AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 3 décembre 1998
[Français]
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.)): Aujourd'hui, le jeudi 3 décembre 1998, notre comité étudie le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations et visant sa prise d'effet.
L'ordre de renvoi, extrait des Journaux de la Chambre des communes du mardi 1er décembre 1998, est le suivant:
-
Ordonné, - Que le projet de loi C-49, Loi portant ratification de
l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des
premières nations et visant sa prise d'effet, soit
maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité
permanent des affaires autochtones et du développement
du Grand Nord.
Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, le préambule et l'article 1 sont réservés.
Je tiens d'abord à remercier nos témoins qui sont venus de l'Ouest pour exprimer leur point de vue sur le projet de loi C-49. Je leur souhaite la bienvenue.
Notre premier témoin est M. Kerry Kipping, directeur général intérimaire, Direction générale des terres et de l'environnement, Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il est accompagné de Mme Geneviève Thériault, conseillère juridique, Services fonciers, fiduciaires et ministériels, ainsi que de M. Leroy Paul, conseiller en matière politique, Politique sur la gestion des terres—planification.
Monsieur David Iftody, vous aimeriez faire appel au Règlement?
[Traduction]
M. David Iftody (Provencher, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Peut-on verser au dossier les déclarations des témoins du ministère?
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Si c'est nécessaire, je serais heureux d'appuyer cette motion.
[Français]
Le président: Vous êtes d'accord? Oui, merci.
[Traduction]
Il y a d'abord une lettre de la Snake Island Cottagers' Association, 45, rue Bowden, Toronto, Ontario, en date du 2 décembre 1998:
-
Cher Monsieur:
-
En ma qualité de président de la Snake Island Cottagers'
Association (SICA), je vous prie, au nom de nos membres, d'adopter
au plus vite le projet de loi C-49 en deuxième lecture. Comme vous
savez, ce projet de loi aura pour effet d'accorder l'autonomie
gouvernementale à quelques bandes indiennes, particulièrement les
Chippewas de Georgina, de qui nous louons des terrains à lotir pour
chalets à l'île Snake. Nos baux actuels de 25 ans prendront fin au
1er avril 1999. La SICA appuie sans réserve la bande Chippewa qui
aspire à l'autonomie politique, et est d'avis que l'adoption du
projet de loi C-49 facilitera la signature d'un nouvel accord de
location entre nos membres et la bande. Chose encore plus
importante, la souveraineté de la bande sur la vie et les terres de
ses membres sera ainsi reconnue.
-
Nous vous remercions de votre attention.
-
Mike Sanderson, président.
Nous avons ensuite une lettre de The Kirkland Partnership Inc., en date du 1er décembre 1998:
-
Cher M. St. Julien:
-
Je vous écris pour vous exprimer mon soutien au projet de loi C-49
et à la prise en charge officielle de l'administration de l'île
Snake par les Chippewas de l'île Georgina. Je crois savoir que
notre association de propriétaires de chalets vous a déjà écrit en
notre nom.
-
Outre la restitution historique que permettra le projet de loi
C-49, ce projet de loi, dans le cas de l'île Snake, mettra fin à
une période de gestion paternaliste excessive de la part du
gouvernement fédéral sur l'île. La bande a amplement démontré
qu'elle est parfaitement capable de gérer l'île Snake avec équité
et compétence, comme j'ai été à même de l'observer au cours de mes
neuf années de séjour dans l'île, et particulièrement au cours des
trois dernières années qui ont conduit au transfert officiel de
responsabilité.
-
Je vous prie de donner votre aval au projet de loi C-49 et nous
envisageons des relations de longue durée avec les Chippewas.
-
Sincèrement,
-
J. Michael Kirkland
-
Architecte et professeur d'architecture
[Français]
Monsieur Kipping.
M. Kerry Kipping (directeur général intérimaire, Direction générale des terres et de l'environnement, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur.
[Traduction]
Je tiens à remercier le comité qui nous donne aujourd'hui l'occasion de faire quelques observations sur le projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations.
Comme l'a dit le président, trois de mes collègues m'accompagnent. Il s'agit de Diana Parson, du service de la législation qui nous prêtera main—forte au cours de l'exposé que nous allons faire ce matin; Geneviève Thériault, conseillère juridique dans ce processus; et M. Leroy Paul.
Nous voulons ce matin donner au comité un très bref exposé sur les conditions générales de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Nous voulons en faire ressortir certains aspects essentiels au moyen d'un exposé sur rétroprojecteur. Mes observations seront très brèves, et je vous laisserai le plus de temps possible pour poser des questions et faire des observations par la suite. Donc, si vous le voulez bien, je vais commencer immédiatement.
• 0920
Ce projet de loi a pour objectif général d'assurer un nouveau
régime de gestion des terres aux 14 Premières nations qui ont signé
l'accord-cadre du 12 février 1996. L'accord-cadre et ce projet de
loi soustrait ces 14 Premières nations à l'application des
dispositions de la Loi sur les Indiens concernant la gestion des
terres, et en conséquence, réduit l'intervention et la gestion
quotidiennes du ministère et du ministre dans leurs affaires, et
optimise la participation de ces Premières nations à la gestion de
leurs terres et de leurs ressources.
Essentiellement, il s'agit d'une initiative de Premières nations. Ce sont elles qui ont lancé cette initiative, ce sont elles qui l'ont impulsée, et tout cela s'est fait avec leur soutien. Avec la coopération du gouvernement fédéral, nous en sommes aujourd'hui au point où nous demandons au comité qui étudie ce projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations de faciliter l'adoption de ce projet de loi et de permettre aux Premières nations de mettre en oeuvre les dispositions de la loi relatives à la gestion foncière.
Cette loi et l'accord-cadre ne constituent pas un traité et ne sont pas protégés par la Constitution. On considère qu'il s'agit d'un modèle d'autonomie gouvernementale déléguée, qui transfère l'autorité de la Loi sur les Indiens aux Premières nations en ce qui concerne la gestion des terres. En un mot, le titre foncier demeure entre les mains du gouvernement du Canada. Il n'y a pas de transfert de titre. Il n'y a pas de transfert de titres de propriété aux Premières nations en vertu de ce processus. Ces terres continuent de relever du cadre législatif canadien. De manière générale, l'accord-cadre et la loi ne s'appliqueront qu'aux terres des réserves existantes ou aux terres qui deviendront à l'avenir des terres de réserve avec l'accord des parties.
Le projet de loi lui-même, comme je l'ai dit plus tôt, a été réclamé par les 14 Premières nations. En consultation avec les Premières nations, et avec leur coopération et leur partenariat, nous nous sommes mis d'accord pour que cette loi puisse s'appliquer à d'autres Premières nations. Cela se fera après que le ministère de la Justice aura examiné le projet de loi en vue d'incorporer toutes les conditions bijuridiques que prévoit le projet de loi afin que celles-ci soient applicables en droit civil comme en common law. Après quoi le ministre demandera au Gouverneur en conseil d'adopter un décret permettant l'application de cette loi à d'autres Premières nations.
Le projet de loi lui-même fait largement état de la reddition de comptes. Ce projet de loi donnera à ces Premières nations les moyens et les compétences dont ils auront besoin pour rendre des comptes rigoureux à leurs membres. Un code foncier sera établi en vertu de ce projet de loi et de l'accord-cadre. Ce code foncier définit, entre autres choses, les comptes que les conseils des Premières nations doivent rendre à leurs membres, ainsi que le cadre dans lequel seront édictées et publiées les lois assurant la transparence des mesures prises au sein de ces collectivités. On y traite des conflits d'intérêt, et on y établit également un mécanisme de règlement des différends. Comme je l'ai dit, il s'agit de rendre des comptes rigoureux et d'assurer la transparence dans ces collectivités. Les codes fonciers eux-mêmes doivent être ratifiés par tous les membres de la collectivité ayant droit de vote, tant ceux qui vivent sur la réserve qu'en dehors de la réserve.
Je dirai aux membres du comité qui ne connaissent pas bien la Loi sur les Indiens, exception faite des revendications territoriales, que cette mesure législative et l'accord-cadre constituent une première pour les Premières nations dans la mesure où l'on permet autant aux membres habitant sur la réserve que ceux qui habitent hors-réserve de voter sur toute décision prise par le chef et le conseil. Je le répète, il s'agit-là d'un processus très ouvert et transparent.
La majorité des électeurs doivent participer à tout vote concernant le code foncier, et ces collectivités ont établi un seuil très élevé relativement au soutien qu'il faut recueillir. Elles ont fixé à 25 p. 100 la proportion de tous les membres ayant droit de vote, qui doivent approuver le code foncier. Par exemple, s'il y a 1 000 personnes dans la collectivité qui ont droit de vote, il faut qu'un minimum de 250 membres votent pour que soit approuvé le code foncier.
• 0925
Le vote lui-même sera contrôlé par un vérificateur indépendant
qui sera nommé conjointement par le ministre et les Premières
nations elles-mêmes, et qui aura la responsabilité de rendre compte
de toute irrégularité concernant ce vote au ministre et aux
Premières nations. Ce qui souligne encore là le caractère très
ouvert et transparent de l'initiative.
J'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Thériault, qui poursuivra l'exposé en français.
[Français]
Mme Geneviève Thériault (conseillère juridique, Services fonciers, Fiduciaires et ministériels, ministère de la Justice): Je constate que certains députés essaient de repérer où nous en sommes dans notre mémoire. Ce mémoire que nous vous avons remis est plus complet que notre présentation, que nous avons décidé de raccourcir afin qu'il y ait plus de temps pour la période des questions.
Les lois fédérales, provinciales et celles des premières nations vont être soumises à certains principes en vertu de ce nouveau régime: les lois fédérales, l'article 88 de la Loi sur les Indiens et les lois provinciales continueront tous à s'appliquer.
L'article 37 du projet de loi établit les règles de base relativement au projet de loi et aux autres lois fédérales. Cet article ne doit pas être lu seul, mais plutôt avec les autres articles du projet de loi qui traitent spécifiquement de la relation des lois entre elles. Par exemple, au chapitre de l'environnement, l'expropriation et l'administration des ressources sont régies par des règles spécifiques réparties un peu partout dans le projet de loi.
Quant à la responsabilité fiduciaire, la relation particulière qui existe présentement entre la Couronne et les premières nations se poursuivra, sauf que les obligations fiduciaires qui pourraient découler de cette relation diminueront puisque les premières nations administreront désormais les terres, les ressources et les fonds.
Le projet de loi décrit d'une façon spécifique la responsabilité de la Couronne et des premières nations avant et après l'adoption du code foncier.
La question du partage des biens matrimoniaux est complexe en raison du partage constitutionnel entre les juridictions du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Cette question se complique davantage par le fait que le principe des réserves veut qu'elles soient mises de côté pour l'usage et le profit des membres de la bande pour laquelle elles sont mises de côté.
La question a dû être étudiée par la Cour suprême en 1986, dans le cadre de l'arrêt Derrickson c. Derrickson. Présentement, selon les principes qui s'appliquent sur les réserves, les lois provinciales régissant le partage des biens matrimoniaux sont en vigueur, sauf en ce qui concerne le partage des intérêts reliés directement aux terres des réserves. Cependant, les cours ont trouvé le moyen d'offrir une forme de compensation lorsque les biens ne peuvent pas être divisés. Comme résultat final, les époux se retrouvent avec une division équitable des biens, mais ils n'ont pas recours à une ordonnance de la cour afin de transférer la maison familiale ou tout autre intérêt relié aux terres de réserves. Les premières nations ont l'intention d'étudier cette question des biens matrimoniaux sous ce nouveau régime. L'Accord-cadre et la loi exigent qu'on mette en place un processus communautaire en vue de développer des règles en matière du partage des biens matrimoniaux. Si les règles ne sont pas établies à l'intérieur du délai prévu par la loi, le gouvernement et les premières nations pourraient soumettre cette question à l'arbitrage. Les règles comme telles pourront être mises à l'épreuve soit devant les mécanismes alternatifs de résolution des conflits qui seront mis en place par les premières nations, soit directement devant un tribunal compétent.
Quant à la Loi sur les Indiens, le ministre des Affaires indiennes annonçait en juin l'établissement d'un processus pour étudier cette question. Des discussions avec certains organismes autochtones sont présentement en cours.
Ainsi se termine notre présentation.
Le président: Monsieur Kipping.
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Monsieur le président, voilà qui met un terme à notre très bref exposé. Nous sommes disposés à répondre aux questions qu'aurait le comité ou à vous donner toute clarification dont vous aurez besoin.
[Français]
Le président: Merci.
Avant qu'on passe à la période de questions, j'aimerais vous mentionner que vers 10 h 5, la cloche sonnera et nous serons convoqués en Chambre pour nous prononcer sur le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Le vote est prévu à 10 h 35 et nous ajournerons nos travaux à 10 h 20 précisément. Il est également possible que nous soyons convoqués en Chambre pour voter cet après-midi.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Je tiens à vous remercier de nous avoir fait cet exposé et d'avoir accepté de répondre à nos questions rapidement étant donné que nous avons très peu de temps.
Les bandes sont-elles obligées de consulter les municipalités locales, ou sera-t-il simplement dans leur intérêt supérieur de les consulter lorsqu'il s'agira de mettre au point un code foncier, particulièrement pour ce qui concerne les baux ou les entreprises conjointes? Par exemple, si l'on ouvre une route, ou quelque chose du genre, les dépenses de la réserve relativement à la construction et à l'entretien, ce genre de choses, sont-elles mentionnées dans l'accord, pour ce qui est des consultations, ou est-ce que ces détails sont arrêtés par la bande sans aucune consultation avec les municipalités environnantes?
M. Kerry Kipping: Je vous répondrai que ni le projet de loi ni l'accord-cadre ne prévoit de consultations. Cependant, les Premières nations elles-mêmes ont pris énergiquement l'initiative de consulter les municipalités environnantes—l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique, par exemple. Nous avons eu plusieurs rencontres avec les gouvernements provinciaux, tant le gouvernement canadien que les Premières nations, pour informer les provinces et les entreprises de services publics, par exemple Saskatchewan Telephone, B.C. Tel, B.C. Rail, etc., des progrès de cette initiative.
Les Premières nations ont rencontré les municipalités environnantes à titre individuel. Je peux mentionner ici l'exemple de Westbank, si on me le permet, qui a d'excellents rapports professionnels avec la municipalité avoisinante, soit le district d'Okanagan. Ce processus permettra de développer une relation d'affaires ainsi qu'une relation intergouvernementale entre les Premières nations et les municipalités ou intérêts environnants. Mais le projet de loi n'impose aucune obligation en ce sens.
Voilà une longue réponse à une petite question. Toutes mes excuses.
M. Derrek Konrad: J'ai une autre question. On a fait remarqué que le seuil était extraordinairement élevé, un pourcentage d'approbation de 25 p. 100, ce qui veut dire qu'au moins 50 p. 100 des membres ayant droit de vote doivent participer. N'est-ce pas un seuil très élevé?
M. Kerry Kipping: Je dirais que si l'on considère les taux de participation électorale, tant à l'échelle provinciale que municipale au Canada, et dans les autres élections des Premières nations, c'est en effet un seuil très élevé. De manière générale, c'est entre 25 et 30 p. 100 des membres qui votent. Si l'on compare cela au processus électoral que l'on connaît, je crois que c'est en effet un seuil très élevé.
M. Derrek Konrad: Y a-t-il une disposition qui permettrait d'élever la barre à l'avenir, quand les gens auront une plus grande habitude de l'exercice de leur droit démocratique?
M. Kerry Kipping: Les Premières nations pourront le faire, de concert avec le gouvernement du Canada, si tel est leur désir, oui. Mais il n'y a rien dans le projet de loi ou dans l'accord-cadre qui permet de faire cela en ce moment, non.
M. Derrek Konrad: Me reste-t-il du temps?
[Français]
Le président: Oui, Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Mon collègue peut-il poser une question?
[Français]
Le président: Oui.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Il représente une région du Canada où il y a des difficultés.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur Kipping, vous dites que les bandes ont eu des discussions avec les municipalités, mais ce n'est pas ce que les municipalités me disent dans ma région. D'ailleurs, elles n'étaient même pas au courant du projet de loi avant le 11 novembre dans le district de North Vancouver. En outre, je ne suis au courant que d'une seule rencontre qui a eu lieu avec l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. Celle-ci a eu lieu le 13 novembre, et la seule décision qui a été prise avait trait à la création d'un cadre de discussion qui permettra d'établir des principes de consultation. Il n'y a donc vraiment aucune mesure en place qui garantira des consultations quelconques avec les municipalités environnantes.
M. Kerry Kipping: Je suis d'accord pour dire qu'il n'y a aucune garantie. Cependant, comme vous dites, il y a eu le 13 novembre une rencontre entre l'équipe de gestion foncière des Premières nations, le gouvernement du Canada et l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. Mais je crois que nous avons rencontré l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique en quatre autres occasions. Nous avons rencontré la province de la Colombie-Britannique au moins six fois au cours de la dernière année et demie ou au cours des deux dernières années.
• 0935
Je crois qu'il y a eu des discussions... Je ne peux pas parler
au nom des Premières nations parce que je ne suis pas au courant
des discussions qu'elles ont eues, mais je sais qu'il y a en ce
moment des négociations avec l'Union des municipalités de la
Colombie-Britannique en vue d'établir un protocole ou un accord
entre les Premières nations et les municipalités qui leur permettra
de communiquer et de mettre en place un processus de consultation
plus structuré pour les activités quotidiennes.
M. Ted White: Je vois. En rétrospective, n'aurait-il pas été mieux d'inscrire dans le projet de loi une disposition exigeant des consultations quelconques ainsi que l'approbation du code foncier avant qu'une bande ne vienne s'ajouter à l'annexe?
M. Kerry Kipping: En un mot, non. Je pense qu'il appartient aux Premières nations elles-mêmes d'établir ces contacts avec les municipalités. C'est une opinion personnelle, mais je ne crois pas nécessaire de légiférer ce genre de rapports.
M. Randy White: Merci.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Finlay.
[Traduction]
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à être bref. Je ne veux pas faire le difficile, mais j'ai relevé quelque chose. La question que j'allais poser avait à voir avec le vote, en partie parce qu'on a longuement discuté du vote depuis un an et demi. Il faut que ce soit clair dans mon esprit. Mon document dit qu'une majorité d'électeurs doivent participer au vote. Donc s'il y a 400 membres dans une petite Première nation—ce n'est peut-être pas beaucoup mais disons que ce n'est qu'un exemple—alors 201 membres doivent voter. Est-ce exact?
M. Kerry Kipping: Non, il faut que ce soit la majorité des membres de la Première nation ayant droit de vote. Si vous avez 400 membres, ceux ayant droit de vote formeront un plus petit pourcentage. Il s'agit ici de personnes qui ont plus de 18 an et qui sont membres de la bande. Le projet de loi définit les droits et privilèges des électeurs.
Mme Geneviève Thériault: Je peux peut-être intervenir ici.
Ce que le projet de loi exige, ainsi que l'accord-cadre, c'est que la majorité de ceux qui votent votent en faveur. En outre, il faut qu'au moins 25 p. 100 de tous les membres ayant droit de vote l'exercent.Il y a donc deux choses à prendre en compte ici.
M. John Finlay: Il y a des électeurs qui votent mais qui n'en ont pas le droit. C'est ce que vous êtes en train de me dire.
Mme Geneviève Thériault: Non.
M. John Finlay: Une majorité d'électeurs doit participer au vote.
M. Kerry Kipping: C'est exact.
M. John Finlay: S'il y a 400 électeurs admissibles, alors 201 doivent voter.
M. Kerry Kipping: C'est exact.
M. John Finlay: Mais vous dites que 25 p. 100 des électeurs doivent approuver le code foncier. Donc 25 p. 100, ça ferait 100.
M. Kerry Kipping: C'est exact.
M. John Finlay: Mais 201 doivent voter.
M. Kerry Kipping: C'est exact.
M. John Finlay: Donc 25 p. 100 des membres ayant droit de vote plus un doivent approuver le code foncier.
M. Kerry Kipping: Oui.
M. John Finlay: Pardonnez-moi, mais vous savez...
M. Kerry Kipping: Je comprends.
M. John Finlay: Parfois, il ne s'agit pas ici de milliers et de milliers de personnes qui votent.
M. Kerry Kipping: Non, ce n'est pas le cas. Il s'agit de très petits...
M. John Finlay: Nous devons donc bien comprendre ce que nous avons fait. Nous avons déjà commis une erreur, à mon avis, dans une autre loi où il était question de vote. Donc je veux que ce soit très clair.
J'ai donc raison de dire que s'il y a 400 membres ayant droit de vote, 201 doivent voter, et 101 doivent voter en faveur.
M. Kerry Kipping: Ce que nous disons, monsieur, c'est un minimum de 25 p. 100 de tous les membres ayant droit de vote doivent approuver le code foncier. Mais ce pourrait être plus que 25 p. 100, mais il faut que ce soit au minimum 25 p. 100. Ce ne peut être que moins que cela pour faire approuver le code foncier.
M. John Finlay: Je suis parfaitement d'accord, mais si seulement 200 personnes votent, ça ne vous donne pas une majorité. En conséquence, il faut que ce soit 25 p. 100 si 100 personnes votent pour et 100 votent contre. Donc comment répartissez-vous ça?
M. Kerry Kipping: Il est dit qu'il faut que ce soit une majorité des électeurs. J'imagine que cela veut dire que plus de 25 p. 100 doivent voter pour briser l'égalité.
M. John Finlay: Je suis d'accord.
M. Kerry Kipping: Oui.
[Français]
Le président: Merci.
Avant de céder la parole à M. Bachand, j'aimerais que vous m'indiquiez combien il y a de résidants et de non-résidants.
Mme Geneviève Thériault: Pour chacune des 14 premières nations?
Le président: Un total ou un pourcentage approximatif.
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Je n'ai pas ces chiffres en main. Nous pourrons vous les obtenir plus tard dans la journée, mais je pense que les Premières nations elles-mêmes seront mieux en mesure de répondre à cette question pour ce qui est de leurs membres qui vivent sur la réserve et hors de la réserve.
[Français]
Le président: Merci. Votre ministère pourra nous fournir ces chiffres plus tard.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): J'ai cru comprendre que les membres qui vivent dans les réserves et ceux qui vivent hors réserve auront tous le droit de voter.
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Le projet de loi et l'accord-cadre stipulent que les membres habitant sur la réserve et ceux habitant hors de la réserve ont le droit de vote.
[Français]
M. Claude Bachand: D'accord. Ma prochaine question porte sur les pouvoirs qui sont dévolus aux premières nations à titre de propriété. Ai-je raison de dire que la pêche, les oiseaux migrateurs, le pétrole et le gaz, l'uranium et les minéraux radioactifs ne sont pas inclus dans les titres de propriété?
Mme Geneviève Thériault: Oui.
M. Claude Bachand: Pourquoi en ont-ils été exclus?
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Oui, ils ont été exclus.
[Français]
M. Claude Bachand: Pourquoi?
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Dans le cas du projet de loi, il ne s'agit que de la gestion foncière. Il ne traite pas des eaux. Dans le cas de l'uranium, nous avons indiqué que la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique doit primer s'il s'agit de substances nucléaires, y compris l'uranium.
Pour ce qui est des oiseaux migrateurs, nous avons exclu cette question. Il s'agit ici d'une convention internationale. Nous n'allons pas prendre part à ce processus.
[Français]
M. Claude Bachand: Je puis comprendre que l'on ait exclu les oiseaux migrateurs et les espèces en voie d'extinction. Mais si une première nation de la Colombie-Britannique ou de l'Alberta creuse le sol et y découvre un gisement de pétrole, est-ce que ce pétrole lui appartiendra?
Mme Geneviève Thériault: Cela continuera d'être régi par la Loi sur le pétrole et gaz des terres indiennes.
M. Claude Bachand: Si je possède une terre, que je creuse dans mon jardin et que j'y découvre un gisement de pétrole, est-ce que ce gisement m'appartiendra?
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Le projet de loi stipule que la Loi sur le pétrole et le gaz continuera de s'appliquer aux Premières nations. Ce projet de loi ne fait pas mention des droits pétroliers et gaziers. Il y a quelques raisons qui expliquent cela. La première tient à la responsabilité fiduciaire pour la gestion des redevances pétrolière et gazière. Cette question a été exclue jusqu'au moment où nous pourrons décider comment il y a moyen de mieux gérer cela ou comment on pourra l'intégrer dans le régime des Premières nations. Dans l'autre cas, les Premières nations elles-mêmes se sont entendues pour exclure les droits pétrolier et gazier à cause de la complexité de la question elle-même.
[Français]
M. Claude Bachand: Dans le document Accord-cadre sur le régime de gestion des terres des Premières nations, questions et réponses, vous dites que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique aux terres et aux lois de la première nation. Cela m'apparaît bizarre parce que Mme Michelle Falardeau-Ramsay, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, semblait dire qu'aux termes de l'article 67 de la Loi canadienne des droits de la personne, les dispositions de la Charte ne s'appliquent pas aux réserves autochtones. C'est d'ailleurs une des revendications que font les femmes autochtones depuis longtemps. Dans votre document, vous affirmez que les terres des réserves appartiennent toujours au gouvernement fédéral, bien qu'il en ait dévolu la gestion. Pourquoi affirmez-vous, contrairement aux dispositions de l'article 67 de la Loi canadienne des droits de la personne, que la Charte doit s'appliquer sur les terres des réserves?
Mme Geneviève Thériault: Parlez-vous de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la Loi canadienne?
M. Claude Bachand: De la Loi canadienne, dont a découlé la Charte canadienne des droits et libertés, je crois.
Mme Geneviève Thériault: Il est officiel que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique.
M. Claude Bachand: Vous dites que la Charte s'applique sur les réserves?
Mme Geneviève Thériault: Oui, elle s'applique partout au Canada; c'est la Loi suprême du Canada.
M. Claude Bachand: Très bien. Merci.
Le président: Merci, monsieur Bachand.
Madame Hardy.
[Traduction]
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): La question du vote m'intrigue. Chaque fois que je vote, il me semble que ce sont les électeurs qui déterminent la décision qui sera prise, pour autant que je sache. Si vous allez voter, vous exercez votre droit de vote, et peu importe le résultat... Nous imposons donc une norme plus élevée aux Premières nations en exigeant qu'un certain nombre de personnes exercent leur droit de vote?
M. Kerry Kipping: Cette norme a été établie par les Premières nations elles-mêmes en accord avec le gouvernement du Canada. Elles tenaient à cette mesure. En conséquence du déplacement important au niveau de la responsabilité et de l'autorité, elles étaient d'avis qu'il leur fallait recueillir le pourcentage de soutien le plus élevé qu'elles pouvaient obtenir. Ce sont elles qui ont établi cette norme; cette norme n'a pas été imposée par le gouvernement du Canada.
Mme Louise Hardy: Merci.
[Français]
Le président: Avez-vous d'autres questions?
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Merci. J'ai une autre question.
Dans votre allocution liminaire, vous avez parlé d'une enquête sur le partage des biens matrimoniaux en cas de dissolution d'un mariage. Est-ce qu'à votre avis cette enquête conduira à l'adoption d'une loi, ou va-t-on simplement réunir des faits qu'il était inutile de réunir, ou espère-t-on qu'une loi résultera de cette enquête?
M. Kerry Kipping: Je ne suis pas en mesure de vous dire quel sera le résultat de cette enquête. Cependant, elle vise à présenter au ministre, au gouvernement, et aux Premières nations elles-mêmes une série d'options qui leur permettront d'agir ensuite. Pour le moment, je n'ai pas la moindre idée du résultat final.
M. Derrek Konrad: Que pensez-vous du morcellement des droits qui en résultera si chaque nation établit son propre code foncier, et ainsi quand une femme épousera un homme de la réserve, elle devra ouvrir l'onglet 12 du relieur au bureau de la bande pour savoir quels sont ses droits lorsqu'elle s'installera sur la réserve, par opposition à une norme nationale qui sera connue et à laquelle toutes les Premières nations pourront adhérer?
M. Kerry Kipping: Je vous dirai tout de suite que les Premières nations s'emploient à établir de concert un cadre de fonctionnement. Chaque collectivité pourrait présenter des différences fondées sur la culture, la tradition ou leur emplacement au Canada. Mais j'ai confiance que les collectivités sauront arrêter des règles et des procédures qui constitueront une norme minimale pour toutes les Premières nations et pour tout le Canada, mais ce n'est pas moi qui vais vous dire que cette norme minimale sera élevée. Je n'hésite nullement à dire que le processus que les collectivités arrêteront sera respectueux d'une norme.
M. Derrek Konrad: Les 14 nations signataires trouveront de toute évidence ici une certaine base de fonctionnement. Quelle est cette base?
M. Kerry Kipping: Encore là, dans le projet de loi et dans l'accord-cadre, nous nous sommes entendus pour laisser aux collectivités le soin de décider entre elles comment cela fonctionnera. Ces règles et procédures seront approuvées par les collectivités elles-mêmes. Ce sont elles qui vont établir les normes et les processus.
Je ne peux pas vous dire à ce moment-ci en quoi consisteront ces normes, mais encore là, comme ma collègue l'a dit plus tôt, si ces règles ou procédures causent des différends, il y a une disposition d'arbitrage dans le projet de loi qui permettra au ministre et aux Premières nations de résoudre ce différend.
M. Derrek Konrad: Merci.
Le président: Merci, monsieur Konrad.
Madame Longfield.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je veux seulement revenir à cette question de la division des biens matrimoniaux. La Loi sur les Indiens est muette à ce sujet en ce moment. Comment la détermine-t-on dans les diverses régions en ce moment?
Mme Geneviève Thériault: Les tribunaux accordent des dédommagements lorsqu'ils ne peuvent pas partager les biens qui sont liés à la réserve. Donc, au bout du compte, les biens sont partagés entre les deux conjoints.
Mme Judi Longfield: Dans quelle mesure cela changera-t-il en conséquence de l'accord que nous étudions? Est-ce que les femmes sur les réserves seront mieux en mesure de faire valoir leurs intérêts, ou leur sera-t-il plus difficile de le faire?
M. Kerry Kipping: Nous pensons qu'en vertu de ce processus, les femmes des Premières nations auront de bien meilleures chances qu'avant, d'obtenir un partage égal des biens, comparativement aux dispositions qu'on retrouve en ce moment dans la Loi sur les Indiens, où il y a un vide juridique à ce moment-ci, comme vous dites.
Mme Judi Longfield: M. Finlay a posé une question du nombre d'électeurs. À ce sujet, établissez-vous une division entre hommes et femmes, et selon l'âge? Je pense que je me sentirais plus à l'aise si j'avais la certitude qu'il ne s'agissait pas d'une majorité écrasante d'hommes et d'un petit nombre de femmes.
• 0950
Je crois savoir que les femmes sont en grand nombre sur les
réserves, et ce serait sûrement elles qui détiendraient la balance
du pouvoir ici. Et si vous pouviez obtenir ces chiffres, ce serait
très utile.
M. Kerry Kipping: Nous serons heureux de vous les communiquer.
Mme Judi Longfield: Merci.
[Français]
Le président: Merci, madame Longfield.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Il existe un vide juridique au niveau du partage des biens matrimoniaux. En juin 1998, la ministre avait annoncé qu'elle mettrait sur pied un comité en vue de mener une enquête indépendante. Selon les dernières nouvelles, il semble qu'on n'avance pas beaucoup de ce côté-là. Vous avez d'ailleurs effleuré cette question lors de votre présentation et dit que le processus était toujours en cours.
Pourriez-vous nous dire à quel stade en est rendu ce processus? Craignez-vous qu'à la fin du processus entamé par la ministre, ce comité en vienne à des conclusions qui divergent des dispositions qu'entendent inscrire les 14 premières nations dans leur code foncier afin de combler cette lacune de la loi actuelle?
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Je crois qu'il y a en ce moment des discussions entre l'Assemblée des Premières nations, le Congrès des peuples autochtones et la Native Women's Association of Canada en vue de définir le mandat, de désigner un enquêteur et d'impulser le processus.
Encore là, je ne suis pas en mesure de vous dire quel sera le résultat de cette enquête, donc si je puis dire, il est un peu prématuré pour savoir exactement quelles différences il y aura entre les conclusions de l'enquête et les futures règles des Premières nations. Je pense qu'il faudra y voir une fois le processus complété.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bachand. Avez-vous une autre question?
M. Claude Bachand: On sait que la B.C. Native Women's Society a intenté des poursuites et soutient que le gouvernement fédéral n'a pas respecté ses obligations fiduciaires. Quelle est la position que défendent les procureurs du gouvernement dans cette cause?
Mme Geneviève Thériault: Puisque cette cause est actuellement devant les tribunaux, nous sommes mal placés pour discuter de ce litige.
M. Claude Bachand: Est-ce qu'il s'agit d'un procès public? Est-ce que les gens qui y assistent peuvent connaître exactement la position que défendent les procureurs?
Mme Geneviève Thériault: Des documents ont été déposés devant la cour.
M. Claude Bachand: Est-ce que les documents sont publics?
Mme Geneviève Thériault: Oui.
M. Claude Bachand: Mais est-ce que vous ne les avez pas lus? S'ils sont publics et que vous les avez lus, vous devriez nous le dire.
Mme Geneviève Thériault: La Couronne maintient que le gouvernement n'a aucunement manqué à ses obligations fiduciaires.
M. Claude Bachand: Merci.
Le président: D'autres questions?
Monsieur Kipping, est-ce que vos fonctionnaires seront à la disposition de nos témoins, les chefs de différentes premières nations et les femmes qui représentent leurs associations, ainsi que des députés durant toute la journée?
[Traduction]
M. Kerry Kipping: Oui, je serai à votre disposition.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à la deuxième partie de notre séance. Nous entendrons M. Robert Louie, président de la Commission intérimaire de la gestion foncière. Nous entendrons par la suite le chef Austin Bear, le chef William McCue, le chef Margaret Penasse-Mayer et Debra Campbell, membre de la Première nation de Musqueam.
Le président: Monsieur Louie, est-ce que vous avez une déclaration d'ouverture?
[Traduction]
M. Robert Louie (président, Commission intérimaire de la gestion foncière): Oui, monsieur le président.
Le président: Merci. Nous vous écoutons.
M. Robert Louie: Premièrement, je désire vous souhaiter, monsieur le président, et...
M. David Iftody: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Je demande également à ce que la déclaration de M. Louie et les documents qui l'accompagnent soient versés au compte rendu s'il vous plaît.
[Français]
Le président: Vous êtes tous d'accord? Merci. Monsieur Louie.
[Traduction]
M. David Iftody: Merci.
M. Robert Louie: Merci, monsieur le président. Et bonjour aux membres du comité.
Je désire d'abord vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir et d'écouter notre exposé. Chose certaine, il a fallu beaucoup de temps pour venir ici, il a fallu travailler d'arrache-pied et il a fallu énormément de dévouement de la part des 14 Premières nations et de toutes nos collectivités. Étant donné que nous avons peu de temps, je tâcherai d'être aussi bref que possible.
J'aimerais cependant pendant quelques instants pour vous présenter, si vous le permettez, les chefs, conseillers, gestionnaires fonciers et gestionnaires fonciers adjoints ainsi que des membres de notre équipe technique qui nous accompagnent. Si l'on me donne quelques instants pour ce faire, j'aimerais vous présenter, de la Première nation Muskoday, le chef Austin Bear et la conseillère Ava Bear, de la Première nation de l'Île Georgina, le chef William McCue, le gestionnaire financier, Pat Big Canoe, et le gestionnaire foncier Sylvia McCue. De la Première nation Nipissing , je vous présente le chef Margaret Penassee-Mayer et le gestionnaire foncier Joan McCloud. De la Première nation Squamish, j'aimerais vous présenter le chef Bill Williams, le gestionnaire foncier Ruth Nahanee, le conseiller Harold Calla, et le fils de Harold, Jason Calla. De la Première nation Siksika, le chef Darlene Yellow Old Woman-Munro, accompagné du gestionnaire financier Jack Royal. De la Première nation N'Quatqua, le chef Harry O'Donaghey. De la Première nation St-Mary's, le chef Arthur Bear et le conseiller Steve Meuse. De la Première nation de l'Île Scugog, le chef Rennie Goose. De la Première nation Cowessess, le conseiller Dave Redwoood et William Tanner. De la Première nation Musqueam, Debra Campbell, membre. De la Première nation crie Opaskwayak, le gestionnaire foncier Judy Head. Et les conseillers juridiques Patrick Orr et Bill Henderson, qui nous accompagnent, feront des exposés et nous aideront à répondre à vos questions. Le chef Barry Seymour de la Première nation Lheidli T'enneh est absent aujourd'hui. Il n'est pas des nôtres aujourd'hui.
Voici comment nous vous proposons de procéder, monsieur le président. D'abord, je vous expliquerai brièvement l'importance que revêt ce projet de loi pour nous. J'aimerais également passer brièvement en revue la table des matières de la trousse bleue, ou la trousse d'information qui vous a été remise. De là nous aimerions passer aux exposés de nos chefs, à commencer par le chef Austin Bear et la conseillère Ava Bear de la Première nation Muskoday. Ils vous diront quelques mots sur le vote de leur Première nation et sur les possibilités de développement économique qu'on y trouve. Ils vous remettront une pétition des femmes de Muskoday, et ils vous donneront aussi des exemples de reddition de comptes que l'on trouve dans leur code foncier.
• 1000
Ensuite suivra le chef Bill McCue, des Chipewas de l'Île
Georgina, qui est accompagné de Pat Big Canoe et de Sylvia McCue.
Ils vous parleront brièvement du vote de l'Île Georgina et du
développement économique qui s'y produit. Ils vous parleront des
baux de l'Île Snake et des revenues que l'on en tire, et ils vous
remettront aussi une pétition des femmes de la collectivité de
l'Île Georgina.
On entendra ensuite le chef Margaret Penasse-Mayer, de la Première nation Nipissing. Joan MacLeod l'accompagne. Elles parleront brièvement du développement économique qui se fait dans leur collectivité et des intérêts des tierces parties et de leurs chalets, après quoi elles vous parleront de leurs préoccupations.
Debra Campbell représente aujourd'hui la Première nation Musqueam. Elle parlera des questions matrimoniales et vous remettra la déclaration solennelle de Rosie Derrickson. Rosie Derrickson a porté en Cour suprême du Canada la cause qui a ouvert toute la question du vide juridique relativement aux biens matrimoniaux sur les terres des réserves. Mme Campbell sera accompagnée de M. Patrick Orr, qui parlera de la question des biens matrimoniaux. Nous croyons savoir que c'est une question importante, et nous voulons en faire état intégralement.
Ensuite, monsieur le président, nous prendrons le reste du temps pour répondre aux questions que vous aurez ce matin. Voilà comment nous vous proposons de procéder. Je peux peut-être commencer tout de suite alors.
Premièrement, je parlerai de l'importance de la loi sur la gestion des terres des Premières nations, de l'accord-cadre, et de tout ce processus pour les collectivités de notre Première nation. Dans la trousse d'information qui vous a été remise, je crois que vous trouverez une copie de ma lettre du 27 novembre à M. St-Julien. Je ne répéterai pas le contenu de cette lettre, mais celle-ci fait état des questions auxquelles il faut donner réponse aujourd'hui. Ce que je vais faire, c'est attirer votre attention sur des questions très simples et absolument essentielles: pourquoi nous sommes ici, et ce qui impulse ce processus. Il est absolument essentiel de comprendre ces principes de base.
Tout d'abord, les Premières nations veulent obtenir le contrôle de leurs terres et de leurs ressources. C'est de cela qu'il est question. Nous voulons gérer nos terres et nos ressources. Nous voulons qu'il soit clairement reconnu que c'est un droit établi, que nous avons la responsabilité de prendre les décisions et que nous l'acceptons sans réserve.
Nous voulons aussi mettre fin aux attitudes paternalistes et archaïques que représente la Loi sur les Indiens. Nous voulons mettre fin à l'administration gouvernementale de nos terres et de nos ressources qui est prévue dans la Loi sur les Indiens. Il faut y mettre fin.
Nous voulons aussi qu'une chose capitale soit clairement comprise. Il s'agit d'un processus décisionnel communautaire des Premières nations et nous voulons faire participer tous les membres des communautés des Premières nations, résidant tant sur la réserve qu'à l'extérieur des réserves.
Monsieur le président, il s'agit là de principes fondamentaux. Nous voulons que ces principes soient très bien compris pour qu'on sache ce que nous voulons. Nous estimons que ce que nous proposons et que nous défendons ici est tout à fait conforme aux principes présentés par la Commission royale sur les peuples autochtones au sujet de l'autonomie politique et de l'autosuffisance économique. Nous pensons que c'est aussi conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et à l'exercice de l'autonomie gouvernementale—je sais que cette question a été soulevée ce matin par des membres du groupe.
Il est question d'un élément sectoriel de l'autonomie politique. C'est une base, un fondement. La gestion des terres et des ressources est essentielle à cette hiérarchie. C'est une première étape pour que les Premières nations s'acheminent vers l'autonomie politique. Ces 14 Premières nations sont des pionnières. Cette initiative ne date pas d'hier. Il a fallu de très nombreuses années de travail acharné, de dévouement, de consultations des communautés, des tiers, et des gouvernements locaux et provinciaux. Tout cela en faisait partie.
Je dois vous dire que ces 14 Premières nations n'attendront pas que le gouvernement ou quelqu'un d'autre leur donne enfin quelque chose. Ils ont décidé de prendre l'initiative et dire que c'est de telle façon qu'ils veulent s'occuper d'un aspect très fondamental de la gestion de leurs terres et de leurs ressources. Ils le font eux-mêmes, au cas par cas, avec la participation de toute la communauté. C'est ainsi que fonctionne le processus.
• 1005
D'autres Premières nations sont favorables à ce processus.
D'ailleurs, nous avons reçu des bandes vidéo et des lettres d'appui
de groupes qui ont manifesté l'intérêt de se joindre au processus
ou qui veulent simplement nous donner leur appui. Nous en avons
reçu de Peter Ballantyne, de la nation crie de la Saskatchewan, par
exemple, et de la bande indienne Burrard, aussi connue sous le nom
de nation Tsleil-Waututh, de Colombie-Britannique. Nous avons aussi
des résolutions des conseils de bande de la Première nation de
Songhees, de la bande de Beecher Bay et de la Première nation de
Malahat, toutes de la Colombie-Britannique. Nous avons récemment
reçu une résolution du conseil tribal de Saskatoon, représentant
les sept bandes qui appuient le processus et qui souhaitent y
participer. Monsieur le président et membres du comité, il y a
encore quelques autres Premières nations partout au pays qui ont
manifesté leur appui.
Si vous me le permettez, je vais maintenant vous présenter rapidement la table des matières des documents qui vous ont été présentés. Nous estimons avoir répondu aux questions de notre mieux et nous sommes prêts à faire de notre mieux ici aujourd'hui, pour y répondre encore.
Tout d'abord, à l'onglet 1, vous trouverez l'accord-cadre, le tableau et le résumé de l'accord-cadre. Nous nous sommes efforcés de présenter un résumé et un tableau aussi complets et précis que possible.
À l'onglet 2, un document sur le projet de loi C-49. On y trouve un résumé que nous avons préparé au sujet du projet de loi C-49. Il s'ajoute à ce que vous ont déjà donné les fonctionnaires du ministère et à ce que vous retrouvez dans leur cartable.
À l'onglet 3, on trouve les questions et réponses. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette préparation et nous avons entendu quantité de mémoires des membres de notre communauté, des groupes d'intérêt représentant des tiers, d'institutions financières, du gouvernement et d'autres. Nous avons préparé cette liste de questions et réponses en espérant qu'elle contribuera à la compréhension de tout cela.
A l'onglet 4, vous trouverez le code foncier de Muskoday. Nous en avons préparé un résumé. Nous présentons aussi le code lui-même, afin de vous donner un exemple de ce que pourrait être un code foncier pour les Premières nations, dans le cadre de ce processus. La Première nation de Muskoday est l'une des trois communautés à avoir adopté ce code foncier avec un appui massif. Le chef Austin Bear et la conseillère Ava Bear vous en parleront plus en détail.
Le document de ratification de Muskoday se trouve à l'onglet 5. Voilà ce que doit faire une communauté pour ratifier son code foncier. C'est très complet. Le chef Austin Bear et la conseillère Ava Bear vous en reparleront aussi.
À l'onglet 6, on trouve l'accord de cession de Muskoday. Cela vous donnera une idée de quoi peut avoir l'air ce genre d'accord pour les Premières nations, dans ce cas-ci, la nation de Muskoday. Cet accord a déjà été adopté par les Muskodays.
À l'onglet 7, on parle d'autonomie gouvernementale: ce que c'est, comment nous la définissons, comment nous envisageons l'autonomie gouvernementale, ses principes fondamentaux et la relation avec le projet de loi C-49.
On parle à l'onglet 8 de propriété matrimoniale. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un document assez complet. Nous avons traité du sujet avec le plus de détails possible. Nous avons parlé des normes et de leur protection. Si vous voulez recourir à la notion de normes minimales, nous y décrivons des normes minimales et leur intégration à notre exposé, au projet de loi C-49 et à l'accord-cadre. Nous avons beaucoup travaillé à la rédaction d'un document de discussion sur les options. Nos communautés y ont passé beaucoup de temps et nous voulons en traiter en détail.
À l'onglet 9, nous parlons de responsabilité. C'est une question très importante. Nous reconnaissons que nous acceptons pleinement notre responsabilité et nous voulons que ce soit très complet, dans l'examen. Le chef Austin Bear va aussi parler de ce sujet.
L'onglet 10 porte sur la fiscalité. Nous voulons qu'il soit très clair pour les membres du comité qu'il ne s'agit pas d'une imposition que cela ne touche en rien le régime fiscal prévu dans la Loi sur les Indiens. Nous avons décidé de traiter de la fiscalité séparément de ce dont nous parlons ici.
L'onglet 11 porte sur l'environnement. L'environnement est une question très importante. Il y a un vide actuellement à ce sujet et nous décrivons dans ce document comment nous proposons de combler cette lacune, dans le projet de loi et dans l'accord-cadre.
• 1010
Passons à l'onglet 12. Ce matin, on a soulevé la question des
consultations municipales. Justement, nous avons fait beaucoup de
consultations à ce niveau. Nous proposons un processus que nous
croyons pouvoir proposer comme modèle et nous voulons cette
référence, à l'onglet 12.
À l'onglet 13, nous parlons de développement économique sur les réserves. On y traite de questions financières, de financement des aménagements sur les réserves, de promotion de l'expansion économique et de la façon dont elle se produira, en relation avec le projet de loi C-49 et avec l'accord-cadre.
L'onglet 14 porte sur la Constitution. Nous présentons un tableau. Nous avons comparé cette loi à d'autres lois fédérales et nous expliquons en détail le fait qu'il n'y aura pas de changements à la Constitution. Il ne s'agit pas d'un amendement constitutionnel. Nous respectons le cadre constitutionnel actuel.
Et enfin, messieurs et mesdames du comité, l'onglet 15 porte sur les droits des tiers avec des exemples précis dont nous voulons vous parler aujourd'hui.
Sans plus tarder, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, j'aimerais, si vous le permettez, donner la parole à nos chefs. Je donnerai d'abord la parole au chef Austin Bear et à la conseillère Ava Bear.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Robert Louie. Je tiens à vous féliciter, vous et votre équipe, d'avoir déposé un mémoire si bien préparé. C'est un des documents les plus étoffés qu'on ait vus à ce jour.
M. Robert Louie: Merci.
[Traduction]
Le président: Chef, vous avez une déclaration.
Le chef Austin Bear (Première nation de Muskoday): Nos salutations aux membres respectés de ce comité et à son président, M. St-Julien. Bonjour aussi à mes chefs et collègues ainsi qu'aux témoins ici présents.
Comme on l'a déjà dit, je m'appelle Austin Bear. Je suis le chef de la Première nation de Muskoday, de la province de la Saskatchewan. Je suis accompagné par un membre du conseil, qui est évidemment aussi membre de la Première nation de Muskoday.
Comme on l'a déjà dit, nous avons parcouru beaucoup de chemin. Il a fallu de nombreuses années de travail de la part de personnes engagées et dévouées, qui ont la plupart du temps collaboré de concert et dans l'harmonie, pour arriver où nous en sommes. Nous apprécions vraiment cette occasion de nous adresser au comité. Nous vous présentons les salutations du peuple Muskoday.
Je vais vous décrire brièvement la Première nation de Muskoday. Je le répète, nous sommes situés dans la province de la Saskatchewan. Nous sommes signataires du Traité No. 6 pour la région de la Saskatchewan. Notre communauté se trouve à environ 13 kilomètres au sud-est de la ville de Prince Albert. La Route 3, une importante route provinciale, traverse notre localité. Nous sommes aussi répartis de chaque côté de la belle rivière Saskatchewan Sud, qui en plus de sa beauté, nous donne la possibilité de loisirs et répond à d'autres besoins essentiels de notre communauté. Enfin, notre Première nation compte 1 214 membres, dont 450 qui vivent dans notre communauté ou sur la réserve.
Au sujet de la gestion des terres, c'est en 1978 que la Première nation de Muskoday a reçu des pouvoirs délégués en vertu de l'article 60 de la Loi sur les Indiens et qu'elle gère ses terres, dans la mesure où on peut le faire dans le cadre des pouvoirs délégués. Cela ne nous a toutefois pas été donné. Ce processus a été presqu'aussi long que celui-ci, et a abouti après de nombreuses demandes remontant au début des années 60, en fait, en 1963. Il a fallu bien des années, soit de 1963 à 1978, pour obtenir les pouvoirs délégués en vertu d'une disposition de la Loi sur les Indiens.
• 1015
Notre communauté a eu de nombreuses réunions, tant avec les
membres vivant sur la réserve qu'avec ceux qui vivent à
l'extérieur, avant le vote de ratification de la Première nation de
Muskoday sur l'accord-cadre et sur l'accord particulier avec le
Canada, qui ont mené au vote de ratification.
Nous avons eu une bonne réunion des membres vivant dans la ville de Saskatoon et dans celle de Prince Albert, puis une autre bonne réunion avec les membres vivant près de Le Pas, au Manitoba. Nous avons eu de nombreuses réunions avec les membres de notre Première nation vivant à l'extérieur de la réserve, à Saskatoon. Je dirais qu'il y en a eu au moins quatre et il y a eu une bonne participation de nos membres et où nous avons donné des explications et fourni de l'information sur l'accord-cadre et sur l'élaboration de notre code foncier. Nos membres ont eu l'occasion de faire des propositions et de formuler des commentaires sur le contenu du code. Ensuite, à l'intention de ceux qu'on ne pouvait rencontrer en réunion, nous avons mis sur pied un bureau de six personnes pour nous assurer que l'information serait transmise à nos membres qui vivraient, par exemple, à Vancouver, à Montréal, ou ailleurs au Canada. Ils ont aussi eu la possibilité de se renseigner.
Il y a eu dialogue. De l'information a été échangée pendant ce processus précédant le vote. Le vote a eu lieu le 21 janvier 1998; nous demandions à nos membres s'ils voulaient ou non adopter le code foncier et l'accord-cadre. Sur le nombre total d'électeurs inscrits et admissibles, soit environ 750, à la fois sur la réserve et à l'extérieur—j'ai les chiffres exacts mais je ne vais pas m'attarder à cela—349 se sont prononcés. Il ne s'agit pas du nombre d'inscrits mais du nombre de ceux qui ont voté. Sur les 349 personnes qui ont voté, 309 se sont prononcés pour et 40, contre. Pour ce qui est de la participation au vote, nous avons pu établir qu'il y avait 54 p. 100 de femmes et 46 p. 100 d'hommes.
Sous le régime paternaliste, restrictif et limité de la Loi sur les Indiens, comme bien des Premières nations du pays, nous avons laissé passer des occasions économiques, des occasions d'emplois et des possibilités pour notre peuple. Dans notre pays où abondent les richesses, je crois que chaque personne a le droit de se trouver un emploi et d'élever une famille, en sécurité.
À cause des limites dont j'ai parlé et à cause de la Loi sur les Indiens, notre Première nation de Muskoday a raté d'importantes occasions d'essor économique pour notre communauté—et peut-être pour n'importe quelle communauté. En fait, il s'agissait d'un fabricant d'instruments aratoires des États-Unis qui voulait s'installer dans notre communauté, ouvrir une usine dans le cadre d'une coentreprise en pro-participation avec nous. Lorsque nous avons décrit la procédure à suivre, les approbations à obtenir du ministère des Affaires indiennes, il nous a répondu qu'il n'avait pas de temps à perdre en paperasserie bureaucratique et que s'il déménageait, il fallait que cela se tasse rapidement. Malheureusement, nous ne pouvions répondre à ses attentes.
• 1020
Notre communauté a ainsi perdu 30 emplois à plein temps, et
d'autres emplois indirects. À l'époque, et même aujourd'hui, si 30
de nos familles avaient pu profiter d'un emploi sérieux rapportant
un bon revenu, cela aurait presque éliminer le besoin d'aide
sociale de notre communauté, sauf pour ceux qui en ont absolument
besoin, les handicapés, peut-être, ou ceux qui sont plus démunis
que les autres qui ont plus de chance.
Nous avons aussi des projets d'avenir, cherchant de nouvelles occasions pour notre nation. Nous participons actuellement à un projet de développement touristique important, avec d'autres partenaires. Nous ne voulons certes pas rater cette occasion à cause de la Loi sur les Indiens, à cause de ses limites et restrictions qui nous empêcheraient encore une fois d'avancer.
Je vais m'arrêter maintenant pour l'instant et donner la parole, si vous le permettez, monsieur le président, à la conseillère Ava Bear, qui vous parlera d'une question très controversée au sujet de ce projet de loi et de l'accord-cadre. Il s'agit plus particulièrement des droits des femmes.
[Français]
Le président: Merci, chef.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: J'aimerais dire quelque chose, si vous le permettez.
Le président: Vous avez deux minutes.
Une voix: Merci beaucoup.
[Français]
Le président: Non, pas tout de suite. J'accorde d'abord la parole à M. Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Nous pourrions l'écouter après, afin d'entendre tout son exposé, plutôt que de l'interrompre.
Le chef Austin Bear: Vous êtes le président et nous ferons bien sûr comme vous...
[Français]
Le président: Allez-y. On ne nous a pas encore appelés pour aller voter.
M. Claude Bachand: Monsieur le président, je crois que nous devrions accorder à madame un petit peu plus que deux minutes parce que le sujet qu'elle soulève est important et touche directement les dispositions du projet de loi.
Le président: Oui, je m'excuse. Nous vous laisserons plus de deux minutes.
[Traduction]
Bien, allez-y.
Mme Ava Bear (conseillère, Première nation de Muskoday): Merci beaucoup.
Je m'appelle Ava Bear. Je suis conseillère de la bande de la Première nation de Muskoday et cela, depuis environ 10 ans.
Ce matin je vous présente une pétition signée par des femmes de notre communauté et que j'aimerais vous lire. J'en ai des copies pour ceux qui en veulent.
-
Nous, soussignées, femmes de la Première nation de Muskoday,
affirmons que la Native Women's Association of Canada et la B.C.
Native Women's Society ne représentent pas les femmes de la
Première nation de Muskoday de quelque façon que ce soit.
-
Nous protestons en outre contre la tentative de la B.C. Native
Women's Society d'obtenir une injonction contre le projet de loi
C-49, la Loi sur la gestion des terres des Premières nations.
-
Nous appuyons l'accord-cadre sur la gestion des terres des
Premières nations, signé avec le Canada en février 1996 où nous
avons appuyé par vote secret le code foncier de la Première nation
de Muskoday et l'accord particulier du 21 janvier 1998;
-
Nous affirmons en outre que la question de la propriété des terres
et biens matrimoniaux a été prise en compte dans notre code foncier
et par un amendement à l'accord-cadre sur la gestion des terres des
Premières nations.
Cette pétition a été signée par 101 personnes. Je tiens à signaler qu'aucune femme à qui nous l'avons demandé n'a refusé de la signer. Toute étaient en faveur de cette pétition. Les femmes de la Première nation de Muskoday sont offensées. Nous avons voté pour cet accord. Nous avons travaillé très fort pour l'obtenir. Nous n'aimons certes pas que ceux qui ne nous représentent pas dénigrent cet accord.
Nous demandons votre appui pour l'adoption du projet de loi et nous estimons que notre communauté nous respecte comme il se doit et prend bien soin de nous. Dans le passé, à titre de chef au conseil, nous nous sommes occupés de droits de propriété matrimoniaux et nous continuerons de le faire pour la protection de nos enfants et de nos femmes. Nous avons agi équitablement et n'avons jamais vu—et nous ne voulons jamais voir—une de nos femmes ou un de nos enfants sans abri. Personne n'est dans cette situation à Muskoday et il n'y en aura pas.
• 1025
Nous estimons pouvoir régler ce genre de problème de manière
juste et convenable, comme nous l'avons fait jusqu'ici. Nous avons
de nombreux exemples à présenter au besoin, mais nous ne croyons
pas que cela soit nécessaire. Nous pouvons régler ce genre de
problème bien plus facilement à l'aide du code foncier qu'avec la
Loi sur les Indiens.
Merci.
[Français]
Le président: Je vous remercie, madame, de votre leadership. Nous avons vraiment apprécié votre déclaration. Thank you very much.
Autre chose, chef?
[Traduction]
Le chef Austin Bear: Si vous me permettez, s'il y a suffisamment de temps, je vais terminer mon exposé.
Merci, conseillère Ava Bear.
Je tiens à dire à ce moment-ci que la Première nation de Muskoday est un membre en règle du Conseil tribal de district de Saskatoon, une organisation structurée composée de membres de sept Premières nations.
Je vous présente, aux fins du compte rendu, une résolution du Conseil tribal donnant son appui au projet de loi C-49 et à l'accord-cadre. La Première nation de Muskoday demande en effet, respectueusement, que ce projet de loi soit soigneusement examiné, qu'il reçoive votre appui et qu'il soit adopté, afin de devenir loi. J'ai une copie de cette résolution, pour ceux qui en veulent.
Une dernière chose, en terminant. À l'onglet neuf du cartable qu'on vous a remis, on parle à bon droit des préoccupations relatives à la responsabilité de toutes les formes de gouvernement qui servent et représentent la population qui les a élus: les gouvernements doivent rendre des comptes. Nous reconnaissons aussi qu'il faut rendre des comptes au gouvernement du Canada, comme on l'a fait jusqu'ici, et on continuera à le faire, pour les fonds reçus au nom de notre peuple, en raison des traités et pour les fonds reçus dans le cadre de la mise en oeuvre des traités ou pour d'autres raisons.
Le chef et le conseil et l'administration de la Première nation de Muskoday ont toujours rendu des comptes à la population et continueront de le faire. L'accord-cadre prévoit plus précisément des mécanismes de réédition de comptes au sujet de l'utilisation des terres et des revenus qu'elles produiront. Nous avons déjà des mécanismes de réédition de comptes pour d'autres fonds reçus au nom de nos membres.
Comme je l'ai déjà dit, vous pouvez passer à l'onglet neuf... Les Premières nations se sont imposées elles-mêmes ces dispositions et ces exigences; elles ne viennent pas d'ailleurs. Ces lignes directrices et ces exigences d'imputabilité ont été proposées par les Premières nations dans l'élaboration de l'accord-cadre et de nos codes. Je parle du code foncier de la Première nation de Muskoday.
Les électeurs admissibles peuvent présenter pour étude des lois sur les terres des Premières nations. Ce n'est donc pas le chef ou le conseil qui présenteront et adopteront les lois. Les membres de la communauté peuvent aussi en déposer.
Les règles sur les conflits d'intérêt prévoient qu'une personne faisant l'objet d'un tel conflit ne peut participer aux décisions qui s'y rapportent. C'est clairement énoncé.
Les électeurs admissibles doivent approuver certains types de baux ou de licences pour les terres des Premières nations. Cela ne se fera donc pas selon les caprices du chef et du conseil, mais avec l'approbation des membres admissibles de la communauté, de la Première nation.
• 1030
Le conseil doit adopter un budget, l'expliquer lors d'une
réunion avec les membres et permettre à ceux-ci de le consulter.
Les livres de comptes et les dossiers doivent être conservés
conformément aux principes comptables reconnus de comptabilité
normales. Un vérificateur doit avoir un accès à tous les dossiers
financiers. C'est une infraction que de limiter l'accès aux données
financières. Il faut convoquer une assemblée annuelle des membres
de la Première nation pour discuter des questions foncières et pour
recevoir le rapport du vérificateur.
Je n'ai pas lu chacune des dispositions relatives à la réédition des comptes, mais celles-ci sont les principales. À notre avis, et de l'avis des membres de la Première nation de Muskoday qui ont voté et ratifié ce code, cela répond aux critères de réédition des comptes pour ce qui est de la transparence, de l'ouverture et du partenariat avec nos membres.
Monsieur le président, je vous remercie de cette occasion qui m'a été donnée de m'adresser à vous. J'espère que j'ai réussi avec la conseillère Ava Bear à jeter de la lumière sur cette question et à préciser la position de la Première nation Muskoday sur le projet de loi C-49 et sur l'accord-cadre relatif à la gestion des terres et leur importance pour notre Première nation.
[Le témoin parle dans sa langue autochtone.]
[Français]
Le président: Merci, chef Austin Bear. Il est toujours impressionnant d'écouter un chef d'une communauté qui connaît aussi bien son dossier et nous transmet aussi bien les revendications des membres de sa communauté. Nous apprécions vraiment votre contribution. Thank you.
Avez-vous autre chose à ajouter, madame Bear?
[Traduction]
Mme Ava Bear: Non, je veux simplement vous remercier de nous avoir écoutés aujourd'hui. J'espère sincèrement que nous verrons des résultats positifs bientôt.
[Français]
Le président: Merci, madame. Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Je pense que pour l'instant je vais m'abstenir Merci.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Louie.
[Traduction]
M. Robert Louie: Si c'est possible, nous aimerions donner la parole à trois autres intervenants, avant de passer aux questions. De cette façon, nous pourrons traiter toutes les questions, mieux les expliquer et peut-être répondre à certaines de vos questions avant que vous ne les posiez. Est-ce que cela vous convient?
[Français]
Le président: Je suis d'accord. Les membres du comité sont-ils d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Je cède donc la parole au représentant de la Georgina Island First Nation, le chef William McCue.
[Traduction]
Le chef William McCue (Première nation de Georgina Island): Bonjour, mesdames et messieurs, distingués membres du comité. Je comprends que le temps nous presse donc je serai le plus bref possible.
Ma localité se trouve sur le lac Simcoe, soit à 60 miles au nord de Toronto en Ontario. Elle comprend trois îles. Nous tirons notre principale source de revenu d'environ 500 chalets à louer dans notre localité. Nous sommes l'une des trois communautés à avoir adopté notre code foncier. Nous avons ratifié notre code de gestion des terres en 1996 par une majorité de 88 p. 100.
• 1035
La majorité de notre population est constituée de femmes. Je
vais donner la parole à mes collègues responsables de la gestion
des terres. Ils ont une pétition semblable qui a circulé à une
réunion de bande sur la représentation.
Lorsque nous avons adopté notre code de gestion des terres il y a 18 mois, c'était en prévision de l'avènement de notre autonomie et de nos droits de négociation avec les 250 locataires dont les baux viennent à expiration le 31 mars 1999 sur l'une de nos îles.
Nous avions prévu que le code et l'accord-cadre seraient en place ce qui nous aiderait à négocier de nouvelles ententes avec nos locataires. Malheureusement, dû à des circonstances indépendantes de notre volonté, le projet de loi n'a pas été adopté aussi rapidement que nous l'avions prévu. Nous nous retrouvons donc dans une situation très difficile à cause des 250 beaux de chalets qui viennent à expiration le 31 mars 1999.
Ces beaux représentent des revenus d'environ un million de dollars pour notre Première nation. Cet argent sert à compenser l'insuffisance dans le financement du ministère. Nous nous en servons pour subventionner divers programmes tels les programmes sociaux, le logement, l'entretien et l'infrastructure.
J'aimerais déposer une lettre—je ne la lirai pas—de notre Snake Island Cottagers' Association. Je pense qu'elle vous est adressée, monsieur le président. Dans cette lettre, les membres de l'association appuient pleinement le projet de loi C-49 et souhaitent son adoption de façon à pouvoir commencer à négocier avec notre communauté. Ils estiment que c'est un grand pas pour les Premières nations dans leur quête de l'autonomie politique.
M. David Iftody: J'invoque le Règlement, monsieur le président, s'il vous plaît.
Le président: Monsieur Iftody.
M. David Iftody: Merci. Excusez-moi, chef McCue.
J'ai reçu copie de deux lettres, dont l'une de la Snake Island Cottagers' Association. Je demanderais, puisque pour gagner du temps nous n'allons pas les lire textuellement, que ces lettres soient consignées au procès-verbal. Elles contribuent de façon marquée au débat sur les propriétaires privés. Avec la permission de mes collègues, j'aimerais que ces lettres soient officiellement consignées au procès-verbal.
[Français]
Le président: Vous êtes d'accord? Oui, nous en distribuerons un exemplaire à tous les membres du comité.
[Traduction]
Le chef William McCue: Voulez-vous que je les lise?
Le président: Oui.
Le chef William McCue: Notre collectivité possède un vaste territoire et nous détenons des certificats de possession pour les terrains. Ces certificats de possession sont en grande partie entre les mains de propriétaires qui sont des femmes. Essentiellement, la majorité des terres dans notre localité sont détenues par des femmes qui constituent la majorité de l'électorat.
Je vais maintenant céder la parole à Pat et à Sylvia pour qu'elles vous parlent d'une pétition semblable dont nous n'avons malheureusement pas copie. Elle a été préparée à notre dernière réunion du conseil général, mardi soir, et toutes les femmes présentes l'ont signée.
Mme Pat Big Canoe (Première nation de Georgina Island): Lors du vote original en vue de la ratification de notre code de gestion des terres, il y avait environ 315 personnes qui avaient le droit de vote; 171 ont en fait voté dont 81 p. 100 en faveur du code. Il est à noter aussi que 51 p. 100 des électeurs parmi les personnes admissibles étaient des femmes et 49 p. 100, des hommes. Comme l'a dit notre chef, sur la réserve de Georgina Island, le plus grand nombre de détenteurs de certificats—nous n'avons pas de titres mais des certificats—sont des femmes et les femmes sont très favorables à l'idée de la gestion des terres.
La gestion des terres n'est pas simplement une question qui intéresse les hommes ou les femmes; c'est une préoccupation de la collectivité entière. Dans notre communauté, les femmes sont très favorables à la gestion des terres. Or on nous demande maintenant: «Pourquoi des personnes dans d'autres réserves auraient-elles leur mot à dire dans notre vote puisque celui-ci a été remporté avec succès et que les femmes étaient majoritaires? Comment peut-on se permettre maintenant de dire que ce n'est pas bien?» Nous avons répondu que nous ne pensions pas que d'autres devraient avoir leur mot à dire. C'est notre opinion.
Mme Sylvia McCue (Première nation de Georgina Island): La pétition devra le prouver aussi.
Le chef William McCue: En terminant, j'aimerais souligner encore que notre Première nation va de l'avant dans différents domaines d'autonomie, notamment la gestion des terres. Nous avons décidé d'élaborer notre propre code de gestion des terres à cause du territoire qui nous est propre et dont nous tirons une grande partie de nos revenus.
Pendant beaucoup trop longtemps, nous avons laissé le ministère des Affaires indiennes se charger de nos baux et nous nous sommes contentés d'être des observateurs alors que d'autres décidaient de notre sort. Nous n'avons pas eu l'occasion d'exercer notre autorité dans des domaines tel que l'environnement, nous n'avons pas forcé les locataires de chalets à régler différents problèmes environnementaux qui nous préoccupaient.
Le ministère est limité dans sa capacité d'intervention environnementale. Nous avons examiné les problèmes et nous estimons qu'il est dans notre intérêt maintenant de bien mieux régir nos terres et nos revenus que par le passé. Il y a eu des cas où il a fallu plusieurs années avant que les arriérés de loyer ne soient perçus et plusieurs autres questions qui à notre avis auraient dû être réglées d'une façon plus appropriée.
• 1045
Comme je l'ai dit, ma principale préoccupation tient au fait
que je n'ai pas d'autre moyen de traiter avec les 250 locataires de
chalets. J'ai une obligation morale envers eux.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention.
[Français]
Le président: Merci, chef et mesdames. On vient de nous convoquer pour une mise aux voix. La sonnerie d'appel fonctionnera pendant 30 minutes. Devrions-nous interrompre nos travaux maintenant et les reprendre à 12 heures?
[Traduction]
Mme Judi Longfield: Nous pouvons continuer encore 15 minutes.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Nous avons encore 15 minutes, monsieur le président.
Le président: Nous allons continuer pendant 15 minutes.
[Français]
La décision vous revient; je vous suivrai.
[Traduction]
M. Peter Adams: Monsieur le président, c'est une sonnerie de 30 minutes.
M. Robert Louie: Monsieur le président, avec votre permission, à des fins de précision, pourrait-on déposer et consigner au procès-verbal aussi la pétition de la Première nation de Georgina Island? Est-ce approprié?
M. David Iftody: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pourrais-je demander à l'un des témoins de lire en fait le texte de la pétition? Si ce n'est pas trop long, disons pas plus d'une page, pourrais-je demander à l'un des témoins, tel que Mme Big Canoe de nous lire la pétition, de la consigner textuellement au procès-verbal?
Le président: C'est la même pétition.
Mme Pat Big Canoe: Oui, c'est la même pétition.
M. David Iftody: C'est la même pétition? Très bien, merci beaucoup.
[Français]
Le président: Merci, David.
[Traduction]
M. Ted White: J'invoque le Règlement.
[Français]
Le président: Oui, monsieur White.
[Traduction]
M. Ted White: Il y a une question que je me pose. Si nous attendons à la fin pour poser des questions, est-ce que les gens ne devront pas revenir à la table, se rasseoir? Est-ce ce que vous voulez? Ne serait-il pas plus facile d'interroger chaque groupe, au fur et à mesure? Est-ce que nous allons continuer?
[Français]
Le président: J'ai proposé la même chose que vous tout à l'heure, mais cela n'a pas été accepté.
J'invite maintenant la représentante de la Première nation de Nipissing à prendre la parole.
[Traduction]
Êtes-vous la chef Margaret Penasse-Mayer?
La chef Margaret Penasse-Mayer (Première nation de Nipissing): Oui.
Bonjour, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire notre exposé aujourd'hui.
J'aimerais vous parler un peu de notre communauté de la Première nation du Nipissing. Tout d'abord, nous nous trouvons à 45 minutes au nord-ouest de North Bay. Je pense que vous savez tous où c'est. C'est aussi de là que vient le premier ministre de l'Ontario.
Nous avons au total 1 350 membres dont 470 vivent dans notre réserve. Environ 52 p. 100 sont des femmes et 48 p. 100 sont des hommes.
• 1050
J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de notre
communauté et de notre conseil qui est composé de sept conseillers
et d'un chef. Depuis deux ans, notre conseil a entrepris des
consultations sur de nombreuses questions avec les anciens. Nous
avons mis en place des mécanismes afin de discuter avec eux de
nombreuses questions qui touchent la communauté. Nous l'avons
également fait avec les jeunes. Comme vous le savez, les jeunes
dans toutes nos localités sont les dirigeants de demain. Nous avons
donc tenu des consultations avec les jeunes afin de les préparer à
faire face aux questions qu'ils devront régler lorsqu'ils
deviendront les dirigeants de notre communauté.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de la présence de notre localité dans la région et dans l'économie. Par exemple, notre Première nation verse des millions de dollars aux différentes commissions scolaires afin de faire instruire nos enfants. Ce n'est qu'un aspect de notre participation dans la région où nous vivons et l'économie environnante. Je tenais à le mentionner, parce que parfois, je pense que certains ont l'impression que nous ne participons pas pleinement au Canada. Au contraire. Je tenais à le souligner.
J'aimerais également aborder brièvement nos relations avec les autres municipalités. Notre communauté de Première nation de Nipissing est située entre deux localités non-autochtones, soit Sturgeon Falls, Ontario, et la ville de North Bay. Par exemple, nous avons une entente depuis plusieurs années avec Sturgeon Falls. Je partage la responsabilité pour l'entretien d'une route entre Sturgeon Falls et la Première nation de Nipissing. Nous avons également fait un don à Sturgeon Falls pour la construction d'un complexe récréatif qui comprend une piscine et un centre récréatif pour les enfants. Nous avons contribué 5 000 $ à ce projet communautaire.
Nous négocions une entente avec la ville de North Bay en vue d'appliquer la nouvelle loi provinciale qui entrera en vigueur sur les contraventions. Nous travaillons également avec d'autres municipalités telles que Field et Cache Bay dans le cadre de levées de fonds et d'autres activités en vue d'améliorer l'ensemble de la région.
Voilà ce que je voulais dire. Je pense que maintenant je vais céder ma place à notre directrice de gestion des terres, Joan McLeod, pour la partie plus technique de la gestion des terres de notre communauté.
Merci.
Mme Joan McLeod (directrice de la gestion des terres, Première nation de Nipissing): Bonjour. «Bonjour.» Je prends des leçons de français, mais je ne parle pas encore assez bien pour faire mon exposé aujourd'hui.
Je suis directrice de la gestion des terres de la Première nation de Nipissing depuis 1982. Nous avons connu de nombreux régimes. Il y a eu celui du gouvernement du Canada aux termes des articles 53 et 60 de la loi qui nous prenaient beaucoup de temps. Nous avons demandé de prendre en charge la gestion de nos terres en 1980. Nous avons fini par nous faire déléguer cette autorité en 1989. Il s'agit de longues démarches. Tout ce qui touche aux terres indiennes entraîne toujours de longues démarches.
La bande a décidé de tenter d'exercer un meilleur contrôle sur nos terres à cause de tous les problèmes que nous avons eus aux termes de la Loi sur les Indiens. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler plus particulièrement des droits des tiers. Dans notre localité, nous avons quelque chose que j'appellerais saisonnier-permanent. Il y a plus de locataires permanents à Jocko Point. Ils sont environ 249. Dans le lotissement Beaucage, nous avons 48 locataires. Il y a également plusieurs locataires commerciaux ou industriels. Nous avons également quelques permis avec l'Hydro Ontario et Bell Canada. Nous avons conclu des ententes avec le Canada pour de petites parcelles où sont installés des aides à la navigation, etc.
• 1055
Ce dont je vais vous parler plus particulièrement en faisant
ressortir les problèmes que nous posait la Loi sur les Indiens, ce
sont les lotissements résidentiels. Dans notre documentation, nous
avons inclus de l'information sur les droits des tiers. C'est au
dernier onglet. Nous y énumérons les problèmes associés à la
location. Je pourrais présenter chaque problème mais ce que je veux
surtout faire ressortir, ici, c'est la participation de nos
locataires dans des négociations de location ou de baux.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral prépare les baux. Il fixe les directives, les règles et les principes régissant les conditions de ces baux aux termes des articles 53 et 60, à la Première nation de Nipissing tout comme pour les autres. Souvent, ces procédures empêchent la bande de reconnaître les problèmes des locataires.
L'un des principaux problèmes c'était la révision des loyers. Les dispositions de location sont énoncées dans un bail de 18 pages. Une ou deux dispositions sont consacrées à la révision des loyers. Or lorsqu'il est question d'une entreprise commerciale, qu'elle soit résidentielle, commerciale ou que ce soit une question de servitude, vous savez que la révision des loyers prendra une importance considérable. C'est une question d'argent et l'argent touche tout le monde.
Aux termes de leurs baux, nos locataires n'ont qu'un recours. S'ils contestent la location, ils intentent des poursuites directement au Canada pour régler le litige. C'est un grave problème. Aux termes de la Loi sur les Indiens et aux termes de ces baux, la négociation n'est pas prévue. Pour notre Première nation, à cause de nos problèmes avec la location résidentielle, on s'est toujours retrouvé devant les tribunaux. Aucun mécanisme de règlement des différends n'est prévu. C'est l'une des principales raisons qui explique notre intérêt pour ce processus. Nous voulons pouvoir mettre en place une procédure de règlement des différends avec nos locataires.
Jocko Point qui avait demandé une révision des loyers avec la Première nation Nipissing en 1994 estimait, qu'il y avait une lacune dans ses baux et a intenté des poursuites au Canada. Une fois le tribunal saisi de l'affaire, nous ne pouvons plus parler aux locataires parce qu'aux termes des articles 53 et 60, nous risquerions d'empiéter sur les droits de Sa Majesté. Nous sommes donc plus ou moins tenus à l'écart. Tout ce que nous pouvons faire c'est expliquer des conditions du bail. C'est notre seule participation à ce moment-ci.
Malgré le coût élevé des poursuites contre le Canada, Jocko Point a demandé une révision des loyers en 1994. Nous devrons nous présenter devant le tribunal pour témoigner au printemps de 1999. Le 1er avril 1999, nous commençons notre prochaine période de révision des loyers. C'est donc long, coûteux et fastidieux. Il n'y a vraiment aucun recours dans ces baux. La Première nation de Nipissing demande d'avoir au moins la possibilité de négocier avec nos locataires ou d'en venir à une entente sur un bail différent.
Aux termes des dispositions sur les droits des tiers dans le projet de loi, si un locataire préfère le bail du gouvernement du Canada, il peut signer ce bail. La Première nation de Nipissing, ou toute autre Première nation, ne forcera pas ses locataires à signer de nouveaux baux. Ce que nous demandons c'est de pouvoir offrir un bail à nos locataires. Nous allons négocier ces baux avec les locataires. Ce n'est pas possible dans le cas des baux fédéraux, puisque le ministère de la Justice prépare le bail et nous le donne, que cela convienne ou non à une bande ou à une Première nation.
• 1100
Nous avons donc tous ces problèmes avec le bail actuel du
gouvernement du Canada. Nous cherchons à obtenir un nouveau régime
qui nous permettrait de nous entendre sur les dispositions d'un
bail avec nos locataires. Voilà ce que nous réclamons.
Je ne peux pas parler trop longtemps car le temps c'est de l'argent, mais je tente de résumer 20 ans en quelques minutes.
Ce problème de location est l'un de nos principaux problèmes à Nipissing. L'autre défi consiste à mettre en place une meilleure base économique. Dans notre localité, nous avons essayé différents moyens afin de promouvoir les entreprises et trouver des occasions d'affaires pour les membres de notre bande et nos clients. Nos clients, ce ne sont pas des membres de la bande, ce sont nos locataires. Nos relations ont été excellentes. Il y a eu une situation de grande confusion avec un de nos locataires commercial et industriel qui tournait autour des dispositions du bail. Nous avons perdu ce locataire parce que le bail était très ancien. Il se prêtait à interprétation. Personne ne savait ce qu'il signifiait vraiment. Le ministère ne pouvait pas nous donner d'explications sur le sens des dispositions après 20 ans. Nous avons donc perdu ce gros employeur dans notre réserve. Nos relations avaient été bonnes jusqu'à ce que survienne la question du bail.
Nous cherchons toujours des occasions d'expansion économique. Ce que nous espérons, ce que nous planifions et recherchons, c'est l'aide que ce projet de loi nous donnera afin d'attirer de nouveaux clients dans notre réserve, de nouveaux locataires dans notre secteur commercial et industriel. Nous tentons de mettre en valeur des secteurs et des ressources qui nous permettraient de devenir propriétaires d'une usine de fabrication de blocs de béton. Nous avons beaucoup de roche sur notre réserve. Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons du granit très dur qui se prête bien au concassement.
Nous examinons les possibilités de construire un terrain de golf et une marina. Il n'y a pas de marina actuellement sur le lac Nipissing, un très long lac de 42 kilomètres. Nous examinons la possibilité de nous lancer dans les services publics. Nous envisageons la pisciculture. Nous examinons des sites historiques et anthropologiques afin de participer davantage au tourisme dans notre région. Nous songeons à une installation de véhicules de loisirs et de camping en appoint de notre lotissement de Beaucage.
Il est très important que nous examinions tous ces secteurs. Il nous faut trouver des moyens d'attirer des entreprises, des gens de l'extérieur qui ont de l'argent, des banques afin d'obtenir des hypothèques, etc. C'est très important actuellement à cause de notre taux de chômage élevé comparé à celui de localités avoisinantes à Nipissing. Les statistiques sur la main-d'oeuvre active pour la région de North Bay de janvier à juillet 1998 révèlent qu'en moyenne le taux de chômage dans le nord-est de l'Ontario était de 12,5 p. 100. En Ontario, cette moyenne était de 7,6 p. 100 et au Canada, de 8,8 p. 100. Le taux de chômage sur la réserve—nous parlons uniquement des membres de la bande qui habitent sur la réserve ici à Nipissing—est de 35 p. 100. Le taux de chômage au Nipissing est de 22,5 p. 100 supérieur à...
[Français]
Le président: Madame Penasse-Mayer, je m'excuse, mais je dois vous demander d'interrompre votre déclaration.
[Traduction]
Pouvons-vous nous arrêter pour le vote de ce matin?
La chef Margaret Penasse-Mayer: Oui.
Le président: Les députés se rendront à la Chambre pour le vote et reviendront à 11h45.
[Français]
Nous reviendrons aussitôt que possible. Je m'en excuse vraiment. Nous ajournons nos travaux jusqu'à 11 h 45.
Le président: Nous poursuivons la réunion que nous avons entreprise plus tôt ce matin. Nous continuons avec M. Robert Louie.
Soit dit en passant, je tiens à remercier le ministère des Affaires indiennes de nous avoir fourni les cartes. Il est important qu'on sache où se situent les communautés autochtones au Canada.
Monsieur Louie, allez-y.
[Traduction]
M. Robert Louie: Merci, monsieur le président.
Nous proposons, si le comité le permet, pour le reste de la matinée, de céder la parole à Debra Campbell, membre de la Première nation Musqueam, qui nous parlera brièvement de la question maritale et de la déclaration sous serment de Rose Derrickson. Cela fait, nous passerons la parole à Patrick Orr qui abordera l'onglet 8. Comme on l'a déjà mentionné ici ce matin, l'onglet 8, soit les biens matrimoniaux et la répartition des biens tel qu'envisagée dans ce projet de loi C-49 dans le contexte de l'accord-cadre est très important. Nous voulons nous assurer que toute l'attention voulue est consacrée à ces questions. Voilà pourquoi M. Orr aimerait aborder ces questions en détail afin que le comité comprenne bien de quoi il s'agit. Donc, si vous le permettez, c'est ainsi que nous procéderons.
En outre, si cela pouvait aider le comité—et nous remercions M. White de la question qu'il a soulevée plus tôt ce matin—et s'il y a place à la table, nous pourrions y ramener les chefs qui ont parlé plus tôt ce matin et si une question précise porte sur leur communauté, ils seront là pour répondre.
Le président: C'est très bien.
M. Robert Louie: Merci.
Le président: Madame Campbell.
Mme Debra Campbell (membre, Première nation de Musqueam): Merci.
Comme l'a dit Robert, je suis membre de la Première nation de Musqueam, dans la partie sud-ouest de l'île de Vancouver. J'ai passé la plus grande partie de ma vie dans la réserve. J'ai participé au gouvernement indien au nom de la Première nation pendant environ 18 ans, dont 13 dans le domaine de la gestion des terres.
Je voudrais maintenant lire la déclaration statutaire de Rosie Derrickson, de la Première nation Westbank.
-
Je, Rosie Derrickson, de la réserve indienne de Westbank, déclare
solennellement que:
-
Je suis membre de la Première nation de Westbank et que j'étais
l'appelante dans l'affaire Derrickson contre Derrickson devant la
Cour suprême du Canada qui figure au chapitre 1986 1 R.C.S. 285.
-
J'étais à l'origine membre de la bande d'indiens Okanagan, mais je
suis devenue membre de la bande de Westbank après mon mariage à feu
William Joseph Derrickson, qui était membre de la Première nation
de Westbank.
-
Après notre mariage, nous avons acquis un certificat de possession
pour un lotissement dans la réserve de Westbank sur lequel nous
avons construit notre maison. C'était notre domicile conjugal et le
certificat de possession était en mon nom. Feu mon époux et
moi-même avions acquis d'autres parcelles de terrain pendant notre
mariage, qui avait été enregistrées en son nom. C'est ma part de
ces autres parcelles de terre acquises pendant le mariage qui a
fait l'objet de la cause entendue par la Cour suprême du Canada.
-
La Cour a statué que la loi provinciale régissant la répartition
des biens immobiliers, après l'échec d'un mariage, ne pouvait pas
s'appliquer à la possession de terres dans une réserve indienne vu
que cette question est régie uniquement par la loi fédérale sur les
Indiens à l'exclusion de la loi provinciale. La Cour a aussi statué
que j'avais droit d'être indemnisée pour ma part matrimoniale de
ces autres parcelles de terre, vu que la loi provinciale visant
cette indemnisation n'allait pas à l'encontre de la Loi sur les
Indiens.
-
Je suis convaincue maintenant, comme je l'étais à l'époque, que les
biens matrimoniaux des deux membres de la même bande dans une
réserve doivent être répartis équitablement entre les deux
conjoints si le mariage échoue. Je suis aussi convaincue que la
Première nation de Westbank doit être habilitée à prévoir une telle
disposition dans ses lois foncières.
-
Je crois savoir que la Première nation Westbank est partie
signatrice à l'entente-cadre sur la gestion des terres des
Premières nations et qu'un projet de loi fédéral visant à donner
effet à l'entente est maintenant à l'étude au Parlement. Je suis au
courant des modalités de cette entente et je crois savoir que le
code foncier de Westbank, s'il est appliqué et quand il entrera en
vigueur, prévoira la répartition des biens matrimoniaux sur les
terres de la Première nation de Westbank. J'appuie cet accord et je
souscris à la capacité de la nation de Westbank d'adopter de telles
lois.
-
Je crois aussi savoir qu'un comité permanent de la Chambre des
communes recevra peut-être d'ici peu des mémoires relatifs au
projet de loi fédéral visant à ratifier et à appliquer les
dispositions fédérales de l'accord-cadre. Si ma santé me le
permettait, j'irais à Ottawa pour donner mon appui à l'accord-cadre
et au projet de loi. Malheureusement, je ne suis pas en bonne santé
et je suis maintenant à l'hôpital à Kelowna. Au lieu de me rendre
en personne devant le comité, je fais cette déclaration statutaire
conformément à la Loi sur la preuve du Canada pour expliquer ma
position et en aviser le comité.
-
Je sais aussi qu'un groupe connu sous le nom de British Columbia
Native Women's Society vise à empêcher l'adoption de ce projet de
loi et qu'il a intenté des poursuites pour empêcher les Premières
nations d'appliquer l'accord-cadre. À l'automne de 1997, environ
six mois après le début de leur action judiciaire, une personne
prétendant représenter la société en question m'a demandé d'appuyer
l'action en justice. J'ai refusé de le faire.
-
J'ignore ce qu'est la British Columbia Native Women's Society, mais
cet organisme ne représente certainement pas nos intérêts. J'ignore
pourquoi la société juge être mieux placée que les membres de
Westbank eux-mêmes pour décider quelles lois doivent régir les
membres de la Première nation de Westbank. Je ne suis pas du tout
d'accord pour que ces étrangers puissent imposer leurs idées de ce
que devraient être les lois de Westbank aux membres de la Première
nation de Westbank.
-
Je sais mieux que la plupart des gens à quel point la question des
biens matrimoniaux dans les réserves est sérieuse. Je sais aussi
que la meilleure façon de régler cette question à Westbank serait
de laisser les membres de la bande eux-mêmes déterminer ce que doit
être la loi. C'est ce que prévoit l'accord-cadre et c'est pourquoi
je l'appuie.
-
J'aurais bien voulu qu'il y ait un code foncier de Westbank il y a
15 ans. Je n'aurais pas eu besoin à ce moment-là de m'adresser aux
tribunaux de la Colombie-Britannique en 1984 et à la Cour suprême
du Canada plus tard. Je sais très bien que la situation aux yeux de
la loi n'a pas changé depuis cette époque mais cela me rassure de
savoir que la Première nation de Westbank pourrait bientôt avoir
les moyens de trouver sa propre solution au problème et qu'elle a
promis de le faire. J'espère que cela se fera le plus tôt possible.
-
Je fais cette déclaration solennelle avec la profonde conviction
qu'elle est vraie et qu'elle a la même force et le même effet que
si elle était faite sous serment.
-
Déclaré dans la ville de Kelowna, province de la
Colombie-Britannique.
-
Rosie Derrickson
[Français]
Le président: Merci, madame Campbell. Au nom des députés du comité et des membres de notre personnel et en mon nom personnel, vous souhaiterez un prompt rétablissement à Mme Derrickson. On apprécie sa déclaration, que vous nous avez transmise.
Monsieur Louie.
[Traduction]
M. Robert Louie: Monsieur le président, si je peux donner la parole à M. Patrick Orr, nous pourrons passer à l'onglet 8 et examiner attentivement tout ce qu'on y trouve. Comme nous l'avons dit plus tôt, c'est très important et nous voulons nous assurer que les membres du comité comprennent très bien la question des droits matrimoniaux.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Louie.
Monsieur Orr, vous semblez en pleine forme. J'ai l'impression que vous êtes un parent de Bobby Orr.
[Traduction]
M. Patrick Orr (conseiller juridique, Commission intérimaire de la gestion foncière): Si je n'étais pas assis à cette table, je vous dirais oui, ce serait plus facile pour moi d'obtenir des billets de hockey. Malheureusement, je ne suis pas cette personne.
[Français]
Bonjour, monsieur le président
[Traduction]
et aux autres membres du comité. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour pouvoir aider le comité à comprendre le projet de loi à l'étude, surtout dans la mesure où il s'applique à la séparation de conjoints et de biens matrimoniaux.
D'abord, je vous signale que je suis avocat législatif et que j'exerce dans ce domaine depuis 1982. Au début des années 1990, les chefs ont eu recours à mes services pour travailler à ce projet de loi. Je me suis aussi occupé d'autres mesures législatives pour d'autres gouvernements, y compris le gouvernement fédéral.
Je voudrais d'abord que vous alliez à l'onglet 8 si ce n'est pas déjà fait. Vous y trouverez essentiellement trois documents. Le premier est un tableau d'une page que nous avons préparé pour expliquer ce que nous jugeons être les questions en cause, de façon aussi graphique que possible. Le deuxième document est un jeu de notes plus complètes sur cette même question et le troisième est un document encore plus complet qui vise à expliquer aux collectivités qui s'occupent de la séparation de conjoints les questions en cause et à leur soumettre des solutions possibles.
Il s'agit d'un document de travail, mais nous tenions à le présenter au comité pour vous donner une idée de ce que font les Premières nations. Nous voulions vous montrer que les Premières nations ont déjà fait pas mal de travail dans ce domaine. Vous pourrez vous-mêmes voir jusqu'où elles sont parvenues en jetant un coup d'oeil à ces documents de travail.
Le document devrait être disponible en français, monsieur le président. Si les membres francophones du comité ne l'ont pas, qu'ils nous le signalent.
Si nous pouvons maintenant jeter un coup d'oeil au tableau, je voudrais vous l'expliquer pour vous donner une certaine perspective de la plupart des questions en jeu afin de faciliter le débat.
Il y a cinq colonnes verticales. A la gauche, vous trouverez la liste des droits qui font partie du droit familial coutumier. Ce sont les droits visés par le droit familial des provinces et la loi fédérale. Dans la colonne suivante, on donne la source de ce droit. Plus loin à droite, on voit la façon dont ce droit s'applique aux terres et aux membres des réserves, les conséquences du projet de loi sur l'accord-cadre et ce qui arrivera si le projet de loi et l'accord-cadre entrent en vigueur.
• 1205
Nous pourrions jeter un coup d'oeil à cette colonne. Au haut
de la colonne, il y a d'abord la possession de la maison
matrimoniale. Les deux conjoints y ont un droit égal aux termes de
la loi provinciale.
Vient ensuite la division des terres familiales. Autrement dit, quelqu'un peut avoir le droit de demeurer dans la maison, mais à qui appartient la terre familiale? Selon le droit coutumier, bien sûr, le propriétaire en titre du terrain en est effectivement le propriétaire. Depuis 1996, le droit de la famille de l'Ontario prévoit que, peu importe le propriétaire en titre de la terre, le droit de la famille répartit le terrain d'une autre façon selon qu'un conjoint soit en cause ou nom. Bien entendu, il s'agit d'une loi provinciale.
Il y a aussi les autres biens familiaux, comme l'automobile, les bijoux, les livres, l'animal de compagnie et les REER. Ces biens sont répartis selon la loi provinciale. On peut obtenir une ordonnance d'indemnisation pour égaliser les biens entre les conjoints. Par exemple, si tous les biens sont au nom d'un des conjoint, le tribunal peut ordonner à ce conjoint de verser une indemnisation à l'autre. C'est là-dessus que portait l'affaire de Derrickson contre Derrickson. J'y viendrai dans un instant.
Je continue de descendre la colonne. Vient ensuite la question de l'égalité de droits pour les deux sexes. On ne fait pas de distinction entre l'homme et la femme. Selon le droit coutumier, il y avait, bien sûr, la prérogative de courtoisie et les droits de douaire, qui ont maintenant été abolis. Ces droits sont garantis par l'article 15 de la Charte et ils sont aussi garantis par l'article 28 de la Constitution qui a trait aux droits ancestraux qui s'appliquent également aux hommes et aux femmes. Il en est aussi question de façon précise à l'article 35 4) de la Constitution.
Quelqu'un, je pense que c'était M. Bachand, a fait une observation au début de matinée au sujet de l'article 67. Je pense qu'il y a un malentendu. Si je ne m'abuse, il s'agissait de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui n'est pas reliée à cette question-ci.
Il y a ensuite la question de l'entretien du conjoint, qui est aussi examiné dans la loi provinciale et la Loi sur le divorce; la garde des enfants; le principal fournisseur de soins, ce qui pourrait changer si les recommandations venant de l'autre endroit sont adoptées; et le divorce lui-même qui met fin au mariage.
Toutes ces diverses questions sont examinées. Les dispositions des lois s'appliquent dans les réserves. Elles s'appliquent toutes aux membres des Premières nations, sauf deux d'entre elles, les deux au haut de la liste, la possession de la maison conjugale et la division des terres. La raison en est, bien sûr, que, lorsque de tels droits existent, une loi provinciale ne peut pas s'appliquer à un bien foncier dont le titre est au nom de Sa Majesté du Chef du Canada, une terre de la Couronne fédérale, ou de façon particulière, une terre de réserve qui a été donnée à une Première nation. C'est la situation qui existe depuis longtemps.
Cet aspect avait été examiné de façon toute particulière dans l'affaire Derrickson contre Derrickson, dans laquelle la Cour avait bien précisé que la loi provinciale ne pouvait pas s'appliquer aux terres de réserves fédérales. La Cour avait trouvé une solution partielle en permettant au conjoint qui n'était pas propriétaire ou qui, dans ce cas-ci, n'avait pas le certificat de possession, d'obtenir de son conjoint une indemnisation égale à la valeur de cette part de propriété. Cependant, à l'heure actuelle, un conjoint dans la réserve ne peut pas obtenir une ordonnance du tribunal pour la possession de la maison matrimoniale ou la division des terres familiales. Ils ne peuvent pas obtenir cette ordonnance du ministre des Affaires indiennes ou du conseil de bande.
Les chefs sont au courant de cette situation depuis au moins 1995 où nous étions en train d'élaborer un modèle de code foncier. À l'époque, dans l'un de nos premiers documents de consultation, nous avions expliqué que cette question devait être envisagée comme une question de propriété foncière. Bien sûr, nous ne voulions pas refaire le droit de la famille ou examiner toutes les autres questions visées par la loi provinciale sur la famille.
• 1210
Ce qu'il faut examiner, ce sont les deux questions dont ne
parle pas la loi actuelle. En l'occurrence, je veux parler du fait
qu'un seul des conjoints a le droit de rester dans la maison, que
ce soit à cause d'un certificat de possession ou d'un autre titre
de propriété foncière. S'il y a échec du mariage, y a-t-il une
autre façon de répartir la propriété que de voir qui est inscrit
comme étant le propriétaire?
Les Premières nations ont décidé de s'attaquer au problème. Bien entendu, c'est ce qu'elles voulaient faire depuis le début, mais elles l'ont bien précisé en présentant un amendement à l'accord-cadre au début de l'année. Je voudrais attirer votre attention sur la page où vous trouvez un extrait de l'accord-cadre, soit l'article 5.4, quelques pages plus loin. La plus grande partie de cet article est reprise dans le projet de loi. On y donne tous les éléments que les Premières nations ont dû elles-mêmes respecter, c'est-à-dire mettre au point un processus collectif pour adopter des règles et procédures relatives à l'utilisation, à l'occupation et à la procession des terres des Premières nations et à la division des intérêts sur ces terres et au fait que les règles ne doivent pas établir de distinction en fonction du sexe et qu'elles seront effectivement appliquées. Il ne s'agira plus d'une simple politique, mais bien d'une loi de la Première nation. On sait que cela prendra un certain temps. La Première nation aura d'abord une période de douze mois pour organiser des rencontres communautaires et consulter ses membres avant d'élaborer les règles.
En cas de conflit entre le ministre et la Première nation relativement à cet article, puisqu'il s'agit d'une entente entre le ministre, à titre d'agent de Sa Majesté, et les Premières nations, la question pourra être soumise à un arbitre. Pour plus de certitude, cela s'applique aux Premières nations qui ont déjà adopté un code foncier.
Si vous tournez à la note d'information qui commence par le projet de loi C-49, je voudrais vous dire une chose au sujet de la première page au lieu de passer le tout en revue. Il s'agit de la page où figure le projet de loi C-49 en haut. Je veux parler du deuxième point au-dessus de «Loi fédérale». Je voudrais bien préciser que la loi provinciale sur la famille n'a jamais été conçue pour résoudre les problèmes particuliers qui se présentent sur les réserves.
Il n'y a pas de titre en fief simple pour les terres des réserves. La situation peut être très compliquée. Certaines Premières nations ont des certificats de possession, qui sont semblables à des titres de propriété. D'autres Premières nations ont des méthodes traditionnelles de propriété foncière. Il y a toute une gamme de situations particulières. Il y a le fait que la réserve elle-même est mise de côté d'après la Constitution pour l'utilisation et le bénéfice de la Première nation. C'est un principe constitutionnel. Il faut donc préciser que ce ne doit pas être une façon détournée d'écarter de la réserve les non-membres de la Première nation.
Il y a aussi des questions particulières aux Premières nations dans le cas des mariages traditionnels et la question de savoir si l'on doit reconnaître de telles unions et d'autres genres d'unions non officielles. Selon le droit de la famille provinciale, les unions de fait qui ne sont pas consacrées officiellement par le mariage n'entraînent pas les deux droits dont nous discutons maintenant. Elles ne justifient pas la possession du foyer conjugal ou la division des biens de la famille. Elles justifient cependant le soutien du conjoint, mais c'est, bien sûr, une question qui ne touche pas la gestion foncière et dont nous ne discutons pas maintenant.
Dans le cas des lois provinciales sur la famille, ces deux droits ne s'appliquent qu'aux couples mariés. Bien entendu, une Première nation pourrait dire que, si un couple qui cohabite depuis une certaine période se sépare, elle considère qu'il s'agit d'une forme de mariage, mais seulement pour déterminer qui peut rester dans la maison.
Si vous voulez bien tourner à la page suivante, je vous signalerai que le problème pour les Premières nations, c'est qu'il y a essentiellement quatre droits que reconnaît la loi sur la famille et ceux-ci sont énumérés sous la rubrique «points importants»: le droit à la possession du foyer conjugal, le droit à la répartition des biens familiaux, l'égalité du traitement des deux conjoints et le droit à l'indemnisation pour les intérêts du conjoint. Il s'agit à nos yeux des critères minimaux.
• 1215
À l'heure actuelle, les normes minimales sont protégées par
l'accord-cadre et le projet de loi C-49. C'est obligatoire. Les
Premières nations se sont engagées à respecter ces normes minimales
dans l'accord-cadre et dans le projet de loi que doit adopter la
Chambre pour établir les droits et les règles de possession du
foyer conjugal et de la division des biens familiaux. Les Premières
nations devraient aussi respecter le principe de l'égalité des
conjoints. Ce n'est pas quelque chose que nous jugeons être un
problème à l'heure actuelle, mais il a été précisé dans l'accord
pour plus de certitude.
Le dernier droit, celui de l'indemnisation pour les intérêts du conjoint, est reconnu maintenant par la jurisprudence dans l'affaire Derrikson c. Derrikson. Il y a aussi, bien sûr, la Charte canadienne des droits et des libertés qui s'applique aux terres des Premières nations et aux lois y afférents et qui garantit que toute loi ou règle adoptée par une Première nation doit traiter les deux conjoints également.
Je tiens à bien préciser que la séparation des conjoints et la propriété foncière n'ont pas de rapport avec la question des sexes. Comme certains des chefs vous l'ont déjà dit, il y a des Premières nations parmi notre groupe où il y a plus de femmes que d'hommes et où les femmes sont propriétaires de plus de terres que les hommes. Nous tenons donc à bien préciser au comité que dans le cas de notre groupe, du moins, la question des sexes n'entre pas en ligne de compte. Il s'agit plutôt de déterminer quels sont les droits des conjoints au moment de la séparation.
Enfin, je voudrais dire un mot au sujet des procès qui ont été mentionnés plus tôt. Il y a environ un an et demi, une action en justice a été lancée pour obtenir une ordonnance de la Cour fédérale stipulant que l'accord-cadre établirait un processus pour remplir le vide relativement à la séparation des conjoints. C'est maintenant chose faite et l'accord-cadre a été modifié pour bien le préciser.
Je ne veux pas prendre trop de temps, mais j'ajouterai seulement que le dernier document, le document des options, est un document de travail. Nous serions heureux de savoir ce que vous en pensez. Il s'agit d'un document qui explique notre pensée à l'heure actuelle. Ce document fera l'objet de discussions lors des réunions communautaires, le cas échéant. Je suis certain que les Premières nations seraient heureuses de savoir ce que vous en pensez. Le document a été préparé à la demande des chefs des quatorze Premières nations visées pour qu'on ait un examen des diverses solutions possibles à cette question importante de la séparation des conjoints. Cela a été divisé... Si vous me le permettez, je vais vous donner un bref aperçu de la table des matières et des questions examinées.
Dans ce document, on fait état de trois solutions possibles. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas d'autres, mais il s'agit pour l'instant de trois options possibles. Dans le premier cas, la Première nation adopte ses propres règles pour déterminer exactement comment les droits de propriété et la division des biens doivent être envisagés en cas d'échec du mariage. La deuxième option consisterait à permettre aux conjoints d'avoir des contrats de mariage, comme le prévoit maintenant la loi provinciale. Bien entendu, si vous n'aimez pas ce que prévoient les lois de la province ou du territoire où vous habitez, vous pouvez signer un contrat pour ne pas être visé par ce régime. La troisième option serait d'inclure une référence aux lois provinciales qui portent sur cette question, avec quelques conditions supplémentaires, par exemple pour stipuler que les conjoints non-membres ne peuvent pas recevoir un intérêt permanent, mais pourraient recevoir un intérêt viager ou un intérêt pour la période pendant laquelle ils ont la garde des enfants.
Cela m'amène à une chose que je voudrais souligner, soit que les Premières nations jusqu'ici tiennent avant tout à trouver un moyen pour s'occuper des enfants si un mariage échoue. La priorité consiste à loger le parent qui a la garde des enfants, qu'il soit ou non membre de la Première nation. On trouvera un moyen de s'occuper de ces conjoints. Je suis certain que les chefs pourront vous en donner des exemples précis si vous le voulez.
• 1220
Enfin, pour terminer, certains nous ont demandé pourquoi nous
ne pourrions tout simplement pas dire que les règles et procédures
des Premières nations respecteront les normes provinciales ou y
seront supérieures. C'est une notion au sujet de laquelle j'ai de
sérieuses réserves, en tant qu'avocat législatif, car personne ne
m'a jamais expliqué ce que cela signifie mis à part ce que j'ai
présenté au comité des quatre droits figurant sur le tableau. Et en
fait la terminologie utilisée créerait ce que je considère être une
grave lacune en ce qui concerne cette solution. Tout conjoint
mécontent des règles adoptées par une Première nation aurait le
droit de soutenir devant les tribunaux que la loi ne respecte pas
les normes provinciales. Il y aurait des procès à n'en plus finir
sur cette question.
Donc, ce n'est pas une mesure que je recommanderais. Je pense qu'il est plutôt préférable que l'on continue à s'occuper des deux grandes questions visées par l'accord-cadre de la façon qui y est prévue.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Orr, de votre excellent exposé. Monsieur Louie.
[Traduction]
M. Robert Louie: Je vous remercie, monsieur le président. Comme on l'a proposé plus tôt, pour mieux répondre aux questions du comité, nous sommes disposés à inviter à nouveau les chefs qui ont parlé plus tôt ce matin au cas où une question concerne l'une des collectivités qu'ils représentent.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Louie.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: J'aimerais invoquer le Règlement. Ne serait-il pas plus logique de commencer par le témoin qui est ici maintenant?
[Français]
Le président: D'accord. Allez-y, monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Je vous remercie des éclaircissements que vous avez apportés. J'ai toutefois une question à vous poser. Les articles 17 et 5.4 parlent de terres, mais aucune mention n'est faite de la maison familiale. Pourriez-vous m'expliquer à nouveau pourquoi cela ne figure pas dans la loi proprement dite. Pourquoi y parle-t-on uniquement de terres et non de la maison?
M. Patrick Orr: Je me ferai un plaisir d'y répondre. Dans la mesure où une maison est un accessoire fixe, elle est considérée, sur le plan juridique, comme faisant partie des terres et est donc visée par le terme «terres».
La difficulté, c'est que nous avons affaire à un régime de gestion des terres. Donc nous pouvons uniquement nous occuper de biens qui sont considérés comme des terres. Par conséquent, dans la mesure où un foyer conjugal est considéré comme une terre, cela ne pose aucun problème. Si, par exemple, un foyer conjugal était un véhicule de plaisance sur roues, alors cela pourrait relever de la loi provinciale qui traite de tous les biens en général. Mais dans la mesure où une maison ne constitue pas une terre à proprement parler, alors les Premières nations ne peuvent rien faire dans un tel cas.
M. Derrek Konrad: C'est la seule question que j'avais à vous poser. Mon collègue a peut-être une question.
M. Ted White: Monsieur Orr, vous avez parlé des baux. J'ai eu l'impression que certaines bandes pourraient utiliser le code foncier pour mettre fin aux baux des occupants des terres. Est-ce ce que vous vouliez indiquer? Dans certains cas, des personnes qui ont des baux toujours en vigueur peuvent en fait être délogés des terres. Si les baux expirent, les bandes peuvent refuser de les renouveler. Est-ce une intention à long terme de certaines bandes?
M. Patrick Orr: Monsieur le président, je ne me souviens pas avoir fait cette déclaration, mais si vous voulez savoir si les Premières nations ont l'intention de déloger les locataires de leurs terres, je vous répondrais alors que je ne suis pas au courant d'une telle intention. Je penserais plutôt qu'à l'instar des autres propriétaires raisonnables, ils préféreraient conserver les locataires qui respectent les modalités de leurs baux et qui paient leur loyer.
M. Ted White: Très bien, je vais donc pousser cette question un peu plus loin. Mme Campbell pourra peut-être m'aider à cet égard.
• 1225
J'ai ici une longue lettre de gens qui vivent à loyer dans la
réserve Musqueam à Vancouver, qui indiquent par exemple que leurs
loyers sont passés de 400 $ par année à 10 000 $ par année et que
la bande a présenté une requête aux tribunaux pour augmenter ces
baux à 36 000 $ par année. Je vis dans la région de Vancouver, et
cela est totalement absurde. On y mentionne également qu'une maison
dans la région qui au départ valait 500 000 $ a vu sa valeur
diminuer à 132 000 $ à cause de ce processus de renégociation des
baux. Elle vient tout juste d'être vendue pour 132 000 $ alors que
c'était une maison qui en valait 500 000 $.
Les auteurs de cette lettre soutiennent que la bande tâche activement de déloger les gens de la réserve en usant de moyens financiers par le biais de leur régime de gestion des terres. Je pense que c'est une préoccupation raisonnable. De toute évidence, à long terme, il est possible que certaines bandes souhaitent que l'ensemble des terres soient uniquement occupées par la bande en question. J'accepte cela. Mais si on examine ce genre de cas en fonction de l'intérêt de tiers, cela ne semble pas raisonnable. Je me demandais si Mme Campbell pouvait nous apporter des précisions à ce sujet.
M. Robert Louie: J'aimerais faire quelques commentaires, monsieur White, à ce sujet. Je pense que c'est très important. C'est une question dont a discuté la collectivité Musqueam. C'est une question qui par le passé a été portée devant la Cour suprême du Canada, l'arrêt Musqueam, l'arrêt Guérin. Dans l'arrêt Musqueam, on avait soulevé la question de la suffisance de loyers demandés aux résidents non membres de Musqueam dans la subdivision Musqueam. La Cour a déclaré que cela était très déraisonnable parce que les loyers établis au départ étaient ridicules. En fait, la Cour suprême du Canada a tenu le ministère des Affaires indiennes responsable et lui a ordonné de verser à la bande une indemnisation d'environ 10 millions de dollars parce que les loyers étaient ridiculement bas.
Depuis, on a examiné sérieusement la valeur réelle des terres de Musqueam. À l'heure actuelle, les terres de Musqueam se trouvent dans la municipalité de Vancouver, très près de l'Université de la Colombie-Britannique. En raison de leur emplacement, leur valeur foncière est donc la plus élevée au Canada dans cette région particulière. Donc, est-il raisonnable d'établir la valeur de la propriété à 10 000 $ le lot? C'est une question très importante parce que la réponse a été non, ce n'est pas raisonnable. Toutes les évaluations qui ont été faites indiquent très clairement que les valeurs ne sont pas raisonnables. Il faut donc déterminer la valeur réelle des terres, et lorsque arrive le moment de la révision des loyers, cette question est toujours à l'avant-plan. Comment fait-on alors pour appliquer la norme qui aurait dû être établie mais qui ne l'a pas été au départ, et qui devrait l'être?
Ce sont des aspects qui se rattachent à ce que Mme Joan McLeod a dit plus tôt à propos de la révision de la location à bail. C'est un problème qui n'est toujours pas réglé. Il faut que cela soit juste et raisonnable. Je crois comprendre d'après mes discussions avec les chefs et les conseils de Musqueam, et étant donné que je connais bien la question, que c'est un problème auquel ils veulent s'attaquer. Je sais que cette question a été soulevée dans le cadre de diverses contestations d'évaluations foncières parce que la Première nation Musqueam a adopté des règlements à cet égard. Cette question a donc fait l'objet de contestations mais je crois comprendre qu'elle consiste uniquement à déterminer la valeur foncière réelle et que la Première nation Musqueam, du moins à ma connaissance, n'a aucunement l'intention, à l'issue du processus, de déloger les résidents qui ne sont pas membres de la bande.
M. Ted White: Il me semble que si la valeur des maisons passe de 500 000 $ à 132 000 $ parce qu'on réclame des baux de 36 000 $ par année, cela risque en fait de nuire à la bande à long terme, parce qu'elle dévalue la valeur relative des terres en réclamant des baux si élevés. Je pense que 36 000 $, ce n'est pas un bail foncier raisonnable dans la région de Vancouver, même pour cette région.
M. Robert Louie: Peut-être bien. Je pense que la question qui nous préoccupe, comme en témoignent les discussions que nous avons tenues à l'échelle communautaire où nous avons réuni toutes les propositions, c'est comment établir correctement la valeur foncière? L'un des arguments qui est toujours avancé, c'est que le marché dictera si les valeurs sont équitables ou non, ce que viennent étayer d'ailleurs les évaluations et ainsi de suite. Les Premières nations n'ont sûrement pas l'intention de déloger ceux qui ne font pas partie de la bande parce que ce serait se couper l'herbe sous les pieds. Les affaires péricliteraient et ce serait le chaos. Je ne crois pas que ce soit l'intention des collectivités, du moins les collectivités qui représentent les 14 nations en question, d'après les discussions qui ont eu lieu à ce sujet.
M. Ted White: Je tiens à vous remercier de cette explication très détaillée.
M. Derek Konrad: J'ai une question pour madame Campbell. Quelle était la position de la bande de Westbank dans la première cause de Rosie Derrickson et lors de l'appel à la Cour suprême?
M. Patrick Orr: Monsieur le président, je ne crois pas que Mme Campbell a entendu la première partie de la question.
M. Derrek Konrad: Désolé. Lorsque Rosie Derrickson a poursuivi son mari devant les tribunaux en ce qui concerne le partage des biens et que cette cause a été portée en appel jusqu'à la Cour suprême, quelle était la position adoptée par la bande de Westbank dans toute cette affaire?
M. Robert Louie: J'aimerais répondre si vous me le permettez car je connais probablement mieux cette cause étant donné que je suis aussi membre de la Première nation de Westbank et que j'ai en fait été chef dans ma collectivité pendant dix ans et que je connais bien le droit qui s'y rapporte.
La Première nation de Westbank a décidé de ne pas participer à cause du vide juridique qui existait à l'époque. Il n'existait aucune loi, aucune ligne directrice permettant à la Première nation de Westbank d'y participer. C'est ce que j'ai cru comprendre.
J'ai eu de nombreux entretiens avec Rosie Derrickson, ainsi qu'avec son mari, maintenant décédé, William Joseph Derrickson, sur cette question et tous deux avaient convenu de ne pas porter cette affaire devant les tribunaux. Ils y ont été obligés parce qu'il n'existait aucun autre recours et que l'on voulait obtenir réparation. On ne s'entendait pas sur l'attribution des lots.
Dans ce cas particulier, Rosie Derrickson voulait avoir accès aux lots qui appartenaient à feu M. William Joseph Derrickon, et il n'existait pas de moyen le lui permettant. On a demandé la participation de la bande de Westbank mais elle n'était pas en mesure d'y participer. C'est du moins ce que j'ai compris d'après les discussions détaillées que j'ai eues avec les deux parties à cette cause.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Louie.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Selon les notes que j'ai ici, 3 communautés sur 14 ont signé ou ratifié le code foncier. Si je comprends bien, le code foncier n'inclut pas pour l'instant de disposition concernant les droits matrimoniaux. Vous avez un délai de 12 mois pour insérer une telle disposition dans le code foncier.
J'aimerais savoir quelle a été la première bande à le ratifier. Le délai de 12 mois court actuellement, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Patrick Orr: Pour commencer avec le dernier élément de votre question, M. Bachand, les codes fonciers ne sont pas encore entrés en vigueur. Ils n'entreront en vigueur qu'une fois que la loi, le projet de loi C-49, sera adoptée parce que la Loi sur les Indiens continue de s'appliquer. Ces codes fonciers ont été adoptés par les collectivités mais n'entreront en vigueur qu'une fois le projet de loi C-49 adopté. Une fois cela fait, la période de douze mois commencera à courir.
Entre temps, ces collectivités ont tenu des réunions et ont examiné le document de travail qui se trouve dans votre classeur. C'est une question sur laquelle la collectivité recherche un consensus. Elles veulent prendre le temps, soit cette période de douze mois, pour consulter leurs membres et trouver une solution qui satisfera tout le monde. C'est une question qui suscite beaucoup d'émotions dans certaines collectivités, c'est la meilleure voie à suivre pour l'instant.
D'autres Premières nations, qui n'ont pas encore établi de codes fonciers, sont en train de réfléchir à la façon de les rédiger. Il faudra peut-être que certains aspects soient abordés dans le cadre du code foncier et d'autres aspects dans le cadre d'une loi distincte.
[Français]
M. Claude Bachand: Si je comprends bien, les gens discutent toujours de la façon dont ils voudraient ratifier le code dans 11 des 14 nations. Un des points litigieux est celui des droits matrimoniaux. Vous avez engagé une réflexion avec l'ensemble des communautés en vous basant sur le document que vous nous avez présenté tout à l'heure, avec les trois options.
• 1235
Vous avez mentionné dans votre présentation que
l'option 3, c'est-à-dire adapter la loi provinciale
et la calquer jusqu'à un certain point dans votre code
foncier, pourrait être difficile parce que la loi
s'adapte aux réalités d'une province mais non
à celles d'une réserve. Pouvez-vous m'expliquer
pourquoi vous avez tout de même mis l'option 3
dans votre
document de réflexion? Pourquoi ne pas tout
simplement l'avoir écartée et dit que la réalité
provinciale ne trouvait pas son application
dans la réalité d'une réserve?
[Traduction]
M. Patrick Orr: Oui, c'est une bonne question. Pour vous répondre brièvement, monsieur Bachand, avec certaines adaptations, il est possible de travailler pour ces collectivités qui détiennent des terres sous la forme d'un certificat de possession. Dans les collectivités où le régime de possession s'apparente un peu plus au régime en vigueur dans les banlieues, si je peux m'exprimer ainsi—c'est-à-dire qu'ils possèdent des certificats de possession qui représentent un intérêt permanent pour un membre d'une Première nation—il y a plus de possibilité d'adapter les lois provinciales, sauf quelques exceptions.
Par exemple, il faut faire certains accommodements dans le cas d'un conjoint non-membre, parce que d'après la Constitution, ce dernier ne peut pas détenir un intérêt permanent à perpétuité dans les terres d'une Première nation. Il faudrait donc trouver un accommodement. Cette personne pourrait par exemple recevoir un intérêt à vie. Ou si elle obtient la possession de la maison comme principale responsable de l'éducation des enfants, elle pourrait en conserver la possession jusqu'à ce que les enfants ne soient plus à sa charge.
[Français]
M. Claude Bachand: Il y a 3 communautés sur 14 qui ont déjà ratifié leur code, mais dans ce code n'apparaissent pas encore les règles qui vont régir les droits matrimoniaux. Vous prétendez que le délai de 12 mois se mettra à courir à partir du moment où la loi sera adoptée et entérinée par le Sénat. Pour ce qui est des 11 autres, s'il n'y a pas signature et ratification avant l'adoption du projet de loi, est-ce que le délai commencera à courir au moment de la ratification ou au moment de la promulgation de la loi?
[Traduction]
M. Patrick Orr: À mon avis, aucune autre Première nation ne votera jusqu'à ce que le projet de loi soit adopté. Pour l'instant, il en a trois, mais d'autres n'hésiteront pas à le faire une fois que le projet de loi sera adopté. Quant au délai de douze mois, il commencera à courir dès l'entrée en vigueur de leurs codes fonciers. Ce pourrait être la date de ratification, en partant du principe qu'une période est prévue par la suite où il peut y avoir contestation, ou elles pourront avoir une date précise d'entrée en vigueur de leurs codes fonciers, comme par exemple le 1er janvier.
Mais j'aimerais simplement rappeler au comité que les travaux ont déjà été faits. Nous avons un document, celui qui se trouve devant vous, la troisième ébauche d'un document de travail. Nous avons tenu des réunions à ce sujet avec les quatorze Premières nations, donc il ne s'agit pas simplement des trois Premières nations en question qui y travaillent, mais toutes y travaillent.
Donc cette période de 12 mois est une période maximale, mais il est tout à fait possible que certaines Premières nations le fassent immédiatement parce qu'elles sont déjà prêtes.
[Français]
M. Claude Bachand: Merci.
Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, monsieur Orr.
Monsieur Louie.
[Traduction]
M. Robert Louie: Je vous remercie, monsieur le président.
Je crois que Debra Campbell a quelque chose à ajouter qui pourrait apporter des précisions dans le cas d'une des questions qui a été soulevées à propos de la situation de la bande de Musqueam.
Mme Debra Campbell: Simplement pour vous donner quelques précisions sur ce bail en particulier, monsieur White, il s'agissait d'un bail conclut par le ministère des Affaires indiennes à la fin des années 50 ou au début des années 60. En ce qui concerne les propriétés dans cette subdivision en particulier—qui comptent 76 lots—ces lots, comparativement à la plupart des lots urbains, ont une superficie une fois et demie plus grande environ. Les maisons situées sur ces lots comptent plus de 3 500 pieds carrés, et ont une piscine. C'est le type de lotissement résidentiel dont nous parlons.
• 1240
Dans ce cas en particulier, ces lots avaient des loyers
annuels de 188 $ à 450 $. En ce qui concerne ce bail particulier du
ministère des Affaires indiennes, les périodes de révision du loyer
étaient établies en fonction d'intervalles de 15 ans. Les deux
premières révisions de loyer ont été des augmentations de loyer
fixes. On ne tenait aucun compte de la valeur. Bien entendu, à
l'époque où le ministère des Affaires indiennes a négocié ce bail,
il ne pouvait pas prévoir la valeur foncière de ces propriétés.
Par conséquent, en 1995, au moment de la révision des loyers après l'intervalle de 15 ans, le bail indiquait que la valeur de la terre serait évaluée à 6 p. 100 de la valeur du marché en tant que propriété non bâtie. Comme s'il s'agissait d'un terrain vague tel qu'il était le jour où la maison avait été construite, mais en fonction de la valeur de 1995. Bien entendu, il ne faut pas oublier que lorsque vous évaluez des terres de réserves, elles sont à un taux escompté parce qu'il s'agit de terres louées et non achetées. Donc leurs valeurs étaient établies d'après des taux escomptés—soit un escompte d'environ 5 p. 100 dans le cas des baux d'habitation—comparativement aux taux en vigueur en 1995. Dans ce cas, cependant, ces gens avaient l'habitude de payer 188 $ à 450 $ par année.
C'est donc pourquoi il existe un tel écart dans les valeurs de ces propriétés.
Le président: Je vous remercie.
Madame Hardy.
Mme Louise Hardy: L'option que vous avez décrite en ce qui concerne les contrats de mariage, l'option deux, n'est pas très claire pour moi. Si une collectivité décide que tout le monde doit avoir un contrat, cela me semble injuste, surtout dans une relation où il y a de la violence physique. Pourriez-vous apporter des éclaircissements à ce sujet?
M. Patrick Orr: Ce n'est pas une option recommandée. Certaines collectivités sont très petites. S'il n'y a que vingt habitants—je ne me souviens pas du nombre d'habitants à Scugog, mais c'est une très petite collectivité—il peut être possible de trouver une solution. En fait, il pourrait être plus facile de le faire par contrat plutôt que d'essayer de trouver un arrangement surtout si une grande partie des terres est détenue en copropriété.
Il est possible en vertu de la loi provinciale d'avoir des contrats. Nous l'indiquons à titre d'option pour que les gens sachent qu'ils ont cette possibilité si la collectivité tient à y recourir, mais ce n'est pas une option que nous recommandons à moins qu'elle soit accompagnée, comme ce serait probablement le cas, de l'une des autres options proposées. Mais vous avez raison lorsque vous dites que ce n'est pas la meilleure option.
Mme Louise Hardy: Très bien, je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci. Pas d'autres questions?
Monsieur Louie, est-ce qu'on doit passer à l'autre groupe, c'est-à-dire au chef Austin Bear et à Ava Bear? Avez-vous des questions à poser aux autres groupes?
[Traduction]
Avez-vous une question pour l'autre groupe, monsieur Konrad?
M. Derrek Konrad: J'ai une seule question. Je pense que l'on a mentionné que le conseil avait jusqu'à présent administré la répartition des biens en cas de rupture du mariage. Je me demande simplement si vous incorporerez certaines des règles et des procédures que vous avez utilisées jusqu'à présent—qui semblent avoir été assez satisfaisantes dans votre nouveau code foncier, en vertu des pouvoirs provinciaux.
Le chef Austin Bear: Oui, monsieur. Nous avons, avec succès, administré la répartition des biens et la protection des enfants au moment de la séparation des conjoints. Cependant, grâce à l'accord-cadre prévu par le code foncier, qui aurait force de loi, des pouvoirs seraient conférés à cet égard.
• 1245
Nous suivrons les lignes directrices énoncées dans le document
de travail que vous avez devant vous, mais nous consulterons
également la collectivité à ce sujet. Il est à espérer qu'à la
suite des consultations que nous tiendrons avec la collectivité,
nous aurons une meilleure idée de la façon dont elle souhaite que
l'on administre ces aspects. En l'absence de toute loi ou politique
applicable, nous avons assuré l'administration de notre mieux. Cela
se poursuivra et je pense que cela fera partie du mécanisme
communautaire adopté pour régler ces questions.
M. Derrek Konrad: Vous voulez donc avoir certaines lignes directrices codifiées pour que les membres des réserves ne dépendent pas du bon vouloir du chef et du conseil dans ce genre d'affaire. J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de la possibilité de prévoir ces droits non pas dans un code foncier mais dans un code de type plutôt matrimonial tel celui qui a été mentionné plus tôt et qui pourrait découler du processus de recherche lancé par le ministre en juin et qui est en cours à l'heure actuelle. Seriez-vous favorable à un tel processus. J'aimerais savoir si vous préféreriez opter pour autre chose qu'un code individuel.
Le chef Austin Bear: Je suis désolé, j'ai manqué la dernière partie.
M. Derrek Konrad: Au lieu d'un code individuel, préféreriez-vous un code plus universel afin que les autres bandes ne se trouvent pas dans la même situation que vous, c'est-à-dire être obligés de régler les questions une à une?
Le chef Austin Bear: Tout d'abord, j'ignore quelle sera l'issue de la mission d'information. J'ignore quelles sont les recommandations qui en découleront et j'ignore si cela entraînera des modifications à la Loi sur les Indiens ou à l'application de la loi provinciale. Cependant, si vous voulez savoir s'il devrait s'agir d'un code d'application universelle ou générale visant les autres Premières nations, je ne peux pas répondre pour les autres Premières nations.
M. Derrek Konrad: J'aurais voulu connaître votre opinion, je suppose—pas une opinion juridique mais simplement votre opinion personnelle à propos d'une initiative qui permettrait aux chefs et aux conseils de se sortir d'une situation que je considère plutôt intenable, c'est-à-dire devoir prendre des décisions sans lignes directrices, c'est-à-dire la situation dans laquelle vous vous trouviez auparavant.
Le chef Austin Bear: Si vous me demandez mon opinion personnelle, je pense qu'il est dans l'intérêt de l'ensemble des Premières nations d'avoir un mécanisme inhérent et adapté à la Première nation pour lui permettre de s'occuper de la question d'une façon juste et égale, de manière à protéger les deux conjoints mais surtout les enfants. Voilà mon opinion.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Konrad.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Est-ce que M. McCue doit revenir à la table?
Le président: Oui.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur White.
[Traduction]
M. Ted White: Chef Bear, je ne connais pas la région d'où vous venez. Pourriez-vous me décrire le genre de réunions que vous avez tenues avec les municipalités locales? Quel processus de participation avez-vous utilisé pour élaborer le code foncier? De toute évidence, vous avez déployé beaucoup d'efforts pour élaborer le code foncier et pour vous préparer à l'adoption du projet de loi C-49. Est-ce que votre municipalité, ou les municipalités environnantes, s'il y en a plus d'une, ont participé à l'élaboration de ce code foncier, ou l'avez-vous d'abord élaboré pour ensuite leur présenter?
Le chef Austin Bear: La province a collaboré au processus. Nos conseillers techniques et moi-même avons rencontré des représentants du gouvernement de la Saskatchewan et des municipalités rurales. À la suite de nos discussions, nous avons sollicité et obtenu l'appui de la province. Nous avons répondu aux questions des municipalités et apparemment dissipé leurs craintes.
Pour ce qui est des municipalités directement concernées par Muskoday, deux ou trois municipalités sont situées à proximité de notre communauté. Nous avons tenu des discussions avec elles, par exemple, le maire et des échevins de la municipalité de Prince Albert. J'ai eu un entretien avec des représentants de la municipalité de Birch Hills et j'ai l'appui en principe, du moins verbalement, de la ville et de la municipalité rurale avoisinante de Birch Hills. De fait, les municipalités rurales de Birch Hills et Garden River et les autres municipalités rurales dans cette région sont très enthousiastes et attendent avec impatience l'adoption du projet de loi C-49.
• 1250
Certains problèmes doivent être réglés, en particulier celui
du réseau provincial de routes rurales et son incidence sur nos
terres. Il s'agit d'un problème que nous voulons aborder et régler
dans le cadre de nos relations avec les municipalités rurales.
M. Ted White: Vous pouvez donc m'assurer que si je téléphone aux maires de cette région, ils me diront qu'ils sont très satisfaits du travail que vous avez effectué.
Le chef Austin Bear: Ils sont satisfaits dans la mesure où ils entretiennent des relations avec Muskoday. Quant à savoir s'ils vont vous dire qu'ils appuient sans réserve ce... Je sais que la municipalité de Birch Hills, et peut-être la MR de Garden River... Le réseau routier dont je parle, la route Crossley—je suis convaincu que le député de Prince Albert est au courant—est une source de préoccupation, et nous collaborons avec les MR et la province afin de régler cette question.
Comme je l'ai mentionné, les MR attendent l'adoption de ce projet de loi afin de pouvoir régler ce problème avec la Première nation Muskoday sans avoir à traiter avec le ministère des Affaires indiennes. Le ministère refuse de participer à la discussion, parce qu'il appartient à la Première nation de gérer et de régler cette question.
M. Ted White: J'aimerais enchaîner sur ce point en posant ma dernière question à M. Louie. Au sujet des relations avec les municipalités, presque trois ans se sont écoulés depuis la signature de l'entente originale. Au cours des dernières semaines, l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique vous a rencontré—le 13 novembre, si je ne m'abuse. Il a alors été convenu d'examiner un document de discussion portant sur les principes et modalités régissant les pourparlers avec les municipalités. C'est plutôt vague. Je sais que vous avez dit dans votre lettre que vous l'enverriez aux chefs afin qu'ils déterminent si c'était la bonne approche. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier? Est-ce que les chefs vous ont laissé savoir s'ils étaient disposés à donner suite à la suggestion formulée à l'issue de cette réunion? Dans l'affirmative, combien de temps croyez-vous qu'il faudra avant que ne soit élaboré un cadre de principes régissant les négociations avec les municipalités?
M. Robert Louie: Merci, monsieur White. Vous avez posé plusieurs questions, et je vais tenter d'y répondre. Peut-être que je peux vous donner un résumé de la situation.
Le dernier rebondissement est la lettre datée du 26 novembre que nous a télécopiée le directeur Jim Abraham, qui est président du comité des affaires autochtones au sein de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. Dans cette lettre, il fait allusion au procès-verbal, au document de discussion et à une réunion qui a eu lieu plus tôt pendant le mois de novembre. Je pourrais vous la lire afin qu'elle soit consignée au dossier parce que j'estime qu'elle est importante. C'est une lettre d'appui. Il me dit:
-
Je vous remercie de votre lettre du 16 novembre 1998 à laquelle
vous avez annexé le compte rendu provisoire et le document de
discussion. J'estime également que la réunion que nous avons tenue
plus tôt ce mois-ci a été des plus fructueuses.
-
Au sujet des commentaires préliminaires sur le document de
discussion, nous sommes essentiellement en accord avec le contenu
et nous estimons que c'est un excellent point de départ. Nous
allons l'examiner en profondeur au cours des prochaines semaines
et, ce faisant, demander l'avis de nos membres intéressés.
-
Je me mettrai de nouveau en rapport avec vous sur certaines
importantes questions au début de la nouvelle année.
Et pour que vous sachiez ce qui s'est produit le 13 novembre, j'ai apporté le compte rendu de cette réunion. Des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes responsables de la région de la Colombie-Britannique y étaient présents. Notre équipe technique a participé, tout comme moi. Il y avait également des représentants de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique, dont des analystes de la politique et des conseillers.
Deux décisions fondamentales ont été prises à cette réunion. Dans l'intérêt des municipalités et des Premières nations, il a été convenu que nous travaillerions dans un esprit de coopération. Nous avons instauré un processus en deux étapes, à savoir la rédaction d'un document de discussion par les parties énonçant les principes généraux de la consultation sur la planification foncière et les questions connexes, et la négociation d'ententes parallèles distinctes entre les municipalités et les Premières nations avoisinantes sur des sujets précis d'intérêt commun dans le domaine de la planification foncière.
• 1255
Les consultations réciproques, c'est le contenu, le corps du
document de discussion provisoire que nous avons rédigé, et qu'on
est en train de distribuer à tous les chefs. Premièrement, l'Union
des municipalités de la Colombie-Britannique s'intéresse avant tout
au dossier touchant aux municipalités de la province. Elle peut
servir de modèle, pour les autres municipalités partout au pays. Ce
sont quelques-unes des questions dont nous avons parlé pendant
cette consultation.
Les Premières nations qui sont parties à l'accord-cadre et les municipalités de la Colombie-Britannique situées à proximité de ces Premières nations approuveraient les trois principes établis.
Tout d'abord, qu'elles se consultent à intervalles réguliers au sujet des questions d'intérêt commun suivantes... Et elles sont au nombre de cinq—des questions très importantes. Premièrement, les plans de gestion foncière en vigueur et à venir. Deuxièmement, l'incidence environnementale du développement sur leurs terres. Troisièmement, l'aménagement d'infrastructures locales et la prestation des services aux habitants. Quatrièmement, les questions relatives à la gestion foncière transfrontalière. Cinquièmement, les autres questions d'intérêt général relatives au développement foncier et à ses répercussions sur les terres avoisinantes.
Le deuxième principe fondamental dont nous avons convenu, c'est que des consultations et des discussions auraient lieu sous la forme d'une table ronde, à laquelle toutes les parties seraient invitées. Ce processus n'a pas encore commencé.
Le troisième principe, c'est que l'on encourage les Premières nations de la Colombie-Britannique et les municipalités avoisinantes à conclure des ententes individuelles pour régler les détails entourant ces questions. Le résultat: l'établissement de relations. Les deux parties, soit les Premières nations et les municipalités, ont reconnu le besoin de tenir des consultations. Nous avons discuté des lois connexes.
Il n'est pas prévu dans les règlements et arrêtés municipaux que les municipalités, par exemple, doivent traiter avec les Premières nations, et nous respectons cet état de fait. Si l'on change de perspective, il en va de même pour les Premières nations. Alors comment régler le problème? Il faut le faire en acceptant de collaborer afin de régler à l'avantage des deux parties les questions foncières et autres questions connexes.
Voilà où nous en sommes en ce moment. Nous prévoyons que des réunions auront lieu au cours de la nouvelle année. Nous avons convenu de nous rencontrer, et nous attendons maintenant la réaction des Premières nations et des municipalités de la Colombie-Britannique avant de poursuivre nos démarches. Le processus va bon train.
M. Ted White: Merci infiniment. C'était à nouveau une réponse très détaillée.
[Français]
Le président: Merci, monsieur.
Monsieur Finlay.
[Traduction]
M. John Finlay: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas de questions, mais j'aimerais faire un bref commentaire; parce que je dois me rendre à la Chambre à 14 heures et nous devons aussi entendre ces dames, et il nous tarde de le faire.
Je tiens à remercier tous ceux qui se sont présentés ce matin, M. Louie, chef Austin Bear, et les autres chefs. Je siège à ce comité depuis trois ans, et c'est un jour que j'attends depuis trois ans. En ce qui me concerne, le point saillant de cette réunion, mesdames et messieurs, c'est lorsque le chef Bear a dit que nous avons travaillé «en harmonie», et je viens d'entendre le chef Louie parler d'avantages mutuels et de coopération entre les municipalités de la Colombie-Britannique et la nation Muskoday. C'est le genre de réalisations que nous attendions.
Aussi, d'après ce que vous m'avez dit, chef Austin Bear, vous avez commencé en 1963, et il a fallu 15 ans d'efforts pour modifier la Loi sur les Indiens en 1978. Et nous sommes maintenant en 1998, 20 ans se sont écoulés. Il a fallu 38 ans. Vous ne me paraissez pas suffisamment âgé pour avoir participé à tous ces efforts.
• 1300
J'attends avec impatience, comme ma collègue Nancy, et nous
tous, la déclaration du Nunavut le 1er avril 1999. Mais laissez-moi
vous dire, aujourd'hui je vais... Il se pourrait que je boive deux
bières ce soir pour célébrer cette journée, parce que je
l'attendais depuis longtemps. Je sais que vous avez travaillé
d'arrache-pied, et vos efforts ont donné des fruits remarquables.
Je vous félicite. Ce que vous avez fait, d'autres peuvent le faire
aussi, et je m'en réjouis.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci. C'est du vrai John Finlay. Merci, chef Louie. Peut-être devrions-nous donner la parole au chef William McCue, à Pat Big Canoe et à Sylvia McCue.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Merci.
Je n'ai qu'une question d'ordre général. J'aimerais connaître votre perspective globale de la Loi sur les Indiens et vous demander si d'autres articles de la loi sont inapplicables et devraient être révisés. Je ne parle pas nécessairement de ce projet de loi, mais de la Loi sur les Indiens comme telle, qui me semble-t-il vous a causé beaucoup de problèmes au cours des années.
Le chef William McCue: Essentiellement, ma communauté poursuit plusieurs initiatives en vue d'accroître les pouvoirs qui nous sont dévolus en vertu de la Loi sur les Indiens. Nous sommes en train de négocier une initiative d'autonomie gouvernementale avec la couronne dans le domaine de l'éducation, de la gestion des affaires publiques, des services sociaux et d'autres questions. J'estime que la Loi sur les Indiens est désuète et c'est pourquoi nous avons choisi d'envisager différents moyens de façonner notre propre destinée au sein de ce pays en tant que citoyens du Canada.
M. Derrek Konrad: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur White.
M. Ted White: J'ai une question. Il se pourrait qu'elle intéresse d'avantage M. Louie, mais peut-être pourrez-vous y répondre.
Selon l'article 19 du projet de loi, lorsqu'un code foncier entre en vigueur, les fonds perçus cessent d'être de l'argent des Indiens et peuvent être transférés directement à la Première nation. L'article 69 de la Loi sur les Indiens autorise le gouverneur en conseil à permettre à une bande de gérer en partie ou en totalité les fonds perçus. Est-ce que des Premières nations parties à cet accord gèrent déjà leur revenu conformément à l'article 69, ou est-ce que certaines d'entre elles vont commencer à recevoir des fonds qu'elles n'ont pas l'habitude de gérer? Est-ce que quelqu'un à cette table peut répondre à ma question?
M. Robert Louie: Si vous me permettez d'y répondre, oui, il y à des Premières nations qui le font. Ma communauté, Westbank, gère les fonds perçus depuis quelque temps. Cependant, ce que nous envisageons va un peu plus loin—c'est-à-dire, gérer non seulement des fonds perçus, mais aussi les fonds versés aux comptes de capital ainsi que toutes les recettes provenant des terres et des ressources, et avoir tous les pouvoirs pour gérer ces fonds comme bon nous semble.
Toutes les Premières nations le font sous une forme ou une autre, ou du moins les quatorze Premières nations qui sont représentées par notre groupe. Je peux vous donner un exemple pour illustrer certaines des difficultés que nous avons éprouvées. Mon exemple porte sur les deniers versés aux fonds de capital et sur les fonds perçus. Dans ma communauté, il y a presque douze ans, on a soulevé la question des fonds déposés à la banque Northland.
• 1305
Comme vous le savez, cette banque a fait faillite il y a
quelques temps et la Première nation Westbank a perdu les fonds
qu'elle y avait déposés, dont des fonds de revenu et des fonds de
capital. Lorsque nous nous sommes penchés sur ce problème, nous
avons eu beaucoup de difficulté à déterminer comment les fonds
seraient gérés. Nous avons fini par régler ce problème, et en fait,
nous étions l'un des bénéficiaires du règlement survenu à la suite
de la faillite de la banque Northland.
Par la suite, notre communauté a voulu construire certaines infrastructures communautaires et d'autres projets de cette nature, et il nous fallait obtenir l'assentiment du ministère des Affaires indiennes. Je crois que ça illustre les problèmes inhérents aux deniers versés aux fonds de capital et aux relations avec le ministère des Affaires indiennes sur l'administration des fonds. Les Premières nations, essentiellement, doivent quémander au ministère le droit d'utiliser ces fonds comme elles l'entendent. C'est insensé, et c'est l'une des choses qu'il faut changer, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici.
[Français]
Le président: Merci. Madame, à vous la parole.
[Traduction]
Mme Pat Big Canoe: J'ai un autre exemple au sujet des fonds perçus. Comme une somme déterminée est affectée à l'éducation, et que cette somme est plafonnée en ce moment, nous manquons d'argent dans ce secteur. Selon la Loi sur les Indiens, les fonds que nous percevons ne peuvent être affectés à l'éducation. Ainsi, lorsque vous demandez de l'argent dans une résolution au conseil de bande, vous ne pouvez pas demander de l'argent pour l'éducation même si cela profiterait à tous les étudiants tant dans la réserve qu'à l'extérieur. C'est une situation qui me vient à l'esprit et que l'on pourrait corriger si nous pouvions utiliser les fonds comme bon nous semble.
Le président: Merci.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: Mes questions porteront sur le droit des tiers. J'ai cru comprendre que selon les dispositions du projet de loi et de l'entente-cadre, vous devrez honorer les baux ayant été signés avant l'entrée en vigueur de la loi. Vous devrez donc respecter les conditions qui y sont stipulées jusqu'à la fin du bail, même si le projet de loi entre en vigueur avant cette échéance. Est-ce exact?
[Traduction]
Le chef William McCue: Oui.
[Français]
M. Claude Bachand: Les conditions qui figuraient sur les baux qui prendront fin après l'adoption du projet de loi risquent naturellement de changer puisque vous déciderez de la gestion de ces baux conformément aux dispositions de votre code foncier.
[Traduction]
Le chef William McCue: Oui, certainement.
[Français]
M. Claude Bachand: J'espère qu'il y a, dans l'entente-cadre ou dans le projet de loi, une disposition qui fait en sorte que certains tiers ne seront pas tentés de renégocier leurs baux auprès de la Couronne avant que l'entente soit conclue ou que le projet de loi soit promulgué. Si je bénéficiais d'excellentes conditions jusqu'en l'an 2010, je serais peut-être tenté de demander à la Couronne de renégocier mon bail immédiatement, quitte à ce que je paie un petit peu plus, et de le prolonger pour une durée de 50 ans. J'espère qu'il y a des dispositions dans le projet de loi ou dans l'entente-cadre qui prohibent ce type de comportement de la part des tiers.
[Traduction]
M. Patrick Orr: Puis-je répondre à cette question, monsieur Bachand? En tant qu'avocat ayant travaillé à la rédaction de l'accord, j'aurais bien aimé vous compter dans notre équipe de négociation. C'est quelque chose que nous n'avions pas prévu. Nous avions supposé que la procédure actuelle sera maintenue jusqu'à ce qu'une Première nation adopte son code foncier, et nous étions persuadés que le ministère agirait de manière à protéger les intérêts de la Première nation. Nous n'avions pas pensé que cela pourrait poser un problème, nous ne l'avions donc pas prévu.
[Français]
M. Claude Bachand: Considérez-vous qu'un amendement du Bloc québécois au projet de loi pourrait être avantageux pour vous et vous assurer une complète sécurité?
[Traduction]
M. Patrick Orr: Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Dans la plupart des cas, les relations avec les locataires sont très cordiales, et nous ne croyons que cela constitue un véritable problème. Je vous remercie de votre offre.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur McCue, je m'inquiète surtout pour votre première nation. Je ne voudrais pas être prophète de malheur, mais je crains que si le projet de loi n'était pas adopté, vous pourriez vous retrouver en mars en présence de baux échus. Pourriez-vous nous expliquer quelle procédure serait mise en branle pour faire face au renouvellement de ces baux, qui seraient toujours régis par l'ancien régime? Pourriez-vous nous décrire sommairement de quelle façon vous allez vous en tirer en mars ou avril si la Chambre n'adopte pas ce projet de loi d'ici là?
[Traduction]
Le chef William McCue: C'est une très bonne question. Je peux vous dire qu'honnêtement ne savons pas comment nous allons procéder dans le cas des chalets, parce qu'en vertu du système actuel, les terres n'ont été cédées à bail que jusqu'au 31 mars 1999. Sur le plan technique nous n'avons pas le droit de relouer ces propriétés à moins de procéder par renonciation, ce qui prendrait environ un an étant donné qu'il faudrait tenir un référendum. Pour ce qui est de notre responsabilité dans une éventuelle renégociation, nous ne pouvons garantir aux locataires le droit de s'installer sur des terres domaniales à moins qu'il existe un code foncier nous donnant le pouvoir de négocier.
Nous aurions préparé une renonciation, étant donné que les démarches exigent environ un an, mais nous avons adopté notre code foncier il y a dix-huit mois et nous étions régis par la loi auparavant, et nous pensions qu'il n'était pas nécessaire de désigner ces propriétés afin de les louer. Nous pensions que nous pourrions contrôler notre propre destiné. Malheureusement, je ne peux vous dire comment nous allons faire face à la situation le 31 mars. J'accepterai volontiers vos suggestions.
[Français]
Le président: Monsieur Orr.
[Traduction]
M. Patrick Orr: J'aimerais enchaîner sur cette question, puisque c'est quelque chose qui préoccupe tous ceux d'entre nous qui surveillent la situation à l'Île Georgina. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous souhaitons ardemment que ce projet de loi soit adopté avant Noël. Il n'y a pas d'autre solution que l'entrée en vigueur du code foncier de l'Île Georgina pour régler la question des baux. Il n'y a pas d'autre solution pratique.
Le président: Merci.
[Français]
Nous pouvons poser des questions à nos autres témoins, peut-être à M. Robert Louie ou à Mme Margaret Penasse-Mayer.
Madame Penasse-Mayer, permettez-moi de vous dire que je connais bien votre belle région de Sturgeon Falls et de Nipissing. Dans ma jeunesse, j'allais y jouer au ballon sur glace et au hockey.
Monsieur Finlay.
[Traduction]
M. John Finlay: À ma première question, je crois que vous pourrez simplement répondre par oui ou par non. Par contre, vous voudrez peut-être développer votre réponse à la deuxième.
La ministre a qualifié cette initiative d'élément sectoriel clé de l'autonomie gouvernementale. Êtes-vous de cet avis? Dans quelle mesure ce projet de loi contribue-t-il à l'autonomie gouvernementale des 14 Premières nations? La réponse peut être assez évidente; et vous n'avez pas besoin de me répéter ce que vous avez déjà dit. Croyez-vous que cette initiative est un premier pas vers une plus grande autonomie dans ces dossiers?
Le chef Margaret Penasse-Mayer: Oui, elle va donner à notre communauté plus de pouvoir sur toutes ces questions administratives. Comme vous le savez sans doute, la moitié de notre communauté est constituée de jeunes. Nous sommes conscients que nous devons vivre avec notre époque. Nous devons agir bientôt pour leur fournir des emplois valables au sein de leur communauté et dans tous les genres de secteurs liés aux terres, y compris la possibilité de se lancer en affaires dans la communauté, ce qu'ils feront sûrement selon moi.
Ce code foncier doit être assorti de lois connexes afin d'éviter la confusion et l'implantation désordonnée de commerce. Notre but à long terme est de créer une communauté entièrement organisée.
M. John Finlay: Selon la documentation que nous a fournie le ministère des Affaires indiennes et du Nord, certaines obligations fiduciaires de la Couronne vont aller en diminuant dès que les Premières nations vont commencer à exercer leur nouveau pouvoir et à assumer leurs nouvelles responsabilités en vertu de ce nouveau régime.
Quelles seront les répercussions de ce cadre ou cet accord sur les relations fiduciaires qu'entretient le gouvernement avec les Premières nations signataires? Avez-vous des réserves à ce sujet?
M. Patrick Orr: Je ne peux me prononcer que sur les aspects juridiques. Je ne pourrais pas dire s'ils ont des réserves, mais du point de vue des relations fiduciaires, comme le ministre des Affaires indiennes et du Nord veille actuellement à la gestion quotidienne de toutes les transactions relatives aux biens fonciers des Premières nations, il est possible que les décisions prises ne soient pas toujours à l'avantage de ces dernières.
Si les Premières nations assument la gestion quotidienne et l'administration de leurs ressources, le ministre aura moins de responsabilité. Il est alors évident que les obligations fiduciaires seront moindres. Les Premières nations exprimeront leur point de vue à ce sujet, mais j'estime que c'est une bonne chose, puisque ce transfert de responsabilité favorisera une gestion plus démocratique et la prise de décision en temps voulu.
M. John Finlay: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci.
[Traduction]
M. John Finlay: J'invoque le règlement, monsieur le président.
Le président: Un instant s'il vous plaît.
Monsieur Louie.
M. Robert Louie: Merci, monsieur le président. Je voulais simplement ajouter qu'il est très clair que l'un des grands principes clés du projet de loi et de l'accord-cadre, c'est que les fautes du passé ne seront pas effacées. Le gouvernement fédéral devrait continuer d'assumer ses responsabilités jusqu'à ce que ces questions soient réglées.
Comme l'a dit M. Orr, les Premières nations ici représentées comprennent fort bien qu'une fois le pouvoir de décision entre les mains des communautés des Premières nations, il n'y a plus d'obligation fiduciaire.
M. John Finlay: Merci beaucoup.
M. David Iftody: Monsieur le président, permettez-moi d'invoquer le Règlement au sujet du temps. Nous devrons nous rendre à la période de questions dans environ 45 ou 50 minutes. Mon collègue était tout excité à l'idée de s'enfiler deux bières ce soir. S'il n'arrête pas de poser des questions, sa bière sera plate et chaude.
M. John Finlay: C'est la première question que je pose depuis 9 heures, monsieur.
M. David Iftody: Nous avons deux autres témoins de l'Association des femmes autochtones et un autre groupe qui a également parcouru beaucoup de chemin pour nous rencontrer.
Nous avons abattu énormément de travail au cours des dernières heures. C'est absolument remarquable. Nous faisons de l'excellent travail, mais pour ne pas perdre de temps et pour que les autres témoins puissent présenter leur témoignage avec le moins d'interruptions possible, nous devrions peut-être passer au groupe suivant, si tout le monde est d'accord.
[Français]
Le président: Avant que nos témoins nous quittent, j'aimerais les remercier de nous avoir éclairés. Vous avez très bien représenté votre population et vous saurez très bien assurer l'avenir de votre jeunesse. Vos aînés et vos jeunes seront fiers du leadership dont vous avez fait preuve dans ce dossier et se réjouiront des résultats. Les efforts du chef Bear ont su m'impressionner; il y a des années et des années qu'il attend des résultats. Soyez assurés que nous travaillerons fort en vue de vous donner bientôt l'heure juste. d'être venus comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous souhaite un bon retour.
Je donne maintenant la parole à la représentante de la B.C. Native Women's Society, Mme Teressa Nahanee, membre exécutif, et à celle de la Native Women's Association of Canada, Mme Marilyn Buffalo, présidente.
Madame Buffalo, je vous invite à nous présenter votre déclaration d'ouverture, après quoi j'inviterai Mme Nahanee à nous présenter la sienne. Nous poserons nos questions par la suite.
[Traduction]
Mme Marilyn Buffalo (présidente, Association des femmes autochtones du Canada): Je suis désolée de ne pas parler français, mais je suis bilingue—cri et anglais.
[Français]
Le président: C'est déjà très bien.
[Traduction]
Mme Marilyn Buffalo: Merci.
En ma qualité de porte-parole officiel des femmes autochtones du Canada, je suis très heureuse de vous rencontrer aujourd'hui. Nous aurions aimé avoir un plus long préavis, mais on nous a dit hier seulement que nous venions ici aujourd'hui et je demanderais donc au comité de nous excuser de ne pas avoir eu le temps de mieux nous préparer.
Je vais demander à Teressa Nahanee, qui représente la B.C. Native Women's Association, une association membre de l'Association des femmes autochtones du Canada, de prendre la parole en premier. Je parlerai ensuite.
Merci.
Mme Teressa Nahanee (membre de l'exécutif, B.C. Native Women's Society): Bonjour. Je m'appelle Teressa Nahanee et je suis très contente de venir vous rencontrer aujourd'hui. Permettez-moi de remercier la greffière du comité de nous avoir aidées à amener devant vous la représentante de la B.C. Native Women's Society.
Je suis membre de la bande indienne Squamish, qui figure à la liste des signataires de cet accord-cadre relatif à la gestion des terres dans le projet de loi. À l'heure actuelle, j'exerce le droit à Merritt, en Colombie-Britannique. J'ai un baccalauréat en droit de l'Université d'Ottawa et une maîtrise en droit de l'Université Queen's. J'ai été adjointe législative d'un ministre des Affaires indiennes pendant deux ans, du secrétaire d'État, M. Crombie, et de Lucien Bouchard, pendant environ six mois.
Je vois que l'avocat qui représente les bandes, y compris la bande Squamish, est dans la salle aujourd'hui. Je vous signale que nous participons avec les autres bandes à une poursuite devant les tribunaux dont des audiences seront tenues les 15 et 22 décembre. Les bandes veulent intervenir dans un dossier dans lequel je suis l'un des plaignants, tout comme la B.C. Native Women's Society et Jane Gottfriedson. J'espère que mes remarques demeurent néanmoins objectives.
L'objet de la poursuite judiciaire, c'est à la fois cet accord-cadre relatif à la gestion des terres dont vous êtes saisis et la Loi sur les Indiens, qui ne protège pas les personnes mariées à des Indiens propriétaires de terres qui vivent dans des réserves indiennes.
• 1325
La B.C. Native Women's Society s'oppose à cette mesure
législative, et ce, pour trois raisons. Premièrement, elle enfreint
l'obligation fiduciaire du ministre à l'égard des femmes et des
hommes mariés à des Indiens propriétaires de terres. Deuxièmement,
elle enfreint les droits protégés par les articles 15 et 28 de la
Charte, c'est-à-dire les droits des hommes et des femmes mariées à
des Indiens propriétaires de terres, car ces personnes ne reçoivent
pas un traitement équitable en droit comparativement aux autres
personnes mariées au Canada. Enfin, la mesure législative
correspond à une délégation de la gestion des terres sous le régime
de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère au gouvernement
fédéral la responsabilité à l'égard des Indiens et des terres
réservées aux Indiens.
Nous avons examiné les mesures législatives dont vous êtes saisis et nous pouvons vous proposer un certain nombre d'amendements qui calmeraient nos inquiétudes. Je dois avouer que je suis heureuse de certains des propos qui ont été tenus avant mon témoignage, surtout pour ce qui est du code de gestion des terres proposé par la bande de Westbank.
Passons en revue la mesure législative. Je m'en tiendrai en fait à six articles. Si vous pouviez apporter des amendements à cette mesure législative, vous pourriez régler nos préoccupations en ce qui a trait à la loi sur la gestion des terres. Si cela vous va, je vais vous parler de ces six articles du projet de loi. Le premier se trouve à la page 5. J'allais mentionner un amendement à la page 4, mais le gouvernement a ajouté l'alinéa 6(1)f), qui règle certaines de nos inquiétudes.
Nous souhaiterions également que le paragraphe 6(3) soit amendé de façon a y inclure, de façon temporaire, l'application des droits visant les biens matrimoniaux qui existent dans les provinces, tant que la communauté ne se dote pas d'un code foncier qui régisse l'aliénation des biens matrimoniaux au moment du divorce. Dans le projet de loi, vous constaterez qu'il existe une période de 12 mois au cours de laquelle les Premières nations pourraient ne pas avoir de loi en raison du processus qui doit être respecté. Durant cette période de 12 mois, où aucune loi ne s'applique—il n'existe rien dans la Loi sur les Indiens, donc aucune disposition ne pourra être reportée—nous aimerions qu'un régime soit en place.
Nous l'avons dit au représentant de la ministre lorsque nous avons été consultées au sujet de ce projet de loi. Toutefois, la ministre a consulté, si j'ai bien compris, des bandes qui refusaient d'ajouter quelque mesure que ce soit pour combler cette lacune de 12 mois. Il faudrait ajouter cela au paragraphe 6(3).
Au paragraphe 12(2), nous ne sommes pas satisfaits de ce que l'approbation n'est valide que si plus de 25 p. 100 des électeurs se sont exprimés en sa faveur. Nous souhaitons que ce pourcentage soit porté à 51 p. 100, ou alors qu'il soit le même que dans les articles relatifs aux cessions de la Loi sur les Indiens. En fait, cette disposition correspond à une cession. C'est une cession du gouvernement à la bande.
Nous aimerions en outre que soit ajoutée une norme minimale à l'article 17. Vous pouvez vous inspirer du paragraphe 21(2) pour la formulation de ces normes minimales. Vous ajoutez des normes minimales en matière d'environnement, mais aucune en ce qui a trait aux droits visant les biens matrimoniaux.
Nous aimerions aussi que soit ajouté un autre article à ce sujet sur l'incorporation par renvoi. Il en a été question dans l'exposé de la bande de Westbank. Les représentants de la bande de Westbank ont mentionné la possibilité d'incorporer la loi provinciale par renvoi si les bandes ne se dotent pas de leur propre code de gestion des terres. Vous pourriez pour cela vous inspirer également du paragraphe 22(2) qui porte sur l'incorporation par renvoi.
Nous aimerions que soient ajoutées à l'article 20 des dispositions qui portent sur l'utilisation, l'occupation et la pression des terres des Premières nations, ainsi que sur la division des intérêts relatifs aux terres de Premières nations en cas de dissolution du mariage.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): De quel article s'agit-il, dans ce dernier cas?
Mme Teressa Nahanee: Il s'agit de l'article 20, à la page 11.
Mme Nancy Karetak-Lindell: L'article au complet?
Mme Teressa Nahanee: Le paragraphe 20(2).
Mme Nancy Karetak-Lindell: Pourriez-vous répéter votre proposition?
Mme Teressa Nahanee: D'accord. Ce qu'on dit dans cet article, c'est que les Premières nations peuvent prendre des textes législatifs dans certains domaines. On en donne une liste dans les alinéas a) à e), inclusivement—nous aimerions qu'on ajoute un alinéa f). Cet alinéa porterait sur l'utilisation, l'occupation et la possession des terres des Premières nations ainsi que sur la division des intérêts dans ce domaine dans le cas de dissolution du mariage.
L'article 34, à la page 19, me pose un problème. Vous pourriez demander à la ministre qui sera chargé de l'exécution de cette loi. La ministre veut se dégager de toute responsabilité quant au respect des codes par les Premières nations. Qui exécutera cette loi si la ministre ne veut pas en être responsable?
Voici ma dernière observation. À la page 21, à l'article 40, on trouve bon nombre de mesures sur les lois en matière d'environnement. Il n'y a toutefois rien au sujet des biens matrimoniaux. Ce que je souhaiterais, c'est qu'on ajoute un article qui résoudrait le manque d'uniformité des lois provinciales d'application générale. Lorsque les Premières nations se doteront d'un code sur les biens matrimoniaux, nous aimerions que cette mesure législative impose des normes minimales ou uniformise les normes provinciales.
À notre avis, les lois de la Colombie-Britannique en matière des biens matrimoniaux sont excellentes. On y établit de très bonnes normes quant aux droits mutuels des personnes mariées en cas de rupture. La loi sur la division des biens de la Colombie-Britannique est une bonne norme qui peut servir de modèle. Nous aimerions qu'une telle norme soit ajoutée à cette mesure législative.
Nous avons parlé de ces préoccupations aux représentants de la ministre et du ministère. On a effectivement ajouté deux dispositions sur les biens matrimoniaux, mais à mon avis, ces dispositions sont insuffisantes. Voilà donc les changements que nous aimerions voir apporter à cette mesure législative avant que nous puissions envisager de nous retirer de la poursuite judiciaire.
Pour ce qui est de cette poursuite, nous aurons deux audiences en décembre sur les intervenants dans ce dossier. Nous présenterons une demande d'injonction qui ne sera entendue qu'en février. Cette injonction vise à empêcher la ministre de mettre en oeuvre cette mesure législative si elle est adoptée ou quand elle le sera. Entre-temps, si les amendements que j'ai mentionnés sont apportés, la B.C. Native Women's Society et les plaignants dans ce dossier en seraient probablement satisfaits.
J'ai terminé mes remarques. Marilyn a je crois une déclaration à faire, puis nous répondrons aux questions.
[Français]
Le président: Merci, madame.
Madame Buffalo.
[Traduction]
Mme Marilyn Buffalo: Merci, monsieur le président.
Je vous signale respectueusement que je suis une grand-mère et une représentante d'une Première nation. Je suis née dans une réserve et j'y ai été élevée. Je viens d'une famille des Prairies. C'est le Traité no 6 qui s'applique à moi, un traité que j'honore et je respecte dans mon travail.
• 1335
L'Association des femmes autochtones du Canada a été fondée en
1974 en raison des problèmes auxquels les femmes étaient
confrontées dans les réserves. L'Association a été fondée afin de
résoudre les problèmes de justice sociale des femmes et des
enfants, problèmes provoqués par une loi au Canada, car comme vous
le savez, la Loi sur les Indiens est étrangère à nos sociétés, à
nos cultures et à nos langues. Plus encore, je vous signale que
cette loi se fonde sur un régime patrilinéaire imposé par les
Européens; ce régime n'est pas le nôtre. Cette Loi sur les Indiens
a donc semé le chaos dans nos communautés.
De par ma propre expérience, car j'ai été active dans ce domaine toute ma vie—mon grand-père, John Tootoosis, a été le fondateur de l'Assemblée des Premières nations et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations—je puis vous affirmer que nous connaissons nos droits et que ces droits ne sont pas souvent respectés et appliqués dans nos propres foyers.
Si je dis cela, c'est que nous célébrerons le premier anniversaire de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw. Si cette affaire est aussi importante, c'est qu'elle se fonde sur le respect du droit matrilinéaire. Les droits héréditaires traditionnels des femmes autochtones sont d'importance primordiale dans toutes les décisions prises dans ce régime de gouvernement héréditaire traditionnel.
Je vous rappelle également qu'il n'y a pas si longtemps, 13 ans à peine, le gouvernement a modifié la Loi sur les Indiens et adopté le projet de loi C-31. À cette époque, les Premières nations avaient deux ans pour se doter de codes d'adhésion. Treize années se sont écoulées et bon nombre de Premières nations ont décidé de ne pas appliquer cette loi car elles la désapprouva—c'était un mauvais projet de loi. C'est pour cette raison que l'affaire Walter Twinn plane encore sur bon nombre de têtes de nos gens au Canada. Bon nombre de Premières nations ont essayé de déposer des codes d'adhésion discriminatoires qui ne reconnaissaient pas les droits des femmes et des enfants autochtones.
Je tiens également à mentionner qu'il n'existe pas de protection unilatérale dans ces codes d'adhésion. Autrement dit, la bande peut les modifier selon son gré, et il n'y a pas de protection pour les femmes.
À cette époque, et c'est encore le cas dans bon nombre de Premières nations, il n'y avait aucune garantie. Bien sûr, il y a la Charte, mais personne n'exécute les mesures de protection. Un grand nombre de femmes autochtones, surtout celles qui viennent de bandes où il y a des ressources pétrolières, ne reçoivent encore aucune des prestations ou sommes réparties par habitant auxquelles elles ont un droit inhérent. D'après ce que nous comprenons, c'est le ministre qui est chargé de notre traité et des obligations fiduciaires à notre égard, et il ne dispose d'aucun moyen pour voir à ce que ces droits soient respectés.
Mesdames et messieurs, la Commission des droits de la personne a reçu des centaines de plaintes de femmes dont les droits n'ont pas été respectés. Et pourtant, le Canada et d'autres pays du monde célèbrent le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les femmes et les enfants autochtones, qui sont les plus pauvres des pauvres au Canada, ne se joignent pas aux célébrations, car ils ont bien peu à célébrer.
Depuis mon élection à ce poste, le 21 juin 1997, ma principale préoccupation a été d'amener la ministre et le gouvernement actuel à traiter l'Association des femmes autochtones avec dignité et respect et à commencer à nous donner de l'argent afin que nous pussions participer à cette démocratie, ou du moins à ce que vous appelez démocratie. Je trouve parfois que cette démocratie n'est qu'un autre paravent derrière lequel vous vous cachez.
Si je dis cela, c'est qu'en septembre 1997—et je le dis de façon officielle—j'ai demandé des fonds pour que l'Association des femmes autochtones du Canada puisse faire enquête et obtenir certains services juridiques car j'avais à mon bureau des pétitions individuelles et collectives qui m'avaient été présentées par 14 Premières nations. Voilà ce qui en est. Je ne suis pas venue ici pour présenter une pétition, mais plutôt avec l'appui de bien des femmes avec qui je travaille tous les jours au Canada et dont les droits ne sont pas respectés.
• 1340
La ministre a annoncé en juin 1998—encore une fois sans nous
consulter, nous l'avons lu dans les journaux—qu'elle organiserait
une enquête. Je vous signale que nous n'avons pas les moyens de
participer à de tels processus, et cette enquête n'en est qu'un
exemple. Les audiences de telles enquêtes sont tenues dans les
communautés ou dans des communautés hors réserve, et bon nombre de
nos femmes craignent de faire l'objet de mesures de représailles
chez elles si elles viennent témoigner. Elles ont peur.
J'ai demandé à la ministre et au personnel des Affaires indiennes d'établir une tribune où les femmes pourraient venir témoigner en toute confiance sans craindre de répercussions négatives dans leur communauté. Lorsque les femmes viennent témoigner dans des communautés des Premières nations, elles sont étiquetées et marginalisées. Cela s'applique à elles et à leurs enfants.
Jusqu'à présent, mesdames et messieurs, nous n'avons reçu aucun financement. J'ai reçu de nombreux coups de fil des 14 nations qui étaient représentées ici aujourd'hui, mais je n'ai pas les moyens, les ressources juridiques et l'argent pour obtenir des opinions juridiques nécessaires pour pouvoir, en toute dignité, négocier de façon éclairée avec ces chefs des Premières nations.
La consultation est donc primordiale, pas seulement sur cette question mais sur d'autres aussi.
Nous avons une résolution nationale qui a reçu l'appui de nos aînés. Je crois savoir que même en 1985, des femmes autochtones, nées et élevées dans des réserves, habitant dans des réserves et mariées à des Indiens, mais pas dans tous les cas, avaient mené une campagne active contre l'amendement au projet de loi. Cette résolution n'est pas parfaite, mais c'est encore une question de politique. Ce ne sont pas toutes les Premières nations du Canada qui sont représentées non plus à l'Assemblée des Premières nations. Et Delgamuukw lui-même—rappelez-vous qu'il y avait un être humain derrière la décision de la Cour suprême—n'est pas représenté par l'Assemblée des Premières nations.
Je respecte les pétitions, je respecte les positions, mais dans les faits, mesdames et messieurs, voilà la réalité des réserves et des collectivités qui y vivent.
Merci beaucoup. J'aurais aimé avoir autre chose à vous présenter. L'Association des femmes autochtones du Canada compte 13 organismes membres. La B.C. Native Women's Society n'est que l'un de ces organismes, mais nous appuyons son témoignage d'aujourd'hui. Si ces amendements pouvaient être apportés, si nous pouvions donner aux femmes autochtones des outils avec lesquels travailler, nous pourrions éviter tant de souffrances pour nos femmes et pour les chefs qui sont ici aujourd'hui. Merci.
[Français]
Le président: Merci, madame Buffalo, de votre témoignage de coeur. C'est vraiment important. Merci, madame Nahanee.
On passe à la période de questions. Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Merci beaucoup de vos propositions. Je suppose que vous les avez présentées également par écrit de façon à ce que nous puissions les lire plutôt que de les entendre très rapidement.
Ma question porte sur les motifs de votre injonction. On nous a dit que les baux de l'Île Georgina n'auront plus aucune valeur si cette mesure législative n'est pas adoptée. D'après votre expérience d'avocate, pourriez-vous nous dire quelle sera la situation des locataires de l'Île Georgina si votre injonction est accordée?
Mme Teressa Nahanee: Je suis désolée que notre avocate ne puisse être ici aujourd'hui. Il s'agit de Barbara Findlay de Vancouver. C'est à elle que vous devriez poser votre question, puisqu'elle est notre conseillère juridique et que c'est elle qui nous représentera au tribunal les 15 et 22 décembre.
M. Derrek Konrad: J'ai une ou deux autres questions auxquelles il vous sera plus facile de répondre.
Premièrement, je me demande qui sont les membres de l'organisation nationale. Je me demande également si vous comptez des membres dans les 14 réserves qui étaient signataires de l'accord-cadre, les réserves qui n'appuient pas l'accord-cadre.
Mme Marilyn Buffalo: L'Association des femmes autochtones du Canada représente les femmes des Premières nations, les femmes Métisses et les femmes Inuit; c'est ce qui est écrit dans notre constitution.
Nous avons 13 groupes membres. Si les Inuit en font partie—je tiens à vous l'expliquer car vous semblez connaître assez mal notre organisation—c'est qu'il y a des femmes Inuit des communautés de l'Arctique de l'Ouest qui participent à nos assemblées. Nous comptons maintenant des métisses et des gens des Premières nations, et chacune de ces organisations a des membres dans les communautés.
Dans le cas de l'Ontario, il y a probablement 75 sections locales dans un grand nombre des communautés de Premières nations. Mais pour vous répondre plus précisément, il faudrait que je leur pose la question.
Voulez-vous savoir plus précisément si nous avons une organisation membre à l'Île Georgina?
M. Derrek Konrad: Je voulais savoir si vous avez des membres dans des réserves. Je ne sais pas si vos membres sont des particuliers, ou, comme vous l'avez dit, des groupes, si vous avez des chapitres locaux au sein d'une organisation plus vaste. Quand je parle de particuliers, je parle de personnes qui ont une carte de membre. Avez-vous ce genre de membres?
Mme Marilyn Buffalo: Oui.
M. Derrek Konrad: Vous n'en connaissez pas le nombre, cependant?
Mme Marilyn Buffalo: Je le connais, mais je ne le divulgue pas toujours. C'est un peu comme si je vous demandais quel parti vous représentez et combien ce parti compte de membres.
L'Association des femmes autochtones du Canada est reconnue depuis longtemps comme l'une des cinq organisations nationales. De ces cinq organisations, l'Association des femmes autochtones du Canada est une organisation solvable, c'est la seule qui possède de l'immobilier à Ottawa et qui n'est pas en situation de déficit. Nous n'avons pas d'hypothèque. Nous représentons bien les droits des femmes, en toute dignité et en tout respect, monsieur.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, madame.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Je voudrais d'abord féliciter Mme Buffalo, qui défend si bien ses causes. J'ai eu le bonheur de la côtoyer, car on a défendu ensemble plusieurs causes autochtones. Je voudrais l'assurer que, pour ce qui de la déficience du côté du financement, je m'engage à lui donner un coup de main pour qu'on puisse permettre à ces femmes de fonctionner.
Cependant, il y a un problème important dans votre présentation, à mon point de vue. Certains groupes, que ce soit l'APN, l'Inuit Tapirisat du Canada ou les Métis, ne font pas seulement du lobbying. Ils défendent des idées générales très importantes, mais il y a une limite à ne pas franchir, et c'est celle des groupes décisionnels. En d'autres termes, dans un contexte donné, qui doit prendre la décision?
• 1350
J'ai de la difficulté face à vos présentations parce
qu'il y a
des personnes qui doivent prendre la décision.
Il y a plusieurs façons d'élire les conseils de
bande. Il y a la façon traditionnelle, qui consiste à les élire à
la majorité simple. Il y a la façon
non traditionnelle, qui est inscrite
dans la Loi sur les Indiens, mais il y a
aussi la façon traditionnelle héréditaire. Certaines
communautés peuvent le faire et c'est reconnu par le
ministère.
Cependant, ces groupes ont le dernier mot à dire sur leur avenir. L'APN ou l'Inuit Tapirisat ne peut pas se permettre de dire à n'importe quelle communauté au Canada: Vous devez suivre le mot d'ordre que je donne. C'est le problème qui se pose à nous aujourd'hui. Nous avons 14 nations représentant l'ensemble de leur membership, où les conseils de bande ont été élus en bonne et due forme, selon la démocratie. Ces gens nous disent que cela les satisfait complètement.
En contrepartie, les femmes de la Colombie-Britannique disent: Nous poursuivons d'autres intérêts et nous voulons stopper cette démarche. Vous me trouverez peut-être dur, mais c'est prendre en otage la démocratie. Je m'explique. Dans une société, il y a des gens qui sont là pour décider. Ils ont été élus pour le faire. Nous sommes aussi en contact avec plusieurs groupes de la société qui tentent de nous influencer. En dernier recours, ce sont les élus qui décident. Ce n'est pas ce que vous représentez. Vous représentez un groupe de femmes faisant un excellent travail. Cependant, lorsque vient le temps de mettre en vigueur des lois concernant des gens, c'est à eux de prendre la décision finale. Je pense que vous agissez durement quand vous les empêchez de prendre cette décision.
Votre rôle est de faire une recommandation générale. Lorsqu'on veut empêcher les gens de prendre leur dernière décision, et cela de façon légale, on bloque la démocratie.
Marilyn, j'aimerais que tu réagisses à ces propos. Je suis toujours ouvert, mais pour l'instant, c'est la façon dont je vois les choses. J'aimerais que tu essaies de me convaincre du contraire.
[Traduction]
Mme Marilyn Buffalo: Claude, vous savez que je peux me montrer très persuasive.
M. Claude Bachand: Je suis aussi très têtu.
Mme Marilyn Buffalo: C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous entendons si bien, pour autant que nous continuions à dialoguer.
M. Claude Bachand: C'est juste.
Mme Marilyn Buffalo: Je pense qu'il est important de signaler que les femmes autochtones n'ont guère eu l'occasion de s'exprimer. J'ai beaucoup voyagé. J'ai participé au Forum l'État du monde. Je me suis entretenue avec des dirigeants internationaux. Prenons l'exemple du système de réserves au Canada. Soit dit en passant, ce système a été exporté en Afrique du Sud, où on appelle les réserves les «homelands». Nous célébrons la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais l'apartheid est encore présent au Canada.
Aujourd'hui, nos chefs ont fait état des restrictions imposées à notre développement économique—il y a des restrictions sur le tourisme et bien d'autres choses dont peuvent tirer parti les autres Canadiens, mais pas nous—en raison des contraintes de la Loi sur les Indiens. Je respecte cette loi et je la connais bien. Personnellement, je viens d'une famille où l'on était dans les affaires. Parfois, le dossier des femmes autochtones ne s'inscrit pas dans le champ d'activité de nos quatre organisations parapluie. Il y a la question des Autochtones qui vivent dans les réserves et hors des réserves. Il y a aussi la double réalité de la législation provinciale et fédérale.
• 1355
Il y a un nombre sans précédent de femmes autochtones qui
quittent les réserves partout dans le pays. Plus de 60 p. 100 de
notre population vit dans ces collectivités urbaines pauvres parce
que les femmes ont été forcées de quitter leur foyer. Elles ne
jouissent d'aucune protection. Les femmes peuvent-elles compter sur
la GRC ou sur la police tribale? Vont-elles demander la protection
du chef de conseil? Ces derniers leur disent de rentrer chez elles,
là où elles sont maltraitées.
Peut-être est-ce parce qu'il n'existe pas de services dans la réserve. Il n'y a aucune protection contre la violence conjugale. Il arrive parfois qu'il n'y ait plus d'amour dans un couple et que les deux parties décident de se séparer. Quoi qu'il en soit, c'est toujours la femme et les enfants qui partent.
Lorsqu'une femme quitte la communauté autochtone et qu'elle déménage à la ville, elle est marginalisée. Elle n'a aucune source de revenu. Elle n'a aucune compétence sur le marché du travail. Il n'existe que très peu de programmes de soutien provinciaux. Dans bien des communautés des Premières nations, une fois qu'on est parti, on ne peut avoir accès aux nombreux avantages en matière d'éducation, et ainsi de suite. Chose certaine, il n'existe pas de programme de logement.
Si je mentionne toutes ces questions, Claude, c'est parce qu'elles sont inter reliées. J'essaie de vous expliquer la condition de la femme autochtone au Canada. Je ne le fais pas pour perturber qui que ce soit, pour déranger ou pour me rendre intéressante. Pas du tout. C'est la réalité. Je pourrais vous amener dans certaines maisons dans notre pays et cela vous brisera le coeur. Je vous rappelle ce qui a été dit: Qui va appliquer ces lois? Comment va-t-on s'y prendre? Comment mettre en oeuvre ces bonnes intentions si l'homme dit non. Ce n'est pas uniquement une question de sexe. Je le comprends. J'ai huit frères. Ils ont aussi vécu des séparations.
Au bout du compte, il n'y a personne pour gérer cette relation. Nous n'avons pas de service de counselling familial dans nos collectivités. Qui va imposer le versement de la pension alimentaire? Comment protéger la femme et les enfants? Qui va forcer l'homme à payer la pension alimentaire et qui va s'assurer que la famille obtient possession du domicile.
Je vous rappelle également que traditionnellement, c'était la femme qui détenait le droit de veto. Dans bien des communautés autochtones, elle dispose encore de ce droit. C'était elle qui cultivait la terre et qui décidait de quelle façon les aliments seraient distribués. Dans bien des communautés, elle décidait qui allait être avocat ou chef. Un chef qui marginaliserait les femmes ne demeurerait pas longtemps à son poste aux termes de la Lois sur les Indiens. Le système héréditaire traditionnel prévoit des freins et contrepoids. Dans les communautés, une femme dit quelque chose une fois, peut-être trois à la rigueur, et si l'on n'obtempère pas, on n'a plus qu'à partir.
C'est ainsi que les choses se passent dans le système héréditaire, et il a toujours cours. Dans ce système, les femmes et les enfants ne sont pas négligés. S'ils le sont, cela porte à conséquence. Il y a aussi un prix à payer si l'on enfreint une loi. Peu importe. Pour moi, c'est la démocratie.
Je vous remercie beaucoup.
[Français]
Le président: Merci, madame Buffalo.
Nancy.
[Traduction]
Mme Nancy Karetak-Lindell: Vous dites que les femmes n'ont pas été parties prenantes à cette consultation. Pourtant, nous avons entendu certaines femmes chefs représentant leurs communautés. Je ne pense pas que l'on puisse généraliser et dire que les femmes n'ont pas participé au processus alors que, si je ne m'abuse, nous avons entendu ici quatre chefs qui ont représenté leurs communautés. Nous avons également entendu certaines femmes membres de communautés, même si elles n'étaient pas chefs. Par conséquent, je trouve plutôt curieux que vous fassiez une telle déclaration.
• 1400
Lorsque je regarde cette entente, j'essaie de la comparer à ma
propre entente du Nunavut. Chaque fois que nous concluons une
entente qui nous donne le droit de nous administrer nous-mêmes et
de prendre des décisions au niveau communautaire—ce qui est
précisément ce que nous réclamions—d'habitude, nous prenons
toujours en compte les meilleurs intérêts de la collectivité dans
son ensemble. D'ailleurs, il y a toujours davantage d'avenues qui
s'offrent à une collectivité pour trouver des solutions
communautaires.
J'ai pris connaissance de certains critères énoncés dans l'accord-cadre, selon lesquels ces questions doivent être réglées dans un délai de 12 mois. Ne pensez-vous pas que c'est un délai suffisant pour collaborer avec la communauté pour réaliser les objectifs que vous essayez d'accomplir aujourd'hui?
En outre, Judy et moi-même avons siégé au comité sur la garde d'enfants et le droit de visite et j'y ai appris que les ruptures de couples relèvent de la Loi sur le divorce, une loi fédérale. J'essaie de comprendre comment nous en sommes venus à parler de territoires et des efforts de la collectivité pour s'autogouverner alors que c'est un domaine qui est régi par une autre loi. Je ne sais pas trop où nous en sommes.
Mme Teressa Nahanee: Premièrement, la Loi sur le divorce porte sur certains aspects de la rupture d'un mariage. Tout le reste relève de la législation provinciale. C'est donc soit la Loi fédérale sur le divorce ou la loi provinciale qui s'applique et lorsqu'il y a chevauchement, d'habitude, les tribunaux vont traiter les deux en même temps.
S'il était possible de modifier la Loi sur le divorce en ce qui a trait au droit aux biens matrimoniaux sur les réserves, cela devrait faire l'objet d'un autre type d'amendement. Cela ne relève ni de la Loi sur le divorce à l'heure actuelle ni de la Loi sur les Indiens. Idéalement, il faudrait que la ministre modifie la Loi sur les Indiens ou présente une nouvelle mesure législative pour régler le problème du droit aux biens matrimoniaux, car même si depuis 12 ans les tribunaux sont saisis de cas se rapportant à ce problème, le gouvernement n'a rien fait pour combler ce vide législatif.
Il y a un vide juridique en ce sens qu'il existe une loi qui régit les biens matrimoniaux à l'intention de tous les époux canadiens, mais il n'y a aucune loi qui s'applique à une personne qui a épousé un Indien titulaire d'une propriété sur une réserve. Aucune loi ne régit ces personnes, mais il y en a une pour tous les autres Canadiens. Il s'agit là de discrimination fondée sur la race et également d'une violation de la Charte. À cet égard, le ministre enfreint la Charte depuis 1985. Voilà en partie le problème. Au début de mon exposé, j'ai dit que le ministre contrevenait aux articles 15 et 28 de la Charte en ne présentant pas de mesures législatives pour régler le problème. Nous sommes les seuls Canadiens privés de législation à cet égard.
Pour ce qui est de la Loi sur le divorce, elle ne renferme aucune disposition qui nous protège. Quant aux diverses lois provinciales, il s'est avéré qu'elles ne s'appliquent pas aux terres appartenant à des Indiens. Nous sommes donc en présence d'un vide juridique et d'une atteinte à la Charte.
En ce qui a trait à la période de 12 mois, nous voulons simplement que le gouvernement institue un système si les bandes ne le font pas immédiatement. D'après ce que j'ai compris de l'exposé des représentants de Westbank, ils ont déjà élaboré un code relativement aux biens matrimoniaux. S'ils finalisent ce code et le font adopter par leur communauté, cela ne nous cause aucun problème.
Mais si les autres bandes concernées n'instaurent pas de mécanisme pour les 12 mois en question, nous souhaitons que le gouvernement prenne une mesure provisoire, c'est-à-dire qu'il reconnaisse que s'applique la loi provinciale dans la province où réside la bande. Je pense que cela concerne surtout la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l'Ontario. Nous craignons que le vide juridique se poursuive pendant encore 12 mois si le gouvernement n'intervient pas.
Enfin, nous avons la réputation d'être des gens qui élèvent des barrages routiers, mais en l'occurrence, ce n'est pas nous qui faisons obstacle à quoi que ce soit. Le gouvernement viole la Charte des droits et libertés relativement aux personnes mariées sur les réserves. Ces personnes ne peuvent compter sur la loi car il n'en existe pas.
• 1405
En tant que parlementaires, il vous incombe de veiller au
respect de la Charte des droits et libertés. Et dans le cadre de
votre étude de la présente mesure législative, j'espère que vous
vous acquitterez de votre responsabilité, qui consiste à déterminer
s'il y a lieu ou non d'adopter une loi qui continuera de porter
atteinte à la Charte.
Nous invoquons deux autres arguments. Le ministre a une responsabilité fiduciaire à l'égard de tous les Indiens et, en l'occurrence, des femmes qui ont épousé des Indiens sur les réserves. Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, le ministre est également responsable des Indiens et des terres réservées pour les Indiens. Le ministre sait depuis 13 ans qu'il n'existe pas de loi, depuis l'affaire Derrickson, qui a été mentionnée tout à l'heure. Le ministre sait fort bien qu'il existe un vide juridique et a refusé de le combler.
Marilyn Buffalo a rencontré la ministre actuelle pour l'entretenir de l'idée d'organiser des consultations d'un bout à l'autre du pays sur les amendements qu'il convient d'apporter à la Lois sur les Indiens. Cet entretien avec la ministre n'a pas donné grand-chose, celle-ci ne s'étant pas engagée à lancer un processus d'examen d'éventuelles modifications à la Loi sur les Indiens concernant les biens matrimoniaux.
Enfin, nous jugeons que dans la présente mesure, la ministre n'est pas allée suffisamment loin pour satisfaire nos préoccupations. Il va de soi que c'est à vous qu'il appartient de prendre une décision au sujet de cette mesure législative. Nous sommes ici uniquement pour vous dire que nous y sommes opposés sous sa forme actuelle.
Le président: Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell: J'aimerais que vous me précisiez que vous parlez uniquement de l'article concernant la rupture d'un mariage.
Mme Teressa Nahanee: L'affaire qui est devant les tribunaux et notre exposé visent uniquement les cas de rupture du mariage.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Encore une fois, j'essaie de comprendre pourquoi vous ne réclamez pas que nous modifiions la Loi sur le divorce au lieu de passer par la filière de la mesure C-49, si c'est uniquement les ruptures de mariage qui vous intéressent. À mon sens, on est en train de mélanger des pommes et des oranges. Si l'on parle strictement de rupture du mariage, je ne vois pas pourquoi vous n'essayez pas plutôt de faire modifier la Loi sur le divorce.
Mme Teressa Nahanee: Il faudra peut-être que je demande à mon avocat de vous écrire à ce sujet, mais d'après ce que je sais, on ne peut modifier la Loi sur le divorce en ce qui a trait aux terres appartenant aux Indiens. En fait, il aurait été préférable d'essayer de faire modifier la Loi sur les Indiens, ce que nous avons tenté de faire. Nous avons rédigé des propositions de modifications à la Loi sur les Indiens et nous les avons soumises à l'ancien ministre, Ron Irwin. Nous lui avons demandé d'apporter ces modifications à la Loi sur les Indiens pour régler le problème du droit aux biens matrimoniaux. Il a très bien compris le problème, mais il nous a dit que l'Assemblée des Premières nations n'approuverait peut-être pas ces modifications. Il a refusé de présenter toute modification à la Loi sur les Indiens tant qu'il n'aurait pas l'assurance de l'adhésion de l'Assemblée des Premières nations.
Par conséquent, amendée la Loi sur le divorce ne serait pas... Ce n'est sans doute pas possible et il est peu probable que cela résolve quelque problème que ce soit concernant les terres appartenant aux Indiens, qui sont régies par la Loi sur les Indiens.
Le président: Madame Buffalo.
Mme Marilyn Buffalo: Vous avez posé une question très importante au sujet de la représentation. Il est malheureux que la clause concernant l'égalité entre les sexes au Nunavut ait été rejetée dans la région du Nunavut. Je pense que cela aurait été le meilleur exemple. C'est aussi sans doute ce qui nous aurait amené le plus près d'une représentation à la fois moderne et traditionnelle pour les femmes.
• 1410
Je tiens également à signaler qu'il ne faudrait pas conclure
que parce qu'une femme est chef, elle a le pouvoir d'imposer
unilatéralement des changements législatifs. Un chef, peu importe
qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, a énormément de...
Permettez-moi de vous donner un exemple, mon chef est une femme qui
s'appelle Florence Buffalo. Aux fins du compte rendu, je précise
qu'elle est de la nation Cri de Samson. Pour ma part, je relève du
projet de loi C-31. A ce jour, depuis 1985, c'est-à-dire depuis
l'entrée en vigueur du projet de loi C-31, ni moi ni mes enfants
n'avons eu droit à quoi que ce soit à la suite de la distribution
par habitant des redevances pétrolières.
Je donne cet exemple car 14 Premières nations ont déclaré que la majorité de leurs femmes étaient propriétaires foncières. C'est formidable, mais ce n'est pas le cas de toutes les femmes. Ce n'est pas le cas pour toutes Premières nations du Canada. Supposons que d'autres Premières nations veulent y adhérer. Dans la plupart des communautés au Canada, les femmes ne sont pas propriétaires foncières.
Néanmoins, il est très difficile d'être chef. Il est aussi très difficile d'être femme et d'être un leader national en raison des lois qui, de façon inhérente, ne protègent pas les femmes et les enfants. Dans bien des cas, la mesure ne protège pas non plus les conjoints des femmes concernées. Cela touche donc les hommes tout autant que les femmes. Mais c'est difficile.
[Français]
Le président: Merci, madame Buffalo.
Madame Longfield.
[Traduction]
Mme Judi Longfield: Je serai très brève. Je m'excuse de ne pas avoir été ici au début de votre exposé, mais mon personnel m'a informé des enjeux.
Je ne négocie pas très bien avec un pistolet sur la tempe. Je n'apprécie guère qu'on me dise que si nous n'acceptons pas les amendements que vous proposez, vous aurez recours à une injonction. Mais nous y reviendrons une autre fois.
Nous avons affaire à 14 Premières nations qui souhaitent une loi qui les touchera directement. Je ne conteste pas la majeure partie de ce que vous avez au sujet des femmes et de leurs droits dans tout le pays. En fait, comme Nancy l'a mentionné, elle et moi avons travaillé étroitement sur tous les aspects du divorce, de la séparation, de la garde et du droit de visite. Je sais que c'est une situation très difficile à la fois pour les hommes et les femmes. Une rupture conjugale, ce n'est jamais facile, qu'on soit membre d'une communauté des Premières nations ou qu'on habite dans une grande ville.
Nous devons régler ce problème. D'ailleurs, vous constaterez, lorsque nous déposerons notre rapport, que nous reconnaissons la nécessité de faire une étude plus approfondie pour aider les communautés autochtones dans ce domaine. Nous sommes très sensibles à cette réalité.
Mais nous sommes saisis d'une mesure qui vise les 14 Premières nations. Comme vous l'avez fait remarqué, en démocratie, lorsque la majorité se prononce en faveur d'une initiative, les législateurs ne doivent pas prendre en compte les préoccupations de tierces parties lorsqu'elles ne sont pas étroitement reliées au dossier. Nous traitons avec 14 Premières nations qui souhaitent cette mesure et qui nous disent qu'à leur avis, elles s'inscrivent dans le respect de leurs droits.
Comment réagisez-vous à cela? Comment puis-je adhérer à votre position et lui donner préséance par rapport à celles de 14 nations qui sont à la table en tant que parties à cette entente?
Mme Teressa Nahanee: Je m'appelle Téressa Nahanee. Je suis membre de la Bande indienne de Squamish. Or, la Bande indienne de Squamish est assujettie à cette mesure. Je ne suis pas une tierce partie. Il y a dans notre société des gens qui sont membres de cette bande.
Mme Judi Longfield: Encore une fois, la démocratie ne dit-elle pas...? Il y aura toujours des gens qui ne seront pas d'accord. Nous avons l'opposition officielle. Elle n'est pas d'accord. Il y a une place pour l'opposition, mais en fin de compte, c'est la majorité qui règne, n'est-ce pas?
Mme Teressa Nahanee: Ce serait bien. C'est ainsi que ce pays fonctionne. Mais on a aussi la Charte canadienne des droits et Libertés, qui s'applique à vous et à moi. J'ai le droit, en tant que membre des Premières nations, de bénéficier de la Charte des droits et libertés tout comme vous.
• 1415
Heureusement, vous n'êtes pas mariée à un Indien qui a des
actifs immobiliers, alors vous n'avez pas à vous inquiéter de vos
droits dans ce pays. Vous n'avez pas du tout ce problème. Je ne
sais pas si vous pouvez même vous identifier au problème que nous
avons, parce que c'est nous qui avons été sujettes à la
discrimination pendant 13 ans.
La Cour suprême du Canada a prononcé deux jugements. Elle a dit que les lois provinciales ne s'appliquaient pas, et le gouvernement n'a rien fait. Quand la Cour suprême du Canada juge, en ce qui concerne les droits des autres Canadiens, que le gouvernement fédéral viole clairement ces droits, le Parlement et le ministre se précipitent pour combler ce vide, et ils créent une loi qui se conforme à la Charte des droits et libertés. Mais ils ne l'ont pas fait pour nous. Évidemment on ne nous voit pas comme des citoyens de plein droit, ni même des êtres humains de plein droit, parce qu'on est là-bas, dans les réserves. Alors, 13 ans est une très longue période pour avoir un vide dans la loi.
Alors nous sommes allés devant les tribunaux, ce qui a donné des amendements à la loi qui traite des droits portant sur les biens matrimoniaux. Sans ce litige, les droits portant sur les biens matrimoniaux n'existeraient même pas aujourd'hui. Nous avons le droit de dire que nos droits ont été violés. Comme je l'ai dit, je ne suis pas une tierce partie. J'ai le droit de parler pour ceux dont les droits ont été violés. Vous avez la responsabilité, en tant que députés, d'appuyer la Charte des droits et libertés, et je dis simplement que j'espère que c'est ce que vous allez faire.
La ministre a des responsabilités fiduciaires et des responsabilités pour les terres indiennes, et elle devrait prendre ses responsabilités, ce que clairement elle ne fait pas maintenant.
Ceci n'est pas une loi sur la démocratie, mais sur nos droits en tant que citoyens canadiens. Le fait qu'on habite sur des réserves ne veut pas dire que nous n'avons pas ces droits. On a exactement les mêmes droits que vous. C'est simplement que vous ne voulez pas nous permettre d'exercer ce droit. C'est ça que nous disons.
Mme Judi Longfield: Je ne peux pas être d'accord avec vous. Il est impossible que tout le monde soit content. J'ai déjà été du côté opposé. On a adopté des lois avec lesquelles je n'étais pas d'accord. Mais en fin de compte, la démocratie dit qu'avec 50 p. 100 plus un, on peut agir.
On a certainement beaucoup de preuves que dans le cas de ces 14 nations, elles ont la majorité et elles ont le droit légitime de demander qu'on établisse quelque chose qui les satisfait.
Laissez-moi ajouter que selon moi, vous avez raison dans le sens qu'on doit faire beaucoup plus, surtout dans le domaine des foyers conjugaux et de la division des terres, parce que comme vous le dites, vous n'êtes pas assujettis à la loi provinciale. Peut-être que quand les 14 nations prépareront leurs rapports finaux, elles décideront à tout le moins d'examiner les lois provinciales. Elles voudront peut-être manifester une attitude beaucoup plus agressive et avoir des normes encore plus élevées. À un moment donné, il revient aux personnes concernées de déterminer ces choses-là; c'est leur droit.
Je pense qu'on pourrait continuer à discuter de la chose, mais je ne veux pas qu'on s'étende indûment. Je dis clairement que rien de qui a été dit ou présenté aujourd'hui me fait penser que je ne soutiendrai pas la loi telle qu'elle est. De plus, je les encouragerais à préparer les accords bien avant la fin de la première année. Il est sans doute approprié, comme vous l'avez suggéré, qu'entre-temps ils examinent les lois provinciales, mais je ne pense pas qu'on doive l'inclure dans le projet de loi.
La présidente: Madame Buffalo.
Mme Marilyn Buffalo: Sauf votre respect, madame Longfield, il est évident que vous avez déjà pris votre décision. On ne peut vous dire que ce qu'on sait, c'est-à-dire qu'on ne protège pas nos droits. Je le sais de première main.
Il est clair que peu importe les mesures législatives dont on parle, que ce soit la Loi sur le divorce ou le logement social, la Loi sur les Indiens n'est pas la seule qui affecte les femmes autochtones dans ce pays. Nous sommes les plus pauvres parmi les pauvres. Mais n'oubliez pas qu'outre toutes ces lois il y a aussi des lois internationales, et nous avons des droits issus des traités.
• 1420
Il n'y a pas un seul territoire—sauf peut-être quelques
petits endroits—où on a négocié des traités sans donner aux femmes
autochtones leur pleine reconnaissance juridique selon les traités.
Nos traités ont été négociés de nation à nation. Les femmes
autochtones de ce pays n'ont pas le même niveau de vie que les
femmes non-autochtones. À cause de la pauvreté, les femmes
autochtones n'ont même pas le temps de se remettre d'un décès dans
la communauté avant qu'un autre ne survienne. Elles n'ont pas même
l'argent qu'il faut pour acheter ou pour faire des sandwichs pour
ceux qui viennent pleurer les morts avec elles à ces funérailles.
Dans ma communauté, et dans n'importe quelle communauté des Premières nations dans ce pays—vous avez le choix—si vous comptez le nombre de morts sur une période de deux ou trois mois, j'oserais dire que ce ne serait pas moins de 20. Et qui est dévasté en fin de compte? C'est la femme. C'est la femme qui n'a pas les moyens de subvenir à ses besoins, ses enfants se suicident, il n'y a pas d'éducation et il n'y a pas d'argent, il n'y a pas de foyer, alors où peuvent-ils aller? Ils demandent l'assistance sociale dans les villes, et les enfants ont encore moins de chance de survivre parce que la femme souffre.
Si vous voulez aider les femmes autochtones dans ce pays, si vous voulez sauver une famille, il faut former et instruire une femme autochtone et oublier le reste. À l'extérieur de la Chambre des communes, cela me fait mal de devoir implorer une autre femme canadienne de m'écouter, de m'entendre.
J'ai fini. Merci beaucoup.
[Français]
Le président: Merci, Madam Buffalo.
Nancy.
[Traduction]
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je ne crois pas que c'est ce que nous disons. Nous avons un projet de loi devant nous. Je dois aborder ces questions-là dans ma propre circonscription, et les conditions sont les mêmes dans beaucoup de communautés autochtones. Alors je ne pense pas qu'on aborde vraiment ce qui est devant nous dans le projet de loi C-49.
Avant de faire partie de ce comité je n'avais pas beaucoup d'expérience avec les questions qui touchent les Premières nations, parce que je m'occupais du Nunavut. Alors pour éclaircir les choses, pouvez-vous m'expliquer un peu? Selon moi, on se penche sur 14 collectivités seulement. Qu'est-ce qu'on va faire quand le projet de loi sera adopté et que 14 autres collectivités voudront faire le même genre d'accord? Il faudra refaire tout le processus en essayant d'inclure ces droits. Ne serait-il pas plus facile d'essayer d'apporter un amendement à la Loi sur les Indiens?
Mme Teressa Nahanee: Oui, je crois que c'est ce qu'on cherche à obtenir de la ministre des Affaires indiennes. Elle a dit à l'Assemblée des Premières nations, je crois, qu'elle tiendrait des audiences sur la modification de la Loi sur les Indiens au sujet des biens conjugaux. Mme Buffalo a rencontré la ministre à ce sujet, sans que cela ne donne de résultats concrets. En d'autres termes, il n'y a pas de projets, pas d'argent prévu pour tenir ces audiences. Il n'y a pas d'échéancier.
Ce projet de loi est tellement important parce qu'il ne s'agit pas simplement de ces 14 nations. A mon avis, et je peux fort bien me tromper, les autres Premières nations peuvent opter pour cette loi, mais lorsque c'est fait, je ne suis pas sûre qu'elles pourraient alors exercer une option de refus. Je ne sais même pas si ces 14 nations peuvent exercer une option de refus lorsqu'on aura décidé que la loi s'applique à elles. Cependant, si vous deviez adopter ce projet de loi et que n'importe laquelle des 600 bandes se prononçait en faveur de son application dans leur cas, nous voudrions donc avoir une certaine certitude inscrite dans la loi pour que toutes les autres qui décideraient d'y adhérer pendant les 20 prochaines années soient aussi soumises à cette loi. Nous espérons que cette loi protégera les droits de propriété matrimoniaux d'hommes et de femmes qui épouseraient des Indiens détenant une propriété sur une réserve. Dans ce cas, quiconque choisirait de faire appliquer cette loi à son cas jouirait aussi de tout avantage conféré par le projet de loi.
• 1425
Nous cherchons aussi à obtenir des modifications à la Loi sur
les Indiens, mais la ministre n'a pas fait d'énormes progrès pour
ce qui est de mettre sur pied un processus concernant ces
modifications.
Le président: Madame Buffalo.
Mme Marilyn Buffalo: Pour les fins du compte-rendu, je tiens à signaler qu'au mois de septembre 1997, j'ai saisi la ministre d'une proposition. Je n'ai pas encore reçu de réponse. J'ai saisi Condition féminine Canada de l'affaire, car il me semble que cet organisme s'occupe de la situation de la femme au Canada, mais toujours pas de réponse. À vrai dire, j'ai proposé à ce groupe d'étudier la question de l'égalité des sexes. Cette demande a été refusée, croyez-le ou non.
Au mois de mai de cette année j'ai fait une autre proposition. J'ai rencontré la ministre bien des fois avant cela et je ne l'ai pas rencontré depuis que ma proposition a été perdue. J'ai renvoyé une nouvelle version plus récente de ma première proposition lundi dernier. Nous avons fait tous les efforts, de notre côté, mais la discrimination se poursuit.
On me dit maintenant que l'Assemblée des Premières nations va mettre sur pied un secrétariat sur l'égalité des sexes et elle va aussi mettre sur pied une autre instance sur les femmes. Elle a adopté une résolution. Ce n'est pas cela qui va régler le problème. Peut-être que les femmes autochtones du Canada devraient adopter une résolution sur l'égalité des sexes et prévoir la présence d'un homme de service à nos réunions de conseil aussi, mais ce n'est pas cela qui va régler le problème.
En réalité, nous devons nous présenter à une assemblée où nous serons traitées avec une certaine dignité et où nos femmes n'auront pas à voyager sur le pouce pour se rendre aux réunions. Nous devons commencer à envisager les méthodes traditionnelles de gouvernement qui ne se trouvent pas visées par tout le système de la Loi sur les Indiens, ce qui nous permettra de construire quelque chose qui sera porteur d'espoir. À moins que ce gouvernement ne commence à reconnaître la voix officielle des femmes autochtones du Canada, rien ne se produira; il n'y aura aucun changement.
J'ai été active au sein du Parti libéral du Canada toute ma vie, depuis 1965, alors que j'avais 15 ans. J'ai quitté le parti parce que je ne croyais pas que les femmes du parti nous appuyaient en notre qualité de femmes autochtones. Je veux que cela se sache. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour travailler à l'intérieur du système et de concert avec le gouvernement.
Le document intitulé Rassembler nos forces comprend toute une partie où il est question du rôle des femmes autochtones dans l'exercice des pouvoirs, mais nous n'avons pas les moyens nécessaires pour mettre cette question de l'avant. Nous n'avons pas les moyens financiers pour voyager jusque chez l'enquêteur. Tandis que les organismes à majorité masculine obtiennent des millions de dollars, nous, nous n'obtenons rien. Voilà la réalité.
[Français]
Le président: Merci, madame Buffalo.
D'autres questions?
Madame Buffalo, vous faites preuve de beaucoup de courage et de fierté dans votre défense des femmes autochtones. Je sais que votre bataille n'est pas terminée. Vous parlez souvent au nom de la majorité silencieuse. Vous avez tout mon respect.
Merci beaucoup.
La séance est levée jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, dans cette salle.
La séance est levée.