Le processus décisionnel / Votes

Votes par appel nominal : durée de la sonnerie d’appel; prolongation de la période de temps pour convoquer les députés à un vote; rôle des whips

Débats, p. 8958-8959

Contexte

Le 1er septembre 1987, M. Nelson Riis (Kamloops—Shuswap) invoque le Règlement afin de demander l’avis de la présidence au sujet d’un événement survenu le jour précédent. Le 31 août, à 18 heures, la Chambre a procédé à la prise de votes différés sur une motion concernant certains amendements apportés par le Sénat au projet de loi C‑22, Loi modifiant la Loi sur les brevets et prévoyant certaines dispositions connexes. et sur une motion de remplacement proposant « Que la question soit maintenant mise aux voix ». Comme il s’agissait d’un vote différé, selon le Règlement, la sonnerie d’appel convoquant les députés devait se faire entendre pendant au plus 15 minutes. M. Riis signale que la sonnerie a retenti pendant bien plus que les 15 minutes prévues avant que les whips n’entrent dans la Chambre, ce qui, selon lui, va à l’encontre des règles et pratiques de la Chambre. Il demande au Président de commenter cet incident. D’autres députés interviennent alors. Le Président signale la gravité de l’incident, mais rappelle aussi qu’il faut faire preuve de souplesse. Il déclare : « Je répète que la tradition à la Chambre veut que parfois la présidence s’en remette aux whips. C’est une tradition qui ne devrait peut-être pas disparaître complètement. » Il indique qu’il reviendra sur cette question[1].

Le 15 septembre 1987, le Président rend une décision qui est reproduite au complet dans les lignes qui suivent.

Décision de la présidence

M. le Président : Le 1er septembre 1987, le député de Kamloops—Shuswap a invoqué le Règlement au sujet des circonstances entourant la tenue d’un vote différé à 18 heures le 31 août. Plus précisément, il protestait contre le fait que la sonnerie avait retenti plus longtemps que les 15 minutes prévues aux termes de l’article 13(5) du Règlement en vertu duquel le vote avait lieu. Il a dit que cela dérangeait les travaux et le programme des députés lorsqu’on les faisait attendre au-delà de l’heure fixée pour le vote.

La présidence tient à remercier le député pour son intervention opportune sur cette importante question et souhaite remercier également d’autres députés qui ont spontanément donné leur point de vue sur la question.

Le député de Saint-Jacques (M. Jacques Guilbault) s’est reporté aux termes de l’article du Règlement qui prévoit clairement que la sonnerie d’appel doit se faire entendre durant au plus 15 minutes. Il a aussi fait allusion à la tradition reconnue depuis longtemps de l’arrivée simultanée des whips à la Chambre pour signifier que celle-ci est prête à voter.

L’honorable ministre d’État au Conseil du Trésor (l’hon. Doug Lewis) a signalé « qu’il s’agit d’une règle qui finit par profiter à tous les partis à un moment donné ou à un autre » et a ajouté qu’à son avis, ni les partis d’opposition ni les ministériels n’abusaient de cette flexibilité dans les règles.

Le député de Bourassa (M. Carlo Rossi) a fait allusion à l’entente officieuse qui régit l’entrée des whips.

Le député de Winnipeg—Birds Hill (M. Bill Blaikie) a rappelé à la Chambre que le Comité spécial chargé d’examiner la réforme de la Chambre des communes s’était longuement penché sur la question de la sonnerie d’appel précédant les votes.

La présidence remercie tous les députés de leurs interventions sur la question.

La tenue de votes fait partie intégrante des travaux de toute assemblée délibérante. Pour ce qui est de la Chambre des communes, les députés ont accordé une attention considérable à diverses époques aux modalités par lesquelles la Chambre tranche les questions dont elle est saisie. La procédure est évidemment énoncée dans notre Règlement, mais cette codification est mitigée par la pratique qui s’est établie avec le temps. Ainsi, il y a une convention bien établie qui veut que ce soit les whips du gouvernement et de l’opposition qui, en faisant leur entrée à la Chambre, signalent à la présidence qu’ils sont prêts à procéder au vote.

Cette convention n’est écrite nulle part, mais on l’invoque régulièrement et son application judicieuse fournit un mécanisme pratique qui permet de tenir compte de circonstances inattendues touchant l’un ou l’autre des groupes parlementaires et autorise les whips à prendre les arrangements voulus selon ces circonstances. Cette pratique établie illustre les plus nobles traditions de notre institution pour ce qui est des échanges de politesses entre les partis. Il y a cependant toujours le danger qu’en agissant ainsi, nous nous éloignions un peu trop de ce qui est prévu au Règlement. C’est manifestement ce qui s’est passé le 31 août, alors qu’une sonnerie devant durer 15 minutes a retenti pendant 30 minutes avant que les whips ne fassent leur entrée et que le vote n’ait lieu.

En passant en revue les votes inscrits qui ont eu lieu pendant la deuxième session de la présente législature, on a un aperçu révélateur et à mon avis rassurant de l’application de cette pratique. Sur 148 votes inscrits précédés d’une sonnerie de 15 ou 30 minutes selon ce que prévoit le Règlement, dans 60 % des cas, la sonnerie a retenti pendant exactement le temps qui était prévu, tandis que l’on a dépassé le temps imparti dans quelque 40 % des cas. Mais rappelons que dans la très grande majorité des cas, 52 sur 59, le timbre a retenti moins de 5 minutes de plus que prévu et pas plus de 11 minutes sur une sonnerie de 30 minutes dans les 7 pires cas qui ont été relevés. C’est dire combien les députés ont été de bonne foi, et combien les partis et leur whip ont fait preuve de modération, du sens des responsabilités en usant de cette latitude que leur accordait la convention.

Le vote du 31 août constitue un cas extrême en l’occurrence. Mais la présidence constate que même en cette occasion, la décision des whips de retarder leur entrée à la Chambre partait d’un sentiment de générosité et de courtoisie, et qu’ils ne voulaient en aucune façon fausser l’esprit du Règlement. Mais même si le vote du 31 août est l’exception à la règle, la présidence n’en partage pas moins l’inquiétude des députés qui craignent que cet incident prête à des abus. Puisque les circonstances entourant ce vote ne sont pas sujet à caution, il serait peut-être opportun maintenant de prendre du recul pour examiner le dilemme dans lequel se trouve la présidence en ce qui concerne la sonnerie d’appel à un scrutin.

En étudiant les précédents à ce sujet, la présidence a examiné un cas semblable qui s’est posé le 2 novembre 1982, alors qu’une sonnerie prévue pour 15 minutes en a duré 33. En réponse à un rappel au Règlement, la présidence a invoqué la convention entre les whips et a déclaré qu’elle se sentait liée par celle-ci et qu’elle agirait en conséquence[2].

Par contre, le troisième rapport du Comité McGrath adopte un point de vue différent lorsqu’il traite de la limite de temps très stricte qu’imposerait le système de vote électronique. Voici :

Pour certains, pareille limitation du temps accordé aux députés pour voter peut sembler faire perdre à la Chambre de sa souplesse, mais le Comité estime que la Chambre des communes ne peut plus se permettre de retarder la tenue d’un vote pour donner à quelques députés le temps d’arriver pour voter[3].

Ces opinions contradictoires aboutissent évidemment à l’alternative suivante : ou s’en tenir strictement à la lettre du Règlement ou opter carrément pour la convention des whips. La présidence est d’avis, compte tenu des circonstances actuelles et de l’attitude générale de la Chambre, que ces deux solutions sont extrêmes et qu’elles comportent toutes deux leurs propres dangers.

D’une part, la stricte application des dispositions du Règlement empêche les whips d’user de leur jugement et de s’adapter aux circonstances particulières. D’autre part, le fait de s’en remettre entièrement à la convention entre les whips pourrait rendre la Chambre esclave du climat politique du moment et nous ferait courir le risque que les questions ne puissent se décider promptement.

La présidence reconnaît qu’il lui incombe de veiller à la bonne marche des travaux de la Chambre, mais elle hésiterait à appliquer le Règlement à la lettre de sa propre initiative quand la Chambre a décidé, dans sa sagesse, de se donner un peu de latitude. Par ailleurs, comme je l’ai dit le 1er septembre, je regrette profondément l’incident du 31 août. Je pense que nous ne pouvons pas nous permettre de trop nous écarter du Règlement sans risquer gros. Si la Chambre décidait d’ordonner à la présidence qu’elle fasse observer strictement le Règlement en ce qui concerne la durée des sonneries d’appel au scrutin, les choses en seraient ainsi. La présidence hésite toutefois à intervenir et à passer unilatéralement outre à la convention entre les whips, laquelle, dans l’ensemble, a bien servi les députés. Avec la coopération soutenue de tous les partis et la vigilance constante de tous les députés, la présidence est persuadée que la Chambre peut maintenir l’équilibre délicat qui respecte pleinement l’esprit du Règlement en ce qui concerne la durée des sonneries d’appel sans porter atteinte au rôle traditionnel des whips.

Cela dit, je crois que le recours au Règlement dont le député de Kamloops—Shuswap a pris l’initiative était sérieux et tout à fait justifié, dans les circonstances. La présidence veillera à ce que les députés ne sentent plus jamais la nécessité de soulever la question. Je remercie tous les députés.

F0409-f

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1987-09-15

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[1] Débats, 1er septembre 1987, p. 8640-8643.

[2] Vote différé sur la motion de deuxième lecture du projet de loi C‑128, Loi no 2 de 1982-1983 sur le pouvoir d'emprunt supplémentaire. Débats, 2 novembre 1982, p. 20332-20334.

[3] Voir la page 120 du troisième rapport du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, présenté à la Chambre le 18 juin 1985 (Journaux, p. 839).