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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 mars 2022

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 11e séance du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
    Aujourd'hui, le Comité poursuivra son étude des projets d'approvisionnement en défense aérienne et de la Stratégie nationale de construction navale. Le Comité étudiera chaque étude séparément. Pour établir la distinction entre les études, nous avons invité chaque témoin à faire deux déclarations.
     Je rappelle aux témoins qu'ils sont chacun invités à faire une déclaration de trois minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Au cours de la première heure, le Comité étudiera les projets d'approvisionnement en défense aérienne. Chaque témoin fera une déclaration préliminaire au début de la première heure, après quoi nous passerons aux questions. Au cours de la deuxième heure, le Comité étudiera la Stratégie nationale de construction navale, et les mêmes témoins feront une autre déclaration préliminaire au début de la deuxième heure. Le reste du temps sera consacré aux questions des députés.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Des députés sont présents en personne dans la salle et d'autres sont à distance par Zoom.
    En ce qui concerne la liste d'intervention, le greffier du Comité et moi ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne. Je souhaite profiter de l'occasion pour rappeler à tous les participants à cette réunion que les captures d'écran et les photos d'écran ne sont pas permises.
    Comme la situation de pandémie se poursuit, à la lumière des recommandations des autorités de santé publique, ainsi que de la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021 visant à assurer la santé et la sécurité de tout le monde, nous allons devoir respecter un certain nombre de dispositions. Toute personne présentant des symptômes doit participer par Zoom et ne pas assister à la réunion sur place. Dans la salle, tout le monde doit respecter une distance physique de deux mètres, que l'on soit assis ou debout. Tout le monde doit porter un masque non médical pour circuler dans la pièce, et il est fortement recommandé que les membres portent leur masque en tout temps, même quand ils sont assis. Des masques non médicaux, qui nous permettent de vous entendre plus clairement que les masques en tissu, sont disponibles dans la salle. Toutes les personnes présentes doivent maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant pour les mains situé à l'entrée de la salle. Les salles de comité sont nettoyées avant et après chaque séance. À cette fin, nous vous encourageons à nettoyer les surfaces telles que les bureaux, les chaises et les microphones avec les lingettes désinfectantes qui vous sont fournies lorsque vous quittez la salle ou que vous vous asseyez à votre place.
    En tant que président, j'appliquerai ces mesures pendant toute la durée de la séance, et je remercie d'avance les membres de leur coopération.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins que j'invite à faire leur première déclaration liminaire.
    Nous allons commencer par M. Leuprecht.

[Français]

    Je vais intervenir dans les deux langues officielles.

[Traduction]

    Je ferai mes remarques en anglais.
    Ma déclaration liminaire sur l'approvisionnement en matière de défense va mettre en lumière la myriade de règles inutilement rigides qui favorisent beaucoup trop la transparence et la reddition de comptes plutôt que de permettre que les militaires obtiennent le matériel dont ils ont besoin. Il convient de faire un compromis entre les effets — soit obtenir pour les troupes les infrastructures et le matériel dont elles ont besoin — et la transparence nécessaire pour gérer le risque du processus d'approvisionnement, pour exercer un contrôle politique et pour éviter qu'un soumissionnaire lésé ne crie à l'injustice.
    En l'absence d'un nouvel apport important de fonds et sans perspective immédiate d'augmentation des effectifs, le Parlement et le gouvernement doivent envisager sérieusement de réduire les procédures exceptionnellement rigides qui entravent les processus d'approvisionnement et de dotation. Deux remèdes sont possibles: soit engager plus de personnel et injecter plus de fonds, soit simplifier des procédures qui exigent beaucoup de temps et de ressources humaines.
    Le gouvernement libéral de M. Chrétien et le gouvernement conservateur de M. Harper ont tous deux tenté de s'attaquer aux obstacles bureaucratiques, mais les équipes de lutte contre la paperasserie se sont enlisées dans les formalités administratives et n'ont jamais rien accompli.
    Les FAC comptent 25 bases, escadres et stations un peu partout au pays. Elles possèdent le parc immobilier le plus important du gouvernement du Canada, avec 10 millions de mètres carrés d'espaces, 21 000 bâtiments, 2,2 millions d'hectares de terrain et 13 500 infrastructures dont des routes, des réseaux d'égouts et ainsi de suite. En raison du manque persistant de personnel et de ressources financières, le risque d'échec est omniprésent. Cela étant, le MDN réagit aux crises qui entraînent une augmentation exponentielle des coûts par rapport à ce qu'il en aurait coûté pour effectuer un entretien proactif si le ministère avait reçu les fonds nécessaires.
    Toutes ces contraintes sont imposées par les organismes centraux, souvent à la demande du Parlement. Lors du dernier exercice, le MDN a reversé 1,2 milliard de dollars de son budget global, soit environ 5 %. Voilà qui est indicatif du décalage entre le financement et les procédures. Autrement dit, une augmentation du financement ne réglera pas nécessairement les problèmes d'approvisionnement des FAC.
    Ce comité devrait étudier en détail les exigences strictes en matière d'approvisionnement qui sont imposées au MDN et aux FAC, cela afin de voir comment les simplifier et les harmoniser de sorte que les procédures d'affectation des fonds soient mieux adaptées aux effets que recherchent le Parlement et le gouvernement.
    Le Comité pourrait également envisager d'autres modèles d'approvisionnement, comme le fait de compter sur un ministre de l'industrie de la défense dévoué, à l'instar de l'Australie, pour que le secteur bénéficie d'une plus grande attention et d'une meilleure expertise politiques. Le niveau d'attention n'est pas le même pour un seul ministre responsable du plus grand employeur organisationnel au Canada et qui administre environ le quart des dépenses directes du gouvernement fédéral.
    Et puis, le Comité devrait examiner d'autres modèles d'approvisionnement, comme l'approche suisse consistant à voter une enveloppe budgétaire pour la défense sur une question particulière, à cet effet particulier. Ensuite, le Suisses s'en remettent à la Défense et aux procédures du gouvernement pour décider des résultats à obtenir avec cette enveloppe.
    Merci.

  (1550)  

    Merci, monsieur Leuprecht.
    Nous allons passer à M. Perry.
     Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour parler de certains des mécanismes d'approvisionnements en matière de défense aérienne du Canada.
    Je tiens d'abord à souligner que nous avons réalisé des progrès appréciables dernièrement dans plusieurs de ces domaines. Pas plus tard qu'hier, et pour la deuxième fois en 12 ans, nous avons annoncé l'achat du F‑35. J'espère que, cette fois‑ci, cette annonce sera suivie d'effets, soit par l'achat du nouveau chasseur.
    Au‑delà de cela, et dans le cadre d'autres projets liés aux engins aériens téléguidés, aux aéronefs de surveillance, et aux avions d'avitaillement en vol et de transport, certains de nos achats ont pris de l'ampleur. J'espère que les déclarations publiques de la ministre de la Défense nationale au sujet de la modernisation de la défense continentale, dont elle dit qu'elle commencera sous peu, déboucheront sur des améliorations pour notre défense aérienne, à condition que ce plan soit conduit à terme.
    Toutes ces initiatives devraient renforcer notre défense dans son ensemble, mais je crois qu'elles pourraient bénéficier de trois améliorations, soit d'une plus grande priorité accordée à l'approvisionnement de défense, d'une augmentation de la capacité de notre système d'approvisionnement et d'une approche plus rigoureuse en matière d'établissement des échéanciers.
    Compte tenu de la complexité de l'approvisionnement de défense et de la nécessité pour le gouvernement de concilier une multitude d'objectifs concurrents, les approvisionnements se feront plus rapidement quand les gouvernements se soucieront clairement de la rapidité avec laquelle les matériels sont livrés et qu'ils en feront leur grande priorité. Chaque fois que ces conditions ont été réalisées, d'importants achats ont été faits rapidement, comme pour l'achat des avions de transport et de l'équipement lors de la guerre en Afghanistan, à la fin des années 2000. En l'absence de priorités claires de la part du premier ministre et du Cabinet, de la fonction publique et de l'armée, les projets avanceront plus lentement. À l'heure actuelle, il ne semble pas que l'approvisionnement soit une priorité essentielle du gouvernement du Canada.
    La capacité du système d'approvisionnement doit également être mieux calibrée en fonction du nombre de projets d'approvisionnement que le Canada poursuit actuellement. L'effectif consacré aux approvisionnements a été réduit à l'occasion d'un examen de programme dans les années 1990 et n'a jamais été entièrement rétabli. Par exemple, l'effectif du Groupe des matériels du MDN ne représente qu'un peu plus de la moitié de ce qu'il était à la fin des années 1990, même s'il gère à peu près les mêmes budgets qu'à l'époque, après rajustement en fonction de l'inflation. Ce décalage entre la capacité et la charge de travail sera un facteur limitatif de taille dans toute tentative d'accélération du rythme des projets d'acquisition en défense aérienne ou d'augmentation des dépenses de défense, y compris par la modernisation de la défense continentale.
    Enfin, nos efforts en matière d'approvisionnement pourraient être renforcés par l'amélioration de la rigueur avec laquelle les calendriers des projets d'approvisionnement de défense sont établis. Trop souvent, on semble se contenter de décider d'acheter un nouveau matériel à telle date pour ensuite procéder à rebours, sans tenir compte de la mesure dans laquelle le plan est réalisable dans le délai imparti. Ne pas tenir compte des dimensions du risque et de la complexité d'un projet, ainsi que du temps qu'il faut pour le mener à bien, revient à se condamner à ne pas pouvoir respecter les engagements dès le départ et à quasiment garantir que les budgets seront érodés par l'effet de l'inflation dans le temps.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Perry.
    Nous passons maintenant à M. Williams qui a trois minutes.
     Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici pour vous parler de ces questions.
    J'aimerais d'abord faire un commentaire sur la tragédie qui se déroule actuellement en Ukraine. Nous avons l'obligation morale d'agir et de faire notre part pour lutter contre la violence qui sévit là‑bas. Selon toute vraisemblance, nous nous retrouverons dans des situations semblables à celle‑ci, ailleurs dans le monde. Si nous voulons faire notre part, nous ne pouvons pas continuer à gaspiller notre temps et nos ressources en raison de pratiques d'approvisionnement odieuses, dont on peut constater l'effet dans nos tentatives d'acquisition de nouveaux chasseurs et de nouveaux navires.
    Je propose de vous parler un peu de la façon de régler le problème de l'approvisionnement de défense, puis je ferai quelques commentaires sur la décision récente d'acquérir le F‑35.
    Depuis plus d'une décennie, je défends ardemment la nécessité d'établir un seul point de responsabilité. M. Leuprecht en a d'ailleurs parlé. Tout cela est fort simple: il y a un chevauchement et un dédoublement excessifs entre le rôle du ministre de la Défense nationale et celui du ministre de Services publics et Approvisionnement Canada. Tant que l'approvisionnement en matière de défense ne sera pas la responsabilité d'un seul ministère, elle ne sera jamais aussi efficiente et efficace qu'elle le devrait.
    De tous ses proches alliés, le Canada est le seul pays où le système de responsabilités est éparpillé. Aux États-Unis, le secrétaire de la Défense est responsable de l'approvisionnement militaire. Au Royaume-Uni, cette responsabilité incombe au secrétaire d'État à la Défense. En Australie, l'approvisionnement en matière de défense est sous l'autorité de la Defence Materiel Organisation, relevant du ministre de la Défense.
    En décembre 2019, j'étais sûr que le gouvernement donnerait enfin suite à cette recommandation. À l'époque, les lettres de mandat des ministres de la Défense nationale et de Services publics et Approvisionnement Canada comprenaient une directive visant à présenter des options pour la création d'une nouvelle entité unique: Approvisionnement de défense Canada. Malheureusement, mes espoirs ont été anéantis lorsque, en décembre 2021, les lettres de mandat de ces deux ministères ne faisaient plus référence à cette question.
    Je reconnais que le fait de corriger ce problème de gouvernance ne réglera pas tous les problèmes d'approvisionnement, mais il s'agit d'une première étape nécessaire. Les avantages de créer un organisme unique d'approvisionnement va au‑delà du renforcement de l'obligation de rendre compte. Premièrement, le processus sera également simplifié. Actuellement, le processus avance seulement aussi vite que le permet l'organisation la plus lente. De nombreux mois peuvent ainsi être perdus en raison de présentations et d'approbation entre de multiples organisations.
    Deuxièmement, l'élimination des frais généraux et de la duplication des fonctions par la fusion des ressources de SPAC et du MDN permettra de réaliser des économies. Ces économies peuvent contribuer à atténuer les répercussions des importantes réductions de personnel survenues au cours des deux dernières décennies.
    Troisièmement, tant qu'un seul ministre ne sera pas investi de la responsabilité globale de l'approvisionnement en matière de défense, il sera difficile, voire impossible, de mettre en place des mesures de rendement à l'échelle du système.
    En parlant des mesures de rendement, Peter Drucker, le célèbre gourou de la gestion, a affirmé: « Toute administration, qu'elle soit à la tête d'une entreprise ou d'un pays, s'embourbe dans la médiocrité et les mauvais rendements si elle n'est pas clairement responsable des résultats. » Sans mesures de rendement ouvertes à un examen public, le rendement souffre. Nous avons besoin d'indicateurs qui, au minimum, mesurent les coûts et la ponctualité. Si les coûts augmentent, qu'est‑ce qui le justifie? Si des retards surviennent, à quelles étapes du processus y a‑t‑il des goulots d'étranglement? Il est impossible d'apporter des améliorations si nous n'avons pas une compréhension claire de l'origine des problèmes.
    Enfin, nous avons besoin d'un plan d'immobilisations ayant les caractéristiques suivantes. Tout d'abord, il doit s'agir d'un plan à long terme dont le coût est entièrement calculé. Le Plan d'investissement de la Défense du MDN est une tentative faible et inadéquate de remplir ce besoin. Sa granularité est insuffisante pour qu'il soit efficace. La débâcle des coûts des NCSC en est la preuve. Contrairement au Plan d'investissement de la Défense, les coûts du cycle de vie complet de chaque projet doivent être présentés pour une période de plus de 30 ans et schématisés afin de représenter les fonds disponibles projetés année par année.
    Ensuite, le plan doit être approuvé par le Cabinet. L'approbation du Cabinet rend plus difficile pour les gouvernements de modifier les priorités à des fins de politiques partisanes.
    Puis, le plan doit être rendu public. Les avantages d'un plan public seraient considérables. Du point de vue de l'information publique, tous les Canadiens auraient une meilleure compréhension des sommes dépensées et de la manière dont elles le sont. Les comités parlementaires pourraient plus facilement assurer un contrôle rigoureux de ces dépenses qui représentent des milliards de dollars.
    Enfin, en sachant que ce plan a moins de risque d'être modifié, les fournisseurs potentiels prendront plus facilement les mesures nécessaires pour se positionner de manière optimale afin de concourir au moment opportun.
    Et puis, j'entretiens des réserves au sujet de l'annonce récente...

  (1555)  

    Excusez-moi. Désolé de vous interrompre, monsieur Williams.
    Nous allons malheureusement manquer de temps; peut-être pourriez-vous inclure ce que vous essayez de dire dans certaines de vos réponses.
    Oui. Merci.
    Commençons notre première série de questions.
    Monsieur Paul‑Hus, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'être avec nous.
    Ma première question concerne la nouvelle que nous avons apprise hier au sujet de la présélection du F‑35. Ce que nous avons compris, c'est que le F‑35 n'a pas vraiment été choisi officiellement et qu'il doit encore y avoir ce que le gouvernement appelle des « dialogues ». On dit qu'il pourrait y avoir jusqu'à sept mois de « dialogues » avec Lockheed Martin.
    Monsieur Williams, de votre côté, quelle est votre compréhension de ce que sont ces « dialogues »?

  (1600)  

[Traduction]

     En fait, j'allais dire que j'ai deux sujets d'inquiétude majeurs au sujet de cette annonce.
    Premièrement, il ne suffit pas de dire que c'est un investissement de 19 milliards de dollars. Il est important que le Comité sache s'il s'agit du coût d'acquisition ou du coût de soutien à long terme, du coût de maintenance à long terme. Il n'est pas rare qu'on nous présente des estimations incroyablement faibles, qui, en fait, induisent les comités parlementaires et la population en erreur.
    Deuxièmement, à dire vrai, j'ai été tout à fait stupéfait d'apprendre que les négociations prendront au moins sept mois. En général, quand on lance un appel d'offres, toutes les conditions et modalités sont précisées dans la proposition, et pour faire une offre, il faut les remplir toutes. Sept mois, c'est terriblement long, et ce genre d'information m'inquiète.
    Je rappelle que l'achat du Cormorant a pris plus de trois mois. L'achat de l'hélicoptère maritime a pris environ quatre mois. D'après mon expérience, c'est le délai normal habituel.
    Il ne devrait pas y avoir beaucoup de nuances, pas s'ils ont répondu favorablement et valablement à toutes les conditions et modalités.

[Français]

     Dans l'annonce d’hier, le sous-ministre adjoint M. Page, qui occupe la fonction que vous occupiez à l'époque, a mentionné que, s'il y avait un accrochage quelconque dans les dialogues, le gouvernement choisirait le Gripen de Saab. Il y a donc deux options. Si on ne choisit pas le F‑35 de Lockheed Martin, on va choisir l'autre modèle.
    Cependant, si on ouvre le dialogue avec Saab et que cela ne fonctionne pas, va-t-on se retrouver les mains vides? C'est ce qu'on en comprend, actuellement.
    Y a-t-il d'autres options que nous ne voyons pas?

[Traduction]

    Je ne sais pas si la question s'adresse à moi. J'ai beaucoup de difficulté à obtenir la traduction anglaise directement. Il est très difficile de dissocier les deux langues pour comprendre la question. Je ne sais pas comment éteindre le français et n'entendre que l'anglais.
    Je ne sais pas si c'est seulement moi ou si d'autres ont aussi ce problème.
    Nous allons vérifier cela, veuillez patienter un instant, monsieur Williams.
    Monsieur Williams, voici le greffier du Comité.
    Il n'y a pas de problèmes de notre côté. La traduction passe par les bons canaux. Je me demande si vous avez choisi entre l'anglais, le français ou le parquet.
    D'accord. Tout va s'arranger, je crois, monsieur le président. Il me semble que j'entends mieux, excusez-moi de l'interruption.
    On pourrait peut-être répéter la question, si elle s'adressait à moi.

[Français]

    Pouvons-nous reprendre ou voulez-vous que nous fassions un test avant? Est-ce un problème d'interprétation?

[Traduction]

    J'entends l'anglais, mais j'entends encore le français en même temps.
    Comme vous avez ouvert une session sur le Web, nous ne pouvons rien faire. Le problème ne semble pas venir de notre côté, monsieur Williams. Il semble provenir du Web.
    D'accord.
    Malheureusement, je ne sais pas trop comment corriger la situation.
    Très bien. Si la question est posée en français, je vais essayer de l'entendre en français.
    Je vais poser la question en anglais. Je vais essayer de vous aider.
    Ma question porte sur le dialogue avec Lockheed Martin. Après six ou sept mois, si le gouvernement n'est pas satisfait de la réponse qu'il obtient... Hier, le sous-ministre adjoint Page a dit qu'il se tournerait vers Saab. Qu'arrivera‑t‑il si le dialogue avec Saab ne donne pas de résultats? C'est la question.
    Tout d'abord, je dois vous dire que la probabilité que cela ne donne pas de résultats est extrêmement faible. Cela ne va pas jusque‑là, et je ne crois donc pas que ce soit très probable. Il y a trop d'argent en jeu, et les conditions et modalités sont tellement précises que je serais très surpris qu'elles n'aient pas été communiquées à Lockheed Martin. Franchement, il faudrait les communiquer beaucoup plus tôt si on veut bien faire les choses.
    Du point de vue du processus, vous avez tout à fait raison. Le gouvernement a tout loisir de s'adresser à l'autre soumissionnaire retenu, si l'offre est jugée non conforme. Il y a eu deux offres, et il est en mesure de déterminer s'il peut conclure une entente avec l'entreprise. Si ce n'est pas possible, il faut recommencer à zéro.

  (1605)  

     Merci. J'ai une autre question pour vous.
    Dans votre exposé, vous avez dit qu'on ne pouvait pas continuer à perdre des ressources et du temps précieux.

[Français]

En français, on parle de « pratiques d'approvisionnement odieuses ». Vous avez utilisé le mot « odieuses ».

[Traduction]

    Ce mot en français est très fort.
    Qu'entendez-vous par là?
    Franchement, on peut être dégoûté des deux programmes dont nous allons parler aujourd'hui. Nous voilà retournés 12 ans avant d'avoir nos avions. M. Leuprecht en a parlé.
    Il y a 12 ans, le 16 juillet 2010, il n'y avait aucune raison de contourner les procédures applicables et d'annoncer l'attribution d'un contrat à un fournisseur unique pour l'achat d'un avion à réaction. On ne dépense pas des milliards de dollars d'argent des contribuables sur une simple affirmation. Pour s'assurer que les militaires savent de quoi ils ont besoin, il faut lancer un appel d'offres. En 2010, personne n'avait la moindre idée de ce que ce projet allait finalement coûter ni même de ce qu'il permettrait de faire. La proposition de s'adresser à un fournisseur unique était à l'époque une abomination. C'est inadmissible.
    Si ce n'est pas le cas, il convient, au moment opportun — parce que ces avions devaient être remplacés en 2018‑2019 —, de lancer l'appel d'offres à l'avance et d'obtenir ce dont on a besoin dans un délai approprié.
    Merci, monsieur.
    J'aurais seulement un commentaire.
    Je n'ai pas beaucoup de temps.
    Allez‑y.
    J'allais parler du délai.
    En 2000, j'ai fait une étude qui a révélé qu'il fallait près de 16 ans pour conclure un approvisionnement. Le vice-chef de l'époque, George Macdonald, et moi-même avons estimé que c'était inacceptable. Nous avons envoyé une directive aux hommes et aux femmes du ministère de la Défense nationale qui s'occupaient des approvisionnements pour leur dire que, dorénavant, les militaires auraient deux ans entre le moment où des besoins seraient circonscrits et le moment où ces derniers feraient l'objet d'un énoncé définitif. Ils auraient deux ans, et moi, du côté civil, j'aurais deux ans pour conclure un contrat.
    En fait, d'après les renseignements fournis par le ministère, en 2011, nous avons réussi à le faire. Malheureusement...
    Merci, monsieur Williams.
    Je suis désolé de vous interrompre. S'il y a autre chose que vous aimeriez ajouter en réponse à cette question, vous pourriez le faire parvenir par écrit au greffier, et nous veillerons à ce que cela soit communiqué aux membres du Comité.
    Monsieur Jowhari, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous les témoins d'aujourd'hui. Je vous remercie de vos témoignages.
    Je vais commencer par M. Perry.
    Je sais bien que votre exposé préliminaire portait sur l'approvisionnement, mais j'aimerais aborder un autre aspect, l'investissement. C'est un sujet sur lequel vous vous êtes également prononcé vigoureusement, notamment en ce qui concerne le NORAD et sa modernisation. J'espère que vous pourrez répondre à quelques questions à ce sujet.
    Puisque le NORAD est un système de systèmes et qu'il existe deux écoles de pensée ou de multiples moyens concernant sa modernisation, pourriez-vous nous parler de ces moyens? Lequel recommanderiez-vous?
    Je crois qu'on envisage de nombreuses solutions pour moderniser non seulement le NORAD, mais aussi un éventail plus large de mesures liées à la défense continentale. J'espère que nous verrons quelque chose très bientôt.
    Ce qu'expliquait le ministre de la Défense nationale de l'époque dans une lettre adressée au secrétaire à la Défense des États-Unis — la veille de nos dernières élections fédérales, je crois — couvrait le secteur riverain, littéralement et figurativement, du point de vue des mesures auxquelles le Canada pourrait contribuer, de concert avec les États-Unis. Il était question d'enjeux divers: améliorer notre infrastructure dans l'Arctique, améliorer la fonctionnalité de nos emplacements d'opérations avancés, en en installant un autre plus au nord, par exemple, et remplacer le Système d'alerte du Nord par une gamme de systèmes modernes pour fournir les mêmes services avec la technologie d'aujourd'hui, c'est‑à‑dire détecter les principales menaces sur l'Amérique du Nord. À mon avis, nous devrions aussi envisager un certain nombre d'autres investissements concernant le commandement et le contrôle et diverses choses comme le ravitaillement aérien.
    J'espère que cela nous mènera...

  (1610)  

    Merci.
    Si vous me permettez d'être un peu plus précis, je sais que nous pouvons moderniser en misant sur la mise à niveau et la défense, mais aussi sur la modernisation et l'expansion, ce qui englobe aussi bien les mesures défensives que les mesures offensives.
    Qu'en pensez-vous? Sur quoi devrions-nous concentrer nos efforts?
     Je crois qu'il faut envisager les deux. Il s'agit de mieux comprendre ce qui menace l'Amérique du Nord, et il faut pouvoir compter sur de meilleures capacités d'intervention au cas où nous déciderions d'intervenir, et ce, dans tous les domaines de la guerre.
    Si on parle de mesures à la fois défensives et offensives, comment, à votre avis, l'acquisition récente, ou du moins l'annonce de l'acquisition de 88 F‑35, s'inscrit-elle dans le NORAD à la fois comme amélioration des mesures défensives et accroissement de notre capacité offensive?
    C'est, à mon avis, un investissement important qui nous permettra d'accroître vraiment notre capacité à contribuer à la défense du continent. J'espère qu'on accordera la plus grande priorité à ce projet. J'espère que nous trouverons le moyen d'obtenir une livraison anticipée.
    Cet avion permettra d'améliorer considérablement notre capacité quantitative d'intervention, outre ses nouvelles caractéristiques et les progrès qu'il représente par rapport aux chasseurs que nous utilisons aujourd'hui.
    Merci.
    Puisque des F‑35 sont déjà utilisés dans le cadre de l'OTAN par les États-Unis et que nous sommes peut-être en mesure d'en profiter pour accélérer le processus, en quoi cela renforcera‑t‑il davantage le NORAD?
    Cela renforcera le NORAD en nous permettant d'accroître considérablement la capacité de surveillance de nos avions de chasse, ainsi que notre capacité de travailler avec d'autres aéronefs et avec d'autres ressources, au sol ou en mer, et de partager l'information et de la transmettre entre différentes plateformes pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe globalement. Nous pourrons par ailleurs beaucoup plus facilement intercepter et abattre un aéronef ou un missile se dirigeant vers l'Amérique du Nord.
    Il me reste une minute et demie.
    J'aimerais revenir aux mesures défensives et offensives. Depuis toujours, le NORAD, comme c'est le cas aux États-Unis, fait surtout appel à des avions ou des missiles de haute altitude. D'autres États s'intéressent à l'évolution des engins hypersoniques. À votre avis, à quel égard le NORAD doit‑il améliorer sa capacité, du point de vue offensif et défensif... Devrait‑on envisager d'élargir le champ d'action sur terre ou en mer?
    Pour répondre à la dernière partie de votre question, je crois que l'amélioration de notre défense continentale devrait, en effet, tenir compte de ces aspects, surtout en mer. Je ne suis pas très sûr de ce qui est essentiel au sol, mais, du côté maritime, je pense qu'il faut collaborer aussi étroitement que possible avec nos alliés américains pour veiller à la sécurité des zones situées le long des côtes de l'Amérique du Nord. Il faut déterminer qui est le mieux placé pour le faire, mais je pense qu'il faut surtout s'assurer d'avoir les moyens de le faire, ce qui supposerait de nous approvisionner rapidement en matière de construction navale.
    Concernant les engins hypersoniques, deux éléments entrent en ligne de compte: premièrement, il faut disposer de suffisamment de moyens de surveillance pour suivre avec précision ces missiles, ce qui signifie que nous avons besoin d'une capacité beaucoup plus pointue et complète pour détecter ces engins très rapides et manœuvrables; deuxièmement, il faut avoir les moyens d'au moins intercepter ces missiles si on pense qu'ils sont armés d'ogives conventionnelles. Une certaine mesure de dissuasion entre aussi en jeu s'ils sont dotés d'armes nucléaires, mais ils ne le sont pas toujours, du moins selon l'utilisation prévue par ceux qui les déploient. Nous devons être mieux en mesure de les intercepter en cas de nécessité.
    Merci, monsieur Perry.
    Madame Vignola, vous six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Williams, j'espère que vous m'entendez bien et qu'il n'y a pas de double écho. Faites-moi signe si tout va bien.

  (1615)  

    J'entends toujours les deux canaux, l'anglais et le français.
    D'accord. Je vais parler lentement, dans ce cas.
    Monsieur Williams, vous avez parlé de la lourdeur administrative. Dans vos notes, vous dites qu'il faut qu'il y ait, au sein de Services et Approvisionnement Canada, des gens spécialisés, notamment en approvisionnement aéronaval, pour faire les vérifications et les contrôles.
    À votre connaissance, de telles personnes sont-elles présentes au sein de la fonction publique fédérale?
     Je peux certainement vous dire que, quand j'étais au ministère de la Défense nationale, je n'ai eu aucune difficulté à trouver des personnes pouvant effectuer les tâches nécessaires au ministère.

[Traduction]

     Je n'ai jamais constaté de pénurie de compétences, que ce soit dans l'Armée de terre, dans la Marine ou dans l'Aviation, pour nous aider à collaborer avec le secteur privé et avec les ministères. J'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui faisaient partie de l'organisation du SMA(Mat) et de leurs organisations environnementales respectives, et, ensemble...

[Français]

    Je m'excuse de vous couper la parole. Je vais préciser ma question.
    Au fond, je cherche à savoir s'il existe des fonctionnaires qui possèdent des connaissances suffisamment approfondies pour savoir si les prix qui leur sont proposés dans le cadre d'une partie ou de l'ensemble d'un contrat sont trop élevés, vu les tendances du marché et ainsi de suite.
    Lockheed Martin était au départ un fournisseur unique. On a ensuite changé son fusil d'épaule, puis on est finalement revenu dans le cadre d'un contrat bel et bien conclu avec deux concurrents, mais qui ressemble néanmoins à un contrat avec fournisseur unique. Nous nous exposons ainsi à un danger, celui de voir les prix exploser.
    Par conséquent, y a-t-il au ministère des fonctionnaires particulièrement compétents pour s'assurer que les prix n'exploseront pas, comme on le voit dans d'autres ministères ou dans d'autres projets?

[Traduction]

    Je n'ai aucune objection à ce que la même entreprise soit retenue dans le cadre de différents appels d'offres. Tant mieux pour elle si elle peut l'emporter de façon ouverte, équitable et transparente, mais je dirais que ce n'est pas le cas en l'occurrence. Il me semble que cela a été le cas pour les F‑35, mais, s'agissant des navires de combat canadiens, il pourrait y avoir débat ou discussion énergique. Je dirais que, en l'occurrence, le gouvernement a abdiqué sa responsabilité à l'égard du programme, l'a refilée au secteur privé et a laissé celui‑ci choisir les entreprises avec lesquelles il voulait travailler.
    Franchement, je ne pense pas que quiconque dans cette salle ou dans le secteur privé ait été choqué et surpris de voir Irving choisir Lockheed Martin. Les deux font des affaires ensemble depuis des années. Elles entretiennent de bonnes relations, et, à dire vrai, si j'avais été aux commandes, j'aurais probablement fait la même chose. Mais j'estime que c'est très différent de ce qui s'est passé quand Lockheed Martin a été choisie. D'autres ne seraient peut-être pas d'accord.
    En principe, chaque appel d'offres est distinct, et je n'ai aucun problème à ce qu'une bonne entreprise gagne plus que sa part.

[Français]

    Je vous remercie.
    Toujours au sujet des avions F‑35, je ne sais pas qui pourra le mieux me renseigner. Ce sera peut-être M. Perry.
    Dans un article paru en juillet 2021 dans la publication américaine Defense News, on peut lire qu'il y avait encore sept défauts techniques critiques à corriger sur le F‑35. Or le constructeur refuse de préciser quels sont ces défauts. Je trouve qu'il serait important de les connaître, étant donné que le gouvernement du Canada est un acheteur potentiel.
    Pourriez-vous me donner vos impressions sur ces sept défauts et sur les conséquences qu'ils pourraient avoir sur la navigabilité et la durabilité des avions?

  (1620)  

[Traduction]

    Je crois que nous aurons une bonne entente. D'après ce que je comprends, c'est l'un des aspects qui pourrait être abordé dans le processus de finalisation, qui prendra un certain temps, quelques mois de plus, avant d'en arriver au point où nous pourrons effectivement acheter l'avion.
    Il faut se rappeler que beaucoup de ces avions sont constamment mis à niveau, essentiellement parce qu'ils sont dotés de super ordinateurs. C'est pourquoi les logiciels sont constamment mis à jour, ce qui suppose l'ajout progressif de fonctions supplémentaires pour garantir que tout fonctionne en tout temps.
    Cet avion n'est en production que depuis un peu plus de 10 ans. En fait, l'un des avantages de l'acheter maintenant — dont nous n'aurions pas profité si nous l'avions acheté la dernière fois que nous avons décidé de le faire —, est que beaucoup des problèmes qui se posaient il y a 12 ans sont désormais réglés.
     Monsieur Johns, vous avez six minutes.
    Merci à tous de vos témoignages.
    Nous savons que les hommes et les femmes des forces armées canadiennes méritent le meilleur équipement et le meilleur soutien possible pour accomplir le travail difficile et dangereux que nous continuons de leur demander de faire.
    Peut-être que M. Perry pourrait commencer. Pouvez-vous nous dire comment le choix du F‑35 garantira la sécurité de nos hommes et de nos femmes?
    Pour commencer, l'achat d'un nouvel avion construit au cours de ce siècle aurait été une amélioration par rapport à ceux que nous utilisons maintenant, compte tenu de l'âge des systèmes et de tout ce qui en fait partie. J'espère que nous allons rapidement nous procurer des avions.
    Le F‑35 est le chasseur le plus perfectionné qui soit sur le marché. Il est utilisé par beaucoup de nos proches alliés, et nous pourrons donc profiter de leur expérience. Nous serons en mesure de travailler avec eux de la façon la plus harmonieuse possible, et cet avion sera livré avec toute une gamme de technologies très avancées et très modernes de détection, mais aussi de communication entre différentes plateformes.
    Tous ces appareils nous permettront d'accroître considérablement notre puissance de feu aérienne.
    Étant donné que 55 % de nos avions seulement sont opérationnels selon le ministère, que 45 % sont actuellement cloués au sol, et que le vieillissement de la flotte suppose évidemment des coûts de maintenance plus élevés...
    La ministre de la Défense nationale a déclaré que les premiers avions à réaction seront livrés en 2025. Pourquoi ce retard et pourquoi le gouvernement demande-t‑il à nos hommes et à nos femmes de se mettre davantage en danger? Combien de temps encore pouvons-nous attendre d'eux qu'ils fassent leur travail sans leur faire prendre des risques importants, voire mortels?
    Il faut d'abord savoir que la sécurité est l'une des principales priorités de notre force aérienne. Nous essayons de réduire le risque au minimum et de veiller à ne faire voler que des avions sûrs.
    Mais je pense que votre propos concerne le fait que des avions approchant la cinquantaine exigent beaucoup plus de maintenance. C'est tout à fait faisable. Le Canada a malheureusement fait la preuve qu'il est possible de maintenir du très vieux matériel en état de fonctionnement pendant des décennies après sa durée de vie utile. Cela dépend du temps, du travail et de l'argent qu'il faut investir pour continuer, et il faudra investir davantage à mesure que le matériel prendra de l'âge.
    En 2015, les libéraux ont fait campagne contre les F‑35 dans la recherche d'une solution pour mieux répondre aux besoins du pays en matière de défense. Maintenant que le F‑35 est de nouveau au premier plan — puisqu'il a été retenu —, qu'est‑ce qui a changé?
    Il a fait l'objet d'un appel d'offres, et c'est ce qui, à mon avis, a changé la confiance que nous pouvons avoir dans le choix des appareils. Je crois que, entre 2010 et 2014, l'histoire du F‑35 a surtout été une perte importante de confiance dans cet approvisionnement, et dans l'approvisionnement en matière de défense en général. J'espère que la version actuelle du mode d'approvisionnement permettra de rétablir une grande confiance dans le processus.
    C'est différent, et c'est un avion différent. Il a eu 12 ans pour prendre de la maturité et évoluer.
    Qu'en est‑il des avantages économiques mesurables d'un partenariat de niveau trois pendant toutes ces années? Pourriez-vous nous en parler et nous dire quels seront les avantages à prévoir?
    L'appel d'offres comporte des dispositions uniques, parce qu'il y a un accord de partenariat. Certaines règles nous interdisaient d'acheter cet appareil dans le cadre de l'accord de partenariat. Nous aurions pu décider de laisser tomber et de solliciter des offres dans le cadre de ce mécanisme, mais nous ne l'avons pas fait. Cela fixe les paramètres liés à la concrétisation des avantages économiques, ce qui nous permet surtout d'obtenir des contrats à long terme.
    Nous avons raté une occasion de faire plus de travail en ne l'achetant pas plus tôt, parce que bon nombre des décisions concernant le soutien logistique à l'échelle de la flotte ont été prises il y a des années par des partenaires qui, à ce moment‑là, avaient décidé d'acheter cet avion que nous n'avons toujours pas.

  (1625)  

    Vous savez que nous avons insisté auprès du gouvernement pour qu'il adopte une approche purement canadienne pour remplacer nos avions de chasse vieillissants et veiller à ce que ces avions soient sécurisés et puissent être utilisés partout au Canada, surtout dans l'Arctique. Les approvisionnements doivent absolument permettre de créer des emplois dont l'industrie aérospatiale canadienne a grandement besoin, surtout à Winnipeg et à Montréal.
    Quels sont les emplois susceptibles d'être créés grâce à cet appel d'offres?
    Les trois premiers — et certainement les deux derniers — étaient assortis d'un vaste éventail d'avantages économiques répartis dans tout le pays, par le biais de différents types de programmes et d'incitatifs. Quel que soit le choix retenu, cet approvisionnement aurait entraîné des retombées économiques massives.
     Le cas du F‑35 est vraiment unique, parce qu'il s'inscrit dans la participation à une flotte mondiale de produits de défense. Les autres solutions auraient, elles aussi, eu un énorme potentiel d'emploi et de croissance économique, mais réparti différemment.
     On a annoncé un chasseur qui n'aurait pas de capacité dans l'Arctique. Quelles sont les capacités du F‑35 dans l'Arctique?
    À ma connaissance, plusieurs pays arctiques ont déjà acheté cet appareil. Aux États-Unis, on s'en sert en Alaska, et c'est là qu'ils ont leur base. La Norvège en utilise. La Finlande est en train d'en acheter. Ils sont utilisés par d'autres pays dans des environnements arctiques; nous ne serons donc certainement pas les seuls.
    Combien de temps me reste-t‑il, monsieur le président?
    Quelques secondes seulement.
     Je vous reviendrai au prochain tour. Merci beaucoup.
    Merci.
    Passons maintenant à la deuxième série de questions; monsieur McCauley, vous avez cinq minutes.
    Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.
    Monsieur Leuprecht, j'aimerais discuter un peu avec vous. Vous avez dit que le gouvernement semble attribuer trop d'importance à la transparence et à la reddition de comptes au détriment de l'exécution des tâches. Au cours des six dernières années et demie, notre comité a constaté le contraire. il nous a fallu lutter pour obtenir plus de transparence. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons reçu des représentants de SPAC et de la Garde côtière et nous n'avons pas pu obtenir de réponses claires à un large éventail de questions.
    Pensez-vous vraiment que le gouvernement sacrifie la productivité à un excès de transparence et d'imputabilité ou ai‑je mal compris vos commentaires?
    Comme nous vivons dans une démocratie, la transparence et la reddition de comptes associées à la gouvernance sont des éléments essentiels de la légitimité de nos institutions.
    La question de savoir si vous pouvez obtenir les réponses que vous cherchez auprès des ministères est très différente de celle des règles que le Parlement impose effectivement à diverses entités gouvernementales, et notamment au ministère de la Défense nationale, étant donné qu'il assume pour ainsi dire un quart des dépenses directes du gouvernement... Ces règles sont imposées par les organismes centraux, notamment par...
    Combien de nos problèmes d'approvisionnement sont-ils liés à la gestion des risques? On semble se préoccuper beaucoup plus de protéger ses arrières que de faire le travail et de rendre compte aux contribuables ou aux militaires de l'achat de matériel.
    Plus les organismes centraux que sont le Parlement et le gouvernement accordent d'importance à des mécanismes de transparence et de reddition de comptes prudents et très onéreux, plus cela décourage la prise de décisions à des niveaux inférieurs au sein du ministère, parce que personne ne veut prendre de risque et refoulent la responsabilité vers le haut.
    Cela veut dire qu'on bureaucratise nécessairement tout le processus décisionnel dans toute la hiérarchie du ministère, précisément parce que les fonctionnaires deviennent très réfractaires au risque. Le gouvernement doit faire des compromis. Il doit se demander si, par exemple, il y a des compromis à faire entre ce qu'il veut obtenir et ce qu'il obtient effectivement...
    Je ne pense pas que le gouvernement se pose ces questions. À mon avis, ce sont les bureaucrates qui décident des compromis.
    Monsieur Perry, auriez-vous quelque chose à dire au sujet de la transparence et de la reddition de comptes?
    Je ne suis pas du tout d'accord avec mon collègue au sujet de la transparence. Je pense que nous avons atteint un creux dans les dernières années en matière de transparence concernant les approvisionnements, et des comités comme celui‑ci demeurent l'un des rares moyens par lesquels le gouvernement et les fonctionnaires font savoir ce que deviennent des dizaines de milliards de dollars investis avec l'argent des contribuables.
    Pendant la pandémie, j'ai vu, par exemple, la mise à jour du Programme des capacités de la Défense, présentée comme un exercice de transparence, être effectivement interrompue pour des raisons que je ne comprends pas vraiment, puisque, à ce que je sache, il est possible de faire des modifications Web à partir de chez soi.

  (1630)  

    Je serais plutôt d'accord. Notre comité essaie de terminer cette étude depuis six ans et demi, et nous y arrivons enfin. Quand nous avons interrogé les représentants de la Garde côtière et de SPAC au sujet des retards et d'autres choses, on nous a systématiquement répondu « C'est à cause de la COVID ».
    J'ai une question pour M. Perry, puis pour M. Williams, au sujet des contreparties ou des retombées industrielles et technologiques. Combien cela coûte-t‑il aux Canadiens, ou peut-être aux contribuables? Combien de matériel de moins obtenons-nous pour nos militaires parce que nous semblons accorder plus d'importance aux retombées industrielles et technologiques, et peut-être aux votes dans la région, qu'à la livraison du meilleur équipement au meilleur prix pour les contribuables?
    En bref, la réponse est que nous ne le savons pas vraiment. Officiellement, on part du principe que cela ne coûte rien. Je ne crois pas que cela traduise valablement ce que suppose ce genre d'avantage. Il faudrait probablement examiner la question du point de vue de l'avantage net, c'est-à-dire que, s'il y a des coûts, il y a aussi un avantage sur le plan de la productivité économique, qu'il faut pondérer en fonction de ce que pourrait coûter l'avion pour fournir une évaluation complète de ce qu'on obtient du programme, au lieu de simplement tenir compte des points de pourcentage qu'on risque de perdre en exigeant ce genre d'investissements.
     Monsieur Williams, allez‑y.
     J'aimerais faire quelques observations.
    Premièrement, comme l'a dit M. Perry, nous ne le savons pas. Je ne suis pas sûr que nous voulions vraiment le savoir, d'ailleurs, mais c'est ainsi que les choses se passent partout. Je ne suis pas sûr que nous voulions rendre un mauvais service à notre secteur privé par rapport à ce qui se passe ailleurs.
    Je tiens à souligner que la façon dont nous utilisons désormais les RIT pour retenir une offre est, à mon avis, tout à fait inacceptable. Comme vous le savez, l'ancienne structure des retombées industrielles et régionales prévoyait qu'une offre devait être retenue en fonction du dossier technique et du prix. Chaque entreprise devrait soumettre un plan industriel, qui pouvait être rejeté ou accepté. Tout le monde connaissait les règles du jeu, et aucun plan industriel n'était rejeté.
    Mais désormais — et c'est ce qui s'est passé dans le cadre de l'appel d'offres portant sur le F‑35 —, on attribue jusqu'à 20 % aux RIT. Cela ne s'est pas produit dans ce cas‑ci, mais je crains que si, à l'avenir, on accorde autant d'importance aux retombées industrielles, on en vienne à sacrifier les solutions optimales à des emplois théoriques.
    Je mets mon chapeau d'ancien SMA...
    Excusez-moi, monsieur Williams. Désolé de vous interrompre. C'est malheureusement en raison du temps écoulé.
    Je comprends.
    Si vous souhaitez ajouter d'autres commentaires, veuillez les adresser par écrit au greffier. Je vous en serais reconnaissant.
    Monsieur Kusmierczyk, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de poser quelques questions au professeur Leuprecht, dont le livre Spheres of Governance, coécrit avec le professeur Lazar, a vraiment influencé ma réflexion sur la gouvernance multi-niveaux. J'avais vraiment hâte à cet échange.
    Dans un article paru en 2016 dans le Toronto Star, vous avez parlé du processus d'approvisionnement en avions de chasse au Danemark. Vous aviez déclaré à ce moment‑là que « les avions qu'achète le Canada et leur nombre ont moins d'importance que la régularité de la procédure ». Aujourd'hui, M. Williams a qualifié d'« abomination » le processus d'approvisionnement auprès d'un fournisseur unique sous le gouvernement précédent. M. Perry nous a parlé du manque de confiance caractérisant le processus d'approvisionnement sous le gouvernement précédent.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, un processus d'approvisionnement transparent et indépendant est important pour l'achat de ces avions de chasse?
    Dans tout approvisionnement, il y a trois objectifs. On veut obtenir le matériel qu'on achète dans les délais et selon le budget prévus et que ce matériel soit doté des capacités dont on a besoin.
    Il semble que nous ayons beaucoup de difficulté, au Canada, à remplir l'un ou l'autre de ces trois critères d'approvisionnement, sans parler des trois. Je pense qu'un processus approprié pourrait nous permettre de nous rapprocher beaucoup de ces trois objectifs.

  (1635)  

    Quel est l'avantage d'un processus concurrentiel, par opposition au recours à un fournisseur unique, qui était le modèle utilisé sous le gouvernement précédent?
    Outre les résultats que nous pourrions obtenir dans une situation de marché, il y a la légitimité associée à un processus concurrentiel approprié. Mes collègues ont fait allusion au fait que la crédibilité du processus d'acquisition et la confiance que les Canadiens lui accordent ont été considérablement compromises.
    Je crois cependant qu'on fait porter une trop grande part du blâme au ministère, aux forces armées et aux fonctionnaires. Les responsables politiques qui prennent les décisions, de même que les partis d'opposition qui essaient de se faire du capital politique à cet égard, n'assument pas suffisamment leur part de responsabilité.
    Je vais changer un peu de sujet.
    Vous avez beaucoup écrit sur le soutien du Canada à la mission en Lettonie et, plus précisément, sur la présence avancée renforcée de l'OTAN.
    Selon vous, quels seront les avantages que procureront ces 88 avions de chasse au Canada lorsqu'ils seront livrés? Plus précisément, en quoi, selon vous, cette nouvelle capacité permettra-t-elle d'appuyer le rôle ou d'avoir un effet sur le rôle du Canada dans la présence avancée renforcée de l'OTAN, si du moins c'est le cas?
     Comme je l'ai souligné à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, on peut bien parler de dissuasion, mais cela suppose en fait d'avoir, par exemple, un avion de chasse capable de neutraliser les défenses aériennes russes. Le F‑35 est le seul avion qui en soit capable. En matière de dissuasion militaire, c'est très important.
    Cela dit, s'agissant du déploiement efficace de ces avions, il faut comprendre qu'on n'achète pas simplement un avion. Je crois que M. Perry y a fait allusion. On achète une plateforme de données. Au XXIe siècle, la guerre est d'abord et avant tout une question de données et de flux de données.
    Une modernisation importante s'impose au sein du ministère, tant du côté des réseaux — mais le gouvernement n'a pas prévu d'investissements supplémentaires dans les réseaux et nous commençons donc à faire du surplace et nous allons rapidement prendre du retard — que du côté de la capacité du ministère à se doter d'une stratégie des données et à numériser toute son administration.
    La question de la capacité des avions de chasse F‑35 s'inscrit dans une perspective beaucoup plus vaste dont il faut encore se préoccuper.
     Merci.
    J'aimerais revenir une dernière fois sur les avantages économiques. Plus de 100 entreprises canadiennes bénéficient du programme des F‑35. Quand on parle de possibilités économiques, on ne parle pas seulement d'une partie du contrat de construction des 88 avions à réaction de l'Aviation royale canadienne. On parle aussi des services de réparation et de ravitaillement des milliers de F‑35 qui seront construits et voleront en Amérique du Nord au cours des 20 à 30 prochaines années. Je crois que M. Perry en a parlé également.
    Pourriez-vous nous parler un peu des avantages économiques pour le pays, d'après votre expérience d'autres programmes d'approvisionnement?
    Comme mon collègue de l'économie de la défense Ugurhan Berkok vous le dira probablement, il n'existe pas de méthodologie généralement reconnue par les économistes de la défense pour mesurer ces avantages. Les avantages sont ce que nous disons qu'ils sont.
    Je dirais que l'investissement dans les avantages devrait principalement servir à renforcer la capacité du Canada à devenir... et à maintenir une capacité de haute technologie en matière de défense, plutôt qu'à déterminer le nombre d'emplois que nous pourrions fournir dans telle ou telle circonscription. Au final, c'est une question de durabilité — en considérant les RIT comme un investissement dans la durabilité de l'industrie canadienne en général, plutôt que comme des avantages qui pourraient profiter à telle ou telle circonscription.
    Merci.
    Merci.
    Madame Vignola, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je vais poursuivre sur ce que vous venez de dire, monsieur Perry.
    Tout à l'heure, dans son allocution, M. Williams disait que la participation de cette centaine d'entreprises canadiennes n'était pas liée à une obligation d'achat.
    Dans l'éventualité où le Canada opterait, en fin de compte, pour le Gripen ou pour tout autre aéronef, et pour refaire tout le processus, qu'arriverait-il à la centaine d'entreprises canadiennes? Est-ce que, derechef, les F‑35 les sortirait de leur consortium, ou demeureraient-elles partenaires de ce consortium?

  (1640)  

[Traduction]

    À ce que je sache, les entreprises canadiennes auraient pour ainsi dire perdu le travail. Ce programme était un programme de participation industrielle. Si le Canada avait cessé de participer au programme en faisant savoir qu'il n'achèterait pas l'avion, nous aurions perdu la participation des entreprises. Cette part de travail était offerte à ceux qui avaient l'intention d'acheter l'avion. Il y avait une place pour nous tant que nous restions un partenaire et que le F‑35 restait un choix possible pour le Canada, mais, si nous avions pris une autre direction, je ne vois pas pourquoi nous nous serions attendus à continuer d'obtenir ce travail.
    J'aimerais ajouter un commentaire. C'est tout à fait exact. J'ai signé l'entente. M. Perry a tout à fait raison.
    Cela dit, concernant les RIT, il serait surprenant que le Gripen ne donne pas lieu à beaucoup plus de RIT pour le Canada. On pourrait faire valoir, par exemple, qu'il ne s'agit pas du même genre de retombées industrielles et technologiques, mais le programme des F‑35 est limité en ce sens qu'il ne peut pas garantir de retombées industrielles et technologiques, alors que le Gripen — et Boeing s'il participait — pourrait garantir des avantages égaux à la valeur du contrat.

[Français]

    D'accord.
    Merci.
    J'aimerais poser une dernière question très rapidement.
    Le F‑35 n'est pas de la même taille que le F‑18, entre autres. Cela pourrait rendre difficile l'atterrissage sur les porte-avions. Si nous optons pour des F‑35, faudra-t-il changer complètement le design de nos porte-avions pour pouvoir les accueillir?

[Traduction]

    Merci, madame Vignola.
    Monsieur Johns, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    L'un des avantages du F‑35 est sa capacité de mise à niveau et son interopérabilité.
    Monsieur Perry, vous avez parlé de ces gros ordinateurs — et c'est bien ce qu'ils sont. Pourriez-vous nous parler de certaines mises à niveau et de ce qu'elles entraînent de dépendance à l'égard d'autres pays? Est‑ce que Lockheed va nous facturer chaque année pour les logiciels, et environ combien? De plus, comment les Canadiens peuvent-ils participer?
    À propos de la facturation, je ne suis pas certain que nous connaissions vraiment la réponse. Je crois que le programme est ainsi conçu que tous les membres, qui sont nombreux, paieront un certain pourcentage en fonction de la taille de leur flotte, mais je ne suis pas vraiment certain du dénominateur qui figure dans l'équation.
     Les mises à niveau par blocs et les améliorations du logiciel qui fait fonctionner l'appareil et l'avionique sont déployés rapidement. D'après ce que j'ai compris, ce système est essentiellement conçu pour que les appareils servent à perpétuité; il y a donc des mises à niveau constantes.
     Bien que nous ne connaissions pas les coûts précis, il est avantageux pour nous que notre flotte constitue une partie relativement modeste d'une flotte tout à fait considérable — et il ne faut pas oublier l'investissement très important des forces aériennes des États-Unis dans la R‑D portant sur les chasseurs tactiques.
    Quel sera le rôle du Centre d'essais techniques (Aérospatiale) et d'autres groupes semblables en ce qui concerne le F‑35? Vous pourriez peut-être nous parler de certains problèmes propres au Canada que les services de génie devraient régler à l'interne.
     Autre chose: qui forme notre personnel de soutien? S'agirait‑il de civils ou de militaires? Quel est le chemin critique à suivre pour que ces appareils soient opérationnels sur les plans du matériel et de l'entretien, avec des pilotes compétents?
    En fait, je ne connais pas les réponses exactes à toutes ces questions, mais ce sont certainement de bonnes questions à poser aux représentants du gouvernement la prochaine fois qu'ils comparaîtront.
    En ce qui concerne le processus d'approvisionnement du Canada, pourquoi sommes-nous tellement moins inefficaces que d'autres pays?
    Il y a bien des raisons. De nombreux aspects de notre système d'approvisionnement sont différents.
    Il est difficile de trouver des exemples d'achats identiques. Le F‑35 est en fait un exemple qui montre où nous en sommes, mais dans bien des cas, même des différences minimes dans les caractéristiques particulières d'un véhicule, d'un aéronef ou d'un navire peuvent exiger des modalités d'acquisition fort différentes.
     Il est assez difficile de faire ce genre de comparaison avec d'autres pays sans s'appuyer sur des acquisitions comparables.
    D'accord. Merci.
    Merci, monsieur Johns, et merci, monsieur Perry.
    Nous passons maintenant à M. Lobb, qui aura cinq minutes.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous ceux qui ont comparu aujourd'hui et qui nous ont fourni de bons renseignements.
    À la dernière séance, j'ai interrogé l'un des témoins du groupe au sujet d'une liste de systèmes de défense surface-air. J'ai mentionné le drone Switchblade et les missiles Stinger et Javelin. Si j'en ai parlé, c'est qu'on entend parler aux informations du matériel que les États-Unis fournissent à l'Ukraine et qu'ils essaient d'utiliser dans leurs propres capacités de défense. Les témoins ont dit que nous n'avions aucune de ces armes. J'ai demandé si nous achèterions ce matériel pour nous-mêmes ou pour l'Ukraine. Ils ont répondu que c'était confidentiel et qu'ils ne pouvaient rien dire. Ce que j'accepte. C'est sans doute leur prérogative.
    Que pensez-vous des armes que j'ai énumérées: Switchblade, Stinger et Javelin? L'une ou l'autre aurait-elle sa place dans nos propres capacités de défense aérienne ou ces systèmes sont-ils réservés aux États-Unis?
    Que celui qui le voudra me réponde, M. Perry ou M. Williams.
    Nous devrions certainement envisager d'améliorer notre défense aérienne. Malheureusement, nous constatons actuellement en Ukraine qu'une armée moderne a besoin de moyens de se défendre contre un grand nombre de menaces aériennes, comme les drones, les missiles et les roquettes, et nous devrions accroître notre capacité sur ce plan, car elle est loin d'être suffisante.
    Nous avons abandonné la défense aérienne systématique au Canada à cause de nos compressions stratégiques. Il y a donc lieu d'engager un débat plus large sur la reconstruction de la défense aérienne pour les Forces armées canadiennes. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas assurer nous-mêmes la défense aérienne systématique de nos troupes en Lettonie.
     Dans le contexte actuel, c'est certainement un débat qui s'impose, mais il faudra des engagements importants, tant pour le personnel que pour les autres ressources, et il semble que nous ayons du mal à obtenir les engagements pourtant pris envers les Forces armées canadiennes. Ces problèmes durent depuis des années.
    Monsieur Williams, à vous.
     Je dirais que l'absence de plan, qui est ce que... [Difficultés techniques] ... au début, nous amène à la question principale. Je pense que... [Difficultés techniques] ... l'a mentionné aussi. Nous n'avons pas...
    M'entendez-vous bien?
    Monsieur Williams, pourriez-vous lever un peu votre micro?
    Essayons de cette façon.
    Votre question ressemble à celle que M. Jowhari a posée la semaine dernière au sujet du manque d'information. Le fait est que vous n'avez pas les outils nécessaires pour exercer une surveillance. Vous devriez être en mesure de consulter un plan qui indique, du point de vue des immobilisations, ce que nous avons et ce que nous prévoyons acquérir pendant les prochaines décennies. Nous devrions avoir cette information. D'autres pays l'ont bel et bien. Sans cela, personne ne peut exercer une surveillance correcte.
    Si on ajoute des mesures de rendement, on a l'autre membre de l'équation: pour ce qui est mis en place, comment les choses se passent-elles? Les retards et les goulots d'étranglement, où se situent-ils et qui en est la cause? Nous n'avons pas l'information élémentaire qui nous renseignerait sur ce que nous avons et ce dont nous avons besoin.
    Voilà le nœud du problème, voilà pourquoi nous sommes inefficaces à ce point. Nous sommes le seul pays où la responsabilité ministérielle est diffuse. Nous n'avons aucun moyen de mesurer ce que nous faisons, et nous n'avons aucun plan qui nous renseigne sur ce que nous estimons devoir faire.
     Dieu vous bénisse, monsieur Williams. J'ai eu exactement la même conversation avec M. McCauley la semaine dernière. J'ai dit: « À quoi tout cela rime‑t-il si chaque fois qu'on pose une question sur la moindre chose... » Je ne cherche pas querelle au gouvernement ni à quiconque travaille dans l'appareil militaire ou les services d'approvisionnement, mais chaque fois qu'on leur pose la moindre question, on se fait répondre: « Je ne peux pas vous répondre. Ces renseignements sont secrets. »
    M. McCauley m'a appris que, dans d'autres pays, on est très ouvert à ce sujet, que les renseignements se trouvent sur les sites Web des autorités. Si notre travail finit par donner des résultats — et peu importe qui seront les députés dans quelques années —, cela devrait en faire partie. Comment un député peut‑il faire son travail dans un comité comme celui‑ci s'il bute sans arrêt sur un mur de silence, si les témoins ne peuvent même pas lui dire s'il est prévu d'acheter un Javelin, un Stinger ou un Switchblade? Cela devrait être considéré comme une information élémentaire. Les États-Unis semblent tout à fait disposés à se vanter de tout ce qu'ils possèdent et à dire où ils vont envoyer ce matériel, tandis qu'il nous est impossible de dire la moindre chose...
    Cela suffit...

  (1650)  

    Merci, monsieur Lobb.
    Oh, monsieur Kitchen.
    Cela passe très vite, cinq minutes.
    Merci, monsieur Lobb.
    Au tour maintenant de Mme Thompson, qui a cinq minutes.
    Je ne m'exprimerai peut-être pas de façon aussi pittoresque, mais je voudrais d'abord signaler que l'approche interministérielle de l'approvisionnement est en place depuis longtemps, depuis plus de 50 ans, je crois. Il est donc bien ancré.
    Cela dit, monsieur Williams, vous avez de nombreuses idées sur l'approvisionnement en matière de défense et la façon de l'améliorer. Ces discussions et ces idées avaient-elles leur place dans votre travail lorsque vous étiez au service de la fonction publique?
    Je vous remercie de la question.
    Je vous répondrai par l'affirmative. Vous n'ignorez pas que j'ai publié un livre sur l'approvisionnement en matière de défense, A View from the Inside. Je répète le même refrain depuis 15 ans: la responsabilité partagée entre divers ministères mènera toujours à l'inefficacité et au manque d'information et de surveillance. J'ignore pourquoi nous n'avons pas corrigé le problème. Ce n'est peut-être pas une priorité du gouvernement, mais tant qu'il ne sera pas réglé, il nous manquera de l'information nécessaire pour améliorer le processus.
    Ce n'est rien de si compliqué, il me semble. C'est une question élémentaire d'approvisionnement. S'il n'y a pas de plan prospectif, pas de mesure du rendement, pas de possibilité d'exiger des comptes d'un seul ministre, pas la peine d'espérer des améliorations.
    Comment avez-vous travaillé avec le gouvernement pour faire avancer ces idées depuis que vous avez quitté la fonction publique?
    Je comparais aujourd'hui. Je participe aux travaux de comités permanents depuis un certain nombre d'années. Je discute avec des ministres. J'écris sur le sujet. Franchement, j'en parle ad nauseam. Certains sont d'accord avec moi, d'autres non. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il a été rassurant d'entendre le gouvernement dire que c'était une bonne idée, en 2019, mais apparemment, en 2021, ce n'est plus une bonne idée.
    Je ne vois pas pourquoi, à l'égard de cette partie du budget fédéral, on ne peut pas obliger un ministre à répondre des résultats.
    Même s'il y a beaucoup à faire, estimez-vous que le dispositif d'approvisionnement en matière de défense a évolué dans le bon sens?
    Non. En fait, en réponse à une question antérieure, j'ai dit que lorsque j'étais là avec mes collègues — car il ne s'agit pas seulement de moi —, nous avons réduit le délai de 40 %. Cinq ans plus tard, il était supérieur à ce qu'il avait été avant notre intervention. Le processus peut fonctionner tant qu'on a des gens qui le connaissent et le comprennent et qui sont déterminés à l'appliquer, mais il ne faudrait pas en dépendre entièrement. Il devrait y avoir des relations de responsabilité claires.
    Au lieu de simplifier la reddition de comptes, nous avons mis en place une foule de comités de surveillance, tout le monde vérifiant tout le monde jusqu'à ce que personne ne soit tenu responsable de quoi que ce soit. C'est ainsi qu'on finit par manquer de rigueur. Si on veut des résultats, il faut qu'une personne soit responsable, que ses résultats soient mesurés. Si les résultats laissent à désirer, le responsable doit céder sa place. Ce n'est pas si compliqué. Ainsi vont les choses dans le monde réel et partout ailleurs sauf, à dire vrai, dans l'approvisionnement en matière de défense.
     Je vous demanderai donc, en m'inspirant de vos propos... Pour passer d'un système qui est en place depuis longtemps — je ne dis pas que nous ne devrions pas nous en écarter, mais je parle d'une évolution vers un système plus centralisé —, que faut‑il mettre en place, au juste, dans le processus pour éviter de passer d'un système qui peut devenir assez complexe à un autre qui aurait ses propres difficultés, fondé sur un processus plus nettement défini?
    En fait, j'explique tout dans mon livre. Les modifications législatives sont minimes. Cela pourrait se faire facilement en un an.
    Ce n'est pas une question de centralisation. On dit simplement que désormais, une seule organisation, un seul ministre va s'occuper de l'approvisionnement en matière de défense. Il faut regrouper les ressources de SPAC et celles du MDN. On économisera temps et argent. Et ce ministre devra répondre de ses résultats.
    Comme je l'ai dit au début, c'est ainsi que le reste du monde procède. Ce n'est pas compliqué. C'est une façon de simplifier les choses et d'obtenir des résultats. Exigez des comptes de ce ministre. C'est très simple.
    Je dois vous poser la question suivante. Les ministres ne sont pas... Il y a un cycle électoral. Vu la nature même des systèmes politiques, les titulaires changent. Si nous options pour des réorganisations et des structures plus encadrées, cela occasionnerait‑il des complications?

  (1655)  

    Tout au long de l'histoire du gouvernement fédéral, nous avons assez facilement fusionné différents ministères. Ce ne serait pas la première fois ni la dernière. Ce n'est donc pas une complication.
    J'ajouterai cependant que, dans les ministères, certains pourraient avoir l'impression de gagner quelque chose ou de perdre au change. J'ai donc toujours dit que, à moins que le premier ministre ne l'ordonne, la restructuration ne se fera jamais. Le personnel de SPAC, j'en suis sûr, préfère de loin aller à des salons de l'aéronautique au Bourget ou à Farnborough plutôt que s'occuper de l'achat de meubles pour les services de l'État.
    Ce travail plaît, et je le comprends. Un ministre peut avoir l'impression de perdre quelque chose s'il ne participe pas à l'annonce d'un marché qui se chiffre en milliards de dollars. Je comprends cela aussi. Je ne pense donc pas que le mouvement en faveur de la restructuration puisse venir de la base. Si nous voulons qu'elle se fasse, il faut que le premier ministre l'ordonne.
    Merci, monsieur Williams.
    Voilà qui met fin aux questions sur l'approvisionnement en matière de défense aérienne.
    Le médecin en moi dit que tout le monde devrait se détendre un instant et rapidement faire quelques étirements. Comme nous n'avons pas à faire venir d'autres témoins, nous sommes prêts à poursuivre. Nous entendrons les témoins déjà présents.
    Passons maintenant à l'étude de la Stratégie nationale de construction navale.
    Pour la gouverne des témoins, je signale que les déclarations liminaires qu'ils nous ont remises ont été distribuées aux membres du Comité, qui les ont en main, mais nous avons convenu de vous accorder un maximum de trois minutes si vous jugez nécessaire de revenir brièvement à ces déclarations. Nous allons nous en tenir aux trois minutes pour respecter l'horaire.
    Cela dit, je vais encore une fois donner la parole à M. Leuprecht d'abord. Vous avez trois minutes.
    Merci encore une fois de m'avoir invité.
    La SNCN est un bel exemple qui montre à quel point l'approvisionnement en matière de défense est politisé, en particulier par les partis de l'opposition qui cherchent à marquer des points, et les hommes et femmes politiques cherchent avant tout à faire profiter l'industrie des largesses de l'État dans des circonscriptions ciblées plutôt qu'à garantir l'efficacité et l'efficience de l'approvisionnement.
     Les difficultés qui nuisent à l'approvisionnement en matière de défense aérienne et dans le déploiement de la SNCN ne sont que les symptômes d'un système hanté par des problèmes contrariants qui ne sont pas de son fait. Les organismes centraux et le Parlement ont imposé des procédures et des contrôles qui empêchent de plus en plus le MDN et les Forces armées canadiennes d'obtenir les effets que les gouvernements et les contribuables souhaitent dans les opérations.
     Tant que les parlementaires de l'opposition chercheront à marquer des points politiques en s'en prenant au greffier du Conseil privé et à d'autres au sujet des avions de chasse et de la construction navale, les organismes centraux redoubleront de prudence, de sorte que, inévitablement, ils avanceront à pas de tortue et les coûts augmenteront en conséquence. Ainsi, les projets d'approvisionnement sont entraînés dans une spirale fatale ou ont pour résultat que les militaires en obtiennent beaucoup moins pour l'argent dépensé que ce que le gouvernement aurait pu avoir si les projets s'étaient déroulés correctement.
    Les NPEA en sont un bon exemple. Prenez les F‑35 et comparez les coûts estimatifs de l'achat qui vient d'être annoncé aux coûts initiaux d'il y a plus d'une décennie.
    Un élément de solution consisterait à faire des votes importants sur la politique et les dépenses en matière de défense des décisions de tous les partis, comme cela se fait en Australie. L'appui de tous élimine une partie de l'incitation à politiser l'approvisionnement en matière de défense.
    Dans le même ordre d'idées, l'objectif est‑il de permettre aux Forces armées canadiennes d'acquérir le matériel nécessaire avec le maximum d'efficacité ou de répartir les largesses politiques partout au Canada? Si l'objectif est le deuxième, il est malhonnête que les parlementaires promettent aux militaires qu'ils recevront le matériel dont ils ont besoin à temps et dans les limites des budgets. Les chasseurs à réaction et la construction navale sont tous deux pris dans ce piège. Le problème, ce n'est pas que les militaires définissent mal les besoins, mais que le gouvernement essaie de maximiser les retombées pour l'industrie dans des circonscriptions précises.
     Merci, monsieur Leuprecht.
    Nous allons passer à M. Perry. Trois minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à continuer de vous parler, cette fois de la construction navale.
    Je commencerai par dire que les trois problèmes que j'ai énumérés tout à l'heure à propos de l'approvisionnement en matière de défense aérienne, c'est‑à‑dire le manque de priorisation et les problèmes de capacité et d'ordonnancement, sont également présents dans la construction navale.
    Sur le premier point, de manière générale, la Stratégie nationale de construction navale avait deux objectifs: rebâtir une industrie maritime canadienne et construire des navires. À ce jour, le premier aspect de cette équation a reçu de la part du gouvernement une attention plus constante que le deuxième. Si nous souhaitons que nos navires soient construits plus rapidement, leur livraison doit être une plus grande priorité que ce qu'elle est actuellement.
    De plus, les pénuries de main-d'œuvre qui nuisent à d'autres acquisitions entravent les projets de construction navale, mais ceux‑ci souffrent également de deux problèmes uniques en matière de capacité. L'offre de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur maritime, particulièrement à un moment où beaucoup d'alliés du Canada réalisent eux-mêmes des projets comparables, est un problème à corriger si nous voulons assurer le succès du renouvellement de la flotte du Canada. En même temps, le manque d'expertise en construction navale au sein du gouvernement du Canada continue d'être un facteur limitatif. Si nous voulons que nos efforts dans le secteur de la construction navale soient couronnés de succès, nous devons commencer à penser à une stratégie nationale des ressources humaines pour le secteur maritime de façon à résoudre ce problème collectif.
    Enfin, tous les projets sous l'égide de la SNCN ont connu des difficultés d'ordonnancement, la majorité d'entre eux ayant raté plus d'une échéance majeure. Cette incapacité répétée de respecter les délais des projets donne à penser que nous faisons face à un problème systémique à résoudre dans l'industrie navale.
    Au‑delà de ces problèmes généraux, nos projets de construction navale pourraient bénéficier de deux autres changements dans les modalités de gestion. Premièrement, nous continuons de gérer la Stratégie nationale de construction navale et ses projets comme une série de projets individuels pour la Marine et la Garde côtière canadienne, plutôt que comme un programme de travaux interdépendants. Puisque tous les projets doivent passer par des étapes de construction à chaque chantier naval de façon plus ou moins séquentielle, toute décision concernant un projet a inévitablement un impact sur les autres. De façon similaire, prendre des décisions en matière d'achat ou de conception projet par projet, ou pire, navire par navire, empêche le Canada d'assurer une certaine uniformité dans sa flotte ou de réaliser les économies que permettraient des commandes en gros de systèmes et d'équipement. Le Canada serait mieux servi s'il gérait ces projets comme un programme collectif de travaux, depuis le cabinet jusqu'à tous les niveaux de la bureaucratie.
    Deuxièmement, pour revenir au problème de la priorité à accorder à la livraison des navires, la gouvernance de la Stratégie nationale de construction navale et de nos projets de construction navale doit être réévaluée. Compte tenu de la hausse importante des coûts des projets de construction navale, des sommes énormes consacrées à nos flottes et de leur importance pour la Marine et la Garde côtière, nous avons besoin d'une structure de gouvernance capable de prendre des décisions rapides qui permettront de livrer rapidement les navires.
     L'actuel réseau complexe de ministères canadiens et d'intervenants de l'industrie — et, dans le contexte de navires de combat canadiens, le gouvernement américain — pourrait être mieux structuré. Il ne semble pas que les dispositions actuelles permettent de réunir les parties prenantes assez souvent, avec des représentants du niveau voulu, pour faire en sorte que les nombreuses décisions difficiles qu'exige la construction de navires soient prises assez rapidement et en tenant suffisamment compte des effets sur le programme de travaux dans son ensemble. Merci.

  (1700)  

    Merci, monsieur Perry.
    Nous allons passer à M. Williams. Trois minutes, s'il vous plaît.
    Merci. Je suis heureux que vous ayez lu vos exposés, parce que cela me fera gagner beaucoup de temps et, franchement, m'épargnera bien du chagrin.
    Le programme va coûter un quart de billion de dollars. Il faut comprendre qu'il est financièrement impossible de s'y prendre comme nous l'avons fait. À peu près tous les principes d'une bonne démarche d'approvisionnement ont été sacrifiés, négligés, bafoués, si bien que les coûts ont augmenté de 44 %.
    L'énoncé des besoins, plutôt que d'être mis au point au ministère, a été abandonné à l'industrie, qui a pu décider ce qu'elle voulait faire. Le gouvernement a abdiqué sa responsabilité en faveur du secteur privé — c'est ISI, Irving Shipbuilding Inc., qui prend toutes les décisions. Comment pourrait‑il en être autrement? Les prix continuent d'augmenter en dehors de toute surveillance. Ce n'est pas compliqué. On court à une catastrophe comme celle‑ci lorsqu'on renonce aux principes fondamentaux que sont la reddition de comptes et la transparence.
    Personne ne semble se soucier du coût du cycle de vie complet. Pour acheter et entretenir ce matériel, il faut compter environ 240 milliards de dollars sur 30 ans. Ce seul projet pèse plus lourd que l'ensemble des besoins des forces terrestres, maritimes et aériennes regroupées. Alors qu'il faudrait jeter les hauts cris, on se demande encore si ce sera 60, 56 ou 77 milliards de dollars, sans comprendre que cela ne représente que 30 % des coûts.
    Je me suis déjà expliqué. À mon avis, ce projet ne se réalisera jamais. Quelqu'un va se réveiller et comprendre que c'est impossible.
    Ce que j'ai recommandé, en dépit de dépenses excédentaires énormes, c'est de construire trois navires de cette façon, puis, pour les 12 autres, de reprendre correctement tout le processus, avec appel à la concurrence pour le chantier naval. La réduction des coûts, par rapport aux coûts actuels, se situera entre la moitié et le tiers. C'est amplement démontré.
     Merci, monsieur Williams.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Paul‑Hus, qui aura six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Peu importe à quel parti politique nous appartenons, je pense que nous avons tous le même intérêt ici, qui est d'améliorer les choses. Avec la guerre en Ukraine et les demandes de l'OTAN, le message est assez clair. Même si nous avions déjà planifié ces réunions avant tout cela, nous avons maintenant une démonstration claire qu'il faut être beaucoup plus efficaces.
    Monsieur Williams, je vais revenir sur la création d'un ministère consacré à l'apprivoisement militaire. Monsieur Leuprecht, vous en parlez aussi dans vos notes.
    En 2019, dans la lettre de mandat du ministre de la Défense nationale — c'était M. Sajjan à l'époque —, il était inscrit clairement qu'il devait travailler avec la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement pour créer un ministère appelé « Approvisionnement de défense Canada ». En 2021, ça a disparu des lettres de mandat.
    Pourquoi le gouvernement a-t-il changé d'idée? Nous considérions de notre côté que c'était une très bonne idée. De plus, cela va dans le même sens de ce que vous avez dit.

  (1705)  

    Il y a une réponse assez claire: c'est une question d'idéologie politique. Autrement dit, plus on complique les procédures, la bureaucratie et la comptabilité du gouvernement, plus il sera difficile d'acheter quoi que ce soit ou de mener à bien les projets en cours.
    Je crois qu'il y a un manque de volonté au Canada de dépenser de l'argent en défense ou pour de grands projets de réapprovisionnement des Forces armées canadiennes. Cette approche a fonctionné pendant une vingtaine d'années alors qu'il n'y avait pas vraiment de demandes. On pouvait se fier aux dépenses qui avaient été faites dans les années 1990 et avant. Maintenant, on n'a plus rien, de sorte qu'il est de plus en plus difficile de répondre aux besoins liés aux déploiements des Forces armées canadiennes.
    C'est assez lourd de sens, quand vous dites que le problème est d'ordre idéologique. De surcroît, l'idée venait du gouvernement en place, qui l'a laissée tomber deux ans plus tard.
    Même si je veux qu'on règle le dossier, je n'ai pas le choix de faire de la politique, nous sommes ici pour cela aussi.
    Il est clair pour vous que le gouvernement libéral n'avait pas l'intention, jusqu'à il y a un mois, avant la guerre en Ukraine, d'investir en défense, et que c'est pour cela que tout traîne en longueur. C'est assez grave.
    On a également parlé de dépassements de coûts. À l'époque, quand le gouvernement conservateur a mis la stratégie navale en place, c'était pour être beaucoup plus efficace. Il a adopté cette stratégie pour que les chantiers puissent construire de l'équipement, planifier et obtenir des budgets pour qu'on finisse par avancer.
    On dirait qu'il y a maintenant un effet pervers à tout cela. M. Williams en a parlé, il y a des dépassements de coûts, et on semble ne pas avoir de contrôle sur ces dépassements. Par exemple, les cinq premiers navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, les fameux NPEA, coûtaient 400 millions de dollars chacun. Le gouvernement en a commandé un sixième, qui coûtait 800 millions de dollars. Il y avait des coûts associés à ces 400 millions de dollars supplémentaires, mais on ne sait pas trop lesquels. Cela fait au total 2,8 milliards de dollars. Or nous avons appris dernièrement que ce chantier est rendu à 4,3 milliards de dollars. On nous donne pour seule réponse que c'est à cause de la COVID‑19.
    Monsieur Leuprecht, n'est-ce pas un exemple d'abus?
    Un des problèmes de l'approvisionnement en défense a trait au fait que, plus les projets s'échelonnent sur une longue période, plus il y a une escalade des coûts. Dans les projets d'approvisionnement du secteur public, les coûts augmentent de 6 % par an, mais pour l'approvisionnement en défense, l'augmentation est d'environ 12 %. Plus le projet prend de temps à se réaliser, plus il coûte cher.
    J'étais à Halifax, où l'on a coupé le métal du premier NPEA; je crois que c'était en 2018. Si l'on sait qu'on a cinq navires à construire et qu'un sixième s'ajoutera, on peut savoir combien de temps cela va prendre. Le premier est le plus compliqué à construire, mais, pour les autres, c'est plus facile.
    Comment peut-on expliquer que les coûts de construction d'un navire augmentent de façon exponentielle alors qu'on en a déjà construit un premier?

  (1710)  

[Traduction]

     Je vais peut-être céder la parole à M. Williams. Je suis certain qu'il a des idées à ce propos.
    J'ai mon propre point de vue, mais j'en ai assez dit à ce sujet.
    Évidemment, je m'appuie sur mon expérience dans le domaine de l'approvisionnement et dans votre bureaucratie.
    Je soutiens que ce programme en particulier a été victime d'une singulière incompétence. Ceux qui ont conçu le processus ont fait comme s'ils ne connaissaient rien des modalités normales de l'approvisionnement. Cela n'a rien à voir avec la politique. Ce sont des bureaucrates qui ont conçu des processus inapplicables.
    Ce processus a débuté en 2012. Dix ans ont passé. C'est à n'y rien comprendre. La DEIQ, la demande d'expression d'intérêt et de qualification, a été publiée en 2012. Les Américains sont en train de construire une série de frégates. Il leur a fallu trois ans pour faire le travail initial et prendre leur décision, et cinq ou six ans de plus jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur premier navire, à un tiers du coût. Bon, peut-être pas exactement le tiers du coût, mais...
    Merci, monsieur Williams.
    Nous allons maintenant passer à M. Bains. Six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui se joignent à nous.
    Ma première question s'adresse à M. Leuprecht.
    Deux navires de soutien interarmées ont été commandés dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale. Ils seront construits par les chantiers navals de Seaspan à Vancouver.
    Vous avez parlé des différentes régions choisies pour construire ces navires. C'est important pour moi. Mes questions vous viennent de Richmond, en Colombie‑Britannique. C'est une industrie importante pour le secteur maritime de la province. Que pensez-vous de la capacité des chantiers navals de Seaspan à Vancouver et de ses compétences en construction navale? Je crois qu'ils sont parmi les meilleurs au monde.
    Qu'en pensez-vous?
    Nous savions que le chantier naval ne serait pas en mesure de livrer certains éléments. La Défense nationale doit maintenant les construire à Esquimalt.
    Je refuse de me prononcer sur les compétences de quiconque, mais il y a toujours des compromis politiques dans les décisions que les gouvernements prennent lorsqu'ils accordent des contrats d'approvisionnement.
    Nous vivons dans un pays particulièrement vaste et nous n'achetons pas beaucoup de ces choses‑là. Lorsque nous les achetons, nous devons ensuite les adapter. Nous apportons une série d'adaptations au navire de combat canadien. Bon nombre d'entre elles sont dictées par la prudence. Il s'agit de répondre aux besoins particuliers du Canada.
    C'est pourquoi je trouve la comparaison de M. Williams un peu injuste. Chez les Américains, par exemple, la construction navale se fait à une tout autre échelle, et les Français ne s'y prennent pas tout à fait comme nous pour acquérir leurs navires. Nous devons, quant à nous, nous assurer qu'au bout du compte, le matériel servira vraiment les intérêts canadiens et répondra aux besoins de la Marine royale canadienne. Cela exige toujours des modifications sur mesure, comme nous le voyons avec le navire de combat canadien, par exemple.
    Que pensez-vous des répercussions de la pandémie sur la construction de ces navires?
    Je ne peux pas dire dans quelle mesure chaque entreprise a été touchée, mais lorsqu'il s'agit d'approvisionnement en matière de défense, il faut être capable d'exécuter le travail dans des circonstances très difficiles. Imaginez qu'il faille mener ces travaux quand le Canada est en guerre ou en conflit avec un autre pays.
    C'est le cas maintenant. Nos alliés nous demandent quelle contribution nous pouvons apporter. Non seulement nous n'avons rien à offrir, mais nous avons aussi des processus tels que le département du Commerce des États-Unis considère que le Canada est l'un des pays les plus difficiles et les plus alambiqués au monde pour ce qui est de l'approvisionnement en matière de défense. Voilà une distinction que nous ne tenons pas à arborer. Cela veut dire que les gouvernements fédéraux ne peuvent pas...
    L'une des fonctions fondamentales de tout gouvernement est de défendre le pays, le continent et ses alliés. Notre système d'approvisionnement n'est pas en mesure de respecter les obligations fondamentales d'un gouvernement envers ses citoyens.

  (1715)  

    Nous nous attendions à ce que le premier navire soit livré en 2023. Mettons que ces navires soient livrés. Comment pensez-vous qu'ils contribueront à la capacité de la Marine et de la Garde côtière?
     Monsieur Bains, vous posez une question extrêmement importante. Le plus grand défi, peu importe ce que mes collègues ont dit, ne tient pas au matériel lui-même, mais au personnel.
    À l'heure actuelle, les plus grandes lacunes des Forces armées canadiennes concernent certains métiers dans la Marine canadienne. Nous pouvons acheter tous les avions et tous les navires que nous voulons, quels que soient les dépassements de coûts, si nous ne pouvons pas fournir le personnel capable d'exercer certains métiers ou professions, si nous ne pouvons pas fournir les pilotes, peu importe quel avion au monde... Nous mettons beaucoup l'accent sur l'approvisionnement, mais il y a d'autres difficultés de taille. Je témoignerai la semaine prochaine au comité de la défense nationale au sujet du recrutement et du maintien en poste du personnel.
    Les forces armées doivent faire trois choses. Elles doivent pouvoir se renouveler. Elles doivent se maintenir, subvenir à leurs besoins et fonctionner. Pendant des années, nous avons tellement mis l'accent sur les opérations que nous n'avons pas été en mesure de renouveler et de maintenir les forces. C'est ainsi que nous avons maintenant d'importants défis à relever du côté du renouvellement. Cela va compromettre la capacité des Forces armées canadiennes de se maintenir et certainement de mener des opérations si nous ne pouvons pas régler ces problèmes de renouvellement.
    Il faut insister beaucoup plus sur la nécessité de s'assurer que l'organisation peut vraiment se renouveler, vu les obstacles à surmonter pour y arriver.
    Merci.
    Me reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste 40 secondes.
    Pour passer à autre chose, quels que soient les systèmes qui seront mis à bord des navires, à quel point sont-ils compatibles avec ceux de nos alliés?
    L'interopérabilité est absolument essentielle parce que, dans les opérations internationales et multinationales, le Canada agit rarement seul. Nous sommes toujours aux côtés d'alliés, mais nos besoins sont également quelque peu différents des leurs.
    Par exemple, les frégates françaises ne sont pas conçues pour rester en mer six mois d'affilée. Compte tenu de notre situation géostratégique, nous devons nous assurer que notre matériel peut répondre aux besoins particuliers des Canadiens, qui sont quelque peu différents de ceux de plusieurs de leurs alliés.
    Nous devons dire oui à l'interopérabilité, mais aussi nous préoccuper de la contribution particulière du Canada et nous rappeler la façon dont nous avons utilisé la défense nationale avec beaucoup d'adresse sur le plan politique, au fil des décennies, pour maximiser l'influence de la politique étrangère canadienne. Il faut comprendre que la défense nationale et les Forces armées canadiennes constituent un instrument de politique étrangère et d'influence, l'instrument de politique étrangère le plus important dont dispose un gouvernement fédéral.
    Madame Vignola, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Messieurs Perry et Leuprecht, ce que vous dites à propos du besoin de main-d'œuvre qualifiée m'interpelle grandement. En 1994, j'étais étudiante à Rimouski et l'Institut maritime du Québec, qui s'y trouve, débordait. Il n'y avait même pas assez de places dans les résidences de l'Institut. Les étudiants devaient venir aux résidences du Cégep de Rimouski.
    En 1994, un ancien premier ministre canadien a fait des compressions budgétaires dans les forces armées. Je m'en souviens. Je n'étais pas dans les forces, mais mes amis étaient présents lors de l'annonce disant que leurs services n'étaient plus requis et qu'ils pouvaient partir. Cela a vidé peu à peu l'Institut maritime du Québec, qui cherche aujourd'hui des étudiants, alors qu'auparavant il en refusait.
    Alors, à mon humble avis, en effet, ce que vous dites est vrai. Il y a beaucoup de travail à faire sur le plan du recrutement et de la formation.
    Cela dit, monsieur Williams, j'ai aussi été fortement interpelée lorsque vous avez dit que c'était l'industrie qui décidait, et non le client, c'est-à-dire le gouvernement du Canada. Je m'interroge énormément là-dessus. Il me semble qu'habituellement, lorsqu'un client fait des demandes ou pose des questions, l'industrie s'organise pour y répondre et doit lui rendre des comptes.
    Que se passe-t-il, actuellement, si c'est l'industrie qui décide?
    J'aimerais que vous nous donniez plus d'information sur cet aspect.

  (1720)  

[Traduction]

     D'après mon expérience, ce problème est propre au projet des navires de combat canadiens.
    Essentiellement, le gouvernement a dit que, pour construire ces navires, il allait présélectionner un chantier auprès duquel tout le monde allait devoir soumissionner, et il a choisi Irving pour les grands navires de combat. Ainsi, tous ceux qui voulaient soumissionner ont été contraints à travailler avec Irving, ce qui, en soi, est allé à l'encontre du cours normal des choses, qui consiste à permettre aux consortiums de se structurer et de choisir leur propre chantier.
    Cela fait, les responsables ont encore aggravé la situation en disant qu'Irving étant le chantier naval, ce serait aussi cette entreprise qui prendrait les décisions sur l'énoncé des besoins: le choix de l'intégrateur et celui de la conception. C'est Irving qui a choisi le modèle de type 26, qui n'avait pas fait ses preuves. C'est encore Irving qui a choisi Lockheed Martin. L'entreprise décide de l'énoncé des besoins.
    Pas étonnant que les coûts soient passés de 26 à 77 milliards de dollars et que le poids des bâtiments ait augmenté de 44 %: il n'y a aucune contrainte. Aucune limite budgétaire. Tous les contrôles élémentaires dont un programme d'approvisionnement est normalement assorti ont été éliminés.
     La situation est maintenant très grave: comment pouvons-nous aller de l'avant? Je ne pense pas que le gouvernement signe un jour un contrat portant sur 15 de ces navires sous la rubrique actuelle. Il va falloir faire quelque chose, et j'ai proposé des idées pour la suite des choses.

[Français]

     Je vous remercie.
    Je ne fais aucun reproche à Lockheed Martin, mais je me questionne sur le processus décisionnel.
    Messieurs, êtes-vous inquiets de voir que Lockheed Martin sera responsable de la construction de nos aéronefs et qu'elle est également impliquée dans la conception des navires?
    Ne trouvez-vous pas qu'on donne beaucoup de contrôle à cette compagnie, qu'on lui donne un trop grand pouvoir de décision? Ne trouvez-vous pas que certains aspects devraient être entre les mains d'intérêts purement canadiens?

[Traduction]

     Permettez-moi de distinguer les deux dossiers.
    Pour être juste envers les F‑35, c'est le gouvernement qui est le responsable, pas le secteur privé. Lockheed Martin n'est pas le responsable. Le gouvernement a choisi cet avion. C'est lui et ses fonctionnaires qui surveilleront l'élaboration du programme.
     Je n'ai aucune raison de soupçonner quoi que ce soit. Lockheed Martin est une entreprise réputée et très compétente. À propos de ce programme particulier, il faut dire que 700 ou 800 appareils ont déjà été vendus. Elle en produit 3 400 au total et environ 2 400 appareils de version A. Ces gens ont de solides moyens et sont très compétents.
    Quant au programme des navires, ce n'est pas tant Lockheed Martin qui me préoccupe. Ce qui m'inquiète, c'est qu'Irving Shipbuilding, Lockheed Martin et BAE sont en mesure, sans contraintes budgétaires, d'exploiter les contribuables. Il est incroyable que nous dépensions plus d'un quart de billion de dollars, plus d'argent que nous n'en avons pour acheter ce dont ont besoin les forces terrestres, maritimes et aériennes, et que personne ne brandisse le drapeau rouge et ne dénonce ce scandale. Je ne comprends pas comment nous en sommes arrivés là sans que personne s'en aperçoive.
    Vous pouvez en débattre, vous disputer avec moi et soutenir que je me trompe sur toute la ligne, mais cela devrait faire l'objet d'un examen minutieux avant qu'il ne soit trop tard.

  (1725)  

    Merci, monsieur Williams.
     Nous passons maintenant à M. Johns pour six minutes.
    Merci.
    Je vais revenir à M. Williams.
    J'aime beaucoup vos explications. Vous avez parlé des différents éléments qui contribuent au coût des navires de combat canadiens: les coûts de conception du navire, les systèmes en développement, la possibilité pour l'industrie de modifier l'énoncé des besoins et d'y ajouter des éléments, l'absence de contrôles budgétaires, et le transfert au secteur privé de la responsabilité du processus d'approvisionnement.
    Comment les autres pays s'y prennent-ils pour éviter ces coûts effrénés? Dans quelle mesure l'industrie devrait-elle pouvoir participer à l'élaboration de l'énoncé des besoins pour les grands projets d'approvisionnement en matière de défense?
     Dans ma note, vous verrez qu'il est question du programme américain des frégates FFG‑62 des États-Unis, dont la démarche est un exemple à suivre. Les Américains ont exigé un modèle parent éprouvé. Le type 26 n'a même pas été pris en considération. Les offres qui le proposaient ont été jugées non conformes. Ils ont exigé des systèmes de série très perfectionnés. Cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas modifiés, comme l'a dit Christian Leuprecht. Tout est modifié — on n'achète pas une Chevrolet qui se trouve déjà toute faite chez le concessionnaire —, mais le degré de modification est réduit au minimum, et le risque d'intégration est aussi réduit au minimum.
    Les Américains ont dit: « Nous voulons tous ces systèmes. Nous voulons une conception éprouvée. Voici le budget. Maintenant, allez‑y et organisez-vous comme vous le voulez, et nous choisirons. » Tout ce processus s'est déroulé, jusqu'à la prise de décisions, sur une période de trois ans, entre 2017 et 2020. C'est ainsi qu'il faut faire. C'est ainsi que nous aurions dû nous y prendre. Et c'est ce que nous devons faire pour les 12 autres navires.
    J'ai acheté des mauvaises bagnoles à mon époque, mais il n'y en a eu aucune qui m'ait coûté 4, 5 ou 10 fois plus cher lorsque je l'ai prise.
    Quels sont les inconvénients si la responsabilité en matière d'approvisionnement est cédée au secteur privé? Vous vous êtes occupé d'approvisionnement. Qu'est‑ce qui a changé depuis que vous avez quitté la fonction publique? Ou bien est‑ce que, simplement, les choses ont échappé à tout contrôle cette fois‑ci?
    Je le crois, oui. Je n'aurais jamais pu imaginer un tel brouillage, une telle incompétence, je dirais, dans la conception d'un processus. Rien de tout cela ne se justifie. J'ignore comment on a pu donner l'approbation. Aujourd'hui, nous devons tous payer le prix.
    Cette affaire a commencé en 2012. C'est ahurissant. J'ai parlé au début du gaspillage de temps et d'argent que cette façon de faire entraîne. Il faut fournir plus d'information au Comité pour qu'il puisse contester et remettre en question l'opinion des bureaucrates qui laissent entendre que c'est ainsi qu'il faut s'y prendre.
    Nous choisissons des systèmes tout à fait en développement. Nous choisissons une carcasse qui l'est tout autant. Aucun contrôle sur quoi que ce soit. Aucune transparence. Aucune perspicacité. Personne ne sait ce qui se passe dans les couloirs d'Irving-Lockheed Martin-BAE. Rien ne nous est accessible. Nous serons mis au courant lorsque la conception finale sera prête, mais il sera trop tard. C'est déjà trop tard. Nous devrions la contester et la remettre en question immédiatement.
     Merci.
    Monsieur Perry, vous avez parlé de capacité, et cela m'a beaucoup plu.
    J'habite à Port Alberni. Nous avons le seul port en eau profonde sur la côte Ouest de l'île de Vancouver. Certains on voulu faire construire une cale sèche sur les terres portuaires fédérales, et Transports Canada a répondu qu'il n'y avait pas de programme pour les cales sèches flottantes. Entretemps, j'ai assisté à la conférence de la Pacific NorthWest Economic Region, et j'ai appris qu'environ 3 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la remise en état des cales sèches, et ces installations n'ont aucune disponibilité. Le secteur tourne à plein régime ou presque, depuis l'Oregon jusqu'à l'Alaska.
    Pouvez-vous expliquer en quoi le processus d'approvisionnement est vicié, en ce sens que nous pouvons repérer...? Le directeur parlementaire du budget a dit la même chose. Comme nous n'avons pas de secteur de la construction navale robuste depuis des années, les coûts sont faramineux par rapport à ceux d'autres pays.
    Pouvez-vous nous parler de la nécessité d'une collaboration interministérielle pour investir dans l'expansion du secteur de la construction navale?
    Cette partie de la stratégie de construction navale — la constitution d'une industrie souveraine chez nous et d'une source d'approvisionnement — ne devrait pas se perdre. Un de vos collègues a demandé plus tôt si le Canada achetait des missiles Javelin. Comme le conflit en Ukraine l'a fait ressortir, le faible développement de votre industrie nationale limite considérablement les possibilités qui s'offrent à votre gouvernement.
    Nous sommes en train de mettre en place un secteur national de construction navale qui pourrait bâtir des navires pour nous ou peut-être pour d'autres à l'avenir. Nous sous-estimons l'avantage que le Canada pourrait avoir pour développer exactement ce type de capacité industrielle.
     Je vais réagir rapidement à certaines affirmations d'Alan Williams. Je suis d'accord avec lui lorsqu'il parle de divergences de vues sur une foule de sujets, mais en total désaccord sur beaucoup d'éléments de sa description de l'arrangement. Je suis tout à fait d'accord sur le manque de transparence et sur le fait que nous devrions pouvoir discuter de cette question en nous appuyant sur une interprétation et une explication du gouvernement, qui dirait comment, à son avis, ces arrangements sur la construction navale et les navires de combat canadiens, ou NCC, doivent fonctionner, et quelles devraient être les relations avec les chantiers navals.
    Le même point de vue vaut pour la situation qui existera entre le Canada et les divers chantiers navals — d'autant plus qu'il y en aura peut-être trois — et la nature des relations entre le gouvernement et les chantiers navals et toutes les entreprises qui travaillent pour eux. Jusqu'à maintenant, cela n'a pas été expliqué assez clairement.

  (1730)  

     Merci, monsieur Johns. Encore une fois, vous avez perdu cinq secondes.
    Nous entamons maintenant le dernier tour. Monsieur McCauley, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et messieurs.
     Monsieur Williams, merci de m'avoir profondément déprimé.
     J'ai un exemplaire du rapport du Congressional Research Service. Il a publié un rapport sur la classe Constellation. Il montre en fait que les États-Unis sont en train de modifier considérablement le navire, le rendant beaucoup plus gros que la frégate européenne multi-mission, ou FREMM, mais toujours à environ 1 milliard de dollars par navire, soit environ le cinquième du coût que nous allons assumer.
    Messieurs Perry et Williams, que pensez-vous des problèmes des navires de type 26? Nous avons vu les rapports de nos alliés australiens qui éprouvent des problèmes avec ces navires. La Grande-Bretagne s'est retirée de son engagement quant au nombre de navires qu'elle allait faire construire. Elle va en construire quelques-uns, mais elle construira beaucoup plus de frégates plus petites et moins coûteuses.
    Lorsque nous avons reçu les représentants de la Marine, la semaine dernière, nous avons parlé de ce problème et des questions de poids, et ils ont dit qu'ils réduiraient peut-être certaines parties du navire afin de satisfaire aux exigences de poids et de vitesse. Je suis horrifié à l'idée que nous puissions faire des coupes dans l'armement et d'autres éléments nécessaires sur le navire pour respecter les exigences en matière de vitesse et autres définies dans la demande de propositions. La Marine semble peut-être disposée à sacrifier certains éléments pour ne pas dépasser le poids prévu.
    À propos du navire de type 26, pourriez-vous tous les deux nous parler de l'expérience de nos alliés? À quoi pouvons-nous nous attendre?
    J'ai quelques mots à dire.
    Premièrement, les États-Unis n'ont allongé leur navire que de 23,6 pieds et n'en ont augmenté le poids que de 500 tonnes. Sur le simple plan matériel, c'est relativement mineur. Les rapports qui portent sur la question ne présument pas qu'il y aura d'importantes majorations des coûts à cause de ces modifications. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un bâtiment qui a fait ses preuves et que tous les systèmes se trouvent sur le marché.
    Quant au type 26, je dirais simplement qu'il faut jeter un coup d'œil rapide à ce qui se passe en Australie, où l'augmentation de poids est considérable. Apparemment, il ne reste plus qu'une marge d'environ 3 %. Les Australiens ont fait un examen complet et viennent de retarder le processus de 18 mois. L'augmentation du poids, selon leur vérification, a eu une incidence considérable sur la puissance du navire. Ils ont l'impression qu'ils ont perdu sur les plans du rayon d'action et de la vitesse. Ils retournent à la planche à dessin pour adapter la conception. Ils s'attendent à des retards qui totaliseront 18 mois. Je ne...

  (1735)  

    Monsieur Williams, permettez-moi de vous interrompre, car je veux laisser un peu de temps à M. Perry.
    Pensez-vous que nous en sommes au point où nous allons devoir tout reprendre depuis le début? J'ai posé la question à la Marine et on m'a dit que le processus était déjà bien avancé et qu'il faudrait peut-être tout sacrifier recommencer à zéro.
    Ma recommandation, qui figure dans mes notes, est très claire. Nous devrions acheter trois de ces navires. Nous avons des économies d'échelle et des coûts qui avoisinent le milliard de dollars. Prenons-en trois. Parallèlement, nous pouvons procéder de la bonne façon et parvenir à une décision sur un autre modèle, peut-être, mais avec des coûts qui se rapprochent davantage de ce que Fincantieri propose et aussi des coûts du FFG‑62, et toujours avoir des livraisons dans le même délai que celui que nous envisageons actuellement.
    Très bien.
    Monsieur Perry, allez‑y.
    Pour commencer, il est important de se rappeler que le programme américain n'en est encore qu'à l'étape théorique, à l'étape de l'intention, et qu'il n'a encore rien produit.
    Quant à la marine américaine, son bilan en matière de livraison de gros navires dans les délais et sans dépassement de budget n'est pas très reluisant, à moins qu'elle n'en ait déjà livré trois, quatre ou cinq douzaines, comme c'est le cas pour les destroyers de la classe Arleigh Burke.
    C'est aussi une considération importante, si vous pensez à la classe Constellation comme solution de rechange possible pour le Canada et au fait que le Canada ne prévoit pas continuer d'acheter le Arleigh Burke Flight III comme le font les États-Unis. Nous n'avons pas de porte-avions. Pour faire des analogies avec d'autres programmes ailleurs, il est important de comprendre les différences entre ce que nous cherchons à faire avec notre seul programme d'acquisition par rapport à ce que d'autres pays font avec des acquisitions multiples.
    Il y a en fait un bon nombre de similitudes, cependant, entre l'approche de base adoptée par les Américains et ce que nous faisons. Certains des rapports du Congressional Research Service, par exemple, révèlent qu'ils retiennent l'essentiel de ce navire, mais qu'ils le modifient considérablement. Comme M. Williams l'a souligné, ils sont en train de le modifier sur trois plans et de changer tous les systèmes de combat à bord. C'est là que surgissent les risques et les défis d'intégration réels propres à un projet comme celui‑ci. Le Canada produit une version d'un modèle identique.
     Merci, monsieur Perry.
    Nous passons maintenant à M. Housefather. Cinq minutes.
    Merci aux trois témoins. Vous nous avez tous appris beaucoup de choses. M. Leuprecht, notamment, a fait ressortir les tensions inhérentes entre les différentes exigences imposées au processus d'approvisionnement. On veut faire vite, mais plus on va vite plus on risque d'agir avec incompétence, sans cohérence, sans rigueur dans l'évaluation. On veut limiter les frais, mais plus on le fait, moins on peut insister sur le contenu canadien, sur la création d'emplois au Canada, sur la réalisation de travaux au Canada, alors qu'on peut acheter pour moins cher des produits tout faits à l'étranger.
    Bon nombre des contraintes dénoncées aujourd'hui nous sont imposées par le choix de ces modèles. Par exemple, à propos de la création d'emplois au Canada, je suis certain qu'il y a une façon d'acquérir les navires qui n'aurait pas créé autant de milliers d'emplois au Canada. Il aurait été plus rapide de les acheter tout faits à l'étranger.
    Qu'en pensez-vous, chacun de vous, messieurs Leuprecht et Perry? C'est ce que je retiens surtout des échanges d'aujourd'hui.
    Je dirai simplement que je ne suis pas aussi déçu que M. Williams de la Stratégie nationale de construction navale. Je pense même qu'elle propose peut-être de meilleurs compromis entre les retombées pour le Canada et les bienfaits que la Marine canadienne en tirera.
    J'ajouterai que M. Williams — j'ignore s'il le dit dans ses notes — offre des services de consultation à des organisations susceptibles de bénéficier de la proposition qu'il avance comme solution de rechange. Il a été déçu de certaines acquisitions qui n'ont pas profité aux entreprises qu'il a conseillées. Je ne dis pas que c'est ce qui motive ses interventions aujourd'hui, mais simplement que nous avons également besoin de connaître toute cette information.
    Ce n'est pas vrai. Je ne peux pas accepter cette insinuation. C'est une accusation...
    Monsieur Williams, je comprends votre réaction et je l'ai entendue. Je suis certain que le président vous donnera le temps de répondre, mais je n'ai que cinq minutes et je ne veux pas que le témoin les prenne sur mon temps de parole. Si le président lui permet de répondre maintenant sans empiéter sur mon temps de parole, c'est à lui de décider.
    Monsieur le président?
    Désolé, mais pouvez-vous...
    Monsieur le président, M. Williams voulait répondre à certains propos, mais je ne veux pas qu'il le fasse à mes dépens. M. Williams veut répondre à une réflexion de M. Leuprecht. Je vous demande donc si vous lui donnez du temps de parole en dehors de mes cinq minutes.
    Monsieur Housefather, ce sont vos cinq minutes, alors vous avez la parole et vous pouvez décider de qui vous souhaitez obtenir une réponse.
    Monsieur Perry, allez‑y.
     Je pense que vous avez frappé dans le mille.
    La construction navale en particulier et de nombreux aspects de l'approvisionnement sont essentiellement une série de compromis visant à prendre les décisions les moins mauvaises, et non celles qui sont parfaites en soi. Cela vaut pour toute la trame, y compris le choix de l'entrepreneur principal, par exemple. Beaucoup de modèles différents sont proposés, et il y a deux types de considérations, avec des avantages et des inconvénients dans chaque cas.
    Pour revenir à ma déclaration liminaire, nous avons toujours constaté que nous avons tendance à sacrifier le calendrier et la rapidité de livraison au profit d'autres considérations, quelles qu'elles soient. Nous devons réfléchir à des moyens d'insister davantage sur le respect du calendrier, car cela a des répercussions sur bien d'autres choses, comme la capacité, l'abordabilité et ainsi de suite. De plus, il y a moyen d'envisager d'investir davantage dès le départ dans les ressources humaines et l'infrastructure ou dans d'autres choses dont nous avons déjà parlé, de façon à accélérer le travail pour respecter les calendriers.
    Malheureusement, nous avons trop souvent fait des économies de bouts de chandelle. Nous sommes partie prenante, et si nous voulons que le programme soit une réussite, le Canada devrait songer à prendre des décisions au niveau national pour que le travail se fasse le plus rapidement possible.

  (1740)  

    C'est entendu, et je suis tout à fait d'accord sur ce que vous venez de dire. Je reviens sur la même question. J'estime par exemple qu'il s'agit moins de modifier la structure organisationnelle que de faire des investissements pour avoir suffisamment de main-d'œuvre pour s'occuper de tout ce que nous demandons, ou alors d'apporter des modifications à l'organisation pour que nous n'ayons pas à nous occuper de toutes ces choses et que nous puissions avancer plus rapidement.
    Diriez-vous que, pour l'essentiel, c'est exact?
     C'est certainement une façon de voir les choses. Je ne suis pas d'avis qu'un changement de structure organisationnelle est la solution à tous ces problèmes. Beaucoup de problèmes viennent des priorités divergentes du gouvernement. Fondamentalement, vous devez décider de l'ordre de ces priorités. Il ne suffit pas de tout regrouper en une même organisation pour régler les conflits de priorité.
    Nous devons aussi garder à l'esprit que nous essaierions de réaliser ce genre de réorganisation alors que, d'après ce que je peux voir, nous sommes au beau milieu du plus grand programme d'approvisionnement — et nous n'ajoutons rien pour l'avenir — que nous ayons vu depuis la guerre de Corée. Une réorganisation de ce genre entraînerait des coûts, c'est certain, au moment même où nous sommes au milieu d'un programme déjà en surchauffe.
    C'est peut-être ce que nous voulons faire, mais nous devons garder l'œil ouvert au sujet des choix à faire dans cette décision.
     Tout à fait.
    Monsieur le président, me reste‑t‑il du temps?
    Vous avez 10 secondes.
    Monsieur Williams, si vous avez des précisions à apporter, allez‑y.
    Les commentaires de M. Leuprecht étaient absolument inexacts. Je n'ai pas de conflits d'intérêts. Je n'ai pas de clients impliqués dans le navire de combat de surface canadien, le NCSC. Dire ou laisser entendre le contraire est irresponsable.
    Nous passons maintenant à Mme Vignola, pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je vais simplement faire un commentaire.
    Dans une ancienne vie, j'ai été enseignante, et je devais tout planifier de A à Z. Il ne fallait rien oublier, et cela incluait aussi parfois le coût des activités. Lorsque j'écoute les commentaires, d'un côté comme de l'autre, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de juste milieu. On dirait que, soit on va très vite et on fait des achats ailleurs pour pas cher, soit on va très lentement, ce qui engendre des coûts beaucoup plus élevés, mais qui permet une meilleure reddition de comptes.
    Il faut être transparent, mais il me semble qu'il pourrait y avoir un juste milieu, quelque chose d'efficace, parce qu'on parle des taxes et des impôts des contribuables, et non des désirs d'une ou deux compagnies. Les taxes et les impôts des contribuables sont utilisés pour la défense de leur territoire et la souveraineté territoriale. C'est important.
    Cela étant dit, actuellement, deux chantiers sont qualifiés. Aurait-il été bien qu'il y en ait un troisième plus tôt dans la mise en œuvre de la stratégie pour que le processus soit efficace et plus fluide?
    La question est ouverte à tous.

[Traduction]

    Je commencerai par dire que le troisième chantier naval annoncé il y a deux ans et demi visait en partie à accroître la capacité disponible pour livrer tous ces navires à la Marine et à la Garde côtière. Je pense qu'il faut encore plus de capacité. Il y a énormément de travail à faire.
    Il y a un compromis à faire à cet égard, en ce sens que tout le travail sera terminé plus vite, si bien que le long programme de travail envisagé au départ — au début pour un seul chantier naval, puis il y en a eu deux — sera terminé plus tôt s'il n'y a pas d'activité complémentaire. Cependant, l'ajout de cette nouvelle capacité pour assurer des services de brise-glace au moment où nous devons nous préoccuper plus que jamais, selon moi, de sécurité et de défense du Canada dans notre Arctique... J'espère voir cette décision se concrétiser rapidement.
    Quant à votre commentaire sur les extrêmes et la recherche d'un juste milieu, je ne pense pas que le Canada dispose vraiment d'options pour l'achat de navires à bon prix, rapidement, et sans qu'il y ait de compromis à faire, par un autre mécanisme. Je fais suffisamment confiance au gouvernement pour croire que, si ces voies faciles existaient, nous les aurions empruntées ces 12 dernières années.
    Je pense que tout cela est difficile. Il s'agit de savoir quelles décisions de compromis vous voulez prendre et comment vous faites votre analyse coûts-avantages, parce qu'il n'y a pas de solutions simples.

  (1745)  

    Merci, monsieur Perry.
    Si M. Williams ou M. Leuprecht veulent réagir...
    J'aimerais intervenir à ce sujet.
    Excusez-moi...
    Je ne pense pas que ce soit l'un ou l'autre. Si vous comprenez le processus...
    Monsieur Williams, silence, s'il vous plaît.
    ... et si vous le suivez par la porte d'entrée, alors vous pourrez faire les choses intelligemment et rapidement...
    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Monsieur Williams et monsieur Leuprecht, les contraintes de temps nous empêchent de continuer. Si vous avez une réponse à cette question, je vous demanderais de l'envoyer par écrit au greffier, qui pourra la distribuer à l'ensemble du Comité.
    Nous passons maintenant à M. Johns, pour deux minutes et demie.
    Merci.
    Monsieur Perry, pouvez-vous nous parler des répercussions des problèmes de chaîne d'approvisionnement et d'inflation mondiale sur l'industrie de la construction navale, surtout avec la relance du moteur économique mondial à la suite de la COVID?
    Les expéditions prennent toutes plus de temps et coûtent beaucoup plus cher. Cela se répercute sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement de toutes les industries, construction navale comprise. Faire venir quelque chose d'outre-mer coûte toujours plus cher. Je ne pense pas que nous comprenions encore toutes les conséquences de l'inflation — qui, dans l'économie de consommation, atteint un sommet jamais vu en une trentaine d'années — dans la construction navale.
    Au‑delà de cela, par contre, ce sont des choses comme l'inefficacité de la tenue d'audiences comme celle‑ci, par opposition au contact en personne, qui se sont manifestées depuis deux ans en construction navale et dans toutes les autres formes d'approvisionnement. Nous les gérons du côté du gouvernement du Canada par des réunions Teams, qui sont bien loin d'être aussi efficaces que les rencontres en personne. Je ne pense pas que nous le comprenions vraiment, mais cette façon de faire depuis 24 mois n'a pas été sans répercussions.
     C'est une excellente rétroaction.
    Pour revenir à ma question de tout à l'heure au sujet de la capacité, le gouvernement n'a pas vraiment de stratégie d'expansion et de renforcement des capacités dans les petites collectivités rurales comme Port Alberni, où nous avons une bonne entreprise, la Canadian Maritime Engineering, qui souhaite l'expansion du secteur de la construction navale, et qui sait que cela aiderait à soutenir la demande. Selon le directeur parlementaire du budget, s'il y a plus de chantiers navals, les coûts diminueront, surtout s'ils se trouvent dans des collectivités rurales comme Port Alberni, où la vie coûte beaucoup moins cher qu'à Vancouver, à Montréal ou à Halifax.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance des politiques également? Il y avait un droit tarifaire de 25 % qui dissuadait les entreprises de construire des traversiers à l'extérieur du Canada. Le gouvernement l'a aboli. Cet argent aurait pu être affecté à la construction de docks flottants. Pouvez-vous nous parler de l'importance des politiques et des investissements essentiels dans ces domaines?
    Nous devons essayer de mieux harmoniser le cadre stratégique et les investissements dans les infrastructures. Nous avons plusieurs occasions d'investir davantage dans ces infrastructures essentiellement nationales. La même logique vaut pour d'autres investissements plus vastes dans les infrastructures sociales. Si l'on peut dépenser 1 milliard de dollars maintenant pour produire des retombées de 2 milliards de dollars sur 30 ans, à mon avis, c'est à considérer.
    Quant à la possibilité d'accès à un plus grand bassin de talents, si l'on multiplie les installations, il y a un compromis à faire entre l'efficacité et la gestion de projet. Il faut peser le pour et le contre, mais je pense que les chantiers navals existants n'ont certainement pas suffisamment de personnel de cols bleus ou de cols blancs, et si nous ajoutons un troisième chantier naval, avec tout un autre panier de projets, la situation ne fera qu'empirer. Voilà essentiellement le problème à régler pour le Canada, quel que soit le chantier naval qui emploie les travailleurs.
    Merci, monsieur Perry.
    Monsieur Johns, vous avez repris vos six secondes.
    Nous passons maintenant à M. Lobb, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord vérifier une chose avec M. Williams. Je ne sais pas s'il a pu dire tout ce qu'il voulait ou s'il avait autre chose à ajouter. Je pense qu'il n'a pas pu prononcer ses dernières paroles à la fin du tour de M. Housefather.
    J'essaie de me rappeler les commentaires de M. Housefather. Oublions cela pour l'instant.
    Vous étiez offensé, je crois, par les commentaires de l'un des autres témoins. Vous avez dit que vous ne pouviez pas laisser passer cela ou quelque chose du genre.
    Ah oui, tout à fait. Il a donné à entendre que, d'une certaine façon, mes commentaires manquaient d'objectivité parce que je suis de connivence avec des entreprises qui s'intéressent, d'une façon ou d'une autre, au programme du navire de combat de surface canadien, le NCSC.
     C'est tout à fait faux, et ce, sans équivoque. Je ne travaille pour aucune autre entreprise, je ne suis pas payé par une autre entreprise et je n'ai rien à voir dans une autre entreprise. J'ai veillé consciemment, à la fois dans ce dossier et dans celui des avions à réaction, à ne jamais intervenir auprès des entreprises, afin de pouvoir exprimer mes vues en parfaite objectivité et sans donner prise à aucune allégation de subjectivité. Je voulais que ce soit limpide.

  (1750)  

    D'accord. Merci.
    Monsieur Perry, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la transparence?
    Oui.
    Pour revenir à ce qu'a dit M. Williams au sujet des coûts énormes de ce projet — quel que soit le chiffre exact, ils sont énormes — et je pense que nous n'avons pas été bien servis en fait de quantité et de fréquence de communications transparentes sur ce qui s'est passé dans ces projets de construction navale dans la dernière décennie. Il y a eu des hauts et des bas, mais je pense qu'ils sont aujourd'hui à un creux. Des audiences comme celle‑ci ne devraient pas être le mécanisme clé pour nous apprendre ce qui se passe avec un investissement de tout cet argent. Selon moi, c'est trop important pour qu'on s'en tienne à cette série peu fréquente de communications.
    Un ancien ministre de SPAC a proposé la publication d'un rapport trimestriel sur la construction navale. Je suis certain que les bureaucrates en seront consternés, mais étant donné les sommes en jeu, j'estime que cet effort servira mieux les Canadiens et nous fera voir ce qui se passe effectivement, pourquoi les décisions sont prises, où sont les coûts, et quand nous allons avoir les navires.
    Merci beaucoup, monsieur Perry. Je pense que cela serait très utile pour les parlementaires et pour les contribuables.
    Nous avons parlé de certains des autres pays qui font mieux que nous en matière de transparence. De toute évidence, les Américains sont plus transparents que nous, tout comme les Australiens et les Suisses, que vous avez mentionnés, je pense. Comment leur processus dépolitise‑t‑il le processus d'acquisition? Chez nous, cela semble retarder et faire avorter les projets.
    Il y a plusieurs facteurs, je pense. La transparence en est un, en ce sens qu'elle peut mieux expliquer ce qui se passe effectivement, de sorte qu'il est possible d'avoir une discussion à partir d'une base beaucoup plus large de faits disponibles.
    Par rapport à certains de vos homologues étrangers, je ne pense pas que nos gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, font un assez bon travail pour diffuser ces renseignements de façon constante. Nous investissons beaucoup trop d'argent pour ne pas être plus clairs avec tous les Canadiens, mais surtout avec les parlementaires, au sujet des décisions que nous prenons, des raisons pour lesquelles nous les prenons et de leurs répercussions.
     Je suis heureux de vous l'entendre dire. Je me rappelle avoir dit plusieurs fois devant notre comité que le directeur parlementaire du budget a dû aller voir les gens du Pentagone pour connaître les coûts des frégates, avant de les extrapoler et de les appliquer à notre programme, parce que le ministère de la Défense nationale refusait de dévoiler ces renseignements. Chez nous, les États-Unis sont plus ouverts à l'égard de nos coûts que notre propre ministère de la Défense.
    Est‑ce un manque de volonté politique? Faut‑il que la nouvelle ministre de la Défense dise: « Faites vos calculs et soyez transparents », ou sommes-nous aux prises avec les tracasseries administratives de la bureaucratie? D'où cela vient‑il? Est‑ce tout simplement incrusté dans notre système?
    Je pense que c'est en partie incrusté, et que l'enthousiasme n'est pas délirant aux niveaux officiels de la fonction publique... Fondamentalement, une grande partie de ces rapports ne font qu'alourdir le travail. Lorsqu'on a le choix entre prendre des décisions et en faire rapport, il y a une tension compréhensible entre faire le travail et expliquer ce qu'on a fait.
    Je pense que nous pouvons trouver un meilleur équilibre, et vous ne pouvez pas attendre de changement à moins que la décision ne vienne du premier ministre ou du Cabinet.
     Cela nous ramène au commentaire initial: tout est atténuation des risques. Avec nos bureaucrates, une partie de l'atténuation des risques consiste à cacher l'information aux parlementaires et aux contribuables.
    Merci beaucoup.
    Il vous reste 10 secondes.
    Je vais donner mes 10 secondes à M. Paul‑Hus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser rapidement une question à laquelle on pourra tout simplement répondre par écrit.
     Le gouvernement annonce des investissements pour des projets d'infrastructures relatifs aux avions de chasse à Cold Lake et à Bagotville. Ces investissements peuvent-ils être faits sans que l'on sache vraiment quel modèle d'avion sera choisi s'il y a un problème avec les F‑35?
    M. Perry ou M. Leuprecht pourrait répondre à la question par écrit après la séance, étant donné que nous manquons de temps.

[Traduction]

    Merci, monsieur Paul‑Hus.
    Si les témoins pouvaient répondre par écrit, nous leur en serions reconnaissants. Si vous avez besoin de précisions sur la question, nous la ferons transcrire pour que vous puissiez l'avoir également.
    Je donne maintenant la parole à M. Jowhari pour le dernier tour de questions, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je reprends là où mon collègue, M. Bains, s'est arrêté.
     Monsieur Leuprecht, je crois que vous étiez en train de lui répondre lorsque vous avez parlé de l'adaptation. Vous avez bien expliqué le fait que les besoins de notre pays et les besoins de notre flotte sont très différents de ceux des autres pays avec lesquels nous comparons ce coût. Nous avons ensuite parlé de l'interopérabilité et de l'importance de notre intégration dans l'OTAN.
    J'aimerais revenir à vous, monsieur, et vous demander, en ce qui concerne l'adaptation ou ce qui nous est propre ou particulier, quel est l'impact sur les coûts globaux. Comment cela cadre‑t‑il avec l'interopérabilité nécessaire au sein de l'OTAN?

  (1755)  

    Je vous donne un exemple.
     Étant donné que le Canada est loin des autres régions du monde, lorsque nous dépêchons une frégate quelque part, il faut peut-être que cette frégate soit plus ou moins autosuffisante, pour, mettons, six mois à la fois. Cela a des conséquences sur l'appareillage du navire, par rapport, par exemple, aux frégates françaises, qui sont conçues pour fonctionner en autonomie pendant une période beaucoup plus courte. Ce sont des considérations qui vont nécessairement avoir des incidences sur la conception d'un navire. On pourrait penser, par exemple, au système radar dont on voudrait équiper un navire, et à la mesure dans laquelle on pourrait ensuite déployer ce navire pour appuyer les efforts de défense antimissile, par exemple, des pays alliés.
    Ce sont autant de considérations particulières qui ont des composantes militaires et politiques. C'est pourquoi je dis que c'est un instrument de politique étrangère, et si nous n'équipons pas nos navires en conséquence, nous resterons avec de belles frégates qui, au bout du compte, ne répondront pas aux attentes que les contribuables et le gouvernement au pouvoir pourraient avoir en matière de déploiement.
    Merci.
    Si je comprends bien, le produit de série est une bonne idée, mais lorsque nous examinons notre situation géographique, notre place dans le monde, le rôle que nous voulons jouer et ce qu'il nous faut pour nous défendre, certaines de ces adaptations et de ces fonctionnalités sont justifiées.
    C'est bien cela?
    Nous voulons nous assurer d'avoir l'équipement qui répond aux besoins du Canada et aux intérêts canadiens, tant pour l'industrie canadienne que pour nos intérêts nationaux à l'étranger. Pour toute force militaire, cela nécessitera des adaptations. Pour le Canada en particulier, parce que notre situation est bien différente de celle des États‑Unis, bien différente de celle de la plupart de nos alliés européens, et aussi pas mal différente de celle de l'Australie, où j'ai vécu un certain temps, j'estime qu'il est prudent de bien tenir compte de tout cela.
    Comme M. Williams le signale, les compromis à faire sont une question de surveillance tout au long du processus et, comme M. Perry le signale lui aussi, de reddition de comptes aux contribuables pour bien expliquer les choix que nous faisons.
     Merci.
    Je termine sur l'interopérabilité. Pouvez-vous nous aider à démystifier cette interopérabilité pour nos navires, non seulement pour nous défendre dans le Nord, mais encore pour faire partie de l'OTAN?
    C'est une bonne question. Permettez-moi de vous donner un exemple simple.
     Souvent, le Canada décide de substituer une frégate canadienne à une frégate américaine, dans une flottille aérienne américaine, par exemple. Les Américains peuvent alors redéployer leur frégate quelque part dans le cadre d'une opération où le Canada pourrait décider, pour des raisons politiques ou autres, qu'il n'a pas intérêt à déployer une frégate canadienne. Cela libère des ressources américaines, ce qui rend le Canada un partenaire vital pour les États‑Unis en matière de défense multilatérale et alliée.
    De même, les Américains aiment travailler avec le Canada précisément parce qu'ils peuvent nous faire confiance, et qu'ils peuvent faire confiance à l'équipement canadien, dans la mesure où nous sommes pleinement opérationnels, surtout du côté naval, où cela est absolument essentiel pour maximiser notre impact global. Bien sûr, cela nous fait bien voir également à Washington, parce que si nous sommes en mesure d'appuyer les États‑Unis dans des domaines qui pourraient être d'intérêt national pour le Canada, cela nous donne des points à Washington. Nous pourrons ensuite faire avancer d'autres dossiers de politique d'égale importance dans nos relations bilatérales.

  (1800)  

    Oui, comme le NORAD.
    Merci.
    Merci, tout le monde.
    Je remercie les témoins de leur patience. Nous avons commencé à 15 h 48, malheureusement, à cause des votes et de quelques retards, et nous savons que vous étiez là avant l'heure prévue, car vous avez signé la feuille des présences. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de votre patience, car nous avons passé deux heures complètes à discuter avec vous. C'est très apprécié.
     Monsieur Leuprecht, monsieur Perry et monsieur Williams, merci beaucoup d'avoir été des nôtres tout ce temps. Comme je l'ai dit, s'il y a quoi que ce soit que vous estimez devoir nous remettre par écrit, n'hésitez pas à le faire. Cela serait grandement apprécié.
    Cela dit, je remercie les interprètes et les techniciens d'être également restés avec nous jusqu'à la fin, ainsi que nos analystes et notre greffier, qui ont été là pendant tout ce temps.
    Je déclare la séance levée.
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