AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 décembre 1997
[Français]
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Bonjour.
Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.
Aujourd'hui, nous allons communiquer en direct, par vidéoconférence, avec Yellowknife, avec des membres du Comité canadien des ressources arctiques: M. Kevin O'Reilly, directeur de recherche, qui est à Yellowknife et à qui je dis bonjour, et le professeur Nigel Bankes de la Faculté de droit de l'Université de Calgary, qui est ici à Ottawa.
Vous avez cinq minutes pour vous présenter et prononcer une introduction.
[Traduction]
Monsieur Bankes, vous pouvez commencer. Allez-y.
M. Nigel Bankes (représentant, Comité canadien des ressources arctiques): Merci, monsieur le président. Bonjour aux membres du comité.
Comme vous le savez, je suis moi-même à Ottawa aujourd'hui. Kevin O'Reilly est à Yellowknife. Il habite Yellowknife depuis 1 an. Il est directeur de la recherche au CCRA depuis deux ans et demi. Auparavant, il travaillait pour la Commission polaire du Canada et ensuite pour la nation Déné et enfin pour le Secrétariat Déné-Métis.
De mon côté, j'ai été président et vice-président du Comité canadien des ressources arctiques. Je suis aussi professeur de droit à l'Université de Calgary.
• 1540
Je ne savais pas que j'aurais seulement cinq minutes, mais je
vais vous parler cet après-midi de la position générale du CCRA au
sujet du projet de loi et vous expliquer brièvement quelques-unes
des recommandations du comité.
Le président: Si j'étais à votre place, je prendrais dix minutes.
M. Nigel Bankes: Merci.
Le CCRA est un organisme qui a pour rôle d'obtenir le règlement des revendications territoriales et d'appliquer ce règlement. Nous appuyons donc de tout coeur l'objectif général du projet de loi et je pense que si nous voulons témoigner cet après-midi c'est pour améliorer le projet de loi et faire en sorte qu'il reflète mieux les préoccupations d'intérêt public et les valeurs environnementales.
Je voudrais tout d'abord souligner que cette mesure est probablement la plus importante sur le plan de l'environnement jamais présentée en ce qui concerne cette région des Territoires du Nord-Ouest. En effet, la mesure prévoit la planification de l'utilisation des terres, un système d'autorisation pour l'utilisation des eaux et des terres, un processus d'évaluation environnementale pour cette partie des territoires et la surveillance de l'environnement. Dans l'ensemble, cette mesure représente donc, à mon avis, l'une des mesures environnementales les plus importantes, sinon la plus importante relativement à son application dans la région.
Ce que je peux faire de plus utile pour l'instant serait sans doute d'aborder le résumé de nos recommandations qui commence à la page deux de notre mémoire. Nous avons formulé dix recommandations. Elles ne sont pas dans un ordre aussi logique qu'elles auraient pu l'être, mais c'est le mieux que nous ayons pu faire vu le peu de temps dont nous disposions.
La première recommandation vise à placer le projet de loi dans un contexte plus vaste. J'ai déjà parlé des considérations environnementales générales, mais comme le comité le sait très bien, cette mesure est l'une parmi plusieurs relatives à l'application des règlements de revendications territoriales que la Chambre et votre comité auront à examiner au cours des années à venir.
En outre, le gouvernement du Canada accuse du retard pour ce qui est de respecter ses engagements constitutionnels à propos des diverses revendications territoriales dans le Grand Nord. Une chose que nous voulons faire aujourd'hui c'est donc de demander pourquoi il y a eu tellement de retard jusqu'ici. La méthode utilisée par les ministères pour appliquer les lois relatives aux règlements de revendications territoriales est-il aussi efficace qu'il pourrait l'être? C'est là-dessus que porte notre première recommandation.
La deuxième consiste à inviter le comité à examiner les divers objectifs ou dispositions proposées dans ce projet de loi. Ces objectifs ne se trouvent pas tous au même endroit dans la mesure législative. Il y en a un peu partout dans différentes parties du projet de loi même s'il est clair que, dans l'ensemble, le projet de loi vise à appliquer un système de gestion intégrée des ressources. Il regroupe la gestion des eaux et la gestion des terres. J'imagine que c'est un objectif que nous appuyons, mais nous voulons savoir s'il y a une portée suffisante.
Par exemple, si vous jetez un coup d'oeil à l'article 58 du projet de loi, vous constaterez qu'il s'agit d'une disposition générale à la partie 3 du projet de loi qui porte sur les règlements relatifs aux terres et aux eaux. Ce que nous nous demandons, c'est si cet énoncé général va assez loin.
• 1545
Vu qu'il s'agit d'une mesure environnementale des années 90,
ne trouvez-vous pas étonnant que cet article ne parle pas du
principe de précaution, ni de la durabilité des ressources, ni du
bon état de l'écosystème, alors qu'on pourrait s'attendre à ce
qu'une mesure environnementale comme celle-ci parle de tout cela.
Le projet de loi parle des habitants de la Vallée du Mackenzie,
mais pas des générations à venir. Selon nous, il vise uniquement la
situation actuelle.
En outre, et je passe maintenant à la troisième recommandation, si vous jetez un coup d'oeil à l'article 107, dans la partie du projet de loi qui porte sur la création d'un Office général de la Vallée du Mackenzie, vous verrez que l'on mentionne l'importance de la consultation et la nécessité d'éviter le double emploi. Nous considérons ces choses comme importantes, mais ce n'est pas suffisant en soi. Il faut aussi songer à la consultation et à la coordination si l'on veut bien protéger les écosystèmes de la Vallée du Mackenzie.
Quant à notre quatrième recommandation, et je répète qu'elles ne sont pas vraiment dans l'ordre, elle porte sur la question de procédure et sur la méthode utilisée ici. Nous savons que le projet de loi a été négocié ligne par ligne et article par article avec les représentants des habitants du Sahtu et des Gwich'in. Notre organisme appuie énergiquement une telle participation des Premières nations à la rédaction des lois d'application. Par ailleurs, le projet de loi est aussi une mesure d'intérêt public et le ministère n'a pas consulté les ONG d'aussi près que les Premières Nations. Je vous rappelle, par exemple le processus de consultation utilisé par le gouvernement du Canada avant la rédaction de la loi canadienne sur l'évaluation environnementale, pour laquelle il avait longuement consulté et financé les organismes qui s'intéressaient à cette mesure. Il me semble que le gouvernement n'a rien fait de tel pour cette mesure-ci.
En guise de cinquième recommandation, nous avons des questions à poser au sujet du fonctionnement des offices qui seront créés. Les offices jouent un rôle très important dans cette mesure. Apparemment, ils feront énormément de travail, sans doute pour remplacer ou compléter le travail des ministères d'exécution. Si c'est vrai, il faudrait être certain que les offices obtiendront des ressources suffisantes.
Je sais que, à cet égard, nous sommes entièrement du même avis que l'industrie minière du Canada, ce qui est assez inusité pour nous.
Selon nous, il importe que les offices aient accès à un personnel suffisant et nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi leur donnera ce personnel. Le financement annuel de ces offices reste beaucoup trop à la discrétion du ministre. Dans notre mémoire, nous faisons une comparaison entre cette mesure-ci et les lois qui ont créé les offices de gestion des ressources sous-marines de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse et qui constituent d'après nous un meilleur modèle pour le gouvernement.
Sixièmement, relativement à la loi canadienne sur l'évaluation environnementale, le principe fondamental du projet de loi veut que la LCEE ne s'appliquera pas dans la région visée par la mesure. Autrement dit, sauf pour quelques exceptions décrites dans le projet de loi, la LCEE ne s'appliquera pas dans la région. Pourtant, la LCEE a permis d'établir un ensemble de normes pour les évaluations environnementales dans les secteurs relevant du gouvernement fédéral au Canada.
D'après nous, si nous examinons le projet de loi, et nous ne l'avons pas analysé ligne par ligne, il y a certains cas où les normes de la LCEE sont affaiblies dans la mesure. Nous en donnons quelques exemples dans notre mémoire. Tout d'abord, certaines définitions du projet de loi ont une portée moindre que celles de la LCEE. Selon nous, le projet de loi réduit énormément le rôle du public. C'était l'un des objectifs les plus importants de la LCEE, mais le projet de loi à l'étude affaiblit sensiblement le rôle du public.
• 1550
Pouvez-vous nous dire, si en vertu de cette mesure législative
la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'appliquera
pas, pourquoi accorde-t-on si peu d'importance au rôle du public?
Pourquoi n'y prévoit-on pas le financement de groupes d'intérêt
public comme le fait dans la LCEE? Pourquoi le système de registres
publics prévu dans le projet de loi n'est-il pas aussi détaillé que
celui qui est prévu dans la LCEE?
La question suivante a trait au même domaine; elle porte sur les mécanismes qui déclencheront l'application de la loi sur l'évaluation. Une telle loi peut bien être la meilleure au monde, mais il s'agit de savoir quels mécanismes déclencheront la procédure d'évaluation. La disposition-clé du projet de loi est l'article 124 où l'on mentionne ce qu'on appelle dans la LCEE les dispositions législatives et réglementaires désignées. À mon avis, cette liste doit être étudiée de très près par votre comité, comme on l'avait d'ailleurs fait pour la liste prévue dans la LCEE.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Les deux textes législatifs les plus importants à l'égard des ressources des Territoires du Nord-Ouest sont le Règlement sur l'exploitation minière au Canada et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Si vous étudiez la liste des lois et des textes réglementaires prévue dans ce projet de loi, vous verrez qu'on n'y fait aucune mention d'une disposition quelconque de la Loi fédérale sur les hydrocarbures ou du Règlement sur l'exploitation minière au Canada.
Je signale dans notre mémoire que ce n'est pas le seul problème. L'exploitation minière ainsi que l'exploitation gazière et pétrolière permettront toujours de déclencher l'application de la LCEE. Je me demande simplement si les mesures prévues dans le projet de loi permettront tout de même d'assurer que tous les projets qui pourraient avoir un impact marqué sur l'environnement déclencheront la procédure d'évaluation.
La huitième recommandation porte sur le contrôle. Nous appuyons ce concept. Nous aimons beaucoup l'idée de l'apprentissage par l'action. Nous appuyons aussi le principe de la gestion adaptée que l'on propose en ce qui a trait au projet BHP. Nous nous demandons cependant pourquoi le concept du contrôle n'est-il pas mieux présenté? Pourquoi les ministères pourront-ils toujours décider si le contrôle sera effectué par un organisme hiérarchique ou par un organisme indépendant?
Le problème existe depuis qu'on a négocié les revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu. Pourquoi le dossier n'est-il pas plus avancé? Tout au moins, à ce chapitre les choses n'ont pas vraiment changé. Nous sommes très heureux du travail effectué par l'organisme de contrôle qui a été établi pour le projet BHP. Nous croyons qu'il serait bon de s'inspirer de ce modèle.
Les deux dernières recommandations portent sur les rapports qui existent entre ce projet de loi en tant que mesure visant à assurer la mise en oeuvre du Règlement des revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu et le règlement d'autres revendications ailleurs dans les Territoires du Nord-Ouest. À mon avis, il faut noter qu'il existe une très grande différence entre cette région des Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Au Yukon, il existe une entente-cadre finale. Toutes les Premières nations n'ont pas signé des ententes finales, mais il est quand même possible de dire que l'adoption de ce projet de loi par le gouvernement du Canada permet d'assurer la mise en oeuvre des règlements de toutes les revendications territoriales touchant le Yukon.
Dans le sud des Territoires du Nord-Ouest la situation est tout à fait différente. Le Canada peut élaborer ces structures pour les Gwich'in et le Sahtu dans le cadre du règlement de ces revendications territoriales; cependant, ça ne veut pas dire que cela vaut pour le reste des Territoires.
• 1555
Notre groupe cherche à obtenir le règlement juste et équitable
des revendications territoriales. Il faut se demander si ce projet
de loi présentera un obstacle au Règlement des revendications
Dogrib, des Deh Cho et des Métis.
De plus, la définition de la Vallée du Mackenzie dans ce projet de loi est tout à fait artificielle. Il ne s'agit pas du bassin hydrographique du Mackenzie. Cette zone exclut la région Inuvialuit, par exemple, mais inclut les bassins hydrographiques qui ne se déversent pas dans le réseau fluvial du Mackenzie, comme celui de Coppermine. Le bassin de Coppermine est caractérisé par son propre réseau d'évacuation.
Ainsi les Inuit du Nunavut s'intéressent beaucoup à ce bassin hydrographique. Il fait partie du bassin où se trouve le projet BHP. Ainsi quand on me signale dans un projet de loi qu'il y aura consultation des Premières nations, il est bon de noter que «Premières nations» n'inclut pas les Inuit ou les gens d'Inuvialuit. C'est pourquoi nous demandons dans notre mémoire si les dispositions du projet de loi qui portent sur la consultation sont adéquates compte tenu le fait que les intérêts des Inuit du Nunavut, des gens du NTI et d'Inuvialuit ne seraient pas représentés.
J'ai pris plus de temps que je n'aurais dû le faire.
[Français]
Le président: C'était très intéressant.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Bankes.
[Français]
Je m'excuse, mais nous avons toujours des imprévus à la Chambre des communes. Il y a des projets de loi spéciaux et nous allons devoir aller voter tout à l'heure. Vers 16 h 15, la sonnette va se déclencher et vers 16 h 30, ce sera le moment de voter.
Nous allons quand même entreprendre le premier tour de questions. M. McNally sera suivi de M. Bachand, de M. Keddy et de M. Patry.
[Traduction]
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier de votre exposé, monsieur Bankes. J'aimerais vous poser quelques questions.
Croyez-vous que cette mesure législative puisse être efficace et utile? Vous avez mentionné le grand nombre d'offices. Croyez-vous que si le projet de loi était adopté tel quel, il pourrait être appliqué.
M. Nigel Bankes: Cette mesure législative pourrait être efficace, dans la mesure où ces offices disposent des ressources financières nécessaires pour vraiment faire leur travail.
M. Grant McNally: Vous nous avez demandé de réfléchir à un certain nombre de questions. Nous sommes probablement au point où nous voulons qu'on nous soumette des recommandations pratiques ou des suggestions pour apporter des modifications. À votre avis, quelles seraient les deux modifications les plus importantes à apporter à ce projet de loi?
M. Nigel Bankes: J'hésite vraiment à proposer des modifications, parce que je crois qu'il importe que les Gwich'in et les résidents du Sahtu participent à ce processus en tant que Premières nations dont on essaie de régler les revendications territoriales.
Je dis simplement que diverses dispositions du projet de loi méritent une plus grande attention parce qu'elles doivent tenir compte des valeurs associées à l'écosystème. L'article 58 ne fait même pas mention du terme «environnement». C'est important parce qu'il existe une très bonne définition de ce terme dans le projet de loi, mais elle ne figure pas dans l'article 58.
[Français]
Le président: Je sais que M. O'Reilly est à Yellowknife et je ne veux pas l'oublier. Si vous voulez intervenir, monsieur O'Reilly, faites-moi signe et je vous donnerai la parole. Avez-vous quelque chose à déclarer à ce moment-ci?
[Traduction]
M. Kevin O'Reilly (directeur de la recherche, Comité canadien des ressources arctiques): Oui.
Vous devriez entre autres choses chercher à vous assurer que ce projet de loi soit compatible avec les dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale au chapitre de l'aide financière aux participants. Les mécanismes de déclenchement devraient être les mêmes que ceux qui sont prévus dans la LCEE: de plus, la liste des lois et textes réglementaires devrait être la même que la liste des dispositions législatives et réglementaires désignée. Il importe donc d'étudier de très près cette question afin d'assurer la compatibilité entre ces deux mesures.
• 1600
Certaines de ces choses ne sont peut-être pas du ressort de
votre comité, mais il faudrait peut-être alors demander au MAINC de
veiller à ce qu'un groupe représentant les divers groupes d'intérêt
participe à l'élaboration des règlements afin de s'assurer que ces
derniers sont compatibles avec les résultats déjà acquis dans la
Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le président, je m'excuse de mon retard. Je voudrais d'abord savoir si MM. O'Reilly et Bankes font une présentation simultanée. Est-ce que c'était prévu comme cela?
Le président: Oui.
M. Claude Bachand: Très bien.
Le président: Il n'y a pas d'excuse. On sait que vous avez beaucoup de travail et que vous êtes toujours à l'heure.
M. Claude Bachand: Merci. J'imagine que si je pose mes questions, les deux intervenants pourront y répondre.
Le président: Oui, monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Très bien. Je m'excuse de mon retard. Je sais que nous avons un horaire chargé, mais j'ai raté le début de votre présentation. J'en ai capté quand même la partie qui semble constituer le noeud du litige dans le projet de loi C-6.
Vous avez dit, monsieur Bankes, que «this bill might inhibit future land claims». Je voudrais savoir si vous êtes d'accord pour que le projet de loi C-6 s'applique uniquement aux régions qui ont déjà négocié des ententes de revendications territoriales. Vous savez lesquelles. Ce sont celles des Gwich'in et du Sahtu, qui ont déjà négocié des ententes de revendications territoriales. Est-ce que votre position serait que le projet de loi ne s'applique justement qu'à ces régions qui ont négocié une entente de revendications territoriales?
[Traduction]
M. Nigel Bankes: Il m'est très difficile de répondre à cette question. Je sais que le comité a déjà entendu des représentants des Métis, des Dogrib et des Deh Cho et que ces derniers ont critiqué certains aspects du projet de loi. Si votre comité conclut que cette mesure législative rendra le règlement des revendications territoriales plus difficile, il faudrait à ce moment-là que cette mesure ne s'applique pas à la région sud des Territoires du Nord-Ouest. En d'autres termes, il faudrait essayer de faciliter le règlement des revendications territoriales et non pas de le rendre plus difficile.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand, le vote se tiendra dans 14 minutes.
M. Claude Bachand: Ce sera très court. Si jamais le comité retenait que la loi doit s'appliquer seulement aux régions du Sahtu et des Gwich'in, on s'entendrait pour qu'il y ait un double régime de gestion des eaux et des terres dans la vallée du Mackenzie, même si la vallée comme telle est décrite comme étant un peu artificielle. Effectivement, ce n'est pas tout le bassin hydrographique qui est compris. Cela voudrait dire qu'il y aurait un double régime: un pour les régions du Sahtu et des Gwich'in d'un côté, et l'ancienne loi qui continuerait de s'appliquer pour les autres. Donc, il y aurait un double régime. Cela ne vous pas de problèmes en tant qu'environnementaliste?
[Traduction]
M. Nigel Bankes: Il est clair qu'il existe un problème. Nous assistons à la création d'une série de régimes différents dans le Nord. Je crois que c'est un des prix qu'il faut payer pour avoir une approche pluraliste des règlements des revendications territoriales.
Nous avons également dix provinces au Canada, qui ont des normes différentes en matière d'environnement; nous essayons de composer avec tout cela en établissant des normes nationales et en confiant le domaine au gouvernement fédéral.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bachand. Monsieur Patry.
[Traduction]
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président.
Puisque le temps file, je ne poserai que trois petites questions. Tout d'abord, le CCRA appuie-t-il la création d'un office d'examen des répercussions environnementales qui soit en mesure de coordonner son évaluation et ses examens avec cet office ainsi qu'avec d'autres territoires et provinces?
M. Nigel Bankes: Nous appuyons le principe d'évaluations à base de collaboration.
M. Bernard Patry: Très bien.
• 1605
De plus, le CCRA appuierait-il l'Office d'examen des
répercussions environnementales s'il proposait un budget au
ministre visant à obtenir une aide financière pour les
participants?
M. Nigel Bankes: Nous appuyons la notion d'aide financière aux participants, en effet.
M. Bernard Patry: D'accord. Une dernière question. Le CCRA est-il favorable à l'approche du projet de loi qui consiste à ce que soit des gens du Nord qui soient les membres de l'Office d'examen des répercussions environnementales et de sa commission d'examen?
M. Nigel Bankes: Oui.
M. Bernard Patry: C'est tout, monsieur le président.
[Français]
Le président: Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je voudrais savoir si vous revenez ici après le vote.
[Traduction]
M. Bernard Patry: J'aimerais préciser aux députés que nous allons voter sur le projet de loi C-24, qui concerne les postes. Ensuite, le comité plénier siégera et il risque alors d'y avoir un vote à tout moment. Aucun timbre n'a retenti pour un vote au comité plénier. Nous votons dans la Chambre. Cela veut dire qu'il est peu probable que nous ayons l'occasion de revenir.
[Français]
Le président: Très bien, une dernière intervention.
[Traduction]
M. Gerald Keddy: J'aurais une question précise à vous poser sur le sens d'une expression qui figure dans votre texte. Vous proposez que la loi contienne des modalités de déclenchement d'une évaluation.
M. Nigel Bankes: En effet.
M. Gerald Keddy: La sonnerie du timbre m'empêche de me concentrer. Cependant, vous parlez de mécanismes de déclenchement du processus d'évaluation environnementale en vous appuyant sur l'exemple du jalonnement...
M. Nigel Bankes: Oui.
M. Gerald Keddy: À ce sujet, vous dites:
-
Certains droits minéraux peuvent être soustraits au jalonnement par
le gouverneur en conseil au terme de l'article 19 de la Loi sur les
terres territoriales et des paragraphes 11(d) et (f) du Règlement
sur l'exploitation minière au Canada. Ces choses peuvent se
produire pour diverses raisons, notamment des raisons ayant trait
à l'environnement.
Puis, vous ajoutez que, selon vous, toute décision de permettre à nouveau le jalonnement de ces terres...
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Puis-je poser une question? Je ne veux pas rater le vote.
M. Gerald Keddy: ...devrait déclencher une évaluation environnementale, puis vous dites souhaiter qu'un mécanisme déclencheur soit intégré à la loi actuelle.
Cependant, le jalonnement d'un terrain peut être suspendu du fait que la Couronne y poursuit des activités d'exploration comme le carottage. Ce que vous proposez pourrait s'appliquer pour une zone où on souhaiterait empêcher le jalonnement à cause d'un environnement fragile. Cependant, si on ferme une zone au jalonnement précisément pour pouvoir y effectuer des recherches minières plus approfondies, alors pourquoi faudrait-il faire une évaluation environnementale avant le jalonnement? Ce serait mettre la charrue avant les boeufs.
M. Nigel Bankes: J'accepte ce que vous dites dans le cas précis de cet exemple, mais je pense à certaines situations où le territoire a été soustrait au jalonnement pour des raisons environnementales. Avant de permettre le jalonnement dans une telle zone, une évaluation s'impose.
[Français]
Le président: Un instant, s'il vous plaît. Monsieur Patry.
[Traduction]
M. Bernard Patry: Nous venons de constater que nous pouvons revenir par la suite, puisque le vote en comité plénier aura lieu à 18 h 30. Ainsi, si le comité le souhaite, nous pourrons revenir pour entendre nos témoins.
M. John Bryden: Combien de minutes nous reste-t-il?
M. Bernard Patry: Il reste huit minutes et demie.
[Français]
Le président: La séance est suspendue jusqu'à notre retour.
Le président: Nous reprenons notre séance sur le projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.
Nous sommes en présence de M. McNally, M. Finlay, M. Bankes et M. O'Reilly à Yellowknife. Nous nous excusons de cette interruption auprès de M. O'Reilly qui s'est vraiment montré patient. Nous allons commencer immédiatement.
Monsieur McNally.
[Traduction]
M. Grant McNally: Je dispose de combien de minutes? Vingt?
Le président: Une heure.
Des voix: Oh, oh.
M. Grant McNally: Une heure, mais c'est merveilleux!
Le président: Vous avez dix minutes.
M. Grant McNally: J'aimerais mettre une partie de ce temps en réserve pour un autre jour.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Si vous prenez une heure, je prendrai une demi-heure.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Non, prenez vos dix minutes. Ensuite, M. Finlay aura dix minutes.
M. Grant McNally: Il ne me faudra probablement pas beaucoup de temps. Je vais vous poser la même question que celle que j'ai posée à votre collègue. Vous avez répondu brièvement avant notre départ pour le vote.
Nous sollicitons des recommandations précises pour améliorer la mesure législative. Selon vous, quels changements précis rendraient la mesure plus efficace?
M. Kevin O'Reilly: Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que nous devons veiller à la cohérence avec ce qui existe déjà. Je pense tout particulièrement à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et à la réglementation qui y correspond.
Il me semble que le projet de loi doit comporter une garantie quelconque d'aide financière aux participants. La mesure ne contient rien à ce sujet et il ne me semble pas opportun de laisser aux offices le soin de négocier chaque fois que l'on tiendra des audiences publiques. Il me semble que c'est important.
Nigel a déjà proposé qu'on intègre au projet de loi des objectifs en matière de durabilité, de protection de l'environnement, d'intégrité écologique, etc. Il me semble que ce serait assez facile à faire dans ces cas.
Je recommanderais également cependant que le MAINC soit tenu d'élaborer la réglementation en appliquant un processus plus compréhensif. Elle pourrait peut-être être élaborée par un groupe représentant divers intérêts. Le ministère de l'Environnement a adopté une démarche semblable pour élaborer la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Un processus du genre n'aurait donc rien de nouveau. Nous voulons nous assurer qu'il soit équitable.
M. Grant McNally: D'accord.
J'aimerais également connaître votre opinion au sujet de l'Office d'examen des répercussions environnementales et des autres offices créés par le projet de loi C-6. Leur êtes-vous favorable, ou estimez-vous qu'ils ne sont pas assez bien définis? J'aimerais connaître votre avis là-dessus.
M. Kevin O'Reilly: La mesure à l'étude vise à mettre en oeuvre les revendications territoriales et comme Nigel l'a dit, nous y sommes très favorables. Nous approuvons l'idée de cogestion, à savoir que les personnes visées par des décisions en matière de gestion des ressources participent à la prise de décisions. Nous sommes certainement favorables à l'idée de rapprocher la prise de décisions des gens du Nord. Comme habitant du Nord, je suis tout à fait pour.
Je crois qu'il faut bien veiller à ce que le régime prévu soit compatible avec les solutions que pourront négocier les groupes de la région sud de la Vallée du Mackenzie dans le cadre de leurs revendications territoriales.
M. Grant McNally: Bien. Je vais céder la parole à M. Finlay.
Le président: Monsieur Finlay, je vous en prie.
M. John Finlay: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous les deux de votre patience.
Monsieur Bankes, je suis membre du CCRA depuis fort longtemps et j'en suis un adepte. Je crois donc comprendre assez bien quels sont vos objectifs, et vous nous les avez d'ailleurs exposés. Il est tout de même intéressant de noter que vos propositions visant à améliorer le projet de loi sont essentiellement aux antipodes de celles des témoins que nous avons entendus cet après-midi, à savoir les représentants de la Northwest Power Corporation et de la Northwest Territory Chamber of Mines.
Les membres du comité vont avoir à faire des choix et ces choix ne vont évidemment pas satisfaire tout le monde.
Au cours de notre échange, vous avez demandé si la mesure n'allait pas nuire au règlement des revendications territoriales, et ce après nous avoir déclaré que le CCRA se souciait d'assurer un règlement équitable de celles-ci.
Notre comité se soucie d'un règlement équitable des revendications territoriales. J'estime en outre que c'est un souci que partage le gouvernement du Canada. Je me demande si vous ne pourriez pas nous en dire davantage... Vous vous demandez si la mesure risque de nuire. Vous ne faites pas une telle hypothèse sans avoir certaines idées en tête. Estimez-vous vraiment que l'adoption du projet de loi va nuire aux revendications territoriales? N'aurait-elle pas l'effet d'en accélérer le règlement? Nous avons rencontré des représentants des Deh Cho, et j'ai trouvé qu'ils avaient de la peine à répondre à certaines des questions que je leur ai posées. Je leur ai demandé par exemple ce qu'était un gouvernement populaire.
Il me semble que ce projet de loi permettrait d'accélérer la procédure des revendications territoriales puisqu'il servirait de modèle montrant ce que deux groupes autochtones ont accepté pour protéger leurs terres et leurs ressources. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Nigel Bankes: Je commencerais par ce que vous avez dit à propos de la position diamétralement opposée de l'industrie minière et de la compagnie d'électricité. C'est vrai, dans une certaine mesure mais il y a aussi quelques points communs. Nous voulons tous que ces futurs Offices soient efficaces, nantis des ressources nécessaires et que la loi contienne des dispositions le garantissant. Sur ce point, il y a accord entre nous.
Vous m'avez demandé d'une manière plus générale si cette loi nuira au règlement des revendications ou l'accélérera. Nous faisons preuve d'une extrême prudence sur ce point dans notre mémoire car c'est à votre comité de répondre à cette question. Si vous concluez que cette mesure lui nuira, certaines décisions devront être prises. Je ne pense pas être en mesure de dire si cette loi nuira au règlement de la revendication des Deh Cho, des Dogrib et des Métis. Tout ce que je peux faire, c'est poser certaines questions.
Je crois, par contre, pouvoir définir ce qu'est un règlement juste. Pour en arriver à un règlement juste il ne faut pas que les deux négociateurs s'assoient à la table avec toutes sortes de positions déjà arrêtées.
Cette loi deviendra une position arrêtée dans le processus de négociation pour les Deh Cho et les Dogrib et pourtant dans le cadre de leur règlement ils n'ont pas consenti à la création de cette structure.
• 1710
Dans mes remarques j'ai fait la distinction entre ce que je
considère être la situation dans les Territoires du Nord-Ouest et
celle dans le Yukon où les négociations se déroulent dans le cadre
d'une entente globale. Dans le cas présent, nous avons cette loi
qui établit un cadre qui n'a pas fait l'objet de négociations avec
les groupes du Sud, donc sans leur consentement. Nous savons
également qu'un accord global de principe a été négocié avec les
Métis et les Dénés des Territoires du Nord-Ouest. Malgré que les
négociations n'aient pas abouti voilà que cet accord refait
surface. Il se transforme en un gabarit général qui structure les
négociations.
M. John Finlay: Monsieur O'Reilly, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Kevin O'Reilly: Certainement. J'aurais un ou deux commentaires à faire. Vous avez déjà entendu les représentants des Dogrib et aussi ceux de la communauté de Deline qui participent à des négociations d'autonomie politique. Ils vous ont dit comment ce projet de loi pourrait être modifié de façon à le rendre plus acceptable pour les groupes qui négocient des revendications globales ou l'autonomie politique. Je crois qu'ils vous ont fait quelques suggestions raisonnables dont vous devriez tenir compte.
M. John Finlay: Je suis tout à fait d'accord car je ne conclus pas des propositions des Dogrib, des Deline ou des Deh Cho qu'ils s'opposent à la création de ces offices de gestion des terres et des eaux ou d'une manière générale à la gestion des ressources dans la vallée. Il me semble que leur opposition est plus viscérale, d'un côté et plus ésotérique de l'autre. C'est la manière dont nous nous adressons à eux et les droits innés qu'ils revendiquent. C'est à ce niveau que se situe le problème. Il ne s'agit pas de savoir s'ils devraient ou non être membres de ces offices de gestion des terres ou des eaux, ou si ces offices devraient avoir un véritable droit de regard sur leurs terres, leur environnement et tout ce qui est nécessaire à leur mode de vie. Cela ne leur pose absolument aucun problème.
Je ne pense donc pas que nous soyons diamétralement opposés. Je suggère simplement que si cet accord marche pour les Gwich'in et les résidents du Sahtu, il est possible qu'il encourage les revendications territoriales plutôt qu'il ne les décourage. Les points qui les découragent ne figurent pas dans l'accord. Et il y a dans cet accord, selon ce que j'en comprends—je suis certain que vous les avez lues—des clauses de dérogation prévenant toute incidence sur les revendications territoriales.
Je ne suis pas naïf au point de penser qu'une fois toutes ces choses en place et ces Offices en fonction il n'y aura pas quelques retombées, parce que tout le monde veillera au grain. Mais nous n'avons pas le choix, ou bien nous procédons ainsi pour faire avancer les choses, ou bien il nous faudra encore 20 ou 30 ans.
Vous dites qu'il y a des points communs entre vous et les exploitants miniers représentés à ces Offices puisque vous voulez qu'ils aient les ressources suffisantes pour faire le travail. Je suis d'accord. Mais sous-tendant les recommandations des compagnies minières et de la compagnie d'électricité, je vois l'obstacle auquel nous nous heurtons en permanence quand nous parlons de durabilité, d'environnement et d'écosystèmes: nous voulons une réponse simple, pas plus de deux lignes, nous voulons des certitudes et si nous faisons des erreurs, nous ne voulons pas en payer le prix. Si nous faisons des erreurs, c'est votre erreur, l'erreur de l'ACEE, l'erreur du gouvernement ou l'erreur du ministère. Ils n'avaient pas prévu d'incidence sur le poisson ou sur telle ou telle autre chose. Nous ne voulons pas payer pour ça. Je tiens à leur dire que le principe de prudence que vous avez mentionné a inspiré tout ce projet de loi.
Vous dites qu'il y a une bonne définition de l'environnement dans ce projet de loi mais qu'elle ne figure pas là où elle le devrait. Pouvez-vous me dire où vous préféreriez qu'elle figure? Je ne voudrais certainement pas le rater. «Il y a une bonne définition de l'environnement dans cette loi mais elle ne figure pas à l'article 58.» Où est-elle?
M. Nigel Bankes: Elle figure à l'article 2, l'article des définitions et autres dispositions interprétatives de la loi, et je crois qu'elle reproduit mot pour mot celle figurant dans la LCEE. Mais pour la rendre opérationnelle, il faudrait que ces termes soient utilisés à plusieurs endroits dans la loi. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils figurent à l'article 58, qui énonce les responsabilités et les objectifs des Offices. On aurait pu s'attendre à ce qu'un de leurs objectifs soit la protection de l'environnement telle qu'elle est définie dans ce projet de loi, mais il n'en est pas question.
Cette définition est donc bonne, mais il faudrait qu'elle figure dans le dispositif du projet de loi.
M. John Finlay: Il faut que cela soit répété. Je me ferais un plaisir de proposer un tel amendement, monsieur Bankes, car je pense que c'est d'une très grande importance.
Vous avez parlé d'une autre chose chère à mon coeur, et c'est l'aide financière aux participants. J'ai déposé un projet de loi d'initiative parlementaire sur cette question pendant la dernière session. Ma comparaison entre la LCEE et la LGRVM me montre que dans les deux, l'aide financière aux participants est prévue. Ce n'est peut-être pas aussi évident que nous pourrions le souhaiter, mais quand la LCEE se fixe comme objectif à l'alinéa 4(d) «de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer...», ce projet de loi parle quant à lui à l'alinéa 114(c) «de veiller à ce qu'il soit tenu compte, dans le cadre du processus, des préoccupations des autochtones et du public en général.»
À propos d'examen préalable, il parle de consultation du public par l'autorité fédérale, si elle l'estime nécessaire. C'est le paragraphe 18(3) de la LCEE. Le paragraphe 22(1), quant à lui, dit qu'il faut «favoriser l'accès du public au rapport», rendre le rapport «accessible au public», et que n'importe qui peut présenter des observations à l'agence.
L'article 125 de ce projet de loi prévoit que lors des examens préalables, l'autorité responsable doit consulter le public avant de prendre sa décision. Que le projet soit approuvé ou soumis à une évaluation, l'Office de gestion des terres et des eaux doit consulter les ministères, les communautés concernées et les Premières nations. L'article 128 stipule ensuite que l'Office doit consulter le public avant de recommander l'approbation ou un complément de consultation.
Je reconnais qu'en vertu de l'alinéa 58(1)(i) de la LCEE, le ministre peut «créer un fonds de participation afin de favoriser la participation du public aux médiations et aux évaluations par une commission d'examen». Ce projet de loi prévoit que le ministre traitera le financement des participants au cas-par-cas et que des crédits spéciaux du budget de la commission d'examen y seront affectés.
Cela ne va peut-être pas aussi loin que ce «Fonds de participation», mais cette possibilité existe si le ministre estime que le public n'a pas été suffisamment consulté. À votre avis, est-ce suffisant ou devrait-on aller plus loin?
M. Nigel Bankes: La position adoptée dans notre mémoire—aux pages 11 et 12... Il est vrai que ce projet de loi parle de la participation du public. Il n'est pas complètement silencieux sur ce point. Je ne veux pas me répéter, mais ces références à la participation du public, quand on les considère, sont passives. «Les Offices doivent tenir compte»... ce genre de choses. Cela ne signifie pas que le public a le droit de participer et que le public a droit à un financement qui lui permette de rendre sa participation efficace—je crois que la LCEE est plus généreuse.
Je crois que c'est la différence au niveau des techniques de rédaction: il y en a une qui est passive—c'est-à-dire celle de ce projet de loi—et la LCEE qui est plus active et qui accorde des droits, y compris le financement des participants, au public.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Finlay. Je m'excuse, mais M. McNally a été patient.
Monsieur O'Reilly.
[Traduction]
M. Kevin O'Reilly: Merci.
Je n'ai pas tout entendu, mais je crois également, M. Finlay, que vous devriez jeter un coup d'oeil sur l'article 134 du projet de loi. Il expose un certain nombre de principes à suivre pour mener ces études d'impact, l'équivalent des commissions d'examen de la LCEE. En vérité, il n'y a rien au sujet de l'aide financière aux participants.
L'alinéa 134(1)e) parle de consultation ou d'enquête publique, mais il n'est pas question d'un fonds de participation permanent comme dans la LCEE. Il a peut-être fallu de longues discussions et de rudes batailles pour que ce fonds de participation soit créé. Le montant, par contre, n'en est pas fixé, mais le fait que cette initiative figure dans la loi donne un sentiment de confort supérieur à celui que donne ce projet de loi.
Je crois qu'il est important de comprendre également que le financement pouvant être dégagé pour les examens menés dans le cadre de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie est en réalité lié au financement de mise en oeuvre qui sera mis à la disposition des seuls résidents du Sahtu et Gwich'in pour leurs revendications. Que se passera-t-il si une commission doit examiner un problème extérieur au dossier de revendications? Je suppose qu'ils pourront faire une demande spéciale au ministère, mais je crois qu'il serait beaucoup plus efficace d'inscrire ce droit dans la loi.
Le président: Merci, monsieur O'Reilly. Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.
Monsieur Bankes, vous parliez tout à l'heure de l'efficacité des Offices et de ce qu'il leur faudrait pour être efficaces. Vous avez aussi parlé, en réponse à une question de M. Finlay, de la notion de participation du public par opposition à celle des Offices. Quels genres de mécanismes voudriez-vous introduire dans cette procédure pour régler ces problèmes?
Ma question s'adresse aussi à Kevin O'Reilly.
Le président: Vous pouvez peut-être répondre à cette question, monsieur O'Reilly.
M. Kevin O'Reilly: Je vais laisser Nigel répondre mais, aux pages 11 et 12 de notre mémoire, nous faisons quelques suggestions pour améliorer les dispositions de participation du public et pour les aligner sur ce qui existe déjà dans la LCEE.
Nigel, vous voulez peut-être aussi ajouter quelque chose.
M. Nigel Bankes: À la page 4, nous parlons spécifiquement de certaines dispositions qui devraient permettre au public de participer, et ce n'est malheureusement pas le cas. Ces dispositions font référence, par exemple, aux Premières nations ou aux Sahtu et aux Gwich'in, mais pas d'une manière générale ou publique. Ces dispositions visant les résidents du Sahtu et les Gwich'in ont tout à fait leur place, bien entendu, mais cette loi crée des institutions publiques et la fonction de ces Offices intéresse également le public.
M. Grant McNally: D'accord.
M. Kevin O'Reilly: Je vous signale également que parallèlement à l'étude de ce projet de loi, se poursuit un débat national sur l'harmonisation. Voilà un cas où un ministère fédéral qui ne veut pas respecter les normes établies dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Certains pourraient se demander si cette harmonisation s'applique vraiment même au sein de la grande famille fédérale.
M. Grant McNally: Je suppose que la composition des commissions, le fait qu'on y trouve des représentants des Premières nations de la région, et aussi les autres nominations—ces gens sont nommés par le gouvernement et représentent, dans les faits, le ministère des Affaires indiennes et du Nord dans ce domaine. Je ne sais pas si c'est un des éléments dont vous traitez dans la reddition de comptes, mais j'ai l'impression que vous vous interrogez sur la responsabilité de ces commissions et sur les décisions qu'elles prennent avec la participation du public. Comment interprétez-vous cet aspect de la responsabilité dans les décisions de la commission, ainsi que les recours que peuvent utiliser les particuliers ou les groupes qui s'opposent aux décisions de ces commissions?
M. Nigel Bankes: Le CCRA appuie les régimes de cogestion, ainsi que la participation d'un représentant des Premières nations au sein de ces commissions, parce qu'ils connaissent le terrain et qu'ils possèdent des connaissances traditionnelles en matière d'environnement.
La responsabilité peut fonctionner à divers niveaux. Il y a bien sûr la responsabilité juridique, puisque ce projet de loi permet un examen judiciaire. Pour ce qui est de la responsabilité générale au niveau politique, nous croyons que des rapports pourraient être déposés, non seulement auprès du ministre, mais aussi auprès du Parlement. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale contient des dispositions exigeant le dépôt de rapports auprès du Parlement; il n'y a pas de dispositions semblables dans ce projet de loi, du moins pas dans la même mesure. Le Parlement a des fonctions dont il doit s'acquitter dans ce domaine et il peut le faire, entre autres, grâce aux rapports qui lui sont présentés.
M. Grant McNally: Vous préconisez donc un régime un peu plus ouvert, une distribution plus générale des renseignements...
M. Nigel Bankes: Oui. Et cela serait conforme aux dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
M. Grant McNally: Merci.
Le président: Merci, monsieur McNally.
[Français]
Monsieur Finlay, est-ce qu'on peut s'entendre pour terminer d'ici 15 à 20 minutes?
M. John Finlay: Oui, monsieur.
[Traduction]
Vous avez parlé d'évaluation environnementale et vous avez mentionné les mesures législatives dont on trouve la liste dans ce projet de loi et dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'ai fait une petite recherche, et il semble que vous vous êtes peut-être trompé. Ni le Règlement sur l'exploitation minière au Canada ni la Loi fédérale sur les hydrocarbures ne semblent faire partie de la liste de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ces mesures confèrent des droits exclusifs d'exploration dans une zone, mais ils n'autorisent pas une entreprise à faire usage des terres ou de l'eau. L'entreprise doit obtenir des permis d'aménagement sous le régime du projet de loi C-6 pour avoir accès au sol. Ce sont ces demandes qui déclencheront le processus d'examen ou d'évaluation environnementale, si j'ai bien compris. C'est bien le cas, n'est-ce pas?
M. Nigel Bankes: Oui. Dans nos observations générales sur la partie précédente, nous avons indiqué que certaines normes étaient différentes, mais nous ne prétendons pas, dans cette partie-ci du mémoire, que les mécanismes de déclenchement sont d'un niveau moindre que dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
On nous a demandé si les mesures énoncées dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale étaient suffisantes. N'est-il pas remarquable qu'aucune des dispositions du Règlement sur l'exploitation minière au Canada ou de la Loi fédérale sur les hydrocarbures n'exige d'évaluation environnementale?
Dans le cas du pétrole et du gaz, vous pourrez dire, avec raison sans doute, que la Loi sur les opérations pétrolières au Canada contient tous les mécanismes de déclenchement dont nous avons besoin. Je ne suis pas certain qu'on puisse en dire autant du secteur de l'exploitation minière.
Permettez-moi de vous donner un exemple précis, un cas pour lequel il conviendrait peut-être de revoir le Règlement sur l'exploitation minière au Canada. J'en ai discuté avec M. Keddy. On peut se demander s'il ne conviendrait pas d'y ajouter un mécanisme de déclenchement, en sus de ceux qui existent déjà sous le régime du Règlement sur l'utilisation des terres territoriales, des autres règlements sur l'utilisation des terres et du régime de demande de permis d'utilisation des eaux.
• 1730
Je voudrais que notre argument soit bien clair. Nous ne
voulons pas qu'il y ait une évaluation environnementale chaque fois
que quelqu'un jalonne un claim. Nous croyons toutefois qu'il
faudrait ajouter aux Règlements sur l'exploitation minière au
Canada des dispositions supplémentaires qui pourraient déclencher
un tel examen. Par exemple, il y a le cas des dispositions de
retrait.
M. John Finlay: Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous dites que les mécanismes de déclenchement dans cette mesure ne sont pas d'un niveau inférieur à ceux de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Mais vous dites ensuite qu'il faudrait peut-être revoir la Loi sur l'exploitation minière, la Loi fédérale sur les hydrocarbures et un grand nombre des règlements pris par le ministre des Ressources naturelles en matière d'environnement.
C'est ce que j'ai fait pendant deux ans au Comité de l'environnement. Tout le monde disait que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale était merveilleuse, mais le gouvernement qui l'a présentée n'a même pas réussi à la faire adopter à la Chambre des communes et il a dû s'y reprendre par la suite. Après toutes les difficultés que nous avons eues avec la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, je suis très heureux que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale semble avoir certains effets.
Lorsque nous l'avons adoptée, je n'étais pas certains que cette disposition allait assez loin. Je suis certain que nous aurions pu améliorer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, mais, comme vous le savez peut-être, il y a eu des luttes acharnées à ce sujet.
Comme le premier ministre l'a dit à la Chambre aujourd'hui, nous sommes les spécialistes du compromis. C'est sans doute ce qui a préservé notre unité nationale pendant 150 ans. C'est le seul moyen que nous aurons de continuer à le faire pendant les 150 prochaines années.
Votre position ne me pose pas de problème. Vous vous orientez vers l'avenir. J'aimerais bien en faire autant, mais je dois être réaliste. À titre de législateur, nous devons établir un équilibre dans tout cela.
Nous ne pourrons certes pas donner carte blanche aux exploitants miniers, pas plus qu'aux écologistes. Si nous pouvons donner aux Autochtones le sentiment qu'ils ont leur mot à dire quant aux ressources et aux terres que nous sommes prêts à leur donner, nous aurons alors beaucoup fait pour mettre en valeur le Nord.
Je voulais dire à la blague à M. Alvarez cet après-midi que si les gens ne veulent pas investir dans les Territoires du Nord-Ouest parce qu'il y a trop de revendications territoriales non réglées, d'examens, de commissions et de comités, ces investisseurs pourraient se tourner vers Terre-Neuve. On y trouve également beaucoup de pierres et, là-bas, nombreux sont les pêcheurs sans emploi qui seraient heureux de travailler dans une mine, dans les bois ou ailleurs. Les exigences dans cette province ne sont peut-être pas aussi complexes que dans ce cas-ci.
Je tiens à remercier nos deux témoins, car ils ont ajouté une dimension nouvelle aux travaux du comité. Je vous remercie d'avoir été aussi précis. Nous vous en savons gré.
[Français]
Le président: Monsieur McNally, vous avez terminé?
J'invite MM. Bankes et O'Reilly à nous dire quelques mots en conclusion. Je vous accorde deux minutes chacun.
[Traduction]
M. Nigel Bankes: Je ne crois pas, monsieur le président, si ce n'est pour vous remercier de nous avoir entendus aujourd'hui. C'est un peu réduit, mais nous comprenons les circonstances. Nous espérons que notre mémoire vous sera utile.
[Français]
Le président: Monsieur O'Reilly.
[Traduction]
M. Kevin O'Reilly: Merci au comité de nous avoir entendus aujourd'hui. Nous avons proposé des changements concrets qui peuvent être apportés au projet de loi. Plus important encore, cependant, certains changements peuvent être apportés au processus qui nous a amenés à étudier ce projet de loi. Les mêmes problèmes de consultation et de participation dans la rédaction se présenteront de nouveau sans aucun doute.
Il est important que le comité envisage d'orienter le ministère des Affaires indiennes et du Nord de façon à ce qu'il mette en place un processus plus inclusif qui permette de réunir les gens pour discuter du projet de loi et des règlements à venir, surtout dans le cas de ce projet de loi-ci.
• 1735
J'estime qu'il est possible d'améliorer la procédure de
consultation. Nous avons dit dans notre mémoire qu'il existe des
modèles pour cela, dont celui utilisé dans le cas de la Loi
canadienne sur l'évaluation environnementale. Pour l'étude de ce
projet de loi, on avait créé un comité consultatif de la
réglementation qui réunissait les intervenants de divers milieux
pour en arriver à un consensus quant aux règlements qui seraient
adoptés en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation
environnementale.
Un tel procédé pourrait s'appliquer également dans ce cas-ci. Nous voulons nous assurer que les résidents du Shatu, les Gwich'in et les autres Premières nations, de même que les Métis, participent au processus et aient leur mot à dire sur l'issue. Il y va de l'intérêt général que nous adoptions une meilleure formule pour effectuer ce genre de choses à l'avenir.
Merci.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier de leur excellent travail tous nos interprètes, nos attachés de recherche, les préposés à la vidéo, nos commis, nos messagers, notre greffière et le ministère des Affaires indiennes. Je vous remercie. Nous ajournons jusqu'à notre prochaine séance qui aura lieu demain à 15 h 30, en direct avec Yellowknife.
La séance est levée.