaitable de miser sur les forces du marché que sur une surréglementation complexe, mais si l'on tient à ce que ces forces soient efficaces, il faut qu'il y ait une véritable concurrence. Cela ne se traduit pas par des duopoles mais bien par une diversité de l'offre, ainsi qu'on l'observe sur le marché interurbain.
    Ce n'est pas la déréglementation qui conduira à une baisse des prix pour les consommateurs mais la concurrence. Déréglementer les services avant qu'existe une concurrence agissante aura l'effet contraire.
    Cela fait près de 28 ans que je travaille dans le secteur des télécommunications. Pendant cette période, le CRTC a mis un terme de manière ordonnée et avec grand succès aux monopoles des compagnies de téléphone. L'une des décisions prises par l'organisme parce qu'il a estimé que la revente des services de téléphone était dans l'intérêt public, a été une source d'inspiration pour Distributel. J'ai en effet lancé cette compagnie de services interurbains il y a 18 ans après que le CRTC a décidé de permettre la revente des services de Bell Canada.
    Depuis lors, nous avons investi des millions de dollars en matériel et en installations. Qui plus est, plus de 200 000 consommateurs, enfin 95 p. 100 de ces 200 000 sont des consommateurs, profitent de nos services novateurs.
    Cela fait maintenant deux ans que Distributel conçoit un service de téléphone sur Internet. Voici un prospectus qui s'y rapporte. Du côté gauche, on voit le service de téléphone sur Internet. À droite, on voit notre service Internet haute vitesse tiré de la revente et enfin, au milieu, on voit un regroupement des deux.
    Voici ce qui leur arrivera si nous perdons nos tarifs de gros de lignes d'abonnés numériques. Auparavant, je précise que nous préférerions de beaucoup ne pas dépendre des tarifs de gros des autres entreprises de télécommunications. Quelles autres possibilités s'offrent à nous cependant? Le partage des sièges sociaux des compagnies de téléphone est coûteux et lent, et même en ce cas, il ne nous permet pas d'atteindre les clients desservis à distance.
    Nous espérions trouver une solution de rechange dans le service de téléphonie sans fil. En janvier 2005, nous avons offert des millions de dollars lors de la vente à l'encan du spectre de 3,5 gigahertz tenu par Industrie Canada. D'une région à l'autre, nous avons soumissionné au niveau le plus haut possible sans nuire à nos ressources, et chaque fois, nos plus fortes enchères ont été dépassées par Bell Canada. Pour le moment, si nous voulons poursuivre nos activités, nous avons donc besoin de tarifs de gros fondés sur les coûts.
    Lundi, on a fait devant vous l'éloge du CRTC pour avoir réglementé avec succès le marché interurbain. Pourquoi alors a-t-on annulé la même décision en ce qui concerne le marché de la téléphonie locale. La directive du ministre, une victoire écrasante pour les grandes compagnies de téléphone, entraînera certainement des perturbations. Par exemple, vendredi dernier, Bell Canada s'en est servi pour demander l'annulation des trois dernières ordonnances du CRTC portant sur les services Internet de gros.
    Nous avons souvent été en désaccord avec les décisions rendues par le CRTC, mais il n'en demeure pas moins que les méthodes suivies pour y arriver ont toujours été équitables et transparentes. Nous vous prions donc d'user de votre influence auprès du gouvernement et du ministre de l'Industrie pour qu'ils s'abstiennent de lancer une déréglementation prématurée. Permettez au CRTC de continuer à favoriser la concurrence, avant de déréglementer, dans l'intérêt en fin de compte des entreprises et des consommateurs canadiens.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Cohen. Nous allons maintenant donner la parole à M. Ignacy.
    Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité.
    Télésat est heureuse d'avoir l'occasion d'être entendue par le Comité pour discuter du rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications et de ses recommandations qui concernent les exploitants de satellites au Canada et Télésat en particulier. Notre président et chef de la direction, M. Dan Goldberg, comptait bien venir lui aussi, mais il a malheureusement eu un empêchement.
    Depuis qu'elle a été constituée, Télésat a investi près de 3 milliards de dollars et elle fournit des services à la fine pointe de la technologie à des millions de Canadiens, sans égard à la région géographique de ce vaste pays dans laquelle ils habitent. Le marché des services par satellite a un caractère essentiellement international en raison de la capacité de couverture des satellites. Industrie Canada a autorisé l'exploitation de plus de 70 satellites étrangers au Canada.
    Télésat doit affronter non seulement la concurrence des autres sociétés de télécommunications au Canada, elle doit aussi rivaliser avec les plus gros exploitants au monde. En conséquence, il est essentiel d'adapter la partie du cadre réglementaire qui s'applique aux services par satellite au Canada pour s'assurer que les exploitants canadiens ne seront pas défavorisés face à leurs grands concurrents internationaux.
    Les auteurs du rapport reconnaissent les forces de la concurrence qui s'exercent actuellement dans le marché canadien des télécommunications et insistent sur la nécessité de modifier de fond en comble le cadre réglementaire actuel pour laisser agir davantage les forces du marché et atténuer la réglementation de sorte que la population puisse recevoir des services novateurs de haute qualité à des prix concurrentiels.
    Télésat est convaincue que c'est la solution qu'il faut adopter dans le secteur des satellites. Le régime de réglementation est en fait un régime « bicéphale », le CRTC et Industrie Canada ayant, au fil des ans, ajouté des pans d'exigences réglementaires s'appliquant aux tarifs, aux conditions d'attribution des licences, aux objectifs de la politique d'intérêt public, aux retombées industrielles, à la production de rapports et au dépôt de documents. Comme nos concurrents étrangers ne sont pas assujettis à de telles exigences réglementaires pénalisantes et coûteuses de la part des organismes de réglementation de leurs pays respectifs, Télésat est fortement désavantagée par rapport à ses concurrents, et le désavantage qu'elle subit s'ajoute à ceux qui découlent de la petite place qu'elle occupe sur le marché.
    Une question importe tout particulièrement pour Télésat. Il s'agit de la méthode employée par les organismes de réglementation pour ce qui est de l'attribution des nouvelles positions orbitales et des fréquences du spectre. Les organismes de réglementation aux États-Unis, en Europe et dans de nombreux autres pays appliquent une méthode d'attribution des licences qui favorise l'attribution regroupée de fréquences par un même exploitant dans une position orbitale donnée. Cette méthode d'attribution des licences incite les exploitants à regrouper de multiples bandes de fréquences dans des positions orbitales données. Ainsi, les exploitants peuvent optimiser l'utilisation de satellites plus gros.
    En résumé, à compter de maintenant, Télésat doit avoir la possibilité de structurer son entreprise en fonction d'un cadre réglementaire qui soit compatible et harmonisé avec celui des autres régions du monde, c'est-à-dire un cadre réglementaire qui favorise la croissance et l'expansion de l'industrie canadienne des satellites et qui permette à Télésat, à ses clients et à la population canadienne de profiter des avantages substantiels d'une politique d'intérêt public qui découle d'une politique d'attribution des licences favorisant l''agrégation des attributions de fréquences.
    Je vous remercie.

  (1535)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Ignacy.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Deane.
    Je suis ici à titre de porte-parole de la coopérative Access Communications Co-operative Limited de la Saskatchewan. Si j'ai tenu à participer à cette audience, c'est que je veux que la concurrence s'épanouisse dans toutes les régions du Canada, y compris dans toutes celles de la Saskatchewan. À mon avis, la concurrence à l'échelle locale ne devrait pas avoir droit de cité dans les seules grandes régions métropolitaines, où les titulaires de licence affrontent des entreprises de câblodistribution très riches comme par exemple Rogers, Shaw ou Vidéotron. Le gouvernement devrait se donner pour objectif de veiller à ce que tous les Canadiens bénéficient de la concurrence, sans égard pour la région où ils habitent.
    Compte tenu de ces convictions, je suis extrêmement préoccupé par la démarche choisie par le gouvernement fédéral et par le ministre Bernier en matière de déréglementation. Access Communications fournit des services de câblodistribution et d'Internet à ses clients répartis dans plus de 30 collectivités en Saskatchewan, et elle fait face à une concurrence très vive sur ces marchés. De plus en plus, notre rival le plus sérieux est notre propre gouvernement provincial, plus précisément sa société d'État appelée SaskTel. Grâce à l'appui des contribuables de la Saskatchewan, SaskTel est en mesure d'offrir à ses abonnés une gamme complète de services de télécommunications, y compris le téléphone local, le téléphone par câble, cellulaire et sur Internet.
    Pour des raisons de concurrence, Access a pris la décision d'investir considérablement l'année dernière dans le marché de la téléphonie locale. Nous avons alors tenu compte du fait que le CRTC avait prévu un cadre entraînant l'abstention, lequel empêcherait un titulaire de licence d'utiliser son emprise sur le marché pour éliminer la concurrence. Nous avons lancé notre service de téléphone à Regina il y a deux semaines, et nous sommes encouragés par la réponse que nous avons reçue jusqu'à ce jour.
    Nous craignons toutefois que notre initiative cherchant à donner davantage de choix aux habitants de Regina, et peut-être, tout au moins nous l'espérons, ailleurs en Saskatchewan, risque de se heurter à la position dominante sur le marché de SaskTel. Il y a deux semaines à peine, SaskTel était encore le fournisseur unique de services de téléphonie locale à Regina. L'organisme continue de détenir un monopole dans à peu près toutes les autres collectivités de la province, à l'exception de Saskatoon. Dans un tel milieu, où une société d'État occupe déjà la totalité du marché, il n'y aura de marché équitable et concurrentiel que si l'on se dote de certains mécanismes afin d'empêcher la compagnie en position de force d'écraser ses rivaux. L'existence de tels mécanismes réglementaires est indispensable pour contrer l'emprise démesurée d'une entreprise, dans les petites villes comme Regina, mais encore davantage dans de petites agglomérations comme Yorkton, Estevan et Weyburn.
    Sur ces petits marchés, il est tout simplement impossible pour une nouvelle entreprise d'affronter un monopole gouvernemental centenaire, lequel n'aura aucune difficulté à écraser ses concurrents. Compte tenu de cela, je demande instamment au gouvernement de continuer à mettre en vigueur une règle d'abstention sur les marchés situés à l'extérieur des dix régions métropolitaines les plus populeuses, particulièrement en Saskatchewan.
    De plus, à mon avis, il faut conserver les restrictions en matière de reconquête et de publicité sur ces marchés jusqu'à ce qu'on puisse respecter la norme du marché. En l'absence d'une réglementation efficace limitant la part du marché des entreprises de services locaux titulaires, il ne pourra tout simplement pas y avoir de concurrence durable dans ma province. J'estime aussi que tous les Canadiens devraient bénéficier des avantages de la concurrence quelle que soit la région où ils habitent.
    Je vous remercie.

  (1540)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Deane.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. MacDonald.
    Je vous remercie beaucoup. Il me fait grand plaisir d'être parmi vous aujourd'hui afin de vous parler de ce que j'appelle l'ordonnance de « récompense au titulaire ».
    Cette décision m'a vraiment rendu furieux. Elle est tout à fait ridicule. Je recommande donc à tous les Canadiens de se joindre à moi pour que nous achetions une page entière de publicité dans le Globe and Mail, et on pourrait y lire que vous devez appeler votre compagnie de téléphone et lui dire que vous obtiendrez dorénavant votre service de téléphonie d'un câblodistributeur; vous verrez qu'elle diminuera ses prix et puis procédera à une vente à découvert. Et croyez-moi, si nous le faisons nous gagnerons tous énormément d'argent, car c'est bien ce qui est en train de se passer.
    Je représente l'entreprise Persona, qui réunit 650 systèmes dans l'ensemble du Canada. Je dirais même que j'incarne le Canada rural: nous avons mis en place davantage de systèmes dans ces régions de notre pays que n'importe qui d'autre.
    La semaine dernière, nous avons lancé un service téléphonique à Sudbury. Un client nous a téléphoné pour nous dire qu'il aimerait bien s'abonner à notre service mais qu'il allait appeler sa compagnie de service téléphonique. C'est ce qu'il a fait, et cette dernière lui a dit ce qui suit: son tarif de service Internet, de 41,95 dollars est passé à 34,95 dollars; son tarif téléphonique a aussi baissé, passant de 94,35 dollars à 64.92 dollars et enfin son abonnement au service de télévision est passé de 57 dollars à 45,60 dollars.
    Nous sommes régis par une politique ministérielle en vertu de laquelle il n'existe aucune règle de reconquête. Je présenterai un client à la compagnie de service téléphonique laquelle nous remerciera. Elle appellera le client en question et lui dira qu'au lieu de s'abonner au service Persona, elle lui offre de nouvelles conditions avantageuses.
    Il faut que nous réglions ça. Nous allons soit gagner des fortunes en vendant à découvert les stocks des titulaires ou bien nous allons favoriser une véritable concurrence. Je peux vous dire que l'ordonnance qui nous régit est une vaste fumisterie. Il nous a coûté huit millions de dollars pour lancer notre service à Sudbury. Nous aimerions en lancer 649 autres. Toutefois, si cette même règle continue de s'appliquer, inutile d'y penser.
    Les régions rurales du Canada se font avoir avec cette règle, c'est un fait irréfutable.
    Voilà pour ce qui est de mes remarques. J'ai du mal à contenir ma hâte de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur MacDonald.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Maduri.
    Barrett Xplore est un fournisseur canadien rural de service à large bande. 2006 a été notre première année complète d'exploitation, pendant laquelle nous avons offert des services à la fois par satellite et par technologie sans fil fixe.
    Lancé en conjugaison avec le service Télésat, notre service satellite offre une empreinte nationale omniprésente dans le cas du service à large bande, ce qui nous rend apte à desservir dès maintenant tous les Canadiens où qu'ils soient.
    Les membres du comité devraient avoir en main une carte illustrant la dispersion géographique de nos clients dans ce très vaste territoire que constitue le Canada. Les bonds prodigieux réalisés dans la technologie par satellite et sans fil créent une conjoncture historique et très favorable aux régions rurales du Canada, lesquelles pourront enfin bénéficier d'un plus vaste choix, de conditions de concurrence et de la disponibilité d'un service à large bande. À notre avis, ces technologies sont les mieux adaptées aux marchés ruraux et sont en mesure d'offrir des services à large bande de qualité comparable à ceux que reçoivent les marchés urbains.
    Les entreprises qui font des incursions dans les régions les plus éloignées du Canada ne sont pas nécessairement les plus connues. De nombreux nouveaux fournisseurs de service savent innover et ont reconnu qu'il y avait un créneau à prendre en ce qui a trait au service à large bande en milieu rural, et ils ont agi pour combler ce vide.
    C'est la raison pour laquelle nous appuyons et saluons la décision prise par le gouvernement du Canada de déréglementer davantage les télécommunications. Nous estimons qu'à la longue, cela se traduira par un marché beaucoup plus libre et plus concurrentiel, qui offrira un plus vaste choix et des services de plus grande qualité aux Canadiens vivant dans les régions rurales.
    Que peut faire le gouvernement du Canada pour faciliter la transmission de service à large bande dans les régions rurales? Eh bien, il doit d'abord examiner de façon très poussée la situation afin d'éviter qu'on ne prenne de décisions semblables à celles du CRTC dans le cas de Télécom, c'est-à-dire la décision CRTC 2006-9, laquelle a permis aux grandes entreprises de télécommunication ou aux entreprises de services locaux titulaires de recourir à des comptes de report et de dépenser des centaines de millions de dollars pour nous faire concurrence dans les régions rurales du Canada. À notre avis, une telle manipulation du marché entraînera des effets contraires à ceux qui étaient souhaités, c'est-à-dire que cela ralentira la diffusion de services à large bande en milieu rural et dissuadera les nouvelles entreprises de s'implanter sur ce marché, même si elles ont déjà investi de fortes sommes et offrent déjà des services aujourd'hui.
    En second lieu, les processus d'attribution des fréquences du spectre sans fil doivent tenir compte de la nature différente des régions rurales du Canada. À cet égard, il est impératif que les fournisseurs de services en milieu rural aient un meilleur accès à ce spectre si l'on souhaite vraiment que les Canadiens des milieux ruraux soient sur un pied d'égalité avec les autres par rapport au service de large bande.
    Troisièmement, il y aurait lieu d'apprendre de ce qui s'est passé avec le service Alberta SuperNet, et même il serait bon de limiter; il s'agit d'un réseau Internet provincial qui permet d'atteindre des centaines de collectivités des régions rurales de cette province. Depuis le milieu de 2005, ce modèle novateur de partenariat public privé a entraîné des investissements privés et l'entrée en service de plus de 60 fournisseurs de service à large bande au profit des habitants des régions rurales de l'Alberta.
    Au nom de la Barrett Xplore, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'entendre.

  (1545)  

    Je vous remercie beaucoup, M. Maduri.
    Nous allons maintenant passer à M. Stinson.
    Je suis le président de la Bluewater TV Cable, entreprise familiale. Bluewater fournit des services de câblodistribution, de câble numérique et internet à 10 collectivités et compte quelque 7 000 abonnés. Les agglomérations que nous desservons varient de hameaux comptant seulement une vingtaine de ménages à des villages de 3 000 abonnés.
    Cela fait 40 ans que notre famille oeuvre dans des entreprises de câblodistribution et dessert des collectivités rurales et éloignées. Les milieux où se trouve notre clientèle ne connaissent aucune croissance. Si nous avons réussi à en créer un peu au cours des ans, c'est en ajoutant d'autres services. Les groupes démographiques que nous desservons ne sont pas très férus de technologie. On y observe donc un taux de pénétration des services internet et numérique plus faible que sur les grands marchés urbains.
    Il y a à peu près deux ans, nous nous sommes penchés sur la technologie vocale. Nous avons découvert qu'en raison de notre situation en milieu rural, nous n'avions pas accès à une entreprise de services locaux concurrents qui revendrait des services, comme le ferait par exemple MTS Allstream, qui a favorisé les succès d'autres entreprises. Nos coûts sont considérablement plus élevés pour cette raison.
    Chacun des petits fournisseurs de service desservant les petits marchés ruraux a des modèles d'entreprise bien différents de ceux qu'on trouve dans les grands centres urbains. Cela tient à l'accès aux revendeurs de services interurbains, à la densité démographique ou à son absence et aux coûts plus élevés par abonné.
    Dans le cadre réglementaire actuel, nous avons décidé d'investir considérablement dans la technologie vocale. Nous mettions d'ailleurs cette technologie à l'essai en collaboration avec des entreprises amies lorsque le ministre a annoncé sa décision. Depuis lors, nous avons suspendu tous nos efforts étant donné l'incertitude créée par cette ordonnance dans nos marchés ruraux.
    Rappelons que chaque dollar investi dans cette compagnie provient d'intérêts privés, plus précisément des actionnaires. Or les seuls actionnaires sont les membres de ma proche famille Cela signifie que c'est ma famille qui assume tous les risques. Quoiqu'il en soit, nous avons découvert que la technologie vocale ne se traduit pas par un service à prix modique si on veut qu'elle soit de qualité. Nous estimons aussi que la décision du ministre nuit à la concurrence dans les régions rurales du Canada. En soi, l'existence de concurrents ne signifie pas nécessairement que de petites entreprises comme Bluewater puissent tirer leur épingle du jeu. En effet, sur chacun des marchés que nous desservons, le titulaire, dans la plupart des cas Bell, occupe la totalité du marché.
    Sur les petits marchés, les normes actuelles et les règles de reconquête sont les plus propices à la concurrence. La seule autre solution de rechange qui nous vienne à l'esprit serait de permettre un délai de grâce après le démarrage d'un nouveau service. Cela permettrait aux petits exploitants de disposer d'un des avantages dont jouissent les grandes compagnies qui ont réussi jusqu'à maintenant. En l'absence de normes, ou tout au moins d'un délai de grâce après démarrage, il n'y aura tout simplement pas de concurrence sur les marchés ruraux dans l'ensemble du Canada. Les entreprises en question sont tout simplement trop modestes et n'ont pas l'emprise sur le marché dont elles auraient besoin pour affronter des géants comme Bell Canada et d'autres encore.
    Nous nous demandons si nous voulons vraiment tenter de nous implanter sur le marché de la technologie vocale et déréglementer Bell Canada? Est-ce qu'il serait sage de la part d'un petit exploitant dans un marché rural d'agir ainsi? Nous ne demandons pas d'être exemptés de la concurrence, nous demandons au contraire de pouvoir y participer. Dans les conditions actuelles toutefois, cette possibilité ne nous est pas donnée.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup, M. Stinson.
    Je remercie chacun d'entre vous d'avoir présenté des exposés aussi concis.
    Nous allons maintenant passer aux questions de la part de nos membres.
    Pour votre gouverne, les membres vont poser des questions à un témoin ou peut-être deux. Si vous souhaitez y répondre, laissez-le moi savoir et j'essaierai de vous donner la parole. Sachez toutefois que les membres disposent chacun de six minutes de temps de parole puis au second tour, de cinq minutes, ce qui est court. Efforçons-nous donc de fournir aussi des réponses concises.
    Nous allons d'abord donner la parole à M. McTeague, qui a six minutes.
    Merci beaucoup monsieur le président.
    Au nom de mon parti, le Parti libéral, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir participer à nos travaux malgré votre travail très accaparant. Vous être nombreux à avoir franchi de longues distances et, bien sûr, vous représentez des entreprises de petite taille. Cela étant dit, notre comité ne vous aurait pas entendu si nos membres n'avaient pas décidé de donner la parole à tous les intervenants impliqués dans ce dossier.
    Si vous me le permettez, ma question s'adresse à la plupart d'entre vous. Elle est très simple et vous pouvez vous abstenir d'y répondre si vous le préférez.
    Le ministre n'a pas voulu d'un tribunal de la concurrence en télécommunication, qui aurait réuni les compétences du CRTC et l'autorité du Bureau de la concurrence afin d'étudier des cas de prix abusifs après la déréglementation et pour empêcher aussi un certain nombre d'agissements anticoncurrentiels. Ce ne sera pas le cas maintenant.
    À mon avis, ce que le ministre a proposé à la place est une variante peu convaincante, qui impose des sanctions administratives pécuniaires et fera l'objet d'un projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer.
    Selon ce projet de loi, après la déréglementation, une amende dissuasive de quelque 15 millions de dollars sera imposée à quiconque aura eu des agissements anticoncurrentiels, évidemment si le tribunal arrive à un tel verdict. Toutefois, si je me reporte à ma propre expérience, le tribunal mettra des mois, voire un an, à se prononcer sur les agissements en question.
    Étant donné la taille modeste de vos entreprises et le fait que vous devez compter dans une grande mesure sur les entreprises de services locaux titulaires et sur les autres titulaires pour nombre de vos services, si 15 millions de dollars retournent au Trésor et s'il faut un an pour résoudre le problème, pendant combien de temps estimez-vous pouvoir survivre? Êtes-vous en mesure de nous dire de façon catégorique si vous pourrez rester en affaires pendant ce temps?

  (1550)  

    Je peux affirmer catégoriquement que nous aurons mis fin à nos activités. S'il faut sept mois pour résoudre la question, il ne nous sera pas possible de démarrer. Nous fermerons boutique.
    Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite intervenir?
    M. MacDonald, la parole est à vous.
    Pourquoi risqueriez-vous votre argent là-dedans? Allons-donc, c'est une plaisanterie. Enfin, si je demandais vraiment aux gens ici présents s'ils sont prêts à placer leur argent chèrement gagné, au cas où ça marcherait, ça ne donnerait rien. Voilà, c'est un fait. Vous vous trouvez à contrecarrer la concurrence et l'innovation.
    Je vais vous dire que cette décision est censée être favorable aux consommateurs mais elle agit tout à fait à leur détriment.
    M. Cohen, la parole est à vous.
    À mon avis, pour des géants comme Bell et Telus, une amende de 15 millions de dollars fait tout simplement partie des coûts d'entreprise.
    M. Deane, vous pouvez intervenir.
    J'aimerais faire écho ici à ce que disait M. MacDonald. Comme cela a été le cas avec son entreprise, nous aussi avons déboursé beaucoup d'argent pour lancer notre service de téléphone à Regina. Nous aimerions bien poursuivre, mais sous le régime actuel, les chances que nous puissions démarrer à Weyburn, Yorkton, Melville ou Kamsack seraient à peu près nulles.
    En ce cas, on peut dire que dans les régions rurales du Canada, donc à l'extérieur des zones urbaines que certains d'entre nous représentent, cela nous mènera inévitablement à la catastrophe, comme vous l'avez fort bien souligné.
    M. Cohen, vous avez brièvement abordé le programme de reconquête. Dans le rapport TPR dont le ministre a retenu certaines recommandations, il est dit que cette reconquête n'est pas une mauvaise chose, et que c'est d'ailleurs ainsi que se passent les choses.
    Quelles répercussions est-ce que cela aura sur votre entreprise? Est-ce que les consommateurs vont l'emporter en fin de compte?
    Non. Si je ne m'abuse, pour M. Bernier, les règles de reconquête empêchent les consommateurs d'avoir accès à des agissements concurrentiels réels. C'est sans doute ce qu'il a appris des entreprises de téléphone titulaires, mais elles l'ont induit en erreur. Elles attirent votre attention sur la petite part du marché qui a déjà profité d'agissements concurrentiels en s'abonnant chez le concurrent.
    Au contraire, la reconquête permet aux monopoles de tirer des recettes maximales de leurs ventes à la majorité des consommateurs. Plutôt que d'annoncer leurs tarifs les plus avantageux et de les offrir à la plupart des consommateurs, ils peuvent les passer sous silence puis les offrir de manière très ciblée et anticoncurrentielle à ceux qui les ont laissé tomber. Cela leur coûte bien moins cher. La mesure dans laquelle ils réussissent fait monter nos coûts d'acquisition.
    Toujours au sujet de la reconquête, j'ajouterai ceci. Son aspect le plus insidieux c'est que seuls les titulaires peuvent s'en servir. Ainsi par exemple, si je réussis à vendre un service à un nouveau client qui par le fait même quittera une grande compagnie de téléphone, ni Primus, ni Vonage, ni Rogers ne pourra rappeler ce même client pour essayer de le ramener à lui. Le seul à être en mesure de le faire est le titulaire. Or, pourquoi ce dernier est-il au courant? Simplement parce qu'avant, c'est lui qui desservait tous les clients, conséquence de son monopole.
    Selon vous — en une réponse très brève, parce qu'il ne me reste que quelques secondes — quels seront les résultats dans une année environ? Prévoyez-vous une situation dans laquelle les anciens monopoles vont se remonopoliser?
    Je ne crois pas que cela arrivera parce qu'à l'heure actuelle ils se mesurent à de très gros géants. Rogers n'est pas non plus un petit joueur. Vidéotron n'est pas un petit joueur. Mais éliminer les restrictions sur la reconquête ne retarde certes pas la croissance de la concurrence, surtout de la par des petits concurrents.
    Vous avez 45 secondes.
    Messieurs MacDonald et Stinson, j'aimerais avoir une idée des nouvelles innovations. Je comprends que, dans le cas de M. Stinson, vos marchés sont très petits, mais certaines personnes suggèrent que, d'une certaine façon, ce sera une bénédiction pour les consommateurs, seulement bien sûr dans certaines régions du pays à l'heure actuelle.
    À quels types d'innovations pouvons-nous nous attendre, alors qu'il ne reste que quelques joueurs dans l'industrie?
    En fait, la plus grande innovation possible....c'est que lorsque nous n'existions pas, les prix des services téléphoniques étaient beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui. C'est clair et simple. Nous avons amené des concurrents. Nous avons regrouper nos services différemment de ceux du titulaire. Par conséquent, les consommateurs en sortent gagnants. Mais si on ne nous donne pas la chance de passer la ligne de départ, ça ne peut pas arriver.
    Voilà la plus grande innovation. C'est la plus grande innovation que les Canadiens apprécient. Leur facture sera moins élevée. Si nous ne sommes pas là, ce ne sera pas le cas. Je ne sais pas pourquoi nous récompensons un titulaire qui a exigé des tarifs trop élevés. Je ne comprends tout simplement pas.

  (1555)  

    Vouliez-vous faire une observation à ce sujet?
    Je suis d'accord avec M. MacDonald. Je voudrais simplement ajouter que du point de vue technologique, l'innovation ne pourra pas croître dans le Canada rural. Il y a de nombreuses entreprises comme la nôtre, qui ont 10 000 abonnés, 7 000 abonnés, ou moins — 1 000, 100 — et ça n'arrive pas. Nous ne lancerons pas de service. Nous n'allons pas investir des fonds à cette fin.
    Très bien.
    Puis-je ajouter quelque chose à cela?
    À Terre-Neuve, d'où je viens, l'entreprise de câblodistribution dont j'étais auparavant propriétaire, Cable Atlantic, a été la première en Amérique du Nord à fournir des services Internet à toutes les écoles. Nous étions les premiers en Amérique du Nord. Cela remonte à dix ans.
    L'innovation vient bel et bien des petits joueurs. C'est la nécessité qui nous y oblige.Les grands joueurs ne le faisaient pas. Bell ne le faisait pas, mais disait être un grand chef de file au Canada. La réalité, c'est que nous avons été le premier groupe à le faire.
    C'est ainsi que ça se passe.
    Merci.
    Merci, monsieur McTeague.
    Poursuivons avec M. Vincent.

[Français]

    Ma question s'adresse à vous, monsieur Cohen.
    Vous avez dit que la colocation coûtait très cher. Les deux plus gros joueurs sont Bell Canada et Vidéotron. Or, dans un contexte de déréglementation, il faut trois joueurs pour assurer une saine compétition.
    Est-il possible que les deux gros joueurs choisissent un petit joueur pour l'intégrer à leur fil ou à leur câble afin d'avoir une certaine concurrence? Comme vous l'avez dit, 19,99 $ ou 19,49 $ pour brancher une personne n'est plus un bon prix pour ces gens. Cependant, si un petit joueur s'infiltre grâce à la coopération d'un gros joueur, il y aura concurrence.
    Est-ce possible que ces joueurs choisissent n'importe quel petit joueur et lui donnent une petite part de marché pour assurer une certaine concurrence?

[Traduction]

    Tout est possible. Si vous faites référence à la règle des trois et trois, je ne crois pas que nous ayons besoin d'un troisième joueur. Il nous faut simplement une entreprise de télécommunications sans fil comme troisième joueur, et ça pourrait certainement arriver. Ça ne sera pas Distributel, je peux vous l'assurer.

[Français]

    Je comprends. Vous alliez parler tout à l'heure de la colocation. J'aimerais que vous nous donniez le fond de votre pensée sur la déréglementation du ministre Bernier. Qu'est-ce qui pourrait arriver? M. Stinson nous a dit qu'après sept mois, il pourrait disparaître de la carte des joueurs. Que préconisez-vous pour qu'il puisse y avoir une saine compétition?
    Ma question s'adresse à tous.

[Traduction]

    Honnêtement, je crois que le CRTC faisait du bon travail. Auparavant, il nous a démontré qu'il sait comment introduire de la concurrence dans un marché. Il n'a pas besoin de déréglementer avant d'établir la concurrence. Je crois que c'est le genre de choses dont nous aurons besoin à l'avenir.

  (1600)  

    Monsieur MacDonald.
    J'ai une réponse quelque peu différente à votre question. À Terre-Neuve, par exemple, il faut acheter des circuits de la compagnie de téléphone pour pouvoir offrir des services Internet dans un grand nombre de régions très rurales. En règle générale, la compagnie doit nous les fournir dans les 30 jours. En général, il nous a fallu 90, 120 jours ou même une année pour obtenir ces circuits de la compagnie de téléphone. Nous discutons avec elle et collaborons, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour que nos consommateurs soient bien desservis. Mais elle ne le fait pas.
    En réalité, lorsqu'on fait affaires avec ces entreprises dont on tente de s'emparer des consommateurs, si on croit même un instant qu'ils vont être utiles... ça ne marche pas; c'est simplement la nature humaine. Elles ne vont pas nous faciliter la tâche, et voilà la réalité. C'est aussi simple que ça.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Vous vouliez ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Monsieur Stinson.
    Je crois que le CRTC était sur la bonne voie avec son idée de déréglementation. Les tests de marché étaient solides. Ils permettaient aux nouveaux venus d'offrir des services aux consommateurs. Ils permettaient aux consommateurs d'essayer le produit avant d'être attaqué par le titulaire, qui s'efforçait de récupérer le consommateur.
    Je crois qu'il s'agit réellement du modèle que nous devrions suivre.
    Monsieur Deane.
    Je crois que nous avons la même opinion. Personne ne recommande de ne pas avoir un environnement concurrentiel en laissant les forces du marché établir les prix. Il s'agit simplement de savoir comment y arriver.
    Pour que la concurrence soit durable, nous avons besoin de mesures de protection à court terme, mesures que je considère comme temporaires.
    Je suis d'accord avec mes collègues ici pour dire que le conseil avait raison d'établir ces mesures temporaires — le seuil de 25 p. 100 — pour nous permettre d'être viable et d'avoir un modèle d'affaires qui fonctionne à long terme. Par la suite, plus de gants. Laissons les forces du marché fixer les prix. C'est bon pour tous les consommateurs.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Vincent.
    C'est justement pour cette raison que les forces du marché existent, et c'était le but de la question que j'ai posée plus tôt. Lorsque le 25 p. 100 sera atteint, ce sont les libres forces du marché qui dicteront le règles. Les deux plus gros joueurs ne peuvent pas jouer à deux. S'ils veulent assurer une saine compétition, il faut qu'ils fassent entrer sur le marché un troisième joueur. Comme vous l'avez dit, la colocation des services d'autres compétiteurs coûte très cher. Ils pourraient donc choisir un compétiteur et lui vendre ces services 12 $ ou 13 $, lui laisser une part du marché et s'accaparer du reste. Cela devrait assurer une compétition. Cependant, ce n'est pas valable pour les autres joueurs, en l'occurrence vous, qui devraient être sur le marché. Or, on ne laisse pas de place à ces gens.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Monsieur MacDonald.
    Je crois que vous avez bien exprimé votre idée. Reprenons mon exemple de Sudbury; le critère, c'est qu'il faut qu'il y ait trois concurrents, dont une entreprise de télécommunications sans fil. En réalité, une personne sur le marché offre ses services Internet, de téléphonie et de télévision à rabais. En fait, tous les marchés au Canada ont des services de télécommunications sans fil.
    C'est donc un critère très peu concluant. Cela ne donne tout simplement pas de résultats. Au bout du compte, cela nous encourage à ne pas investir parce que nous ne pouvons pas le faire. Voilà le fond du problème. Ce critère est très peu solide.
    Monsieur Stinson.
    Poussons ce critère un peu plus loin. Tenter d'utiliser vos services de télécommunications sans fil à l'extérieur d'un marché urbain. Venez dans l'une de mes collectivités et essayez de vous servir de votre téléphone cellulaire. Ça ne fonctionne tout simplement pas, ou si ça fonctionne, ça ne fonctionne pas bien. Quelle qualité de service devons-nous ajouter à ces critères? Selon moi, ils ne sont pas adéquats à l'heure actuelle.
    Merci monsieur Vincent.
    Poursuivons avec M. Carrie, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Merci beaucoup à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Nous avons notamment examiné l'histoire des télécommunications. Prenons par exemple les appels interurbains. En 1993, un appel interurbain coûtait 0,35 $ la minute, et aujourd'hui, il coûte environ 0,10 $ la minute. À ce moment-là, on vendait environ 10 milliards de minutes; aujourd'hui, c'est 35 milliards.
    À cette époque, voici ce que l'opposition disait:

... ce même gouvernement qui répète constamment que la déréglementation permettra aux consommateurs de réaliser des économies. Or, ce ne sera certes pas le cas pour le consommateur moyen d'une petite région éloignée.
    C'était en 1993. Voici une autre citation:

Le Canadien moyen et l'entrepreneur moyen seront les perdants.
    Voici une autre citation au sujet du projet de loi:

Le projet de loi ouvre la voie à la déréglementation, ce qui est très inquiétant, il harmonise notre secteur de télécommunications avec l'Accord de libre-échange nord-américain, ce qui pourrait compromettre beaucoup d'emplois canadiens à l'avenir.
    C'est ce que l'opposition disait en 1993. En réalité, c'est tout le contraire qui s'est passé.
    Dans tous les pays ayant travaillé à la déréglementation de la téléphonie locale — nous parlons de la Suède, de Hong Kong, du Danemark, de la Finlande, de l'Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, du Royaume-Uni, de l'Australie — nous n'avons jamais vu de comportement non concurrentiel. Nous entendons dire que les titulaires vont se serrer les coudes et user de leur influence, mais il semble que cela n'ait pas été le cas sur le marché mondial.
    Ma question s'adresse aux représentants de Télésat. Vous avez mentionné que vous êtes une entreprise internationale ayant des intérêts ailleurs dans le monde. Nous n'avons pas beaucoup entendu parler des entreprises des télécommunications par satellite. Dans combien de pays êtes-vous présent et avez de l'expérience?

  (1605)  

    À l'heure actuelle, nous fournissons des services au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs pays d'Amérique du Sud.
    Et comme Telesat a une vaste expérience internationale, diriez-vous que la politique du gouvernement est compatible avec la tendance générale qui se manifeste à l'extérieur du Canada?
    Oui. Comme vous le verrez dans notre mémoire...
    Vous savez, je dois dire que notre position au sein de l'industrie est un peu différente de celle qu'occupent tous les autres témoins ici présents. Nous sommes un joueur international, et, d'après nous, le problème de la réglementation des télécommunications au Canada est qu'elle est la même pour tous. Lorsque nous nous comparons à nos concurrents internationaux, dont plusieurs sont considérablement plus gros que nous, nous constatons qu'ils ne sont pas assujettis au même fardeau de réglementation que nous. Ils n'ont pas à payer de droits de permis; ils ne sont pas obligés de présenter des rapports périodiques et ils ne sont pas obligés de réinvestir, comme nous, dans l'économie nationale. Ils ne sont pas assujettis à ces règles or, ils bénéficient d'importantes économies d'échelle.
    À notre avis, si vous voulez appuyer une entreprise de satellite ici au Canada, il faudra modifier la politique en matière de télécommunications. Il faut que la déréglementation se fasse plus rapidement qu'au cours des dernières années.
    D'autres témoins nous ont dit que l'ensemble de cette industrie croît à pas de géants et devient concurrentielle sur le marché international et que nous devons moderniser notre réglementation. Un témoin nous a même dit aujourd'hui que la réglementation allait freiner l'innovation au Canada.
    À M. Maduri de Barrett: il paraît que vous êtes un fournisseur de service à large bande dans les régions rurales. Êtes-vous également d'avis que si cette mesure est adoptée elle pourrait freiner l'innovation au Canada?
    Je dirais qu'il y a de bonnes réglementations et qu'il y en a également de mauvaises. Prenons l'exemple du compte de report; nous nous préparons à fournir des services par satellite en bande Ka dans les régions rurales du Canada. Nous nous préparons à offrir un service sans fil à large bande. Il y a un nouveau modèle en Alberta, qu'on appelle le SuperNet, où le gouvernement travaille avec Bell pour créer un réseau de base à l'échelle de la province.
    Toutes ces initiatives sont nouvelles. Il y a une technologie perturbatrice qui s'en vient et en voilà de bons exemples. La question est de savoir si la réglementation va suivre le mouvement?
    D'après nous, le compte de report est un exemple de mauvaise réglementation. Nous avons des concurrents. Nous avons investi 50 millions de dollars en capitaux propres, en capital privé, sur une période de près de 18 mois. À l'heure actuelle — 2006 aura été notre première pleine année d'activités avec à la fois des services par satellite et sans fil — nous avons 35 000 clients de services à large bande dans les régions rurales.
    Je pense que cela montre que l'innovation existe. Pour nous, cependant, le problème c'est cette mauvaise réglementation, dont le compte de report est un exemple, où l'organisme de réglementation a essayé de créer, d'encourager ou de favoriser la concurrence locale en téléphonie dans les zones urbaines. Il y a 621 millions de dollars gelés dans le compte de report et l'organisme de réglementation a décidé d'utiliser cet argent pour aider les régions rurales à accéder aux services à large bande. Encore une fois, il s'agit d'une décision qui introduit une forte distorsion et qui a un impact très négatif sur notre modèle de gestion.
    Alors oui, l'innovation existe. Il y a une technologie perturbatrice et elle ne se limite pas nécessairement au Canada. Les forces sont mondiales. Elles ne sont pas seulement canadiennes et nous devons être prêts à nous adapter. La question est de savoir si on va également adapter la réglementation. Le compte de report est un exemple très précis qui semble indiquer que ce n'est pas le cas. La réglementation ne tient pas compte de l'évolution des modèles de gestion ni de la technologie.

  (1610)  

    M. MacDonald a indiqué qu'il aimerait intervenir.
    Je déteste le tableau que vous brossez. Vraiment. Tout d'abord, nous disons, en tant que groupe, que notre présence sur le marché fera baisser les prix. Nous ne disons pas que les prix vont rester stables mais qu'ils vont augmenter; c'est tout à fait faux.
    Je ne sais pas où vous avez pris cette idée, mais ce n'est pas comme cela que ça va se passer.
    Quel tableau, monsieur? Pouvez-vous vous expliquer un peu mieux?
    Vous dites que l'autre partie disait il y a dix ans que les tarifs interurbains n'allaient pas diminuer, etc. La fait est que nous sommes en train de prouver que lorsque nous offrons des services les prix diminuent. C'est pour ça que nous sommes en affaires. C'est pourquoi nous pouvons réussir si seulement on nous permet d'être concurrentiels. C'est très important et je ne voudrais pas que vous l'oubliez.
    C'est très important. L'autre chose qui est très importante aussi est que vous devez reconnaître que dans les régions urbaines le modèle fonctionne. Les grandes entreprises ont pris leur part du marché. Mais les règles ont été modifiées il y a un mois ou deux de sorte que nous tous autour de cette table qui offrons des services dans les régions rurales jouons selon des règles du jeu différentes.
    Ainsi, les entreprises rurales qui veulent offrir ce service se trouvent pénalisées. Eh bien, je vais vous dire une chose. Cela n'encourage pas la concurrence et c'est une erreur.
    Merci.
    Désolé, monsieur Carrie, votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Masse.
    Merci, monsieur le président. Merci aux témoins de leurs exposés.
    Je pense que je vais changer de sujet pour vous interroger sur le plafond des investissements étrangers. On en a parlé. Soyons clairs, le montant du capital étranger investi n'est pas vraiment plafonné. À l'heure actuelle, les restrictions s'appliquent plutôt aux actions avec droit de vote. Que penseriez-vous de l'idée de commencer à déréglementer et à alléger les restrictions en matière de participation étrangère? J'aimerais savoir si vous seriez pour ou contre l'allègement de ces restrictions.
    Malgré ce qui a été dit, il y a en fait beaucoup d'investissement dans cette industrie. Pour justifier la levée des restrictions en matière de participation étrangère, on a fait valoir que ces règles freinent l'investissement dans cette industrie.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ma question s'adresse à qui veut bien répondre.
    Monsieur MacDonald, voulez-vous commencer?
    Je vais répondre, car nous avons un grand nombre d'actionnaires américains.
    La façon la plus simple de répondre à votre question est de dire que si nous imposons des restrictions ici, il serait normal que nous soyons assujettis aux mêmes restrictions dans les autres pays; que nous ne serions pas autorisés à investir ailleurs dans le monde. Expliquez-moi pourquoi les choses seraient différentes. J'aimerais acheter un réseau de câblodiffusion aux États-Unis ou en Europe ou ailleurs, mais si je suis les règles canadiennes, je ne le pourrais pas.
    Mon entreprise ne peut pas se développer si je suis les règles canadiennes. Je ne comprends pas. C'est une erreur. C'est absolument une erreur. Cela prouve que nous ne croyons pas en nous-mêmes et en notre capacité d'être propriétaires de ces entreprises et de les gérer.
    Monsieur Masse.
    J'aimerais maintenant parler du CRTC qui a rendu une décision au sujet des trop-perçu et du remboursement de ces sommes aux clients. Bell et Telus, en particulier, ont imposé des tarifs excessifs et le CRTC a décidé que cet argent devrait être versé dans un fonds de développement pour, peut-être, aider à offrir des services d'Internet dans les régions rurales. Les consommateurs ont contesté cette décision devant les tribunaux et demandent que ces fonds leur soient remboursés.
    Supposons que l'on décide de permettre à ces entreprises d'utiliser ces fonds pour offrir des services ruraux. Elles ont obtenu cet argent en imposant des tarifs excessifs à leurs clients à différents endroits. Est-ce que cela vous placerait dans une situation désavantageuse sur le plan de la concurrence si ces entreprises avaient la possibilité d'utiliser l'argent provenant de ces tarifs excessifs pour l'investir dans le développement de leurs propres services ruraux?
    Qui veut répondre?
    Monsieur Maduri.
    Absolument, ce serait un désavantage concurrentiel pour nous. Un certain nombre de mes collègues et moi-même avons soumis nos plans d'entreprise ainsi que la liste des collectivités où nous offrons à l'heure actuelle les services à large bande. Je pense que nous avons dit très clairement et publiquement que c'est effectivement un problème.
    Cependant, je pense que la vraie question c'est la définition très large des régions rurales. Si vous examinez les propositions dont la plus importante est probablement les centaines de millions de dollars que propose d'investir Bell Canada, et j'espère ne pas me tromper... 455 millions de dollars d'investissements feront progresser les services à large bande dans les régions rurales de l'ordre de 2,5 p. 100.
    Cela laisse un important marché non exploité pour les services à large bande dans les régions rurales du Canada. Si vous introduisez ce genre de distorsion du marché qui nuit à la capacité des intervenants d'investir, la question est de savoir qui obtiendra les derniers 10, 15 et 20 p. 100? Car vous allez causer beaucoup de distorsion et de consternation sur les marchés financiers. Est-ce que les entreprises comme Telesat et Barrett doivent investir dans des satellites? Devons-nous investir dans le service sans fil? Est-ce que les autres entreprises vont investir?
    C'est le facteur de distorsion qui cause des problèmes dans les régions rurales. Nous ferons preuve de créativité, nous nous adapterons, nous trouverons des solutions à condition que le processus soit juste et efficace. Nous sommes engagés dans ce processus à l'heure actuelle. À la condition qu'il soit juste et efficace, nous nous en accommoderons, nous innoverons, parce que nous n'aurons pas le choix. La véritable question est de savoir si les Canadiens des régions rurales seront défavorisés.

  (1615)  

    Monsieur MacDonald.
    Les Canadiens seraient furieux s'ils savaient que nous songeons à récompenser ceux qui leur ont imposé des tarifs excessifs en leur rendant l'argent pour qu'ils puissent le réinvestir. C'est absolument fou. Si vous achetiez une voiture et qu'on vous la fasse payer trop cher et qu'ensuite le concessionnaire puisse prendre l'argent qu'il a perçu en trop et l'investir pour offrir un nouveau service, comme, par exemple, de peindre les voitures. Les Canadiens seraient furieux.
    Pourquoi pensons-nous que c'est raisonnable? Je ne comprend pas pourquoi nous récompensons une entreprise titulaire qui a perçu des tarifs trop élevés en lui rendant l'argent pour qu'elle puisse faire concurrence à des entreprises comme les nôtres, qui investissons notre argent durement gagné dans des services d'Internet pour toutes ces collectivités rurales. C'est incroyable. Ça nous offusque à tous les niveaux.
    Ce n'est qu'ici, au moyen de ces règles, de ce processus, que nous songerions à rendre à ces entreprises l'argent qu'ils nous ont fait payer en trop. C'est absolument honteux que le Canada y songe même. C'est vraiment une erreur. C'est même obscène.
    Monsieur Deane.
    J'aimerais vous décrire rapidement le tableau de la concurrence en Saskatchewan. Nous ne nous inquiétons pas du compte de rapport, tout simplement parce que ça ne donne pas grand-chose à notre concurrent, SaskTel. Pour faciliter l'accès aux services Internet à large bande en Saskatchewan, en soi, un bon objectif public, le gouvernement a tout simplement versé une subvention de 75 millions de dollars provenant du Trésor à la société d'État SaskTel qui détient le monopole.
    Si ça n'est pas une distorsion du marché, je ne vois pas ce qui pourrait l'être. Alors dans les régions rurales de la Saskatchewan notre concurrent sur le marché des marchés Internet à large bande a été financé par le contribuable.
    Merci.
    Une dernière petite question, monsieur le président?
    Très rapide.
    Hier, le ministre a dit, dans son témoignage, qu'il estimait que la déréglementation permettrait aux consommateurs d'économiser 1 p. 100. Est-ce que vous nous dites maintenant que si la déréglementation continue d'une façon ou d'une autre, vous allez en fait permettre aux consommateurs de réaliser des économies plus importantes?
    Qui souhaite répondre?
    Je peux répondre à cette question.
    Je vous ai expliqué que s'il n'y a pas de concurrence sur le marché, le consommateur n'économisera pas 25 p. 100. C'est un exemple réel, concret et c'est ce qui est arrivé cette semaine.
    Très bien, merci.
    Merci, monsieur Masse.
    C'est maintenant le tour de M. Brison, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions. J'aimerais parler des régions rurales et plus particulièrement de la circonscription de Kings—Hants.
    Selon un document de la Bibliothèque du Parlement sur les parts du marché local dans ma région, dans la vallée de l'Annapolis, ce sont les entreprises titulaires qui possèdent 96,9 p. 100 du marché.
    Je ne reçois même pas le câble là où j'habite. En fait, pour avoir accès à l'Internet haute vitesse, il faut que j'installe une antenne parabolique. C'est un monde différent, mais c'est la réalité pour un grand nombre de Canadiens qui vivent dans de petites villes ou dans des régions éloignées.
    Dans la vallée de l'Annapolis et dans les petites villes canadiennes, quelle est l'incidence de cette décision sur les prix à court terme? J'aimerais également que vous me disiez quels seront, à votre avis, les prix à long terme. Est-ce qu'il y a un risque d'effet inflationniste? En fait, comme les grandes entreprises titulaires appliquent une stratégie de tarification plus agressive dans les grands marchés où il y a plus de concurrents, est-ce qu'il y a un risque qu'elles augmentent les tarifs des services locaux dans d'autres collectivités afin de compenser leur manque à gagner sur les grands marchés et renforcer leur situation financière?

  (1620)  

    Monsieur Deane.
    Je pense qu'il est tout à fait possible que cela se produise. En fait, l'entreprise titulaire a déjà soulevé la possibilité d'une augmentation des tarifs dans les régions rurales de la Saskatchewan pour financer leur effort concurrentiel sur les principaux marchés à Saskatoon et Regina. Donc, je crois que c'est une réelle possibilité, surtout si nous décidons de ne pas étendre nos services aux régions rurales, alors que logiquement nous sommes le seul concurrent propriétaire d'installations.
    Monsieur MacDonald.
    Le fait est que les entreprises titulaires doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Si elles perdent de l'argent sur un marché, elles vont combler cette perte ailleurs. Si elles ont un monopole, je peux vous garantir qu'elles vont compenser cette perte.
    J'aimerais que vous me disiez qui, d'après vous, du CRTC ou du Bureau de la concurrence serait le plus efficace pour encourager la concurrence et rendre des décisions dans de meilleurs délais. Pensez-vous que le Bureau de la concurrence sera plus ou moins capable que le CRTC de rendre des décisions dans les délais requis?
    Monsieur MacDonald.
    Vous savez, je suis toujours en lutte contre le CRTC pour une raison ou une autre, mais la bonne nouvelle c'est que je comprends les règles du CRTC et celles du Bureau de la concurrence. Les règles sont claires.
    Il y a quelques mois, lorsque le ministre a changé les règles du jour au lendemain, il a compromis les millions de dollars que nous avions investis. Ça, ce n'est pas juste. Ce n'est pas une façon de faire les choses.
    Je peux m'accommoder des règles. Elles ne me plaisent peut-être pas, et je lutte contre elles souvent, mais je peux m'en accommoder.
    Je ne pense pas que je vais me fier au Bureau de la concurrence pour régler mes problèmes le jour où je déciderai de pénétrer un nouveau marché. Je ne pense pas que je m'adresserais à lui, car je ne peux pas attendre cinq, six... La semaine dernière, le Bureau de la concurrence a dit je pense que s'il agit très rapidement et très efficacement, il peut rendre une décision dans un délai de cinq mois. Eh bien, permettez-moi de vous dire, qu'au bout de cinq mois mon entreprise est foutue. Je ne pense pas que c'est là que je vais mettre mon argent durement gagné, ça c'est certain.
    En ce qui concerne l'ensemble des recommandations du groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, seriez-vous d'accord pour que nous entreprenions une réforme de notre approche de réglementation de l'industrie? Plutôt que de choisir certaines recommandations et d'annuler les décisions du CRTC, en l'affaiblissant systématiquement par un train de décisions ministérielles, seriez-vous d'accord avec l'orientation générale du rapport ,si ces recommandations étaient appliquées dans le cadre d'une réforme générale?
    Oui, je pourrais m'en accommoder, franchement. D'une manière bien gérée, en veillant à ce que les nouveaux arrivants sur le marché aient la possibilité de s'établir... À part cela, oui.
    Je pense que ce groupe est très favorable à la concurrence. C'est notre avenir. Nous voulons être concurrentiels; nous voulons simplement qu'on nous en donne la chance.
    Je pense qu'il y a beaucoup de bons éléments dans le rapport , mais nous avons constaté qu'il ne traite pas des services par satellite.
    La réalité à laquelle nous somme confrontés dans notre industrie c'est l'évolution constante de la technologie. Il y a des régions de cette planète qui se verront offrir le service sans fil, à large bande et à large bande par satellite sans avoir connu la câblodistribution. Le défi pour n'importe quel régime de réglementation est de faire en sorte que nous restions à la fine pointe de la technologie.
    Je pense que l'émission des services par satellite est une lacune importante. À notre avis, étant donné l'immensité de notre territoire et l'éparpillement de notre population, le satellite a un rôle essentiel à jouer.
    L'exemple du satellite est un cas particulier, mais de manière générale, la réglementation doit sans cesse tenir compte de l'évolution de la technologie.
    Très bien, merci.
    Monsieur Deane, très rapidement, sil vous plaît.
    Cette approche serait certainement préférable à une modification rétroactive des règles après que des entreprises, la nôtre ou une autre, ait investi d'importantes sommes.
    Merci.
    Merci, monsieur Brison.
    Nous passons maintenant à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui.
    Je tiens à vous dire d'emblée que je comprends très bien votre position — je suis mois même propriétaire d'une petite entreprise, monsieur MacDonald, je suis concessionnaire d'autos, mais vous devez m'aider à comprendre une chose.
    Croyez-moi, lorsque je vous entends parler de vos préoccupations, je vous comprends, car, comme je l'ai dit, je suis propriétaire d'une petite entreprise. Dans mon cas, nous sommes forcés de soigner notre image. Cela veut dire que nous devons investir un million, un million et demi de dollars, juste pour embellir la concession.
    Alors je sais ce que c'est que d'investir de l'argent. Et nous faisons la même chose, nous cherchons les possibilités. Mais dans mon secteur d'activité, voici comment les choses se passent: le client peut venir dans mon magasin et négocier le meilleur prix puis il peut aller faire la même chose chez le prochain concessionnaire.
    Ça, je connais très bien. Je ne comprends pas quelle est la différence dans votre secteur? Ce que vous ne pouvez pas faire la même chose?
    Si quelqu'un m'appelle et me dit qu'il aimerait... avec l'abstention, renoncer... pourquoi ne pouvez-vous pas le rappeler lui demander ce qu'il a dit et lui dire: « Eh bien, vous savez, nous allons faire un peu mieux ».
    Je ne comprends pas.

  (1625)  

    J'ai du mal à croire que vous ne puissiez pas comprendre cela, étant vous même propriétaire d'une petite entreprise. Si vous êtes propriétaire d'une petite entreprise, vous n'investiriez pas dans votre entreprise si vous saviez que votre concurrent allait vous battre à tous les coups, grâce aux règles qui jouent en sa faveur. Pourquoi investir dans ces conditions? Dans l'espoir que le consommateur est un imbécile et qu'il va changer de fournisseur?
    Aidez-moi...
    C'est moi qu'il faut aider, parce que je ne comprends pas.
    Pourquoi dites-vous que vous ne pouvez pas faire face à la concurrence? Je ne demande pas...
    Il existe un ensemble de règles. Je viens de vous donner un très bon exemple au sujet de Sudbury. Nous venons d'investir 8 millions de dollars dans un système. Un client appelle la compagnie de téléphone et dit, je vais m'abonner à Persona. La compagnie de téléphone lui dit non, ne vous donnez pas cette peine. Je vais vous donner 45 $. Puis, je vais réduire vos frais de 10 $ pour l'Internet, de 30 $ pour le téléphone et de 13 $ pour la télévision.
    Alors, à moins que vous ne pensiez que le consommateur... Comme David Ogilvy, le grand publiciste a dit un jour, le consommateur n'est pas un imbécile, c'est votre femme. Les consommateurs sont intelligents. Ils diront, eh bien, savez-vous, je ne veux pas me donner la peine de changer; je vais économiser des tas d'argent et ça me coûtera seulement un appel téléphonique.
    Mais pourquoi ne pouvez-vous pas rappeler ce client pour lui demander pourquoi vous n'avez plus de ses nouvelles? S'il vous dit que Bell vient de lui faire une meilleure offre, pourquoi ne pas lui dire, très bien, voici ce que nous, nous vous offrons?
    Qu'est-ce que je suis censé faire, réduire encore mes prix? Le coût d'entrée sur le marché est très élevé.
    C'est ce qui nous arrive à nous aussi, croyez-moi, c'est aussi ce qui nous arrive.
    À l'ordre.
    Vous savez? C'est ridicule. Absolument ridicule.
    Je viens de vous donner un exemple concret qui prouve que nous n'avons aucune chance d'attirer un client, et vous me dites d'investir là-dedans. Vous ne pouvez pas être propriétaire d'une petite entreprise. C'est une blague.
    Eh bien, demandons à quelqu'un d'autre...
    J'ai sur ma liste M. Cohen, puis M. Deane.
    Monsieur Van Kesteren, vous voulez peut-être parler de reconquête, mais ce n'est pas quelque chose qui se produit avant la vente.
    Je suis totalement d'accord avec vous. Le consommateur peut aller de fournisseur en fournisseur, solliciter la meilleure offre puis faire son choix. Mais dans un cas de reconquête, le consommateur a déjà fait son choix: et peut-être qu'il n'appelle pas la compagnie de téléphone pour lui demander la meilleure offre — mais la compagnie de téléphone, du fait qu'elle contrôle ce client, est au courant de la transaction et c'est la seule compagnie parmi les concurrents qui a cette information. Puis, d'une manière bien précise et ciblée, elle sollicite ce client après la vente et lui fait sa meilleure offre.
    Si vous avez acheté un téléviseur chez le détaillant X, plutôt que le détaillant Y, une fois votre choix fait, c'est terminé. Le détaillant X ne vous rappelle pas la semaine suivante pour vous dire rapportez votre téléviseur nous allons vous faire une meilleure offre.  
    Merci.
    Monsieur Deane.
    Je pense qu'il y a trois différences essentielles. Vous avez parlé d'un gros investissement pour vous lancer en affaire, mais l'auriez-vous fait si le seul autre concessionnaire en ville avait bénéficié d'un monopole pendant 100 ans? La deuxième différence est qu'ils vendent exactement le même produit. Exactement la même Honda, sans différence, et ils sauraient cinq jours avant que vous livriez la marchandise toutes les voitures que vous avez vendues. Et puis la question est de savoir si vous feriez cet investissement de 1,5 million de dollars pour vous lancer en affaire.
    Si vous aviez du temps, est-ce que ce serait possible...? Est-ce que vous souhaitez avoir plus de temps?
    C'est exactement ce que nous souhaitons.
    Nous sommes bien d'accord là-dessus. Nous pensons que c'est aux forces du marché d'agir. La seule chose c'est qu'avant de faire ces gros investissements, nous devons être assurés que le plan d'entreprise est bon, que cela va rapporter; que si nous avons un nombre de clients suffisant tels que Weyburn — ou Sudbury — nous pouvons gagner de l'argent en faisant ce genre d'investissement. Nous devons prévoir une alimentation de réserve, nous modernisons nos réseaux, nous offrons aux clients un service minimal.
    Je comprends bien tout cela, croyez-moi. Je sais très bien de quoi vous parlez.
    Quelqu'un d'autre veut-il ajouter quelque chose?
    J'irais même un peu plus loin, après ce qu'a dit M. Deane, car dans notre situation nous achetons à l'autre entreprise titulaire. Je veux acheter le service téléphonique au titulaire. Je dois ensuite téléphoner au titulaire pour lui dire que le client passe chez nous. Cela prend dix jours. Bell a ensuite dix jours pour téléphoner à ce client et lui offrir de meilleures conditions pour le récupérer — avant que ledit client n'ait même eu la possibilité d'utiliser notre service.

  (1630)  

    Merci, monsieur Van Kesteren.
    Nous allons maintenant passer à M. Vincent.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais savoir ce que nous devrions recommander au ministre, à votre avis, pour que vous ayez la chance d'être encore sur le marché, une fois que les sept prochains mois seront passés.

[Traduction]

    Tout d'abord, laissez-nous nos tarifs de gros. On a entendu dire qu'ils allaient disparaître.
    Deuxièmement, maintenez les restrictions à la reconquête tant que l'emprise des anciens monopoles sur le marché n'a pas suffisamment diminué pour qu'ils perdent cet accès exclusif à nos clients.
    Troisièmement, cessez de politiser ce processus. Maintenez l'ordre, comme par le passé et ne changez pas les règles à tout bout de champ.

[Français]

    Monsieur Vincent.
    Quelqu'un d'autre a-t-il des recommandations à faire?
    Allez-y, c'est le temps de les faire.

[Traduction]

    Nous avons déjà dit que dans les dix plus grosses RMR du pays, où la concurrence est déjà très vive, vous pouviez faire ce que vous vouliez. Par contre, dans les plus petits marchés, où les petites entreprises démarrent, nous estimons que le test de marché devrait être maintenu; le seuil de 25 p. 100 pour l'abstention ne devrait pas être modifié. Les restrictions à la reconquête devraient être maintenues tant que le test n'est pas concluant.
    Monsieur MacDonald.
    Les dispositions concernant la reconquête sont tout à fait illogiques. Permettre au titulaire de parler à votre client et de le récupérer avant même que vous ayez pu le brancher à votre service n'est rien moins que débilitant. Tant que cela demeure, je peux vous dire qu'il n'y a rien à gagner à se lancer dans ce genre d'entreprise. Il n'y a aucun incitatif à offrir aux Canadiens des régions rurales un choix qui leur permettrait d'avoir un meilleur service à moindre frais.

[Français]

    Monsieur Vincent.
    Chaque membre du comité a ses opinions sur le rapport et sur les intentions du ministre. Vous avez aujourd'hui la possibilité de nous faire part des effets pervers que ces nouvelles mesures pourraient avoir sur vos compagnies. Comme le disait M. Stinson, ça pourrait même causer une fermeture prochainement.
    Je veux que vous nous disiez quelle serait selon vous la meilleure solution: le statu quo, des modifications? Nous voulons connaître votre façon de penser, de façon à pouvoir l'intégrer à un prochain rapport. Vos idées sont bonnes. Je pense que vous êtes dans la bonne voie, mais j'aimerais avoir plus de détails, de façon à pouvoir éventuellement renchérir sur les suggestions que vous allez nous faire.

[Traduction]

    Monsieur MacDonald, maintenant.
    La réalité est que le Canadien moyen se fiche pas mal de mon entreprise et probablement de toutes les entreprises représentées ici.
    Vous voulez dire se moque pas mal.
    Exactement.
    Je pensais simplement aux interprètes.
    Je pourrais en fait le dire de façon plus imagée.
    Ce qui les intéresse c'est d'obtenir un bon service à un bon prix. Si les règles actuelles demeurent, les Canadiens des régions rurales, en particulier, n'auront jamais ce choix. Il ne s'agit donc pas tellement de notre entreprise.
    Il est évident que nous sommes ici pour défendre notre entreprise, de façon tout à fait intéressée, comme tous les autres. Mais la réalité c'est que ce sont les Canadiens qui sont en cause, le fait qu'ils puissent ou non obtenir un bon service — un service différent à meilleur prix — et avec les règles actuelles, ce n'est pas possible.
    C'est donc ainsi que je répondrais à votre question, monsieur Vincent, ce n'est pas possible en ce moment.
    Il reste 30 secondes. Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?
    Sinon, monsieur Vincent, avez-vous encore une brève question?

  (1635)  

[Français]

    Si je comprends bien votre intervention, monsieur MacDonald, les grands centres pourront vraiment profiter d'une éventuelle concurrence, mais les régions rurales, quant à elles, vont rester en plan. Il n'y aura pas de concurrence chez elles.

[Traduction]

    Vous comprenez, évidemment, que les grands centres fonctionnent déjà depuis plus d'un an et ont ainsi opéré en fonction de règles totalement différentes qui leur ont permis de s'épanouir. Si cette règle était entrée en vigueur il y a 18 mois, la situation serait différente.
    Aussi, le Canada rural ne bénéficie même pas des règles que les entreprises de câblodistribution des grandes villes ont eues pour s'installer. C'est vraiment paradoxal. Nous ne sommes même pas traités de la même façon. Nous sommes beaucoup moins bien traités.
    Monsieur Stinson.
    Je suis d'accord là-dessus avec M. MacDonald. Nous aurions peut-être investi ailleurs si nous avions su que les règles allaient changer alors que nous installions ces systèmes. Il n'y a aucun incitatif pour une petite entreprise. Nous avons 7 000 abonnés. Il y en a beaucoup d'autres qui sont encore plus petites que nous et qui voudraient faire exactement la même chose. Il n'y a aucune raison qu'elles le fassent. Il n'y a aucune raison qu'elles déréglementent Bell.
    J'ajouterai que les grosses entreprises de câblodistribution qui l'ont fait devraient être félicitées. Elles ont offert un choix aux Canadiens. Elles leur ont offert de meilleurs prix et un meilleur service. Il ne s'agit donc pas de les critiquer. Elles ont très bien réussi.
    Merci. Désolé, l'heure tourne.
    Nous passons maintenant à M. Shipley.
    Je peux partager mon temps; je suis désolé, mais je n'ai plus beaucoup de voix. J'aurais une petite question et je laisserai ensuite M. Arthur poser ses questions, si vous voulez bien.
    À propos de la réglementation actuelle imposée par le CRTC, je crois que nous avons entendu dire qu'il y aurait une déréglementation. C'est une question de temps, si je ne m'abuse. Dans le contexte de cette déréglementation, le Bureau de la concurrence resterait impliqué en cas de concurrence déloyale. Si j'ai bien compris, aussi, il ne dispose pas des outils pour le faire mais il serait censé intervenir.
    Je crois donc que ce dont nous parlons à propos de déréglementation, ce sont ces 15 millions de dollars. Or, si je considère les autres pays dont on a parlé et où l'on n'a jamais dû en fait intervenir à cet égard, ce qui est important, maintenant, c'est que le bureau dispose des outils pour éventuellement agir. Est-ce que c'est ce qui vous inquiète, c'est qu'il n'agisse pas, qu'il ne fasse pas le nécessaire avec les outils à sa disposition. Je sais que M. Cohen a dit que c'était 15 millions de dollars par incident, en ce qui concerne d'éventuels changements à leurs opérations commerciales.
    Pouvez-vous m'aider?
    Monsieur Cohen.
    Monsieur, je ne suis pas sûr qu'il soit vrai qu'il n'ait jamais eu à intervenir dans les cas de comportement anticoncurrentiel dans d'autres pays mais l'on semble dire que nos compagnies de téléphone ne se comporteront pas de façon anticoncurrentielle parce que, d'une façon ou d'une autre, soit il s'agit de bonnes entreprises citoyennes soit la pénalité de 15 millions de dollars les dissuadera de mal agir.
    Lorsque j'ai créé Distributel après un mois de service de Bell Canada, ils sont allés demander au CRTC de me contraindre à cesser toute activité. Les quatre ou cinq premiers mois, je ne savais pas si je pourrais survivre. J'ai finalement survécu, grâce à un processus juste et transparent par lequel le CRTC a pu entendre tous les arguments mais les années suivantes, la compagnie de téléphone a encore à au moins trois reprises tenté de manipuler le cadre réglementaire ou les tarifs de façon à exclure mon entreprise.
    C'est donc quelque chose que nous avons vu. J'irais même jusqu'à oser dire que les efforts de lobby des grandes entreprises de télécommunications auprès de l'administration sont également anticoncurrentiels de par leur nature, parce qu'ils visent à nous soustraire aux règles qui existent aujourd'hui.
    Quelle est la pénalité, 15 millions de dollars?
    Je ne sais pas si 15 millions seraient trop pour les titulaires si cela leur permettait d'éliminer quelques concurrents.
    M. Deane.
    Vous nous demandez de croire sur parole que le Bureau de la concurrence va pouvoir nous défendre. Je peux vous dire que nous n'allons pas investir les millions de dollars nécessaires pour lancer un service téléphonique à Kamsack ou à Weyburn en Saskatchewan sur la foi de bonnes intentions. Il nous faut une série de règles, comme nous pensions en avoir lorsque nous avons fait les investissements à Regina.
    Je vous répondrai ainsi que nous allons devoir attendre de voir ce qui se passe. Cela signifie que la concurrence et des prix plus bas ainsi que les forces du marché que nous essayons tous d'amener dans les régions rurales de la Saskatchewan ou de l'ensemble du Canada ne seront envisageables que beaucoup plus tard qu'ordinairement.

  (1640)  

    Permettez-moi d'ajouter quelque chose.
    Il faut admettre que pour nous, un ministre vient de changer les règles d'un organisme de réglementation: bang, voici les règles. À l'heure actuelle, je ne sais vraiment pas quoi faire. Je ne sais pas quoi croire et je ne sais pas comment je suis censé exploiter mon entreprise parce que je ne sais pas qui décide.
    Peut-être devrais-je simplement faire exactement ce que je veux puisqu'il est ridicule d'essayer d'exploiter une entreprise dans ce genre de contexte.
    Nous vous comprenons.
    Il reste une minute.
    J'aimerais revenir à cette règle. D'après ce que je comprends, si le test de marché n'est pas satisfaisant, la réglementation est rétablie et vous restez là.
    Excusez-moi?
    La réglementation demeure si le test de trois n'est pas probant.
    En effet.
    Il n'y a pas de déréglementation. Ce n'est pas l'impression que vous m'avez laissée dans les commentaires que vous avez faits, à savoir que cela ne marcherait pas.
    M. Deane.
    Mais le troisième élément du test n'est-il pas qu'il existe un fournisseur de service qui dispose d'installations? Il faut commencer par là. Nous avons lancé le service téléphonique à Regina il y a deux semaines. À partir de ce moment-là, sans un seul client, nous avons réussi le test. Puis la déréglementation se produit. Les restrictions touchant la reconquête disparaissent ainsi que tout le reste.
    Donc, dès que nous lançons le service et que nous investissons les fonds à Weyburn, à Estevan ou à North Battleford, les conditions sont remplies. Je peux vous dire qu'il n'est pas question que nous dépensions cet argent.
    Merci.
    Merci, M. Shipley.
    Nous passons maintenant à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais revenir là-dessus, sur ce fameux test. Vous avez raison de dire que ce test présente un certain nombre de problèmes pratiques. D'autre part, si l'un des groupes quitte en fait le marché ou se fait racheter, cela pose aussi des problèmes.
    J'aimerais vous donner la possibilité de nous expliquer un peu mieux ce que représente la pénétration d'un marché, ce que cela coûte en fait. C'est important. Nous n'avons pas assez parlé des éléments pratiques à considérer quand on se lance dans un nouveau marché ni des coûts de démarrage.
    Nous savons que ce n'est pas comme dans d'autres secteurs. Vous faites face à un ancien monopole, qui s'est exercé pendant des années et vous devez en fait acheter de l'espace sur ses services et le concurrencer d'une façon très inhabituelle.
    Peut-être pourriez-vous nous expliquer un peu plus les choses. Lorsque vous entrez sur un marché, quelles sont les différentes choses que vous devez faire pour réussir?
    M. Deane.
    À Regina, par exemple, les consommateurs veulent acheter le service téléphonique. Ils ne veulent pas comparer les produits ou les types de services. Un téléphone est un téléphone et le reste. Mais ils ont certaines attentes: à savoir qu'il marche même s'il y a une coupure de courant et que leurs services primaires réguliers ne soient pas gênés par la concurrence ni le service Internet. Cela nécessite une alimentation de secours, donc un investissement et cela nécessite aussi d'investir dans la gestion de réseaux.
    Dans mon cas, nous avons dépensé 3,5 millions à Regina avant même d'avoir un seul client. Ensuite, l'équipement et l'installation nécessaires chez le client représentent environ 300 $ par client, juste pour le branchement. Aussi, au fur et à mesure que nous ajoutons des clients, le taux marginal ou le taux différentiel est-il de 300 $ par client--et j'ai dépensé 3,5 millions de dollars simplement pour démarrer.
    Si la réglementation ne change pas, si nous continuions comme avant l'intervention du ministre, aviez-vous l'intention de continuer à investir dans ce marché? Quelles étaient vos intentions réelles? Si les règles n'avaient pas changé et si le CRTC avait continué à déréglementer comme il le faisait, quelle était l'intention des exploitants, envisageaient-ils de continuer à investir?
    Je répondrai pour mon entreprise. Nous avions un plan de 24 mois pour présenter notre service téléphonique primaire à la grande majorité de nos clients en Saskatchewan. Au cours des 24 prochains mois, 98 p. 100 de notre clientèle aurait eu accès à un service téléphonique primaire, sous le régime précédent, avec les règles que nous avions.
    C'est essentiellement la même chose pour nous.
    M. Stinson.
    Oui, tout à fait. Nous nous y étions engagés.
    Nous sommes en activité. Nous allons faire des investissements et voulons réussir.
    M. Maduri.
    Nous investissons.

  (1645)  

    Dans notre cas, notre modèle repose davantage sur la revente. Nous ne sommes pas une entreprise de câblodistribution. Nous le faisons en utilisant l'infrastructure de la compagnie de téléphone. Mais sans les tarifs de gros, comme on les appelle, nous ne pouvons rien offrir au public. Nous n'avons pas de moyens de l'atteindre.
    La raison pour laquelle j'ai posé cette question c'est qu'il y a une chose qui est vraiment difficile pour beaucoup d'entre nous dans l'opposition, et c'est que le ministre n'a pas présenté de projet de loi. Cela s'est fait par une interprétation qu'il a donnée des décisions du CRTC. Mais il n'y a pas eu de projet de loi dont nous ayons été saisis, même si un rapport avait été présenté il y a environ un an. Le ministre aurait pu, n'importe quand présenter un projet de loi au comité et à la Chambre des communes.
    N'aurait-ce pas été une façon plus normale, plus honnête vis-à-vis du Parlement canadien, d'opérer ce genre de transformation dans le monde des télécommunications au Canada?
    Allez-y, M. MacDonald.
    Je vous répondrai très franchement à ce sujet: plus c'est retardé, mieux c'est parce que cela me donnera le temps de me lancer sur davantage de marchés et d'avoir quelques chances de réussir. C'est ça la réalité.
    Vous voulez donc gagner du temps.
    M. Ignacy.
    Ce serait contraire à nos intérêts. Pour nous, la déréglementation n'arrivera jamais assez vite au Canada.
    Préféreriez-vous que cela se fasse dans le cadre de la loi actuelle, ou préféreriez-vous que le ministre du jour puisse décider de ses propres règlements et les changer quand bon lui semble?
    Évidemment, qu'il le fasse en vertu d'une loi.
    N'importe quoi serait mieux que la situation actuelle.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Masse.
    Nous passons à M. Bevilacqua.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier infiniment de vos exposés. Vous nous avez bien présenté le monde avant et après la déréglementation sur vos marchés et il est évident que vous êtes sérieusement inquiet. Il y a pas mal d'enjeux à considérer.
    Vous avez des marchés importants, d'autres moins importants, des grandes et des petites entreprises, mais il semble que la question de délai est réellement celle qui vous préoccupe le plus. Évidemment, M. Ignacy voudrait que tout se fasse immédiatement. M. MacDonald et les autres préféreraient attendre.
    N'aviez-vous pas prévu ce geste de la part du ministre? La déréglementation était-elle quelque chose à laquelle vous ne vous attendiez absolument pas?
    Le gouvernement actuel a été élu par les Canadiens des régions rurales et je dois vous dire, très honnêtement, que je suis choqué qu'on ait ainsi décidé de les punir, qu'on ait fait quelque chose d'aussi punitif pour le Canada rural.
    C'est du moins mon point de vue.
    Nous ne nous attendions certainement pas à ce genre de règles rétroactives, absolument pas.
    Nous n'aurions jamais fait ces investissements si nous avions prévu qu'on ferait cela.
    Essentiellement, vous dites que cette période de six mois, quelle que soit la durée, est tellement cruciale que cela peut représenter une toute nouvelle donne.
    Une voix: Tout à fait, c'est ça.
    M. Deane.
    Je ne suis pas sûr que ce soit une simple question de temps. Vous avez raison, c'est temporaire. Nous demandons des protections temporaires. Avant de parvenir à ce seuil, que le conseil avait fixé à 25 p. 100, et qui nous semblait un bon seuil, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions fait ces investissements... Si c'est plus tôt, très bien. Si c'est plus tard, très bien. Mais je pense que c'est un bon seuil pour la durabilité de notre modèle d'entreprise.
    Les Canadiens--en tout cas certains--suivent les délibérations de notre comité. N'est-ce pas, monsieur le président?
    Ils sont rivés à leur petit écran.
    Peut-être pourriez-vous donc leur expliquer ce que cela signifie réellement pour votre entreprise. Qu'est-ce que cela signifie exactement? Est-ce que cela veut dire que vous allez devoir cesser toute activité? Que va-t-il arriver à ces localités?
    Je crois qu'il faut que l'on présente des exemples réels, des exemples que, collectivement, en tant que comité, nous pourrions examiner.
    M. Stinson.
    Nous devons offrir un service compétitif à nos clients si nous voulons survivre. Nous avons un réseau de 7 000 abonnés et notre principale concurrence vient de toute façon de Bell Canada. Nous luttons contre Bell Canada pour les services Internet, ce qui représente une énorme machine à sous, et nous luttons contre Bell aussi pour les services DTH. Bell est sur nos talons. Nous devrons offrir des services compétitifs si nous voulons garder nos clients, et la concurrence est sévère.
    M. MacDonald.
    Ce qui est intéressant, si l'on considère le secteur des télécommunications et de la câblodistribution des cinq dernières années, ce sont les avantages du regroupement, comme on dit. Les clients veulent pouvoir acheter leur téléphone, leur télévision et leur Internet au même fournisseur et ne payer qu'une seule facture. C'est beaucoup plus pratique. Si nous ne pouvons pas aller sur ces marchés en offrant un service téléphonique afin de pouvoir regrouper aussi, nous sommes énormément désavantagés.
    Évidemment, pour ce qui est de l'avenir, c'est assez clair.

  (1650)  

    M. Deane.
    Vous avez demandé ce que cela représente pour le consommateur. À North Battleford, en Saskatchewan, cela signifie en fait que tous les paris sont ouverts. Nous ne pouvons pas continuer à investir tant que nous ne savons pas ce que sera l'environnement concurrentiel. Alors même si j'ai déjà dit aux clients et aux consommateurs de North Battleford que nous offririons le service d'ici 18 mois, maintenant, je ne sais plus. Je ne le pense pas.
    Et si ceci passe. Qu'arrivera-t-il?
    Je vais vous le dire. Il y aura une annonce de toute une page dans le Globe and Mail demandant que tout le monde téléphone à sa compagnie de téléphone pour demander une réduction. Nous vendrons à découvert et nous allons tous gagner beaucoup d'argent.
    Monsieur Deane.
    On ne veut pas téléphoner à la compagnie de téléphone pour demander une réduction à North Battleford, Weyburn ou Estevan parce que nous ne serons plus là et ce n'est pas juste.
    Il vous reste 30 secondes.
    Bien.
    Monsieur Ignacy, qui est propriétaire de votre entreprise? Est-ce Bell Canada?
    C'est actuellement BCE, mais nous avons été vendus. Sous réserve d'approbations de l'organisme de réglementation, nous appartiendrons au Régime de pensions de la fonction publique et à une entreprise aux États-Unis qui s'appelle...
    Vous avez très hâte à la déréglementation et vous appartenez actuellement à Bell Canada.
    Pour les services par satellite, c'est exact.
    Merci.
    Cela fait 30 secondes. Je reviendrai au prochain tour.
    Merci.
    Nous passons à M. Arthur.
    Monsieur Deane, monsieur MacDonald et monsieur Stinson, j'aimerais que vous me confirmiez l'impression que vous me laissez, à savoir que dans vos marchés respectifs pour le moment, vous seriez un éventuel tiers qui rendrait la déréglementation possible.
    N'est-ce pas?
    C'est exact.
    Donc, le fait que vous alliez dans ces régions, telles que Sudbury — fera que la déréglementation — d'après les nouvelles règles, vous êtes la tierce partie et alors, la bagarre est ouverte.
    Puis, monsieur MacDonald, quand vous dites que les restrictions touchant la reconquête sont cruciales pour votre survie, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Allez-vous abonner des gens à court terme ou allez-vous essayer de les abonner pour au moins un an? Lorsque vous avez leur signature pour un an, qu'en est-il de ces restrictions à la reconquête? En quoi cela est-il dangereux pour vous?
    C'est habituellement dangereux. Je suppose que vous consommez des produits. Si vous vous adressez à une entreprise qui n'a jamais offert un service et qu'elle vous demande de signer un contrat pour un an ou deux, le signeriez-vous? Vous n'avez jamais eu affaire à elle. Elle n'a jamais jusqu'ici offert ce service, alors en tant que consommateur, pensez-vous réellement que vous seriez prêt à signer un tel contrat? Je ne le crois pas. Je crois que vous allez dire que vous seriez prêt à l'essayer pendant un mois ou deux et voir si cela marche. Dans l'affirmative, vous serez très heureux.
    C'est donc ridicule.
    Réalisez-vous qu'en fait, vous me dites que dès que vous ne pourrez plus être dans les jupons de votre mère le CRTC, vous ne pourrez plus survivre; que dès que le CRTC ne sera plus là pour vous protéger contre les méchants, vous allez succomber?
    Vous plaisantez.
    Non, pas du tout. Je suis simplement votre argument selon lequel...
    Vous n'êtes pas un consommateur, ce n'est pas possible. Vous n'êtes pas un consommateur.
    Mettons que vous m'appelez pour changer de service. Vous souhaitez souscrire à mes services téléphoniques. J'appelle l'entreprise téléphonique. Le jour même, l'entreprise vous appelle et vous dit, ne souscrivez pas à Persona, nous allons réduire vos factures pour Internet, le téléphone et la télévision de 50 $ par mois, tout cela sans vous déranger; il n'y a pas besoin d'envoyer un installateur chez vous ou de modifier votre facture — rien de tout cela.
    Est-ce que vous allez répondre: non merci, ça ne m'intéresse pas, je veux vraiment souscrire à Persona?
    Franchement.
    Pour en revenir à la comparaison que vous avez faite il y a quelques minutes à propos du derrière du rat, et étant donné que dans votre secteur, il y a déjà une grande entreprise de câblodistribution et une grande entreprise téléphonique prête à faire face à toute concurrence, mais il n'y a pas de concurrence avant votre arrivée, vous allez être écrasé...
    Non, c'est ridicule. Vous rigolez.
    Qu'est-ce qui est ridicule?
    Les règles sont injustes. L'entreprise téléphonique a la mainmise sur mon consommateur, qui, en fait, comme nous l'avons expliqué...
    À moins que le CRTC ne continue à vous materner, vous ne survivrez pas.
    Je vais reprendre vos arguments. Vous êtes en train de me dire que vous vous fichez complètement des zones rurales, car il n'y aura pas de concurrence dans ces endroits. Vous vous en fichez.
    Vous conviendrez du fait que...

  (1655)  

    Êtes-vous en train de me dire que dans les zones rurales, s'il n'y avait qu'une grande entreprise de câblodistribution et une grande entreprise téléphonique, il n'y aurait pas de concurrence?
    Non, je suis en train de vous dire qu'il n'y en aura pas si...
    Je ne sais pas ce que vous entendez par « grande » entreprise, parce que...
    Rogers est-elle une grande entreprise?
    Oui. Mais vous savez, je dessers...
    Très bien.
    Telus est-elle une grande entreprise? Vous n'êtes pas...
    Monsieur Arthur, laissez-le répondre à la question.
    C'est lui qui me pose des questions...
    Très bien, c'est un dialogue intéressant, toutefois je crois que M. MacDonald souhaite répondre.
    Les règles sont telles que le titulaire n'a rien à faire. Il ne prend aucun risque. À la seconde même où mon consommateur décide de changer de fournisseur, dès qu'il fait savoir qu'il va souscrire à mes services, ces entreprises l'appellent et lui disent de rester avec elles et qu'il aura des rabais importants.
    Et vous savez quoi? Si c'est ça la règle, cela ne me pose aucun problème. Comme je vous l'ai dit, je vends tout et je fais fortune. C'est une règle stupide.
    M. Deane souhaite intervenir.
    Cela fait 100 ans que maman protège ces gars-là. Nous demandons simplement à maman de nous protéger quelques mois, le temps d'atteindre le seuil de 25 p. 100. Ensuite, on pourra se battre à mains nues.
    Vous vous sentez abandonné parce que le ministre, apparemment, n'a pas l'intention d'inclure dans sa proposition la règle que le CRTC a inventée pour vous protéger? Est-ce bien ainsi que je dois le comprendre?
    Oui, nous nous sentons abandonnés.
    Monsieur Arthur, il vous reste 10 secondes.
    Dix secondes?
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, monsieur Arthur.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. McTeague.
    Monsieur le président, je vais être bref. Si le comité le permet, je vous donnerai l'occasion de poser une question à la fin. Je crois avoir compris que vous avez une question à poser.
    Je voulais apporter des éclaircissements à M. Carrie concernant l'importance de la politique dont il vous a parlé au sujet des appels interurbains. Je trouve cela paradoxal. En 1988, les revendeurs ont été autorisés à entrer sur le marché des services interurbains. En 1992, ce fut au tour des propriétaires d'installations. En 1997, cinq ans plus tard, il y a eu déréglementation du tarif. À la suite de cela, la part des titulaires a chuté d'environ 70 p. 100. Il n'y a eu aucune ingérence gouvernementale. Cela s'est fait sous l'impulsion du CRTC. C'est ce modèle que rejette clairement le gouvernement aujourd'hui.
    Cela correspond tout à fait à ce que je dis. Le CRTC a réussi à créer de la concurrence pour le service interurbain, mais ils ne sont pas prêts à faire la même chose pour les tarifs locaux.
    Voici ma question. Comment allez-vous expliquer cela à vos consommateurs si ce plan n'est pas modifié, s'il est adopté par décret plutôt que par le Parlement? Si le comité n'arrive pas à transmettre ce message, qu'allez-vous dire à vos consommateurs, étant donné les conséquences graves que vous venez de nous décrire?
    Tout d'abord, je leur dirai que s'ils souhaitent qu'il y ait de la concurrence, alors ils devraient appeler leur député pour que la mise sur pied d'un climat concurrentiel se fasse de façon raisonnable.
    Y a-t-il d'autres intervenants?
    Monsieur Cohen.
    Le message est simple: d'abord la concurrence, ensuite la déréglementation. C'est ce qu'il nous faut. Pourquoi déréglementer avant qu'il y ait concurrence? Cela n'apporte rien aux consommateurs.
    Ou bien, si vous voulez être polémique, déménagez en milieu urbain et vous serez bien desservi.
    Je voudrais simplement vous dire — et j'espère que je me trompe — qu'il y aura peut-être des élections qui vous permettront de vous faire entendre avant le 6 avril. Si ce n'est pas le cas, nous ferons tout notre possible.
    Monsieur le président, je vous cède la parole.
    Merci, monsieur McTeague.
    Je voudrais vous remercier tous de votre présence. Cette discussion a été très intéressante. Je l'ai beaucoup appréciée. Toutefois, j'ai une question.
    Ce que vous nous dites, à l'exception de M. Ignacy, c'est que vous préférez le critère de part de marché de 25 p. 100 plutôt que le critère proposé par le ministre. Cependant, il y a quelque chose que je ne comprends pas. On se rapproche du critère de part de marché dans certains secteurs. D'après le CRTC, il me semble que le seul endroit où ce critère avait été atteint à la fin de 2005 ou 2006 était Halifax. Telus a indiqué que Shaw détenait 30 p. 100 dans la zone de Fort Murray, ce qui est certainement une zone rurale de l'Alberta, par conséquent il pourrait y avoir déréglementation.
    Si le critère de part de marché de 25 p. 100, qui selon vous devrait être conservé, est atteint, puisque Telus détient 70 p. 100 du marché et Shaw, 30 p. 100, je ne vois pas comment cela peut aider vos entreprises. Pouvez-vous m'expliquer quelle est pour vous l'utilité du critère de part de marché de 25 p. 100 si on se retrouve avec un duopole composé de Telus et Shaw ou de Bell et Rogers?
    C'est un critère qui s'applique au cas par cas. Comme M. Deane l'a indiqué, si on atteint une part de marché de 25 p. 100, alors on sait que l'activité est viable. Comme il l'a dit, à ce moment-là, on peut se battre à mains nues et advienne que pourra. Mais cela n'a rien à voir avec les règles actuelles.
    Les règles, pour le moment, pour des raisons que je ne m'explique pas, protègent le titulaire. Je ne sais pas ce que Bell a fait pour mériter une telle attention de votre part. C'est incroyable.

  (1700)  

    Je voudrais être sûr d'avoir bien compris. Dans la région de Sudbury, si vous vous retrouviez dans une situation où Bell détenait 75 p. 100 des parts de marché et Rogers 25 p. 100, quel avantage en retirerait votre entreprise?
    Si je détiens 25 p. 100 des parts de marché de Sudbury, qui compte 50 000 foyers, pour utiliser des chiffres ronds, alors j'ai de nombreux clients et je fais des affaires.
    Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que j'essaie de dire, c'est que si le critère de part de marché de 25 p. 100 est respecté mais qu'on se retrouve avec un duopole composé d'une très grande entreprise téléphonique et une très grande entreprise de câblodistribution, chacune avec sa propre infrastructure, quel avantage en retirez-vous?
    Moi, aucun, mais le consommateur, oui. Ne vous inquiétez pas pour moi. Je suis une entreprise. Les Canadiens se fichent de moi. Les Canadiens veulent de meilleurs tarifs et de meilleurs services. Mais ils ne les obtiendront pas si je ne suis pas présent.
    Monsieur Deane.
    Si je puis me permettre, je ne pense pas que Rogers sera un jour présent à Sudbury.
    Le seul concurrent sérieux et propriétaire des installations à North Battleford en Saskatchewan est Access Communications. Nous sommes la seule entreprise possédant les installations et l'infrastructure suffisante pour proposer une concurrence fondée sur la mise à disposition d'installations. Shaw et Rogers ne pénétreront pas le marché, en tous les cas, pas par le biais de la mise à disposition d'installations. Peut-être s'implanteront-ils dans le cadre de la concurrence sans fil, et cela ne poserait aucun problème.
    D'après ces chiffres, Shaw était en-deçà des 9 p. 100 dans certains cas. Cette année, l'entreprise est présente dans des endroits comme Medicine Hat et Lethbridge. Ils pénètrent les petites collectivités.
    Il s'agit de leurs zones de desserte autorisées. Nous parlons des zones de desserte autorisées de Persona, d'Access Communications ou encore de Bluewater. Je ne pense pas que des câblodistributeurs existants aient l'intention de s'implanter dans ces zones et d'ajouter leur infrastructure à celles déjà présentes.
    Mon deuxième point est très vaste, alors je ne vais pas l'aborder. Malgré tout, il me semble qu'un des problèmes qui se pose ici est celui de la relation entre la distribution de gros et la distribution au détail. Mais cela dépasse presque le cadre de notre étude.
    Monsieur Cohen, peut-être souhaiteriez-vous dire quelque chose à ce sujet, car c'est un point que vous avez soulevé.
    Peut-être que d'autres souhaitent intervenir à ce sujet, mais c'est un domaine très vaste et complexe.
    Monsieur Cohen, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Je vais être bref.
    Il s'agit ici de la définition du terme déréglementation. D'après les documents publiés par le bureau du ministre, la déréglementation s'accompagnerait de l'élimination des tarifs de gros pour les concurrents. C'est pour cela que je suis en train de devenir fou. Je ne peux pas, en tant que revendeur, proposer de service Internet haute vitesse s'il n'y a pas de tarif de gros.
    Il s'agit au fond de savoir si on veut des duopoles ou si on veut plus de concurrents dans le secteur, à savoir des revendeurs, et non pas seulement des propriétaires d'installations.
    Je voudrais également savoir...
    On vient de m'indiquer que mon temps de parole est écoulé, mais allez-y quand même.
    ... combien de lettres vous avez reçues de consommateurs qui se sont plaints du fait que Rogers ou Cogeco ou Vidéotron proposent désormais des services de téléphonie. À mon avis, aucune. Ils sont tous très satisfaits. Et on nous dit que cette nouvelle structure est censée être bonne pour le consommateur? Il n'y a pas eu de plaintes. Il est bon que les câblodistributeurs proposent un choix.
    Faites que la situation soit la même en milieu rural.
    Monsieur Maduri, ma dernière question, très courte, s'adresse à vous. Il s'agit de la décision qui vous préoccupe et qui n'est pas directement liée à notre étude. Était-ce une décision du CRTC?
    Oui.
    Donc c'était bien une décision du CRTC, je voulais en être certain.
    C'était une décision paradoxale: encourager la concurrence en milieu urbain... un compte de report de 620 millions de dollars. Oups, maintenant il faut trouver quoi faire avec cette somme; investissons-la dans les zones rurales.
    Cela représente une distorsion similaire à celle soulevée par les témoins, et je pense que ces autres intervenants, tout comme nous, seront affectés par ce montant.
    Vous demandez donc que le gouvernement ou le comité aille à l'encontre de la décision du CRTC, ou prenne des mesures pour l'invalider.
    Tout à fait. Notre entreprise, comme d'autres autour de cette table, a soumis son plan d'affaires au CRTC en indiquant les endroits où nous comptons opérer, et ces renseignements seront communiqués aux entreprises téléphoniques pour nous assurer que les marchés où nous sommes présents ou ceux où nous avons l'intention de nous implanter soient protégés contre toute concurrence subventionnée. C'est un élément essentiel pour nous.
    Merci.
    Je souhaiterais pouvoir continuer. Cette séance fut très instructive.
    Merci à tous d'avoir pris le temps d'être des nôtres aujourd'hui.
    La séance va être suspendue deux ou trois minutes, puis nous demanderons au prochain témoin de prendre place autour de la table.

  (1700)  


  (1705)  

    Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Il y a des votes à 17 h 45.
    Nos prochains témoins sont ici pour une séance de 30 minutes. C'est le deuxième groupe de témoins, composé de groupes de consommateurs.
    Nous avons parmi nous un groupe de consommateurs aujourd'hui. Nous recevons Marie-Ève Rancourt, analyste politique, réglementation en matière de télécommunications, radiodiffusion et vie privée, qui représente l'union des consommateurs
    Bienvenue, madame Rancourt. Nous n'avons qu'une demi-heure, de ce fait vous n'aurez que cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite directement aux questions des députés.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Il me fait plaisir de comparaître aujourd'hui devant votre comité pour discuter de la position de l'Union des consommateurs concernant la déréglementation du secteur des télécommunications.
    L'Union des consommateurs est un organisme communautaire qui regroupe des associations coopératives d'économie familiale, l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction ainsi que quelques autres membres à titre personnel. La mission de l'Union des consommateurs est de défendre les intérêts et les droits des consommateurs. C'est donc à ce titre que nous sommes ici aujourd'hui.
    Nous sommes ici dans le but de commenter les récentes interventions du ministre Maxime Bernier dans le secteur des télécommunications, plus précisément son dernier décret. Avec ce décret, le ministre Bernier a balayé du revers de la main la dernière décision du CRTC. Dans cette décision, le CRTC dressait un cadre de déréglementation. Il faut préciser ici que le CRTC est un organisme quasi judiciaire indépendant et impartial. Le ministre a justifié sa position en se fondant principalement sur les 127 recommandations du groupe d'étude. Il s'agit de recommandations explicites, nombreuses et interdépendantes qui forment un tout et un équilibre. C'est donc sur ce rapport que le ministre Bernier s'est fondé.
    Cependant, quand on regarde de plus près le cadre que le ministre Bernier a proposé, on se rend compte que loin d'avoir appliqué les 127 recommandations, il a plutôt choisi d'en appliquer quelques-unes. Cette approche a fait en sorte de déséquilibrer complètement le rapport du groupe d'étude et de lui faire perdre son essence de même que son fondement.
    Les conséquences de ce cherry picking sont sérieuses, notamment en ce qui concerne le test visant à permettre la déréglementation. Il pourrait en effet advenir qu'en présence d'une entreprise en position dominante, on puisse quand même déréglementer le marché, peu importe le nombre de parts détenues par cette entreprise. Même si elle détenait 95 p. 100 des parts de marché, rien ne garantirait qu'on ait un cadre réglementaire pour encadrer cette entreprise. L'abus de position dominante deviendrait alors très dangereux. Cet abus de position est vraiment très difficile à prouver, comme l'a mentionné l'OCDE dans un de ses rapports et comme l'a mentionné votre propre comité en l'an 2000 lorsqu'il a étudié la Loi sur la concurrence.
    En outre, le ministre Bernier donne au Tribunal de la concurrence le pouvoir de traiter les éventuels cas d'abus de position dominante, ce qui contrevient aux recommandations du groupe d'étude. Pour nous, c'est également un problème. À notre avis, le cadre proposé par le ministre Bernier ne favorise ni la concurrence ni la défense des intérêts des consommateurs. D'ailleurs, il n'y a aucune des recommandations faites par les consommateurs devant le CRTC lors de l'avis public 2006-14. En fait, ce dernier a été retenu dans le cadre du décret du ministre.
    Je vous invite à relire la première recommandation du groupe d'étude. Elle traite des objectifs en matière de politique et de réglementation. Cette recommandation traite de la modification à la Loi sur les télécommunications. Vous n'êtes pas sans savoir qu'une modification à la loi ne se fait pas par décret, mais par voie législative. En faisant du cherry picking, le ministre décide de contourner l'approche législative et d'utiliser son pouvoir de décret, pouvoir dont le groupe d'étude recommande l'abolition. Son but est de modifier les décisions du CRTC, de s'ingérer dans le rôle et les décisions de cet organisme.
    Nous croyons que par ce décret, le ministre choisit d'imposer ses décisions et sa voix, d'accélérer la déréglementation plutôt que de passer par la voie législative, qui est soumise à un processus public transparent et qui est probablement plus longue. C'est ce dont le ministre a peur.
    Merci.

  (1710)  

    Merci beaucoup, madame Rancourt.

[Traduction]

    Nous allons commencer avec M. McTeague, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord m'assurer d'une chose, madame Rancourt: Ce n'est pas moi qui ai rédigé votre présentation, n'est-ce pas?
    Non.
    Ce sont effectivement les inquiétudes que nous avons soulevées à plusieurs reprises. Il y a aussi un autre sujet que j'aimerais aborder. Il y a quelques jours, Bell Canada et le ministre ont dit que les consommateurs étaient d'accord avec eux.
    M. Bernier ou Bell Canada vous ont-ils consultés avant de prendre position?
    Évidemment, ils ne nous ont pas consultés. D'ailleurs, je ne vois vraiment pas comment M. Bernier ou Bell peuvent prétendre que le cadre qu'ils proposent sera bénéfique pour les consommateurs. On allègue de possibles baisses de tarif, alors qu'en ce moment, même si elle est réglementée, Bell peut fournir ses services de téléphone filaire à des tarifs de beaucoup inférieurs à ceux auxquels elle les offre actuellement. Pourtant, elle ne le fait pas. Non seulement elle ne le fait pas, mais elle demande au CRTC de lui octroyer des hausses de tarif. J'ai de la difficulté à concevoir comment, dans un contexte de déréglementation, Bell ou les anciens monopoles pourraient offrir des tarifs plus avantageux pour les consommateurs.
    Supposons que nous ne pouvons pas convaincre le ministre de changer sa position. On pourrait peut-être alors, dans un premier temps, adopter les 127  recommandations par voie de décret du conseil plutôt que par voie législative.
    S'il y a une diminution de la concurrence, prévoyez-vous une augmentation des prix pour les consommateurs des régions et des grandes villes?
    L'augmentation est à prévoir surtout dans les régions. Plusieurs régions seront déréglementées, et la problématique de l'interfinancement risquera alors de se poser. Peut-être qu'à très court terme, il est possible que les prix baissent pour lutter contre la concurrence, mais à moyen ou à long terme, on peut prévoir que certains concurrents risqueront d'être évacués. Les prix augmenteront, et dans les régions déréglementées, les prix seront très élevés pour financer la lutte contre la concurrence qui se livrera dans des régions où il y a plusieurs concurrents, comme les régions principalement urbaines.

  (1715)  

    Je reviens de la région de Toronto. Ce matin, le prix de l'essence a grimpé à 99 ¢ le litre à cause d'un problème relié aux pétrolières. Il y a quelques années, on disait que les consommateurs en bénéficieraient. On a entrepris des démarches pour modifier la Loi sur la concurrence. Le projet de loi C-41 prévoit des sanctions pécuniaires plutôt qu'un dédommagement des victimes de pratiques anticoncurrentielles.
    Comment voyez-vous l'avenir des petites et moyennes entreprises qui se font assujettir à des possibilités de pratiques anticoncurrentielles? Le montant de 15 millions de dollars qui revient au gouvernement viendra-t-il au secours des petites et moyennes entreprises touchées par de telles pratiques?
    Non, c'est justement là un des grands problèmes. Ni les petites entreprises ni les consommateurs ne seront indemnisés. Étrangement, quand le ministre a annoncé cette nouvelle politique, Bell et Telus ont été les premiers à applaudir l'octroi de ce pouvoir au Tribunal de la concurrence. Il est quand même un peu surprenant que les entreprises auxquelles on risque d'imposer des amendes applaudissent une telle mesure.
    Il ne faut pas oublier que le groupe d'étude ne recommandait pas que le Tribunal de la concurrence soit l'organe compétent pour traiter des questions de la concurrence. Il recommandait la création d'un tribunal mixte formé de membres du CRTC et du Bureau de la concurrence, parce que ce dernier n'avait pas une connaissance particulière du secteur des télécommunications, qui est extrêmement complexe.
    Je ne peux pas prédire le futur, mais si le projet de loi C-41 était soumis à la Chambre des communes, serait-il préférable que le dédommagement ne revienne pas au gouvernement mais plutôt aux parties qui sont touchées ou affectées par des pratiques anticoncurrentielles? Seriez-vous d'accord avec moi si je proposais un amendement à ce projet de loi en vertu duquel les parties ayant subi des dommages auraient accès à une portion de ces 15 millions de dollars afin de maintenir leur place sur le marché? L'Union des consommateurs pourrait-elle nous aider à cet égard?
    En fait, je réponds oui et non. Le problème pour nous en est un de base, c'est-à-dire qu'à notre avis, le Tribunal de la concurrence n'est pas le tribunal apte à juger cela. Donc, dans la mesure où les projets de loi vont confier au Tribunal de la concurrence toutes les questions en matière de concurrence, on va être obligés de s'opposer à cela. Évidemment, dans la perspective où cela passe, c'est certain que nous sommes plus favorables à l'octroi d'indemnisations à des consommateurs ou à des petites entreprises. Mais comme je vous le dis, selon nous, le Tribunal de la concurrence n'est pas le bon organe pour traiter de ces questions.
    Merci, monsieur McTeague
    Monsieur Vincent.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager le temps qui m'est alloué.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'être ici aujourd'hui. C'est à la suite de votre conférence de presse de janvier dernier que nous tenons des audiences et que nous recevons plusieurs autres témoins. Autrement, cela se serait peut-être terminé d'une façon pénible, mais bon... Je pense que vous avez eu une influence certaine sur la décision du comité de poursuivre son étude, de continuer à recevoir des témoins. Merci pour cela.
    Vous avez dit plus tôt que l'ensemble des recommandations du groupe d'étude forme un équilibre interdépendant. Quels exemples concrets de recommandations non choisies par le ministre peuvent compromettre l'équilibre du marché de la concurrence réelle?
    Par exemple, dans ses recommandations, le groupe d'étude proposait un ensemble de mesures visant à protéger les consommateurs. On parlait d'un ombudsman, d'une agence de protection de l'usager. Sur le plan, justement, de la question de la gestion des plaintes, on parlait d'un tribunal mixte et non pas d'un tribunal fondé uniquement sur la concurrence. Quand on parle de déréglementation, lorsqu'une entreprise est en position dominante, c'est dangereux, et jamais le groupe d'étude ne va favoriser cette situation, alors que selon nous, le ministre... C'est ce qui risque d'arriver. À notre avis, c'est un problème majeur.

  (1720)  

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame.
    Vous avez évoqué en recommandation la nécessité d'abolir le pouvoir de décret du ministre. On se réfère ici à l'article 8 de la Loi sur la radiodiffusion . Pensez-vous que c'est parce que cet article existe qu'il est obligé, en tant que ministre, de s'en servir à mauvais escient, ou alors ne devrait-on pas plutôt le conserver, s'il peut être utile? Je fais référence ici à ce qui s'est passé récemment dans le dossier du Fonds canadien de télévision, dans le volet radiodiffusion. Dans ce cas, c'est l'article 7 qui donne le pouvoir au ministre ou à la ministre d'intervenir auprès du CRTC pour orienter, sur un plan général, les politiques. Là, on a demandé à la ministre d'intervenir parce que la situation commençait à pourrir.
    Dans ce cas-ci, je considère que l'intervention du ministre relativement à la déréglementation pose problème, mais si c'était une disposition de la loi qui était utilisée à bon escient, ne serait-ce pas une bonne chose? Si demain, par exemple, il y avait un changement de gouvernement — c'est une hypothèse —, on adopterait peut-être une nouvelle politique sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Si le nouveau ou la nouvelle ministre voulait changer l'orientation politique du CRTC par rapport à ce dossier, cette disposition de la loi ne serait-elle pas utile?
    Je veux vous entendre à ce sujet.
    La dangerosité de ce pouvoir, c'est justement de venir d'une part, modifier la loi, comme vous l'avez dit, changer la politique canadienne des télécommunications, plutôt que de passer, par exemple, par la voie législative. D'autre part, on s'ingère dans les décisions d'un organe que l'on a créé, qui est quasi judiciaire, indépendant, impartial, pour modifier ces décisions. Pourquoi créer un tel tribunal pour ensuite utiliser un pouvoir qui est non transparent, soumis aux pressions des lobbys, à la vision idéologique du ministre, pour modifier des décisions, une politique, des orientations adoptées par la voie législative, la voie publique, une voie transparente qui laisse le loisir à chaque individu, chaque Canadien, de donner son point de vue?
    Vous disposez de 30 secondes.
    C'est parfait. Merci, monsieur le président.
    Si je comprends bien, dans l'hypothèse où il y aurait déviance au CRTC, l'idéal, pour vous, serait que le législateur, c'est-à-dire l'ensemble des législateurs, soit le seul capable d'interférer, mais dans un cadre purement et strictement législatif.
    Oui.
    Merci.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Carrie, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Combien de membres inscrits compte votre organisme?

[Français]

    Nous représentons plusieurs associations coopératives d'économie familiale, ou ACEF, comme je vous le dis. Celles-ci ont aussi des membres...
    ... des membres individuels.
    Nous sommes une fédération. Nous sommes donc un regroupement d'organismes. Nous ne sommes pas centrés sur les membres individuels.
     Notre mandat n'est pas un mandat de représentation, il en est un de défense des droits des consommateurs.

[Traduction]

    Je voulais simplement savoir combien de consommateurs vous représentez.
    D'où provient votre budget? Qui vous finance?

[Français]

    Nous recevons certains fonds du ministère de l'Industrie, et d'autres du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
     Je ne peux pas vous donner plus de détails. Je ne suis pas comptable pour l'organisme. Je ne suis donc pas au fait de toutes nos sommes d'argent.

  (1725)  

    C'est bien. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je souhaite laisser le temps qu'il me reste à M. Arthur.

[Français]

    Bonjour, madame Rancourt.
    Bonjour.
    Vous nous présentez des arguments de façon très cohérente, réfléchie et éloquente.
     J'aimerais savoir si vous êtes ici à titre d'experte en télécommunications ou à titre de représentante d'un organisme.
    Je suis ici en tant qu'analyste en télécommunications pour l'Union des consommateurs.
    C'est bien.
    Avez-vous élaboré vous-même les arguments que vous avez présentés, ou sont-ils le fruit d'une consultation?
    Parlez-vous d'une consultation avec nos membres, par exemple? Que vous voulez-vous dire par consultation?
    Ce que vous nous présentez a-t-il été élaboré par vous, grâce à votre expertise, ou avez-vous consulté des gens, avant de venir nous les présenter?
    Cela a été élaboré par nous et à la suite d'une consultation de nos membres — surtout les ACEF — qui sont en contact avec des gens qui sont au fait des problématiques qu'éprouvent les gens en matière de téléphonie.
    Quand vous dites « élaboré par nous », de qui parlez-vous?
    De notre équipe de l'Union des consommateurs.
    Qui sont ces gens qui vivent de subventions du ministère de l'Industrie?
    Que voulez-vous? Que j'énumère...?
    Qui sont ces gens?
    Les employés de notre organisme.
    Avez-vous un bureau d'experts? Donnez-vous des contrats de recherche? Comment arrivez-vous à la préparation de ces arguments que vous venez nous présenter?
    Nous travaillons. Nous allons au bureau à 9 heures le matin. Nous travaillons jusqu'à 17 heures et essayons d'élaborer une veille stratégique sur ce qui se passe sur le plan politique et d'analyser les différentes interventions des différents ministres.
    Avez-vous tenu des réunions avec des groupes assez nombreux ou vous êtes-vous réunis — les gens que vous évoquez — dans votre bureau, le matin, à 9 heures?
    Comme je vous l'ai mentionné plus tôt, nous avons eu des rencontres avec nos différentes ACEF.
    C'est bien.
     Les associations coopératives d'économie familiale sont également des groupes qui n'ont pas de listes de membres, si je comprends bien.
    Non. Ils ont certainement chacun un petit nombre de membres.
    Ils ont chacun un petit nombre de membres.
    Avez-vous besoin d'une grande salle pour tenir l'assemblée générale de l'Union des consommateurs?
    Je ne vois pas la pertinence de ces questions, bien honnêtement.
    Laissez-moi en décider. Je les pose. Si le président veut me dire d'arrêter, il le fera.
    C'est bien.
    Je vous pose une question, mais si vous voulez refuser d'y répondre, c'est votre droit.
    Je ne suis pas membre du conseil d'administration de l'organisme et je n'ai jamais assisté à une assemblée générale. Je ne pourrais même pas vous répondre.
    Par conséquent, on ne vous a pas dit, lors d'une assemblée générale, de représenter votre organisme lors de ce débat en avançant des arguments précis. Avec vos amis, vous avez décidé cela dans votre bureau.
    Ce n'était pas avec mes ou nos amis. Je trouve ces propos un peu arrogants. C'est comme si vous disiez que nous manquons de compétence. Je pense que c'est un peu arrogant.
     Je pense que nous avons les compétences suffisantes pour déposer des observations.
    Je m'en étais aperçu, que vous aviez des compétences. Où les avez-vous prises? Quelle est votre...
    Excusez-moi, monsieur le président.
    Y a-t-il une question? Est-ce un interrogatoire pour connaître les compétences de madame? Elle est venue ici pour donner son point de vue.
    Lorsqu'il communique avec son parti, je ne lui demande pas avec qui il parle et comment ils sont dans son parti. Telles ne sont pas les questions, à mon avis. S'il a des questions pertinentes à poser à madame, en rapport avec la déréglementation dont on parle, qu'il les pose. S'il n'a pas de questions pertinentes et qu'il essaie simplement de mettre le témoin mal à l'aise pour lui faire dire n'importe quoi, ce n'est pas acceptable au sein de ce comité. On est ici pour en connaître davantage en ce qui a trait à la déréglementation. Donc, s'il a des questions à poser au sujet de la déréglementation et des consommateurs, qu'il les pose.
     Madame est une consommatrice, tout comme nous, et elle est capable de répondre à ces questions sans devoir passer par la panoplie de questions hors contexte qui lui sont posées présentement.

[Traduction]

    Monsieur Arthur.

[Français]

    Monsieur le président, j'ai clairement demandé à la dame à quel titre elle se présentait, et elle s'est présentée comme une experte. J'essaie de savoir d'où vient son expertise.
    Non, analyste!

[Traduction]

    Silence.

[Français]

    J'essaie de savoir d'où vient son expertise, et si cela choque le bloc montréalais, ce n'est pas mon problème.
    Je fais un rappel au Règlement. Monsieur le président, on va continuer dans la même veine.
    Si M. Arthur a des points à soulever et qu'il n'est pas capable de prendre connaissance... Madame a dit qu'elle était analyste. Il a constaté qu'elle était de l'Union des consommateurs, car c'était écrit dans l'ordre du jour du 21 février. S'il est incapable de chercher ses références pour trouver les compétences de cette dame ou de les faire chercher par l'équipe de recherche de son parti...
    Monsieur le président, personne mieux que le témoin...

[Traduction]

    Silence. Chacun son tour.
    M. Arthur souhaitait intervenir.
    Personne n'est mieux placé que le témoin pour parler de ses compétences.

  (1730)  

    Pour ce qui est du rappel au Règlement, si j'ai bien compris — j'essaie de suivre des échanges très rapides en français — M. Arthur souhaitait savoir qui étaient les membres de l'Union des consommateurs. J'ai permis cette question. Elle me paraissait légitime. Il me semble que toute association se présentant devant nous devrait être en mesure de nous dire qui est membre de l'association.
    Voilà comment j'ai compris la question et pourquoi j'ai permis qu'elle soit posée.
    De toute façon, le temps de M. Arthur est écoulé, nous passons maintenant à M. Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence aujourd'hui. Je reconnais que vous n'êtes pas un monopole centenaire avec accès à des avocats et à des études d'opinions conçues pour correspondre à votre groupe ou organisme, contrairement à Bell et à d'autres groupes qui ont comparu devant nous.
    Il y a eu beaucoup de discussion au sujet des groupes ou personnes représentant les consommateurs. La société Bell nous a dit que c'était elle, le ministre nous a dit que c'était lui, et aujourd'hui c'est votre organisme qui comparaît. Avez-vous pris connaissance de certains des sondages ou études d'opinions qui nous ont été présentés par Bell, par exemple, selon lesquels les consommateurs sont en faveur de ceci? Avez-vous pris connaissance de ces sondages, et que pensez-vous de ces études?

[Français]

    Oui. J'ai lu ce sondage et j'ai aussi lu le sondage qui avait été fait 12 mois auparavant et qui disait complètement le contraire. Je ne sais pas si vous en avez aussi pris connaissance. On est donc en présence de deux sondages qui disent deux choses complètement contraires.
    Vous n'êtes pas sans savoir que le secteur des télécommunications est un secteur extrêmement complexe. Vous êtes d'ailleurs réunis ici depuis plusieurs jours pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants d'une déréglementation; de comprendre le cadre qui a été proposé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC; et de comprendre celui qui a été proposé par le ministre Bernier.
    Et ce serait faire une insulte à votre intelligence que de considérer comme l'opinion des consommateurs un oui ou un non à une question telle que: êtes-vous en faveur de la déréglementation?
    La question de la déréglementation est extrêmement complexe, à mon avis. C'est extrêmement complexe d'en comprendre les tenants et aboutissants, et on ne répond pas à cette question par un oui ou par un non. Malheureusement, il est probablement difficile pour bien des gens de comprendre tous les acteurs qui se cachent derrière toutes les infrastructures, les problématiques et la réglementation qui encadrent le secteur des télécommunications.
    Si vous êtes un peu au courant de l'actualité au Québec, vous savez qu'on peut faire dire un peu n'importe quoi aux sondages. Il faut donc faire très attention lorsqu'on se base sur des sondages pour traiter de politiques aussi complexes que celles des télécommunications.

[Traduction]

    Monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    C'est tout à fait mon sentiment. Je pense qu'il est également important de... c'est une question qui me préoccupe beaucoup, peut-être pourrez-vous y répondre. L'un des arguments contre la déréglementation avec lequel je suis d'accord, c'est qu'il n'est pas vraiment possible de faire marche arrière. Certains représentants d'entreprises ici nous ont dit qu'ils allaient geler leurs opérations et qu'ils n'allaient pas pénétrer d'autres marchés.
    À votre avis, l'argument qu'ils avancent est-il valable? D'après eux, si la déréglementation se fait trop rapidement, ce que propose le ministre, alors il y aura diminution de la concurrence à long terme.
    Deuxièmement, avez-vous certaines préoccupations concernant la limitation de la part de participation étrangère imposée en vertu de la loi actuelle?

[Français]

    Absolument.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Cela me suffit.
    Merci beaucoup, monsieur Masse.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Rancourt, pour votre présentation.

[Traduction]

    Chers collègues, cela vous laisse environ 10 minutes pour vous rendre à la Chambre pour voter.
    Merci beaucoup pour toutes ces questions et réponses.
    La séance est levée.