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CC30 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-30


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1740)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous avons le quorum. La séance est ouverte.
    Soyez les bienvenus à la 11e réunion du Comité législatif chargé du projet de loi C-30.
    Nous avons aujourd'hui deux témoins présents et un troisième que nous entendrons par téléconférence. Sont présents le professeur Richard Peltier

[Français]

du département de physique de l'Université de Toronto, et M. John Stone, professeur auxiliaire à l'Université Carleton et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat de l'ONU.
    Je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    et le professeur Andrew Weaver, de la School of Earth and Ocean Sciences et de l'Université de Victoria.
    Soyez tous les bienvenus.
    Nous allons procéder comme nous le faisons d'habitude avec les témoins: nous accordons dix minutes à chacun et nous nous efforçons de ne pas dépasser ces dix minutes, de manière à permettre le maximum de questions. Nous allons entendre les trois exposés, après quoi, nous inviterons les membres du comité à poser des questions.
    L'ordre dans lequel nous allons commencer est un peu différent de celui qui est indiqué dans l'ordre du jour du comité.
    Professeur Stone, vous avez la parole.
    Monsieur le président et les membres du comité législatif, je vous remercie de m'offrir cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous communiquer certaines des principales conclusions du rapport récemment achevé par le Groupe I d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ce rapport porte sur les causes physiques du changement climatique.
    Pour commencer, je voudrais faire quelques observations de caractère général.
    Ce rapport confirme que le débat sur la science du changement climatique est terminé. Il est aujourd'hui indiscutable que le climat est en train de changer. D'après ce rapport, le réchauffement climatique est maintenant une évidence. Selon la définition du dictionnaire anglais Oxford, cela signifie que les données scientifiques sont maintenant établies.
    Dans la majorité des cas, l'augmentation observée des températures moyennes à l'échelle mondiale depuis les années 1950, est — c'est aujourd'hui très probable — due à l'activité humaine qui a provoqué des augmentations de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. « Très probablement », selon les termes utilisés par le GIEC, cela signifie que les données sont certaines à 90 p. 100. Il est assez rare que les résultats scientifiques soient aussi nets.
    Le rapport du GIEC fait autorité. Il est bien équilibré et il est le fruit des travaux évalués par leurs pairs de milliers de scientifiques du monde entier. Comme il s'agit d'une évaluation, il traite cependant les nouveaux résultats avec prudence et a de ce fait un caractère assez conservateur.
    Ma propre interprétation des documents me conduit à penser que le changement climatique s'accélère et que les tendances ne sont plus simplement linéaires. À mon avis, cela indique qu'il est urgent de s'attaquer au problème du changement climatique. Il y a en effet un corpus de plus en plus important d'études qui indique que plus longtemps nous attendrons avant d'affronter la menace du changement climatique, plus grands seront les risques et plus grands les coûts potentiels.
    Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de nos observations, et d'abord au sujet de la cause profonde de la menace; c'est-à-dire les changements que nous avons provoqués dans la composition de l'atmosphère, surtout en brûlant des combustibles fossiles.
    La concentration du CO2 dans l'atmosphère en 2005 dépasse de loin les concentrations des 650 000 dernières années, c'est-à-dire sur six ou sept périodes glaciaires. En résumé, nous avons fait en sorte que nous nous trouvons en territoire inexploré, pour ce qui est de l'état de l'atmosphère.
    Ce qui est plus inquiétant, c'est que le taux de croissance annuel de la concentration de dioxyde de carbone est maintenant plus élevée qu'il l'a jamais été depuis que l'on a commencé à effectuer des enregistrements continus aux alentours de 1960, ce qui concorde avec la croissance continue des émissions. Nous sommes manifestement loin de stabiliser, sans même parler d'inverser, la cause profonde du problème.
    Des données physiques bien établies, nous montrent que l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère affectera le climat, et c'est effectivement ce que l'on a pu observer. Les mesures faites depuis 1850 environ, montrent que 11 des 12 dernières années ont été parmi les plus chaudes, et la tendance linéaire du réchauffement continue à s'accentuer.
    Les températures moyennes mondiales ont augmenté de près de trois quarts de degré au cours des 100 dernières années. Nous avons maintenant la preuve que les océans se sont aussi réchauffés et en fait, qu'ils ont absorbé près de 80 p. 100 de la chaleur ajoutée au système climatique, ce qui s'est traduit par des augmentations de température jusqu'à une profondeur de trois kilomètres. Cette accumulation de chaleur dans les océans demandera des siècles pour se dissiper dans le système climatique.
    Les températures moyennes mondiales sont aujourd'hui plus élevées qu'elles ne l'ont jamais été au cours des 1 300 dernières années, et selon les projections, ces tendances récentes se maintiendront. Il est extrêmement peu probable que les changements observés au cours des 50 dernières années puissent être expliqués sans que l'on invoque les augmentations des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
    En outre, les températures moyennes dans l'Arctique ont augmenté deux fois plus vite que la moyenne mondiale au cours des 100 dernières années, et la superficie des glaces marines de l'Arctique a diminué de près de trois pour cent par décennie, avec des diminutions beaucoup plus marquées en été; certains indices indiquant d'ailleurs une augmentation des taux de diminution.
    Depuis les années 1970, on a observé des périodes de sécheresse beaucoup plus intenses et plus longues dans des zones plus étendues. Dans le même temps, la fréquence des fortes précipitations a crû. Les observations révèlent une augmentation du nombre des ouragans les plus violents dans l'Atlantique Nord depuis 1970 environ. En dehors des tropiques, les vents d'Ouest des latitudes moyennes — le type de vents qui frappent la côte ouest en décembre — sont devenus plus forts dans les deux hémisphères depuis les années 1960. C'est ce que nous avons pu observer.
    En ce qui concerne l'avenir, au cours des deux prochaines décennies, au moins, d'autres hausses de la température mondiale de l'ordre de 0,1 degré Celsius par décennie sont en fait inévitables à cause de ce que nous avons déjà fait à l'atmosphère. Tous les scénarios relatifs aux émissions futures prévoient que le réchauffement pourrait en fait être le double de ce chiffres. Selon les meilleures estimations, les augmentations de température d'ici la fin du siècle iront de 1,8 degré à quatre degrés Celsius, avec une hausse prévue du niveau de la mer d'environ 0,2 à 0,6 mètre. En outre, on prévoit que la couche de neige et les glaces marines vont se rétracter, si bien qu'il est possible que la glace marine de l'Arctique disparaisse presque totalement en été. En conséquence, il n'y aura plus de glace de plusieurs années dans la seconde moitié du siècle. Les phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes, y compris les vagues de chaleur, les périodes de sécheresse, les fortes précipitations et les vents continueront à augmenter en intensité et en fréquence.
    De récentes observations de l'accélération inattendue des vitesses d'écoulement des glaciers issus de lacs au Groenland et dans l'Antarctique, ainsi que des inlandsis, ont amené les scientifiques à revoir leur conception de la physique des glaciers. Selon les prévisions, la contraction de l'inlandsis du Groenland devrait se poursuivre et contribuer à la hausse du niveau de la mer.
    Les modèles actuels indiquent que les pertes de masse glaciaire augmentent plus rapidement que les gains dus à de plus fortes précipitations lorsque les températures moyennes mondiales dépassent les niveaux de l'époque préindustrielle de plus de 1,9 degré Celsius. J'ajouterai que nous n'en sommes même pas encore à mi-chemin. Si cette tendance se maintenait pendant plusieurs millénaires, l'inlandsis disparaîtrait complètement et le niveau de la mer monterait d'environ sept mètres. Nous n'avons pas connu une telle hausse du niveau de la mer depuis la dernière période interglaciaire, il y a quelque 125 000 ans.
    En conclusion, comme je l'ai suggéré, ce rapport met un point final au débat sur les bases scientifiques du changement climatique. Il faut maintenant concentrer nos efforts sur la recherche de solutions avant qu'il ne soit trop tard. Ce sera le sujet des deux prochains rapports du Groupe de travail du GIEC.
    Merci, monsieur le président.
(1745)
    Merci beaucoup, monsieur Stone.
    Nous passons maintenant à M. Peltier, de l'Université de Toronto, qui dispose de dix minutes.
    Membres du comité, John a évoqué pratiquement tous les points contenus dans le Sommaire pour les décideurs du RE4; et je n'y reviendrai donc pas.
    Ce que je souhaiterais faire, c'est concentrer mes remarques sur les hautes latitudes de notre hémisphère et sur les commentaires du rapport concernant la situation à laquelle le nord canadien peut s'attendre, sinon au cours de la prochaine ou des deux prochaines décennies, du moins, au cours du siècle prochain.
    Une des caractéristiques principales des prévisions du modèle et des observations en surface du processus de réchauffement de la planète est que celui-ci se caractérise par une très forte amplification aux latitudes septentrionales élevées. Je crois que John a dit que nous observons, ce que confirment les projections des modèles, une différence d'un facteur de deux environ dans l'augmentation de températures moyennes en surface entre le globe dans son ensemble et la calotte polaire.
    Cela a d'énormes conséquences pour notre pays. Par exemple, il y a deux ans, le rapport Arctic Climate Impact Assessment, le précurseur du RE4 actuel, contenait des analyses détaillées ce qui pourrait devenir la glace marine recouvrant l'océan Arctique avant la fin du siècle.
    Il est très clair que d'ici 2050 — peut-être un peu plus tard, mais en tout cas vers le milieu du siècle — il y aura une assez longue période pendant laquelle l'océan Arctique sera une voie navigable continue. Cela a d'énormes conséquences pour la souveraineté canadienne. C'est un sujet qui a été abondamment discuté dans la presse populaire le mois dernier.
    Mais c'est là seulement un des problèmes auxquels nous devons faire face dans nos régions les plus septentrionales. Nous commençons à nous apercevoir qu'il existe des aires importantes de dégradation du pergélisol; la couverture de glace dans les îles de la Reine-Elizabeth et l'archipel canadien diminue aussi de manière très sensible.
    Je voudrais en particulier attirer votre attention sur un point qui n'est pas traité dans le RE4, parce qu'il s'agit de résultats qui n'ont été présentés dans les publications scientifiques qu'au cours des six derniers mois environ. Ces résultats sont ceux qui ont été obtenus par un satellite expérimental se trouvant actuellement dans l'espace. Cette expérience appelée la Gravity Recovery and Climate Experiment est le fruit de la collaboration entre la NASA américaine et l'Allemagne, il s'agit d'un tandem de satellites qui survolent le pôle et sont utilisés pour mesurer l'influence du temps sur le champ gravitationnel de la planète. Ce système a surtout ciblé le Groenland. Un des points très clairement établis, après seulement quatre années d'observation du champ gravitationnel par GRACE, est que la perte de masse de l'inlandsis du Groenland s'accélère. Ces quatre dernières années, le taux de perte de masse a quadruplé. Cela confirme les commentaires présentés dans le RE4 selon lesquels il y a un début d'accélération des glaciers effluents au Groenland.
    C'est là un point extrêmement important du changement continu que connaît le climat mondial: une amplification du phénomène aux hautes latitudes; des taux croissants de perte de masse pour les glaciers alpins et l'inlandsis du Groenland.
    D'autre part, le rapport attire l'attention sur un ensemble d'observations très importantes concernant le passé de la planète, plus précisément une époque remontant à environ 120 000 années, celle que l'on appelle la période interglaciaire éémienne. C'est la dernière fois dans l'histoire de notre planète que les régions septentrionales ont connu une chaleur comparable à celle d'aujourd'hui. En fait, au cours de cette période interglaciaire, la température dans la calotte polaire était d'environ cinq degrés supérieure à celle d'aujourd'hui. Selon notre projection dans le RE4, nous devrions atteindre la même température dans la calotte polaire d'ici le milieu du siècle.
    Au cours de la période interglaciaire et éémienne, lorsque les températures de la calotte polaire atteignaient ce niveau, l'inlandsis du Groenland était nettement plus petit qu'il ne l'est aujourd'hui. Et à cette époque, il y a eu une hausse très marquée du niveau de la mer, de l'ordre de quatre à six mètres; nous pensons que l'augmentation de quatre mètres était due à la fonte de la glace du Groenland et les deux autres mètres éventuels, à la perte de la glace de l'ouest de l'Antarctique.
(1750)
    L'intérêt de ce qui précède tient au fait que pendant l'ère interglaciaire éémienne, ces changements, cette évolution de la température de la calotte glaciaire s'est produite sur une très longue période. Le système a évolué très lentement avant d'atteindre le stade d'une diminution relativement importante de la glace polaire. L'expérience que nous effectuons aujourd'hui porte sur une période beaucoup plus courte. Selon la terminologie que nous utilisons, notre système est très loin d'atteindre un équilibre radiatif. Il n'a jamais été dans une telle situation, jusqu'à présent. Les changements des concentrations de gaz à effet de serre ont été si rapides que la chaleur demeure prisonnière des océans de la planète, ce qui contribue au déséquilibre radiatif.
     Reste à savoir ce que cela signifie pour la capacité de l'inlandsis du Groenland et de l'ouest de l'Antarctique de demeurer stable. Nos modèles de climat sont incapables de prédire la manière dont l'inlandsis réagirait à ce déséquilibre du régime radiatif. Cela confirme vraiment le fait que nous effectuons une expérience sur la planète dont nous sommes totalement incapables de prévoir le résultat. Et cela devrait nous inspirer beaucoup de prudence dans la manière dont nous abordons cette question sur le plan politique.
    Je vous remercie, monsieur le président.
(1755)
    Merci beaucoup, monsieur.,
    Nous avons de nouveau le plaisir d'accueillir M. Andrew Weaver, de la School of Earth and Ocean Sciences de l'Université de Victoria.
    Monsieur Weaver, vous avez la parole et disposez d'environ dix minutes.
    Merci beaucoup monsieur le président et membres du comité.
    Je tiens à me faire l'écho de ce que M. Peltier a dit au sujet du remarquable résumé que M. Stone a fait du Sommaire pour les décideurs du GIEC.
    Permettez-moi de préciser que j'ai participé aux trois dernières évaluations du GIEC. La seconde a été publiée en 1995-1996; la troisième, en 2001; et la dernière publication, du moins celle du Sommaire pour les décideurs, en 2007.
    Je préfère éviter de prescrire le genre de mesures que le gouvernement devrait prendre; je vais donc me mettre à votre disposition pour répondre à vos questions au sujet du débat scientifique.
    Je tiens cependant à revenir sur un point mentionné par John Stone, celui du caractère inévitable du réchauffement. Si vous étudiez le rapport, vous verrez que même si nous maintenions et stabilisions immédiatement les émissions — il ne s'agit même pas des émissions, mais des niveaux de dioxyde de carbone — nous ne pourrions pas éviter un réchauffement de 0,1 degré par décennie, réchauffement qui atteindrait environ un demi degré au cours des prochains siècles.
    Chaque option politique présentée, c'est-à-dire tous les scénarios présentés par les divers groupes de travail du GIEC, conclut à un réchauffement d'environ 0,2 degré par décennie au cours des vingt prochaines années. La différence entre les scénarios n'apparaît que par la suite, si bien que les décisions que nous prenons aujourd'hui, feront en fait sentir leurs effets sur plus de deux décennies.
     Nous avons des décisions qui nous engagent sur la voie de la stabilisation des niveaux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, et nous avons aussi les scénarios traditionnels selon lesquels il n'y a pas de stabilisation. La période au cours de laquelle cela se produit... Et si vous demandez quels niveaux de dioxyde de carbone ou d'émissions il est nécessaire d'atteindre globalement, la réponse est que si nous descendons au-dessous d'une réduction de 60 à 90 p. 100 des émissions mondiales, nous stabiliserons les niveaux de dioxyde de carbone au niveau existant au-dessus d'un réchauffement de deux degrés, niveau qui n'est pas nécessairement acceptable.
    Donc, ce que l'on vise, ce sont des réductions de 60 à 90 p. 100 d'ici 2050, pour stabiliser les gaz à effet de serre à un niveau qui n'est pas jugé « dangereux ». On considère souvent que le niveau de dangerosité est de l'ordre de deux degrés, et cela parce que nos estimations du point où l'inlandsis du Groenland, par exemple, dépassera le point de non-retour, correspondent à un réchauffement légèrement supérieur à deux degrés, en fait de l'ordre de 2,5 à trois degrés.
    Je m'en tiendrai là et je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci professeur Weaver. Cela nous donnera un peu plus de temps pour poser des questions et nous vous en sommes reconnaissants.
    M. McGuinty va commencer; il dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup monsieur le président.
    Je vous remercie tous les trois, professeurs. C'est bien cela? Vous avez certainement tous les trois un doctorat. En tout cas, je vous remercie vivement d'être venus.
    Je voudrais revenir avec vous sur deux questions différentes et avoir votre avis à leur sujet. La première semble d'ailleurs avoir déjà été réglée.
    Les factions prosciences et antisciences s'affrontent sur le plan national et international depuis des décennies. Je souhaiterais que vous répondiez tous les trois à ma première question. N'est-il pas clair que le Protocole de Kyoto lui-même appelle tous les signataires à consentir de gros investissements en faveur de la science du changement climatique, et que la notion de certitude ou d'incertitude qui s'attache à cette science est en fait un attrape-nigauds. Ce que l'on devrait considérer, c'est si les données scientifiques sont complètes ou incomplètes. Pour le Canadien moyen qui suit la situation, les données scientifiques seront-elles jamais complètes?
    Second point: pouvez-vous nous aider, nous et les Canadiens qui nous observent, et nous dire quel est le lien entre les travaux scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique et le travail qui se poursuit sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, et en particulier le Protocole de Kyoto qui en est issu?
    Je tiens à rappeler à tout le monde que c'est notre gouvernement qui a créé la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, pour satisfaire à nos obligations à l'égard du Protocole de Kyoto. Cette fondation est dirigée par M. Gordon McBean et se trouve à deux pas d'ici, sur la rue Sparks.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre ces deux points? Quelqu'un a commencé par déclarer que le débat sur la science est terminé, mais nous entendons encore des représentants élus, des représentants non élus et des représentants de l'industrie exprimer des doutes et des critiques sur les données scientifiques. Dans le passé, ces critiques émanaient surtout du secteur gazier et pétrolier, du monde de l'industrie énergétique. On entend moins de critiques aujourd'hui, mais elles continuent à venir de ce secteur ainsi que d'autres.
    Pourriez-vous donc nous aider à comprendre les deux points suivants: premièrement, le caractère à la fois complet et incomplet des données scientifiques; deuxièmement, le lien avec le GIEC et le Protocole de Kyoto.
(1800)
    Je vais essayer de répondre à la première de ces questions concernant le caractère exhaustif des données scientifiques.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les études scientifiques sont une entreprise permanente. À la fin de mon exposé, par exemple, je dis que nous sommes incapables de prédire ce qui est peut-être un des effets les plus importants du changement climatique de la planète, à savoir la stabilité de la cryosphère. Autrement dit, nos connaissances scientifiques sont incomplètes. Nous sommes incapables d'incorporer suffisamment de connaissances dans nos modèles pour que nos prévisions soient convaincantes.
    Ce que nous pouvons dire en nous fondant sur le RE4 — je ne m'aventurerai pas plus loin et je ne pense pas que mon collègue avait non plus l'intention de le faire — c'est que les données scientifiques sont sans équivoque. Je crois que ce qu'il voulait dire, c'est qu'elles le sont au sens de la conclusion à laquelle on est parvenu. On peut dire, sans guère d'hésitation, que le genre humain est en grande partie responsable du réchauffement survenu au cours des quatre dernières décennies.
    Je crois que c'est là l'essentiel du message véhiculé par le rapport RE4, mais cela ne signifie pas que les études scientifiques sont terminées. Il nous reste encore beaucoup de choses à comprendre avant de pouvoir faire des prévisions valables concernant certains aspects très importants du système climatique.
    Je voudrais que vous nous parliez spécifiquement du lien entre le processus du GIEC, la FCFCA et le Protocole de Kyoto.
    Je vais essayer de vous répondre.
    Les deux organismes sont des créations des Nations Unies. Le GIEC a été créé par les gouvernements aux environs de 1988 afin de leur fournir des évaluations faisant autorité sur l'état des connaissances dans le domaine de la science — j'utilise ce terme au sens très large — du changement climatique.
    Sa première évaluation a été achevée vers 1990, et a coïncidé avec une importante réunion intergouvernementale à Genève appelée la Seconde conférence mondiale sur le climat. Les résultats de cette première évaluation faite par le GIEC ont été présentés ici et ont inspiré le désir de créer un organe de négociation, ce qui a abouti à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique.
    Le second rapport du GIEC a été terminé vers 1995, et ce n'est probablement pas exagéré que de dire qu'en fait, cela a fortement contribué à l'achèvement des négociations relatives au Protocole de Kyoto.
    La troisième évaluation a été terminée en 2001, et dans une certaine mesure, il est encore un peu trop tôt pour comprendre exactement ce que seront les répercussions de ce rapport sur le processus de convention-cadre des Nations Unies.
    Nous en sommes maintenant à la quatrième évaluation qui sera terminée cette année, en 2007.
    M. Weaver.
    Puis-je ajouter un mot? Merci.
    Je ne voudrais pas donner l'impression qu'il y a une ingérence politique quelconque dans la rédaction proprement dite des documents du GIEC. Dans les trois rapports d'évaluation, auxquels j'ai moi-même participé, la rédaction proprement dite était laissée aux soins des auteurs. Les sujets de discussion ne nous étaient pas dictés; ce que nous avons fait, c'est d'examiner les divers aspects du système climatique que nous avons classés sous des têtes de chapitre générales. Tout, du début à la fin d'un chapitre était laissé aux soins des auteurs, qui sont des scientifiques actifs dans le domaine.
    Le GIEC ne fait pas de recherche. Il évalue les recherches existantes, ce qui est une tâche extrêmement importante. Le GIEC n'effectue pas d'études; il n'utilise pas de modèles; le GIEC représente en quelque sorte un effort considérable pour présenter une évaluation de l'état actuel de nos connaissances dans le domaine de la science des changements climatiques, l'évaluation est ensuite communiquée aux décideurs.
    Les personnes qui font ce travail ne sont pas des décideurs; elles communiquent les meilleures données scientifiques disponibles aux décideurs de manière à ce que ceux-ci puissent prendre de meilleures décisions qu'ils jugent bon de prendre.
(1805)
    Merci, monsieur Weaver.
    Nous allons maintenant donner la parole à monsieur Bigras. You have seven minutes, please.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Bienvenue au comité et merci pour les données que vous nous avez transmises. Nous les avions lues, mais c'est toujours agréable de les entendre de vive voix.
    Depuis qu'on étudie le projet de loi C-30, on s'est plutôt préoccupés — et on s'en préoccupera encore beaucoup — de la réduction à la source des émissions de gaz à effet de serre. Comment pouvons-nous atteindre nos objectifs de Kyoto? Quelles technologies pourrons-nous mettre en vigueur? Quels instruments fiscaux ou réglementaires devrions-nous utiliser pour lutter contre les changements climatiques?
    On parle beaucoup de réduction à la source des émissions, mais vos présentations m'amènent plutôt à vous parler d'adaptation aux changements climatiques. La politique gouvernementale, que ce soit celle du gouvernement actuel ou celle du gouvernement précédent, ne contient aucune politique d'adaptation aux changements climatiques.
    Vous avez parlé d'un risque d'augmentation du niveau des mers et d'impact sur les populations plus au nord. De quels aspects une politique d'adaptation aux changements climatiques devrait-elle traiter? Les régions maritimes devraient-elles être incluses dans une telle politique? Les populations autochtones plus vulnérables situées dans le nord du Québec, où le pergélisol est appelé à fondre, devraient-elles recevoir une attention particulière? Dans une perspective canadienne, quels aspects fondamentaux une politique d'adaptation aux changements climatiques devrait-elle intégrer?

[Traduction]

    Je pourrais parler un peu de cela, si vous le voulez.
    Premièrement, en tant que scientifique, je ne suis pas du tout enclin à discuter des options politiques qui devraient être adoptées. Nous sommes ici en tant que scientifiques venus pour vous présenter les meilleures données scientifiques disponibles, de manière à vous permettre de prendre les décisions les mieux informées possibles en matière de politiques.
    Que nous apprennent ces données scientifiques? Elles nous apprennent, par exemple, que si nous réduisons les émissions de dioxyde de carbone de 50 p. 100 dans le monde, vers la fin du siècle, et les stabilisons à ce niveau, nous parviendrons à un point d'équilibre au dioxyde de carbone dans l'atmosphère sera quatre fois plus élevé qu'il ne l'était à l'époque préindustrielle. C'est un niveau que l'on n'a pas connu depuis le Jurassique, le Crétacé, le Triassique, à l'époque où les dinosaures peuplaient la planète. Ce n'est pas acceptable.
    Cette extrême n'est pas acceptable. Il faut que les émissions soient beaucoup plus réduites que cela et cela d'ici le milieu du siècle pour que nous puissions avoir un climat qui n'aura pas d'effets catastrophiques majeurs sur les grands écosystèmes, ici comme ailleurs.
    La question est donc de savoir ce que nous devons faire. C'est à vous de décider. Il faut réduire les émissions. Nous connaissons le problème; c'est le dioxyde de carbone. Nous savons d'où il vient; il vient des émissions produites par la combustion des combustibles fossiles. C'est maintenant au tour des ingénieurs, des décideurs, des économistes de proposer des manières de réduire ces émissions de carbone qui envahissent l'atmosphère.
    Merci beaucoup. Permettez-moi to answer in English.
    Une des choses que le rapport du Groupe de travail I du GIEC nous apprend, c'est qu'une certaine inertie existe dans le système climatique. Nous pouvons nous attendre à ce que les effets dont nous sommes maintenant témoins se perpétuent pendant les deux, trois ou peut-être quatre prochaines décennies. Autrement dit, les jeux sont faits, et nous avons donc l'obligation de réagir à ces effets potentiels. Un effort d'adaptation n'est plus simplement une option politique. À mon avis, il devient maintenant un impératif politique.
    Cela dit, cependant, je crois qu'il faut éviter d'utiliser l'adaptation comme une excuse pour ne pas réduire nos émissions. Il faut bien comprendre, comme monsieur Weaver le disait, que les émissions de source humaine qui sont en train de modifier l'équilibre du climat sont la cause profonde du problème. Il importe de reconnaître que les émissions doivent être non seulement réduites de six pour cent, mais peut-être de 60 p. 100 si nous voulons parvenir à stabiliser les concentrations et le climat à un niveau qui n'est pas dangereux pour notre existence.
(1810)

[Français]

    On est d'accord sur cela. On doit réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre, mais cette réduction doit aussi être accompagnée d'un programme d'adaptation aux changements climatiques.
    Le consortium Ouranos, au Québec, nous a indiqué que pour le corridor du Saint-Laurent uniquement, on peut évaluer à 1,5 milliard de dollars l'impact qu'auront les changements climatiques. Je ne veux pas qu'on croie que l'adaptation est un subterfuge à l'inaction. C'est plutôt le contraire: on doit agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais si on ignore le fait que ces émissions continueront à augmenter en dépit d'actions concrètes, on risque de se retrouver avec des coûts économiques énormes. Il risque d'y avoir des impacts sur les infrastructures du Nord et sur les populations autochtones qui y vivent.
    Sur quels aspects le Canada devrait-il compter tant pour réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre que pour pouvoir s'adapter à l'avenir?

[Traduction]

    Voudriez-vous une réponse en 45 secondes?
    Quarante-cinq secondes?
    Manifestement, il y a un problème qui exige une adaptation aux effets inévitables qui se produiront au cours des deux à trois prochaines décennies. Comme John et mon autre collègue l'ont dit, nous n'y pouvons rien. C'est cela l'inertie inhérente au système. Les différences, cependant, au-delà de ces deux à trois décennies, sont énormes, et dépendront de la voie que nous adopterons pour réduire les gaz à effet de serre.
    Mais il faut aussi que nous prenions certaines mesures pour essayer de nous protéger à court terme contre les effets que nous subirons indiscutablement au cours de ces quelques premières décennies.
    Je suis donc d'accord avec vous; c'est un processus en deux étapes que nous devrons suivre.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Cullen; vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et tous mes remerciements aux témoins.
    Voici une brève question pour M. Weaver. Ayant déjà participé à la préparation de ces rapports et ayant vu les Nations Unies au travail, si je peux m'exprimer ainsi, ne faut-il pas que les auteurs présents parviennent à un consensus avant d'imprimer que quoi que ce soit soit?
    Je sais que des auteurs de plus de 113 pays ont participé à la rédaction du dernier rapport. Ce rapport représente-t-il l'aile la plus alarmiste de l'interprétation des données scientifiques ou au contraire l'aile la plus conservatrice?
    Je vous remercie de cette question.
    Oui, pour chaque chapitre individuel, il faut un accord. Certains prétendront qu'il n'y a pas de consensus dans le domaine scientifique, mais en fait, il y en a un. Il y a consensus pour l'utilisation de mots tels que « probablement » et « très probablement », auxquels s'attache une notion de probabilité. Vous constaterez que lorsque vous atteignez un consensus, les extrêmes ont disparu. C'est un rapport très pondéré.
    En fait, il y a des gens qui ont étudié les résultats, les prévisions et projections du GIEC depuis son premier rapport en 1990. Ils ont examiné ce qui était arrivé au cours des deux dernières décennies, depuis que le GIEC a commencé à publier ses projections. Vous constaterez que ce qui s'est produit s'inscrit dans les limites des projections du GIEC, mais sont proches des limites supérieures.
    Il convient donc de considérer que les projections du GIEC sont très prudentes, mais pas au sens politique du terme. Elles le sont en ce sens qu'elles n'ont rien d'alarmiste; elles sont très modérées et présentent des données scientifiques de qualité rassemblées par les meilleurs cerveaux scientifiques du monde.
    Merci.
    J'ai une question à poser à M. Stone. Je sais que vous n'êtes pas ici aujourd'hui pour discuter d'options politiques, mais lorsqu'on parle de celles-ci, on quantifie les coûts des diverses options.
    Savez-vous si dans notre pays, il existe des études qui ont quantifié les coûts d'atténuement, comme le disait M. Bigras, simplement en ce qui concerne la hausse du niveau de la mer? A-t-on fait des recherches sur les coûts que cela représente pour notre économie?
(1815)
    Merci beaucoup.
    En termes généraux, il a été très difficile d'engager les économistes dans le débat sur le changement climatique. Des travaux ont été faits par plusieurs universitaires au Canada, qui portaient sur les coûts de réduction des émissions et aussi de réponses aux impacts.
    Le problème dans les deux cas est la base de référence. Qu'arriverait-il si vous ne faisiez rien? C'est bien là le défi à relever.
    Pour l'instant, si c'est là le but de votre question, je ne connais aucun rapport de l'envergure de celui qui a récemment été présenté par Nicholas Stern.
    Je crois qu'il serait peut-être important de recommander les questions auxquelles nous pourrions nous attaquer dans notre pays.
    M. Weaver, je dois dire que bon nombre des membres assis autour de cette table ont écouté de nombreux témoignages sur les effets des changements climatiques et sur les prévisions à ce sujet. Ce soir, je suis encore plus profondément frappé par le type d'impacts dont nous parlons.
    Comme M. Peltier l'a mentionné, les glaces disparaissent à un rythme accéléré au Groenland, et cela quatre fois plus vite qu'ailleurs.
    Du point de vue scientifique, quelle est l'urgence d'un effort destiné à ramener ces taux d'émissions à un niveau à peu près normal? Vous avez cité des chiffres extrêmement élevés, des réductions de 60 à 90 p. 100 des niveaux de 1990. C'est énorme.
    Je le répète, nous avons des modèles qui permettent d'étudier le cycle du carbone et de déterminer les scénarios de stabilisation que l'on doit réaliser pour ramener les niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique aux niveaux prescrits. Par exemple, si vous étudiez les trajectoires des émissions de gaz dans le futur, vous verrez que si vous réduisez les émissions d'environ 50 p. 100 et si vous les stabilisez, vous stabiliserez du même coup l'atmosphère qui conservera un niveau de dioxyde de carbone de trois à quatre fois supérieur à ce qu'il était à l'époque préindustrielle, ce qui n'est pas bon du tout. Ce niveau est très élevé, et crée un effet de réchauffement que notre planète n'a pas connu depuis l'apparition des êtres humains, en fait qu'elle n'a jamais connu depuis que les mammifères sont devenus l'espèce dominante. Ce n'est pas le genre de réchauffement que nous souhaitons.
    Il y a une énorme masse de données — des données paléo-environnementales, des données fournies par des modèles et les principes élémentaires de physique — toutes ces données appellent ces changements.
    Je ne sais pas si j'ai bien répondu à la question. Nous savons comment le système climatique réagit au dioxyde de carbone.
    Même Bill Nigh, le scientifique, a une merveilleuse petite expérience dans laquelle vous placez du dioxyde de carbone d'un côté et de l'air pur de l'autre et vous regardez le résultat.
    Nous savons, en gros, ce qui se produira. Nous ne savons pas exactement où nous mèneront les chemins politiques choisis, mais c'est la raison pour laquelle il faut que nous prenions des décisions dès maintenant.
    Je sais que vous vous méfiez des commentaires politiques, mais j'ai devant moi un article et certaines de vos observations parues dans des articles consacrés à ce qui s'est récemment passé en Colombie-Britannique.
    J'ai été stupéfait.
    Oui, j'ai entendu dire que vous étiez stupéfait, que cela vous avait laissé presque sans voix.
    Je sais. C'est vrai.
    Je le répète: si vous voulez un exemple de leadership, regardez du côté de la Colombie-Britannique. Ce discours du Trône est vraiment un des discours du Trône les plus progressistes que j'ai jamais entendu.
    Mais pourquoi?
    Il ne s'agit pas seulement de s'occuper des émissions, mais de le faire en utilisant le marché, car c'est là la réalité. Nous ne pouvons pas demander au gens de commencer à vivre dans des cabanes construites dans les arbres; nous ne pouvons pas leur demander de cesser de regarder la télévision. Il n'y a aucune chance que cela se produise.
    Je n'ai pas été consulté à ce sujet. Moi-même et de nombreuses autres personnes de ma connaissance ont été choquées. C'est une politique très progressiste qui exige....
    Permettez-moi cependant de vous poser une question précise sur ce point. Vous parlez du monde des affaires et de la capacité du marché à réagir. Est-il absolument indispensable que des signaux très clairs soient donnés au marché et que lorsque l'on parle des changements climatiques et de leurs effets, l'on parle de réductions absolues des émissions dans le cadre d'un plan viable présenté dans un document gouvernemental viable?
    Je dirai que l'élément essentiel n'est pas nécessairement le chemin que vous emprunterez pour arriver à ce résultat, mais qu'il est le point d'aboutissement de ce cheminement. Comme M. Stone l'a dit, au cours des deux ou trois prochaines décennies, quel que soit le chemin que nous prendrons, il y aura de toute façon un réchauffement d'environ 0,2 degré par décennie. Ce qui compte vraiment, c'est ce à quoi nous voulons aboutir. C'est pourquoi toute décision doit conduire à des réductions de 60 à 90 p. 100 d'ici le milieu du siècle, pour que nous puissions stabiliser les gaz à effet de serre à des niveaux acceptables.
    Il est donc important d'effectuer ces réductions, mais il n'est pas nécessaire de dire qu'elles doivent se produire demain, après demain, ou le jour suivant. Ce qui importe, c'est que nous atteignons un objectif réaliste, avec des résultats qui durent plus d'un ou deux cycles politiques et qui crée les conditions nécessaires à des réductions majeures, impressionnantes des émissions.
(1820)
    Bien, il faut poursuivre.
    Merci beaucoup.
    M. Warawa, vous disposez de sept minutes.
    Je remercie vivement les témoins d'être venus.
    Monsieur Weaver, je vais commencer par vous. Pourriez-vous étoffer un peu vos commentaires? Votre présentation a été fort brève.
    Vous avez dit combien il était important de stabiliser les concentrations de CO2 dans l'atmosphère et vous avez dit que les effets visibles sur les changements climatiques — et je crois que tous ceux qui sont autour de cette table reconnaissent que le temps du débat est passé, que le changement climatique est une réalité, et qu'il est causé par l'activité humaine — à cause du carbone que nous libérons dans l'atmosphère, et qu'il va s'accélérer pendant... combien d'années?
    Si nous stabilisons immédiatement, aujourd'hui, le niveau des gaz à effet de serre, il y aura malgré tout un réchauffement d'un demi-degré. Il y a déjà eu un réchauffement d'un degré — en fait légèrement moins — il augmentera donc encore de moitié. C'est garanti, quoi que nous fassions, même si nous stabilisions immédiatement les émissions.
    Nous avons examiné ces expériences. Certains ont fait valoir que l'échelle de temps pour le dioxyde de carbone atmosphérique est de 50 à 200 ans. En réalité, au fur et à mesure que l'atmosphère devient plus saturée, cette échelle de temps s'allonge. Donc, si l'on demandait ce qui se produit si nous brûlions nos ressources connues actuelles de carbone — à quel moment il y a une stabilisation de l'atmosphère et il est possible de réduire sa saturation, si nous brûlons nos réserves connues de carbone, soit 5 000 pétagrammes — les niveaux de CO2 se stabiliseront à 700 à 800 parties par million, et il faudra des dizaines de milliers d'années pour le réduire; autrement dit, le système arrive à un point de saturation.
    Donc, en réponse à votre question, quoi que nous fassions, le phénomène de réchauffement durera des siècles. La question est alors de savoir où notre société veut aboutir. Sommes-nous prêts à accepter un scénario du genre île de Pâques, ou nous retrouver dans une situation plus viable?
    La deuxième option, bien sûr. Du moins, j'espère que c'est dans cette voie que nous nous engageons. C'est l'engagement pris par le gouvernement.
    La décennie 1990 a été la plus chaude du siècle dernier, et 1998, l'année la plus chaude. Je viens aussi de Colombie-Britannique. Nous avons pu voir la dévastation de Stanley Park. Certains ont dit que ces tempêtes ont un caractère exceptionnel, mais à mon avis, c'est une des manifestations du changement climatique.
    Au fur et à mesure que le nombre et la violence des tempêtes augmentent, est-il aussi probable que cette tendance s'accélère et que les tempêtes deviennent plus courantes, plus fréquentes et plus violentes?
    Je peux répondre à cette question.
    John Fyfe et Steve Lambert, du Centre canadien de la modélisation et de l'analyse climatiques à Victoria, ont étudié cela. Ils ont trouvé la preuve qu'au cours de ces dernières décennies, il y a en fait eu une diminution du nombre total des tempêtes dans les latitudes moyennes, mais une augmentation du nombre des tempêtes les plus violentes. Lorsqu'ils ont analysé les modèles et leurs prévisions pour l'avenir, ils ont constaté que chaque modèle de chaque pays utilisé par chaque groupe individuel montrait que cette tendance s'accentuera; c'est-à-dire que bien qu'il puisse y avoir diminution du nombre total de tempêtes aux latitudes moyennes, le nombre des tempêtes les plus violentes augmentera.
    Vous savez dans quelle situation le Canada se trouve: nous sommes un des pires pays de l'OCDE sur le plan de la protection de l'environnement. Malheureusement, nous n'avons pas fait grand-chose au cours des dix dernières années, mais nous avons pris un engagement en présentant le projet de loi C-30, projet que ce comité législatif a pour mandat d'étudier.
    J'espère que les recommandations de chacun des témoins nous aideront à donner plus de force à ce document législatif et à obtenir ainsi vraiment le résultat escompté. Le projet de loi C-30 comporte des objectifs à court, à moyen et à long terme. Vous avez mentionné, M. Weaver, l'objectif de réduction de 60 à 80 p. 100 ou 90 p. 100. Notre objectif à long terme est une réduction de 45 à 65 p. 100 d'ici 2050, et c'est là le but que nous voulons poursuivre.
    À votre avis, plus la réduction sera importante, mieux cela vaudra. C'est bien cela?
    C'est exact. Je ne suis pas économiste, et je répugne à faire des commentaires sur l'aspect économique de la question, mais un chemin qui conduirait à des réductions de 60 à 80 p. 100 d'ici 2050 en utilisant un cadre tel que celui que fournit le projet de loi C-30 peut être réalisable; je ne suis pas certain. Mais 60 à 80 p. 100 sont les chiffres appropriés; une réduction de 45 à 60 p. 100 me paraît un peu insuffisante, compte tenu du fait que nous avons déjà largement dépassé le niveau de 1990; 60 à 80 p. 100 correspondrait mieux à ce que j'espère.
(1825)
    Je voudrais un éclaircissement: considérez-vous que les niveaux de 1990 constituent le point de référence? L'objectif à long terme a été proposé par la Table ronde nationale sur l'environnement, ici au Canada, qui avait utilisé pour cela le point repère de 2003. Vous proposez une réduction de 60 à 80 p. 100 par rapport au niveau de 1990. Est-ce exact?
    C'est exact, et il faut y arriver, non seulement au Canada, mais partout dans le monde.
    Oui.
    Pourrais-je aussi avoir l'avis de M. Stone?
    Monsieur, je vais essayer de répondre à votre question. Le vrai problème est celui du changement climatique. C'est un problème à long terme. Comme vous l'avez justement mentionné, il nous faut des buts ou des objectifs à court, moyen ou long terme. Pour donner plus de poids à ce projet de loi, il nous faut des instruments, notamment des objectifs et des règlements qui doivent être progressifs. Vous ne pouvez pas tout changer du jour au lendemain.
     C'est en partie la raison pour laquelle vous pouvez vous attendre à ce que le climat continue à changer. Le système climatique a une certaine inertie, mais notre système technologique aussi. Vous n'allez pas transformer du jour au lendemain toutes les centrales à charbon en quelque chose de différent; vous n'allez pas obliger les gens à changer de voiture en l'espace d'une semaine et leur faire conduire une Prius. Il y a donc un élément temps à prendre en considération.
    À mon avis, ce dont nous avons plus que tout besoin, en dehors de la volonté politique, c'est de l'imagination. C'est l'imagination nécessaire pour concevoir les nouvelles technologies; l'imagination pour concevoir d'autres styles de vie, pour avoir d'autres aspirations; l'imagination pour faire un véritable effort. Je crois que, plus que toute autre chose, ce qu'il nous faut pour nous attaquer à ce problème, c'est de l'imagination, et cela ne peut pas s'imposer par voie législative, bien entendu.
    Merci beaucoup.
    Le temps dont nous disposions est écoulé. Je regrette.
    M. Godfrey, vous avez sept minutes.
    Correction, cinq minutes.
    Vous êtes la générosité incarnée.
    Merci de me le rappeler.
    Eh bien, j'aurais mieux fait de me taire.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. John Godfrey: Je voudrais revenir sur un point mentionné par M. Stone et aussi, d'ailleurs, par M. Weaver: la nature conservatrice de l'exercice. Un des éléments qui a suscité des commentaires depuis la sortie du quatrième rapport était le fait que celui-ci n'avait pas incorporé — à cause de sa nature, il fallait fixer une limite pour l'information à analyser — les données obtenues ultérieurement, ce qui nous révélerait une situation encore plus dramatique.
    Quelqu'un a-t-il des commentaires à faire? Est-ce vrai? Voudriez-vous nous donner quelques exemples?
    Je crois que M. Peltier a mentionné le traitement des glaces du Groenland; donc, peut-être...
    Je reviens sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Après l'information présentée dans le RE4, nous avons commencé à recevoir des données du système satellite GRACE, qui est maintenant dans l'espace et qui concentre ses observations sur l'Antarctique et le Groenland.
    Ce que vous voyons dans l'Antarctique correspond essentiellement à ce à quoi nous nous attendions, compte tenu des projections concernant le réchauffement de la planète; c'est-à-dire, que l'Antarctique est plus ou moins stable. Lorsque ce réchauffement se produit, selon les observations ou les modèles, on constate qu'il est amplifié aux latitudes boréales polaires. Le changement est plus marqué dans l'hémisphère nord, aux latitudes boréales polaires.
    Les observations du Groenland par le satellite GRACE révèlent une accélération rapide de la perte de masse. C'est un des principaux éléments nouveaux qui sont apparus depuis le RE4.
    Un autre commentaire a également été fait au sujet du bref sommaire, les conseils aux décideurs. Alors que les éléments scientifiques ne sont pas négociés, à ce stade du document, on suggérait, par exemple, que compte tenu des diverses manières d'exprimer la probabilité ou la certitude — vous savez « Nous sommes presque sûrs que... » ou « Il est hautement probable que... » — il serait possible pour les gouvernements nationaux d'avoir leur mot à dire. Apparemment, la Chine était intervenue pour que l'on ramène les taux, dans ce document, de 100 à 90 p. 100. C'est juste là une des histoires qui circulent et qui montrent qu'il faut faire quelque chose.
(1830)
    Je peux essayer d'y répondre partiellement, monsieur.
    Ce sont les scientifiques qui ont fixé les termes relatifs à l'incertitude au sujet des niveaux de compétence. Ce n'est pas une question de goût, c'est une question de statistiques, plus que de toute autre chose, et de jugement scientifique.
    Je me trouvais à Paris, parce que je suis membre du bureau du GIEC. Je ne me souviens pas d'une seule situation où des gouvernements ont pu changer ces expressions d'incertitude. Les Chinois ont effectivement essayé de modifier un texte traitant des contributions relatives des facteurs humains et de la variabilité solaire au forçage radiatif que nous avons pu voir. Ils ont en fait réussi à faire supprimer un passage du texte. Néanmoins, l'information apparaît toujours très clairement dans les graphiques.
    Merci beaucoup.
    Puis-je ajouter un mot?
    J'ai participé à la rédaction du chapitre 10, celui qui traite de ce qui se passera à l'avenir, selon les projections relatives au climat de la planète. Pas une seule de nos déclarations n'a été modifiée.
    Les seules différences entre le Sommaire pour les décideurs présenté par les scientifiques et celui qui a finalement été approuvé par ces derniers se réduisent à quelques ajouts. Je crois que c'est significatif.
    Je ne sais pas combien d'entre vous ont en fait passé le Sommaire pour les décideurs à des décideurs, mais ce document est manifestement écrit par des scientifiques. La plupart des décideurs considèrent que ce n'est rien d'autre que du jargon prétentieux.
    En ce qui concerne les ajouts, par exemple, nous avons présenté une figure qui comportait une fonction de distribution de probabilité et qui montrait comment cette fonction évoluait avec le temps à travers tout le XXIe siècle. La séance plénière au cours de la récente évaluation à Paris a montré que l'on voulait que SPD-7 soit ajouté. C'est un schéma squelettisé qui est plus facile à interpréter; cette figure a donc été ajoutée à notre chapitre afin d'expliciter la figure plus compliquée. Nous avons aussi fait ajouter un tableau de certains des résultats qui figuraient dans notre chapitre, mais ce changement fondamental n'a pas eu lieu.
    Aucun changement n'a donc été apporté qui aurait altéré la valeur scientifique du texte. Les scientifiques ne l'auraient pas toléré. Ils seraient montés aux barricades si cela c'était produit.
    Merci beaucoup, monsieur Weaver.
    M. Jean, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président; je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'ai trouvé tout cela assez déprimant. En fait, je dois préciser que, ces dernières années, faisant partie du comité sur l'environnement, venant du nord de l'Alberta et témoin des changements, je n'ai pas le moindre doute sur la réalité du changement climatique. Il se passe quelque chose.
    Je voudrais vous lire une information et je souhaiterais avoir vos réactions lorsque l'on dit que le Canada est un leader mondial. Je voudrais aussi savoir comment nous pouvons nous assurer que si nous jouons ce rôle, quelqu'un suit effectivement notre exemple, de manière à ce que cela fasse une différence.
    J'ai lu un article de l'Ottawa Sun, qui citait les dix principales raisons pour lesquelles le Protocole de Kyoto est condamné à l'échec. Je vais les passer très rapidement en revue et j'aimerais avoir vos commentaires.
    La première raison était que les États-Unis, qui produisent plus de 20 p. 100 des émissions mondiales, ne participent pas.
     La seconde est que la Chine, qui est la seconde plus importante source d'émissions, à 14,8 p. 100 est dispensée de l'obligation de réduire les gaz à effet de serre.
    La troisième est que l'Union européenne, qui est la troisième source d'émissions, avec 14 p. 100, bénéficie de l'effondrement financier et économique de l'Allemagne de l'Est, si bien qu'elle n'est pas obligée d'atteindre les objectifs de réduction des émissions.
    La Russie, au quatrième rang avec 5,7 p. 100, a connu un effondrement économique et se trouve plus ou moins dans la même situation.
    L'Inde, vient au cinquième rang, parce qu'elle est un pays en développement.
    L'Australie n'est pas impliquée. Elle a, par habitant, les plus fortes émissions de dioxyde de carbone de la planète, à cause de sa dépendance à l'égard du charbon. Elle pourrait, malgré tout, encore accroître ses émissions.
     Le plus inquiétant était que la construction de 850 centrales thermiques au charbon est prévue pour les prochaines années: 562 en Chine, 213 en Inde, 72 aux États-Unis. Les dispositions du Protocole de Kyoto ne s'appliquent à aucune d'entre elles. Essentiellement, on estime que les 850 centrales déverseront cinq fois plus de CO2 dans l'atmosphère que Kyoto n'en enlèverait, même si tous les autres pays parvenaient à atteindre leurs objectifs 2012.
    La huitième raison est que... le Canada, naturellement, n'est responsable que de deux pour cent des émissions mondiales, si bien que même si nous atteignons nos objectifs, selon cet article, la seule façon d'y parvenir serait d'acheter de l'air chaud...
    Essentiellement, messieurs, on dit que Kyoto sert surtout à transférer de la richesse des pays industrialisés aux pays du tiers monde. Et cela semble être le seul mécanisme efficace existant, à l'exception, peut-être de l'APAC 6.
    J'aimerais avoir vos commentaires à propos de Kyoto et du rôle du Canada comme chef de file mondial et non comme suiveur.
(1835)
    Qui veut répondre à cela?
    Tout le monde.
    Puis-je faire une remarque à ce sujet? Je crois que c'est très important.
    Tous les points que vous avez évoqués ne manquent pas de mérite. Mais ce dont nous parlons ici, et ce qui me paraît indispensable, c'est de modifier profondément la manière dont notre système économique fonctionne. À mon sens, les changements climatiques globaux nous obligent à pratiquement réinventer nos modes de fonctionnement.
    Le contexte législatif actuel joue, à mon avis, contre l'innovation. Nos entreprises privées, nos sociétés, parce qu'elles ne sont pas soumises au cadre de réglementation, ne sont pas motivées à innover. En l'absence de toute impulsion sur le plan législatif, nous les avons laissées devenir des luddites qui vivent dans le passé. Nous n'avons rien fait pour les motiver à créer.
    Comme mon collègue John Stone l'a dit, ce que nous recherchons ici, et ce que nous devrions viser dans notre régime législatif, c'est de faire de notre pays un leader et nous n'y parviendrons pas sans créer les mesures incitatives que seules des lois peuvent établir. Nous ne voulons pas de luddites; nous voulons des entreprises qu'anime un esprit de création, qui s'imposent comme des chefs de file mondiaux et qui soient les moteurs d'une société aspirant elle aussi à servir d'exemple au monde entier.
    À mon avis, il nous appartient en tant que législateurs de créer le genre de régime législatif qui propulsera notre pays en avant et incitera nos entreprises à créer et à innover, au lieu de se reposer sur leurs lauriers, ce que beaucoup d'entre elles font depuis bien trop longtemps.
    Monsieur Stone?
    Soyez très bref s'il vous plaît.
    Premièrement, comme je l'ai déjà dit, la question qui nous concerne est celle du changement climatique; ce n'est pas Kyoto. Kyoto représente certainement un défi pour le Canada, mais ce n'est qu'une première étape. Je considère Kyoto comme une orientation, comme une expérience destinée à nous permettre d'essayer différentes mesures politiques, une expérience destinée à mettre en place certaines mesures incitatives et de nouvelles technologies, et je considère que nous devrions essayer de respecter notre engagement à l'égard du Protocole de Kyoto.
    Cela me rappelle toujours le pari de Pascal, qui dans ce contexte donnerait à peu près ceci: si nous faisons un gros effort pour relever le défi du changement climatique et qu'en fin de compte, celui-ci s'avère moins grave que prévu, nous n'aurons rien perdu. Nous aurons une économie plus forte; une plus grande sécurité énergétique; une atmosphère plus pure. Mais si nous n'essayons pas de relever ce défi et si le changement climatique s'avère une réalité, nous aurons peut-être tout perdu.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Monsieur Lussier pour cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Peltier, vous êtes physicien de profession et vous faites partie du monde universitaire.
    Parmi les trois urgences suivantes, j'aimerais connaître la pensée du monde universitaire quant à celle qu'il faut régler en premier lieu. La première urgence est-elle de découvrir et maîtriser des solutions techniques pour le captage du CO2, de diminuer notre dépendance aux énergies fossiles ou faudrait-il s'attaquer en priorité à la problématique de l'adaptation, donc, à la modification de tous nos codes de construction en ingénierie ou en architecture?
    D'après vous, quelle est présentement la pensée des universitaires?
    Excusez-moi si je parle en anglais, mais c'est ma langue maternelle.
(1840)
    Je n'y vois pas de problème.

[Traduction]

    Je suis universitaire, et je vis dans le monde de la physique et, en particulier, dans celui du changement climatique. Premièrement, j'aurais bien du mal à trouver des collègues qui ne sont pas très préoccupés par la situation critique à laquelle nous sommes confrontés.
    Nous sommes tous convaincus de la validité de prédiction fournie par nos meilleurs modèles, et nous croyons que, dans tous les domaines, qui nous préoccupent, il faut agir simultanément. Aucun problème ne peut être considéré comme plus important que les autres.

[Français]

    Monsieur Stone.

[Traduction]

    Je voudrais ajouter un mot.
    Il y a deux ou trois ans, Robert Socolow, professeur à l'Université de Princeton, a présenté une communication dans laquelle il faisait valoir que nous disposions du moment opportun, que toutes les technologies dont nous avons besoin pour stabiliser nos émissions aux niveaux actuels, jusqu'au milieu du siècle, sont à notre disposition. Ce qu'il faut, c'est mettre ces technologies en place. Nous n'avons pas nécessairement besoin de technologies nouvelles; nous devrions mettre en oeuvre celles dont nous disposons.

[Français]

    Merci.
    Avez-vous un commentaire à faire, monsieur Weaver?

[Traduction]

    Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de concilier les trois. Prenons la technologie comme exemple. Notre société n'est-elle pas capable de faire mieux que le moteur à combustion interne? Nous mettons les gens sur la lune, nous mettons des satellites dans l'espace, nous fabriquons des ordinateurs, nous sommes capables de remplacer des coeurs humains, mais ne sommes-nous pas capables de faire mieux que le moteur à combustion interne? Il doit y avoir d'autres raisons qui expliquent que nous ne soyons pas allés plus loin.
    La technologie est nécessaire; l'adaptation est absolument nécessaire; et les mesures d'atténuation sont nécessaires, comme l'a dit M. Peltier.

[Français]

    Monsieur Stone, partagez-vous l'idée de M. Stern selon laquelle un investissement de 1 p. 100 du PIB permettrait de réduire de 5 p. 100 la catastrophe prévue pour les années 2050?

[Traduction]

    Je regrette, mais je vais être obligé d'éluder cette question, car je ne suis pas économiste. Le rapport Stern fait 750 pages et je n'ai pas encore réussi à en obtenir une copie.
    J'ai lu le sommaire du rapport. Essentiellement, Stern dit qu'il sera probablement plus coûteux de ne rien faire que de nous attaquer au problème et d'affronter la menace du changement climatique.
    Il y a déjà un débat chez les économistes. J'en ai lu des échos dans le Financial Times, la semaine dernière, dans un article de Martin Wolf. Beaucoup de ces économistes concluent que ce serait folie d'ignorer le problème et de ne rien faire, pour la simple raison que nous ne sommes pas capables de définir parfaitement les contraintes économiques qu'une action implique.

[Français]

    Dans votre projection sur l'augmentation du niveau des mers, qui peut aller jusqu'à 0,6 mètre, quelle est la portion attribuable à la fonte des glaciers, par rapport à l'expansion de l'eau chaude des océans?
    Est-ce que vous ou M. Peltier avez des idées à ce sujet?

[Traduction]

    La question de l'élévation du niveau des mers est aussi intéressante qu'importante, mais elle exige une certaine subtilité de réflexion. Par exemple, le Canada qui, jusqu'à ce qu'il y a environ 12 000 ans, était recouvert par des glaces d'une épaisseur de quatre kilomètres dans la plupart des régions, connaît un très fort rebond de son plateau continental. Dans la région de la baie d'Hudson, par exemple, cette surrection s'effectue au rythme d'environ 1,5 centimètre par an.
    Dans de nombreuses régions de l'est du Canada et dans la cordillère occidentale, la masse terrestre continue à remonter des eaux à cause du rebond de l'écorce terrestre post-glaciaire.
    Cependant, dans le haut Arctique, il y a certaines régions qui n'avaient pas été couvertes par une glace aussi épaisse et où la hausse du niveau de la mer pourrait avoir de fortes conséquences, en particulier le long des côtes de la Russie, mais moins le long des côtes du Canada, qui étaient en majorité couvertes par une glace épaisse.
    La question de la hausse du niveau de la mer dans le monde revêt une énorme importance dans de nombreuses parties de celui-ci, mais chaque région peut s'attendre à subir des effets différents.
    Merci beaucoup.
    Nous allons donner la parole à M. Paradis. Il dispose de cinq minutes.

[Français]

    Monsieur Stone, on vous a posé quelques questions tout à l'heure au sujet de l'adaptation aux changements climatiques. C'est certain que l'on ne peut vous demander de lire dans une boule de cristal. Cependant, vous avez abordé un point intéressant. Vous avez dit que pour faire face à cette situation, on aurait besoin d'imagination. Pouvez-vous expliciter votre pensée?
    Présentement, selon les politiques ou les approches suggérées — il en a été fait mention plus tôt —, on tente de limiter notre dépendance aux combustibles fossiles en se tournant vers les énergies renouvelables; on examine les possibilités en matière d'efficacité énergétique, on recherche de nouvelles technologies comme la capture du carbone, et autres.
    Selon vous, ce n'est pas suffisant. Cela veut-il dire qu'il faut faire davantage? Faut-il investir dans la recherche? Comment voyez-vous le défi, non pas pour faire la transition, mais pour être vraiment à la page face aux défis à venir?
(1845)

[Traduction]

    Merci. Je ferai de mon mieux. C'est une excellente question.
    Comme mes collègues l'ont dit, il est inévitable qu'avec le temps nous allons être contraints de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et cela de 60 p. 100 et même plus. Cela dépend beaucoup de nos modèles de cycle du carbone et d'une foule d'autres choses. À cause de l'inertie du système climatique, et aussi de l'inertie de nos systèmes socio-économiques, il y aura inévitablement des impacts, et nous ne pouvons pas nous permettre de les ignorer.
    Ces impacts diffèrent selon qui vous êtes, où vous vivez, et ce que vous faites de votre vie. Il y a certaines régions — par exemple, dans l'Arctique — où comme le disait M. Peltier, le changement climatique est exacerbé et où les impacts sont déjà visibles. Les habitants de l'Arctique sont inconscients du changement climatique et de ce qu'ils voient, et de la menace pour leur santé et pour leurs subsistances. Dans certains de ces endroits, il est assez logique que l'on soit obligé de penser à des mesures d'adaptation.
    D'autres régions, parce qu'elles peuvent être riches, ou à cause d'autres facteurs, ne sont peut-être pas aussi vulnérables. On prétend, par exemple, que l'Afrique est très vulnérable. J'ai le plaisir d'être associé au programme dirigé par le International Development Research Council, avec l'aide financière du Canada et du Royaume-Uni, qui étudie les possibilités d'adaptation en Afrique, car il est entendu que ce continent est une des régions les plus vulnérables. Je ferais remarquer que si l'Afrique est vulnérable, sa sécurité est aussi la nôtre, et qu'il est dans l'intérêt direct du Canada d'essayer d'aider ces pays vulnérables à faire face au changement climatique, parce que si nous ne le faisons pas, cela entraînera inévitablement des répercussions pour le Canada.
    Merci.

[Français]

    Est-ce que M. Peltier ou M. Weaver aurait des commentaires à faire sur ce point? Sinon, je peux poser ma deuxième question.
    Vous faites état des différentes régions du globe d'un point de vue scientifique. Quels seraient vos conseils pour l'établissement d'objectifs internationaux viables afin de voir la situation dans son ensemble? Du point de vue scientifique, qu'est-ce qui serait viable selon vous?

[Traduction]

    Je crois que le nouveau régime que nous allons devoir adopter va nous imposer des contraintes à tous — non seulement à nos sociétés, mais aussi à nous, en tant qu'individus. Le Canada ne peut pas se permettre de piétiner devant ce problème, de ne rien faire et d'attendre que le reste du monde le résolve à sa place, parce que, ce qui est en jeu ici, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas seulement le problème du changement climatique; c'est aussi le problème de l'innovation, le problème du leadership; le problème de la créativité. Il est indispensable de créer un régime dans notre pays, qui favorise tout cela. C'est ce qui manque chez nous, pour le moment, et nous sommes nombreux à espérer que votre comité et que les instances gouvernementales de ce pays nous aident à nous engager sur la bonne voie.
    Il faut que nous fassions preuve de leadership dans ce domaine, et il faut que nous le fassions dans une perspective à court terme et non à long terme.
    Merci beaucoup.
    M. Scarpaleggia, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Stone, vous avez dit que quelque chose suivait une progression linéaire et qu'une autre suivait une progression exponentielle. S'agissait-il de la fonte de l'inlandsis du Groenland qui progressait de manière exponentielle? Pourriez-vous nous éclairer là-dessus, s'il vous plaît.
    Nous disposons de plusieurs indicateurs qui, si on les reportait sur un graphique — le temps ne formant pas une pente linéaire. M. Peltier et M. Weaver ont mentionné l'accélération de la fonte des glaces du Groenland et de l'Arctique. J'ai parlé de la diminution de l'épaisseur de la glace marine dans l'Arctique. Si vous prenez même quelque chose d'aussi simple que les températures, le taux de hausse de la température est en fait plus rapide qu'il ne l'était auparavant. Ce n'est pas un phénomène linéaire. Si vous considérez la hausse du niveau de la mer, elle n'est pas non plus linéaire. Dans de nombreux endroits, on a l'impression que le changement climatique s'accélère et que les impacts dont nous sommes témoins se produisent à un rythme plus rapide que celui prévu dans le troisième rapport d'évaluation du GIEC.
(1850)
    J'avais donc mal compris. Rien n'est linéaire; tout est exponentiel.
    C'est mon avis.
    J'ai une question théorique. Le dernier rapport a montré très clairement que le débat sur les études scientifiques est — s'il n'est pas terminé, il est absolument clair qu'un important facteur humain est responsable du réchauffement de la planète et du changement climatique. Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu'une personne modérée — pas quelqu'un qui est à gauche ou totalement à droite, mais une personne modérée, à l'esprit ouvert — conclut que les preuves que nous avons un problème sont suffisamment claires?
    Il me semble que de nombreux politiciens ont attendu jusqu'à ces deux dernières semaines pour accepter les données scientifiques présentées. En fait, il semble que de nombreux députés n'avaient pas été autorisés à faire des commentaires sur ces données scientifiques jusqu'à ces trois dernières semaines. Étant donné votre expérience de la question, à quel point un leader politique modéré et éclairé serait-il prêt à reconnaître que nous avons un problème et qu'il faut faire quelque chose?
    Puis-je répondre?
    Je tiens à faire remarquer que sur le plan politique, un des leaders les plus connus au monde pour son franc-parler et sa vision en ce qui concerne le changement climatique, était Margaret Thatcher, lorsqu'elle était premier ministre conservateur de la Grande-Bretagne. C'est elle qui a créé le Hadley Centre en Grande-Bretagne, le chef de file dans la recherche climatique. C'est elle qui a déclaré devant les instances internationales qu'il était urgent d'intervenir, et cela dès les années 1980. Notons qu'elle avait une formation de chimiste.
    Nous connaissons l'effet de serre depuis 200 ans. Nous connaissons le rôle particulier du dioxyde de carbone depuis plus de 100 ans. En fait, Arrhenius et ses collègues, et d'autres, ont fait les calculs sur le réchauffement de la planète sur une période de plus d'un siècle. Ce n'est pas une science nouvelle; elle existe de longue date. Les leaders internationaux en parlent depuis fort longtemps. Il est vrai qu'on est passé plus vigoureusement à l'action ces derniers temps, du moins dans certains pays, à cause du dernier rapport, mais les milieux scientifiques ont pris une position assez neutre sur la question et répètent la même chose depuis très longtemps.
    Un bon leader modéré aurait su, à la fin des années 1980 ou au début des années 1990, que cela posait un problème.
    Lucien Bouchard, sous le gouvernement Mulroney, le savait et avait établi le Plan vert du Canada, mesure progressiste à l'époque, pour répondre au problème du changement climatique. Au Canada, cela ne date pas d'hier.
    Oui, à ceci près que notre premier ministre, il n'y a que quelques années de cela, à l'époque où il était chef de l'opposition, a déclaré que les données scientifiques n'avaient rien de définitif et étaient contradictoires...
    Je suis aussi d'accord sur ce point.
    Il lui a fallu du temps pour comprendre la situation.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    M. Manning a maintenant la parole, il dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue à nos invités et à les remercier pour les exposés qu'ils ont présentés aujourd'hui.
    M. Stone vous avez dit qu'il fallait essayer d'atteindre les niveaux, mais que ceux-ci n'étaient pas dangereux pour notre existence, si je vous ai bien compris. Vous avez dit que les gaz à effet de serre demeurent dans l'atmosphère pendant des dizaines d'années et que nous sommes donc condamnés à subir des effets additionnels du changement climatique, même une fois que les émissions auront été réduites. C'est la situation à laquelle nous sommes confrontés, et il faut que nous élaborions les mesures nécessaires pour nous adapter à ces changements.
    Selon vous — et tout le monde est libre de répondre — quelles sont les mesures clés nécessaires pour créer une économie écologiquement durable en essayant de trouver un équilibre entre les préoccupations que nous inspire l'environnement et le souci de pouvoir continuer à vivre et à travailler dans notre pays.
    On a l'impression que la plupart des témoins sont partisans d'une option ou d'une autre, mais pas des deux. En vous écoutant ce soir, j'ai constaté que vous vous cantonniez à la croisée des chemins. Le changement climatique vous préoccupe, mais au moins êtes-vous capable d'apporter quelques idées là-dessus. Il semble que ce soit une préoccupation majeure pour les Canadiens.
    En conclusion, si vous me le permettez, je dirais ceci: lorsque vous posez aujourd'hui la question aux Canadiens, c'est l'environnement qui est leur première préoccupation. Mais tout de suite au second rang, leurs moyens de subsistance leur inspirent de fortes inquiétudes.
(1855)
    Permettez-moi de faire quelques observations.
    J'estime personnellement que nous ne parviendrons pas à lutter efficacement contre le problème du changement climatique si nous considérons qu'il s'agit simplement d'une question environnementale. Ce l'est indiscutablement, mais la grande question est de savoir comment le problème est présenté. Je crois que c'est un élément clé de la réponse à la question qui a été posée plus tôt au sujet de la manière de mobiliser les autres pays.
    Il faut procéder de manière à créer une certaine mutualité, qui permettra elle-même d'établir une certaine cohésion, un certain groupement d'intérêts et nous permettra ainsi de considérer le changement climatique sous des angles divers: comme une question liée à la compétitivité technologique; mais aussi une question liée à la santé, au développement, à la sécurité énergétique, et à bien d'autres choses.
    Si nous adoptons cette démarche et présentons le problème en ces termes, nous pourrons attirer plus de participants. Nous parviendrons à une entente entre les pays, quelles que soient les raisons qui les inspirent, pour nous attaquer au problème du changement climatique.
    M. Peltier.
    Oui, je voudrais également faire une remarque à ce sujet et revenir sur plusieurs des observations que j'ai faites tout à l'heure.
    Pour pouvoir résoudre le problème du changement climatique, il faut que l'économie travaille pour nous et non contre nous. Il me semble que c'est là la responsabilité du régime législatif, non?
    Manifestement, aucune société ne veut prendre l'initiative dans ce domaine car cela la désavantage sur le plan de la concurrence. C'est pourquoi, il est absolument crucial d'avoir un régime législatif qui encourage l'adoption de mesures contraignantes pour établir un régime de développement moins riche en carbone.
    Nous ne pouvons pas attendre de nos sociétés privées, qu'elles prennent individuellement l'initiative de jouer un rôle de leadership dans ce domaine, car elles considèrent que cela créerait pour elles un énorme désavantage sur le plan de la concurrence. Il faut créer un régime qui uniformise les règles du jeu et permette à ces sociétés de continuer à se faire concurrence, mais à notre avantage collectif.
    M. Weaver, qu'en pensez-vous?
    Oui, je suis d'accord.
    Je voudrais faire deux remarques. Premièrement, pourquoi ne voudrait-on pas créer d'autres sources d'énergie propres lorsque le monde entier est un marché et un consommateur d'énergie? Ce sont les premiers à trouver une nouvelle astuce qui seront les bénéficiaires, car il n'y a aucune raison de ne pas utiliser une source quelconque d'énergie durable et propre, lorsque celle-ci est disponible, au lieu de brûler quelque chose qui une foule d'effets négatifs sur la santé, la qualité de l'air, etc.
    Deuxièmement, il me semble que les règles du jeu ne sont pas équitables. Cela tient en effet à la façon dont nous calculons le coût de l'énergie. Lorsque nous le faisons, quel est le coût environnemental lié à la combustion des combustibles fossiles? Ce coût entre-t-il dans l'équation?
    Lorsque l'on construit une centrale nucléaire, le coût de son déclassement doit être immédiatement intégré au coût de mise en service de l'usine. Lorsque vous construisez une centrale thermique au charbon, tout ce que vous avez à faire est de trouver un gisement de charbon, de construire une centrale dessus et de brûler le charbon. Qui paie le coût des émissions de cette centrale? Je ne sais pas. Probablement personne. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas que les règles du jeu soient équitables.
    Je préférerais m'en remettre aux économistes pour cette question, car je crois qu'il faut vraiment reconsidérer la situation. Ils savent beaucoup mieux que nous quelles solutions économiques sont possibles.
    Merci.
    Venons-en maintenant à la série finale de questions pour les libéraux et à M. McGuinty.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, compte tenu des témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent ce soir, je voudrais simplement poser une question au sujet du processus suivi par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Est-ce que les États-Unis, la Chine, l'Inde, l'Australie et tous les pays non visés à l'annexe I, par exemple, ont participé activement à l'étude scientifique sur le réchauffement de la planète et le réchauffement climatique en liaison étroite avec le processus de négociation du Protocole de Kyoto?
(1900)
    Absolument. Les scientifiques de ces pays participent pleinement au processus du GIEC, et ils y occupent souvent d'importantes positions de leadership. Susan Solomon, par exemple, est la coprésidente du Groupe de travail I. C'est une scientifique américaine travaillant à Boulder, dans un des laboratoires de la NOAA
    Donc, oui, ces pays ont tous des scientifiques qui participent activement au processus.
    On peut donc se permettre de dire que les scientifiques de pratiquement tous les 184 États-nations suivent de près la situation.
    Je n'irais pas jusque-là, mais je dirais que l'on n'est pas loin de ce chiffre.
    J'imagine que la plupart d'entre eux participent, n'est-ce pas?
    Le Protocole de Kyoto a été signé par 168 pays. On pourrait donc se permettre de conclure que 168 États-nations ont des spécialistes scientifiques qui suivent le processus du GIEC.
    Là, je serais très prudent. Les scientifiques n'aiment pas se hasarder à prescrire des politiques. Les scientifiques qui rédigent le document ne sont pas ceux qui rédigent la politique.
    Vous m'avez mal compris, monsieur. Je ne parle pas de politique. Je pose simplement la question suivante: est-ce que les 168 pays dont le nom figure au Protocole de Kyoto, ceux qui sont visés par l'annexe I, ceux qui ne le sont pas, ou d'autres pays, ont des scientifiques qui suivent les travaux du GIEC?
    Absolument.
    Permettez-moi de répondre à cette question et de faire quelques observations.
    Premièrement, les coprésidents du Groupe de travail I du GIEC étaient Susan Solomon, qui est Américaine, et Dahe Qin, qui est Chinois et est en fait le chef de l'administration météorologique chinoise. Les compétences de ces deux scientifiques sont au-dessus de toute critique. Vous ne pourriez pas en trouver de meilleurs. C'est à cause de leur éminence qu'ils ont pu amener le reste des scientifiques à collaborer.
    Ce qui est intéressant dans le processus du GIEC, comme Andrew Weaver l'a dit au début, c'est qu'il a été en fait rédigé par des scientifiques et qu'il est fondé sur des textes approuvées par des pairs, c'est-à-dire des textes publiés dans des revues scientifiques et soumis à un examen extrêmement rigoureux.
    Dans les séances plénières — par exemple à Paris — les gouvernements négocient le Sommaire pour les décideurs. Ce sommaire est la version abrégée du rapport. Encore une fois, son texte est rédigé par des scientifiques et le rôle du gouvernement est de s'assurer qu'il est compréhensible, accessible et équilibré. Bien entendu, la définition d'« équilibre » peut varier selon le gouvernement. En fin de compte, cependant, rien n'est écrit qui n'ait été approuvé par les scientifiques.
    En dernière analyse, cela signifie que lorsque le maillet tombe pour la dernière fois, tous les gouvernements présents conviennent que le Sommaire pour les décideurs est une évaluation adéquate, appropriée et équilibrée de l'état actuel des connaissances.
    Permettez-moi de vous poser une dernière question, messieurs.
    Dans le Sommaire pour les décideurs que j'ai devant moi, vous avez raison de dire qu'il ne contient absolument rien qui ait trait au politique. C'est de la science pure. Mais votre travail dans ce rapport est-il fondé sur le principe fondamental selon lequel si nous nous attaquons au problème du changement climatique, il faut tout d'abord comprendre qu'il peut y avoir 184 États-nations, mais une seule atmosphère; et que plus la coopération est étroite entre ces 184 États-nations, plus grandes sont les chances de faire face à la réalité: le réchauffement global et une seule et même atmosphère? Ai-je bien interprété les conclusions auxquelles vous êtes parvenus, en tant que scientifiques?
    Certainement.
    Je crois que nous avons « oui, oui et oui ».
    C'est bien oui, oui et oui?
    Monsieur Weaver.
    Je ne vais pas répondre oui lorsque je ne suis pas sûr tout à fait de ce qu'est la question. Je répondrai donc oui, peut-être.
    Il y a une seule atmosphère et le carbone y est bien présent, oui, c'est vrai. Mais je ne crois pas que le GIEC en ait conclu que tous les pays doivent travailler de concert. Je suis fermement convaincu que ce problème, qui est le problème le plus grave auquel l'humanité est confronté, contribuera à unifier tous les pays, tout simplement parce que c'est indispensable. Il le faudra, si ce n'est déjà fait, mais je ne crois pas que nous ayons prescrit cela dans le processus du GIEC.
    Le temps dont vous disposiez est écoulé.
    M. Watson, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Considérant la série de questions posées par M. Scarpaleggia, je suis presque tenté de lui céder ma place, ne serait-ce que parce qu'il nous a appris que ce sont des conservateurs tels que Thatcher et Mulroney qui ont été parmi les premiers à intervenir dans le domaine du changement climatique. Si l'on ajoute à cela les propositions du gouvernement actuel pour commencer à s'attaquer à ce problème, on peut se demander où étaient passés les libéraux pendant plus d'une décennie.
    Une voix: Bravo, bravo!
    M. Jeff Watson: Je voudrais en fait poursuivre dans la même veine que M. Manning. Il y a deux ou trois points que je voudrais examiner. Le premier a trait à l'objectif international, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
     Je voudrais parler de la difficulté de concevoir, comme l'a dit M. Stone, les clés de la création d'une économie durable du point de vue de l'environnement. Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements à ce sujet?
    Sur le plan scientifique, vous avez clairement évoqué certaines des réalités auxquelles nous pourrions être confrontés au cours des prochaines décennies. Pourriez-vous nous indiquer certains des changements indispensables? À votre avis, quelles sont les clés d'une économie durable sur le plan de l'environnement?
(1905)
    On pourrait donner une très longue réponse à cette question, mais permettez-moi simplement de vous conter une petite anecdote qui m'aidera à vous répondre.
    J'ai donné une conférence sur le changement climatique à la classe finale des diplômés en humanités de l'Université Carleton. À la fin de la conférence, un des étudiants a dit que si ce phénomène constitue en effet une menace que nous devons prendre au sérieux, il n'en renoncerait pas pour autant à son mode de vie. J'ai éprouve de la pitié pour cet étudiant, car il était incapable d'imaginer un style de vie autre que celui qu'il connaissait — un style de vie qui, dans une certaine mesure, lui avait en fait été imposé, à lui et aux autres membres de sa génération.
    Dans bien d'autres pays, il y a des gens qui vivent d'une manière très différente des étudiants de l'Université Carleton. Il y a des gens de ma génération dont le style de vie était très différent, pendant leur jeunesse, de celui des jeunes d'aujourd'hui. Il n'y a rien d'absolu dans les styles de vie que nous avons. Il n'y a rien d'absolu dans nos aspirations. Nous pouvons avoir des modes de vie et des aspirations beaucoup plus viables que ce que nous avons aujourd'hui.
    Quelqu'un d'autre voudrait-il intervenir?
    M. Weaver.
    Je voudrais revenir sur la remarque que vous avez faite tout à l'heure, maintenant que vous m'avez cédé la parole.
    Je ne prétends pas que les conservateurs sont meilleurs que les libéraux, parce qu'en réalité, aucun gouvernement n'a fait quoi que ce soit. Dans la pratique, les conservateurs qui se trouvaient dans l'opposition, jusqu'à tout récemment encore, n'ont pas aidé les libéraux à faire quoi que ce soit.
    Peu importe la politique. Ce qu'il faut, c'est agir et continuer à le faire. Il faut que l'on prenne des mesures en faveur de cette économie durable du point de vue de l'environnement. Peut-être devrions-nous commencer à parler de choses telles qu'une taxe sur les combustibles fossiles et du remplacement de mesures telles que la TPS par, par exemple, une taxe sur les combustibles fossiles; et peut-être devrions-nous repenser notre régime fiscal. Il faudrait associer les économistes à une telle entreprise, mais nous devrions au moins engager un débat à ce sujet.
    C'est assez juste.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste deux minutes.
    En ce qui concerne l'importance des données scientifiques lorsque l'on veut établir un consensus politique et affirmer une volonté politique, votre quatrième rapport est certainement plus percutant que le troisième. Sommes-nous au point où nous pouvons nous attendre à ce que la Chine, l'Inde et les États-Unis se fixent le genre de cibles difficiles dont vous avez parlé pour le milieu du XXIe siècle? Pouvons-nous espérer que cela se produise alors que les États-Unis n'ont pas participé au processus de Kyoto et que la Chine et d'autres nations se sont contentés d'être des signataires, mais sans objectif? Les données scientifiques sont-elles suffisantes pour les convaincre maintenant et pour que nous puissions attendre de ces pays qu'ils se fixent les genres d'objectifs importants qui sont nécessaires?
    Si vous me le permettez, je voudrais faire une remarque à ce sujet.
    La plupart d'entre vous savent qu'à l'échelon des états aux États-Unis aujourd'hui, le projet de loi Pavley de la Californie a été promulgué et prévoit une réduction de 30 p. 100 des gaz à effet de serre sur une période relativement courte. À ce niveau, que ce soit sur la côte ouest des États-Unis ou dans le Nord-Est, certains États prennent des mesures drastiques, comme certaines provinces canadiennes s'efforcent elles-mêmes de le faire.
    Je crois que le temps est venu pour qu'aux États-Unis, au niveau fédéral et au Canada au niveau fédéral, on suive l'exemple des initiatives locales. D'importantes mesures se prennent actuellement aux États-Unis et on s'efforce de faire de même ici, au Canada. Ce qu'il faut, c'est que les autorités fédérales suivent la voie ouverte par les initiatives locales dans notre pays, comme cela commence à se produire ailleurs.
    Bien, le temps dont nous disposions est épuisé.
    Monsieur Watson, merci beaucoup
    Les rondes normales de questions sont terminées. Il nous reste un peu moins de 25 minutes, mais nous avons deux ou trois points à discuter.
    Le comité est-il d'accord pour que nous nous en tenions là? Bien. Je vous remercie.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Messieurs Stone, Peltier et Weaver, je vous remercie vivement pour le temps que vous avez bien voulu nous consacrer et pour les idées que vous avez échangées avec nous. Je suis certain que cela a été utile pour le comité.
    J'espère que vous avez fait un bon dîner et, M. Weaver, j'espère que vous apprécierez aussi le vôtre, quel que soit l'endroit où vous le prendrez.
(1910)
    Merci beaucoup.
    Les mémoires que nous avons reçus seront traduits et distribués aux membres du comité.
    Encore une fois, merci.
    Nous allons maintenant passer à une motion.
    M. Cullen, je crois que c'est votre motion.
    Merci, monsieur le président.
    J'attendrai que tous les membres du comité soient prêts. Pas de problème, nous adopterons la motion pendant qu'ils sont occupés ailleurs.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Nathan Cullen: Le point principal concerne la réunion du 26 février. Si les membres du comité veulent bien le vérifier, nous entendons la FCM. D'après le greffier, je crois que la présence d'Équiters est presque certaine, mais nous ne parvenons pas à contacter Camco. Et le 1er mars, nous n'aurons encore une fois que deux témoins.
    Essentiellement, la motion a pour objet de ramener la réunion du 1er mars au 26 février. Comme ce soir, j'ai l'impression que nous pourrons faire d'une pierre deux coups, mais cela ira encore plus vite.
    Bien. Je vous signale simplement que pour la réunion du 1er mars, la présence de deux témoins est confirmée et celles de trois autres ne l'est pas encore...
    C'est exact.
    ... mais il est tout à fait possible que nous puissions entendre au moins un de ces deux témoins.
    Le but poursuivi est le suivant: comme nous avons demandé aux témoins de présenter leurs recommandations article par article — je ne sais pas combien les membres du comité en ont vu, mais j'en ai vu des quantités — je souhaiterais vivement passer aux amendements, plutôt que de poursuivre la discussion.
    Quelle que soit la valeur des témoignages de ce soir, je voudrais en arriver aux solutions. Je voudrais en venir aux modifications du projet de loi.
    Il faut qu'une motion soit présentée pour que nous la discutions.
    Oui, je présente la motion:
Que les témoins qui devaient comparaître le jeudi 1er mars 2007 soient entendus de 19 h 30 à 21 h 30 le lundi 26 février 2007.
    Bien.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    De prime abord, je ne suis pas contre la motion, sauf qu'il faut prendre en considération le fait que la venue de certains témoins le 26 n'a pas encore été confirmée. Est-ce bien le cas? Devons-nous comprendre qu'au moins deux témoins n'ont pas confirmé leur visite?
    Oui, c'est le cas, monsieur Bigras.
     En ce moment, Équiterre a plus ou moins confirmé sa venue. Comme je l'ai expliqué auparavant, il ne reste qu'à compléter le formulaire de confirmation.
    Nous avons de la difficulté à contacter les gens de Camco. Nous avons essayé d'obtenir une réponse, nous les avons contactés, mais ils ne nous répondent pas. Cela rend les choses un peu plus difficiles.
    En ce moment, il nous manque la confirmation d'un témoin; la comparution de l'autre témoin est plus ou moins confirmée. Il ne reste qu'à officialiser la confirmation.
    Cela voudrait donc dire que si nous adoptons la motion de M. Cullen, nous pourrions avoir plus de cinq témoins autour de la table.
    Je crois que la motion de M. Cullen entraînera la tenue de deux réunions séparées. Nous aurons une réunion de 17 h 30 à 19 h 30 pour entendre les témoins dont le nom apparaît sur la liste. Ensuite, de 19 h 30 à 21 h 30, nous entendrons les témoins relativement aux initiatives fiscales.
    D'accord.
    Je crois que c'est le sens de la motion.

[Traduction]

    Avons-nous d'autres remarques à faire à ce sujet?
    Je regarde le 27. Avons-nous sept témoins de confirmés?
    Non. La Canadian Nuclear Association ne sera pas là. J'en reparlerai lorsque nous aurons terminé.
(1915)
    Mais elle est liée à la question de...
    Eh bien, Vicki Arroyo a confirmé qu'elle peut venir le 27. C'est elle dont la mère a un problème de santé. Elle est obligée de partir à 17 h; nous serons donc peut-être contraints de demander à chaque témoin d'écourter son exposé. Nous ne leur accorderons pas dix minutes.
    La Canadian Nuclear Association ne devrait pas être là.
    Nous entendrons donc six témoins.
    C'est parce que, sa situation permettait à Mme Arroyo de venir ce jour-là. Si je me souviens bien, tout le monde reconnaissait qu'il était assez important d'entendre cette organisation.
    Quoi qu'il en soit, nous pourrons régler la question à cette réunion en abrégeant les déclarations des témoins. C'est ce que je propose.
    Allons-nous maintenant mettre la question aux voix?
    Je répète la motion:
Que les témoins qui devaient comparaître le jeudi 1er mars 2007 soient entendus de 19 h 30 à 21 h 30 le lundi 26 février 2007.
    (La motion est rejetée.)
    La motion est rejetée; nous nous en tiendrons donc au calendrier établi.
    S'il n'y a pas d'autres questions, nous vous reverrons tous demain matin.
    La séance est levée.