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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 mars 2022

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Français]

    Je vois que tous les députés sont présents. Je déclare donc la séance ouverte.
    Tout d'abord, j'aimerais offrir aux témoins toutes mes excuses. Nous commençons la réunion avec neuf minutes de retard en raison de la tenue d'un vote à la Chambre.
    Je vous souhaite la bienvenue à la quatorzième réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er mars 2022, le Comité se réunit pour étudier la question de l'informatique quantique.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté à la Chambre le jeudi 25 novembre 2021. Les députés peuvent participer par l'application Zoom ou en personne. Ceux et celles qui sont parmi nous en personne connaissent les règles sanitaires en vigueur. Je leur demande donc de se comporter en conséquence.
    Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Raymond Laflamme, professeur de physique, Chaire de recherche du Canada sur l'information quantique à l'Université de Waterloo.
    Nous recevons aussi M. Alireza Yazdi, président-directeur général de l'entreprise Anyon Systems, M. Philippe St-Jean, président-directeur général de l'entreprise Nord Quantique, ainsi que M. Rafal Janik, chef des produits chez Xanadu Quantum Technologies.
    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Laflamme, vous avez la parole pour à peu près six minutes.
    Je remercie les membres du Comité de s'intéresser au domaine de l'information quantique et des technologies connexes. Je les remercie également de m'avoir invité à dire quelques mots sur le sujet. Ce comité est vraiment important pour le gouvernement du Canada si ce dernier veut tirer profit de son succès initial dans le domaine.
    Vendredi, mes collègues Alexandre Blais, Norbert Lütkenhaus et Barry Sanders vous ont présenté une introduction à l'information quantique. Je ne répéterai donc pas ce qu'ils ont dit, car ils ont fait un excellent travail. Cependant, j'aimerais insister sur deux éléments qui ont été mentionnés vendredi et qui sont selon moi vraiment importants pour comprendre et situer l'information et les technologies quantiques au Canada.
    Premièrement, la discipline de l'information quantique est vaste. Elle concerne la façon dont se comporte l'univers dans lequel nous vivons à une échelle microscopique, la cryptographie quantique dans le contexte de la sécurité nationale ainsi que le développement de technologies pour l'extraction de richesses naturelles ou pour la résolution de problèmes liés au domaine de la santé, par exemple. L'expertise acquise en matière d'information quantique pourrait donc présenter un avantage économique en ce XXIe siècle.
    Deuxièmement, les initiatives liées à l'information quantique au Canada et ailleurs dans le monde se déroulent vraiment à la vitesse d'un marathon, non pas à celle d'un sprint. Même si la discipline est encore jeune, la course est déjà commencée.

[Traduction]

     L'informatique et la technologie quantiques offrent une occasion incroyable au Canada. Nous avons réussi à faire briller le Canada sur la scène internationale au cours des 20 dernières années, mais nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers. Feu Tom Brzustowski, l'ancien président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG, que j'ai rencontré au début des années 2000 et qui est devenu un de mes mentors, avait coutume de citer un technologue américain qui se plaisait à répéter que le Canada ne manquait jamais une occasion de manquer une occasion.
    J'espère que nous lui donnerons tort dans le domaine de l'informatique quantique, mais ce n'est qu'en déployant un effort d'équipe que nous y parviendrons. Bien entendu, cela inclut les acteurs du domaine, qu'il s'agisse du gouvernement, de l'industrie ou du milieu universitaire, mais aussi toutes les personnes ici présentes aujourd'hui.

[Français]

    Je vais maintenant vous parler un peu de moi. Je suis né à Québec. J'ai obtenu un baccalauréat à l'Université Laval, un doctorat à l'Université de Cambridge sous la direction de M. Stephen Hawking ainsi qu'une bourse de recherche postdoctorale Killam à l'Université de la Colombie‑Britannique. Je suis retourné à Cambridge pour deux ans avant de passer dix ans au Los Alamos National Laboratory, aux États‑Unis.
    En 2001, j'ai été recruté par MM. David Johnston et Mike Lazaridis pour bâtir l'Institute for Quantum Computing à Waterloo, avec l'appui des programmes de Chaires de recherche du Canada et de la Fondation canadienne pour l'innovation, ou FCI, et faire ainsi connaître le Canada dans ce domaine.

[Traduction]

    J'ai dirigé l'institut jusqu'en 2017, soit pendant 15 ans, avec pour objectif d'en faire un institut multidisciplinaire pour repousser les limites de la science et mettre au point des technologies à l'avenant.
    L'institut voulait devenir un chef de file mondial dans la recherche en informatique quantique, en commençant à former une main-d'œuvre qui comprend les technologies quantiques et peut les faire progresser, et transmettant l'information sur la science et l'ingénierie à un large auditoire. L'institut, l'IQC dans sa forme abrégée, constitue un des piliers de l'écosystème de la vallée quantique qui s'établit depuis 20 ans.
    Parmi les autres organisations partenaires figurent l'Institut Perimeter, la Quantum-Nano Fabrication Facility, le programme de technologies quantiques conformationnelles du premier Fonds d'excellence en recherche du Canada, le Laboratoire d'idées, qui conçoit les prototypes de technologies quantiques émergentes, et enfin, Quantum Valley Investments, qui a contribué à commercialiser le fonds et les jeunes pousses issues de la recherche.
    Je pense que l'édification d'écosystèmes est importante pour soutenir le passage des idées quantiques aux technologies quantiques avec un effet sociétal. Ce parcours comporte de nombreux maillons, et la moindre rupture peut nuire à l'atteinte de l'objectif. Comme vous l'avez entendu vendredi, le concept d'écosystèmes quantiques a également été adopté par Sherbrooke et Calgary, et des indices portent à croire que Vancouver établira bientôt le sien. Je considère que la stratégie nationale jouera un rôle important en favorisant l'émergence et le développement de ces écosystèmes.
    J'ai également été directeur du Programme Informatique quantique de l'Institut canadien des recherches avancées, ou ICRA, pendant 15 ans, avec pour objectif d'étudier les aspects fondamentaux de l'informatique quantique. Ce programme a permis de réunir deux douzaines des meilleurs chercheurs en informatique quantique du Canada et du monde entier. Toujours en cours, ce programme connaît la réussite sous la houlette d'Aephraim Steinberg.
    En 2006, le milieu des sciences quantiques a également formé un réseau appelé plateforme d'innovation en nanotechnologie du CRSNG. L'industrie, le gouvernement et des chercheurs du milieu universitaire ont participé au programme Quantum Works, qui peut être considéré comme le grand-parent de la stratégie nationale actuelle.
    Je voudrais clore mon propos en précisant ce sur quoi la Stratégie quantique nationale devrait se concentrer. Il faut d'abord atténuer les risques relatifs aux technologies quantiques ou contribuer à les atténuer; se montrer stratégique et faire des choix, puisque les occasions abondent, mais les ressources sont, comme d'habitude, limitées; et décloisonner l'environnement pour établir un véritable écosystème quantique, comme nous l'avons entendu vendredi. Il faut trouver d'autres manières de faciliter l'interaction entre l'industrie, le gouvernement et le milieu universitaire.
    Ces interactions sont déjà nombreuses. En fait, mes collègues du milieu des sciences quantiques ici présents en ont. 1QBit collabore avec Sherbrooke et Waterloo, Anyon Systems utilise les laboratoires de Waterloo et Xanadu a engagé de nombreux diplômés de Waterloo au sein de son conseil scientifique. Or, bon nombre de ces interactions sont ponctuelles, et il faut les solidifier pour accroître les chances du Canada de marquer de nombreux points dans le domaine quantique.
    Il faut également construire des infrastructures et les garder à jour pour mettre au point des technologies quantiques, comme l'installation de fabrication dont il a été question à Waterloo, mais aussi celles à Sherbrooke et à Vancouver. Il faut être informé et combler les lacunes des programmes de financement actuels. Il doit y avoir de nombreuses interactions entre la stratégie nationale et le milieu des sciences quantiques.
    Enfin, il faut développer le talent, notamment celui des dirigeants pour qu'ils connaissent le domaine, et ce, tant dans le milieu des sciences quantiques proprement dit qu'au gouvernement.

  (1545)  

    J'ai été étonné, à mon retour des États-Unis, de voir que les gestionnaires de programmes semblaient avoir une attitude beaucoup plus détachée que celle que j'avais observée aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
    Je voudrais terminer en disant que l'informatique et la technologie quantiques offrent une occasion incroyable au Canada, une occasion qu'il faut exploiter.
    Je vous remercie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, monsieur Laflamme. C'est un honneur de vous recevoir au Comité. Votre parcours est franchement impressionnant.
    Monsieur Yazdi, vous avez maintenant la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président et distingués membres du Comité.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    Je m'appelle Alireza Yazdi. Je suis le fondateur et le président-directeur général d'Anyon Systems. Je suis un immigrant de première génération, un scientifique et un entrepreneur.

[Traduction]

     Je suis titulaire d'un doctorat en génie de l'Université McGill; je suis donc ingénieur de formation et non physicien, avec tout le respect que je dois aux autres physiciens ici présents. Je possède plus de 15 ans d'expérience en calcul de haute performance, et mon occupation des 7 dernières années a consisté presque exclusivement à concevoir un ordinateur quantique.
    En dehors de mon travail et de mes activités techniques, j'étudie également l'histoire et la géopolitique. Compte tenu de mon emploi, je m'intéresse particulièrement aux tendances relatives aux technologies perturbatrices qui ont des ramifications géopolitiques.
    Avant de vous présenter officiellement Anyon Systems et vous expliquer ce que nous faisons, je prendrai quelques instants pour vous fournir des informations de base et du contexte en vue de la discussion à venir.
    Dans l'industrie des technologies, un dicton veut que « les données soient le nouvel or ». Des entreprises comme Google et Facebook se font concurrence pour exploiter cet or, dépensant des ressources substantielles pour recueillir, indexer et entreposer des données, mais c'est une fois traitées et analysées que ces données deviennent réellement précieuses. Comme vous le savez, le volume de données croît de manière exponentielle à l'échelle mondiale, les besoins en puissance de calcul augmentant à l'avenant. Je n'emploie pas l'expression « puissance de calcul » à la légère et je ne l'utilise pas dans un simple contexte technique. Quand je parle de « puissance de calcul », je fais référence à la capacité de traiter des données, de mettre au point de nouvelles technologies, de prendre de meilleures décisions et de devancer la concurrence. Il s'agit d'une puissance de nature stratégique.
    En raison du volume de données et de la valeur stratégique de la puissance de calcul dont j'ai parlé, il existe un besoin criant en nouvelles technologies, et particulièrement en nouveaux genres d'équipement qui peuvent améliorer notre capacité de traiter des données, d'explorer la nature, d'inventer de nouvelles technologies et d'assurer la sécurité de notre pays. L'informatique quantique figure parmi les technologies candidates qui promettent une puissance de calcul considérable, mais seulement pour une certaine catégorie de problèmes. Sachez que les ordinateurs quantiques ne peuvent pas nécessairement résoudre tous les problèmes ou accélérer toutes les applications.
    Permettez-moi d'être plus clair. Un ordinateur quantique ne fonctionne pas en autonomie. Il a un effet d'accélération matérielle. Son travail consiste à accélérer la réalisation de calculs pour une catégorie de problèmes qui semblent très précieux.
    Maintenant que je vous ai mis en contexte, permettez-moi de vous parler de notre entreprise. Anyon Systems a été fondée en 2014, alors même que Google et IBM entreprenaient leurs efforts en informatique quantique. En fait, même si elle n'a que huit ans, elle est l'une des plus anciennes entreprises d'informatique quantique du monde. Nous avons pour mission de mettre au point et de commercialiser des ordinateurs quantiques universels à base logique.
    Au cours des huit dernières années, Anyon a développé toute une gamme verticale d'ordinateurs quantiques supraconducteurs. En fait, à ce que je sache, notre entreprise est la seule au monde à fabriquer en ses murs toutes les composantes principales d'un ordinateur quantique supraconducteur, notamment le processeur quantique supraconducteur lui-même, les systèmes cryogéniques, qui atteignent des températures à peine quelques millikelvins au‑dessus du zéro absolu, des contrôles électroniques et l'éventail de logiciels nécessaire pour utiliser la machine.
    Comme nous avons développé une expertise très pointue, nous pouvons être en grande partie indépendants des fournisseurs étrangers et permettre au Canada de disposer de capacités autochtones et nationales. Nos systèmes d'informatique quantique sont presque entièrement fabriqués et assemblés à Montréal et à Waterloo. Forts de précieux partenariats avec des acteurs clés du gouvernement et du milieu universitaire, nous nous efforçons de contribuer à l'établissement d'écosystèmes en permettant aux chercheurs canadiens d'avoir accès à du matériel.
    En 2020, nous avons obtenu un contrat dans le cadre du programme d'innovation Construire au Canada afin de fournir un ordinateur quantique qui serait mis à l'essai par Recherche et développement pour la défense Canada, ou RDDR. Malgré les difficultés que posait la pandémie de COVID‑19, j'ai le plaisir de vous informer que cette machine a été produite et est entrée en fonction en 2021. Nous sommes fiers d'annoncer qu'il s'agit du premier ordinateur quantique fondé sur des portes logiques du Canada. Ses principaux paramètres de rendement surpassent ceux des acteurs les plus proéminents de l'industrie, n'étant dépassés que par ceux de Google dans bien des cas.
    L'automne dernier, j'ai également eu le plaisir de présenter une série d'exposés aux talentueux chercheurs de RDDR et d'autres organismes gouvernementaux. Cette série d'exposés avait pour objectif d'aider les chercheurs du gouvernement à adopter l'informatique quantique et à entreprendre d'excellentes recherches dans le domaine.
    Dernièrement, nous avons reçu une deuxième commande pour livrer une machine à la fine pointe de la technologie à l'un des plus grands centres de calcul de haute performance du Canada. Cette machine permettra aux chercheurs canadiens du milieu universitaire et de l'industrie d'avoir un accès accéléré à une technologie très recherchée qui leur permettra de concevoir de nouveaux algorithmes et de réaliser des recherches de pointe.
    Même si nous concevons actuellement des machines de taille petite à moyenne destinées aux adopteurs pionniers, Anyon veut en arriver à fournir ce qu'on appelle un ordinateur quantique à l'échelle commerciale, c'est‑à‑dire un ordinateur quantique dont la capacité de calcul est supérieure au coût.
    Notre équipe a élaboré une feuille de route technologique détaillée à cette fin, et nous inventons de nouvelles technologies pour atteindre nos objectifs.
    Je m'en voudrais si, avant de conclure mon exposé, je ne remerciais pas le Conseil national de recherches du Canada du généreux soutien qu'il nous a gracieusement accordé au cours des dernières années, particulièrement au titre du Programme d'aide à la recherche industrielle; l'Institut de l'informatique quantique de l'Université de Waterloo, notamment la direction et le personnel de l'installation de nanofabrication; et le ministère de l'Économie et de l'Innovation du Québec.
    Je vous remercie une fois de plus de votre invitation. Je suis impatient de discuter avec vous.

  (1550)  

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Yazdi.
    J'accorderai maintenant la parole à M. St‑Jean pour six minutes.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de discuter avec eux aujourd'hui.
    Je m'appelle Philippe St‑Jean et je suis président-directeur général et cofondateur de Nord Quantique, une entreprise qui conçoit et fabrique un ordinateur quantique tolérant aux erreurs. Nous sommes issus du centre d'excellence en quantique de l'Université de Sherbrooke, soit l'Institut quantique. Celui-ci est dirigé par le professeur Alexandre Blais, qui a comparu devant ce comité la semaine dernière.
    Plusieurs des témoins qui ont présenté leur point de vue devant ce comité ont déjà bien expliqué quel était l'intérêt pour le Canada de promouvoir le développement de son expertise en informatique quantique. Je vais donc concentrer mes efforts sur les aspects qui touchent plus particulièrement le développement de ces ordinateurs au sein des entreprises canadiennes déjà engagées dans cette voie.
    On l'a déjà dit, le Canada peut être fier de la qualité de la recherche universitaire en informatique quantique qui se fait dans nos centres d'excellence. Le défi, maintenant, c'est d'assurer que cette expertise se traduira aussi en un succès industriel et commercial, et d'établir ainsi ce qui devrait être la feuille de route du gouvernement fédéral en ce sens.
    Nos besoins se déclinent en deux points.
    Il faut évidemment avoir accès aux fonds nécessaires pour développer cette technologie, d'autant plus que nous sommes en concurrence avec des programmes ambitieux mis en avant par d'autres gouvernements ailleurs dans le monde.
    Ce qui est plus important encore, c'est que notre succès futur dépendra du soutien des écosystèmes entourant les centres d'excellence en technologie quantique dont nous émergeons. L'accès en location à des infrastructures et à des laboratoires de pointe, à l'équipement spécialisé qui s'y trouve, aux experts qui y travaillent et à leurs connaissances, ainsi qu'aux jeunes talents qui s'y développent et qui grossissent nos rangs est la clé du succès. Pour nous, c'est cela, l'approche canadienne. Cette collaboration nous a permis jusqu'ici de demeurer concurrentiels malgré les sommes considérables investies par le secteur privé chez nos concurrents internationaux.
    L'apport crucial de ces centres d'excellence a d'ailleurs été brillamment décrit et souligné par le professeur Laflamme lors d'une conférence récente organisée par NanoCanada, Quantum Days. J'invite d'ailleurs les membres du Comité à aller voir ou revoir cette présentation.
    Regardons les choses en face en ce qui a trait au secteur quantique commercial canadien. Nous avons tous devant nous un chemin difficile. Toutes les entreprises qui conçoivent des ordinateurs quantiques doivent affronter une traversée du désert pendant laquelle elles doivent développer cette technologie sans pouvoir soutenir cet effort avec des revenus à court terme suffisants. Il est donc critique que le gouvernement agisse et nous aide, soit directement comme premier utilisateur des ordinateurs prototypes que nous développons, ou comme intermédiaire en en facilitant l'accès à la communauté de premiers utilisateurs et de scientifiques au Canada.
    Il est aussi important que cette aide soit efficace et agile. Les contraintes liées aux programmes existants peuvent malheureusement créer parfois des délais trop longs.
    Le risque, par exemple, c'est que, pendant le temps écoulé entre le dépôt d'un bon projet, son évaluation, son approbation et l'accès aux fonds, le projet lui-même peut avoir perdu de sa pertinence, car les choses avancent très vite dans ce secteur.
    L'échelle à laquelle ces projets sont financés doit être comparable à celle dont bénéficient nos concurrents internationaux dans leurs pays respectifs.
    Finalement, il faut aussi aider à changer la mentalité des investisseurs privés canadiens pour qu'ils comprennent qu'ils ont tout à gagner à verser une portion de leurs investissements dans des technologies révolutionnaires à plus long terme. C'est comme cela qu'il faut réfléchir.
    J'aimerais conclure sur une note d'optimisme. La semaine dernière, le professeur Alexandre Blais soulignait devant ce comité l'importance de gérer les attentes, en soulignant que nous ne pouvions pas tout faire au Canada et qu'il fallait donc concentrer nos efforts intelligemment. Pour nous, cela signifie qu'il est important de soutenir nos centres d'excellence, mais surtout de favoriser le développement d'écosystèmes autour de ces centres qui, en retour, constituent un terreau fertile pour les entreprises canadiennes en émergence dans le secteur quantique.
    Je tiens à souligner une chose importante. Cette gestion des attentes ne signifie pas que le Canada est limité à un rôle de second plan ou à un rôle auxiliaire dans le développement des premiers ordinateurs quantiques commerciaux tolérants aux erreurs. Le Canada est véritablement engagé dans cette course et il se trouve en très bonne position. La situation actuelle et l'état d'avancement nous permettent de dire avec assurance que les premiers ordinateurs quantiques commercialement viables naîtront dans deux pays, soit le Canada et les États‑Unis. Pour que ce scénario se réalise, il faut agir maintenant en soutenant cette transition de la recherche scientifique vers le développement industriel et commercial de cette technologie.

  (1555)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur St‑Jean.
    Monsieur Janik, vous avez maintenant la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voudrais remercier le Comité de m'avoir invité à témoigner et de m'offrir l'occasion de traiter d'un sujet très important, c'est‑à‑dire la manière dont nous pouvons conserver dans l'avenir la position de tête stratégique que nous occupons au Canada dans le domaine des technologies quantiques.
    Moi et mes collègues, dont un bon nombre ont déjà comparu devant le Comité, avons déjà fait remarquer que nous bénéficions depuis près de 25 ans d'un soutien et d'un financement réellement extraordinaires dans le domaine des sciences et de l'informatique quantiques, et maintenant, même dans celui de la commercialisation des technologies quantiques. L'objectif final consiste de fait à concevoir un ordinateur quantique à grande échelle. Quelques noms ont été attribués à cet ordinateur quantique viable du point de vue économique, mais il s'agit en fait d'un ordinateur quantique ayant des millions de qubits physiques, une technologie qui peut résoudre les problèmes les plus complexes du monde. C'est l'objectif d'un grand nombre de personnes que vous avez peut-être déjà entendues.
    C'est sur cette voie qu'avance Xanadu, avec pour mission de concevoir des ordinateurs quantiques universels tolérants aux défaillances. Notre entreprise, en activité depuis maintenant six ans, est sise au cœur de Toronto et compte plus de 120 employés qui œuvrent à l'accomplissement de cette mission. La majorité d'entre nous travaillent à la conception de matériel photonique fondamental pour construire cet ordinateur quantique, mais aussi à la gamme de logiciels, qui est très importante pour assurer l'adoption pleine et entière de cette technologie lorsqu'elle sera viable.
    À ce jour, nous avons mis en fonction sept ordinateurs quantiques uniques dans 15 générations d'unités de traitement quantique différentes. Nous avons effectué 15 cycles de fabrication avec des partenaires des quatre coins du monde, le tout réalisé directement dans notre installation de Toronto, qui est l'installation de nanophotonique la plus avancée du monde.
    Tous les six mois environ, nous doublons le nombre de qubits, augmentant de manière exponentielle la puissance de calcul d'un ordinateur quantique. Il importe cependant de souligner que ces ordinateurs quantiques sont encore loin d'offrir une véritable valeur économique. Nous considérons que la plateforme photonique bénéficie d'une occasion unique d'offrir cette valeur par rapport à d'autres approches, mais cela reste à voir et nous ne pensons pas qu'une seule technologie remportera la mise.
    Si la photonique offre une occasion unique pour les technologies quantiques, c'est parce qu'elle est déjà bien comprise dans les domaines des télécommunications et de la communication de données. Les puces que nous concevons sont faciles à fabriquer à l'échelle. Or, c'est une des composantes nécessaires à la fabrication d'un ordinateur quantique tolérant aux défaillances à grande échelle.
    Cette technologie fonctionne aussi à température ambiante. Quatre-vingt-dix pour cent de nos systèmes actuels fonctionnent à 20°C; il est donc possible de reproduire et de concevoir bien plus rapidement et pour beaucoup moins cher. Cette caractéristique n'est pas propre à nous, mais avec mes collègues de Nord Quantique, je constate que les différentes architectures offrent des occasions uniques de résoudre certains des plus gros problèmes en corrigeant des erreurs et en faisant en sorte que les ordinateurs quantiques soient tolérants aux défaillances.
    Avec tout cela mis ensemble, je ferai peut-être remarquer au Comité qu'on peut adopter de nombreuses approches pour concevoir un ordinateur quantique, chacune venant avec ses avantages et ses inconvénients. Sachez en outre que nous disposons d'une des meilleures plateformes logicielles chez PennyLane. Il s'agit d'un outil d'informatique quantique de source ouverte d'usage général qui arrive coude à coude avec les systèmes d'IBM, de Qiskit et de Google, avec l'interface simple pour informatique reconfigurable.
    Nous procédons de manière légèrement différente, optant pour une approche de source ouverte entièrement communautaire. Nous avons non seulement des partenaires commerciaux qui conçoivent cet outil avec nous, mais également des partenaires dans des universités du Canada et du monde entier. Depuis cette année, cela fait également partie des travaux de cours fondamentaux dans quelques universités. Nous collaborons avec le Quantum Algorithms Institute, en Colombie-Britannique, pour qu'il puisse offrir plus de formation et de ressources à la main-d'œuvre pendant que nous continuons de concevoir notre ordinateur.
    Il y a une dernière chose que je voudrais dire au sujet de notre approche de base en matière d'ordinateur quantique. Puisqu'elle fait fond sur la photonique, elle offre aussi des occasions uniques au chapitre de la détection et de la communication quantiques. Nous disposons aujourd'hui d'un réseau de bancs d'essai déployé pour la communication quantique et la distribution quantique de clés ici même, dans notre laboratoire de Toronto. Nous mettons aussi au point des solutions de détection quantique pour le Conseil national de recherche dans le cadre du projet Solutions innovatrices Canada.
    Sur ce, je voudrais remercier de nouveau le Comité. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.

  (1600)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Janik.
    Nous passons maintenant au premier tour de questions.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, chers collègues.
    Je remercie tous les témoins de leur participation à cette discussion. Il est très impressionnant de voir autant de talents témoigner devant le Comité. C'est un privilège pour nous, comme parlementaires, et c'est un cadeau pour tous les Canadiens.
    J'ai quelques questions à aborder, soit les choix, les laboratoires et le financement. Je parlerai tout de suite des choix à faire.
    Docteur Laflamme, d'abord, je tiens à vous saluer comme citoyen originaire de Québec. C'est toujours agréable de recevoir des collègues qui viennent du même coin de pays. Vous avez mentionné tout à l'heure que le Canada devait faire des choix et qu'il était impossible de tout faire.
    Selon vous, quels secteurs devons-nous privilégier dans l'immédiat?
     Selon moi, parmi les différents choix que peut faire le Canada, c'est la stimulation des écosystèmes quantiques au pays qui devrait être privilégiée.
    Il y a différentes façons de donner des fonds à des organisations, mais il faut le faire selon une approche holistique. Il faut s'assurer de couvrir tous les maillons, de la science fondamentale jusqu'à la commercialisation. Il faut qu'un groupe de personnes s'assure que tous les maillons sont bien liés les uns aux autres et qu'aucun n'est brisé.
    Je pense que c'est un choix naturel, puisque des écosystèmes émergent déjà dans plusieurs régions du Canada. Toutes les entreprises canadiennes qui se tournent vers l'information quantique peuvent bénéficier de ces écosystèmes.

  (1605)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Laflamme.
    Je vais maintenant poser la même question à M. St‑Jean.
    Monsieur St‑Jean, vous avez dit avoir déjà ciblé certains secteurs plus porteurs que d'autres.
    Le Canada ne peut pas tout faire, mais, selon votre expérience, quels sont les choix essentiels que le Canada doit faire pour pouvoir tirer son épingle du jeu dans le monde?
    Les entreprises émergentes qui se consacrent à l'informatique quantique et qui essaient de concevoir et de fabriquer un ordinateur quantique ont besoin de moyens financiers, mais également du soutien d'un écosystème. Il faut comprendre que ce n'est pas simple, fabriquer un ordinateur quantique. La tâche est très difficile pour ces entreprises.
    Cela contraste avec ce que l'on voit dans d'autres secteurs, comme l'intelligence artificielle, ou avec le modèle de logiciel en tant que service, ou SaaS. On peut imaginer plusieurs entreprises émergentes dans ces domaines commencer leurs activités dans un garage. Or, la même chose n'est pas du tout envisageable en informatique quantique.
    Il faut avoir accès à ces expertises. Il ne fait aucun doute que nous bénéficions de notre positionnement stratégique dans l'écosystème de Sherbrooke. Nous avons besoin de l'expertise de l'Institut quantique de l'Université de Sherbrooke.
    Nous envisageons trois pôles. À l'heure actuelle, nous menons des activités à l'Institut quantique de l'Université de Sherbrooke. La fabrication de nos processeurs se fait à l'Institut interdisciplinaire d'innovation technologique, qui fait du prototypage en microélectronique. Cet institut, qui n'est pas très loin d'ici, est rattaché à l'Université de Sherbrooke. Nous pensons aussi utiliser éventuellement les installations qui se trouvent au Centre de collaboration MiQro Innovation, ou C2MI, à Bromont, qui fournit des outils de prototypage, mais de nature industrielle. Cela nous permettrait d'avoir des outils de qualité industrielle.
    Ces accès sont essentiels pour nous. C'est de cette façon que nous fonctionnons actuellement et cela nous permet d'avancer. Il est évident que nous ne pourrions pas financer ces infrastructures nous-mêmes. Nous sommes heureux de pouvoir louer cet équipement et de contribuer à cette communauté par notre expertise. Si nous n'avions pas tout cet écosystème qui nous soutient, je ne vois pas comment nous pourrions y arriver.
    J'aime bien votre allusion au garage. Tout le monde connaît l'histoire très romantique d'Apple, une entreprise qui est née dans un garage à Silicon Valley. C'est à cet endroit que le premier ordinateur Apple a été fabriqué. Vous me dites que c'est la même chose pour Amazon. Je vais devoir élargir mes connaissances. Il va falloir que nous nous achetions tous un garage pour créer quelque chose. Quoi qu'il en soit, on comprend qu'il faut de l'équipement.
    Monsieur Yazdi, votre entreprise est parmi les plus anciennes, si je peux m'exprimer ainsi. Quel équipement faut-il avoir dans ce domaine?
    Vous le savez mieux que moi, l'équipement d'aujourd'hui sera dépassé dans deux ans. Quels sont les investissements que vous devez faire, et de quel financement avez-vous besoin pour vous procurer l'équipement nécessaire à la conduite de recherches dans votre entreprise privée?

[Traduction]

     La question est-elle pour moi?
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Yazdi. Puisque votre entreprise est établie depuis de nombreuses années, je me demande de quel genre d'équipement vous avez eu besoin. De quel matériel avez-vous eu besoin pour faire progresser votre entreprise? Combien avez-vous dû investir? Quel genre de rôle le secteur privé pourrait‑il jouer dans votre entreprise?

  (1610)  

    Je pense que toutes les entreprises du Canada auraient besoin d'avoir accès à la capacité de fabrication, particulièrement si elles veulent se lancer dans le domaine de l'informatique quantique. Je me souviens de la question que M. Dong a posée vendredi à propos des semi-conducteurs. C'est un excellent exemple du genre de capacités dont nous devons disposer au Canada. Malheureusement, après la chute de Nortel, nous l'avons perdue. Nous devons rétablir ce genre de capacité, pas seulement pour les semi-conducteurs, mais aussi pour les technologies quantiques. Nous pourrions être des chefs de file mondiaux à ce chapitre, puisque nous disposons déjà de l'infrastructure, en ceci que nous avons le talent.
    Je dois également souligner que les générations qui travaillaient chez Nortel, fortes de nombreuses années d'expérience en contexte industriel, approchent de la retraite. Comme cela s'est produit il y a quelques années, nous devons absolument tirer parti de cette expérience. Avant que ces générations ne partent à la retraite, nous voulons qu'elles viennent nous aider à construire une installation de nanofabrication industrielle de calibre mondial pour les technologies quantiques, et les semi-conducteurs si le budget le permet et que cela s'inscrit dans les travaux. C'est sur ce point que je mettrais beaucoup l'accent, et l'aide du gouvernement serait la bienvenue à cet égard.
    Je vous remercie, monsieur Yazdi et M. Deltell.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Gaheer pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également les témoins de prendre le temps de comparaître devant le Comité. Ma première question d'adresse à M. Laflamme.
    Monsieur Laflamme, que faut‑il faire pour former et attirer des chercheurs universitaires au Canada? Comment les garder au pays? J'observe une concurrence féroce de la part des grandes universités américaines, britanniques et australiennes. Que peut‑on faire alors?
    Merci. C'est une question excellente et importante.
    Je vais vous donner la réponse sur la façon dont j'ai recruté des gens pour l'Institut de l'informatique quantique. Vous devez avoir une vision de ce que vous voulez faire, pour que les gens que vous essayez d'attirer sachent qu'ils ne vont pas travailler à un endroit où ils sont livrés à eux-mêmes, à faire leur partie du travail en vase clos. Ils doivent savoir qu'ils seront soutenus par des collègues, des étudiants et des boursiers postdoctoraux qui pourront les aider à atteindre les objectifs qu'ils souhaitent réaliser.
    Vous avez également besoin de ressources pour y parvenir, alors si vous engagez un théoricien, c'est relativement facile sans trop de ressources, mais comme vous l'avez entendu dans les propos de M. Yazdi au sujet de la construction d'une installation de fabrication, ce n'est pas bon marché. Heureusement, le Canada a joué un rôle de premier plan et a contribué à la mise en place d'installations de fabrication destinées à la recherche. M. Yazdi aurait peut-être pu parler de la différence entre une installation de fabrication destinée à la recherche et une installation de fabrication destinée à la production.
    Pour les installations à des fins de recherche, on n'a pas besoin d'avoir un rendement extrêmement élevé. On veut simplement avoir de temps à autre des dispositifs qui offrent les bonnes propriétés. En revanche, si on veut commercialiser et vendre ces produits, le rendement doit être très élevé, et c'est une autre paire de manches. Aujourd'hui, pour 50 à 100 millions de dollars, on peut avoir une installation de recherche. Si on veut avoir une installation de fabrication pour la commercialisation, on parle de centaines de millions, voire des milliards de dollars — à tout le moins, si l'on regarde les installations de fabrication de type Intel, dont le coût dépend de l'objectif.
    Si on veut attirer des gens, il faut disposer des ressources nécessaires. Une vision, une communauté et des ressources sont donc les trois éléments les plus importants à avoir. J'en ajouterai un autre, qui consiste à sortir des sentiers battus. Ce que j'entends par là, c'est qu'aujourd'hui, dans le monde dans lequel nous vivons, généralement, lorsqu'on embauche une personne, elle a un partenaire qui est aussi intelligent qu'elle, alors on doit l'aider à trouver un emploi et à faire diverses choses ou à établir sa famille quelque part. C'est là où les membres du Comité, comme vous, peuvent aider. Autrement dit, si on attire quelqu'un de l'extérieur du pays, il a besoin d'un visa, de soutien et d'une certaine certitude qu'il pourra réussir dans ce qu'il fait.
    Dans le passé, j'ai parlé à mon député local et je lui ai demandé de m'aider à recruter des gens pour venir au Canada. Je peux vous dire qu'il y a 20 ans, le domaine était beaucoup plus facile et beaucoup moins compétitif. Ce n'était que le début, mais aujourd'hui, le secteur est incroyablement compétitif. Je regarde mes trois collègues ici, et ils savent ce que je veux dire lorsque vous essayez d'attirer une personne de talent pour venir rejoindre votre équipe. On ne réussit pas à tous les coups, et c'est normal lorsque la concurrence est forte, mais si on le fait et qu'on le fait en équipe, je pense qu'on peut réussir.

  (1615)  

    C'est formidable. Merci de votre réponse. Je peux voir très clairement pourquoi la politique d'immigration doit permettre d'attirer et de retenir les talents universitaires.
    Ma deuxième question s'adresse également à vous. Quel est l'avantage de la coopération internationale en matière de recherche, et comment peut‑on concilier les préoccupations en matière de sécurité et de protection de la propriété intellectuelle avec cet avantage?
    C'est encore une fois une excellente question à laquelle il est difficile de répondre.
    En ce qui concerne la première partie — la raison pour laquelle nous devons avoir une collaboration internationale —, c'est que nous avons des gens très intelligents au Canada, mais nous ne représentons qu'une petite proportion de la population du reste du monde, et il y a des gens très intelligents dans le monde entier. Nous pouvons tirer parti de leurs connaissances. En ajoutant la collaboration, généralement dans le secteur de la recherche, c'est très utile.
    Quand on commence la commercialisation, les choses deviennent un peu plus complexes, parce qu'on peut alors avoir à la fois des questions de sécurité nationale et de protection de la propriété intellectuelle. Nous savons que dans le monde entier, différents pays ne ménagent pas leurs efforts pour chercher à savoir ce que nous faisons ici au Canada, et nous devons donc nous assurer d'être vigilants.
    C'est une autre chose que j'ai apprise en travaillant au Canada. En fait, lorsque je travaillais dans un laboratoire national aux États-Unis, les préoccupations en matière de sécurité étaient certainement très importantes. Lorsque je suis arrivé ici au Canada en 2000, il y en avait très peu, même si j'aimerais remercier les gens du SCRS et du CSTC de leur aide afin de s'assurer que ce que nous faisons au Canada est adéquatement protégé.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Lemire, pour six minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour la contribution importante qu'il apportent à notre étude. Je dois bien dire que cela me sort de ma zone de confort depuis quelques semaines, mais il est rassurant d'entendre leur témoignage.
    Monsieur Laflamme, j'ai été surpris de vous entendre dire que nous étions, en ce moment, dans un marathon. J'avais plutôt l'impression que c'était une course assez folle et que, justement, il fallait arriver les premiers. Dans le cas d'un marathon, on pense à quelque chose qui dure longtemps, et au cours duquel il faut économiser ses énergies en prévision de moments où l'on devra fournir plus d'efforts.
    Pouvez-vous m'en dire davantage sur votre vision de la stratégie que devrait adopter le gouvernement canadien?
    L'idée d'utiliser les propriétés du monde quantique pour développer des technologies ne date pas d'hier. Les premières idées ont été lancées dans les années 1970. Il y a vraiment eu un tournant aux alentours des années 1980 et vers 1994, quand un chercheur américain a réalisé qu'il était possible de factoriser des nombres qui sont le produit de deux nombres premiers. C'est ce que l'on appelle « algorithme de Shor ».
    Cet algorithme semble très abstrait, mais c'est ce qui sous-tend toute la cryptographie utilisée aujourd'hui.
    L'idée de bâtir un ordinateur quantique date d'environ 25 à 30 ans. C'est pourquoi je parle de marathon, et non de sprint. Toutefois, au cours des cinq dernières années, l'industrie a vraiment sauté à pieds joints dans le projet et elle a déployé, dans plusieurs pays, des efforts pour traduire l'information quantique en dispositifs.
    La stratégie est donc associée à un marathon.
    Je ne peux pas vous dire à quel moment l'on pourra produire des ordinateurs quantiques qui seront capables de faire des choses qui se révéleront intéressantes pour vous et vos collègues autour de la table. Mes collègues représentant des entreprises pourraient peut-être faire une prédiction plus précise que la mienne, mais je serais surpris que cela se réalise en moins de 10 ans. C'est un travail de longue haleine.
    Je leur poserai des questions à ce sujet.
    Monsieur Laflamme, vous avez également mentionné dans votre allocution que l'accompagnement au Canada était différent de celui pratiqué aux États‑Unis.
    Parlez-vous d'un accompagnement par des programmes gouvernementaux précis et d'occasions d'investissements englobant les écosystèmes de recherche?
    Vous avez également mentionné qu'il y avait des lacunes à combler. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce propos?
    Quelles sont ces lacunes en matière d'accompagnement pour nos entreprises et nos centres de recherche?

  (1620)  

    Je vous remercie de la question, qui est excellente.
    Aux États‑Unis et au Royaume‑Uni, on utilise un programme créé par la Defense Advanced Research Projects Agency, ou DARPA.
    Ce programme permet la collaboration entre chercheurs et entreprises, qui peuvent soumissionner ensemble ou séparément à divers projets, souvent avec la contribution du gouvernement, pour obtenir des fonds. Il est plus difficile de fonctionner de cette façon au Canada. Nous avons ici des programmes qui sont vraiment limités sous cet aspect, mais nous pourrions envisager d'améliorer cela.
    J'ai entendu dire que la lettre de mandat du ministre Champagne lancerait l'idée d'adopter le modèle de la DARPA suivant une approche distinctement canadienne dans les années à venir. Je serais en faveur d'un tel projet.
    On entend souvent dire que les entreprises, dans divers domaines, travaillent en vase clos.
    J'aimerais avoir vos commentaires quant à l'industrie quantique et à la façon dont on peut favoriser de meilleurs échanges et une meilleure collaboration entre l'industrie et le milieu de la recherche. Le gouvernement a souvent tendance à miser sur le bon cheval plutôt que de cibler plusieurs éléments, notamment dans l'industrie quantique, pour ensuite voir lequel va se démarquer. Votre allusion à un marathon s'applique peut-être encore une fois dans ce cas.
    Comment voyez-vous la croissance de l'industrie quantique?
     Jusqu'à il y a sept ou huit ans, très peu de Canadiens s'orientaient vers l'industrie quantique. Au cours des cinq ou sept dernières années, on a constaté un changement radical, et l'industrie est en expansion, ce qui est un bon signe. La question que je me pose et pour laquelle je n'ai pas de réponse — cela prendra un effort d'équipe —, c'est de quelle façon peut-on donner à toutes ces entreprises en démarrage les moyens nécessaires pour croître et devenir des entreprises au plein sens du terme? C'est là que la Stratégie quantique nationale doit intervenir.
    Ce champ d'expertise est encore jeune et on peut expérimenter plusieurs choses. Il n'est pas garanti que l'on trouvera la meilleure approche du premier coup, mais, même si l'on fait des erreurs de parcours, le fait de les reconnaître nous amènera à corriger le tir et à progresser. C'est l'idée derrière la correction d'erreurs quantiques, dont M. Janik a parlé un peu, mais en abordant l'aspect commercial plutôt que celui de l'information quantique.
    Je crois que les écosystèmes quantiques sont une façon de soutenir à la fois les universitaires et les entreprises. On doit s'assurer que les laboratoires de recherche du gouvernement, de même que Recherche et développement pour la défense Canada et Ressources naturelles Canada, sont capables de se joindre à ces écosystèmes. On aurait ainsi un mélange d'ingrédients permettant l'émergence d'entreprises qui formeront l'industrie quantique canadienne de l'avenir.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, monsieur Laflamme.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais essayer de faire participer quelques-uns de nos autres invités à la conversation. Je vais commencer avec M. Yazdi, puis j'inviterai les autres à prendre la parole.
    Ma question est la suivante: quand vous commencez à prendre de l'expansion ou que vous vous impliquez et que vous prospérez comme entreprise, quels sont les éléments clés dont vous avez besoin?
    Dans certains de nos autres secteurs d'activités, j'ai constaté que l'on se faisait engloutir une fois que l'on avait réussi. Je ne sais pas si c'est le cas pour l'informatique quantique. J'ai vu cette situation dans la fabrication d'outils et de moules et dans d'autres types d'entreprises.
    Je suis curieux de connaître cet élément et de savoir s'il y a ou non suffisamment de soutien pour prendre de l'expansion, puis passer à l'étape suivante dans le secteur privé.

  (1625)  

    Merci de l'excellente question.
    Lorsqu'une entreprise prend de l'expansion, surtout dans une entreprise de haute technologie comme la nôtre, l'accès à deux éléments devient très important. L'un est le financement et l'autre, le talent. Je crois que nous pourrions faire mieux sur ces deux fronts ici au Canada.
    En ce qui concerne le talent, comme M. Laflamme l'a mentionné, le marché est très concurrentiel. Nous rivalisons avec des entreprises comme Google et IBM, avec les salaires et les conditions de travail qu'elles peuvent offrir. C'est très difficile. Le fait que notre système de visa ne permette pas de faire venir des talents de l'extérieur n'aide pas.
    À l'heure actuelle, il est très difficile d'embaucher un physicien en quantique expérimentale. Il y a beaucoup de formalités administratives à remplir pour obtenir un certificat d'EIMT. J'aurais beaucoup plus de facilité à embaucher un cuisinier ici à Montréal que d'embaucher un physicien en quantique expérimentale. Cela doit changer.
    Je vais permettre à nos autres invités d'intervenir, s'ils le souhaitent, mais d'abord, je veux m'assurer d'avoir bien compris.
    J'ai travaillé avec des intervenants de l'industrie du jeu vidéo, et ils avaient des problèmes avec l'immigration. Ils devaient engager un directeur, pour ainsi dire, pour créer le jeu vidéo. Nous avions beaucoup de talents pour une grande partie des volets du projet, mais ils avaient besoin d'un réalisateur. Le projet a été refusé pendant des années, car il n'y avait pas d'intérêt pour le Canada dans ce domaine, ce qui était une erreur, car nous ne pouvions pas créer le reste de l'infrastructure. Nous n'avions pas le capitaine, pour ainsi dire, ou le réalisateur pour réunir les éléments nécessaires.
    Sommes-nous dans une situation semblable? Avons-nous besoin de talents exceptionnels ou de compétences très uniques et difficiles à obtenir pour mettre en place les autres composantes et former les personnes afin qu'elles puissent ultimement occuper ces postes?
    C'est exactement le cas. J'encouragerais le gouvernement à créer des exceptions et de nouveaux volets dans le système d'immigration pour nous permettre d'embaucher des personnes qui possèdent une expertise en informatique quantique, plus particulièrement. Bien sûr, l'accès au financement est très important.
    Oui, heureusement, nous avons maintenant le Fonds pour les technologies profondes de la BDC. Je pense que les deux autres entreprises ici présentes ont bénéficié de cet investissement, mais aux dernières nouvelles, leur budget est alloué au préalable à l'investissement dans des entreprises de matériel quantique, ce qui ferme déjà la porte à de nombreuses autres jeunes entreprises intéressantes qui tentent de se lancer dans ce secteur.
    Ce sont là les deux choses qui me viennent à l'esprit. Je crois que les autres invités ont des observations à faire.
    Si d'autres invités veulent...
    Monsieur Janik.
    Absolument, je fais écho à ce qui a déjà été dit.
    En ce qui concerne les talents, nous avons connu une situation un peu différente. Nous avons eu la chance incroyable de pouvoir faire venir plus de 60 % de notre main-d'oeuvre grâce à des programmes comme le Volet des talents mondiaux. En fait, entre la qualité de vie au Canada et la politique d'immigration relativement ouverte, nous avons été en mesure de rivaliser avec un grand nombre de nos pairs aux États-Unis pour les talents.
    Pour ce qui est du financement, je veux ajouter une observation à propos de l'ampleur du financement dont il est question. Jusqu'à présent, nous avons été incroyablement chanceux et nous avons pu amasser plus de 175 millions de dollars canadiens dans le but de construire un ordinateur quantique universel tolérant aux pannes. C'est probablement environ 20 % de ce qui est nécessaire pour créer cette machine véritablement transformatrice. Une question stratégique et de sécurité très importante se pose alors. Une question a été posée plus tôt sur la façon dont nous gardons cette propriété intellectuelle au Canada. L'une des plus grandes menaces est probablement qu'une fois que les entreprises deviennent suffisamment grandes et prospères, elles ont besoin de capitaux externes, de fonds externes, pour les aider à franchir la ligne d'arrivée.
    Je ne suis pas sûr de la solution, mais il est certain qu'un problème que nous devons résoudre est de déterminer comment nous pouvons passer les premières étapes, le recrutement de talents universitaires, à la véritable commercialisation, afin de pouvoir récolter les fruits de tous les investissements qui ont déjà été faits dans les technologies quantiques.
    Y a‑t‑il d'autres invités...? Je ne suis pas certain s'il me reste du temps.
    Pour répondre à votre deuxième question sur la finalité des entreprises d'informatique quantique au Canada, nous avons assisté récemment à une certaine consolidation, mais il s'agit surtout d'entreprises, qui ne s'occupaient que d'un seul élément de l'ensemble du système, comme les systèmes de contrôle, par exemple, et qui ont été acquises par une autre entreprise. Nous avons également constaté une certaine consolidation des entreprises de logiciels quantiques avec les entreprises de matériel quantique.
    Ce n'est pas tant les entreprises qui se font engloutir à proprement parler, comme quelqu'un qui construit un ordinateur quantique et serait racheté. Ce n'est pas une situation que nous avons vue jusqu'à présent. Je n'ai pas l'impression que cela se produira de sitôt. Pour répondre à la question de M. Janik, il s'agira de savoir si nous avons la capacité de financer l'intégralité du projet, au final.

  (1630)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la députée Gray, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici. Mes questions s'adressent à M. Laflamme.
    Il y a une politique relative aux coffres de brevets actuellement en place au Québec. Pensez-vous que la mise en oeuvre d'une politique relative aux coffres de brevets concernant l'informatique quantique serait bénéfique pour garder les investissements au Canada et protéger la propriété intellectuelle?
    Je vis à Waterloo, en Ontario, et je ne suis pas certain de savoir ce qu'est une politique de coffres de brevets sur la propriété intellectuelle. Je tiens à souligner que l'Université de Waterloo a une politique en matière de propriété intellectuelle très intéressante, à savoir que le chercheur détient la propriété intellectuelle, donc dans mon...
    Si je peux intervenir, cela concerne les actifs de propriété intellectuelle. Si l'on considère l'informatique quantique, comment pourrait-elle s'intégrer dans cette catégorie?
    Qui détiendrait ce coffre de brevets?
    Nous allons peut-être passer à un autre sujet et nous vous enverrons une note séparément. Il est question des actifs d'une entreprise et de la manière dont l'informatique quantique pourrait s'y intégrer.
    Je vais passer à un autre sujet, car mon temps est limité.
    C'est une autre question que je voulais vous poser. Des préoccupations ont été signalées quant au fait que l'émergence de l'informatique quantique nécessitera une mise à jour des normes relatives aux algorithmes de cryptage afin de garantir qu'ils sont protégés contre toute attaque éventuelle, plus particulièrement contre le piratage de sources malveillantes par des ordinateurs quantiques.
    Diriez-vous que c'est une préoccupation? Comment le gouvernement fédéral devrait‑il aborder la question pour garantir la sécurité des cryptages? Plus précisément, y a‑t‑il des politiques ou des lois que nous devrions envisager à ce sujet?
    C'est une excellente question. La réponse est oui; le gouvernement devrait être préoccupé.
    Lorsque nous avons l'ordinateur quantique, les algorithmes que nous utilisons pour la cryptographie à l'heure actuelle seront tous déchiffrés. Nous devrions tous nous rappeler que ce que nous transmettons aujourd'hui dans le monde entier via Internet sera déchiffré lorsque nous aurons un ordinateur quantique.
    Heureusement — et ce n'est pas parce que je veux que mes collègues ralentissent leur objectif de construire un ordinateur quantique —, je ne pense pas que cela se produira avant au moins 10 à 20 ans.
    Le gouvernement fédéral devrait envisager de passer des algorithmes qu'il utilise actuellement à de nouveaux algorithmes résistants à l'informatique quantique. Des efforts sont déployés à cet égard au CSTC et au SCRS, ainsi qu'aux États-Unis, au National Institute of Standards and Technology.
    C'est formidable. Merci.
    Je crois savoir que dans le budget de 2021, le gouvernement avait l'intention d'élaborer une stratégie quantique nationale et qu'il a tenu des consultations.
    Avez-vous été en mesure de participer à ces consultations ou tables rondes?
    Bien que je n'aie pas participé aux consultations, j'ai fait partie du comité exécutif qui a fait une proposition pour le budget de 2021. J'ai participé à cette proposition dans laquelle on demandait au gouvernement fédéral de financer une stratégie nationale. J'ai certainement eu mon mot à dire dans ce document.
    Merci. Y avait‑il des problèmes potentiels dont le gouvernement aurait dû être au courant lorsqu'il a élaboré la stratégie quantique?
    Pour en revenir à cette question, y a‑t‑il des leçons ou des politiques que d'autres pays utilisent en matière d'informatique quantique et dont le Canada devrait s'inspirer?
    Le Canada devrait avoir sa propre stratégie. Il ne devrait pas suivre ce que font les autres. Si nous suivons ce que font les autres — disons les États-Unis —, ils ont beaucoup plus de ressources que nous. Nous devons trouver notre propre niche. Nous avons entendu des remarques un peu plus tôt sur le fait de faire des choix, de décider de ce qui est vraiment important pour les Canadiens et de suivre cette voie.
    Cependant, nous avons certainement des leçons à tirer. Rassembler les gens est quelque chose que d'autres pays ont fait. Il est très important d'essayer d'envisager la science de l'information quantique non pas comme un ensemble de boîtes différentes les unes des autres, mais comme un tout. Cela nous ramène au thème des écosystèmes quantiques, dont j'ai parlé un peu plus tôt.

  (1635)  

    Merci. J'ai encore une petite question. Je voulais vous interroger sur la protection de la vie privée.
    Comment l'émergence et l'adoption de la technologie quantique auraient-elles une incidence sur la vie privée et la protection des renseignements personnels des Canadiens? À votre avis, quelles lois sur la protection de la vie privée devrions-nous mettre à jour et examiner maintenant?
    Il y a deux volets à la vie privée. La première consiste à savoir si nous communiquons en privé les uns avec les autres. Ensuite, les codes qui sont utilisés pour sécuriser vos comptes bancaires sont les mêmes que ceux qui sont utilisés pour les communications privées. Ces méthodes de cryptage devront être mises à jour.
    Une fois que nous avons cela, il n'y a pas beaucoup de différence, du point de vue de la protection de la vie privée, avec ce qui existe sans les ordinateurs quantiques. Qu'un élément d'information provienne d'un ordinateur quantique ou d'un ordinateur traditionnel, il s'agit simplement d'une information.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Lapointe, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais poursuivre dans la même veine que mon collègue, M. Gaheer. Je pense qu'il s'agit de domaines clés où le gouvernement et la politique peuvent réellement être utiles.
    Ma première question s'adresse à M. Yazdi.
    Vous avez à la fois des connaissances en recherche et en affaires dans le domaine quantique. Sur votre site Web, vous avez fait une déclaration intéressante dans laquelle vous avez reconnu que « le domaine émergent de l'informatique quantique manquait cruellement d'outils pour concevoir des systèmes d'envergure ». En raison de ce manque d'outils, vous avez dû faire preuve d'une grande innovation et tabler sur votre expertise en matière de calcul de haute performance pour mettre au point ces outils.
    En ce qui concerne le développement économique et la chaîne d'approvisionnement pour le matériel informatique, quels sont les défis que vous voyez? Que peut faire la politique gouvernementale pour aider?
    Je vous remercie beaucoup pour cette excellente question.
    Je vais répondre d'abord à la deuxième partie de votre question, qui concerne la chaîne d'approvisionnement, car c'est ce qui me tient éveillé la nuit, littéralement. À l'heure actuelle, nos [inaudible] puces sont en rupture de stock depuis 52 semaines. La situation est donc très sérieuse.
    En ce moment, les États-Unis se penchent de très près sur la chaîne d'approvisionnement de l'informatique quantique. C'est l'une des raisons pour lesquelles Anyon, en 2016, a décidé de produire à l'interne toutes les composantes d'un ordinateur quantique à supraconducteurs. À titre d'exemple, il existe seulement deux entreprises qui fabriquent des systèmes cryogéniques de qualité commerciale. L'une se trouve en Finlande et l'autre au Royaume-Uni. Elles pourraient facilement être achetées par des compétiteurs, ce qui nuirait grandement à l'avenir de notre industrie.
    Ce que le gouvernement devrait faire, à mon avis, c'est la même chose que nos partenaires aux États-Unis. Premièrement, il doit choisir dans quelles technologies il souhaite investir en priorité, tenter de mettre la main sur ces technologies et les amener au Canada. La pandémie nous a enseigné qu'il faut, d'un point de vue stratégique, avoir au Canada des masques et de l'équipement de protection individuelle, car nous n'avons pas été en mesure d'en obtenir, même auprès de nos amis, lorsque nous en avions besoin.
    Le gouvernement devrait examiner très attentivement la chaîne d'approvisionnement.
    Je recommande fortement que nous considérions la fabrication de puces comme étant le talon d'Achille, à la fois les puces classiques, les semi-conducteurs complémentaires à l'oxyde de métal, ou SCOM, et les puces pour le secteur quantique, qui pourraient devenir notre marché de niche dans le marché mondial. À l'heure actuelle, le Canada est tout aussi concurrentiel que tout autre pays pour ce qui est de la fabrication de supraconducteurs ou d'autres types de dispositifs pour le secteur quantique. Je recommande donc au gouvernement de se pencher de très près sur cette question et d'en faire une priorité.
    J'ai une question complémentaire.
    Il est clair qu'il est nécessaire de trouver des débouchés en aval pour soutenir le secteur quantique. Quelles sont les mesures de soutien à la chaîne d'approvisionnement dont votre secteur a besoin?
    Au sein de notre industrie, nous fabriquons nous-mêmes des systèmes cryogéniques. Il y a aussi les produits électroniques, précisément les appareils électroniques contrôlés et les appareils électroniques à micro-ondes. À l'heure actuelle, la plus importante chaîne d'approvisionnement est aux États-Unis. Il y a ensuite la nanofabrication, pour laquelle nous partageons des installations à Waterloo.
    Encore une fois, les produits électroniques et la production de ce que nous appelons des matrices prédiffusées programmables par l'utilisateur, ou FPGA, et des puces ASIC constituent notre talon d'Achille. Ce n'est pas le cas uniquement au Canada; l'ensemble de la planète dépend de Taïwan, dans une large mesure, particulièrement de la fonderie TSMC. Selon moi, c'est un talon d'Achille géopolitique, car si la Chine décidait d'envahir Taïwan demain matin, cela pourrait entraîner l'effondrement de nombreux secteurs économiques dans le monde.
    C'est une situation que nous devrions vraiment examiner dans un contexte stratégique et économique plus vaste que celui du secteur quantique uniquement.

  (1640)  

    Je vous remercie.
    Très rapidement, M. Fursman, en ce qui a trait aux employés qualifiés à tous les niveaux du développement du secteur quantique au Canada, pouvez-vous nous dire quelle est la principale mesure que le Canada devrait prendre selon vous pour non seulement attirer, mais aussi développer des talents au pays?
    Pardonnez-moi, à qui s'adressait cette question?
    Quelle mesure proposez-vous que le Canada prenne pour attirer et développer des talents ici, au Canada?
    Je présume que je vais répondre à cette question.
    Ce que je recommande fortement, c'est d'établir des partenariats avec des universités et l'industrie afin de nous assurer que la formation universitaire correspond aux besoins de l'industrie.
    Malheureusement, nous n'avons pas très bien réussi à cet égard, particulièrement dans le domaine de la science fondamentale, d'où émerge le secteur quantique. Très souvent, nous voyons des titulaires d'un doctorat effectuer des recherches sur des sujets qui ne sont pas tout à fait pertinents pour nous, mais c'est ce que nous avons à notre disposition. Il y a aussi beaucoup de formation à faire en cours d'emploi.
    Cela pourrait constituer un autre élément important de notre stratégie nationale, à savoir trouver des façons de nous assurer que les universités sont au courant des besoins de l'industrie à court et à long terme.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Yazdi.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur St‑Jean, je vous remercie de votre témoignage.
    Vous avez dit vouloir conclure vos remarques sur une note optimiste, ce qui m'a fait un peu réagir, parce que cela sous-entend un peu qu'il n'y a pas toujours des moments optimistes dans l'industrie. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
    Vous avez également mentionné que vous étiez toujours à la recherche de revenus à court terme et que vous souhaitiez recevoir des sommes suffisantes. Vous avez aussi parlé des délais liés au processus d'approbation des projets, qui leur font parfois perdre de leur pertinence. Il y a donc vraiment un problème en ce qui concerne la rapidité des réponses et le soutien offert à l'industrie.
    De quelle façon pourrait se traduire l'accompagnement, notamment par le truchement de programmes? Concrètement, comment pouvons-nous vous aider sur le plan de la production, lorsque vous serez prêt à passer à cette étape?
    Il faudrait trouver une façon d'allouer des fonds à la recherche-développement liée aux technologies quantiques. Les programmes actuels ont leurs contraintes, ce qui est normal. Puisque ce sont des fonds publics, des balises doivent encadrer ces subventions.
    On pourrait, par exemple, allouer des fonds à un organisme dirigé par des spécialistes, par des gens qui ont déjà de l'expertise et qui sont en mesure d'évaluer rapidement les dossiers et de s'assurer que les montants demandés viendront soutenir les bonnes initiatives.
    De plus, il a été question plus tôt de la DARPA, aux États‑Unis. Des efforts massifs sont faits par les Américains. Entre autres choses, la DARPA offre des occasions de financement, et les entreprises canadiennes peuvent soumettre leur candidature. Si elles répondent aux exigences et si elles obtiennent du financement de la DARPA, ce serait intéressant qu'il y ait une forme de pairage du côté canadien. Cela permettrait au gouvernement et à ces entreprises de gagner du temps, parce qu'une approbation issue d'un organisme sérieux aurait déjà été donnée au projet. Nous sommes de petites entreprises, et le fait de devoir déposer un projet deux fois, selon des critères qui ne sont pas tout à fait les mêmes, nous demande beaucoup de temps.
    Vous êtes à la recherche d'une technologie tolérante à l'erreur.
    Devrions-nous avoir la même philosophie pour ce qui est du financement? Autrement dit, devrait-il y avoir un meilleur capital de risque?
    Vous soulevez un bon point.
    On a parlé plus tôt du nouveau fonds d'investissement offert par la Banque de développement du Canada et qui vise à soutenir les entreprises qu'elle appelle « entreprises de technologies profondes ». Nous en avons bénéficié en tant que jeune entreprise dans ce domaine. C'est très intéressant, mais il y a effectivement un manque à cet égard au Canada.
    C'était très important pour nous de nous associer à ce partenaire. Ce sont des gens qui réfléchissent à des solutions à long terme. Typiquement, un fonds d'investissement en technologie a un horizon d'environ 10 ou 12 ans. Dans le cas des technologies quantiques, il faut réfléchir à des solutions à plus long terme. C'est ce que nous voudrions voir émerger au Canada et, surtout, à toutes les échelles quant au financement.
    Pour les entreprises en prédémarrage ou en démarrage, trouver du financement à petite échelle n'est pas facile, mais c'est possible. Les étapes subséquentes créent des défis plus importants. L'entreprise Xanadu y est arrivée, et nous sommes d'ailleurs très fiers d'elle. C'est un très bel exemple de ce qui peut être fait au Canada. Cette entreprise a évidemment eu de l'aide de la part d'investisseurs étrangers. C'est aussi le cas pour nous, puisque nous pouvons compter sur un investisseur européen depuis le premier jour.
    Il faut offrir une forme d'accompagnement à toutes les étapes. Il faut réfléchir à des solutions dès maintenant, parce que ces entreprises sont actuellement en croissance.

  (1645)  

    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur St‑Jean.
    J'ai doublé le temps de parole de M. Lemire, parce que la question était intéressante. La réponse était tout aussi intéressante.
    Je donne maintenant la parole à M. Masse pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président. C'était un bon échange fructueux.
    Monsieur Laflamme, vous êtes peut-être le mieux placé pour répondre à la question suivante: en ce qui a trait aux étudiants étrangers, que faisons-nous pour les retenir?
    Je pense que le Canada n'a pas fait un très bon travail à cet égard. Je représente l'Université de Windsor et le Collège St. Clair, que fréquentent de nombreux étudiants étrangers. Il y a un grand débat à propos des coûts liés aux étudiants étrangers, des dettes qu'ils accumulent et des droits de scolarité plus élevés qu'ils doivent assumer. Il y a également un débat au sujet des moyens que nous pouvons prendre pour faire de ces étudiants qui souhaitent rester au Canada des citoyens canadiens. Ils connaissent beaucoup de succès, car ils ont créé de nombreux liens dans la collectivité à ce stade de leurs études.
    Est‑ce que nous observons cela en ce moment dans le domaine de l'informatique quantique, ou est‑ce qu'il est trop tôt pour que nous puissions le voir? Qu'en est‑il des étudiants étrangers?
    Nous perdons des talents, mais nous pouvons aussi en attirer.
    Tout à fait. Cela fait 20 ans que je suis de retour au Canada, et si je regarde les étudiants étrangers au Canada, je dirais que c'est très impressionnant. Il est intéressant de constater — et c'est seulement sans doute une information parmi tant d'autres — que très peu d'étudiants des États-Unis faisaient une demande au programme de doctorat en informatique quantique à l'Université de Waterloo en 2002‑2003. Maintenant, nous enregistrons un nombre beaucoup plus élevé, à savoir entre 10 et 20 % certaines années.
    Nous avons certes réalisé de grands progrès, et je crois que c'est attribuable à la vigueur du secteur de l'informatique quantique et à la réputation que nous avons su bâtir.
    Pour ce qui est de retenir ces étudiants, je crois que mes collègues de l'industrie pourraient vouloir en dire un peu plus à ce sujet. À l'université, ils font une maîtrise, un doctorat et parfois un postdoctorat, et ensuite, ils doivent aller ailleurs. Nous ne les gardons pas par la suite, et c'est bon pour eux d'aller [difficultés techniques] endroit à l'autre.
    Dans le milieu des jeunes pousses, en tout cas à Waterloo, j'ai connu bien des étudiants qui craignaient devoir retourner dans leur pays. Je ne me souviens plus pendant combien d'années il faut avoir été au Canada en tant qu'étudiant avant de pouvoir obtenir le statut de résident permanent, mais j'ai vu bien des étudiants essayer de l'obtenir. Le processus est souvent lourd et difficile, alors il y aurait peut-être des façons de le rendre plus fluide, afin que des collègues au sein de l'industrie puissent embaucher plus facilement ces étudiants et ainsi bénéficier d'un plus grand bassin de talents pour développer les technologies quantiques.
    Je crois que mon temps est écoulé, alors je vais m'adresser aux autres témoins lors du dernier tour.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Masse.

[Traduction]

    Je vais maintenant donner la parole à M. Kram pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais à nouveau m'adresser au professeur Laflamme pour faire suite à certaines des questions qu'a posées ma collègue, Mme Gray.
    Professeur Laflamme, avez-vous bien dit que lorsque l'utilisation de la technologie de l'informatique quantique sera généralisée, tous nos programmes actuels de chiffrement et de déchiffrement dans Internet deviendront obsolètes?
    Oui. L'algorithme de chiffrement utilisé pour la connexion à votre banque sera facile à percer à l'aide d'un ordinateur quantique. Par conséquent, le lien entre l'informatique quantique et la sécurité nationale est évident.
    Est‑il vrai que les algorithmes que j'utilise pour me connecter à ma banque sont les mêmes que ceux utilisés par les forces armées?
    En majeure partie. Il est possible que certains algorithmes ne puissent pas être percés à l'aide d'ordinateurs quantiques, mais il s'agit d'algorithmes complexes, qui sont très peu utilisés.
    Les forces armées du Canada, des États-Unis, des autres pays occidentaux, et même de la Chine et de la Russie, savent que cela s'en vient. Il y aura un changement sur le plan de la cryptographie, et il est très important que le gouvernement canadien suive ce dossier, afin que le CSTC soit au courant de ce qui se passe.

  (1650)  

    Je crois vous avoir entendu dire également que le Canada aura « perfectionné », faute d'un meilleur terme, la technologie de l'informatique quantique d'ici les 10 à 20 prochaines années.
    Je crois qu'il appartient plutôt à mes collègues de l'industrie de faire cette affirmation.
    Je devrais sans doute formuler cela autrement. Il serait plutôt surprenant que nous ayons un ordinateur quantique qui soit insensible aux défaillances dans, disons, une dizaine d'années. Toutefois, je vais laisser mes collègues, M. Yazdi, M. St‑Jean et M. Janik, formuler leurs prédictions s'ils le souhaitent. Il faut jouer encore un peu au devin à cet égard.
    À la lumière des progrès que nous observons au Canada et ailleurs dans le monde, c'est la meilleure prévision que je pourrais faire en ce moment.
    Quelle est votre meilleure prévision quant à la mesure dans laquelle la Russie et la Corée du Nord sont près de mettre au point cette technologie?
    Il est très difficile d'établir une prévision à cet égard. Je pourrais faire des comparaisons uniquement d'un point de vue théorique.
    Il serait étonnant que la Corée du Nord mette au point un ordinateur quantique. Elle ne semble pas détenir l'expertise ni la technologie nécessaires. La Russie possède une solide expertise à Moscou, mais elle s'y est mise très tard, alors, je craindrais davantage la Chine que la Russie à l'heure actuelle.
    Vous avez également mentionné que, lorsque vous êtes revenus au Canada, vous avez dû travailler avec le SCRS et le CSTC pour accroître les mesures de sécurité visant à protéger les recherches sur l'informatique quantique. Pouvez-vous nous dire si ces mesures de sécurité sont adéquates, à votre avis?
    Toute mesure de sécurité peut être améliorée, mais un excellent travail a été effectué pour faire en sorte que les découvertes au Canada demeurent ici ou que des Canadiens en détiennent la propriété. Je remercie infiniment ces deux entités, qui nous ont aidés à cerner les lacunes.
    D'accord, c'est très bien. Je vais maintenant m'adresser à M. Yazdi.
    Monsieur Yazdi, vous avez réussi à livrer un ordinateur quantique au ministère de la Défense nationale l'an dernier. Est‑ce exact?
    La mission est terminée et nous sommes en voie de retenir les services de certains des chercheurs.
    Aurais‑je raison de présumer que cet ordinateur est utilisé principalement pour la recherche en cryptologie?
    Je ne peux pas répondre à cette question, car…
    J'ai bien pensé que vous ne pourriez pas y répondre. Je dois dire que c'est une très bonne réponse.
    Que peut faire le gouvernement pour améliorer l'informatique quantique au ministère de la Défense nationale?
    Bien entendu, étant donné la mission du ministère de la Défense nationale, je pense que l'informatique quantique perturberait ses activités. Le professeur Laflamme a parlé des difficultés que pourrait poser un ordinateur quantique sur le plan du chiffrage, et je suis d'accord avec lui.
    Il faudra attendre quelques années, encore au moins une dizaine d'années, avant que nous ayons un ordinateur capable de contourner le chiffrement. Cela ne veut pas dire pour autant qu'un ordinateur quantique ne sera pas utile avant longtemps. Nous pourrions détenir des ordinateurs moins puissants pour effectuer d'autres tâches qui pourraient se révéler pertinentes pour le ministère de la Défense nationale, mais il faudra attendre encore probablement un certain temps en ce qui a trait au déchiffrement.
    Cela étant dit, la question est de savoir quels algorithmes de chiffrement post-quantiques nous allons adopter, car certains des renseignements communiqués actuellement dans l'ensemble du réseau du gouvernement ont probablement une durée de vie de plus de 10 à 20 ans. Nous devons essentiellement protéger ces renseignements à l'heure actuelle, car un ennemi pourrait s'en emparer et les conserver jusqu'à ce qu'il puisse avoir recours à un ordinateur quantique pour les déchiffrer.
    Par conséquent, moins nous tardons à adopter la technologie nous permettant d'améliorer notre infrastructure de chiffrement, mieux nous pourrons assurer la sécurité de notre pays. Bien entendu, nous pourrions utiliser le matériel pour tester certains des algorithmes.
    Voilà ce qui pourrait être utile pour la mission du ministère de la Défense nationale.

  (1655)  

    Merci.
    Merci, monsieur Kram.
    La parole est maintenant à M. Erskine-Smith pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur Lightbound. Ma question s'adresse à tous les témoins. M. Laflamme pourra y répondre en premier.
    Le rapport Ce que nous avons entendu porte sur les consultations menées par le gouvernement sur une stratégie quantique nationale. En ce qui a trait à la commercialisation, on peut lire ceci dans le rapport:
En ce qui concerne le soutien aux entreprises du secteur quantique, les participants s'accordent à dire que le gouvernement doit rester ouvert et ne pas choisir de gagnants pour le moment, car le secteur quantique est en développement. À un moment donné, le Canada devra prendre une décision stratégique: soutenir quelques grands acteurs ou projets ou de nombreux petits.
    J'aimerais obtenir vos commentaires concernant la décision stratégique que le Canada devra prendre à un moment donné, d'après le rapport Ce que nous avons entendu.
    M. Laflamme peut répondre en premier, et ensuite, M. Janik.
    Encore une fois, c'est une question difficile, car ce que vous nous demandez en fait, c'est de prédire à quel moment les technologies seront suffisamment développées pour que nous puissions prendre cette décision.
    J'ose espérer qu'à la fin de la période prévue pour cette stratégie nationale et son financement, à savoir sept ans, nous saurons quels chevaux devanceront largement les autres.
    Votre réponse me fait dire que le gouvernement doit prendre une décision avant la fin de ces sept ans, car l'argent abonde. Ainsi, vous dites qu'à l'heure actuelle, le gouvernement doit soutenir de nombreux petits acteurs, et qu'au terme de ces sept ans, ce seront sans doute surtout quelques grands acteurs.
    Oui, c'est exact.
    Monsieur Janik, allez‑y, et ensuite ce sera au tour de M. St‑Jean et de M. Yazdi.
    L'une des principales difficultés en ce moment, c'est qu'il existe plus d'une approche à l'informatique quantique. Il y a trois grandes approches, à savoir celles de la photonique, des ions piégés et de la supraconductivité. Deux d'entre elles sont représentées ici aujourd'hui. En réalité, il y a probablement cinq autres approches qui commencent à être étudiées dans des laboratoires un peu partout dans le monde en ce moment.
    Je dirais qu'il faudrait, au lieu de se concentrer maintenant sur le nombre de qubits… Toutes les entreprises d'ici et d'ailleurs dans le monde vous parleront d'une fourchette allant de 10 à 150 à 200 qubits, mais nous parlons en réalité d'un ordinateur de millions de qubits. Passer de 10 à 1 000 et à 1 million de qubits pose tout un problème sur le plan technologique.
    Lorsque l'une de ces entreprises nous montrera les premiers signes d'une véritable tolérance aux failles, et que M. Laflamme sera en mesure d'affirmer qu'on a démontré la correction d'erreurs quantiques et une tolérance aux failles, c'est vraiment à ce moment‑là que nous pourrons nous réjouir à l'idée qu'une entreprise est en mesure de remplir cette très grande promesse.
    L'autre élément est la modularité. Lorsque nous parlons de ces systèmes aujourd'hui, nous parlons de puces totalisant des dizaines ou des centaines de qubits. Lorsqu'on parle d'un ordinateur d'un million de qubits, il s'agit là d'un centre de données. Pour vous donner une idée de grandeur, nous prévoyons que le nombre de puces nécessaires pour un ordinateur d'un million de qubits équivaudra probablement au nombre total de puces fabriquées annuellement à l'heure actuelle pour l'industrie des télécommunications, du moins dans le domaine de la photonique. Nous parlons en réalité d'un très grand centre de données de 25 000 pieds carrés. Il ne s'agit pas de petits ordinateurs, et ce qui importe le plus, ce sont l'extensibilité, la modularité et la capacité de démontrer la correction d'erreurs.
    Une dernière chose…
    Comme mon temps est limité, je vais demander à M. St‑Jean et à M. Yazdi de répondre à leur tour, et s'il reste du temps, je reviendrai à vous, monsieur Janik.
    J'aimerais seulement dire que votre question porte sur le financement de nombreux petits acteurs. La question est en fait de savoir combien exactement.
    Oui, d'après les consultations à tout le moins, le gouvernement doit décider s'il doit soutenir de nombreuses petites entreprises ou bien un petit nombre de grandes entreprises.
    Évidemment, les critères ne devraient pas être trop nombreux. De toute manière, vous n'aurez pas l'expertise nécessaire. Cela devrait à la fois être concentré et saupoudré... Le Canada a la chance de posséder des centres d'excellence, ce qui limite d'une certaine façon le nombre de compagnies qui peuvent se distinguer. La décision devrait se fonder surtout sur ce critère. Je suis ensuite d'accord avec M. Janik sur l'évolution qui suivra pendant...
    Merci.
    Monsieur Yazdi, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je pense que la décision devrait suivre un processus qui fonctionnerait à peu près à l'image d'un entonnoir. Au départ, on laisse évoluer un certain nombre d'entreprises candidates — il n'y en a ni trop ni pas assez —, et la sélection des gagnantes aboutit sept années plus tard. C'est le moment de décision pour le pays.
    À noter que la Chine, vu ses ressources et les effectifs de sa main-d'œuvre, n'a pas choisi de faire comme nous. C'est comme un projet de type Manhattan ou, encore, Bletchley Park — toutes les ressources convergeant vers un ou deux groupes, qui accomplissent des progrès et des gains très rapides. Il y a cinq ou six ans, à nos débuts, la Chine ne possédait essentiellement aucun qubit supraconducteur expérimental. Maintenant, elle dispose d'une puce de plus grande taille que celle de Google, de 65 qubits.
    La question est très importante, et nous devrions en discuter davantage.

  (1700)  

    Merci beaucoup
    Je vous remercie, monsieur Erskine-Smith.
    Monsieur Généreux, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je remercie tous les témoins de leur témoignage.
    J'aimerais approfondir la question du financement.
    Monsieur Janik, vous avez dit que vous aviez amassé plus de 170 millions de dollars et que cela représentait à peu près 20 % du montant dont vous aviez besoin afin de bâtir un ordinateur quantique.
    Cela veut-il dire que votre produit pourrait valoir un milliard de dollars un jour?

[Traduction]

    Actuellement, la valeur totale du marché ajustable de l'informatique quantique est estimée à 65 milliards de dollars, pour un ordinateur quantique insensible aux défaillances et livré au client. Cette estimation me paraît pessimiste, par rapport à certaines autres, antérieures.
     L'arrivée de l'informatique quantique insensible aux défaillances, je ne saurais trop insister là‑dessus, constituera une rupture dans tous les secteurs industriels. Toutes nos connaissances changeront. Le rattrapage des applications prendra un certain temps, mais cette informatique sera aussi révolutionnaire que l'informatique numérique, à ses débuts, dans les années 1950. Le marché est incontestablement rendu là.
    Aujourd'hui, nous avons des ordinateurs quantiques fonctionnels. Six différents sont en ligne depuis 2019, et les utilisateurs se recrutent dans de gros laboratoires nationaux du Canada et des États-Unis et dans des sociétés. Ils sont tous, en quelque sorte, à l'étape antérieure à l'insensibilité aux défaillances et à la valeur économique.
    La recherche-développement n'exigera pas des milliards de dollars. Nous croyons que nous sommes assez bien financés pour nous avancer assez profondément dans la construction de ce module insensible aux défaillances, pour pouvoir faire la démonstration de la science et de la technologie nécessaires à la construction d'un ordinateur quantique insensible aux défaillances et le mettre à l'abri du risque.
    C'est le passage à la construction de la machine qui construira la machine et de la recherche-développement à la vraie fabrication qui exige de très gros investissements. Il faut se présenter dans les plus grosses usines du monde — de TSMC, de GlobalFoundries, d'Intel —, mettre la main sur leurs chaînes de production les plus évoluées qui fabriquent ces puces à l'échelle, puis les intégrer. C'est une très rude tâche.

[Français]

    Nous espérons que la Stratégie quantique nationale sera mise en œuvre bientôt.
    Monsieur Laflamme, la recherche-développement se fait normalement dans les universités, comme l'Université de Waterloo, l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval, à Québec.
    Les fonds provenant du gouvernement ne devraient-ils pas être versés aux universités? C'est là que s'effectuent la recherche et la formation. Le gouvernement pourrait ensuite, en collaboration avec le Conseil national de recherches du Canada, ou CNRC, commercialiser ou permettre la commercialisation du produit, après avoir écouté les solutions proposées par les Centres collégiaux de transfert de technologie au Québec, ou CCTT.
    Nous parlons aujourd'hui de trois entrepreneurs privés qui veulent aussi obtenir du financement fédéral. Si nous avions un montant à distribuer, quel pourcentage devrait-il être versé aux universités pour la recherche, et quel pourcentage devrait-il être versé aux entreprises privées?
    C'est une très bonne question.
    Il faudrait que les fonds soient distribués de façon à ce qu'il y ait une interaction positive entre les universités et l'industrie. La fabrication d'un ordinateur quantique est d'une complexité incroyable. Les universités peuvent créer des prototypes vraiment simples et énoncer des principes de fonctionnement, mais c'est l'industrie qui intègre tout cela afin de bâtir un ordinateur quantique. La raison est simple: les étudiants passent trois, quatre ou cinq ans à l'université pour mener leurs études de maîtrise ou de doctorat, mais il faut encore plus de temps pour bâtir un ordinateur quantique, et cela nécessite un suivi.
    La Stratégie quantique nationale devrait vraiment prévoir la mise en place d'un partenariat réunissant les universités et l'industrie, plutôt que de traiter les deux de façon distincte.
    L'idée qui sous-temps l'écosystème quantique dont j'ai parlé à plusieurs reprises aujourd'hui, c'est de réunir les universités et l'industrie pour que tous puissent tirer profit les uns des autres. La répartition du financement entre l'industrie et les universités devrait dépendre du projet et de son envergure. La répartition ne sera pas la même pour un projet de recherche que pour un projet d'intégration ou un projet de fabrication d'ordinateur quantique. Si vous me demandez un chiffre…

  (1705)  

    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, monsieur Laflamme.
    Croyez-vous qu'il y aura un jour un chargeur de batterie capable de recharger une batterie en neuf secondes grâce à un ordinateur quantique?
    Nous pourrions en reparler dans le cadre d'une prochaine étude, monsieur Généreux.
    Monsieur Dong, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins de s'être déplacés.
    J'ai retenu, pour mémoire, une observation de M. Laflamme: que le Canada n'avait jamais raté l'occasion de rater une occasion.
    Mes collègues ont tous posé d'excellentes questions, aujourd'hui, comme à la réunion précédente. J'ai l'impression que ce témoignage ne m'éclaire pas plus. Il est rempli de contradictions. Je suppose que, comme c'est le cas de toutes les technologies nouvelles, c'est une bonne chose. Cela aidera notre comité à produire une étude ou des recommandations qui seront plus exhaustives. Je plains seulement les analystes pour les difficultés qu'ils éprouveront à fignoler un rapport.
    Puisqu'il est question de contradictions, on me dit que la technologie n'est pas prête, pourtant elle l'est. À ma question de vendredi sur la puce microprocesseur — il nous faut une capacité de fabrication —, on a répondu que le matériel de traitement, en informatique quantique, pouvait être très différent, ce qui rend vraiment difficiles les prévisions. Voilà la contradiction.
    J'en énumérerai tout un tas, et vous pourrez m'expliquer plus tard.
    Je garde en tête la question des chaînes d'approvisionnement, y compris les minéraux critiques qui fourniront les matières premières indispensables à la production de masse. Il y a ensuite le secteur manufacturier. À quelle étape doit‑il se préparer à l'arrivée de cette technologie de rupture? Puis il y a le volet de la recherche, sur lequel a porté le témoignage. La contradiction était que, malgré le recul de la mondialisation, il fallait également que les chercheurs canadiens collaborent avec d'autres savants, partout dans le reste du monde.
    Il me semble que ces trois principales étapes sont pleines de contradictions.
    Alors, je vous le demande, monsieur Laflamme, avez-vous des commentaires à ce sujet, puis, dans l'ordre, ce sera à MM. Janik, Yazdi et St‑Jean de faire de même.
    Voilà une excellente question, et vous avez absolument raison. Des forces contradictoires ou des directions opposées interviennent. Pour blaguer un peu, je pourrais dire que, quand on pénètre dans le monde quantique, les choses semblent très différentes de ce à quoi on s'attend, et vous pouvez peut-être en avoir un avant-goût ici.
    Revenons aux interactions, internationales ou non. [Difficultés techniques] la recherche pure, la recherche fondamentale sur ce phénomène. Pouvons-nous dompter ce phénomène à des fins utilitaires? Si on veut prouver le principe de sa fonctionnalité, on publie ses résultats dans des publications scientifiques. C'est ainsi que les universitaires obtiennent des récompenses ou la gloire; ils publient un article qui constitue une percée et qui opère un changement.
    Cet élément de la recherche doit avoir une dimension internationale. Cela exige la collaboration avec le reste du monde. Le savant obtient quelque chose du reste du monde et vice versa. En ce sens, on n'y discerne encore aucune espèce de direction. C'est vraiment bon.
    Dès qu'on a une idée sur le mode de fabrication d'un dispositif ayant une utilité pratique, il faut opérer une transition. Cela survient parfois à l'université, où un chercheur pourra la juger brevetable. Les chercheurs universitaires doivent s'apercevoir très rapidement du caractère purement fondamental de certaines découvertes pour lesquels la récompense est la gloire.
    Supposons que leurs travaux leur valent un prix Nobel. Ils s'aperçoivent soudain que cela débouche sur une application pratique. Ils doivent garder le silence, s'entourer d'une équipe et, à un moment donné, en prévenir tous les membres qu'une discrétion absolue s'impose pour certaines choses.
    Avec mes étudiants, par exemple, je ne discute pas de certains sujets à l'extérieur des réunions de mon groupe, et les étudiants savent qu'ils sont tabous tant qu'ils ne nous auront pas livré certains résultats. C'est une transition.
    Dans l'industrie, une certaine propriété intellectuelle protège ce qu'on veut avoir. Et même là, dans une compagnie... M. Yazdi a encore mentionné la chaîne de certaines pièces indispensables. On ne construit pas tout à partir de zéro. Il a fait allusion aux circuits prédiffusés programmables par l'utilisateur. Soudainement, on compte sur les circuits commerciaux du monde entier pour obtenir certaines pièces. Impossible donc de s'isoler complètement. En fait, c'est déconseillé, parce que, soudainement, il existe de meilleures pièces que celles qu'on connaissait, et on l'apprend grâce à des confrères de l'autre bout du monde. Et soudain encore, quelqu'un fabrique une petite puce quelque part, en Autriche, en France, aux États-Unis ou à Taïwan, qui aide à accomplir le bond et à mieux maîtriser ce qui se trouve dans le laboratoire.

  (1710)  

    Merci.
    Je veux m'assurer que les autres disposeront d'un peu de temps...
    Je crains que ce soit impossible.
    Bon.
    Toutes mes excuses.
    Nous sommes déjà en retard, mais la réponse était très intéressante. Je vous en remercie.
    Monsieur Lemire, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur St-Jean, ce que je trouve intrigant dans le domaine de l'informatique quantique, c’est la logique liée au fonctionnement de ce type d'ordinateur. Je pense notamment à la consommation d’électricité que cela peut exiger.
    A-t-on recours à des grappes de serveurs, qui consomment des données et de l’énergie sans fin, ou est-ce un ordinateur qui régénère constamment sa propre énergie?
    Les besoins énergétiques d'un ordinateur quantique sont-ils plus importants que ceux des ordinateurs classiques?
    Nous ne nous attendons pas à avoir de tels besoins. Ma réponse doit toutefois être modulée un peu en fonction des commentaires formulés plus tôt par M. Janik.
    Il y a plusieurs façons de bâtir un ordinateur quantique, et la technologie utilisée peut varier. Pour notre part, nous utilisons des circuits supraconducteurs. Le recours à ceux-ci présente certains avantages, parce qu’aucune chaleur n'est générée par le processeur à proprement parler.
    Je dois ajouter que cette technique suppose l'existence de contrôles informatiques qui, pour l’instant du moins, fonctionnent encore de manière classique, si je peux m'exprimer ainsi.
    Il est difficile de prévoir exactement comment cette technologie va se déployer dans l'avenir, mais nous ne pensons pas que cela posera un problème en matière de consommation d’énergie. En fait, nous sommes d'avis que ces processeurs vont consommer moins d'énergie que les systèmes actuels, si l'on tient compte du grand nombre de calculs qu’ils seront en mesure de faire.
    Le Québec dispose d'une grande capacité hydroélectrique, qui est gérée par sa société d'État, c'est-à-dire Hydro-Québec. Cela ne lui procure-t-il pas un avantage dans ce domaine? J’imagine que des liens se tissent avec la société d'État. Dans un article paru dans Le Devoir et rédigé par M. Alain McKenna, on souligne le fait que l’informatique quantique pourrait être une solution immense pour Hydro‑Québec.
    Avez-vous établi des liens avec la société d’État?
    Le Québec a-t-il un avantage stratégique pour ce qui est d'accueillir des centres de recherche, justement parce que l’énergie y est abordable et qu'elle est accessible en grande quantité?
    Je ne pense pas que ce soit un point critique. Je sais à quoi vous faites allusion pour ce qui est d'Hydro‑Québec. Il s'agit d'un projet de recherche très intéressant, qui est plutôt axé sur l’optimisation des ressources à l'interne, d’après ce que j’ai compris.

  (1715)  

    [Difficultés techniques] et je trouvais intéressant de réfléchir sur le rôle que pourrait jouer la consommation d’énergie en matière d'informatique quantique.
    En ce qui concerne l’énergie, je ne crois pas que ce sera un point critique pour l'informatique quantique. Certains y trouveraient à redire, si je disais le contraire.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, messieurs Lemire et St-Jean.
    Monsieur Masse, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Revenons à la question du secteur privé. Est‑ce que beaucoup d'étudiants qui terminent leurs études au Canada se manifestent à vous?
    Seulement dans mon bureau, du personnel s'occupe de questions d'immigration. En 2002, j'ai embauché quelqu'un que j'occupais une journée par semaine. Actuellement, c'est quatre journées par semaine, en raison du traitement des dossiers. Le gouvernement est dans le pétrin, parce qu'il n'autorise que cinq cas par jour, et j'en ai de 2 000 à 4 000.
    Je me demande si de jeunes étudiants étrangers se présentent à vous et que vous avez des difficultés à les retenir.
    M. Janik, peut-être, en premier, puis nous verrons.
    J'ai eu une chance incroyable dans le suivi de jeunes talents, en fait, depuis leurs études secondaires. Un stagiaire qui a commencé chez nous, il y a quelques années, poursuit actuellement ses études de premier cycle. Il a continué chez nous pendant l'été. L'accès à des talents supérieurs à tous les niveaux nous a très bien servis.
    Tout dépend de leurs rôles. Un travail sur une couche logicielle importante nous a aussi vraiment apporté beaucoup de chance. Son importante orientation communautaire nous a permis d'embaucher des gens plus tôt dans la mise au point de contenus pour les universités et les écoles secondaires, dans des rôles qui sont beaucoup plus pertinents. Certains des rôles dans notre volet matériel exigent cependant 10 années d'expérience en laboratoire comme à Waterloo, pour que nous soyons sûrs qu'ils feront pencher la balance en notre faveur.
    Je dirais que nous sommes loin d'embaucher autant de jeunes et de les attirer aussi tôt que nous aimerions, mais la plus grande partie du problème dépend de l'ensemble de talents qu'ils possèdent.
    C'est excellent…
    Autre chose peut-être, c'est l'effet démultiplicateur de quelques programmes. Les frais généraux de programmes comme les mathématiques des technologies de l'information et des systèmes complexes sont souvent supérieurs à la valeur qu'ils nous apportent. Nous avons trimé dur avec ces organisations pour abaisser ces frais, mais, très souvent, nous préférons l'embauche directe à la participation à certains programmes.
    C'est génial.
    J'offrirai peut-être un son de cloche semblable. Nous avons des stagiaires, à Nord Quantique, des étudiants du premier cycle, par exemple, et c'est une façon fantastique de les amener également à commencer à acquérir des connaissances à mesure qu'ils progressent.
    Nous bénéficions également de la collaboration d'étudiants en maîtrise et de doctorants dans des projets conjoints et nous avons également des employés à temps partiel qui terminent également leur doctorat. C'est donc aussi une excellente façon de le faire.
    Quelle belle question et qui me touche de près! Moi‑même immigrant de première génération; je suis venu au Canada obtenir mon diplôme et j'y suis resté. J'ai beaucoup de choses en commun avec ces jeunes.
    Ces dernières années, cela devient un peu plus difficile de rester au Canada, simplement parce que, après l'obtention du diplôme, les étudiants ne possèdent vraiment pas de statut permanent. Ils doivent demander un permis de travail postdiplôme d'une durée de seulement deux ans. C'est très stressant pour beaucoup de ces jeunes talents, et ils préfèrent se diriger vers des cieux plus accueillants pour un immigrant ou, sinon, qui offrent une rémunération à la hauteur de ce stress.
    Je conseille vivement au gouvernement de revoir ses programmes d'immigration, du moins pour les étudiants des domaines des sciences, des technologies, du génie et des mathématiques et de s'assurer que, avant d'obtenir la maîtrise ou le doctorat, ils ont en poche un certificat de résidence permanente. C'est la meilleure garantie pour retenir les talents pour qui nous avons investi l'argent du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
    C'est exactement le témoignage que je voulais entendre. Espérons que le gouvernement l'entendra.
    Très bien dit, monsieur Masse. J'ai presque dit « amen ».
    Monsieur Kram, vous disposez de cinq minutes.

  (1720)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Laflamme, à votre curriculum vitæ très impressionnant, j'ai cru comprendre que vous ajoutez votre statut de quasi-étoile de YouTube. J'ai visionné votre vidéo de la fin de l'année dernière sur les options qui s'offrent pour la construction d'un gros ordinateur quantique.
    Pendant la période de questions à la fin de la vidéo, on vous a demandé quel problème vous vouliez résoudre si, demain, vous disposiez d'un tel ordinateur. Vous avez répondu que c'était celui de la fixation de l'azote pour la fabrication d'engrais. Je me demande si vous pouvez le décrire et expliquer comment les ordinateurs quantiques peuvent aider à fabriquer des engrais.
    Votre excellente question fait partie de celles auxquelles les ordinateurs quantiques pourraient nous aider à répondre.
    Quel est ce problème de la fixation de l'azote? C'est de transformer en engrais ce que nous tirons du sol, et il s'avère que l'opération consomme de 3 à 4 % du bilan énergétique mondial. Si nous pouvions en accroître le rendement de 50 %, nous pourrions réduire ce bilan de quelques points de pourcentage, avec la possibilité de conséquences spectaculaires sur des phénomènes comme le réchauffement planétaire.
    Avez-vous communiqué cette idée à Fertilisants Canada ou à quelqu'un d'autre de ce secteur?
    Seulement les informaticiens quantiques du monde sont au courant. C'est donc, sans contredit, un groupe d'intéressés.
    Et j'ajouterai, en manière de plaisanterie, que j'espère des témoins Yazdi, St‑Jean ou Janik un tel ordinateur pour que je puisse la concrétiser.
    D'accord. Excellent! Je m'adresse maintenant à M. St‑Jean.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez décrit comment l'État pourrait agir comme premier utilisateur d'ordinateurs quantiques. Pouvez-vous nous donner des exemples d'applications pratiques de l'informatique quantique dans le fonctionnement de l'État?
    Cela pourrait certainement s'appliquer à certaines questions d'optimisation. Il se fait également de la recherche en sciences des matériaux, et nous avons eu des discussions sur le sujet avec le Conseil national de recherches, le CNRC.
    Quoi d'autre? Le domaine pharmaceutique pourrait se prêter à la recherche de solutions. Pour le moment, ce sera essentiellement un problème ludique, comme on dit, parce que, comme nous l'avons également dit, les systèmes ne sont pas encore tout à fait à l'échelle voulue.
    Voilà le genre de problèmes que nous pouvons commencer à étudier, soit avec le CNRC, soit avec Recherche et développement pour la défense Canada.
    Monsieur St‑Jean, ajouteriez-vous aussi à la liste le chiffrement à des fins de défense nationale?
    Bien sûr. Comme mon collègue l'a mentionné plus tôt, ce sera probablement un peu plus tard. Ce genre de problèmes nécessiterait vraiment des ordinateurs quantiques de grande envergure, de capacité industrielle et à tolérance de pannes ainsi qu'une approche à grande échelle. Nous pensons que c'est pour un peu plus tard.
    Cependant, à propos de ce qui peut être fait, des entreprises s'intéressent aussi particulièrement à ces algorithmes. Elles font donc des logiciels quantiques ou des algorithmes quantiques. Ces collaborations sont logiques. Ce n'est pas une chose sur laquelle nous mettons l'accent, car nous fabriquons le matériel sous-jacent, mais pour ces partenaires, ce serait logique.
    Pour terminer, l'un des témoins aurait‑il l'obligeance de parler des applications de l'informatique quantique pour les chaînes de blocs et les cryptomonnaies?
    Je vais passer mon tour, si vous le permettez.
    Je peux en parler. On nous pose la question étonnamment souvent.
    C'est le même algorithme qui sous-tend certaines parties de la technologie des chaînes de blocs. Pour le Bitcoin, par exemple, le chiffrement à clé publique RSA sert dans cette pile, mais tout comme nous connaissons des approches pour régler le problème de chiffrement — c'est une question de mise en œuvre —, la même situation se présente pour ce qui est des répercussions sur les technologies des chaînes de blocs.
    Nous connaissons la solution. Elle est peut-être un peu pénible à appliquer, mais il est question de le faire maintenant plutôt que de réaliser de nouvelles percées technologiques pour pouvoir protéger ces technologies.
    Je vois. Merci beaucoup.
    Je constate qu'il ne me reste plus de temps.

  (1725)  

[Français]

    Je vais user de ma prérogative en tant que président et me permettre de poser quelques questions.
    Monsieur Laflamme, vous avez mentionné, comme l'ont fait d'autres témoins, que des algorithmes peuvent être résistants aux ordinateurs quantiques.
    Au bénéfice du public, pouvez-vous expliquer ce qu'est un algorithme résistant aux ordinateurs quantiques?
    Ah! Nous allons finalement parler un peu de mathématiques et de science directe.

[Traduction]

    Les gens qui font des algorithmes les classent dans deux catégories: les faciles, soit ceux qui demandent très peu de ressources; et les difficiles, qui demandent beaucoup de ressources. Pour être un peu plus technique, l'une des catégories nécessite une quantité exponentielle de ressources par rapport à l'autre.
    Les algorithmes qui résistent aux ordinateurs quantiques sont ceux pour lesquels nous n'avons pas trouvé d'algorithme quantique qui transforme un problème difficile en un problème facile. L'algorithme habituel, l'algorithme RSA, qui sert à ouvrir une session à votre banque, est difficile à déjouer pour un ordinateur traditionnel. En effet, pour factoriser un grand nombre composé de nombreux bits, il faut une quantité exponentielle de temps dans le nombre de bits du nombre que vous voulez factoriser.
    Nous avons un algorithme quantique qui rend cet algorithme facile à l'aide d'un ordinateur quantique, mais il y a d'autres problèmes mathématiques qui servent à chiffrer de l'information et qui demeurent difficiles à résoudre tant avec un ordinateur traditionnel qu'avec un ordinateur quantique.

[Français]

    Je vous remercie de cette réponse.
    J'aimerais vous poser une dernière question.
    Plusieurs d'entre vous ont dit que des gouvernements de partout dans le monde sont bien au courant des risques que peut représenter l'informatique quantique, principalement pour la sécurité nationale. Les agences de renseignement en sont d'ailleurs bien conscientes.
    Est-ce que le secteur privé, par exemple les banques et d'autres établissements industriels, est également conscient du risque que cela peut représenter?
    Je vous pose la question, monsieur Laflamme, mais MM. Janik, Yazdi et St‑Jean pourront aussi y répondre par la suite.
    Au Canada, le secteur privé, notamment les banques, connaît le potentiel des algorithmes quantiques. La question qui se pose pour les banques, par exemple, est de savoir à quel moment elles devront changer les algorithmes qu'elles utilisent aujourd'hui pour des algorithmes résistants aux ordinateurs quantiques.
    J'imagine qu'il serait un peu prématuré de faire un tel changement maintenant, n'est-ce pas?
    Cela serait-il trop coûteux?
    Ce serait prématuré, parce que ces algorithmes sont approuvés par le gouvernement canadien et celui des États‑Unis, par l'entremise du National Institute of Standards and Technology. Les États‑Unis sont engagés dans le processus d'approbation lié à certains algorithmes. Les algorithmes utilisés au Canada sont très liés aux algorithmes américains. Une fois que les États‑Unis les auront approuvés, les entreprises vont commencer à changer leur système.
     Je vous remercie beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Dong, qui a une dernière question à poser. Il nous reste à peu près deux ou trois minutes.

[Traduction]

    Bien. Je serai bref. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je me suis toujours interrogé au sujet de l'intelligence artificielle par rapport à l'informatique quantique. J'ai entendu dire que l'intelligence artificielle n'est pas vraiment possible sans l'informatique quantique. Je veux entendre les experts à ce sujet. Veuillez parler du processus et de la nature du principe quantique.
    Est‑ce vrai? Vous pourriez peut-être nous éduquer un peu.
    Je vais faire une observation et ensuite laisser mes collègues en dire plus.
    J'ai une petite correction à faire. L'intelligence artificielle est indépendante de l'informatique quantique. Il y a beaucoup de technologie de l'intelligence artificielle dans les ordinateurs traditionnels, qui sert dans de nombreux domaines.
    Il y a ensuite la question de savoir si l'informatique quantique peut vraiment aider l'intelligence artificielle. Je pense que la question n'a pas encore été résolue. Nous avons des raisons de croire qu'elle pourrait aider, mais nous n'en sommes pas convaincus. Il y a des programmes de recherche au Canada. Un membre de mon personnel de recherche se penche actuellement sur certaines de ces questions, et d'autres endroits au Canada feront...

  (1730)  

    Je veux juste demander une chose.
    J'aborde la question du point de vue de la législation sur l'éthique en ce qui a trait à l'intelligence artificielle. Dans l'éventualité où l'informatique quantique servira dans la technologie de l'intelligence artificielle, y a‑t‑il la moindre préoccupation du point de vue de la législation sur l'éthique?
    Ce serait la même chose que vous avez pour l'intelligence artificielle traditionnelle. Il n'y aurait pas de différence fondamentale du point de vue de l'éthique.
    Il y aurait peut-être une différence dans la quantité d'intelligence artificielle que vous pourriez utiliser et sur la vitesse à laquelle vous traiteriez l'information, mais le résultat serait essentiellement le même, et l'information serait utilisée ou manipulée grâce à des moyens qui reposent sur l'intelligence artificielle.
    Quelqu'un veut‑il ajouter quelque chose au sujet de l'intelligence artificielle?
    J'aurais peut-être juste une observation.
    Nous avons une très grande équipe qui se concentre sur l'apprentissage machine quantique et sur des applications de l'intelligence artificielle quantique. Une grande partie de notre ensemble de logiciels met l'accent là‑dessus.
    Je dirais qu'il y a deux types de machines quantiques ou d'intelligence artificielle quantique. Le premier, c'est ce que nous faisons actuellement. On estime que ce n'est avantageux que lorsque les données proprement dites sont quantiques, c'est‑à‑dire lorsqu'on examine des matières, des produits chimiques et ce genre de problèmes, et peut-être dans quelques autres domaines, mais c'est ce qu'on croit.
    Il y a également ce que j'appelle l'ordinateur quantique à but ultime, celui auquel nous rêvons tous lorsque nous fermons les yeux. Celui‑là pourra accélérer des opérations fondamentales et rendre ainsi plus rapide l'apprentissage machine et les applications de l'intelligence artificielle. Cela n'a toutefois rien à voir avec un ordinateur quantique à tolérance de pannes. Quelques composantes supplémentaires qui sont nécessaires pour ce type d'ordinateur quantique font en sorte que ce ne sera probablement pas avant 15 à 20 ans. Je dirais que pour une dizaine ou une vingtaine d'années, les répercussions de l'informatique quantique et de l'apprentissage machine par intelligence artificielle se limiteront probablement à des problèmes de données quantiques.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Dong.

[Traduction]

    Je vous remercie tous pour cette excellente réunion. Je pense que je peux parler au nom de tous les membres du Comité en vous remerciant beaucoup. C'était très intéressant, et nous avons beaucoup appris, et je pense qu'il est important pour les Canadiens de mieux comprendre cette technologie et pour les gouvernements d'être prêts. Je vous remercie donc pour vos observations. Elles sont utiles pour notre étude.
    Je vous souhaite tous une bonne fin de journée.
    La séance est levée.
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