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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 mai 2001

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour tout le monde. Nous souhaitons la bienvenue à M. Leas, à M. Carpenter et à tous les autres témoins à mesure qu'ils vont arriver.

Vous savez que cinq organisations vont témoigner ce matin. Nous avons la salle jusqu'à 11 heures et on me dit que certains députés vont devoir nous quitter en raison du débat sur l'eau qui a lieu à la Chambre. Ceux d'entre vous qui exercent deux ou trois fonctions en même temps n'ont pas la vie facile ces temps-ci.

Nous allons commencer, car nous n'avons pas le choix. S'il fallait attendre les retardataires, ce serait au détriment de ceux qui sont à l'heure et nous n'aurions plus le temps de poser des questions. Par conséquent si ceux qui sont ici, lorsque les témoins arriveront—je veux parler des gens qui connaissent MM. Watt et Peters ainsi qu'Agma et Roy—pouvaient les inviter à s'avancer à la table, ce serait une bonne chose.

Vous savez, notre comité est à l'écoute à l'heure actuelle. Il lui incombe d'écouter et d'apprendre avant de passer à l'étude article par article. Nous avons aujourd'hui la possibilité de vous écouter. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous demandons de nous faire un rapide exposé, si possible, avant de passer à l'étape suivante. Je vous remercie.

Qui veut commencer?

M. Larry Carpenter (président, Comité mixte de gestion de la pêche): Monsieur le président, honorables membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, je m'appelle Larry Carpenter. Je représente trois organismes de cogestion établis dans le cadre de la Convention définitive des Inuvialuit signée en 1984: le Conseil consultatif de gestion de la faune des Territoires du Nord-Ouest, dont je suis le président; le Comité consultatif de gestion de la faune (versant nord); enfin, le Comité mixte de gestion de la pêche.

Ces trois organismes comprennent un nombre égal de membres des gouvernements, tant fédéral que territorial, et de représentants inuvialuit. Ils sont chargés de conseiller les ministres responsables sur toutes les questions liées à la réglementation et à l'administration de la région conférée par l'accord inuvialuit pour ce qui est de la gestion de la faune et des pêches.

Je vous renvoie dans un premier temps au mémoire que vous a présenté, le 2 mai je crois, l'Inuit Tapirisat du Canada. Ce mémoire a été rédigé au nom de tous les Inuits, y compris des Inuvialuit de l'ouest de l'Arctique. On y précise clairement qu'il convient d'apporter des changements au projet de loi pour qu'il se conforme aux revendications territoriales du Nord conformément aux dispositions de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

• 0910

Au nom des membres inuvialuit de nos organismes, je vous demande de vous pencher sérieusement sur ces recommandations. Dans le cadre de nos ressources limitées, nous avons passé en revue la version actuelle du projet de loi C-5. Nous considérons que ce projet de loi est un texte important et nous sommes d'accord avec son objectif, qui est d'éviter l'extinction ou la disparition des espèces sauvages, d'assurer le rétablissement des espèces en péril et de gérer les espèces pour éviter qu'elles soient menacées ou mises en danger. Nous estimons toutefois que l'application de cette loi sera plus efficace dans la région conférée par l'accord si elle s'intègre pleinement aux institutions inuvialuit.

Il est dommage que votre comité n'ait pas la possibilité d'aller dans la région de l'Arctique de l'ouest rencontrer la population qui habite la région conférée par l'accord inuvialuit pour avoir des renseignements de première main et entendre ce qu'ont à dire les utilisateurs de la faune et ceux qui prennent part à la gestion de celle-ci. Nous voulons faire comprendre au comité permanent que la situation et les caractéristiques de la gestion de la faune dans la région conférée par l'accord inuvialuit présentent des différences significatives par rapport à celles du sud du Canada.

Au moins 50 p. 100 de l'alimentation des personnes qui habitent dans les six localités de la région conférée par l'accord provienne de la pêche et de la chasse. La gestion de la faune est donc particulièrement axée sur la conservation des animaux et de leur habitat et sur une exploitation durable des différentes espèces. Plusieurs des espèces dont l'exploitation est vitale dans la région conférée par l'accord sont, contrairement à ce qui se passe dans le sud du Canada, de gros animaux comme les ours polaires, les grizzlys, les caribous de l'Arctique, les boeufs musqués ainsi que les baleines boréales et les baleines blanches. Nombre d'espèces moins connues et apparemment moins médiatisées comme les poissons, le gibier d'eau ou les phoques sont elles aussi exploitées dans la région conférée par l'accord inuvialuit et partout ailleurs dans le nord du Canada.

Les droits importants d'utilisation de la faune dans la région conférée par l'accord ont pour pendant les droits reconnus par la Constitution de participer à la gestion de la faune. La CDI a établi un régime commun de coopération s'appliquant à la gestion de la faune dans la région conférée par l'accord, qui garantit aux Inuvialuit une participation de très grande ampleur et une voix particulièrement forte au chapitre de la gestion de la faune dans la région ainsi qu'une représentation à parts égales avec les gouvernements au sein des deux organismes consultatifs de gestion de la faune et du Comité mixte de gestion de la pêche.

Cette réalité est très différente de celle des peuples autochtones du sud du Canada. La capacité d'intervention des Inuvialuit en matière de gestion de la faune ne se limite pas à quelques petites réserves mais s'étend à une part énorme du nord du Canada—un million de kilomètres carrés au total.

Le projet de loi sur les espèces en péril vise le sud du Canada, mais il aura des répercussions significatives sur le nord. Il faut que les dispositions du projet de loi sur les espèces en péril tiennent compte des réalités institutionnelles et de la situation écologique propre à la région conférée par l'accord inuvialuit. On ne le répétera jamais trop, tout particulièrement lorsqu'on sait que votre comité permanent ne peut pas aller observer sur place les différences.

Étant donné la place privilégiée qu'occupent les organismes de cogestion dans la région conférée par l'accord inuvialuit, nous avons relevé un certain nombre de préoccupations et présenté quelques recommandations dans notre mémoire. Pour rester bref, je m'en tiendrai à un certain nombre de points précis.

Nous continuons à être très inquiets en ce qui a trait aux répercussions éventuelles du projet de loi sur les espèces en péril sur les ententes institutionnelles qui président au fonctionnement de nos conseils ainsi que sur l'utilisation des connaissances traditionnelles. Étant donné les liens inextricables qui existent entre les droits d'exploitation et la gestion de la faune dans la région conférée par l'accord inuvialuit, nous craignons par ailleurs qu'il y ait des répercussions sur les droits d'exploitation de la faune.

Les comités consultatifs de gestion de la faune et le Comité mixte de gestion de la pêche ont pris part à l'élaboration d'accords de gestion, de plans de gestion et de comptes rendus de situation portant sur 50 espèces très diverses de poissons, d'oiseaux et de mammifères terrestres et marins dans la région conférée par l'accord inuvialuit. Depuis les chasseurs locaux et les comités de trappeurs jusqu'aux organismes territoriaux et fédéraux, tout le monde collabore étroitement à la gestion de la faune au sein de la région conférée par l'accord inuvialuit.

Les relations entre les comités consultatifs de gestion de la faune et les organismes de gestion de la faune ont été bonnes et les recommandations faites aux autorités responsables ont été bien accueillies et acceptées. Nous restons donc prudents en attendant de savoir comment vont pouvoir s'intégrer nos mécanismes avec ceux du COSEPAC.

• 0915

Nous recommandons que la loi, la réglementation et les procédures administratives reconnaissent expressément le rôle dynamique et de chef de file que peuvent jouer les comités de gestion de la faune ainsi que le Comité mixte de gestion de la pêche, lorsqu'ils sont mandatés à cette fin, dans l'établissement des listes des espèces et la mise en oeuvre des programmes de rétablissement, notamment en ce qui a trait aux espèces faisant l'objet d'une exploitation.

Le COSEPAC peut et doit jouer un rôle d'appui pour définir les lacunes lorsqu'elles existent et y remédier. Autrement dit, il faut que la loi sur les espèces en péril nous permette expressément de faire notre travail. Nous recommandons que la Loi sur les espèces en péril tienne compte des contraintes que les conventions de règlement des revendications territoriales peuvent imposer aux organisations qui souhaitent appliquer des restrictions à l'utilisation de la faune à des fins de consommation dans les régions revendiquées. Nous applaudissons les efforts faits par les rédacteurs de la loi pour mettre en place un mécanisme intégrant les connaissances traditionnelles autochtones aux mécanismes du COSEPAC par le biais de la création d'un sous-comité du COSEPAC spécialement affecté à cette tâche.

Nous nous inquiétons toutefois de la composition de ce comité. Nous recommandons par conséquent qu'un paragraphe vienne s'ajouter à l'article 18 pour préciser que les membres nommés par le ministre au sein de ce sous-comité seront désignés sur les conseils des gouvernements autochtones et des comités de cogestion compétents. Le président nommé par les membres du sous-comité est membre à part entière du COSEPAC. Nous sommes conscients du rôle que nous devons jouer dans le cadre de ce mécanisme; toutefois, la nouvelle loi, si elle est adoptée, va nous imposer un fardeau supplémentaire et il faut donc que ces coûts soient pris en compte lors de l'affectation des crédits d'application du projet de loi. Nous recommandons donc que les crédits budgétaires liés à la mise en oeuvre du projet de loi C-5 tiennent compte des coûts que devront engager les organismes de cogestion lorsqu'ils devront s'acquitter de leurs obligations aux termes de la loi.

Je conclurai en disant que la cogestion dans l'ouest de l'Arctique fait depuis 15 ans la preuve de son succès à gérer des ressources renouvelables mises au service d'une économie de subsistance pleine de santé. Cette réussite a amené d'autres responsables dans le monde à se pencher sur le modèle de cogestion et sur ses résultats afin de déterminer dans quelle mesure il peut être transposé dans d'autres situations caractérisées par des conflits entre les gens dont la vie dépend de l'exploitation des ressources et ceux qui ont en droit la responsabilité de la gestion de ces ressources.

Si nous entrons dans une ère nouvelle en matière de gestion des espèces en péril au Canada, la meilleure chose à faire, c'est encore de faire notre le principe de la gestion coopérative. Merci de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de ces observations. Pour plus de précisions sur ces différentes questions, je vous renvoie au mémoire que nous avons rédigé conjointement et qui a été remis à votre comité. Je suis tout disposé à répondre à vos questions et à discuter avec vous plus en détail des différents enjeux. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Carpenter. Vous pouvez constater que la plupart des membres de ce comité, sinon la totalité, sont d'accord avec votre principe de gestion coopérative et nous sommes heureux que vous nous ayez fait part ici de votre point de vue sur le sujet. Je vous remercie.

Monsieur Leas, voulez-vous prendre la suite?

Me Daryn R. Leas (avocat, Conseil des Premières nations du Yukon): Merci. Au nom des Premières nations Tlingit, Tagish, Han, Gwitchin et Tutchone du Sud et du Nord, je tiens à remercier le comité permanent de nous donner l'occasion de faire connaître les préoccupations des Premières nations du Yukon et de commenter le projet de loi C-5 sur les espèces en péril.

Je m'appelle Daryn Leas et je représente le Conseil des Premières nations du Yukon. En ma qualité de conseiller juridique en chef, je vais vous présenter Robert Jackson, le coordonnateur du conseil des anciens du CPNY. Lui aussi a travaillé sur ce dossier pour le compte du CPNY.

Je vais vous dire quelques mots pour commencer au sujet du CPNY. Le CPNY, qui a succédé au Conseil des Indiens du Yukon, a été créé à l'origine en 1973 pour négocier un règlement global des revendications territoriales pour le compte des citoyens des Premières nations du Yukon. Au fil des années, le CPNY est devenu une institution de gouvernement et il représente désormais 11 des 14 Premières nations du Yukon au niveau territorial, national et international. Le mandat du CPNY a été élaboré lors des rencontres de nos dirigeants, soit les chefs des Premières nations du Yukon membres de notre conseil, ou lors de notre assemblée générale annuelle, qui réunit l'ensemble des citoyens de nos 11 Premières nations.

• 0920

Comme les autres premières nations du Canada, les Premières nations du Yukon entretiennent des liens très étroits avec la nature et l'environnement. C'est de là que les citoyens des Premières nations du Yukon tirent leur identité. À l'heure actuelle, nombre de nos citoyens continuent à exploiter la faune pour assurer leur subsistance et exercent d'autres activités traditionnelles telles que le trappage.

À ce titre, les citoyens des Premières nations du Yukon considèrent non seulement qu'ils ont des droits sur le territoire, mais aussi qu'ils ont des responsabilités et des obligations en conséquence vis-à-vis de ce territoire et de l'environnement. Nous avons la conviction que si nous prenons soins de nos terres, elles prendront soin de nous.

Les Premières nations du Yukon félicitent le Canada de s'efforcer de protéger les terres et l'environnement par l'intermédiaire du projet de loi C-5. Cela dit, toutefois, les Premières nations du Yukon n'en ont pas moins des inquiétudes concernant le principe et l'application du projet de loi C-5.

Comme je l'ai indiqué au départ, les Premières nations du Yukon ont négocié au cours des 25 dernières années des règlements globaux des revendications territoriales ainsi que des accords d'autonomie de gouvernement avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon. Certes, le CPNY reconnaît que le ministère de l'environnement s'est engagé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer que l'on va respecter les accords de règlement des revendications territoriales, mais nous constatons que certains mécanismes et certaines structures de l'ACD ne sont pas pris en compte par le projet de loi C-5. À notre avis, il n'y a pas de véritable coordination entre le projet de loi C-5 et l'Accord-cadre définitif.

Nous devons garantir l'intégrité de ces accords. Nous considérons que le projet de loi C-5 ne tient pas compte de certaines dispositions et de certains mécanismes. Nous craignons que ce projet de loi ne reflète pas la nature des relations de gouvernement à gouvernement qui ressortent des accords passés entre les Premières nations du Yukon et le gouvernement du Canada.

Je vais vous dire quelques mots de notre Accord-cadre définitif. C'est lui qui sert de cadre au règlement des revendications territoriales et aux accords d'autonomie de gouvernement passés au Yukon. Le Conseil des Premières nations du Yukon, soit l'organisation que je représente ici aujourd'hui, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon ont ratifié l'ACD en 1993. Cet accord fixe les paramètres des accords définitifs d'autonomie de gouvernement qui seront négociés séparément par chacune des Premières nations du Yukon.

En soi l'ACD ne crée ou ne modifie aucun droit; il réunit plutôt l'ensemble des accords qui seront négociés avec chacune des Premières nations. Ses dispositions sont intégrées à ces accords individuels et viennent s'ajouter aux dispositions s'appliquant précisément à chacune des Premières nations du Yukon. En vertu de l'ACD, les Premières nations du Yukon conservent 16 060 milles carrés de terres conférées par l'accord—soit environ 10 p. 100 de la superficie du Territoire du Yukon. Après ratification par les parties, chacun des accords définitifs des Premières nations du Yukon devient un traité au sens de l'article 35, soit un accord de règlement des revendications territoriales au sens où l'entend l'article 35.

À l'heure actuelle, sept des 14 Premières nations ont ratifié et mis en oeuvre leur accord définitif d'autonomie de gouvernement conformément à l'Accord-cadre définitif et plusieurs autres devraient le faire lors de l'année qui vient.

Les dispositions de l'Accord-cadre définitif ayant été intégrées à chacun des accords définitifs signés par les Premières nations du Yukon, nos observations au sujet de l'ACD s'appliquent à tous les accords définitifs passés par les Premières nations du Yukon. L'ACD établit une nouvelle relation entre les Premières nations du Yukon, le gouvernement du Canada et celui du Territoire du Yukon. Dans le cadre de ces nouvelles relations, l'ACD définit les mécanismes et les structures devant permettre de s'assurer que les décisions sont prises en collaboration. L'ACD précise notamment comment vont être prises les décisions et par qui. Ces mécanismes et ces structures ont non seulement leur importance parce qu'ils reflètent les intérêts des parties et favorisent la collaboration, mais aussi parce qu'ils servent à protéger les intérêts et les droits des différentes parties.

En ce qui concerne précisément les dispositions du projet de loi C-5, je dirais tout d'abord qu'elles limitent nos droits d'exploitation. Dès le début de cette discussion, nous tenons à confirmer l'engagement des Premières nations du Yukon en faveur de la conservation. D'ailleurs, l'objectif fondamental du chapitre de nos accords concernant l'exploitation de la faune est de faire appel au principe de la conservation en matière de gestion de toutes les ressources fauniques et de leur habitat. Nous confirmons notre appui au principe posé par le projet de loi C-5, tel qu'il figure à l'article 6.

En vertu de l'ACD, les citoyens des Premières nations du Yukon ont le droit d'exploiter, pour assurer leur subsistance sur leurs territoires traditionnels—et avec l'accord d'une autre Première nation du Yukon sur le territoire traditionnel de cette Première nation—toutes les espèces de poissons et d'animaux pour eux-mêmes et pour leur famille en toute saison de l'année, quel qu'en soit le nombre, sur les terres conférées par l'accord ainsi que sur les terres publiques laissées libres.

Ce droit issu d'un traité, qui est protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle, ne peut être restreint que par nos accords. Plus particulièrement, l'exercice des droits d'exploitation à des fins de subsistance ne peut être limité que par des lois adoptées dans un but de conservation, de santé et de sécurité publiques. Ces lois doivent cependant obéir à certaines conditions. Tout d'abord, il faut qu'elles soient conformes aux structures et aux mécanismes établis au chapitre de l'exploitation de la faune. En second lieu, il faut qu'elles s'imposent raisonnablement dans un but de conservation, de santé ou de sécurité publiques. Enfin, elles ne peuvent limiter ces droits que dans la mesure du nécessaire pour respecter les objectifs de conservation. De plus, le gouvernement doit consulter les Premières nations du Yukon qui sont concernées.

• 0925

L'ACD définit clairement l'obligation qu'a le gouvernement de consulter les Premières nations du Yukon. Voici comment le terme «consulter» est défini dans l'ACD:

    a) la partie devant être consultée doit être notifiée dans les formes et de façon suffisamment détaillée pour qu'elle puisse se faire une opinion sur la question; b) un délai raisonnable doit être accordé à la partie devant être consultée pour qu'elle puisse se faire une opinion et la présenter à la partie tenue de la consulter; et c) la partie tenue de consulter doit pleinement tenir compte, et de manière impartiale, de l'opinion qui lui est éventuellement présentée.

Cette définition garantit des consultations véritables et sur le fond entre les Premières nations du Yukon et le gouvernement. Aux termes du projet de loi C-5, néanmoins, il semble que le gouvernement ne soit pas tenu de consulter les Premières nations du Yukon; ces consultations seront plutôt menées auprès des conseils et des comités de gestion de la faune établis par l'ACD.

Ainsi, aux termes du projet de loi C-5, le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, modifier par voie de règlement la liste des espèces fauniques en rajoutant ou en reclassant une espèce figurant déjà sur la liste. En vertu des dispositions du projet de loi C-5, le ministre est tenu, avant de faire une telle recommandation, de consulter le conseil de gestion de la faune responsable qui a été établi dans le cadre d'un accord de règlement des revendications territoriales. Selon le même principe, le ministre est aussi tenu de consulter tous les autres ministres compétents avant de recommander au gouverneur en conseil que la liste soit amendée en cas d'urgence.

Alors que ces recommandations et ces décisions vont effectivement restreindre nos droits d'exploitation de la faune à des fins de subsistance, le projet de loi C-5 n'oblige pas le ministre à consulter les Premières nations du Yukon qui sont concernées.

Je vais maintenant vous dire quelques mots de nos conseils de gestion de la faune qui relèvent de l'Accord-cadre définitif. Il y a deux organismes principaux. Le premier est le Conseil de gestion des pêches et de la faune du Yukon, un organisme paritaire qui comprend le même nombre de représentants des Premières nations du Yukon et du gouvernement. C'est l'organe principal de gestion de la pêche et de la faune au Yukon mais, dans une large mesure, il se contente de faire des recommandations aux Premières nations et au gouvernement.

De même, les conseils des ressources renouvelables établis dans le cadre de chacun des accords définitifs en tant qu'organes principaux de la gestion des ressources renouvelables locales sur le territoire traditionnel de chacune des Premières nations du Yukon se contentent eux aussi de faire des recommandations. Les conseils établis dans le cadre de nos accords ne prennent pas de décisions. Ils n'ont pas la compétence qui leur permettrait de limiter ou de réglementer nos droits d'exploitation à des fins de subsistance.

Nous considérons que le projet de loi C-5 omet d'obliger le ministre ou de confirmer l'obligation du ministre, en vertu de nos traités, de consulter les Premières nations du Yukon avant de faire une telle recommandation, qui limite en fait nos droits de pêche et de chasse. Par conséquent, nous recommandons que si les droits de pêche et de chasse des citoyens des Premières nations du Yukon doivent être limités par le fait qu'une espèce est classée comme étant menacée ou en péril, il faut que le ministre respecte les obligations de l'ACD. Il faut tout d'abord que cette restriction soit justifiée par nos accords. En second lieu, il faut que le ministre consulte les Premières nations du Yukon concernées conformément à ce que prévoient nos accords.

Je vais maintenant passer au rôle que doivent jouer les Premières nations du Yukon dans le cadre du projet de loi C-5. En vertu de nos accords définitifs, les Premières nations du Yukon ont des responsabilités et des pouvoirs substantiels en ce qui a trait à la gestion de nos terres et pour ce qui est de la pêche et de la chasse.

Ainsi, chacune des Premières nations du Yukon peut gérer, administrer, répartir ou réglementer d'une manière ou d'une autre les activités de nos citoyens sur nos territoires traditionnels. Nous pouvons aussi gérer la faune locale et les populations de poissons sur les terres qui sont conférées par l'accord dans la mesure où une coordination avec d'autres programmes de gestion des poissons et de l'ensemble de la faune n'est pas jugée nécessaire par les conseils de la faune. Nous pouvons aussi participer à la gestion des poissons et de l'ensemble de la faune à l'intérieur du Yukon et contrôler et autoriser éventuellement les demandes d'étude des poissons et de l'ensemble de la faune sur nos terres conférées par l'accord.

Les pouvoirs établis dans nos accords d'autonomie de gouvernement sont toutefois encore plus importants. Nous avons une compétence législative en matière de gestion des poissons et de l'ensemble de la faune dans nos accords. Chaque première nation du Yukon a notamment le pouvoir d'adopter des lois de nature locale ou privée sur les terres conférées par l'accord en ce qui a trait à l'usage, la gestion, l'administration, le contrôle et la protection des terres conférées par l'accord; la cueillette, la chasse, le trappage ou la pêche et la protection des poissons, de la faune et de l'habitat; la planification, le zonage et l'aménagement des terres; enfin, le contrôle ou la prévention de la pollution et la protection de l'environnement.

• 0930

Il convient de relever que la situation au Yukon est quelque peu différente de celles qui découlent des autres traités qui ont été négociés étant donné qu'une loi adoptée par une première nation du Yukon aura priorité sur les lois du territoire en cas de conflit ou de non-concordance. Autrement dit, les Premières nations du Yukon ont une compétence qui leur permet d'adopter des lois s'appliquant à la protection des poissons et de l'ensemble de la faune au sein de leur habitat sur les terres conférées par l'accord, ces lois se substituant à toute loi du territoire chaque fois qu'il y a une non-concordance ou un conflit.

Vis-à-vis du gouvernement fédéral, nous n'avons pas réussi à nous entendre pour savoir quelle loi allait prévaloir en cas de conflit ou de non-concordance. Les discussions restent en cours.

De toute façon, il est clair que les Premières nations du Yukon constituent l'un des trois paliers de gouvernement au Yukon. Nous avons des pouvoirs et des responsabilités qui sont fixés dans notre accord définitif et une compétence législative reconnue dans nos accords d'autonomie de gouvernement. Par conséquent, le CPNY recommande que le gouvernement du Canada consulte les Premières nations du Yukon avant de prendre des mesures concernant les poissons et l'ensemble de la faune qui risquent de remettre en cause les responsabilités de gestion des Premières nations du Yukon ou l'exercice des droits de chasse et de pêche par nos citoyens. Il est inacceptable de consulter uniquement les conseils de gestion de la faune établis dans le cadre de nos accords.

Le projet de loi C-5 dispose de manière générale qu'en ce qui a trait aux terres et aux espèces autres que celles qui relèvent de la compétence fédérale, le ministre n'a la responsabilité d'intervenir que lorsqu'il juge que les mesures prises par les provinces et les territoires ne suffisent pas à protéger l'habitat essentiel.

Comme nous l'avons déclaré précédemment, les Premières nations du Yukon possèdent 16 060 milles carrés de terres conférées par l'accord, détenues selon l'équivalent d'un fief simple. Nos terres ne sont pas des terres fédérales. Nous vous rappelons là encore que nous avons une compétence législative étendue en ce qui a trait à la gestion et à la protection de ces terres, notamment à la protection des poissons et de l'ensemble de la faune ainsi que de leur habitat situé sur ces terres et que, bien entendu, ces lois adoptées par une Première nation du Yukon primeront là encore sur les lois du territoire en cas de conflit ou de non-concordance. Par conséquent, nous recommandons que le ministre renonce à intervenir de manière discrétionnaire pour protéger l'habitat essentiel situé sur des terres conférées par l'accord à moins qu'il constate que les mesures adoptées éventuellement par les Premières nations du Yukon sont insuffisantes.

Le CPNY s'inquiète aussi de la composition du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril.

Le président: Étant donné le nombre de témoins que nous avons ce matin et du peu de temps disponible, puis-je vous demander maintenant d'accélérer un peu?

Me Daryn Leas: Bien sûr, comme vous voudrez. Pour aller plus vite, je vais simplement passer en revue les recommandations et mon mémoire vous sera distribué.

Le président: Oui, ce serait une bonne chose.

Me Daryn Leas: Étant donné que le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et que le COSEPAC peuvent faire des recommandations et prendre des décisions remettant en cause nos droits de chasse et de pêche à des fins de subsistance, le CPNY recommande que le projet de loi C-5 soit amendé afin de prévoir une représentation des Premières nations au sein du conseil et du comité. De plus, nous recommandons que les Premières nations du Yukon désignent des candidats devant être nommés par le ministre au sein du conseil et du comité et qui prendront part aux travaux concernant le Territoire du Yukon.

Deuxièmement, en vertu du projet de loi C-5, le ministre d'une province ou d'un territoire, ou encore le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, peuvent recommander au ministre que l'habitat essentiel d'une espèce menacée ou en péril figurant sur la liste ne soit pas détruit. Nous recommandons que le projet de loi C-5 soit amendé pour permettre aux Premières nations du Yukon de faire ce genre de recommandation.

Pour ce qui est des connaissances traditionnelles, le CPNY propose que toute réglementation ou politique élaborée au sujet du recueil, de l'utilisation et de la gestion des connaissances traditionnelles autochtones dans le Territoire du Yukon se conforme aux lignes de conduite établies par le Conseil des Premières nations du Yukon. Si vous avez des questions à poser à ce sujet, mon collègue, M. Jackson, pourra y répondre.

Nous aimerions faire plusieurs observations au sujet de l'indemnisation. L'indemnisation devrait s'appliquer aux terres conférées par l'accord aux Premières nations du Yukon. L'indemnisation ne peut être calculée uniquement en fonction des pertes financières correspondant aux biens en cause ou de toute perte de revenu découlant des restrictions imposées. Comme tous les autres groupes autochtones, les Premières nations du Yukon attribuent une valeur à nos terres et en tirent des avantages qui ne sont pas nécessairement commerciaux. Ces avantages ont trait à la subsistance ou se réfèrent à des valeurs culturelles, médicinales et spirituelles. Ces valeurs doivent être prises en compte et quantifiées lorsqu'on évalue la perte découlant des restrictions imposées sur les terres qui nous sont conférées par l'accord.

L'indemnisation doit être calculée de manière équitable, dans le cadre d'une opération transparente et par des professionnels indépendants du gouvernement. Il faut que ce mécanisme soit jugé impartial et objectif par les parties concernées. Les groupes de travail autochtones doivent se charger de définir le mécanisme d'indemnisation, notamment les critères d'admissibilité et le montant des pertes enregistrées sur les terres conservées par les Premières nations du Yukon aux termes d'un traité.

• 0935

Voilà qui met fin à mon exposé. Je vous remercie de votre attention. Je suis tout disposé à répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Leas, de cet exposé très complet et d'une grande utilité.

Nous allons maintenant inviter M. Johnny Peters, de la Société Makivik, à nous faire un bref exposé.

Je vous demanderai de vous en tenir à un exposé de dix minutes environ parce qu'il y a d'autres orateurs après vous.

M. Joseph Agma (interprète, Société Makivik): Comme vous le savez tous, je pense, je vais interpréter les propos de M. Peters. Il parle en inuktitut et je vais traduire son exposé en anglais. Nous nous efforcerons de rester aussi brefs que possible.

M. Johnny Peters (vice-président, Société Makivik (interprétation)): Tout d'abord, je m'appelle Johnny Peters. Je suis le vice-président de la Société Makivik, qui représente les intérêts des Inuits du Nunavik, qui compte environ 8 000 habitants. Dans le cadre de mon mandat, j'ai été élu pour représenter à l'heure actuelle cette population par l'intermédiaire de la Société Makivik.

Je tiens à préciser tout d'abord que les Inuits du Nunavik vivent des ressources de la faune. Notre mode de vie dépend de différentes espèces. C'était traditionnellement notre façon de vivre avant que d'autres personnes arrivent sur le territoire du Nunavik. Je reviendrai un peu plus tard sur ces différentes questions.

• 0940

Par ailleurs, nous constatons aujourd'hui que nous n'avons pas beaucoup de temps pour faire part de nos préoccupations. Je tiens plus particulièrement à mentionner les baleines blanches dont nous tirons notre subsistance au Nunavik. Si l'on doit restreindre la chasse en ce qui nous concerne, pourriez-vous nous autoriser à chasser sur d'autres territoires que ceux qui font l'objet de restrictions?

Les Inuits du Nunavik ont un régime saisonnier. Nous sommes tributaires des différentes espèces, de la saison, etc. En été, nous chassons les baleines blanches. Les Inuits du Nunavik s'inquiètent et demandent qu'il y ait une certaine forme de compensation, une indemnisation, au cas où une législation quelconque viendrait empiéter sur nos droits de chasse de la baleine blanche. C'est une revendication que nous n'avons pas l'intention d'oublier. Vous n'avez pas fini de l'entendre. Nous continuerons à en faire état tant qu'elle n'aura pas été précisément réglée. En effet, nous nous préoccupons nous aussi des populations des différentes espèces. Tout le monde s'en préoccupe à mon avis. Ce n'est pas la première fois que nous le mentionnons dans ce genre d'assemblée.

Pour finir, j'ajouterai que je viens de très loin, du nord du Québec, et je suis très déçu que mon temps de parole soit limité à dix minutes.

Je vous remercie.

Le président: Nous reconnaissons que vous venez de très loin. Veuillez nous excuser si le temps est limité, mais cela s'explique par le grand nombre de témoins qui souhaitent intervenir devant notre comité.

Le prochain témoin, il me semble, est Robbie Watt, de la Nunavik Hunting, Fishing, and Trapping Association.

M. Robbie Watt (président, Institut culturel Avataq): Je m'appelle Robert Watt et je représente l'Institut culture Avataq et non pas la HFTA.

Le président: Très bien.

M. Robbie Watt: Merci de m'avoir invité.

Je suis ici pour représenter les anciens du Nunavik. Avant de passer à mon exposé de cinq minutes, je tiens à vous rappeler une déclaration faite lors d'une de nos conférences des anciens, en 1986, par Taamusi Qumaq. En tant que représentant des anciens, j'ai jugé qu'il serait peut-être plus parlant d'évoquer le point de vue d'un ancien.

    Je vais d'abord vous parler des lois s'appliquant aux animaux. Après nous, on ne pourra pas vivre sans lois. On a besoin de lois bien adaptées, acceptées par tous, que l'on peut réaménager. Il y a des jeunes ici qui m'écoutent et je veux qu'ils se souviennent de mes propos. Il y a aujourd'hui des lois sur les animaux avec lesquelles nous n'avons rien à voir, des lois qui sont venues d'ailleurs, des lois des gouvernements. Les Inuits devraient pouvoir contrôler ce qui les intéresse, mais on ne se préoccupe pas des Inuits. Je veux que nos descendants aient davantage leur mot à dire concernant les animaux, nous n'avons pas le choix avec nos lois actuelles, et nous avons besoin de lois aménagées par les Inuits, quoi que puissent faire les gens de l'extérieur pour les en empêcher. Je veux que nos jeunes n'aient pas à attendre une éternité. Ça arrivera un jour.

• 0945

Je pense que c'est là une bonne façon de commencer. J'insiste sur ce fait parce que bien des anciens n'oublient pas qu'en tant qu'Inuit, nous faisons partie d'un écosystème. Notre vie est axée sur les cycles saisonniers des animaux que l'on trouve chez nous. Le problème ici, à mon avis, si l'on nous impose des lois sans notre collaboration et sans tenir compte de notre bien-être, c'est que tout le monde en pâtira.

Je veux aussi attirer l'attention sur d'autres animaux qui ont été introduits dans notre écosystème, le boeuf musqué, par exemple. On l'a fait sans se préoccuper de la situation, sans faire les recherches qui s'imposent pour savoir quelles vont être les répercussions à l'avenir.

J'aimerais bien que toutes les parties prenantes fassent preuve d'un esprit de collaboration et élaborent une loi concise et applicable, qui profite à tout le monde.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Watt, et je vous sais gré surtout de nous faire connaître l'opinion des anciens de votre communauté.

Nous allons maintenant entendre M. Novalinga, président de l'association. Vous avez la parole.

M. Paulusi Novalinga (président, Nunavik Hunting, Fishing and Trapping Association): Merci.

Je représente les chasseurs du territoire du Nunavik qui, ces dernières années, s'efforcent de gérer la question de la baleine blanche, puisque c'est ainsi qu'on en parle ici. Chaque fois que je viens ici, je trouve étrange que l'on considère la baleine blanche comme une espèce en danger ou menacée étant donné qu'il n'y a pas eu de comptage depuis 1993. Les statistiques datent de plusieurs années. Les chasseurs de nos localités nous disent que le nombre de baleines blanches augmente. Moi qui suis pris entre les pouvoirs publics et les chasseurs locaux, je ne sais plus à qui me fier, parfois. Je tiens à souligner qu'un comptage s'impose, le plus vite possible. Il convient d'affecter des crédits au comptage des baleines blanches pour savoir combien il y en a réellement.

Nous mangeons traditionnellement de la baleine blanche, cette question nous touche profondément car elle fait partie intégrante de notre culture. Il est parfois difficile d'être chasseur tout en essayant de participer à la gestion et à la conservation de cette espèce. Ce n'est pas non plus facile pour moi, qui me retrouve pris entre deux feux. Il y a d'un côté le chasseur, qui assure sa subsistance, qui ne reçoit aucune subvention des gouvernements et qui ne veut pas savoir en fait s'il y a des lois ou non parce qu'il est là tous les jours et s'aperçoit qu'il n'y a aucune aide et aucun contrôle, quels qu'ils soient. On ne voit pas pourquoi il ne continuerait pas à faire exactement ce qu'il fait depuis des milliers d'années. Il n'y a personne à des milles à la ronde et on ne voit pas qui viendrait lui dire ce qu'il ne faut pas faire.

• 0950

Cette question éveille en moi toutes sortes de sentiments étant donné que j'en parle depuis des années avec les prétendus responsables. J'estime que l'on devrait d'abord compter ces animaux avant de décider s'ils sont ou non en péril.

Enfin, je tiens à préciser qu'il est très peu probable qu'on puisse faire de l'agriculture dans notre région. La baleine blanche faisant partie de notre alimentation traditionnelle, il va bien nous falloir les chasser lorsque nous en voyons. Je pense qu'il nous faut tenir compte de cette réalité, du fait qu'on n'est pas prêt de voir des exploitations agricoles dans notre territoire.

N'oublions pas non plus que nous sommes des contribuables fiers d'être canadiens. Nous payons des taxes qui sont parmi les plus élevées au pays et les produits d'épicerie sont les plus chers qui soit étant donné que nous nous situons loin des lieux de production, entre autres. Par conséquent, comme l'a souligné mon ami, il faut qu'il y ait une indemnisation si l'on impose des restrictions ou un moratoire quelconque sur la chasse de nos baleines blanches.

Nous avons toujours pris soin de notre faune. Selon notre tradition, nous nous considérons comme les gardiens de la faune et c'est une chose qui se transmet de père en fils. Ce n'est pas écrit noir sur blanc, mais c'est la tradition et il faut aussi en tenir compte.

Mesdames et messieurs, je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Novalinga.

Monsieur Adams, voulez-vous prendre la suite?

M. Johnny Adams (président, Gouvernement régional de Kativik): Merci, monsieur le président.

Je vous signale que nous aussi, nous vous avons remis conjointement un mémoire. Je n'entrerai pas dans les détails étant donné le temps qui nous est imparti, je me contenterai de souligner un certain nombre de points, notamment le fait que le déclin de la population de baleines blanches ne résulte pas en fait des activités de chasse inuit qui auraient causé sa disparition. C'est la Compagnie de la Baie d'Hudson qui en a été responsable au XIXe et au XXe siècles.

Nous devons accepter la réalité de cette baisse de population et nous avons collaboré avec le ministère des Pêches et des Océans afin d'arrêter un plan de gestion conjoint qui est en cours de révision en ce moment. Ce plan de gestion fait appel à l'intervention des collectivités ainsi que de l'association des chasseurs et des trappeurs. On envisage désormais d'adopter très bientôt une réglementation encore plus stricte.

Avant d'en venir là, nous voulons nous assurer que l'on procède à un comptage en bonne et due forme. Comme vous l'a fait remarquer Paulusi, le dernier comptage, incomplet, a été effectué en 1993, et il n'y a rien eu depuis. Si l'on procède à un comptage, il faut que notre population y participe. Il faut que ce soit par ailleurs un projet mené conjointement pour être sûr que nous sommes là au moment de l'enquête et du comptage. Il ne devrait pas y avoir de gros problèmes à partir du moment où nous participons à l'opération et où l'on s'entend sur les chiffres.

Je vous signale sur cette carte comment se répartissent sur notre territoire les 14 localités, le long de la côte. L'un des scénarios que nous envisageons consiste à interdire complètement la chasse de ce côté, depuis ce point jusqu'à celui-là, ce qui fait que l'on ne chasserait plus la baleine blanche dans cette région. Lorsqu'on parle de compensation, je ne pense pas qu'il doive s'agir nécessairement d'une compensation financière. Il se peut qu'il faille déplacer les chasseurs dans d'autres régions en tenant compte des distances et des coûts qui en découlent, des régions qui ont de plus grosses populations de baleines blanches. Si elles ne sont pas par ici, il est possible alors qu'elles se trouvent du côté de la baie d'Hudson, et les chasseurs seraient alors en mesure de rapporter de la viande dans leur localité.

• 0955

Voilà le genre de compensation que nous recherchons et nous voulons nous assurer que l'on en tient compte dans le projet de loi C-5. C'est pour nous assurer, comme le disaient les anciens, que notre alimentation n'en souffre pas. Vous avez votre façon de vous alimenter et nous avons la nôtre, et il faut savoir faire des compromis en la matière. Si nous devons nous imposer des restrictions concernant la chasse dans cette région, il faut alors qu'on nous donne les moyens d'aller ailleurs, là où il y a des baleines blanches.

Voilà, c'est tout, compte tenu du peu de temps dont nous disposons. Je vous remercie de m'avoir écouté.

J'aimerais dire une dernière chose. Dans le cadre de l'accord passé avec le ministère des Pêches et des Océans, notre gouvernement régional est censé faire appliquer les lois et la réglementation de P&O par l'entremise de ses gardes-chasse. Ces dernières années, nous avons agi plutôt en tant qu'observateurs, en nous assurant par exemple qu'il n'y a pas de surexploitation. Jamais de mesures répressives n'ont encore été prises à l'encontre d'un particulier. Par conséquent, comme Paulusi, je suis pris entre deux feux avec les chasseurs d'un côté et le fait que je m'efforce, de l'autre, de faire appliquer votre réglementation.

Je vous remercie et j'espère que vous comprenez aussi quelle est notre position au sujet de ce projet de loi.

Le président: Merci, monsieur Adams. Nous faisons certainement tout notre possible de ce point de vue.

Il nous reste maintenant une bonne heure pour poser des questions. Avant d'en arriver là, je vois ici un membre de la délégation qui est resté assis bien sagement. Je me demande si Robert Jackson ne voudrait pas nous dire quelques mots avant que nous passions aux questions.

M. Robert Jackson (coordonnateur, Conseil des Premières nations du Yukon): Bonjour.

J'aimerais évoquer rapidement la question des connaissances traditionnelles. C'est une chose que notre peuple a en lui. Souvent, lorsque je commence mon exposé, je demande à mes auditeurs: que pensez-vous des connaissances traditionnelles? J'enregistre bien souvent des réponses très diverses.

Chez les Premières nations du Yukon, celui qui a des connaissances traditionnelles connaît le terrain, l'environnement, les animaux, les oiseaux, les poissons, l'eau et les changements qui se produisent.

Au Yukon, le Conseil des Premières nations du Yukon a élaboré des lignes de conduite à l'intention des chercheurs. Bien souvent, les chercheurs viennent dans nos localités, recueillent l'information et s'en vont avec. Nous avons élaboré des lignes de conduite pour éviter qu'on nous dérobe l'information.

• 1000

Les connaissances traditionnelles sont sacrées pour notre peuple par peur qu'on nous les prenne et qu'on les exploite. Notre peuple sait utiliser les plantes médicinales. Ainsi, nous avons une connaissance des plantes qui pourrait nous aider à lutter contre le cancer. Si ces connaissances tombaient entre de mauvaises mains, elles pourraient être mal exploitées.

Je vais vous donner un exemple de connaissances traditionnelles. Lors de la négociation de nos accords définitifs au Yukon, nous avons fait appel à nos anciens. Les anciens parlaient la même langue que les biologistes des équipes gouvernementales mais, au lieu d'apprendre la théorie, ils avaient acquis leurs connaissances sur le terrain. Lorsqu'on rapproche les connaissances traditionnelles des connaissances du monde scientifique, on voit que c'est la même chose. La différence, c'est la façon dont elles ont été acquises, ce que les gens ont appris, et la façon dont elles ont été conservées.

Pour terminer, je tiens à remercier votre comité de m'avoir permis de prendre la parole sur la question des connaissances traditionnelles. Je regrette par ailleurs qu'après avoir fait tout ce voyage, depuis le Yukon, je n'aie que si peu de temps pour faire part de mon point de vue. J'estime que l'on devrait nous accorder plus de temps pour exprimer l'opinion des Premières nations du Yukon.

Monsieur le président, j'ai quatre copies du mémoire, que je vais distribuer aux membres du comité.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Jackson. Nous ne manquerons pas de faire en sorte que chacun des membres du comité en ait une copie.

Il nous reste une bonne heure pour les questions. Je demanderais aux membres du comité de s'en tenir à cinq minutes par intervention. Nous allons commencer par M. Mills, qui sera suivi de M. Comartin, de Mme Kraft Sloan, de Mme Redman et de M. St-Julien, à qui nous souhaitons la bienvenue au sein de notre comité.

Monsieur Mills, vous avez la parole pendant cinq minutes.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier tous nos invités d'être venus nous faire part de leur opinion sur la question. Je comprends bien que vous aimeriez disposer de plus de temps après être venus de si loin. L'une des choses qui me dérange le plus dans cette étude de notre comité, c'est le fait que nous soyons toujours à court de temps pour entendre les témoins. Nous avons besoin en fait d'entendre tout le monde, y compris les agriculteurs et les éleveurs et tous ceux qui veulent nous faire part de leurs préoccupations.

Ce qui me vient à l'esprit en vous entendant... c'est surtout vrai lorsque je vous écoute, monsieur Novalinga. C'est probablement vous qui m'avez le plus touché parce que vous parlez comme les agriculteurs et les éleveurs avec lesquels je suis en relation dans ma région. Ils comprennent la nature. Ils savent ce qui en fait l'équilibre, combien de têtes de bétail ils peuvent mettre sur leurs terres et quels sont les paysages naturels qu'ils doivent préserver pour conserver l'équilibre hydrographique, etc. La science oublie souvent de s'occuper de ces choses.

Je dirais que ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous allons adopter un texte de loi qui ne tient pas compte de ces réalités. Vous savez, vous considérez la chose de votre point de vue, mais il y a une autre perspective, celle que j'évoque ici. On ne peut pas avoir deux séries de règles. Il faut que tout le monde soit traité sur un pied d'égalité.

J'imagine que le plus gênant dans cette loi... et je comprends bien ce que vous voulez. Les agriculteurs et les éleveurs auxquels je parle veulent la même chose. Ils veulent être traités différemment. Comment parvenir à l'égalité dans tout cela? Comment traiter tout le monde sur un même pied? Si nous avons une série de règles pour le Nunavut et une autre pour le sud, comment allons- nous maintenir l'équilibre?

Vous nous dites que voilà 15 ans que la cogestion donne des résultats. Avons-nous besoin de cette législation? Si effectivement les agriculteurs, les éleveurs, les Inuits et les Premières nations maintiennent déjà cet équilibre, ne pourrions-nous pas collaborer plutôt que de recourir à une loi fédérale?

• 1005

Enfin, sur la question de l'indemnisation, je pense que les gens que je représente disent la même chose que vous—à savoir qu'ils veulent être indemnisés à partir du moment où ils perdent quelque chose. Que ce soit la perte de l'alimentation de subsistance que procurent les baleines blanches ou la perte de prairies permettant de faire paître le bétail, je pense que cela revient au même.

Ce sont là les questions que je vous pose à tous.

M. Larry Carpenter: Je vais essayer de vous répondre rapidement en ce qui a trait à la cogestion. Je suis d'accord avec vous, avons-nous besoin d'une loi fédérale? Bien sûr, nous nous préoccupons tous de l'extinction de certaines espèces, mais nous avons aussi des gouvernements territoriaux et provinciaux qui opèrent dans les régions que nous représentons. À l'heure actuelle, je sais que les Territoires du Nord-Ouest s'efforcent de mettre en place leurs propres lois sur les espèces en péril.

J'en conviens donc avec vous, si le gouvernement fédéral, le gouvernement du territoire et les organismes autochtones collaborent, nous devrions être en mesure de faire ce qu'exige cette loi.

Le président: Quelqu'un d'autre veut commenter?

M. Johnny Adams: J'aimerais insister sur les différences entre les agriculteurs et les Inuits du Nunavik. Ainsi, nous avons des droits protégés par des traités qui n'existent pas dans le sud. Il faut aussi en tenir compte pour s'assurer que les droits découlant de nos traités ne sont pas foulés aux pieds, parce que c'est tout ce que nous avons obtenu en échange des terres.

Dans le cas de la baleine blanche, nous devons nous assurer que les décisions prises s'appuient sur des faits avec lesquels tout le monde est d'accord, les chasseurs à la base et les scientifiques effectuant le comptage. Je ne pense pas que nous voulions chasser ces espèces jusqu'à ce qu'elles disparaissent. Ce n'est pas notre façon de faire. Ce n'est pas ainsi que nous vivons. Nous devons toutefois trouver un équilibre. Où est-il? Je pense que c'est la grande question. Nous avons proposé que certains de ces chasseurs se déplacent sur d'autres territoires de chasse et ramènent la nourriture dans leur localité.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.

Monsieur Adams et monsieur Novalinga, est-ce que les Premières nations ont en ce moment des concurrents pour la pêche à la baleine blanche? Est-ce qu'il y a du braconnage?

Sur la question de l'indemnisation, en dehors de la proposition que vous avez faite, monsieur Adams, en préconisant que l'on déplace éventuellement les chasseurs dans d'autres régions—et je m'adresse non seulement à vous mais à tous ceux qui ont évoqué le problème de l'indemnisation—y a-t-il d'autres formes d'indemnisation, même transitoires ou temporaires, que l'on pourrait instaurer pour remédier au problème?

M. Johnny Adams: Si l'on s'accorde sur le principe, nous pouvons alors faire en sorte que les responsables du gouvernement et les gens de la région se réunissent pour trouver une formule, un plan. C'est la voie que nous voulons suivre, mais il faut nous entendre sur un plan d'action.

M. Joe Comartin: J'étais en train de penser à ce que nous a dit M. Novalinga au sujet du coût des produits alimentaires qui viennent du sud. Y a-t-il d'autres espèces susceptibles d'être chassées ou d'autres types de nourriture traditionnelle pouvant remplacer la baleine blanche, là encore à titre temporaire? Ainsi, on n'aurait pas à importer des produits alimentaires.

• 1010

M. Johnny Adams: C'est vrai. Toutefois, le mieux serait peut-être encore d'importer de la baleine blanche d'une autre région pour protéger l'espèce.

M. Joe Comartin: Cela m'amène à la question suivante, celle du comptage que vous-même, et plusieurs autres intervenants, avez mentionné. Avez-vous une idée du temps qu'il faudrait pour procéder à ce comptage?

M. Paulusi Novalinga: Voilà déjà longtemps que nous en parlons avec les fonctionnaires du gouvernement: des réductions d'impôt sur l'équipement de chasse, une réduction du coût du combustible, etc. Ça reste toutefois dans les dossiers. Nous continuons à en parler. Dans la majorité des cas, c'est toujours en cours de négociation.

M. Johnny Adams: Nous parlions tout à l'heure des agriculteurs qui bénéficiaient d'allégements de la TPS et de dégrèvements d'impôts provinciaux. Les chasseurs sont essentiellement les agriculteurs de notre région, mais ils ne bénéficient pas des mêmes déductions fiscales que les agriculteurs lorsqu'ils exploitent la faune. C'est un problème que l'on évoque depuis de nombreuses années mais, pour l'instant, les responsables font la source oreille. Vous n'ignorez pas que le coût de la vie est très élevé chez nous.

M. Paulusi Novalinga: Il y a aussi les taxes sur notre équipement de chasse, les bateaux, par exemple, qui sont considérés comme de l'équipement de loisir. La majeure partie de notre équipement est classé dans le sud parmi le matériel sportif et il y a une taxe de loisir qui s'y applique. Nous payons donc davantage de taxes sur notre matériel de chasse tel que les motoneiges ou les bateaux à moteur, et nous sommes progressivement étranglés par le coût élevé des transports.

M. Joe Comartin: Pour revenir à la question du comptage, avez-vous une idée du temps qu'il faudrait pour procéder à un nouveau comptage?

M. Paulusi Novalinga: C'est prévu pour l'été prochain, pour la prochaine saison de la pêche à la baleine blanche.

M. Joe Comartin: Pouvez-vous le faire en une saison?

M. Paulusi Novalinga: Ça dépend. Ça coûtera de l'argent, mais c'est possible. Pêches et Océans envisage de procéder à un comptage la saison prochaine, cet été.

M. Joe Comartin: Et les chasseurs traditionnels vont participer à ce comptage.

M. Paulusi Novalinga: Oui, nous devons demander à participer.

M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Comartin.

Avant que certains députés qui doivent assister au débat à la Chambre nous quittent, il me faut demander aux membres du comité, pendant que le quorum est réuni, d'adopter une motion devant permettre à trois ou quatre de nos collègues d'assister à la conférence de l'OCDE—conformément à ce que nous avons dit lors des séances précédentes.

Le greffier a rédigé une motion qu'il va vous lire. Je demanderai ensuite à quelqu'un de la proposer, afin d'accélérer les choses.

Monsieur le greffier, voulez-vous nous lire la motion?

Le greffier du comité: La motion est la suivante:

    Que notre comité adopte un budget de déplacement de 17 414 $ devant lui permettre d'aller assister à Paris, en France, du 13 au 17 mai 2001, à la conférence de l'OCDE sur les questions liées à l'environnement et à l'économie.

Le président: Il ne s'agit pas de 70 000 mais de 17 000 et quelques dollars—un et sept.

Quelqu'un veut proposer cette motion?

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Je propose que l'on adopte la motion.

(La motion est adoptée)

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à Mme Kraft Sloan, suivie de Mme Redman, de M. St-Julien et du sénateur Watt.

Madame Kraft Sloan, c'est à vous. Vous disposez de dix minutes.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je vous remercie.

J'ai deux questions à poser au sujet du mémoire du Conseil des Premières nations du Yukon, mais les autres témoins pourront aussi apporter leurs commentaires s'ils le jugent bon.

• 1015

Ma première question a trait à la recommandation de la page 11, qui est la suivante:

    Par conséquent, nous recommandons que le ministre renonce à intervenir de manière discrétionnaire pour protéger l'habitat essentiel situé sur des terres conférées par l'accord à moins qu'il constate que les mesures adoptées éventuellement par les Premières nations du Yukon sont insuffisantes.

Le mémoire évoque la question des mesures de sauvegarde auxquelles peut recourir le gouvernement fédéral afin d'intervenir s'il estime que les provinces ne protègent pas suffisamment les espèces. Le gros inconvénient de ces mesures de sauvegarde, c'est qu'elles sont discrétionnaires et n'obligent pas le gouvernement fédéral à agir au cas où les provinces ne le feraient pas.

Le deuxième gros problème, c'est que l'on se demande ce que cela signifie en fait. À partir de quel moment doit-on intervenir? J'aimerais que quelqu'un me dise ce que l'on entend par «insuffisantes», qu'il s'agisse des délais éventuels ou des mesures effectivement prises. Vous comprendrez que si les dispositions ne sont pas claires, l'une des parties pourra soutenir que l'on a pris des mesures suffisantes et l'autre qu'elles ne le sont pas. Qu'en pensez-vous?

Me Daryn Leas: Je vous remercie d'avoir posé cette question.

Ce que nous essayons avant tout de faire comprendre dans notre mémoire, c'est que les Premières nations du Yukon ont une compétence sans responsabilités et que cette compétence va au-delà de la compétence territoriale. Nous voyons par conséquent qu'il y a certaines relations entre le ministre fédéral et le gouvernement territorial du Yukon, et nous estimons qu'il devrait y avoir le même genre de relations avec les Premières nations du Yukon.

Je suppose que le seuil d'intervention devrait être celui de l'adoption de lois par les Premières nations—et certaines d'entre elles l'ont déjà fait—pour protéger les secteurs essentiels de leurs terres conférées par l'accord. Avant de recourir à son pouvoir discrétionnaire d'imposer des restrictions concernant l'habitat essentiel de nos terres conférées par l'accord—sans se contenter d'examiner les lois du territoire pour voir si elles répondent à sa conception de ce qui est suffisant—il faut que le ministre se penche par ailleurs sur les lois adoptées par les Premières nations du Yukon.

Qu'est-ce qui est «insuffisant»? Vous avez raison, il pourrait y avoir des opinions divergentes à ce sujet. Il est probable cependant que le problème se pose surtout entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires. Je pense que l'on peut résoudre des questions de ce genre, comme pour tout ce qui touche les gouvernements, par la discussion.

Il est possible que le ministre fédéral souhaite que l'on modifie sur un point précis une loi des Premières nations du Yukon, une loi provinciale ou une loi territoriale. Des discussions de ce type apaiseront probablement les craintes du ministre. Par la suite, si la Première nation, la province ou le gouvernement territorial n'agissent pas, le ministre fédéral sera tenu d'intervenir. C'est comme ça que nous voyons les choses.

Mme Karen Kraft Sloan: De l'avis de bien des gens, le problème vient du fait que le gouvernement fédéral n'est pas intervenu alors qu'il en avait le pouvoir. Nous pouvons voir ce genre de disposition dans de nombreux textes de loi adoptés par les provinces, et le gouvernement fédéral n'est jamais intervenu. J'aimerais que vous nous exposiez la façon de procéder pour que nous saisissions mieux où se situe le problème.

M. Larry Carpenter: Je peux uniquement vous dire que nous sommes d'accord avec le principe de ce texte de loi. Nous sommes fermement convaincus que si le gouvernement territorial ou les Premières nations du Yukon ne prennent pas des mesures pour protéger l'habitat essentiel, il appartient alors au gouvernement fédéral de le faire. C'est sa responsabilité. La relation qui existe entre le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral, notamment, ne relève pas des dispositions de l'article 92. Elle découle de la Loi sur le Yukon, qui est une loi fédérale.

Au Yukon, cette discussion se complique du fait qu'il y a une restitution de pouvoirs, une proposition de transfert de compétences du gouvernement fédéral en faveur du gouvernement territorial sur les terres et les ressources du Yukon. Cette procédure nous préoccupe et nous voulons nous assurer que s'il y a un transfert de compétences, le gouvernement fédéral va se substituer au gouvernement territorial en cas de défaillance.

Nous partons du principe que nous ne manquerons pas d'adopter des lois protégeant les habitats essentiels sur les 16 000 milles carrés de notre territoire conféré par l'accord. Nous espérons que le gouvernement fédéral veillera à ce qu'il en soit de même sur les autres terres du Yukon.

Mme Karen Kraft Sloan: Et allez-vous considérer le respect de l'application des lois comme faisant partie des «mesures suffisantes»?

M. Larry Carpenter: Absolument.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien.

Le président: La parole est à Mme Redman.

• 1020

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Carpenter.

En élaborant la loi sur les espèces en péril dont nous discutons aujourd'hui, Environnement Canada a fait réellement de gros efforts pour maintenir le dialogue avec les Autochtones ainsi que les conseils de gestion de la faune. Il y a eu des rencontres bilatérales et multilatérales. Le gouvernement fédéral a l'intention de maintenir ce dialogue alors que nous poursuivons la mise en oeuvre de cette loi.

Pourriez-vous comparer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la loi sur les espèces en péril par rapport à ce qui s'est passé pour d'autres textes de loi? Est-ce que tout s'est bien passé?

M. Larry Carpenter: De quelles autres lois fédérales voulez-vous parler?

Mme Karen Redman: D'autres représentants autochtones nous ont dit précédemment que l'on avait ici en quelque sorte placé la barre plus haut. D'autres témoins ont déclaré qu'à leur avis il y avait un bon dialogue.

M. Larry Carpenter: En ce qui nous concerne, nous apprécions le fait qu'il y ait un groupe de travail autochtone. Certains représentants inuvialuit y ont participé.

Je représente l'un des conseils de cogestion à cette séance et non pas simplement l'Inuvialuit Game Council—l'organe s'occupant de la faune dans notre région. Je dirais donc que l'un des problèmes vient du fait que le conseil consultatif de gestion de la faune, des organismes de cogestion, n'ont en fait pas vraiment participé à cette opération. Nous avons effectivement au sein de notre comité des représentants fédéraux, qui devraient élaborer des rapports, mais ils sont pratiquement tenus dans la même ignorance que nous. Nous sommes cependant en mesure de participer par l'intermédiaire de notre groupe de travail autochtone, ce qui est une très bonne chose. Comparativement à ce qui s'est passé pour d'autres textes de loi, effectivement, cette démarche est bien meilleure.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur St-Julien.

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci pour cette invitation aux gens du Nunavik.

J'ai deux questions à poser. La première s'adresse à Johnny Adams, le président de l'Administration régionale Kativik. Vous avez parlé, dans votre témoignage, du recensement de 1993, qui n'était pas complet. On sait que le Nunavik a une superficie d'à peu près 500 000 kilomètres carrés. Il n'y a pas de routes entre les 14 communautés, et on sait que sous votre juridiction, les Inuits du Nunavik paient des impôts comme tous les citoyens du Sud. Ils paient des taxes sur tous les aliments surtout, comme les citoyens du Sud.

Il y a eu un recensement il y a huit ans, et vous avez mentionné qu'il n'y avait pas eu de suite à votre recensement. J'aimerais savoir qui a effectué ce recensement et si, depuis les dernières années, des fonctionnaires des gouvernements fédéral et provincial ou le ministre ont visité les communautés inuits dans le but de se rendre compte des espèces en péril et des espèces qui vivent sur votre territoire.

Le président: Monsieur St-Julien, si vous voulez poser des questions, il serait préférable que ce soient des questions sur le projet de loi.

M. Guy St-Julien: Oui, d'accord, sur les espèces en péril, etc. C'est pour ça que j'ai mentionné...

Le président: D'accord.

[Traduction]

Monsieur Adams.

M. Johnny Adams: Il s'agissait strictement d'un comptage aérien, qui dépendait très largement du temps et des observateurs. Aucune observation correspondante n'a été faite au sol pour valider ce comptage. Je pense donc que l'on a prévu cet été de procéder à la fois à des comptages aériens et au sol. Les habitants de la région s'efforcent de prendre part à cette opération.

[Français]

M. Guy St-Julien: Ma dernière question est pour vous. Ensuite, je vais passer à Johnny Peters.

• 1025

Monsieur Adams, est-ce que vous avez l'intention de présenter un mémoire détaillé et descriptif concernant le projet de loi actuellement à l'étude? Je sais qu'il y a eu un court laps de temps depuis les dernières journées et que c'est important. Est-ce que vous allez préparer, pour le comité, un document détaillé sur la problématique au Nunavik?

[Traduction]

M. Johnny Adams: Je suis sûr que si on nous en donnait la possibilité, nous pourrions remettre un mémoire plus détaillé que celui que vous avez devant vous parce qu'on ne nous a laissé finalement que très peu de temps pour rédiger ce mémoire.

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci, monsieur Adams. Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse à Johnny Peters, qui est le vice-président de la Société Makivik, sur le territoire du Nunavik.

Vous, les témoins, que ce soit Joseph Agma, Paulusi Novalinga, Robbie Watt ou Johnny Adams, avez tous parlé d'une allocation. On sait que la question du béluga, dans le territoire du Nunavik, est une problématique qui concerne ce projet de loi. Les deux gouvernements sont fiduciaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Quand vous parlez d'une allocation, est-ce que vous parlez, dans votre mémoire, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois?

[Traduction]

M. Johnny Peters (interprétation): Merci, mesdames et messieurs.

Comme je l'ai indiqué précédemment, les Inuits comptent énormément sur les baleines blanches pour s'alimenter. C'est une chasse saisonnière. Ainsi, c'est pendant l'été que l'on chasse les baleines blanches. Même pendant les autres saisons, alors que les baleines blanches ne sont pas très nombreuses dans la région, les Inuits souhaitent pouvoir en manger constamment. C'est ce que j'essaie de faire comprendre.

Nous avons aussi entrepris de discuter avec Pêches et Océans dans le cadre de nos réunions conjointes avec l'HFTA et Makivik. Le ministère nous a dit que le long des côtes du Nunavik, les baleines blanches étaient abondantes dans certains secteurs et pas très nombreuses dans d'autres. Il s'appuie sur des recherches effectuées en 1993. Si Pêches et Océans impose un moratoire dans certains secteurs, dans la baie d'Ungava, par exemple, est-ce qu'il pourrait nous accorder le droit de chasser ailleurs, disons au large de Churchill, au Manitoba, où l'on trouve plein de baleines blanches. Comme Johnny Adams l'a indiqué précédemment, nous aimerions alors bénéficier d'une certaine forme d'indemnisation pour compenser les coûts du transport aller-retour et nous permettre de ramener de la nourriture chez nous. Est-ce que l'on pourrait en discuter? C'est ce que j'essayais d'indiquer.

Il y a donc à l'heure actuelle des discussions qui sont menées entre Pêches et Océans et les Inuits en ce qui a trait à la recherche de façon à ce que l'on puisse mieux se comprendre et faire en sorte que les Inuits participent directement aux recherches du ministère. Nous essayons à l'heure actuelle de replacer les connaissances inuites dans ce cadre, en faisant en sorte qu'elles viennent s'ajouter aux connaissances scientifiques, de façon à ce que des deux côtés on sache mieux comprendre ce qui se passe au sujet des baleines blanches.

• 1030

[Français]

Le président: Merci, Monsieur St-Julien.

[Traduction]

Nous allons maintenant donner la parole au sénateur Watt, puis à M. Laliberte, et nous passerons ensuite au deuxième tour.

Le sénateur Charlie Watt (Inkerman, Lib.): Merci, monsieur le président.

Si l'on en croit le mémoire présenté par les gens du Nunavik, vous affirmez appuyer les recommandations déposées par votre organisation nationale, l'Inuit Tapirisat du Canada. Vous semblez beaucoup insister là-dessus. Il me semble par ailleurs que l'on y avait proposé plus de 10 amendements au projet de loi C-5. À nouveau, dans votre mémoire, vous semblez insister sur deux points, principalement sur une clause de non-dérogation, et vous estimez que dans le projet de loi C-5 la clause de non-dérogation ne va pas assez loin pour protéger les lois constitutionnelles des Autochtones. Si je vous comprends bien, c'est en substance ce que vous nous dites ici.

L'autre point sur lequel vous insistez, et qui relève davantage de certaines dispositions précises du projet de loi, a trait aux baleines blanches. L'une des raisons avancées, si je vous comprends bien, c'est qu'il s'agit là d'une ressource dont votre communauté tire un très grand parti, dans tout le Nunavik, et que par conséquent vous cherchez des réponses à ce problème particulier. La communauté scientifique vous fait comprendre de son côté que les baleines blanches du côté de l'Ungava sont en train de disparaître et ne seront bientôt plus là.

Il y aura donc éventuellement des différences d'interprétation, jusqu'à un certain point, entre la communauté scientifique et les connaissances traditionnelles. Lorsque j'ai pris part à votre atelier d'orientation, Novalinga, les gens de votre peuple ont insisté sur le fait que ce n'est pas parce que l'on avait trop chassé dans la baie d'Ungava au cours des 10 ou 12 dernières années—et même des 20 dernières années—que l'on se retrouvait dans cette situation, mais que c'était avant tout à cause du bruit que les baleines blanches avaient modifié leur trajet de migration, coupant de Killiniq à Port Burwell, autrement dit sans aller au fond de la baie d'Ungava. C'est essentiellement ce qui se passe, si je vous ai bien compris.

Ce qui se passe aujourd'hui, par conséquent, c'est que Pêches et Océans vous demande de ne plus chasser dans la baie d'Ungava alors que vous comptez fortement sur cette chasse pour vous alimenter. Non seulement la baleine blanche fait partie de votre régime alimentaire, mais votre niveau de vie en dépend si vous voulez économiser sur les produits alimentaires qui doivent être importés du sud. C'est l'une des raisons pour lesquelles, si j'ai bien compris, M. Peters, le vice-président de la Société Makivik, insistait sur le fait qu'il fallait trouver une solution au cas où on limiterait la chasse. Par quoi va-t-on la remplacer? C'est notre source d'alimentation. C'est la base de notre régime alimentaire. Quel genre d'indemnisation faut-il prévoir? Est-ce que Pêches et Océans ou tout autre organe du gouvernement ont le pouvoir de fournir une indemnisation?

Le paragraphe 64(1) du projet de loi dispose:

    Le ministre peut, en conformité avec les règlements, indemniser toute personne des pertes subies en raison des conséquences extraordinaires que pourrait avoir l'application...

À l'article «Règlements» on nous dit ensuite:

    Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre toute mesure qu'il juge nécessaire à l'application du paragraphe (1), notamment fixer...

et l'on établit ensuite les différentes procédures.

Est-ce que l'un d'entre vous... Je sais que vous êtes parent avec le sénateur Adams, Johnny. Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet, vous ou M. Peters. Que voulez-vous que fasse le comité sur ce point particulier?

Le président: Étant donné que nous avons épuisé l'intégralité du temps alloué au sénateur, je vous demanderais de répondre rapidement.

M. Johnny Adams: Oui. Je vous remercie.

• 1035

Sur la question de l'indemnisation, nous demandons des conseils et des solutions à votre comité pour être sûrs qu'une disposition est prévue. On nous demande d'arrêter dès cet été la chasse à la baleine sur la côte de l'Ungava, mais rien n'est encore en place. Les discussions sont en cours en ce moment. Il n'y a pas d'accord. Nous sommes prêts à nous conformer à condition que l'entente soit appuyée par les deux parties, les Inuits et Pêches et Océans. Nous n'en sommes qu'au stade des discussions pour l'instant. Si nous sommes venus ici, c'est avant tout pour que votre comité nous donne quelque assurance que cette question sera bien considérée comme prioritaire, étant donné que l'on est censé mettre en oeuvre cet été un programme visant à restreindre davantage la chasse, plus particulièrement dans l'Ungava. Il y a là sept localités.

Le président: Monsieur Adams, si vous voulez avoir une indication de ce qui va se passer cet été, ce qu'il vous faut faire, c'est présenter une demande au ministère des Pêches et des Océans pour faire état de vos propositions touchant ce projet de loi. Une fois promulgué, ce qui peut prendre encore plusieurs mois, ce texte de loi ne contiendra pas la réglementation découlant des dispositions d'indemnisation. Selon l'interprétation donnée par le sénateur, la portée de l'indemnisation est très large, et vous en trouvez des dispositions dans ce projet de loi. Une fois que la loi aura été adoptée, une réglementation sera rédigée en conséquence, du moins c'est ainsi que nous comprenons les choses et c'est ce qu'on nous dit à l'heure actuelle. Cela va prendre aussi un certain temps. Par conséquent, si vous tenez à ce que la question soit réglée cet été, il vous faut présenter votre dossier, c'est la procédure à suivre, à Pêches et Océans indépendamment de la loi qui est présentée ici. Vous pourriez éventuellement participer à ce moment-là à l'élaboration de la réglementation, qui aura lieu plus tard. S'il y a toutefois un problème que vous voulez régler d'urgence cet été, il vous faut présenter votre dossier indépendamment de cette loi parce que nous avons encore bien du pain sur la planche, si vous comprenez ce que je veux dire.

M. Johnny Adams: Oui, je vous comprends parfaitement. Nous essayons d'agir dans ce sens, mais nous avons besoin de l'appui des représentants élus qui sont autour de cette table. D'une manière ou d'une autre, ce problème finira par arriver sur votre bureau.

Le président: Vos représentants élus des régions concernées ne vont pas manquer de défendre votre cause et nous allons tous entendre M. St-Julien à la Chambre des communes, je peux vous le garantir.

La parole est à M. Laliberte.

M. Rick Laliberte: Merci, messieurs, d'être venus ici nous guider dans cette entreprise délicate.

Il y a une ou deux choses que j'aimerais relever. On nous a fait une comparaison intéressante entre les agriculteurs et les chasseurs. Par ailleurs, lors d'une intervention précédente, le représentant du Yukon a précisé que le Conseil de gestion de la faune avait un but précis, soit la gestion des ressources. Ses fonctions s'apparentent à celles des agents des ressources et elles se rattachent à tous les domaines liés à la faune et à la gestion des ressources.

Il y a toutefois tout un ensemble de traités et d'accords de règlement des revendications territoriales impliquant une forme de gouvernement autochtone. C'est totalement différent de la définition d'un Conseil de gestion de la faune. L'un des organes importants institués par ce projet de loi est le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril. Au sein de ce conseil pour la conservation siègent des représentants des ministères des provinces ainsi que de trois ministres fédéraux responsables, ceux des ministères des Pêches, de Patrimoine Canada et d'Environnement Canada. L'un des dirigeants autochtones a mentionné qu'il faudrait éventuellement y ajouter le ministre des Affaires indiennes et du Nord.

• 1040

Êtes-vous persuadés que les ministres vont représenter votre point de vue au sein de ce conseil ou doit-on faire en sorte que les instances dirigeantes autochtones de notre pays soient représentées à ce niveau?

M. Johnny Adams: La réponse à cette question me paraît évidente. Nous luttons constamment pour que les Autochtones soient mieux représentés au sein des instances de gouvernement de notre pays, notamment des comités qui influent sur notre mode et notre niveau de vie. Il en va de même dans ce cas. Il y aussi un comité national sur les espèces en péril, dont nous ne faisons pas partie. Je ne peux parler que pour les gens de notre région, mais je pense que nous devrions au moins avoir un représentant au sein de ces comités, tout particulièrement lorsqu'on envisage de restreindre sévèrement nos activités en ce qui a trait à la baleine blanche, par exemple. Pour sûr, nous aimerions être mieux représentés au sein de ces comités.

Me Daryn Leas: Il est bien évident qu'au Yukon nous avons toujours demandé à être représentés au sein du COSEPAC ainsi que du conseil. Comme vous l'avez signalé, nous avons nos propres gouvernements et nous estimons être les mieux à même de représenter nos propres intérêts plutôt que d'avoir un autre gouvernement qui parle en notre nom sur quelque chose d'aussi fondamental que nos droits de pêche et de chasse.

M. Larry Carpenter: Je suis d'accord avec mes deux collègues. J'ajouterais simplement que ces différents comités devraient être adaptés à chacune des régions et aux différents groupes autochtones qui vont être concernés pour certaines espèces. Ce sont eux qui devraient nous aider à prendre les décisions. Les Inuvialuit et la population de l'Arctique de l'Ouest voient très différemment certaines espèces comparativement à la population du Sud.

M. Rick Laliberte: J'ai aussi examiné la question de l'indemnisation. C'est là qu'il y a une différence entre la situation du chasseur et celle de l'agriculteur. L'agriculteur est propriétaire de sa ferme et des terres qui l'entourent. L'indemnisation portera sur une propriété individuelle. S'il y a une expropriation, elle s'accompagnera d'une indemnisation. Pour ce qui est du chasseur dans le Nord, toutefois, il s'agit davantage d'une propriété collective. Il n'est pas question d'indemniser des particuliers qui ont éventuellement perdu la possibilité de chasser. La perte touche davantage le village et remet en cause la possibilité, pour la collectivité, de subvenir à ses besoins. La situation est donc totalement différente. On ne peut comparer la situation d'un chasseur à celle d'un agriculteur. Ça n'a rien à voir lorsqu'on se penche sur ce qui constitue la propriété individuelle et la propriété collective.

• 1045

M. Johnny Peters (interprétation): En matière d'indemnisation, vous venez de dire qu'un agriculteur ayant subi un préjudice dans son exploitation va probablement réclamer une indemnisation individuelle. Toutefois, dans notre région, sur notre territoire, c'est la chasse qui est notre exploitation agricole. Si certaines espèces animales sont d'une façon ou d'une autre en déclin ou en voie de disparition en raison d'une surexploitation, il nous faudra bien sûr demander une indemnisation à l'échelle de la collectivité. Ce n'est pas simplement un chasseur, mais tous les chasseurs inuits qui sont concernés. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Si nous étions des agriculteurs comme dans le Sud, je ne crois pas que nous serions venus ici. Il vous faut comprendre que ce sont deux choses différentes. Il y a chez nous des chasseurs traditionnels, il n'y a pas d'exploitation agricole et nous ne pouvons rien faire pousser, nous ne pouvons compter que sur la capacité de reproduction des animaux. C'est toute la différence.

Si une espèce qui nous fait vivre venait à décliner, il nous faudra demander quelque chose à titre de compensation pour pouvoir continuer à vivre. C'est la différence entre les deux situations.

Le président: Je vous remercie.

M. Johnny Peters: Je pense que j'ai oublié une chose dans mon analyse. Il me fallait dire que les chasseurs n'ont pas d'autre emploi et pas d'autre choix. Ils ne peuvent vivre que de la chasse.

Si l'on diminue les quotas fixés par le gouvernement sur des animaux comme la baleine blanche et si on ne peut plus les chasser, il est bien certain qu'il faudra nous verser une indemnisation, comme on le fait pour l'agriculture.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons passer au second tour de questions. Nous commencerons par M. Comartin, qui sera suivi par Mme Kraft Sloan.

M. Joe Comartin: J'aimerais vous poser rapidement deux questions, monsieur Adams. Savez-vous combien il faudrait que l'on ait de baleines blanches pour pouvoir revenir à la chasse traditionnelle, par des moyens conventionnels? Est-ce que le chiffre a...

M. Johnny Adams: Non. Il y a une estimation mais pas de chiffres vraiment concrets pour l'instant parce que l'on n'a pas procédé à un comptage en bonne et due forme dans la région.

M. Joe Comartin: Vous avez présenté tout à l'heure un argument dont je ne suis pas très sûr. Vous avez essayé de nous dire quelque chose que je n'ai pas très bien compris sur le coup en ce qui a trait à l'application des lois. On n'a pas fait respecter l'application des lois même si cette responsabilité vous a été confiée et vous vous êtes contenté d'observer. Pourriez-vous-nous en dire un peu plus? Je ne vous ai pas très bien compris sur ce point.

M. Johnny Adams: Oui. J'ai dit tout à l'heure qu'en vertu d'un accord passé entre notre gouvernement régional et le ministère des Pêches et des Océans, nous employons six gardes-chasse dont le rôle est essentiellement d'observer la chasse de la baleine blanche dans la région. Ils possèdent deux bateaux pour surveiller de nombreux kilomètres de côte et ils s'assurent essentiellement que personne ne va massacrer des baleines blanches, qu'il s'agisse des Inuits de chez nous ou de ceux d'autres régions.

Depuis toutes ces années, les gardes-chasse n'ont jamais inculpé personne d'une infraction. Une enquête a déjà été effectuée par le passé, mais aucune accusation n'a été portée. On soupçonnait qu'il y avait une surexploitation de la baleine blanche dans une région donnée, mais rien n'a été fait à ce sujet. P&O est au courant de ce dossier. C'est la seule grosse affaire qui ait eu lieu au cours des années. Pour l'essentiel, la plupart des communautés respectent les quotas. Certaines sont en deçà et d'autres un peu au-delà, mais les prises sont restées à peu près les mêmes depuis la mise en place du système des quotas.

Le président: Merci, monsieur Comartin. C'est tout?

M. Joe Comartin: Oui, je vous remercie.

Le président: La parole est à Mme Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie.

Je me demandais, monsieur Jackson, si vous ne vouliez pas vous avancer à la table. Vous pourriez avoir à répondre à une ou deux questions que je veux poser. J'invite aussi les autres témoins à me répondre.

Je pense que ce que vous avez dit au sujet des connaissances traditionnelles est très important parce que les gens ont une conception différente des connaissances traditionnelles. J'ai moi aussi entendu bien des gens autour de cette table développer des thèses très différentes au sujet des connaissances traditionnelles.

• 1050

Je partage aussi vos préoccupations touchant l'appropriation ou le vol des connaissances traditionnelles des gens de votre communauté; je comprends aussi vos inquiétudes concernant la façon dont elles pourraient être utilisées. J'aimerais simplement que vous-même ou d'autres témoins nous donnent quelques précisions concernant certaines lignes de conduite que vous avez mentionnées et qui sont aussi évoquées dans le mémoire du Conseil des Premières nations du Yukon. Vous nous avez dit que des lignes de conduite avaient été élaborées et que vous aimeriez qu'il y ait une meilleure coordination avec la loi et ce que nous faisons.

Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage sur les lignes de conduite dont vous relevez l'importance en ce qui a trait aux connaissances traditionnelles.

M. Robert Jackson: Je vous remercie.

Je vous avoue bien franchement que s'il me fallait passer en revue l'ensemble du document qui répertorie les lignes de conduite à suivre, le temps qui nous est alloué ne suffirait pas. Ces lignes de conduite établissent le protocole d'utilisation des connaissances traditionnelles, la façon dont elles peuvent être recueillies et la façon dont on peut les emmagasiner.

On ne peut pas exposer la question des connaissances traditionnelles dans le délai qui m'est imparti. C'est quelque chose qui est sacré. Les connaissances traditionnelles reviennent à respecter et à protéger les terres et elles se rattachent à la nature. L'utilisation des lignes de conduite... on y expose étape par étape l'utilisation des connaissances traditionnelles.

Pour vous faire mieux comprendre ce que sont les connaissances traditionnelles, je vais vous raconter ce qui m'est arrivé alors que j'étais jeune, en compagnie de mes parents. Nous étions en pleine forêt le long de notre ligne de trappage mais, en raison du mauvais temps, nous sommes restés bloqués. À ce moment de l'année, la glace ne permettait plus à notre bateau d'avancer mais elle n'était pas encore suffisamment épaisse pour nous permettre de marcher. Nous avons campé et pendant ce séjour au camp mes parents sont tombés tellement malades qu'ils m'ont dit: «Rentre à la maison, fils, nous sommes trop malades pour retourner; dis à notre famille que nous n'avons pas pu y arriver et que nous sommes morts.»

Je n'avais à l'époque que 18 ou 19 ans. Lorsqu'on entend cela de la part de ses parents, on se remémore tous les bienfaits de la nature et les enseignements de ses parents et de ses grands-parents. J'ai répondu à mes parents: «Non, je ne vais pas partir. Je vais aller chercher du baume, des glands et de l'aulne rouge pour vous faire une potion médicinale.» J'ai ajouté: «Je vais vous trouver un lapin, une perdrix ou tout ce qui peut vous aider à vous rétablir.»

• 1055

La nature du Yukon est non seulement la providence des gens des Premières nations, elle est aussi la guérisseuse. C'est pourquoi nous disons qu'il faut respecter les connaissances traditionnelles parce que c'est avec elles que nous avons grandi. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut apprendre du point de vue technique. Les connaissances traditionnelles sont transmises oralement. C'est un outil de survie et on ne peut pas rendre justice à nos lignes de conduite en les exposant en cinq minutes.

Mme Karen Kraft Sloan: Pouvez-vous nous citer des cas dans lesquels vos lignes de conduite ont réussi à préserver les connaissances traditionnelles et à en faire un usage approprié? Pouvez-vous nous en donner des exemples, qui témoignent de l'usage de ces lignes de conduite?

M. Robert Jackson: Pour l'instant, je peux seulement vous dire que l'on a fait un grand nombre de recherches au Yukon, mais je n'ai pas en tête des exemples de réussites concrètes de ces lignes de conduite. Si on les avait mises au point des années plus tôt, l'information recueillie auprès de nos anciens ne serait pas perdue.

Souvent, cette information est prise à notre peuple, et bien des gens ont profité de l'usage des connaissances traditionnelles. Bien des gens du sud du Canada ont obtenu des succès universitaires en faisant appel aux connaissances traditionnelles, en venant dans nos communautés faire des études sur la vie dans le Nord.

Je pense que si votre comité se servait de ces lignes de conduite dans le cadre du projet de loi C-5, les choses en seraient facilitées d'autant.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Monsieur Peters.

Me Daryn Leas: Excusez-moi. C'est Daryn Leas.

Je voulais simplement faire une observation au sujet des lignes de conduite. Elles ont été élaborées en grande partie pour répondre aux demandes d'information s'appliquant à l'évaluation environnementale au Yukon. Bien des renseignements en provenance de nos communautés n'étaient pas pris en compte dans la procédure d'évaluation environnementale et nos gens hésitaient à les fournir parce qu'aucun contrôle n'était exercé sur l'information et sur son usage et parce que dans certains cas elle était confidentielle.

Ce dont nous nous félicitons dans notre mémoire, c'est que l'on ait demandé au COSEPAC de tenir compte de ces connaissances. Toutefois, pour que ces connaissances soient transmises au COSEPAC, il faut que les communautés des Premières nations puisent constater qu'il y a certaines lignes de conduite, certaines directives concernant l'usage, la conservation et la manipulation de cette information.

Je vous remercie.

Mme Karen Kraft Sloan: Il s'agit de bâtir la confiance.

Me Daryn Leas: Vous avez raison.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien. Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Voilà qui conclut nos délibérations. La séance a duré deux heures. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous aurions pu passer bien des heures encore à discuter ensemble. Il n'en reste pas moins que notre temps est limité parce que nous avons d'autres engagements.

• 1100

Au nom des membres du comité, je tiens à tous vous remercier de nous avoir communiqué vos opinions, vos points de vue, vos thèses et vos conseils. Nous ne manquerons pas d'en tenir compte lorsque nous passerons à l'étude article par article du projet de loi. Dans l'intervalle, comme nous l'avons dit précédemment, s'il y a un problème cet été au sujet des restrictions imposées à la chasse ou d'une situation de crise concernant une espèce, il vous faudra passer par les voies habituelles en attendant que cette loi soit en place. Pour ce qui est de l'indemnisation, il serait souhaitable que les organisations du Nord prennent part à l'opération lors de l'élaboration des règlements.

Je vous remercie.

La séance est levée.

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