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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Nous recevons dans un premier temps M. Dan Stanton, ancien directeur général du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS; et M. Artur Wilczynski, ancien sous-ministre adjoint et directeur général responsable des opérations de renseignement au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST.
    Vous avez droit à cinq minutes chacun pour nous présenter vos observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Pour ne pas perdre de temps, nous allons d'abord entendre M. Stanton qui va céder directement la parole à M. Wilczynski. Les questions des députés viendront par la suite.
    Bienvenue au Comité.
    À vous la parole, monsieur Stanton.
    Bonjour à tous les membres du Comité.
    Je prends la parole aujourd'hui parce que je ne souscris pas à la décision de ne pas tenir une enquête publique sur les allégations d'ingérence étrangère. Je vais traiter des motifs avancés pour justifier cette décision.
    En outre, je ne veux pas laisser porter à l'opposition tout le fardeau des efforts à déployer pour réclamer un vote en faveur de la tenue d'une enquête publique. J'aimerais plutôt voir le gouvernement — et particulièrement, ceci dit très respectueusement, le premier ministre — revenir sur sa décision de ne pas tenir une telle enquête.
    L'examen du rapporteur spécial n'a relevé « aucun exemple où un ministre, le premier ministre ou leurs bureaux respectifs se sont abstenus, en connaissance de cause ou par négligence, de donner suite aux renseignements, conseils ou recommandations fournis. » Le rapporteur met l'accent sur l'appareil gouvernemental et les décideurs en reconnaissant avoir bel et bien constaté des lacunes importantes et préoccupantes dans la communication du renseignement, notamment lorsqu'il est de nature confidentielle.
    Il est indiqué que le ministre de la Sécurité publique n'a pas accès aux courriels très secrets qu'utilisent les responsables de la sécurité nationale pour communiquer du renseignement, y compris concernant les possibles menaces à l'endroit de députés. Cela a entraîné des « situations où les renseignements qui devraient être portés à l'attention » de nos dirigeants politiques ne se rendent pas jusqu'à eux « parce qu'ils se perdent dans les dédales de documents au gouvernement. »
    Pour ce qui est des menaces ciblant le député Michael Chong, le rapport nous apprend que les informations à ce sujet ont été transmises par courriel au ministre de la Sécurité publique et à son chef de cabinet par le truchement du réseau Très secret, sans toutefois que les deux destinataires disposent des identifiants requis pour se connecter à ce réseau.
    Je pose en tout respect la question. Comment se fait‑il que l'on n'ait pas signalé une omission d'agir en réponse à des avertissements provenant de notre service du renseignement alors même que les décideurs à Sécurité publique Canada et plusieurs conseillers à la sécurité nationale et au renseignement n'ont jamais pu prendre connaissance des rapports en question ou n'y avaient tout simplement pas accès?
    On dit que certaines allégations relayées par le Globe and Mail et par Global News n'étaient pas fondées et ont été citées hors contexte. De quelles allégations s'agit‑il? Je pense qu'il serait important de le savoir.
    Le Canada vient tout juste d'expulser un diplomate chinois. Devrions-nous revoir cette décision de le déclarer persona non grata?
    Des experts en matière de sécurité ont indiqué au rapporteur — et il en fait état dans son rapport — que nous ne pouvions pas tenir une enquête publique, car cela risquait de nous attirer les foudres du Groupe des cinq. Pour avoir moi-même travaillé pendant de nombreuses années avec les agences du renseignement d'origine humaine et d'origine électromagnétique de 9 des 12 partenaires du Groupe des cinq, je peux vous assurer qu'ils ont une grande estime pour les agences et les infrastructures de renseignement et de sécurité nationale du Canada.
    Le Groupe des cinq a survécu aux torts considérables causés par différentes fuites, de Kim Philby jusqu'à Edward Snowden, et a des préoccupations beaucoup plus importantes par rapport à la cible chinoise que notre éventuelle enquête sur l'ingérence étrangère que l'on pourrait considérer comme légèrement plus banale, mais certes seulement d'intérêt national. Il y a aussi les rapports du côté du Groupe des cinq — et je suis effectivement convaincu qu'il y en a sans doute eu — qui peuvent être caviardés avant divulgation. De plus, ils peuvent être analysés en convoquant des témoins ou en obtenant des contributions à huis clos dans le cadre d'une enquête publique. Le Groupe des cinq ne va pas faire obstacle à une telle enquête. Ce n'est pas comme si ce groupe allait se poser comme étant le grand inquisiteur surveillant de sa tribune notre enquête publique en nourrissant de graves préoccupations.
    Nous avons des précédents en matière d'enquête publique sur les questions de sécurité nationale. Rappelons notamment la commission d'enquête menée par le juge John Major sur l'attentat à la bombe contre le vol 182 d'Air India — dont on soulignera l'anniversaire le mois prochain, soit dit en passant. Dans le cadre de cette enquête, on est passé à huis clos pour entendre les témoignages et prendre connaissance des rapports lorsque le contenu était confidentiel. On pourrait faire de même avec une enquête publique sur l'ingérence étrangère alors que le procureur général du Canada pourrait demander au commissaire d'examiner en privé les informations confidentielles.
    Enfin, j'aimerais traiter de la question de privilège touchant la campagne d'intimidation à l'encontre du député de Wellington—Halton Hills. Je tire une très grande fierté de mes 30 années de service au SCRS et du travail qu'accomplit cette organisation au quotidien pour garder les Canadiens en sécurité.
    Cela dit, j'estime que dès la réception de renseignements crédibles indiquant que les proches d'un député étaient ciblés par la République populaire de Chine, on aurait dû en priorité en informer le député concerné. Le SCRS aurait dû aviser M. Chong directement, plutôt que d'attendre que l'appareil gouvernemental règle ses problèmes de courriel.
    Merci, madame la présidente.

  (1110)  

[Français]

    Je veux commencer par dire que l'ingérence étrangère vécue par M. Chong et d'autres députés est incompatible avec la démocratie. Les menaces contre les députés sont inexcusables et menacent l'intégrité de nos institutions démocratiques et leur capacité à représenter les Canadiens.
    Dans son témoignage, M. Chong a soulevé une série de questions essentielles pour répondre aux menaces posées par des acteurs étatiques hostiles tels que la Chine et la Russie. Dans son rapport, le rapporteur spécial a également souligné des éléments qui nuisent à la capacité du Canada à répondre à l'ingérence étrangère. Tous deux ont soulevé des questions essentielles, et je vais essayer de répondre à quelques-unes d'entre elles.

[Traduction]

    Pendant des années, j'ai été moi-même un utilisateur du renseignement. À titre de directeur général à Sécurité publique Canada, puis à Affaires mondiales Canada, j'ai dû prendre connaissance d'informations classifiées au plus haut niveau provenant des spécialistes du renseignement canadien et de nos partenaires internationaux. J'ai été régulièrement en contact avec des sous-ministres, des ministres et des membres de leur personnel pour discuter d'une vaste gamme de questions.
    Après avoir été ambassadeur, je suis revenu travailler au Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, à titre de directeur général des Opérations de renseignement. Le CST m'a recruté en raison de mes années d'expérience comme utilisateur du renseignement. Mon mandat consistait notamment à offrir une meilleure expérience d'utilisation à ceux qui consomment les produits de renseignement du CST. J'étais responsable du programme des agents de relations avec la clientèle. J'étais également président du conseil de gouvernance du réseau Très secret, la plateforme permettant aux clients de tout le gouvernement d'avoir accès au renseignement classifié au plus haut niveau.

[Français]

    Mon expérience m'a permis de mieux comprendre la collecte, l'analyse, la diffusion et l'utilisation des renseignements. C'est pourquoi je suis d'accord avec de nombreux observateurs pour dire que la diffusion, la consommation et l'utilisation du renseignement au Canada doivent être modernisées. Cette question n'est pas nouvelle. C'est en partie pour relever certains de ces défis que j'ai été nommé au Centre de la sécurité des télécommunications. Malheureusement, il s'agit toujours d'un travail en cours.

[Traduction]

    Bien que certains utilisateurs du renseignement aient pu établir des partenariats efficaces avec ceux qui le produisent, notamment au sein du personnel des Forces armées canadiennes et d'autres organisations vouées à la sécurité, des lacunes importantes demeurent. C'est dans le contexte de cette modernisation inachevée que je n'ai été guère surpris par l'expérience vécue par M. Chong ou les observations communiquées par M. Johnston. Les utilisateurs du renseignement se plaignent souvent de problèmes semblables qui exigent une solution systémique.
    Je travaillais au CST, notre organisme national du renseignement électromagnétique. Au Canada, le renseignement est produit par un large éventail d'intervenants incluant le SCRS, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, et le Bureau du Conseil privé. Il faut ajouter à cela les rapports diplomatiques classifiés produits par Affaires mondiales Canada. Et je vous ai parlé seulement du renseignement produit ici même au pays. Nous avons également accès aux renseignements provenant du Groupe des cinq, de l'OTAN et d'autres partenaires.
    C'est un vaste écosystème de l'information. L'objectif est de s'assurer que les bonnes personnes puissent consulter la bonne information au moment voulu pour pouvoir prendre des décisions dans l'intérêt national du Canada. Nous investissons des ressources importantes dans la collecte du renseignement. Il nous faudrait investir davantage aux fins de son évaluation et de son utilisation. Nous devons mieux coordonner la diffusion du renseignement.
    Pour un utilisateur du renseignement, il est difficile d'établir un ordre de priorité entre les différentes informations classifiées arrivant de sources multiples à un débit qui fait en sorte qu'il est presque impossible de gérer le tout efficacement. Les divers utilisateurs, qu'il s'agisse des ministres, des sous-ministres, de leur personnel ou d'autres hauts fonctionnaires, doivent être mieux formés pour bien comprendre en quoi consiste le renseignement et comment le mettre à contribution efficacement dans le cadre du processus décisionnel. Il nous faut instaurer au Canada une meilleure culture du renseignement.
    Cette culture est relativement adéquate lorsqu'il s'agit de contrer les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada et des Canadiens. Elle est nettement plus fragile lorsqu'on est confronté à des problématiques nouvelles et émergentes, et que de nouveaux consommateurs ne s'y connaissant pas très bien en renseignement doivent déterminer comment utiliser le peu de temps à leur disposition pour prendre connaissance des documents classifiés au plus haut niveau.
    Il faut qu'une plus grande transparence entoure notre processus du renseignement de telle sorte que les Canadiens comprennent mieux en quoi cela consiste et quelles utilisations on peut en faire. Il faudrait aussi que les mécanismes de diffusion du renseignement soient mieux coordonnés. Nous devons valoriser et habiliter davantage ceux et celles qui communiquent le renseignement aux clients en plus d'améliorer les systèmes utilisés à cette fin. Ce rôle devrait incomber au bureau de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, ou CSNR. On pourrait s'inspirer à cette fin du bureau du directeur du renseignement national des États-Unis. Même si les changements politiques peuvent permettre des avancées importantes, je pense qu'il serait utile d'inscrire dans la loi le rôle de la CSNR.
    Enfin, j'estime que les sous-ministres devraient avoir davantage de comptes à rendre quant à la manière dont leur organisation utilise le renseignement qu'elle sollicite. Dans l'état actuel des choses, ce sont les entités qui collectent et évaluent le renseignement qui doivent satisfaire aux exigences établies pour l'ensemble du gouvernement. Les différents utilisateurs devraient être tenus de faire rapport pour indiquer comment ils se sont servis du renseignement obtenu pour produire des résultats qui servent les intérêts du Canada.

  (1115)  

    La plus grande partie de cette information devra être classifiée, mais j'estime qu'il s'agit là de solutions stratégiques importantes qui pourraient sûrement contribuer à régler quelques-uns des problèmes soulevés par M. Chong et par le rapporteur spécial.
    Notre régime du renseignement est aux prises avec des difficultés systémiques. J'ose espérer que nous consacrerons le temps et les ressources nécessaires pour en venir à bout. Je serais ravi de pouvoir en dire davantage au Comité quant aux prochaines étapes à envisager.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup pour ces observations préliminaires. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
    Nous allons maintenant amorcer un premier tour de questions où chacun aura droit à six minutes. Nous commençons avec M. Cooper, qui sera suivi de M. Turnbull, de Mme Gaudreau et de Mme Blaney.
    Je vous rappelle que les interventions doivent être faites par l'entremise de la présidence. Il serait bon, en outre, de marquer une pause entre les questions et les réponses pour tenir compte du fait que nous avons deux langues officielles au Canada.
    Monsieur Cooper, à vous la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais adresser ma question à M. Stanton.
    Vous avez parlé de la situation du député Michael Chong. Le ministre de la Sécurité publique et les hauts fonctionnaires de son bureau ont reçu un courriel confidentiel à ce sujet en mai 2021. Ils n'avaient pas les identifiants de connexion et n'ont donc pas eu accès à ce courriel.
    En mai 2021, le ministre Blair était déjà en poste depuis 18 mois. Que dire du fonctionnement de l'appareil gouvernemental lorsqu'on constate qu'un ministre en poste depuis 18 mois n'a même pas accès à ces courriels qui ont effectivement été envoyés. Le SCRS a en effet continué de transmettre ces courriels qui ont abouti dans un véritable trou noir. Il est difficile de voir la logique dans tout cela.
    C'est exactement… Que faut‑il conclure en fait lorsque tous ces rapports confidentiels se retrouvent dans le système pour ensuite se perdre — comme l'indiquait le rapporteur spécial — dans les dédales des documents gouvernementaux. Mon jugement est peut-être un peu sévère, mais j'ai l'impression qu'il existe un manque criant au chapitre de la transmission de l'information aux échelons supérieurs des différents ministères.
    Tout indique, en outre, une prédilection pour les documents numériques assortie d'un abandon des copies papier pour la communication de l'information. L'utilisation de copies papier présente pourtant certains avantages à mes yeux.
    Le SCRS produit ces rapports ultraconfidentiels, et il semble y avoir toutes sortes de pépins et de lacunes — qui existaient sans doute déjà avant l'an dernier — qu'il faut absolument corriger pour que les informations essentielles puissent tout au moins se rendre jusqu'au cabinet du ministre afin d'éclairer ses décisions.
    Le système m'apparaît dysfonctionnel, mais je n'ai aucune idée pourquoi.
    Que peut‑on en conclure du point de vue de la responsabilité ministérielle? En fin de compte, qui est responsable? Un ministre est en poste depuis 18 mois, celui de la Sécurité publique. Nous avons en l'espèce un courriel portant sur un enjeu aussi crucial — un diplomate accrédité ciblant et menaçant un député en fonction —, et le ministre n'est pas au courant tout simplement parce qu'il n'a pas accès à ce courriel.
    Je veux revenir à ce que disait M. Wilzynski concernant le processus d'examen rigoureux auquel doivent se prêter les entités qui collectent du renseignement. Chaque année, on s'assure ainsi de déterminer si le SCRS, le CST, et les FAC, entre autres, se conforment aux politiques en vigueur et offrent un rendement à la hauteur des attentes.
    Je vous signale simplement que l'on ne semble pas retrouver un processus équivalent pour l'examen ou la reddition de comptes du côté de l'appareil gouvernemental, qui est l'autorité décisionnelle.
    Le principe de la responsabilité ministérielle devrait s'appliquer. C'est selon moi l'une des pierres d'assise de notre système parlementaire. Chaque ministère doit répondre de ses actes. Je serais porté à croire qu'il existe pour la transmission de l'information vers les plus hauts échelons, surtout lorsqu'il s'agit de renseignement et de sécurité, des mécanismes faisant en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir un mot de passe pour prendre connaissance d'un message pouvant influer sur la décision que vous avez à prendre relativement à un enjeu aussi crucial qu'une menace à l'endroit d'un député.

  (1120)  

    Monsieur Stanton, ce courriel envoyé par le SCRS au mois de mai s'est retrouvé dans un trou noir. Le ministre est demeuré dans l'ignorance même s'il était en poste depuis 18 mois déjà. Le SCRS a ensuite essayé d'alerter le ministre et d'autres instances, y compris le Bureau du Conseil privé, en rédigeant une note de service en juillet 2021. Cette note a été reçue par le Bureau du Conseil privé ainsi que par la conseillère à la sécurité nationale auprès du premier ministre, mais on nous dit que le premier ministre n'était pas au courant.
    Est‑ce que cela vous semble crédible? Si le premier ministre n'avait aucune idée de ce qui se passait, comme il l'affirme lui-même, qu'est‑ce que cela nous dit des structures et des mécanismes qu'il a mis en place pour être alerté et informé lorsqu'il se présente ainsi des enjeux cruciaux pour notre sécurité nationale?
    Ce n'est guère inspirant. Il faut considérer… Il est question ici de menaces, et c'est un député qui est visé en l'espèce. Pour une grande partie du renseignement lié à une éventuelle menace, qu'il s'agisse de terrorisme, d'espionnage ou de choses semblables, il y a d'emblée un mécanisme qui est mis en branle. On n'attend pas que le SCRS transmette ses évaluations via le système de courriel. Il s'agirait donc d'une évaluation de la menace étrangère qui serait accompagnée de toutes sortes d'autres informations sans doute communiquées de façon routinière.
    J'ai entendu des gens demander pourquoi le SCRS n'appelle pas ou n'indique pas d'une autre manière qu'il y aurait tout lieu que l'on s'intéresse à tel ou tel courriel. Dans le domaine du renseignement de sécurité, on ne veut surtout pas que les agences influent sur l'argumentaire ou fassent valoir aux décideurs qu'ils devraient s'intéresser à ceci ou cela.
    En fait, je ne crois pas que ce rapport se soit retrouvé dans le système alors que son auteur, le SCRS, estimait que des mesures immédiates s'imposaient. Cela s'inscrit simplement dans un processus de routine. Pour avoir moi-même travaillé 32 ans dans le secteur de la collecte d'information, je trouve cela plutôt désolant. Des risques considérables sont courus et des investissements importants sont consentis pour produire les rapports de renseignement, si bien que l'on aimerait que quelqu'un puisse en prendre connaissance ou s'y intéresser.
    Cet examen initial nous apprend peut-être que les lacunes sont plus criantes qu'on le croyait, si l'on retrouve ainsi des rapports à la dérive au sein du système.
    Oui, je vais vous laisser...
    Merci beaucoup.
    Je veux seulement ajouter qu'il me semble vraiment important de comprendre que des structures sont en place au sein du ministère de la Sécurité publique, où c'est le ministre Blair qui doit rendre des comptes — et je souscris moi aussi au concept de la responsabilité ministérielle. Il y a là une direction générale responsable de la sécurité nationale qui reçoit régulièrement de l'information et du renseignement en provenance du SCRS et d'autres agences. C'est le sous-ministre de la Sécurité publique qui détermine quels renseignements seront effectivement transmis aux ministres.
    Comme je l'ai indiqué dans mes observations préliminaires, il y a chaque jour des quantités considérables de produits et d'évaluations qui émanent du travail des spécialistes du renseignement. L'absence de liens suffisamment étroits avec les clients que sont notamment les ministres et les sous-ministres de telle sorte que ceux qui produisent le renseignement comprennent mieux ce dont ils ont besoin et ce qu'il faut leur communiquer en mode urgence demeure l'une des lacunes principales du système gouvernemental. Nous devons faire mieux à ce chapitre.
    Merci.
    Vous en êtes à votre première comparution devant le Comité, et vous avez peut-être été surpris de constater que nous nous en remettions encore au bon vieux truc de l'avertisseur sonore. Vous aurez compris que le temps est écoulé. J'estime toutefois qu'il est toujours bon qu'un témoin puisse répondre à la question posée.
    Je vous remercie, monsieur Cooper, d'avoir permis à M. Wilczynski d'apporter sa contribution.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux deux témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Je vous suis vraiment reconnaissant de nous faire bénéficier de votre expertise pour l'étude de cette importante question. J'estime que votre apport est précieux.
    Monsieur Stanton, peut-être pourrais‑je d'abord vous poser une question qui va un peu dans le sens de celles de M. Cooper.
    Dans le cas particulier qu'évoquait M. Cooper, nous formulons en quelque sorte certaines hypothèses en nous basant sur le contenu du rapport du très honorable David Johnston. S'il a pu affirmer de telles choses dans son rapport, c'est bien sûr parce qu'il a pu prendre connaissance de grandes quantités de renseignement classifié. Je voulais juste savoir si vous étiez au fait de ces informations sur lesquelles il s'est fondé.
    Vous nous faites bénéficier de votre grande expertise de la question, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que vous ne savez pas exactement quelles sont les informations détaillées que David Johnston a pu consulter. Est‑ce que vous pouvez nous le confirmer?
     En effet.
     C'est utile, car je ne voudrais pas vous placer dans une position où vous auriez à confirmer ou à infirmer certaines choses dont vous n'êtes pas au courant. Je pense que cela vous placerait dans une situation injuste et compromettante.
    M. Dan Stanton: Oui.
    M. Ryan Turnbull: Je pense que bon nombre de nos échanges sur l'ingérence étrangère sont devenus trop partisans sur la Colline. Il est tellement important d'en discuter. Je pense que le rapport de David Johnston, que j'ai examiné minutieusement à plusieurs reprises, met vraiment en évidence les aspects à améliorer. Du moins de notre côté, au gouvernement, nous espérons que nous en arriverons à des recommandations détaillées et faites de bonne foi qui peuvent améliorer notre système du renseignement.
     À mon avis, ce qui ressort le plus du rapport, c'est la manière dont l'information est traitée, coordonnée, fournie et utilisée dans la prise de décisions.
    Monsieur Stanton, je vais peut-être commencer par vous. Vous pourriez peut-être vous exprimer à ce sujet. Je passerai ensuite à M. Wilczynski.

  (1125)  

     Je vous remercie d'avoir posé la question, monsieur Turnbull, car je ne voudrais pas que quiconque interprète mes propos de manière partisane. Je suis l'antithèse de la partisanerie. C'est pourquoi je ne veux pas de vote à la Chambre. J'essaie d'éviter la tenue d'un vote qui sèmerait la division.
    J'ai soulevé la question des lacunes, du système de courriel et d'autres aspects dans le contexte où l'examinateur, M. Johnston, nous dit qu'il n'y avait aucun signe d'ingérence, de négligence ou de quoi que ce soit en réponse au rapport. Je me demande simplement comment on peut tirer ces conclusions lorsque les décideurs politiques qui prennent ces décisions n'ont pas vu, entendu, lu ou trouvé un rapport.
     Compte tenu de ces lacunes dans la communication de l'information, comment pouvons-nous en arriver à la conclusion que les décideurs ont pris leurs décisions en ayant la compétence ou en n'ayant pas la compétence pour le faire?
     Je ne voulais pas le dire de manière partisane, mais pour répondre à la question que vous m'avez posée initialement, je n'ai aucune information concernant ce côté‑là de la Chambre. J'ai passé toute ma vie dans ce que l'on appelait la « collecte », sur le terrain et au quartier général, à recueillir de l'information et à la transmettre à ceux qui l'utilisent, et je ne sais donc pas si le système... Je m'en tiens simplement à ce que M. Johnston a déclaré publiquement, à savoir qu'il a constaté et reconnu qu'il existait des lacunes très importantes dans la communication du renseignement.
    Merci.
    Monsieur Wilczynski, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait des observations assez importantes sur la mesure dans laquelle nous pouvons mieux gérer la diffusion de l'information, moderniser la diffusion d'information, la façon dont elle est coordonnée par les services de renseignement et la façon dont l'information est transmise aux ministères et aux ministres concernés, qui sont responsables en fin de compte.
     Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons améliorer les choses à cet égard?
    Bien sûr. Nous pouvons améliorer les choses de bon nombre de façons.
     Tout d'abord, nous devons nous assurer que tous les ministères ont accès au réseau très secret, de sorte qu'ils puissent recevoir l'information. Au sein de ces ministères, l'accès doit être géré du point de vue de la stratégie et de l'intervention, plutôt que de la sécurité technique et ministérielle, comme c'est le cas aujourd'hui.
     Je pense également que nous devons moderniser et améliorer la coordination concernant les agents des relations avec la clientèle. Il s'agit des personnes qui rencontrent les clients au sein du gouvernement pour s'assurer qu'ils obtiennent l'information au bon moment. À l'heure actuelle, ils sont trop peu nombreux. Ils sont actuellement employés par le Centre de la sécurité des télécommunications. Ce sont mes anciens collègues et, une fois encore, ils relevaient de moi, même s'ils fournissaient un service pangouvernemental dans de nombreux cas. Ils doivent être plus nombreux et mieux formés. À mon avis, ils doivent être à un niveau supérieur lorsqu'ils rencontrent des sous-ministres et d'autres hauts fonctionnaires afin de s'assurer qu'ils peuvent collaborer.
    Un autre élément important consiste à s'assurer de recevoir un écho. Lorsque des utilisateurs lisent le renseignement, ils devraient dire aux gens qui en ont fait la collecte s'il s'agit ou non de l'information qu'ils voulaient obtenir. C'est qu'une partie du défi est de veiller à ce que les gens consacrent du temps au renseignement, et trop souvent, lorsque l'information ne correspond pas aux attentes des utilisateurs, on n'en est pas informé. Cela a une incidence sur le volume de renseignements transmis aux principaux clients, ce qui, à mon avis, est un élément du problème dans le système actuel.
    Il semble que des gens vont dans une pièce avec un très gros cartable contenant des documents du renseignement qu'ils sont censés examiner et qu'on ne leur indique pas ce qui y est pertinent. Je m'imagine très bien à la place de cette personne. Tout d'abord, on ne vous laisse pas suffisamment de temps pour examiner les documents et vous ne savez pas nécessairement... J'imagine qu'il faut avoir un certain nombre de compétences.
    Monsieur Wilczynski, combien de temps vous fallait‑il pour interpréter le renseignement de manière à pouvoir être confiant quant aux mesures que vous alliez entreprendre en conséquence?

  (1130)  

    Un utilisateur met des années à comprendre l'information qu'il a sous les yeux. De plus, il faut communiquer régulièrement avec toute une série d'acteurs pour que l'information puisse être utilisée efficacement dans le cadre du processus décisionnel. C'est pourquoi je dis que nous devons changer la culture du renseignement au pays.
     Nous devons parler plus franchement au Parlement et aux parlementaires. Nous devons parler plus souvent avec les Canadiens de ce qu'est le renseignement, de sorte que lorsqu'ils sont élus pour nous représenter à la Chambre des communes, ils aient une compréhension de base du fonctionnement du renseignement.
    Merci.

[Français]

     Madame Gaudreau, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens aussi à vous remercier, chers témoins, car vous me rassurez dans un certain sens. Vous me rassurez parce que, depuis le 7 novembre, nous sommes inquiets et tentons par tous les moyens de faire la lumière.
    Quand je vous entends dire qu'il n'y a aucune raison de ne pas tenir une enquête publique et indépendante, que la nomenclature des mesures prises a déjà été faite, et que ça fait plus de 30 ans que vous travaillez dans le domaine, je me pose la question suivante: puisque nous pouvons revenir sur notre décision, comme vous l'avez dit, pourquoi n'y a-t-il pas présentement d'enquête publique indépendante, selon vous?

[Traduction]

    Je ne saurais dire pourquoi, mais je pense que c'est très important. J'ai l'impression que les Canadiens sont de plus en plus méfiants à l'égard de nos institutions démocratiques. J'ai témoigné devant l'autre comité, le 10 avril. Si l'on m'avait posé la question à ce moment‑là, j'aurais dit que nous n'avons pas besoin d'une enquête publique, que je ne pense pas que la tenue d'une telle enquête soit nécessaire, et j'aurais invoqué toutes sortes de raisons relatives à la sécurité pour le justifier.
     Depuis, il y a eu tellement d'informations et, même en supposant qu'une certaine proportion contient une part de vérité — et je ne suis pas quelqu'un qui croit aux théories du complot généralement, et j'accorderai toujours à quelqu'un le bénéfice du doute —, je continue de penser qu'il peut encore y avoir de la négligence. Je pense que c'est peut-être le cas, mais je crois que les Canadiens se demandent de plus en plus ce qui se passe. C'est pourquoi je... Je veux qu'une enquête publique ait lieu parce que je veux que les Canadiens recommencent à avoir confiance dans les institutions. La situation m'attriste.
    Lorsque j'avais une entente de rendement en tant que directeur exécutif du service, notre priorité était de protéger les institutions et les processus démocratiques du Canada. C'était tout. Nous étions évalués sur cette base. Tout ce que j'entends depuis deux ou trois ans, c'est que les Canadiens ont de moins en moins confiance en leur système. C'est pourquoi je souhaite qu'il y ait une enquête.

[Français]

     J'ai justement une question sur le sujet de la confiance en notre système démocratique. J'aimerais reprendre certains des propos que vous avez tenus le 23 mai dernier. Vous vous demandiez si le rapporteur spécial était le mieux placé pour tenir ces consultations et si ses conclusions auraient suffisamment de légitimité pour qu'il y ait un consensus national et que la confiance du public ainsi que les institutions démocratiques soient préservées.
     Craignez-vous ce qui va se produire s'il n'y a pas d'enquête publique? On cherche à regagner ou, plutôt, à obtenir la confiance des gens. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus, parce que la situation est assez inquiétante.
    Pour moi, c'est très inquiétant. Comme vous l'avez mentionné, et comme l'a mentionné également le rapporteur spécial, la démocratie est une question de confiance. Le premier ministre a repris cette même idée. Compte tenu des faits devant nous, je pense que la nécessité de tenir une enquête indépendante fait largement consensus. À mon avis, c'est d'une très grande importance, parce que c'est une façon d'établir cette confiance. Sans confiance, on n'a ni démocratie ni institutions en commun.
     Il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire la lumière sur ce qui est arrivé lors des dernières élections. Il nous faut aussi un processus transparent pour nous préparer aux menaces qui sont toujours présentes et qui vont évoluer au cours des prochaines années. Je partage l'avis de mon collègue à savoir que la meilleure façon d'arriver à cela est de tenir une enquête indépendante.
    On nous dit qu'une enquête publique pourrait comporter des risques pour notre sécurité nationale. De votre côté, vous dites que, selon le Groupe des cinq, c'est du déjà vu. Quelles autres informations peut-on fournir au gouvernement pour qu'il agisse? Comme vous le savez, il y a même eu un vote à la Chambre des communes pour que cette enquête publique indépendante soit faite par l'ensemble des partis de l'opposition. Que manque-t-il?

  (1135)  

    Pour moi, ce n'est pas une question de classification de l'information traitée par le rapporteur spécial ou dans le cadre d'une enquête indépendante. Comme mon collègue l'a soulevé pendant son témoignage, il y a déjà eu des cas d'enquêtes publiques impliquant le traitement de documents classifiés à une cote très élevée. Nos alliés et nos collègues du Groupe des cinq comprennent parfaitement l'importance de la transparence, dans ce contexte. Ils appliquent eux-mêmes ces procédures.
     Pour moi, ce n'est donc pas une question de sécurité ou de classification des documents. Honnêtement, je crois que c'est une question de volonté politique.
    Vous venez de répondre à une importante question, monsieur Wilczynski.
    J'aimerais aussi connaître votre avis, monsieur Stanton.

[Traduction]

    Dans les enquêtes, par exemple celle que John Major a présidée, il est question de la protection de l'information et du caractère sensible de l'information. Il y avait des questions de surveillance. Il y avait des agents du renseignement, des sous-ministres et d'anciens ambassadeurs. Un ensemble de personnes a été interrogé.
    À propos de la nature de cette enquête — et j'ai travaillé dans ce domaine pendant des années, la majeure partie de ma carrière ayant été consacrée à la contre-ingérence —, lorsqu'il s'agit d'ingérence étrangère, c'est plutôt facile. Il ne s'agit pas d'un réseau d'espionnage. On ne parle pas d'information très sensible. Je ne minimise pas les choses. D'anciens collègues me demanderont probablement ce que je fais, mais ce n'est pas si sensible.
     On sait déjà que le SCRS a recours à des entrevues, et les médias ont indiqué que le SCRS écoute les communications téléphoniques de cibles. Il n'y aura donc pas grand-chose qui ébranlera la civilisation occidentale — sans vouloir plaisanter. C'est pourquoi je dis que si nous voulons la tenue d'une enquête, c'est probablement la plus sûre sur le plan de la sécurité nationale pour ce type d'entreprise.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous.
    Madame Blaney, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je trouve cette discussion très intéressante. Comme vous, je suis préoccupée par le fait que tant de Canadiens sont en train de perdre confiance dans nos institutions démocratiques. C'est une chose qui m'inquiète, et je pense qu'elle nous inquiète tous, ici, je l'espère.
     L'autre chose qui me préoccupe, c'est qu'il semble que le débat porte actuellement sur la question de savoir si le rapporteur spécial devrait ou non occuper ce poste. Il me semble que ce n'est pas ce sur quoi nous devrions nous concentrer. Nous devons nous concentrer sur les problèmes. Il semble que ce soit un obstacle à cet égard en quelque sorte, ce qui m'inquiète.
    Vous avez tous deux parlé quelque peu de la mesure dans laquelle l'information aurait dû être communiquée plus efficacement et plus rapidement à M. Chong. Bien sûr, je sais que quelqu'un dans mon groupe parlementaire est confronté au même problème ou à un problème similaire, à savoir que cette personne n'a simplement pas reçu l'information.
    Grâce à votre expertise, pourriez-vous nous dire s'il s'agit ici d'une lacune législative? Parle‑t‑on d'une lacune dans le processus? Qu'est‑ce qui empêche la communication de l'information? Cela me semble étrange. On dirait que nos règles législatives stipulent que l'information doit être communiquée au ministre et que c'est ensuite le ministre qui décide. Il me semble que si un député, un candidat à une élection, est pris pour cible, il doit être mis au courant. Le fait qu'il n'en soit pas informé constitue une question de sécurité.
    Je me demande seulement...
    Permettez-moi de répondre à cette question, car j'ai eu cette expérience et j'ai déjà parlé de ce type de question à des députés dans le passé. Lorsque le service mène ces entrevues, il y a un certain nombre de choses qu'il peut divulguer. Je vais devoir vous dire qui je suis, puis vous allez me dire des choses. C'est donc un peu comme un échange d'informations.
     Ensuite, lorsque de l'information arrive... Il se peut qu'une partie de l'information sur M. Chong qui a été reçue n'ait pas été jugée crédible. Peut-être provenait-elle d'une source dont la fiabilité est inconnue. Peut-être provenait-elle d'une autre partie ou d'une autre source quelconque. Ce n'est pas comme si, au moment où le service reçoit l'information, il allait voir le député et lui disait « écoutez, nous croyons comprendre que vous... ». Il doit évaluer le tout. Le processus d'évaluation peut consister en un certain nombre d'entretiens.
     Dans ma conclusion, j'ai dit que, lorsque le service a manifestement compris que c'était exact, qu'une entité de la République populaire de Chine le visait, il aurait dû l'en informer, mais il n'a pas toujours le luxe d'avoir un portrait précis et complet de la situation au moment où la menace est observée.
     Je ne sais pas quel est le mécanisme, si ce n'est qu'il faut faire confiance aux gens du service du renseignement, avoir confiance qu'ils le sauront lorsqu'ils arriveront à un point où ils doivent agir ou transmettre l'information aux décideurs politiques.

  (1140)  

    Je vous promets que je vais vous laisser répondre, mais je veux seulement préciser quelque chose à cet égard.
     Je comprends ce que vous dites. Il doit y avoir quelque chose de concret à communiquer, mais qui décide qui le fait? Il semble que ce soit le problème.
    Voilà la question. Il me semble — je n'ai pas participé au processus — que le service envoyait régulièrement ces rapports depuis un certain temps et que l'on s'attend à ce que les décideurs ou l'appareil gouvernemental aient une stratégie pour faire face à l'ingérence étrangère de la République populaire de Chine et qu'ils l'intègrent dans leur décision. C'est là toute la question.
     Il ne s'agit pas d'un déclencheur comme le terrorisme et l'espionnage, mais il s'agit bien d'un déclencheur. Si le gouvernement tombe dans une certaine léthargie lorsqu'il reçoit des rapports, je ne suis pas surpris, lorsque les choses commencent à s'aggraver pour un député, qu'il n'y ait personne au poste. C'est une question de culture, ce que mon collègue a mentionné plus tôt. Il peut tout simplement y avoir une culture où l'on ne réagit pas aux rapports, mais le SCRS n'attend pas devant le téléphone. Il diffuse continuellement l'information dans le cadre du processus de production de renseignement.
    Merci.
    Allez‑y, monsieur Wilczynski.
    J'allais seulement ajouter ce que je pense être un sujet de discussion important: Quels critères s'appliquent exactement lorsqu'il s'agit de communiquer l'information?
     Comme l'a souligné mon collègue, M. Stanton, il faut vraiment bien évaluer la menace, par rapport à n'importe quel type d'information qui est porté à l'attention des services de renseignement où l'on nomme un député ou où l'on s'adresse à un député.
     Le problème, c'est que si l'on part de l'idée qu'on le fait « chaque fois que quelqu'un dit quelque chose à propos d'un député », on s'ouvre à un tout nouveau vecteur de menace en ce qui a trait à la désinformation, aux erreurs et aux campagnes d'information.
     Je pense qu'il faut faire preuve de jugement lorsque cette situation se produit. On doit se baser sur une évaluation du niveau de menace pour le député en question ou tout autre Canadien et se demander si communiquer avec les personnes ciblées les aiderait à gérer le risque, ou s'il y a une autre démarche plus appropriée qui atténuerait le risque pour elles et, dans le cas des députés, pour l'institution.
     Il me semble qu'il y a une lacune.
     Monsieur Wilczynski, j'ai aimé ce que vous avez dit à propos des échanges et du fait qu'ils n'ont pas lieu comme ils le devraient.
     Pourriez-vous expliquer, de votre point de vue, qui est responsable d'établir des protocoles relatifs à la communication du renseignement des organismes de renseignement au gouvernement? Y a‑t‑il un décalage entre cela et la manière dont les ministères et les ministres reçoivent l'information?
    Le gouvernement établit ses priorités en matière de renseignement. Les orientations du Cabinet indiquent aux organismes du renseignement qu'ils peuvent aller à la cueillette d'information. Je pense que le niveau d'opacité de ce processus rend les choses difficiles. La façon dont le gouvernement décide de ses priorités en matière de renseignement pourrait être plus transparente pour les parlementaires et pour les Canadiens.
    Une fois ces priorités établies, nous comprenons qui a besoin de quoi et nous travaillons très fort pour fournir l'information nécessaire à ceux qui l'ont demandée. Mais comme je l'ai mentionné dans mon allocution, le problème, c'est souvent que les sous‑ministres, les hauts fonctionnaires ou les ministres ne reviennent pas nous dire si les renseignements que nous avons colligés sont ceux dont ils ont besoin. C'est pourquoi j'ai dit qu'il faut améliorer la communication. La conseillère à la sécurité nationale et au renseignement a un rôle à jouer pour renforcer le processus.
    Je vous remercie
    Nous allons poser une brève série de questions.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Stanton, vous avez déclaré publiquement et directement sur Twitter que vous étiez en faveur de la tenue d'une enquête nationale indépendante sur l'ingérence étrangère. Vous avez été assez vocal à cet égard. Il est rarement arrivé qu'une personne ayant occupé votre poste adopte une position semblable. Selon vous, pourquoi tous les autres processus actuellement en cours, comme l'étude de notre comité ou les propositions d'audiences publiques de M. Johnston, ne sont-ils pas les meilleurs véhicules pour le faire?

[Traduction]

    C'est une bonne question.
    Il y a de bons véhicules pour le faire. L'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement font de l'excellent travail. Leur principal objectif consiste à examiner la conformité des organismes du renseignement. Ils se concentrent là‑dessus, et pas tellement sur les rouages du gouvernement, sur sa façon de fonctionner. Ce serait bien sûr utile d'en savoir plus à cet égard.
    D'après ce que je constate, principalement dans les médias, au Parlement et partout ailleurs, bien des Canadiens sont frustrés ou insatisfaits de voir qu'il y a si peu de clarté dans le processus. Les fuites nous inquiètent aussi, et je suis tout à fait contre les fuites. Je témoigne publiquement et je dis que je souhaite une enquête en partie parce que j'aimerais que les fuites cessent elles aussi, justement.
    C'est un peu curieux pour moi, à titre de spécialiste de la sécurité, de demander une enquête publique, car c'est contre-nature, d'une certaine façon. Mais ma conscience me dit que c'est la meilleure façon de procéder présentement, parce que je pense que bien des gens ne veulent pas attendre deux ou trois ans.

  (1145)  

[Français]

    Monsieur Stanton, vous avez dit que, dans des situations très précises, on peut revoir les informations lors d'une enquête publique. Vous avez aussi dit qu'une telle enquête ne viendrait pas gêner nos activités et nos relations avec les autres pays du Groupe des cinq, particulièrement en raison du sujet.
    Notre comité a demandé la production de documents, c'est-à-dire de tous les éléments qui ont fuité dans les médias. Nous avons demandé de recevoir les copies des notes de service et des courriels et que ces documents soient remis au légiste de la Chambre des communes pour être caviardés.
    Pensez-vous que les parlementaires devraient avoir accès à ces documents, après qu'ils auront été revus et caviardés par le légiste de la Chambre, afin de faire la lumière sur la situation?

[Traduction]

    Au bout du compte, si les réponses figuraient dans des documents confidentiels du Cabinet ou des échanges de courriels de ce type, ce serait possible. Je sais que la question est sensible, c'est pourquoi je dis que dans le contexte d'une enquête publique, on pourrait toujours tenir des discussions à huis clos avec le commissaire. Il n'y aurait ni avocat, ni personne jouant ce rôle sur place. Les parlementaires n'auraient qu'à lire le compte rendu des délibérations pour obtenir des réponses.
    Il ne s'agit pas de choisir entre l'un ou l'autre. S'il y a une enquête publique et qu'on ne peut pas aborder de questions confidentielles du tout, l'exercice sera futile. Si l'examen est mené par les institutions établies, la population se demandera comment elle peut être sûre que le travail a été fait. C'est pourquoi, à mon avis, il faut tenir une enquête publique.
    On peut assortir une enquête publique de toutes sortes de mécanismes de sécurité. Il suffit d'un peu de créativité. Tout est légal. Cela a déjà été fait auparavant.

[Français]

     Croyez-vous également qu'on pourrait faire preuve de cette même créativité quand notre comité parlementaire demande accès à ces informations? Les différents groupes et la sécurité nationale peuvent-ils aussi être protégés par le système en place?

[Traduction]

    C'est une question difficile.
    Je ne connais pas tout le contexte juridique. Simplement, il existe des précédents d'enquêtes publiques. Il y en a déjà eu sur des questions de sécurité nationale. C'est pourquoi je ne sens pas que nous réinventerions la roue.
    Quant à savoir si les parlementaires pourraient exiger des documents, vous posez la question à la mauvaise personne.

[Français]

    J'aimerais répondre très rapidement à votre question.
    Je vous écoute.
    À la question de savoir si le greffier du Comité ou celui de la Chambre des communes peut caviarder les documents de façon à ce que les parlementaires puissent les consulter, la réponse est non. Cela s'explique par le fait qu'il faut une personne possédant l'habilitation de sécurité appropriée, les compétences et l'autorisation nécessaires pour...
    Dites-vous que le greffier du Comité ou celui de la Chambre n'a pas ces autorisations?
    Je ne sais pas s'ils les possèdent. Cela ne relève pas du Parlement, mais du pouvoir exécutif, et je crois qu'il faut vraiment chercher qui pourrait caviarder ces documents de façon à assurer de la transparence.
    Je suis d'accord avec mon collègue. C'est pourquoi je suis moi aussi en faveur d'une enquête publique, parce que les personnes chargées de la mener pourront voir les documents dans leur totalité.
    J'aimerais corriger une information: le greffier de la Chambre a dit au Comité qu'il avait...
    Ceci relève du débat et on a très bien entendu la sonnerie du chronomètre. S'il reste des choses à dire, nous pourrons toujours les entendre plus tard.
    Madame Romanado, c'est maintenant votre tour et vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Par votre entremise, je tiens à remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. J'aimerais poursuivre dans la foulée des questions que nous avons entendues aujourd'hui.
    Messieurs, dans votre témoignage, j'entends beaucoup les mêmes conclusions que celles qu'on trouve dans le rapport du rapporteur spécial sur la gouvernance de la communication entre la communauté du renseignement et l'appareil gouvernemental. Le problème a été soulevé, et vous en avez fait mention aussi.
    Monsieur Wilczynski, vous avez fait état du sujet très intéressant de l'éducation et de la formation pour apprendre à faire la différence entre le renseignement et les preuves. Il faut des années pour devenir un consommateur averti et bien comprendre ce qu'est le renseignement. Je dois dire que mon fils est agent de renseignements dans les Forces armées canadiennes. Croyez-moi: nous n'en parlons pas à table.
    Toutefois, M. Johnston dit très clairement dans son rapport qu'il a eu accès aux documents du Cabinet, à des renseignements très secrets, et que ses conclusions se fondent sur ces preuves. Il a joint à son rapport une annexe confidentielle, qui montre comment il a pu tirer ses conclusions.
    Il a aussi offert aux chefs des partis d'opposition d'obtenir une cote de sécurité de niveau très secret pour avoir accès aux mêmes renseignements, afin que les parlementaires puissent déterminer d'eux-mêmes si ses conclusions sont fondées. Ils peuvent être en désaccord avec ces conclusions et le dire publiquement. Cependant, l'occasion leur a été offerte.
    Quelle est votre position, à ce sujet?

  (1150)  

    Je pense que les chefs d'opposition devraient saisir l'occasion offerte par le rapporteur spécial et le gouvernement. Si nous voulons discuter de l'ingérence étrangère, c'est important que toutes les personnes et les chefs qui pourront se prononcer et influencer les Canadiens soient le mieux renseignés possible. Il est bien possible que les personnes qui consulteront ces renseignements puissent fournir des points de vue utiles.
    M. Johnston a produit un rapport public qui contient de nombreuses pages portant sur tous les détails qu'on trouve dans ce genre de rapport. Il importe que les députés de tous les partis à la Chambre, quelle que soit leur opinion à propos du renseignement, comprennent qu'ils peuvent eux-mêmes s'exprimer sur ce qu'ils voient.
    Cela dit, ce débat me paraît un peu inutile, parce que je n'ai aucune raison de douter des conclusions de M. Johnston ou de les remettre en question de quelque manière que ce soit. J'ai un immense respect pour lui comme personne et comme fonctionnaire ayant consacré des années à son pays, mais ce n'est pas moi qu'il doit convaincre. Je crains qu'il n'arrive pas à convaincre un certain nombre de Canadiens à l'heure actuelle.
    C'est justement là où je voulais en venir. Je pense qu'il s'agira d'une approche à multiples volets. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et le rapporteur spécial examinent la question. L'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et notre comité se penchent aussi sur la question, comme de nombreux autres organismes.
    Le rapporteur spécial a aussi mentionné qu'il voulait sensibiliser les Canadiens afin de regagner leur confiance, en leur expliquant ce qu'est le renseignement, ce qui constitue une preuve, comment ils peuvent jouer un rôle en apprenant à reconnaître les signes et à qui s'adresser pour transmettre l'information.
    En tant qu'agents de renseignement, vous savez que c'est en rassemblant les différentes informations qu'on peut y voir plus clair et que ces informations peuvent provenir de diverses sources, comme de discussions avec un député qui a vu quelque chose qu'il devrait signaler...
    Ne diriez-vous pas que ce que le rapporteur spécial fait et propose peut insuffler plus de confiance chez les Canadiens, qui s'inquiètent de la situation, mais que son travail de sensibilisation sur ce qu'est le renseignement est utile aussi?
    Encore une fois, je suis très heureux chaque fois que les Canadiens parlent de sécurité nationale, parce que nous ne le faisons presque jamais. Cela a pour conséquence, à mon humble avis, que nous n'avons pas de conversation productive sur la menace à laquelle le Canada est confronté.
    Est‑ce que le fait qu'il attire l'attention sur divers enjeux sera utile? Oui, je le répète. Mais en fin de compte, je ne pense pas que ce soit le principal problème. La question est plutôt de savoir comment restaurer la confiance des Canadiens envers nos institutions démocratiques. Comment peut‑on y parvenir? Les détails techniques dont nous parlons — j'ai des pages de recommandations que je pourrais vous transmettre — sont sans intérêt si les Canadiens n'ont pas confiance. Je pense que cela doit être l'unique objectif du gouvernement. Comment rétablir la confiance? Je crains que le genre de partisanerie qu'on observe n'aide pas beaucoup.

  (1155)  

    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Gaudreau, c'est à vous.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Messieurs, est-ce que j'ai bien compris que s'il n'y a pas une enquête publique indépendante en ce moment, les fuites vont se poursuivre? Est-ce que j'ai bien compris que c'est une préoccupation pour vous?

[Traduction]

     Non, je n'ai pas dit que c'est ce qui allait se produire. Je dis que j'aimerais que les fuites cessent. C'est la raison pour laquelle je fais ce que je fais. Je pense que les fuites contribuent probablement à cette méfiance.
     Nous allons faire une pause quelques instants, parce que nous n'entendons pas l'interprétation. Je veux m'assurer que tout fonctionne.
    Cela fonctionne maintenant.
    Recommençons depuis le début, madame Gaudreau.

[Français]

    Je reprends ma question. Est-ce que votre souci est que l'enquête publique indépendante pourra permettre que les fuites se poursuivent? Nous constatons qu'il y a des fuites de semaine en semaine depuis le mois de novembre, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Non, je ne sais pas si les fuites vont se poursuivre ou si elles ont cessé. J'espère simplement qu'elles cessent. Je dis simplement que la méfiance que beaucoup de Canadiens éprouvent à l'égard de leurs institutions crée l'impression chez les auteurs de fuites que leurs gestes sont nobles, mais je ne suis pas d'accord. Certains voient les auteurs de fuites comme des dénonciateurs qui vont sauver le pays de la ruine. Je ne pense pas que ce soit une stratégie judicieuse pour arrêter les auteurs de fuites que de ne pas mener d'enquête, de qualifier les auteurs de fuites d'acteurs malveillants et de dire que les journalistes sont trop crédules. C'est mon avis.

[Français]

    Je vous remercie. Il me reste une minute. Aujourd'hui, avec toute l'expertise dont vous disposez, quelles sont les étapes cruciales à privilégier pour rétablir la confiance?
    Pour moi, il serait important d'avoir une enquête indépendante gérée par un juge ou un ancien juge de façon à ce qu'aucun parti ne puisse mettre en cause sa fiabilité. Ce serait un premier pas essentiel.
     Cependant, au bout du compte, l'objectif n'est pas l'enquête, mais le fait de prendre au sérieux ses conclusions et de mettre en place les mesures proposées pour contrer l'ingérence étrangère. L'enquête est seulement un processus pour déterminer des idées et proposer des politiques. Si nous nous fions à la motivation des personnes à l'origine des fuites dans les médias, la mise en œuvre des politiques est l'élément crucial. Comme M. Stanton, je n'ai aucune idée de ce qui va se passer, mais je ne serais pas surpris de voir les fuites continuer même s'il y a une enquête, parce que ce n'est pas l'enquête qui les intéresse, mais l'action.
     Avez-vous quelque chose à ajouter en complément, monsieur Stanton?

[Traduction]

     Non.

[Français]

    Ce que je comprends, madame la présidente, c'est que, au bout du compte, avec tous les organes en place, il est important d'arriver au but, c'est-à-dire la nécessité d'avoir une enquête publique et indépendante.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Madame Blaney, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je reviens à vous, monsieur Wilczynski, au sujet du caviardage de documents. Je ne saurais vous dire pendant combien d'heures j'ai rencontré des gens pour parler du caviardage de documents, pour que ce que nous demandons soit aussi sûr que possible.
    Vous avez parlé un peu du légiste parlementaire. La manière dont les documents sont expurgés et le processus en place ne sont-ils pas suffisants? Certains membres du Comité semblent rester méfiants. Pourriez-vous nous dire si c'est quelque chose qui devrait nous préoccuper?
    Je m'inquiète globalement de la sécurité de l'information. Je suis un ancien agent de sécurité du ministère. Je dois le dire d'emblée. J'ai également travaillé pendant de nombreuses années comme membre du personnel politique dans les années 1980 et au début des années 1990. J'en sais donc beaucoup sur la façon dont le Parlement fonctionne.
    Ce sont la sécurité et l'intégrité de l'information qui me préoccupent. Lorsqu'il s'agit d'informations hautement confidentielles...

  (1200)  

[Français]

    Madame la présidente, j'entends encore un écho.

[Traduction]

    Nous allons nous arrêter un instant.
    Est‑ce qu'il y a encore une rétroaction acoustique, ou est‑ce que c'est bon quand nous parlons? Il y a encore une rétroaction acoustique.
    Y a‑t‑il quelque chose que nous puissions faire pour remédier à cela?

[Français]

    Je peux aussi répéter ce que j'ai dit en français si vous le voulez.
    On essaie d'avoir un système qui fonctionne dans les deux langues officielles. Si on peut répondre dans la langue dans laquelle la question est posée, c'est toujours mieux, mais on peut faire le choix entre les deux langues officielles.

[Traduction]

    Nous voulons nous assurer que le système fonctionne.
    Vous n'entendez pas de rétroaction acoustique quand je parle. Est‑ce que ce pourrait simplement être dû à son écouteur?
    Madame Gaudreau, entendez-vous toujours une rétroaction acoustique?
    Tout va bien? Tout va bien.
    Madame Blaney, voulez-vous répéter votre question, en résumé? Si vous êtes d'accord pour entendre directement la réponse, c'est très bien.
    Est‑ce que c'est bon? Avez-vous besoin que je la répète?
    Non. Je pense que vous...
    Il l'a entendue.
    ... voulez comprendre pourquoi je suis plus qu'un peu hésitant à l'égard de cette façon de faire.
    Il s'agit de sécurité de l'information. On parle ici de documents hautement confidentiels. Nous avons l'obligation de protéger l'information, et je pense que nous devons la protéger de la façon la plus robuste possible. C'est pourquoi je crois fondamentalement, comme mon collègue, qu'il y a des institutions au Canada qui peuvent examiner cette information de manière indépendante et aussi transparente que possible, qui ont à la fois les moyens physiques de le faire dans des lieux sécurisés et la technologie nécessaire.
    Je n'ai pas eu l'occasion de constater ce même niveau de sécurité pour des documents hautement confidentiels ici, je suis désolé de le dire. Tant mieux si je me trompe, mais encore une fois, j'ai toujours travaillé à la gestion des risques et je pense que le risque est trop grand ici, compte tenu du fait qu'il faut protéger l'information.
    Encore une fois, je pense qu'il vaudrait mieux confier la tâche à une commission d'enquête disposant du personnel et des installations nécessaires pour traiter l'information de manière appropriée. Je comprends que de nombreux comités se penchent sur la question, mais ma préférence, du point de vue de la sécurité, irait à une procédure d'enquête formelle, parce qu'elle aurait les moyens nécessaires pour gérer l'information.
    Merci.
    Il ne me reste que 10 secondes, je vais donc m'arrêter là.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Je dirai simplement...

[Français]

    Madame la présidente, j'ai vraiment un problème: on a encore un écho.

[Traduction]

    Je voudrais juste rappeler aux députés de garder leurs écouteurs loin du microphone. C'est peut-être la cause de la rétroaction acoustique.
    Je trouve curieux que la rétroaction ne soit pas pareille partout dans la salle, mais comme nous utilisons différents systèmes, il se peut que l'un soit plus touché que les autres.
    Madame Gaudreau, nous avons pris note de vos préoccupations et nous étudions la situation. Comme vous pouvez le constater, notre maître des technologies de l'information est à pied d'œuvre. Il a le problème très à coeur et veut trouver une solution.
    Monsieur Cooper, avant...
    Donnez-moi 30 secondes.
     Pouvez-vous essayer de vous en tenir à 10?
    Allez‑y pour 10 secondes. Que voulez-vous?
     Madame la présidente, juste avant que nous ne passions au groupe de témoins suivant, je note qu'une lettre signée par tous les députés de l'opposition siégeant à ce comité vous a été envoyée le 19 mai, afin de réclamer que le ministre Blair comparaisse pendant deux heures devant le Comité. Je vois qu'il viendra, mais seulement pour une heure.
    Étant donné les informations troublantes selon lesquelles il a hésité pendant quatre mois à autoriser la surveillance d'un ministre libéral de l'Ontario et des informations sensibles concernant le député Chong sont essentiellement restées lettre morte parce qu'il n'avait pas de pouvoir de signature, alors qu'il était ministre depuis 18 mois, je dirais qu'il y a beaucoup de questions en suspens et que le ministre a beaucoup de réponses à nous donner.
    Je voudrais simplement vous demander de vérifier, en tant que présidente, pourquoi il ne peut venir qu'une heure plutôt que deux. Je sais que vous n'avez aucune emprise sur l'emploi du temps du ministre, mais...
    Merci, monsieur Cooper.
    Il y a beaucoup de choses que je ne contrôle pas, et qu'aucun d'entre nous ne contrôle, en fait. Comme vous le savez, nos ressources sont très limitées. Comme vous le savez, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre doit se réunir quatre heures par semaine. Et comme vous le savez, nous avons bien plus d'heures de réunion que cela. Nous devons également jongler avec les personnes qui se sont engagées à comparaître et celles qui ne l'ont pas fait.
    La motion qui a été proposée au Comité ne me donnait pas beaucoup de latitude. Je respecte cela. Nous avons obtenu de Jody Thomas qu'elle s'engage à nous consacrer deux heures. Puisque nous avons obtenu une heure supplémentaire, M. Blair a pu nous donner une heure. Nous pouvons toujours essayer de les faire revenir, par exemple.
    J'essaie de rassembler les pièces d'un casse-tête dans le contexte d'un emploi du temps complexe. Je suis sûre que certains savent qu'en ce moment même, à la Chambre des communes, quelqu'un a soulevé une question de privilège dont ce comité sera saisi. Jour après jour, j'essaie de gérer nos objectifs et nos priorités, car ils changent continuellement. Pour nous, c'est difficile. Je vous comprends. Je lis dans les deux langues officielles les lettres que vous m'écrivez et j'ai toujours plaisir à les lire. Vous n'avez pas besoin d'en envoyer autant, mais je garde celles que je reçois près de mon cœur.
    Nous avons le conseiller à la sécurité nationale et aux renseignements qui va comparaître pendant deux heures. Il accomplit, comme nous le souhaitons, l'important travail d'assurer la sécurité de notre pays. Le ministre Blair va comparaître pendant une heure. Vous voulez qu'il passe une deuxième heure avec nous, et nous allons faire de notre mieux pour que cela se réalise.
    Le cabinet du ministre Mendicino a confirmé qu'il serait possible de concilier son emploi du temps et le nôtre. C'est la même chose pour la ministre Joly. Nous nous trouvons en quelque sorte dans un cirque aux multiples chapiteaux. Soyez assuré, monsieur Cooper, que je prends vos demandes très au sérieux et que je ferai tout ce que je peux pour y répondre.
    Sur ce, messieurs Stanton et Wilczynski, nous avons aimé entendre vos points de vue aujourd'hui. En tout cas, moi, je les ai appréciés. Je vous ai observés dans d'autres comités. J'aime le duo que vous formez. Vous pourriez aller très loin. J'ai également remarqué que vous...
    Un député: Partez en tournée.
    Un député: Le CST et le SCRS ensemble.
    La présidente: J'ai peut-être un titre accrocheur pour cela: « Le CST et le SCRS: les événements inédits qui se produisent une fois que vous êtes à la retraite... »
    Vous avez évoqué certains documents et des renseignements supplémentaires. Si vous pouviez les transmettre au greffier, nous les mettrons dans les deux langues officielles et les joindrons à tout le reste. Si, ce soir, vous pensez à quelque chose que vous auriez aimé dire ou que vous auriez dû ajouter, n'hésitez pas à nous en faire part demain ou après-demain. Nous accueillons volontiers tous ce que vous pouvez nous donner comme information. Si vous souhaitez revenir au Comité, faites-en la demande, mais nous pourrions bien vous devancer à cet égard.
    Sur ce, nous vous souhaitons une excellente journée.
    Un des témoins de notre deuxième groupe va témoigner par vidéoconférence. Nous allons donc procéder à une vérification du son.
    Je suspends très brièvement la réunion. Nous reprendrons dans deux minutes.
    Merci beaucoup.

  (1205)  


  (1210)  

    Nous reprenons.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Andrew Mitrovica, par vidéoconférence, ainsi que M. Michael Wernick, qui se joint à nous en personne. Tous deux nous reviennent pour une deuxième comparution devant le Comité. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à vous joindre de nouveau à nous.
    Chacun de vous aura cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
    Nous commençons par M. Mitrovica.
    Bienvenue encore une fois au Comité. Nous vous écoutons.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour à tous.
    Il y a trois semaines, j'ai comparu avec réticence devant ce comité. J'ai essayé de dire quelque chose d'utile qui pourrait vous aider, vous et les Canadiens, à comprendre les rapports sur l'ingérence de la Chine, sujet auquel j'ai consacré beaucoup de temps en tant que journaliste d'enquête. J'étais réticent parce que, comme je l'appréhendais, si les membres de ce comité ont écouté ce que j'avais à dire, j'étais quand même convaincu, à la fin de ma comparution, que plusieurs d'entre vous n'avaient pas entendu ce que j'avais à dire. Cette distinction est importante.
    Je sais que vous écoutez ce que des témoins comme moi ont à dire à travers le prisme de la politique et que vous décidez ensuite si cela a une valeur politique ou non. Je comprends. La politique, c'est ce que vous faites.
    J'aime à penser qu'en tant que journaliste d'enquête, mon rôle est de découvrir la vérité, alors je vous en prie, écoutez ce que j'ai à dire.
    Lors de ma dernière comparution, j'ai dit plusieurs choses qui, à mon avis, sont pertinentes pour la question sérieuse qui nous occupe et qui exige une réflexion sérieuse de la part de personnes sérieuses — pas une prise de position, mais une réflexion.
    Premièrement, j'ai rappelé au Comité, aux Canadiens et à mes collègues du quatrième pouvoir — dont beaucoup sont soudainement tombés profondément et follement amoureux d'un service de renseignement dont ils ne savent rien — qu'en plus de l'ineptie et du racisme au sein du SCRS, les agents du renseignement font tout le temps de grosses erreurs sur beaucoup de choses importantes.
    C'est sur ces mêmes agents du renseignement invisibles qu'un juge de la Cour fédérale a jeté le blâme en 2020 pour leur « mépris institutionnel du devoir de franchise ou, à tout le moins, pour leur approche institutionnelle cavalière à cet égard et, malheureusement, à l'égard de la primauté du droit ». Autrement dit, le SCRS ne dit pas toujours la vérité et enfreint la loi. Je suppose que ce fait est nouveau pour la plupart d'entre vous et pour trop de journalistes, rédacteurs en chef et chroniqueurs naïfs qui n'ont pas la moindre idée de la façon dont le SCRS fonctionne.
    En gardant cette mise en garde à l'esprit, j'exhorte le Comité, les Canadiens et mes collègues à traiter avec prudence et scepticisme les bribes d'information divulguées au compte-gouttes par ce qui constitue vraisemblablement une poignée de membres de la structure du renseignement de sécurité du Canada, laquelle n'a pour ainsi dire pas de comptes à rendre.
    J'ai aussi rappelé au Comité que le terme anglais pour « renseignement » est « intelligence », un mot accrocheur. Cela ne constitue toutefois ni une preuve ni un élément de preuve. Le renseignement doit être considéré dans son contexte. L'information doit être corroborée, et elle peut être embellie et modifiée pour correspondre à un récit qui ne ressemble guère à la vérité, surtout lorsqu'elle est divulguée par des agents du renseignement qui, si j'ose dire, peuvent avoir leurs propres objectifs et qui savent, premièrement, que l'information très secrète peut être déformée à leur avantage et, deuxièmement, qu'ils peuvent influencer les journalistes pour que ceux‑ci déforment à leur tour leurs histoires, lesquelles vont faire plus de bruit, et ce, pour le plus grand plaisir de ces agents du renseignement.
    Mais ce que j'ai souligné de plus important, c'est que les fuites ont causé un tort profond à certains de nos concitoyens canadiens en soulevant des questions injustifiées sur leur loyauté à l'égard de la feuille d'érable.
    Ces quelques agents du renseignement, qui préfèrent travailler dans l'ombre, savent qu'ils ne subiront aucune conséquence pour les préjudices qu'ils ont causés aux Canadiens d'origine chinoise, qui aiment aussi ce pays. Pourquoi? Parce qu'ils s'en sortent toujours.
    La semaine dernière, dans son rapport, le rapporteur spécial a confirmé l'essentiel de ce que je vous ai dit il y a trois semaines. David Johnston n'est pas mon ami. Nous ne sommes pas voisins. Je ne suis membre d'aucune fondation dont il est membre. En fait, je ne suis membre d'aucune fondation. En outre, quiconque connaît mes écrits sur l'actuel premier ministre ne pourrait dire de moi que je suis un laquais des libéraux.
    M. Johnston a eu raison d'écrire que de nombreux reportages alimentés par ces fuites sélectives comportaient des « spéculations non étayées », qu'ils se fondaient sur des « renseignements limités », et qu'il y avait « absence de contexte ». Enfin, il a écrit: Lorsque des renseignements sur l’ingérence étrangère sont fournis sans considération ni contexte, cela peut faire en sorte que le public se retourne contre les communautés visées. »
    Interrogez Han Dong sur les dommages que cela peut causer. Un journal télévisé a qualifié M. Dong de traître. M. Johnston a découvert que cette accusation grave, absolument catégorique, qui a changé la vie de M. Dong, était catégoriquement fausse.
    Ce que nous voyons, c'est « Maher Arar: la suite ».
    Cette sinistre affaire a un air de déjà‑vu. Un ancien directeur du SCRS et conseiller à la sécurité nationale d'un autre premier ministre avait publiquement colporté des insinuations similaires en 2010.

  (1215)  

    Paradoxalement, dans un éditorial de l'époque, le Globe and Mail avait dénoncé ces remarques comme étant « imprudentes » et « insensées ». On pourrait en dire autant aujourd'hui de ce même journal.
    Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps.
    Merci, monsieur Mitrovica.
    Monsieur Wernick, je sais que vous n'avez pas de déclaration liminaire à prononcer, mais j'aimerais vous donner la parole pour vous permettre de saluer rapidement les gens et de planter le décor.
    Monsieur Wernick, nous vous écoutons.
    Je suis très heureux d'avoir accepté votre invitation et de vous accorder une deuxième heure.
    En effet, je n'ai pas de déclaration liminaire à faire. Je ne ferais que répéter ce que j'ai dit la dernière fois, avant que nous ayons tous eu l'occasion de lire le rapport de M. Johnston.
    Mon message principal est le même que la dernière fois. Je pense qu'il est temps pour vous, législateurs, de prendre les devants et de vous mettre à légiférer, et je serais ravi de parler de ce qui pourrait être inclus dans ce texte de loi.
    Merci, monsieur Wernick.
    Nous allons maintenant commencer par des tours de six minutes. Notre premier intervenant est M. Cooper, qui sera suivi de Mme Sahota, de Mme Gaudreau puis de Mme Blaney.
    Monsieur Cooper, c'est à vous. Veuillez vous adresser à la présidence, en marquant une pause entre vos commentaires et les réponses, par égard pour nos interprètes.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions à M. Wernick, par votre intermédiaire, madame la présidente.
     Monsieur Wernick, vous avez été greffier du Conseil privé. À ce titre, avez-vous été surpris que le conseiller à la sécurité nationale confirme la réception par le BCP, en juillet 2021, d'une note du SCRS concernant la campagne d'intimidation menée par Pékin à l'encontre de Michael Chong, que Michael Chong n'en ait jamais été informé et qu'il l'ait appris dans le Globe and Mail?
    Deuxièmement, avez-vous trouvé surprenant que le premier ministre n'en ait apparemment aucune idée — c'est du moins ce qu'il a dit — et qu'il l'ait appris par les médias?
    Monsieur Cooper, comme je l'ai dit la dernière fois, j'ai quitté le gouvernement il y a quatre ans. Je n'ai pas de calendriers, pas de documents secrets et pas de dossiers. Je ne faisais pas partie des 32 personnes que M. Johnston a interrogées, et je n'ai pas accès aux documents qu'il a vus, donc je ne ferais que spéculer.
    Je reconnais que vous n'étiez pas là en juillet 2021. Cependant, la dernière fois que vous avez comparu devant le Comité, vous avez dit qu'au BCP, à votre connaissance, personne n'avait jamais caché au premier ministre des renseignements relatifs à la sécurité nationale.
    Est‑ce que vous maintenez cette affirmation?

  (1220)  

    À ma connaissance, personne n'a volontairement dissimulé de renseignements. Je n'ai aucun souvenir d'une telle situation. Il se peut qu'il y ait eu des lacunes involontaires dans les renseignements transmis d'une personne à l'autre. Je pense que M. Johnston en parle dans son rapport.
    Vous reconnaissez la gravité de la situation, lorsqu'une note de service des renseignements mentionne qu'un diplomate accrédité de Pékin s'en prend à un député en exercice en menaçant la sécurité de sa famille à Hong Kong. Êtes-vous d'accord avec cela?
    Tout à fait. Je pense que cela mérite d'être porté à l'attention du premier ministre. Le premier ministre aurait dû en être informé.
    L'affaire aurait dû être portée à la connaissance du premier ministre. Vous avez donc été surpris que ce ne soit pas le cas. Est‑ce que cela vous semble vrai? Je ne vous demande pas... Vous n'étiez pas là, mais vous avez joué ce rôle. Vous avez dit que des renseignements sont régulièrement transmis au premier ministre. Comment est‑il possible qu'un renseignement aussi préoccupant n'ait pas été transmis au premier ministre?
    C'est la partie de l'affaire que je ne sais pas. M. Johnston a interrogé 32 personnes. On peut présumer que cela inclut toutes les personnes qui ont été incluses dans les réunions et dans la transmission des documents.
    D'après moi, à la lecture du rapport de M. Johnston et des extraits de presse, le premier ministre aurait dû avoir été mis au courant de ce genre de chose.
    Je vous remercie.
    Pourriez-vous nous dire qui, au BCP, aurait vraisemblablement reçu une telle note de service?
    Je reviendrais sur le témoignage de M. Jean, je pense, mais à la base, le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement agit en tant que coordonnateur entre les différentes agences de sécurité et de renseignement. Les renseignements parviennent à la Direction du CSNR, au sein du Bureau du Conseil privé, et c'est là qu'on décide de ce qu'il faut donner aux différentes personnes figurant sur leur liste de clients, en fonction de celles qui ont l'autorisation appropriée et de celles qui seraient intéressées par tel ou tel sujet. Ce jugement est exercé quelque part au sein de la Direction du CSNR du Bureau du Conseil privé.
    En tant que greffier, je recevais copie des documents. Je rencontrais régulièrement le ou la CSNR, je dirais à peu près une fois par semaine, et je lui laissais le soin de décider de ce que je devais savoir à son avis.
    Madame la présidente, je vais maintenant demander à M. Wernick d'expliquer brièvement les types de renseignements que le BCP reçoit en ce qui concerne la tenue des registres de transmission. Pouvez-vous nous expliquer comment les registres de transmission sont produits et archivés?
    Je ne peux pas parler de ce qui s'est fait après avril 2019. Il se peut que le système ait été complètement remanié ou automatisé.
    Quand vous étiez là, jusqu'en avril 2019...
    Il se peut que le système soit confié à un robot conversationnel. Je n'ai aucune idée du fonctionnement actuel.
    Cependant, au Bureau du Conseil privé, nous faisions le suivi de nos envois, et je sais que le Cabinet du premier ministre faisait le suivi de ce qu'il recevait. Il y avait également des personnes au Bureau du Conseil privé, rattachées au bureau du greffier, qui faisaient beaucoup de travail de suivi. Ces gens suivaient les documents. Ils avaient des dates, ils avaient des numéros, et il y avait un registre.
    En gros, deux types de renseignements étaient communiqués à l'étage inférieur. Certains renseignements étaient fournis à titre d'information et ne nécessitaient pas de décision. D'autres étaient soumis pour décision et étaient adressés au premier ministre. C'est dans ces cas‑là que nous passions le plus de temps à faire du suivi et à essayer d'obtenir une réponse du premier ministre ou une décision de sa part: oui, non, peut-être ou « je veux en savoir plus », par exemple.
    Il y avait des gens qui faisaient ce genre de suivi au bureau du greffier et au Cabinet du premier ministre.
    À votre avis, serait‑il difficile de fournir à ce comité les registres de transmission? Est‑ce que ce serait compliqué, d'après votre expérience antérieure à avril 2019?
    Je pense qu'il faut poser la question à la direction actuelle du BCP. Je pense qu'il est possible de fournir des registres expurgés. Il arrive qu'on veuille taire le fait que le premier ministre a reçu quelque chose ou qu'il a rencontré quelqu'un, par exemple. Il y a certainement moyen de le faire.
    J'irai plus loin... C'est la raison pour laquelle des organisations telles que l'agence de révision, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, la Cour fédérale et la commission d'enquête de M. Johnston ont accès à ce type de documents lorsqu'ils en font la demande.
    Merci.
    Merci.
    Madame Sahota, c'est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Je pense que je vais commencer par M. Wernick, puisqu'il est dans la salle. Je passerai ensuite à l'autre témoin.
    Ma première question porte sur les fuites qui se produisent à partir du SCRS, ce que nous soupçonnons. Bien sûr, cette question reste ouverte et n'a pas encore été résolue. Nous avons également entendu aujourd'hui l'autre témoin dire que l'auteur de la fuite pourrait avoir des objectifs.
    Je voudrais aussi savoir si, de votre point de vue, vous pensez qu'un État étranger pourrait être impliqué dans toute cette affaire dont nous sommes saisis aujourd'hui. Pensez-vous qu'il existe un plan plus vaste visant à perturber notre démocratie? Dans l'affirmative, j'aimerais entendre vos commentaires, ainsi que vos suggestions, peut-être.

  (1225)  

    Je ne ferais qu'émettre des hypothèses sur ce qui a motivé une personne dont nous ne connaissons pas l'identité à divulguer... Je ne pense pas qu'il serait responsable d'avancer des hypothèses à ce sujet. Il peut s'agir d'une divulgation accidentelle, ou délibérée. Il peut y avoir toutes sortes de raisons.
    C'est l'incidence de cette divulgation qui m'inquiéterait. Elle a nui à la réputation du SCRS auprès de nos partenaires du Groupe des cinq. Ils vont maintenant considérer cet organisme comme étant moins sécuritaire, et c'est un tort irréparable. Si les Américains et les Britanniques se mettent à refuser de nous fournir des documents — « ne les envoyons pas aux Canadiens » —, nous ne le saurons jamais.
    C'est intéressant.
    En ce qui concerne les acteurs étrangers en cause, pensez-vous qu'ils pourraient intentionnellement mettre en lumière une dissension qui existe à l'heure actuelle?
    Ce qu'il faut retenir au sujet des acteurs étrangers, c'est qu'ils mènent des campagnes de désinformation. Il n'est pas facile, pour les organismes de renseignement de sécurité, de démêler les renseignements recueillis et de décider quels renseignements sont fiables et lesquels ont été corroborés. Il est possible qu'il s'agisse de fausses informations. M. Johnston en a parlé.
    Je sais que des médias ont parfois publié des articles qui provenaient de services de renseignement étrangers. Je ne le leur reproche pas; il s'agit de l'information qu'ils avaient. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est important qu'un plus grand nombre de gens aient les habilitations de sécurité requises pour examiner les renseignements, se montrer plus sceptique et se demander s’ils sont vrais et corroborés ou s'il s'agit de propagande et de désinformation provenant d'un acteur malveillant.
    Je vous remercie, monsieur Wernick.
    Lors de votre échange précédent avec le député conservateur, vous avez parlé de la rupture possible d'un lien de communication. Cette question a été soulevée dans le rapport du très honorable David Johnston. En tant qu'ancien greffier du Conseil privé — vous occupiez aussi le poste de sous-ministre du premier ministre —, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont nous pourrions rétablir les liens de communication rompus et combler ces lacunes?
    Oui, je vous remercie.
    Je pense que vous pourriez inclure cette question dans le projet de loi sur l'ingérence étrangère, une fois que vous l'aurez reçu. J'ai lu le rapport de M. Johnston et j'y ai réfléchi. Je pense que le Comité pourrait recommander au gouvernement — ou il pourrait présenter cela sous forme d'amendement lorsqu'il recevra enfin le projet de loi — d'inscrire le rôle de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement dans la loi. Inscrivez ce rôle dans la loi. Déterminez les pouvoirs et les responsabilités qui y sont associés, et donnez à la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement l'obligation légale de veiller à ce que les renseignements très secrets appropriés soient transmis aux bonnes personnes au bon moment. Donnez à cette personne la responsabilité de faire circuler l'information afin que ces problèmes de communication ne se reproduisent plus.
    Je vous remercie, monsieur Wernick.
    Je m'adresse à notre autre témoin, M. Mitrovica. Vous avez tenu des propos très audacieux dans votre déclaration préliminaire. Je voulais vous donner l'occasion de présenter quelques recommandations au Comité sur la façon dont nous pourrions mieux travailler avec nos organismes responsables de la sécurité. Vous avez dit qu'il y a peut-être d'autres raisons qui expliquent leur façon de fonctionner, et vous avez parlé de la façon dont les choses devraient peut-être fonctionner sur le plan politique.
    Comment pouvons-nous améliorer la situation afin que nous ne soyons pas vulnérables face aux acteurs étatiques étrangers?
    Je vous remercie de la question. Je pense que c'est important.
    Tout d'abord, je vous recommanderais de faire preuve de moins de déférence envers les responsables de la sécurité qui témoignent devant des comités parlementaires comme le vôtre.
    J'ai été particulièrement étonné de la déférence témoignée par les députés du Bloc québécois envers les responsables de la sécurité, car s'ils connaissaient un tant soit peu l'histoire des services de sécurité du Canada, ils sauraient que la Commission d'enquête McDonald a démontré qu'au Québec, l'ancien service de sécurité de la GRC était responsable d'une foule d'activités illégales, ce qui a mené à la création du SCRS.
    Ensuite, je vous recommanderais de vous renseigner davantage sur l'histoire des institutions que vous examinez. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai souligné qu'un juge de la Cour fédérale avait conclu, en 2020 — pas en 1960, pas en 1980, mais en 2020 —, que le SCRS mentait et enfreignait régulièrement la loi. Il n'est pas le seul juge de la Cour fédérale à avoir conclu que le SCRS agissait de la sorte.
    Je vous suggère aussi de lire mon livre, à titre de référence, pour avoir une meilleure compréhension du fonctionnement des services de renseignement au Canada. Vous feriez ensuite preuve de beaucoup moins de déférence à leur égard et seriez moins enclins à vous incliner devant leur expertise.
    Je vais m'arrêter là.

  (1230)  

    Je vous en suis reconnaissante. Merci beaucoup.
    Madame Gaudreau, vous avez la parole.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, il y a à peine une heure, on a entendu un argument voulant qu'une enquête publique indépendante permette non seulement de faire la lumière là-dessus, mais d'avoir de légitimes recommandations, notamment d'ordre législatif. Nous avons déjà parlé ensemble de la création d'un registre des agents d'influence étrangers, mais on parlait d'une question de partisanerie. Alors, je tiens à répéter que l'objectif du Bloc québécois est de faire la lumière là-dessus et de redonner confiance aux gens.
     J'aimerais entendre vos commentaires sur le rapport de M. Johnston en lien avec la manière dont on peut corriger le tir sur la confiance dans notre démocratie. Où est-ce qu'on en est, selon vous?
    C'est toute une question.
    Je pense qu'on a maintenant un problème de confiance dans nos processus et nos institutions démocratiques et qu'il faut agir ensemble rapidement pour rétablir cette confiance avant les prochaines élections. Il ne reste qu'un peu plus de 200 jours de séance avant la fin de la législature et les prochaines élections. Ce n'est pas beaucoup de temps.
    Je reprends donc mon argument. Si vous obtenez votre enquête — c'est un gouvernement minoritaire, alors vous pouvez le forcer à le faire —, qu'est-ce que vous allez faire pendant l'enquête? Je pense qu'en parallèle, vous pourriez étudier un projet de loi, le débattre, le modifier et le bonifier, afin qu'il y ait une loi en place pour protéger les prochaines élections.
     J'aime beaucoup vos commentaires. En fin de compte, avec tous les organes qui sont en processus actuellement, l'étau se resserre, comme je l'ai dit précédemment, et on voit une ligne directrice qu'il faut travailler en parallèle dans beaucoup de tâches. Vous comprenez que, pour faire la lumière si on n'a pas de commission d'enquête publique indépendante, notre comité cherche à obtenir des documents qui pourraient l'aider dans son travail. Tantôt, le témoin précédent mentionnait qu'il était quasi impossible d'avoir accès à ces documents par l'entremise du légiste.
     Pourrait-on, dans le fond, aller chercher certains documents qui peuvent être caviardés, mais qui seraient utiles pour notre travail?
    Je pense que vous pouvez obtenir la tenue d'une enquête, mais pas d'une enquête qui est entièrement publique. C'est une phrase que beaucoup de gens utilisent, mais cela soulève des problèmes liés aux documents et aux sources de renseignement auxquelles on ne veut pas nuire.
    Par conséquent, il faut chercher un processus hybride. Je ne suis pas avocat, mais le modèle de la commission Rouleau, qui s'est tenue à la suite de l'occupation d'Ottawa, me semble être un modèle hybride à suivre, certains aspects de l'enquête ayant été publics, mais d'autres à huis clos.
    En lien avec la recherche des documents que nous demandons, ici, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, on nous expliquait que le légiste n'était pas en mesure de nous les fournir, faute d'habilitation de sécurité. Vous savez comme moi, même si je n'en ai pas fait l'expérience, que le processus permettant d'obtenir une telle habilitation peut être de longue haleine. Que pensez-vous de cette situation?

  (1235)  

    Effectivement. J'hésite à recommander un mécanisme en particulier, mais il y a un lien entre l'accès à l'information et l'obtention de l'habilitation de sécurité. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre. Qu'il s'agisse des juges, des membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ou des intervenants dans les mécanismes de rétroaction, toutes ces personnes se sont soumises au processus d'enquête de sécurité.
     Les gouvernements provinciaux sont un autre élément très important que M. Johnson a soulevé. En effet, je pense qu'il est temps d'élargir le nombre de personnes qui ont accès à ce genre d'information, à condition qu'elles se soumettent d'abord à une enquête de sécurité. Ce serait une bonne idée que les premiers ministres des provinces aient accès à cette information, tout comme certains fonctionnaires provinciaux.
     Je pense que la menace à laquelle nous faisons face, comme Canadiens, Canadiennes, Québécois ou Québécoises, est évidente et qu'il faut désormais renforcer nos mécanismes de défense.
    Il me reste quelques secondes, mais nous pourrons poursuivre notre discussion tantôt. J'aimerais savoir quelles sont vos étapes prioritaires. J'aimerais que nous puissions les nommer, ici, quand nous parlons de légiférer et de, oui, faire enquête et faire le ménage dans tous nos organes. Vous avez quelques secondes et vous pourrez continuer au deuxième tour.
    C'est une grande question. Alors, la question de tenir ou non une enquête est devenue une question politique. Elle sera réglée par les politiciens. À mon avis, une enquête, ce n'est pas le but. Le but, c'est d'avoir des mécanismes de défense et, pour ça, il faut légiférer. Par conséquent, il ne faut pas d'abord avoir une enquête, puis légiférer. Je pense que nous sommes capables de faire les deux en parallèle. Je suis maintenant convaincu qu'une enquête est nécessaire.
    Merci beaucoup.
    Madame Blaney, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie nos deux témoins de leur présence.
    Monsieur Wernick, je vous remercie d'être revenu aussi rapidement. Je suis heureuse de vous revoir.
    Nous voulons régler cette question de privilège, qui, à mon avis, est extrêmement importante. Nous avons entendu très clairement de sources multiples que M. Chong n'avait pas été mis au courant des problèmes assez tôt. C'est un élément important de cette question.
    Il semblerait aussi qu'il y a eu un blocage dans la communication de ces renseignements à M. Chong, notamment en ce qui a trait aux courriels contenant des renseignements très secrets.
    Vous parlez beaucoup des projets de loi et de changements. J'aimerais parler du système qui est en place actuellement et qui ne nous sert pas, car il crée un sentiment de méfiance non seulement chez les Canadiens, comme vous l'avez dit, mais aussi potentiellement chez nos partenaires du Groupe des cinq. Pourriez-vous nous en dire plus sur le travail que vous avez accompli? Avez-vous des idées par rapport aux questions législatives ou à la façon dont ces renseignements devraient être envoyés rapidement aux personnes qui en ont besoin? Il faut bien sûr veiller à ce qu'ils soient suffisamment importants avant de les transmettre.
    Je m'en tiendrai à cela.
    C'est une grande question. Je pense que le rapport de M. Johnston est très utile à cet égard. Nous avons un problème. Nous avons toujours plus de réponses après coup, et nous savons maintenant des choses que nous aurions pu savoir plus tôt.
    Nous sommes maintenant en 2023, et il est temps d'agir.
    Un des problèmes cernés par M. Johnston est que personne ne se sentait pleinement responsable. Il s'agit de l'une de ces situations — et j'en connais d'autres — où les gens présumaient que quelqu'un d'autre s'occupait d'une tâche donnée, et il n'y a pas eu de reddition de comptes claire.
    J'inscrirais en droit le rôle de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement. J'établirais un mandat d'une durée fixe de cinq ans, de sorte que si une personne acceptait ce poste, elle choisirait d'y rester pendant un certain temps. Le roulement que nous avons observé au cours des dernières années n'a pas aidé. Je ferais en sorte que cette personne soit responsable d'envoyer les renseignements très secrets au bon endroit au sein du gouvernement.

  (1240)  

    Je vous remercie.
    Ce que vous dites m'est apparu assez évident d'après les renseignements que nous avons obtenus. Ce comportement semble être propre à la condition humaine: nous espérons que quelqu'un d'autre s'occupera du problème.
    Les témoins précédents nous ont parlé de l'importance d'envoyer et de recevoir des renseignements et de veiller à ce que les gens qui les envoient sachent ce dont les destinataires ont besoin, et sachent si ces renseignements leur seront utiles. Il s'agit là d'une lacune importante dans le processus. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet, compte tenu de votre expérience? Je comprends tout à fait ce que vous dites à propos de la reddition de comptes.
    Je me demande où se recoupent ces deux rôles.
    C'est une question difficile. J'en parle un peu dans mon livre, si vous me permettez de faire un peu de publicité gratuite.
    Le problème, lorsque vous occupez les postes les plus élevés — si vous êtes le premier ministre du Canada, le chef de cabinet du premier ministre ou le greffier du Conseil privé —, c'est que vous devez traiter d'une foule d'enjeux en parallèle. Vous êtes constamment en train d'accomplir plusieurs tâches à la fois. Vous ne pouvez pas tout lire. Vous ne pouvez pas rencontrer tout le monde. Vous ne pouvez pas recevoir tout le monde. Vous devez choisir la façon dont vous allez gérer votre temps, ce qui sera envoyé au premier ministre, ce qu'il aura le temps de lire... le premier ministre tient plusieurs rôles. Il s'agit de la reddition de comptes du greffier et de la fonction publique, et il s'agit de la reddition de comptes du chef de cabinet sur le plan politique.
    Vous ne pouvez pas simplement appliquer des règles ou un algorithme qui vous permettront de faire le tri et de bien faire les choses à tout coup. Il peut y avoir des manquements de jugement parce que vous ne pouvez pas savoir à l'avance qu'une question s'avérera aussi importante qu'elle l'a été, et il arrive que des renseignements qui se révèlent banals et sans importance soient envoyés.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que les services de renseignement évaluent l'information sans relâche. Je crois avoir entendu la fin de cette conversation. Quels renseignements sont fiables? Qu'est‑ce qui est important? Il existe 200 pays dans le monde. Allons-nous surveiller tout ce que chaque pays fait en détail? Non, il y en a qui sont plus importants que d'autres.
    C'est la raison pour laquelle nous avons ces postes de conseiller à la sécurité nationale, de greffier ou de chef de cabinet du premier ministre: les gens qui occupent ces postes font des choix et mettent en place des processus qui réduisent le risque d'erreurs. Cet exercice nous a appris qu'il y a des lacunes à combler.
    En ce qui concerne les fonctions de reddition de comptes accrues que nous voulons donner à la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, croyez-vous que nous devons procéder par voie législative, ou est‑ce que le leadership pourrait prendre une décision pour que le tout se concrétise dès maintenant?
    D'après ce que j'ai compris des bulletins de nouvelles, un décret ordonnait déjà aux organismes, ou du moins au SCRS, de transmettre des renseignements au ministre de la Sécurité publique. En tant que législateurs, vous devrez déterminer si cette reddition de comptes devrait passer par le ministre de la Sécurité publique ou par le premier ministre. D'une certaine manière, tout aboutit sur le bureau du premier ministre. Vous pourrez débattre de cette question de conception législative lorsque vous aurez un projet de loi sous les yeux. La conseillère à la sécurité nationale et au renseignement travaille pour le premier ministre, et non pour le ministre de la Sécurité publique, et elle agit à titre de coordonnatrice pour tous ces organismes.
    Quoi qu'il en soit, je ne veux pas entrer dans les détails de la gouvernance. Cependant, pour ce qui est de ce genre de questions, la rédaction des lois et l'établissement des processus et des institutions auront une incidence sur la façon dont les gens se comporteront et exerceront leur jugement jusqu'à ce que nous modifiions de nouveau nos mesures législatives sur la sécurité nationale. Nous les avons réécrites environ tous les cinq ou six ans parce que le monde ne cesse d'évoluer. Il ne fait aucun doute que nous devrons le refaire.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Berthold, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, merci à nouveau de votre présence. Je n'ai pas lu votre livre, on n'y fera donc pas référence.
    Il n'est publié qu'en anglais.
    J'ai appris au cours des derniers mois à lire quelques lignes en anglais, donc je devrais être bon.
    Monsieur Wernick, vous avez dit tout à l'heure que la note de service concernant Michael Chong aurait dû se rendre directement au premier ministre. Je vais y aller d'un scénario hypothétique. Au moment où vous étiez greffier du Conseil privé, qu'aurait été votre réaction si vous aviez appris qu'une note de service de cette importance n'avait pas été transmise au premier ministre?
     Dans tous les exercices de rétroaction, on se demande comment la situation est arrivée, comme on procède aujourd'hui, et ce qu'on peut faire pour corriger le tir et réduire le risque que la situation se reproduise.

  (1245)  

    Est-ce que vous auriez déclenché une sorte d'enquête interne pour savoir exactement ce qui ne fonctionnait pas? J'imagine que cela aurait provoqué quelques réactions et des échanges de courriels au sein du Bureau du Conseil privé.
    Il y a une gamme de mécanismes informels, semi-formels et très formels, oui. C'est un exercice qui permet de tirer des leçons de telles situations.
    Vous avez dit vous-même que cette note aurait dû se retrouver sur le bureau du premier ministre. Y aurait-il eu lieu de déclencher un mécanisme formel pour corriger cela? J'essaie juste de comprendre comment on aurait pu réagir pour éviter qu'une telle situation se produise.
    Oui. Je pense qu'on a déjà franchi plusieurs étapes. M. Johnston a interviewé 32 personnes, toutes les personnes impliquées. Il y a une annexe que je n'ai pas vue...
    Je ne l'ai pas vue non plus.
     Elle sera envoyée à l'agence chargée d'examiner cela et aux comités parlementaires, et elle sera disponible pour les chefs des partis de l'opposition. Alors, je pense qu'on a toutes les preuves nécessaires pour l'exercice qui consiste à savoir comment cela s'est passé. Je me tourne toujours vers l'avenir. Le défi pour les prochains mois et les prochaines années sera de savoir comment éviter une telle situation.
    Vous avez recommandé, lors d'un passage précédent à ce comité, que le commissaire qui aura le mandat de diriger une enquête publique ne soit pas un Canadien. Compte tenu des appels de plus en plus pressants des parlementaires et de l'ensemble des Canadiens à cet égard, à qui devrait revenir la tâche de choisir ce commissaire?
    Ce sera pertinent si vous obtenez votre enquête.

[Traduction]

    Après tout ce travail, que se passera‑t‑il?

[Français]

Le choix de la personne qui dirige une enquête est très important. Dans le passé, il y a eu des enquêtes qui n'étaient pas très utiles — je le dis de la façon la plus respectueuse possible — et d'autres qui ont eu des répercussions énormes. Alors, le choix du commissaire et du personnel qui le soutient est très important. On se tourne toujours vers les juges comme s'ils étaient une solution magique, que ce soit en raison de leur formation ou de leur indépendance, mais nous avons tous vu des attaques contre des juges. Alors, moi, je crois qu'il s'agit de choisir une personne qui a la formation nécessaire et une connaissance du monde de la sécurité et du renseignement.
    Excusez-moi, monsieur Wernick, mais je pense qu'on s'éloigne un peu de la question. Je ne vous ai pas demandé qui devrait être juge, mais qui devrait choisir le juge. Est-ce que c'est le premier ministre, le bureau du premier ministre ou tous les députés du Parlement? Je vous demande cela parce que nous avons vécu un problème de crédibilité et de confiance en raison d'une décision unilatérale prise par le gouvernement.
    C'est un bon exemple de la nécessité que nos politiciens travaillent ensemble pour rétablir la confiance des Canadiens et des Canadiennes dans nos processus et nos institutions démocratiques. Alors, si j'avais à faire une recommandation, je dirais que le premier ministre devrait toujours être celui qui soumet la recommandation au Conseil des ministres, mais seulement après avoir consulté les chefs des partis de l'opposition. Toutefois, je ne sais pas s'il est possible d'arriver à un consensus sur le choix d'une telle personne, car je ne sais pas s'il y a un Canadien qui serait au-dessus de la mêlée politique.
    C'est pourquoi vous avez recommandé de nommer une personne de l'étranger.
    Oui. Il y a une longue liste d'ex-premiers ministres et d'ex-ministres australiens et britanniques qui ont travaillé dans une situation très semblable. On pourrait nommer quelqu'un de vraiment indépendant.
    Merci.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je vous souhaite la bienvenue au comité de la procédure. Je suis ravi d'entendre vos témoignages.
    Monsieur Wernick, je vais peut-être commencer par vous. J'ai une série de questions. Certaines d'entre elles sont brèves, alors j'espère que vous pourrez donner des réponses brèves.
    En tant qu'ancien greffier du Conseil privé, je suppose que vous êtes assez bien informé au sujet de l'habilitation de sécurité et du traitement des renseignements très secrets de nature délicate. J'aimerais savoir de quelle cote de sécurité vous auriez besoin pour examiner l'annexe du rapport de David Johnston qui contient des renseignements très secrets.
    Je ne connais pas la réponse à cette question. À la lecture du texte, il semble qu'une grande partie de l'information soit très secrète. Dans la hiérarchie des cotes de sécurité, il faudrait donc avoir une cote de niveau très secret ou supérieur. Vous devez poser cette question aux représentants du gouvernement.

  (1250)  

    Je pense qu'il y a un niveau plus élevé que le niveau très secret, qui est le niveau très secret approfondi. Est‑ce exact?
    Oui, il faut avoir cette cote pour certaines interceptions électroniques de nature plus délicate.
    À votre connaissance, les membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ont-ils une cote de sécurité de niveau très secret approfondi?
    Je ne suis pas une source fiable à cet égard. Je crois qu'ils ont cette cote.
    Savez-vous quelle est la durée de validité d'une habilitation de sécurité?
    Cela dépend du niveau de l'autorisation de sécurité. Les cotes de niveau inférieur sont valides pour une plus longue période que les cotes de niveau supérieur. Encore une fois, vous devriez poser cette question aux représentants du gouvernement. Si je me souviens bien, en général, les habilitations de sécurité seront valides pendant environ cinq ans. Si un changement majeur survient dans votre vie — vous vous mariez, vous déménagez, vous changez d'emploi ou quoi que ce soit d'autre —, vous pourriez devoir renouveler votre cote de sécurité, mais je pense qu'elle demeure valide pendant environ cinq ans.
    S'il y a un changement important dans la situation d'une personne, est‑ce qu'elle devra se soumettre de nouveau à cette enquête de sécurité?
    Oui, c'est comme pour les divulgations à la commissaire au lobbying et à la commissaire à l'éthique.
    Pensez-vous que les anciens membres du Cabinet d'un gouvernement précédent ont le niveau d'habilitation de sécurité nécessaire pour examiner l'annexe ultra-secrète du rapport Johnston?
    Je ne le sais pas. Ils auraient été soumis à un processus de vérification, ce qui est une autre affaire. Les vérifications à quatre volets des antécédents personnels, des antécédents financiers, des problèmes juridiques, etc., s'appliquent à tous les candidats potentiels au Cabinet. Quiconque aurait été candidat à une nomination au Cabinet aurait fait l'objet d'une vérification des antécédents à l'époque, mais je répète qu'il faut parfois renouveler les cotes de sécurité en cas de changement.
    Comme si vous vous étiez marié...?
    Ou si vous faites désormais partie de l'opposition, par exemple. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles vous devriez vous soumettre de nouveau à cette enquête, et encore une fois, cela ne se fait pas à l'aide d'un algorithme et d'une simple règle. Il faut faire preuve de jugement.
    Je comprends. J'ai compris.
    M. Johnston conclut son rapport en disant qu'il n'a pas cerné d'exemples où des ministres, le premier ministre ou les membres de leur cabinet ont sciemment ou négligemment omis de donner suite à des renseignements, à des conseils ou à des recommandations.
    Monsieur Wernick, selon vous, les chefs de parti, surtout ceux qui ont publiquement critiqué les conclusions du rapport Johnston, ne devraient-ils pas examiner l'annexe qui contient des renseignements très secrets lorsqu'on leur en donne l'occasion?
    Je crois avoir entendu M. Wilczynski dire la même chose. Je pense qu'il est toujours préférable d'être plus informé que d'être moins informé. Si vous avez la possibilité — et ce n'est pas le cas de tout le monde — d'avoir accès à ce genre d'information, vous devriez passer par le processus d'autorisation et vous devriez être prêt à prendre connaissance de ces renseignements. Je ne conviens pas que ce processus réduit les parlementaires au silence ou les empêche de faire leur travail dans l'opposition. Nous pourrions en parler si vous le voulez.
    Excellent.
    Dans ces circonstances, êtes-vous préoccupé par le fait que les chefs de l'opposition — en particulier les chefs du Bloc et du Parti conservateur — critiquent la réponse du gouvernement, sans être prêts à le faire en se fondant sur les faits, alors qu'ils y ont accès? J'exclus le NPD, parce que je pense que son chef a accepté de se soumettre à l'habilitation de sécurité nécessaire et qu'il a clairement exprimé le désir de prendre connaissance de l'annexe.
    Je pense que j'adopterais une autre perspective et que je dirais qu'un plus grand nombre de parlementaires devraient se soumettre au processus de vérification et obtenir des cotes de sécurité plus élevées. Il ne suffit plus de s'en remettre uniquement aux membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR. Il devrait y avoir des moyens pour que plus de gens obtiennent des habilitations de sécurité et aient accès à des renseignements plus confidentiels.
    Vous avez dit très clairement que le processus ne nous réduit pas nécessairement au silence. David Johnston a lui aussi formulé des conclusions et des observations très claires dans son rapport, et il a même été en mesure de faire des commentaires qui, à mon avis, favorisent dans une certaine mesure la confiance du public. Si c'est là l'objectif général, pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail pourquoi il n'est pas tout à fait valable de dire que l'accès à la vérité est en quelque sorte un piège pour nous réduire au silence?
    C'est un débat que nous avons tenu en 2016 et en 2017, lorsque le Parlement était saisi du projet de loi visant à créer le CPSNR. La présidente se souviendra de certaines de ces discussions. Le même argument a été avancé selon lequel les députés de l'opposition ne pouvaient pas faire partie de ce comité, car ils ne pourraient plus jouer leur rôle de députés de l'opposition. Nous avons rétorqué: eh bien, la formule fonctionne aux États-Unis, et elle fonctionne au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Il y a une façon de la faire fonctionner.
    Je pense que la seule chose dont on s'attendrait à ce que vous taisiez, ce sont les faits liés à des renseignements précis dont on vous aurait fait part. Vous pourriez néanmoins présenter des arguments, vous pourriez être critique, vous pourriez faire des propositions et vous ne seriez pas réduit au silence dans votre rôle d'opposition. De plus, si vous appreniez, grâce à des sources de renseignement, qu'un service de renseignement étranger a lancé une campagne de désinformation dans les médias, et que vous décidiez de faire preuve d'un peu plus de circonspection et de ne pas vous en servir, ne serait‑ce pas une bonne chose?

  (1255)  

    Merci.

[Français]

     Madame Gaudreau, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, ce qu'on vit aujourd'hui, on le vit depuis plusieurs mois. On veut faire la lumière sur la situation, mais on doit surmonter beaucoup d'embûches.
    J'ai bien compris votre propos quand vous avez dit qu'il fallait se tourner vers l'avenir. On va laisser tout le monde essayer de gagner du temps. Vous avez parlé d'une enquête publique indépendante et de légiférer. Nous voulons être constructifs, rassurer les gens qui nous écoutent et faire passer le message selon lequel il faut agir. Comme vous avez une grande expertise en la matière, j'aimerais vous laisser les prochaines secondes pour me donner des indices.
    Nous sommes mardi après-midi. Demain, mercredi matin, chacun d'entre vous participera au caucus de son parti. Vous aurez donc un accès direct et discret à vos chefs. Je recommande aux membres du gouvernement de demander clairement au premier ministre de se lever à la Chambre des communes et de s'engager à soumettre un projet de loi au mois de septembre. Les députés des autres partis peuvent recommander à leur chef de coopérer avec le gouvernement pour débattre, modifier, bonifier et adopter ledit projet de loi le plus rapidement possible.
    Que devons-nous faire d'autre?
    Pour moi, c'est la clé.
    Vous dites que c'est la clé, mais il faut aussi faire d'autres choses.
    Si on décide de tenir une enquête publique, comme vous le souhaitez, on va probablement en tirer certaines leçons. M. Johnston peut continuer son travail. C'est un homme sage, un avocat et un professeur de droit, et ses recommandations seront certainement très utiles. Toutefois, les questions comme le recours à du renseignement comme élément de preuve ne sont pas nouvelles. On en a discuté lors de l'élaboration du projet de loi du gouvernement Harper en 2015, et lors de l'élaboration et de la rédaction du projet de loi du gouvernement Trudeau en 2017.
     Tout ce qui nous manque, c'est la volonté politique de prendre des décisions. Il faut rédiger un projet de loi et utiliser le temps des parlementaires pour recevoir des témoins et pour étudier, bonifier, modifier et, finalement, adopter ce projet de loi.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Blaney, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, je suis vraiment fascinée par ce que vous avez dit, à savoir qu'il devrait y avoir plus de parlementaires qui passent par le processus d'obtention de l'habilitation de sécurité et d'accès à l'information.
    Dans ce contexte, pensez-vous que les députés ont besoin d'une meilleure formation sur la sécurité nationale et la façon de protéger les intérêts du pays? Je pense que c'est un point intéressant, parce que cela implique un niveau de responsabilité plus élevé pour nous, en tant que parlementaires, si nous connaissons ces renseignements et si nous devons savoir comment les traiter. Avec un peu de chance, une telle démarche nous détournerait d'une réalité très partisane pour nous axer sur le bien du pays.
    Je me demande si vous pourriez parler de la formation dont les députés pourraient avoir besoin pour faire ce travail.
    Vous êtes 338 députés, et il y a aussi le Sénat, alors il faudrait déterminer le nombre de parlementaires ayant accès aux renseignements ainsi que le niveau de confidentialité des renseignements pouvant être transmis. Les partis peuvent s'entendre sur les paramètres à adopter et sur la portée de l'exercice.
    Bien sûr, il faudrait offrir de la formation. La responsabilisation s’accompagne d’une possibilité de sanctions. Je n'ai plus ces cotes de sécurité, mais elles étaient assorties d'une obligation de rendre des comptes, en ce sens que si j'avais divulgué des secrets que j'avais lus ou vus, j'aurais pu me retrouver en prison. J'aurais pu recevoir une amende. J'aurais pu perdre mon emploi. J'aurais pu perdre ma cote de sécurité.
    Dans la fonction publique, la perte de sa cote de sécurité revient à se faire congédier, parce qu'on ne peut plus faire son travail. C'est une question délicate. Quelles seraient les sanctions imposées à un parlementaire sans scrupules qui déciderait de provoquer une fuite? Ces incidents se produisent aux États-Unis et au Royaume-Uni, alors il y a beaucoup de travail à faire à cet égard. Or, le fait de limiter l'accès aux renseignements autant que nous le faisons maintenant ne fonctionne plus pour nous.

  (1300)  

    Voici la dernière question que j'aimerais vous poser: si vous avez un ou deux noms de personnes à recommander pour mener une enquête publique, nous serions ravis de les entendre. Sinon, quel critère serait essentiel, selon vous?
     C'est un véritable art de mener des enquêtes à bien. Pour réaliser le travail, il faut sans contredit posséder des compétences organisationnelles. Je crois que c'est une raison qui explique que les juges sont souvent vus d'un bon œil pour cette tâche: ils sont habitués à diriger des salles d'audience.
    Dans le cas qui nous occupe, je crois que quelqu'un qui ne s'y connaît pas en sécurité et en renseignement, et qui n'a pas d'expérience ou d'antécédents dans ce domaine, ne saurait peut-être pas quelles questions poser et quelles pistes explorer. C'est un des facteurs.
    Mon collègue voudra peut-être renchérir sur ce sujet. Voici ce qui pose problème, si vous optez pour des gens bien ancrés dans la communauté de la sécurité et du renseignement: ont-ils l'objectivité nécessaire par rapport aux institutions dans lesquelles ils ont évolué et pour lesquelles ils travaillent? Ce n'est pas une mince affaire que de trouver quelqu'un qui a suffisamment de connaissances et de distance pour faire un bon travail. C'est pourquoi j'aurais tendance à porter mon regard sur Canberra pour y trouver le conseiller en sécurité nationale du gouvernement australien. Je ne blague qu'à moitié. On trouve difficilement ces compétences chez une personne.
    Chaque enquête porte sur son propre sujet et a son propre objectif. Je me tourne vers l'Australie et le Royaume-Uni parce qu'ils sont aussi régis par le système de gouvernement britannique et que quiconque y travaille comprend bien la reddition de comptes des ministres et des premiers ministres. Les Américains, les Français ou les Allemands ont un appareil gouvernemental complètement différent.
    La sonnerie n'a pas retenti parce que la minuterie n'était pas allumée. Madame Blaney, vous êtes habituellement très bonne envers moi, à l'exception près de trois exemples que je vous rappelle constamment.
    Je vais demander à M. Mitrovica de formuler un commentaire puisque M. Wernick l'a invité à le faire.
    Vouliez-vous intervenir, monsieur Mitrovica?
    Je trouve ahurissant que l'ancien greffier du Conseil privé suggère que le Canada renonce à sa souveraineté et nomme un Australien ou un Britannique pour cette enquête publique dont on ne peut pas du tout se passer. Je suis stupéfait qu'il le suggère, même si c'est à la blague ou en étant à moitié sérieux. Ne nous étonnons pas qu'il n'occupe plus son poste.
    Je dois dire que la conversation a été réellement intéressante, à tout le moins pour moi, en tant que présidente du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
    J'ai envie de vous poser cette question, monsieur Wernick: votre suggestion que plus de personnes obtiennent la cote de sécurité — un sujet dont le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre est grandement saisi — implique‑t‑elle que les membres de notre comité devraient en faire la demande?
    Je ne sais pas exactement comment il faudrait procéder. Je crois que beaucoup de questions sur la législation et la production de rapports passent par le comité de la sécurité publique. Un comité au Sénat s'occupe de ce même portefeuille.
    Comme le dossier concerne les privilèges conférés à l'institution parlementaire, il me semble qu'il serait important d'inclure ce groupe dans les démarches, à tout le moins dans une certaine mesure.
    C'est très intéressant. Voilà qui nous donne de l'excellente matière à réflexion.
    Sur ce, je veux vous remercier, messieurs Wernick et Mitrovica, au nom des membres du comité de la procédure, d'avoir comparu à nouveau devant nous. Si d'autres éléments vous viennent à l'esprit, veuillez ne pas hésiter à les transmettre au greffier. Nous ferons traduire les documents dans les deux langues officielles.
    Nous réfléchissons à un système de points s'apparentant au programme Aéroplan, alors plus vous comparaissez devant nous... On vous décernera peut-être un certificat ou une médaille. Nous prenons bonne note que vous avez été généreux envers nous.
    Eh bien, je me suis plu à écouter les échanges d'aujourd'hui.
    Sur ce, je vous souhaite une agréable journée.
    Chers membres du Comité, nous tiendrons une autre réunion à 18 h 30. Deux autres groupes de témoins comprenant deux témoins chacun nous attendent. À ce soir.
    Portez-vous bien. Merci.
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