FAIT Rapport du Comité
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CONFLIT, DROITS DE LA PERSONNE
ET DÉMOCRATIE EN COLOMBIE :
UN PROGRAMME D'ACTION CANADIEN
En février 2002, le Sous-comité des droits de la personne et du développement international sest rendu en Colombie pour la dernière étape de son étude sur la situation complexe et tragique dans laquelle ce pays est plongé. En Colombie, des dizaines dannées dun conflit horrible se sont soldées par la mort de milliers de civils, le déplacement denviron deux millions de personnes, des violations généralisées et persistantes des droits de la personne par toutes les parties au conflit, une démocratie colombienne gravement mise à mal et une menace à la stabilité de toute la région andine à cause de la violence, de la présence de réfugiés et de la production de drogues. Le Sous-comité soumet dans le présent rapport ses recommandations sur la politique que le gouvernement du Canada devrait adopter à légard de ce pays.
Au cours des dix dernières années, le Canada a accru sensiblement son engagement à légard des Amériques, ce dont témoigne au plus haut point la tenue du troisième Sommet des Amériques à Québec, lan dernier. Le Canada a alors déclaré quil voulait être un chef de file dans les Amériques. Malheureusement, la Colombie est un pays où persistent un grand nombre des problèmes de lhémisphère. Dans les grandes lignes, la politique du Canada à légard de la Colombie est juste, mais les membres du Sous-comité estiment que, dans un certain nombre de domaines, le Canada peut et doit faire plus, tant par lentremise des institutions démocratiques en Colombie que sur la scène internationale.
Comme Jan Egeland, alors conseiller spécial du Secrétaire général de lOrganisation des Nations Unies (ONU) sur la Colombie, la déclaré au Sous-comité à lautomne 2001 :
Il y a beaucoup de concurrence avec les nombreuses autres régions agitées, mais la Colombie est aux prises avec le plus important conflit dans lhémisphère occidental. Elle constitue le plus gros problème de lhémisphère occidental au niveau des droits de la personne; elle présente le plus grave problème de déplacements de lhémisphère occidental; et elle a le plus gros problème de drogue de lhémisphère occidental.1
Au moment de la visite du Sous-comité, le gouvernement du Canada sintéressait à la protection et à la promotion des droits de la personne, certes, mais il était également mêlé de près à la facilitation des pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et le plus important groupe dinsurgés de la Colombie, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Quelques jours après le retour du Sous-comité à Ottawa, le processus de paix a été interrompu et le conflit a repris de plus belle.
La tournure des événements a dicté une modification des priorités immédiates, car il faut désormais protéger les civils colombiens, appuyer le gouvernement démocratique de Colombie et, même si le Canada et les autres pays nont pas de contact avec les guérilleros ni avec les groupes paramilitaires, uvrer pour que cessent les enlèvements et les opérations visant des civils. (De tels principes humanitaires pourraient constituer le point de départ de nouveaux pourparlers de paix.) Bien que cela soit maintenant plus difficile à cause de la reprise complète des hostilités et de lélection présidentielle prochaine en Colombie, les membres du Sous-comité restent convaincus quune solution négociée demeure en fin de compte la solution idéale.
Le Canada et dautres membres de la communauté internationale sont non seulement disposés à faciliter la recherche dune paix juste en Colombie, mais également prêts à faire tout leur possible pour aider le gouvernement colombien à renforcer son pouvoir, ses moyens daction et sa crédibilité auprès de tous les secteurs de la société. Pour renforcer la démocratie colombienne, il faudra aider davantage le système de justice et soutenir la société civile, qui, idéalement, devrait prendre part à déventuelles négociations de paix complètes.
Il sera important que la Colombie puisse compter sur linvestissement étranger et le commerce international si on veut quelle soit en mesure de sattaquer à ses graves problèmes de pauvreté et autres, et des entreprises canadiennes ont déjà consenti dimportants investissements dans divers secteurs, dont ceux des télécommunications et de lénergie. Il est crucial que tant les entreprises canadiennes actives en Colombie ainsi quExportation et développement Canada continuent dobserver les normes les plus élevées de responsabilité sociale.
Protection et promotion des droits de la personne
La situation des droits de la personne en Colombie est déplorable, notamment en ce qui concerne les défenseurs des droits de la personne, les syndicalistes et les Autochtones. Sil est vrai que le gouvernement colombien a accompli des progrès en mettant en place des structures de protection et de promotion des droits de la personne, il nen demeure pas moins que limpunité y est quasi totale. Le cas des forces armées nationales est plus difficile encore, car elles ont toujours eu un bilan peu reluisant en matière de respect des droits de la personne. Le nombre des plaintes pour atteintes aux droits portées directement contre des soldats colombiens a beaucoup diminué ces dernières années, et le gouvernement de la Colombie a adopté une politique de répression des groupes « paramilitaires » de la droite. Il faut applaudir à ces réalisations, mais il reste que les officiers colombiens de grades intermédiaires continuent souvent de fermer les yeux sur les activités des paramilitaires.
On relève un fait nouveau dimportance dans lévolution de la situation des droits de la personne en Colombie, soit louverture dun bureau des droits de lhomme de lONU. Bien que ce soit le gouvernement colombien qui ait réclamé ce bureau, ses relations avec lui nont pas toujours été faciles, et le président de la Colombie, Andres Pastrana, a dit aux membres du Sous-comité à Bogotá que le gouvernement nestimait pas être toujours traité justement dans les rapports de ce bureau.
On peut certes comprendre que le gouvernement de la Colombie juge que des organisations non gouvernementales (ONG) et dautres parties quil croit portées à critiquer ne tiennent pas compte de ses progrès réels sur le chapitre des droits de la personne, mais il doit admettre que le Canada et dautres États continueront de considérer le travail professionnel du Bureau des droits de lhomme de lONU comme une évaluation indépendante de ses progrès en la matière. Tout en prenant acte de ces progrès, le Canada et dautres pays amis du gouvernement démocratique de la Colombie continueront dexiger de lui des normes plus élevées que celles des adversaires quil combat et qui ont manifesté leur mépris pour la démocratie et les droits des civils et dinsister sur la mise en uvre intégrale des recommandations de lONU, de la Commission interaméricaine des droits de lhomme et dautres organisations. La tâche ne sera pas facile, mais la Colombie ne sera pas réduite à ses seuls moyens.
Bien que le narcotrafic ne soit pas la source de la violence politique et du conflit en Colombie, il les alimente directement et indirectement, et il contribue de façon plus générale aux problèmes de limpunité, de la corruption et de la faiblesse de la démocratie. Les États-Unis ont été au premier rang dans lassistance à la Colombie et les opérations antidrogue, et les résultats se sont améliorés notablement depuis le début de laide américaine, dans le cadre du « Plan Colombia ». Par contre, les épandages aériens et dautres politiques adoptées par le gouvernement colombien ont suscité de vives critiques en Europe et ailleurs. En dehors des mesures concrètes pour réprimer le blanchiment dargent et freiner lexportation des produits chimiques précurseurs, le Canada et dautres pays doivent prendre des mesures pour réduire la consommation de drogues sur leur territoire. Ils devraient également appuyer létude scientifique des épandages aériens et encourager une intervention internationale coordonnée sur les activités de développement de remplacement et dautres aspects du narcotrafic.
Aide humanitaire et aide au développement
Après des décennies de conflit, la Colombie fait face à de vrais défis dordre humanitaire, dont le plus important est la terrible crise des populations déplacées. En plus des besoins humanitaires, la Colombie est aux prises avec un grave problème de pauvreté et dautres difficultés. Récemment, lAgence canadienne de développement international (ACDI) a élaboré pour la Colombie des programmes qui, selon le témoignage au Sous-comité du très respecté ambassadeur du Canada en Colombie, Guillermo Rishchynski, sont plus axés sur la personne. Le Sous-comité se félicite de cette modification de lorientation de lACDI et estime quil faudrait accroître laide bilatérale et multilatérale que le Canada accorde à la Colombie.
1
Sous-comité des droits
de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires
étrangères et du
commerce international de la Chambre des communes, Témoignages, 31 octobre 2001
(en matinée), p. 2-3 (ci-après
Témoignages).
À la même séance, le Sous-comité a également rencontré lactuel conseiller
spécial par intérim, James LeMoyne.