L’agencement des travaux de la Chambre / Divers

Application de la clôture : légitimité du recours; pouvoir discrétionnaire du Président

Débats, p. 7713-7714

Contexte

Le 19 juin 1987, l’hon. Robert Kaplan (York-Centre) soulève une question de privilège au sujet d’un avis donné par le gouvernement le jour précédent[1] pour indiquer son intention, conformément à l’article 57 du Règlement, d’imposer la clôture à l’égard de l’affaire émanant du gouvernement no 5 (motion concernant le rétablissement de la peine capitale). Dans son intervention, M. Kaplan se reporte à la décision rendue par le Président le 14 avril 1987 et exhorte le Président à s’assurer que le Règlement de la Chambre ne soit pas utilisé de façon illégitime. Il presse le Président d’examiner le débat parlementaire tenu en 1976 sur la peine capitale et, en particulier, de s’assurer que suffisamment de temps est prévu pour tenir un débat complet, notamment pour entendre le point de vue de la minorité. M. Doug Lewis (secrétaire parlementaire du vice-premier ministre) signale que le jour précédent, un préavis seulement avait été donné de l’intention du gouvernement d’appliquer la clôture conformément aux dispositions de l’article 57 du Règlement. Comme il existe une différence fondamentale entre un préavis et une motion de clôture, il soutient que les droits des députés n’ont pas été violés. Après d’autres interventions de M. Lewis, de M. Kaplan et M. Svend Robinson (Burnaby), le Président, sentant que les partis pourraient tenir d’autres discussions sur cette question, propose d’ajourner le débat et offre l’aide de la présidence dans ce dossier[2]. Le 26 juin, le gouvernement donne de nouveau avis de son intention de présenter une motion de clôture conformément aux dispositions de l’article 57 du Règlement à l’égard de la résolution alors débattue, et, à ce moment-là, le Président permet à d’autres députés de prendre brièvement la parole sur la question soulevée par M. Kaplan[3]. Le Président indique ensuite qu’il rendra sa décision sur la question de privilège de M. Kaplan au début de la séance du 29 juin.

Décision de la présidence

M. le Président : Vendredi dernier, juste avant l’ajournement de la Chambre, le vice-premier ministre (l’hon. Don Mazankowski) a réitéré son intention de présenter une motion en vertu de l’article 57 du Règlement, au sujet de la motion numéro 5 inscrite au nom du gouvernement.

Si la motion de clôture est déposée et adoptée aujourd’hui, le débat sur la motion portant rétablissement de la peine capitale se terminera à une heure mardi matin, et la Chambre votera sur cette motion et sur les amendements qui y sont proposés.

Le vendredi 19 juin, le lendemain du dépôt du premier avis de clôture par le vice-premier ministre, l’honorable député de York-Centre a soulevé une question de privilège, soutenant que le vice-premier ministre n’avait pas le droit d’appliquer de cette façon les règles de procédure de la Chambre. L’honorable député de York-Centre faisait état d’une décision rendue par la présidence le 14 avril 1987 (Note de la rédaction : on trouvera la décision à la page XX) et demandait à cette dernière d’appliquer à la situation actuelle le même raisonnement qu’à ce moment-là.

Lorsque la présidence a rendu sa décision le 14 avril, la Chambre était dans une impasse. La période réservée aux Affaires courantes avait été occupée entièrement pendant plusieurs jours, par des manœuvres dilatoires qui me préoccupaient beaucoup. Je renvoie les députés à la page 5120 du Hansard, où je décrivais le dilemme dans lequel je me trouvais :

La Chambre se retrouve néanmoins dans une impasse d’où elle n’a pu se sortir seule. Vient un moment où la présidence doit assumer ses responsabilités. Lorsque les circonstances changent et que les règles de la procédure ne permettent aucune solution, la présidence doit s’en remettre à son pouvoir discrétionnaire dans l’intérêt de la Chambre et de tous ses députés.

Par ailleurs, à la page 5120 du Hansard, je disais :

Je répète que je suis convaincu qu’il faudrait étudier toute la question du recours aux motions dilatoires durant les Affaires courantes et qu’il ne faudrait sanctionner aucune procédure qui permette de bloquer complètement et indéfiniment les travaux de la Chambre. La sonnerie d’appel des députés ne remplace pas le débat.

Si les députés ont déduit de ma décision du 14 avril que la présidence exercerait à l’avenir son pouvoir discrétionnaire pour interpréter toutes les règles de procédure de la Chambre, ils ont mal compris à la fois l’esprit et la lettre de la décision que j’ai prise ce jour-là. Je ne pouvais me fonder sur aucune directive dans le Règlement — je le répète, sur aucune directive dans le Règlement — ni dans les précédents, les pratiques et les conventions de la Chambre; la Chambre elle-même ne pouvait pas non plus à ce moment-là orienter ma décision dans un sens ou dans l’autre.

Les députés de York-Centre et de Burnaby ont présenté des arguments fort convaincants le 19 juin dernier. La présidence reconnaît qu’il peut être difficile, pour les députés qui défendent les deux côtés de la question dans le débat sur la peine capitale, de ne s’occuper pour le moment que du rôle du Président. J’ajouterais qu’il est essentiel que la présidence évite de se montrer partiale sur une question nationale aussi importante. Ce sur quoi elle doit se prononcer maintenant, ce sont tout simplement les dispositions de l’article 57 du Règlement, qui n’a jamais été modifié depuis 1913.

L’avis de clôture a été donné 23 fois depuis 1913; à 19 reprises, il a été suivi d’une motion, qui a été adoptée chaque fois. Il ne s’agit pas d’un nouvel article du Règlement, même s’il n’est pas invoqué souvent; il existe plusieurs précédents. Tous les partis au pouvoir ont imposé la clôture, que celle-ci ait été ou non précédée d’un débat très long. Cette mesure est encore aujourd’hui à la disposition du gouvernement. Le moment du dépôt de la motion à ce sujet dépend en grande partie de considérations politiques, mais il doit très nettement y avoir eu un certain débat. Le moment de la clôture et la durée du débat ne sont donc pas, de toute évidence, des questions de procédure. […]

La pratique suivie en Grande-Bretagne à laquelle on a fait allusion est sensiblement différente. Lorsqu’on applique la clôture à un débat en Grande-Bretagne, cela met effectivement fin au débat. Dans notre Chambre des communes, le débat se poursuit après l’adoption de la motion de clôture jusqu’à 1 heure du matin le même jour de séance. Comme la règle britannique est plus rigide, un article du Règlement accorde au Président le pouvoir discrétionnaire de refuser la motion. Ce n’est pas le cas dans notre Chambre des communes.

J’ai étudié tous les arguments présentés par les députés de York-Centre, de Windsor-Ouest (l’hon. Herb Gray), de Kamloops—Shuswap (M. Nelson Riis), de Humber—Port-au-Port—Sainte-Barbe (M. Brian Tobin) et de Burnaby. Sur le plan politique, je peux comprendre leur préoccupation. En ce qui touche la procédure, à titre de Président, je ne peux intervenir, pas plus que n’ont pu le faire les Présidents qui m’ont précédé, lorsqu’on utilise le Règlement conformément aux usages et aux pratiques reconnus.

La Chambre a adopté l’article 57 du Règlement. Si on l’invoque, la Chambre doit en accepter les conséquences. Puisqu’il a fait part de son intention à une séance précédente, le vice-premier ministre a jusqu’ici respecté les conditions de l’article 57. S’il décide de proposer la motion en question plus tard aujourd’hui, il me faudra nécessairement la mettre aux voix.

F0202-f

33-2

1987-06-29

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[1] Débats, 18 juin 1987, p. 7354.

[2] Débats, 19 juin 1987, p. 7375-7379.

[3] Débats, 26 juin 1987, p. 7706-7709.