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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 079 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 octobre 2023

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 79e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride et les membres participent donc en personne dans la salle ou virtuellement en utilisant l'application Zoom.
    Je ferai quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme pour prendre la parole. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont proposés. Bien que cette salle soit équipée d'un système audio performant, des effets Larsen sont possibles. Ils peuvent être très dangereux pour les interprètes et causer de graves lésions. Je rappelle aux membres que la cause la plus courante de l'effet Larsen est une oreillette placée trop près d'un microphone.
    En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour suivre un ordre d'intervention combiné de tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne. Conformément à la motion ordinaire du Comité relative aux tests de connexion des témoins, j'informe les membres du Comité que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont effectué les tests de connexion avant notre réunion.
    Conformément à l'article 108(2) et aux motions adoptées par le Comité le mercredi 21 septembre 2022 et le mercredi 18 janvier 2023, le Comité reprend son étude de la sécurité aux frontières entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.
    Je vais maintenant accueillir les témoins.
    Nous sommes très privilégiés et heureux d'avoir parmi nous, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, par vidéoconférence, Son Excellence Andrew Turner, premier ambassadeur du Canada en Arménie.
    De plus, nous recevons, dans la salle, Robert Sinclair, haut représentant pour l'Arctique et directeur général, Affaires de l'Arctique, de l'Eurasie et de l'Europe.
    Soyez le bienvenu, monsieur l'ambassadeur. C'est un grand honneur de vous compter parmi nous aujourd'hui.
    Vous disposez de cinq minutes pour vos observations préliminaires.
    Vous avez la parole. Ensuite, les membres vous poseront des questions.
    Je vous remercie.
    C'est un immense honneur de vous parler en tant que premier ambassadeur résident du Canada en République d'Arménie. Je remercie le Comité de me permettre de comparaître devant lui virtuellement, étant donné que je ne suis arrivé que récemment à Erevan et qu'il y a tellement de travail à faire sur le terrain à un moment aussi important.
    Ayant débuté ma carrière dans la fonction publique comme page parlementaire, je félicite le Parlement de la possibilité que ce programme offre aux jeunes Canadiens.
    Affaires mondiales Canada suit de près la situation dans le Haut-Karabakh et demeure très préoccupé par la détérioration rapide de la situation humanitaire causée par les événements de l'année écoulée, y compris le blocus qui dure depuis 10 mois, l'opération militaire menée par l'Azerbaïdjan le 19 septembre et le déplacement massif et forcé de la population du Haut-Karabakh.

[Français]

    C'est le 19 septembre 2023 que l'Azerbaïdjan a lancé une opération militaire contre les militaires séparatistes dans la région du Haut‑Karabakh. Le 20 septembre, les autorités de facto du Haut‑Karabakh ont annoncé qu'elles acceptaient une proposition de cessez-le-feu présentée par les forces de maintien de la paix russes et basée sur les objectifs maximalistes de l'Azerbaïdjan.

[Traduction]

    L'opération militaire a entraîné l'exode de masse en Arménie des Arméniens qui vivaient au Haut-Karabakh et avaient peur d'y rester, après 30 années de conflit et le blocus des 10 derniers mois. D'après la dernière mise à jour du HCR sur la situation d'urgence, 100 632 personnes sont arrivées en Arménie, autrement dit, presque toute la population arménienne du Haut-Karabakh, qui était estimée à 120 000 personnes. Nous rendons hommage au gouvernement arménien pour son efficacité face à cet afflux de réfugiés, dont plus de 80 % sont maintenant placés temporairement dans des communautés d'accueil dans tout le pays.

[Français]

    Les agences des Nations unies ont lancé un appel pour une somme de 97 millions de dollars afin d'aider 231 000 personnes, y compris les réfugiés et les communautés d'accueil qui les soutiennent. Les premières interventions se sont concentrées sur les besoins les plus immédiats des réfugiés, notamment en matière d'hébergement, mais l'accent est désormais mis sur les besoins à long terme.

[Traduction]

    En appui à ces efforts, le Canada s'est associé à la communauté internationale pour répondre à l'appel à l'aide du gouvernement arménien. Le Canada a annoncé une aide humanitaire combinée de 3,9 millions de dollars en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh qui sera apportée par le CICR, le HCR et d'autres organisations.
    Le 26 octobre, le premier ministre Pachinian a déclaré espérer qu'un accord de paix négocié et l'établissement de relations avec l'Azerbaïdjan pourraient se concrétiser dans les prochains mois. Aujourd'hui, il a de nouveau déclaré, devant l'Assemblée nationale, que la paix et la normalisation des relations avec l'Azerbaïdjan, ainsi que la normalisation des relations avec la Turquie sont les objectifs vers lesquels il tend.
    Le Canada soutient ces objectifs. Le Canada a toujours appelé à une cessation permanente des hostilités et demandé à toutes les parties d'engager un dialogue véritable afin de parvenir à un traité de paix négocié global. Le Canada promeut les principes de non-recours à la force, d'intégrité territoriale des deux pays et d'autodétermination. Un accord de paix doit également garantir le droit de la population déplacée de rentrer au Haut-Karabakh et garantir le respect de ses biens et de ses droits.

[Français]

    Afin de contribuer à parvenir à un accord de paix, diverses initiatives de médiation ont été prises ces dernières années. Cependant, après la deuxième guerre du Karabakh, en 2020, les efforts du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont pris fin.
    Depuis lors, plusieurs processus non officiels ont été lancés pour soutenir les discussions de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, notamment ceux menés par la Russie, l'Union européenne et les États‑Unis. Plus récemment, le 5 octobre, une réunion s'est tenue à Grenade entre l'Arménie, le Conseil européen, la France et l'Allemagne. Le 23 octobre, les ministres des Affaires étrangères de l'Iran, de la Russie, de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et de la Turquie se sont réunis à Téhéran, dans le cadre du format 3+3, pour discuter des développements dans le Caucase du Sud.

[Traduction]

    Avec l'ouverture officielle de l'ambassade du Canada à Erevan par la ministre Joly le 25 octobre, le Canada est maintenant mieux placé pour dialoguer avec le gouvernement arménien et les communautés arméniennes, et pour contribuer utilement aux efforts internationaux déployés pour promouvoir la démocratie, la paix et la stabilité dans la région.
    Pendant sa visite, la ministre Joly a également réitéré le soutien du Canada à l'Arménie face à cette crise. Elle a annoncé une aide humanitaire supplémentaire, rendu visite à la mission d'observation de l'Union européenne, rencontré le gouvernement arménien, notamment le premier ministre Pachinian, rencontré la société civile, et rencontré directement des personnes qui ont dû fuir le Haut-Karabakh afin d'entendre leur histoire.
    La ministre était accompagnée de membres des partis d'opposition, autre gage du large soutien à l'Arménie en ces temps difficiles. Tous nos interlocuteurs arméniens et nos partenaires d'optique commune se réjouissent du soutien continu du Canada et de sa décision d'ouvrir une ambassade à Erevan.
    Il sera important pour l'ambassade de continuer de suivre l'évolution de la situation concernant le Haut-Karabakh, les relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et la situation régionale plus générale.
    Mon équipe et moi-même restons à la disposition du Comité, et je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.
(1110)
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur.
    Nous passons maintenant aux questions des membres. La parole ira en premier à M. Aboultaif pour six minutes.
    Bonjour, Votre Excellence, et merci de votre exposé.
    Je pense que vous nous avez dressé un tableau très clair de ce qui s'est produit et des derniers développements qui ont vu plus de 100 000 Arméniens retourner en Arménie pour y chercher protection, plus ou moins. En outre, 80 % sont hébergés dans des communautés d'accueil, mais que deviennent les 20 % restants? Se trouvent-ils dans des camps convenables? Quelle est la situation de ces 20 %, ce qui représente près de 20 000 personnes?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    L'immense majorité des personnes sont installées dans des logements, accueillies par de la famille et des amis. Le gouvernement s'efforce aussi de trouver des hébergements temporaires, mais rien de tout cela ne nécessite de recourir à des tentes ou à quoi que ce soit de cette nature. Tout le monde est hébergé dans des structures plus permanentes.
    Dans certains cas, les logements sont exigus — ce sont des endroits avec de petites pièces —, mais au moins des hébergements sont fournis pour mettre les gens à l'abri les éléments à l'approche de l'hiver.
    Vous avez mentionné les solutions à court et à long terme à cette situation. Si j'en crois l'histoire, il pourrait se passer des années avant d'arriver à un règlement. Comment envisagez-vous l'avenir pour ce qui est du retour de ces personnes chez elles? Qui va garantir leur sécurité si, à un moment donné, elles peuvent rentrer chez elles?
    Monsieur le président, je dirai qu'il y a deux éléments à prendre en considération. Premièrement, le Canada et le reste de la communauté internationale ont fait très clairement comprendre que le droit des personnes à retourner au Haut-Karabakh doit être respecté et qu'elles doivent avoir un choix libre et sans contrainte d'y retourner de façon permanente ou d'y retourner, si elles le souhaitent, pour récupérer plus de leurs biens.
    Le gouvernement arménien a fait savoir qu'il fait également tout son possible pour accueillir toute la population qui souhaite rester en Arménie, et il demande l'aide de la communauté internationale tandis qu'il élabore des plans pour recevoir ce qui est un très grand nombre de personnes pour pays qui est peu peuplé.
    L'Iran et la Turquie sont des acteurs importants dans la région, de même, évidemment, que la Russie, et nos relations avec la Russie ne sont pas les meilleures. Qui se trouve en face, au fond, si nous prenons l'Iran, la Turquie et la Russie, leurs rencontres et leur vision du tour que prendront les événements? De l'autre côté, c'est‑à‑dire dans notre monde occidental, notre position est-elle bien claire et que devons-nous faire pour arriver au résultat que nous souhaitons, c'est‑à‑dire le retour de ces personnes chez elles? Avec qui allons-nous négocier?
    Monsieur le président, la solution aux problèmes entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, y compris le sort des populations déplacées, est la conclusion d'un accord de paix entre les deux pays. Cela a toujours été au coeur de la question. Le Canada a toujours eu pour politique de soutenir ces efforts.
    L'OSCE, qui par tradition cherche à servir de médiateur, a vu ses efforts échouer au lendemain de l'invasion russe de l'Ukraine et parce que l'Azerbaïdjan ne lui fait plus confiance. Le Canada soutient activement d'autres efforts engagés, par l'intermédiaire de l'Union européenne et des États-Unis, pour encourager les pourparlers. Un autre voisin, la Géorgie, essaie également, par moments, de s'engager.
    Le Canada entend soutenir toute tribune ou instance qui se révélerait être la plus efficace pour parvenir à un accord de paix permanent.
(1115)
    Monsieur l'ambassadeur, les Russes étaient là. Leur propagande disait qu'ils assuraient la sécurité des personnes qui gagnaient l'Arménie pour leur propre sécurité. Comme nous le savons, ce n'est pas vrai.
    Il y a, évidemment, l'aspect économique. Cette région fait partie d'un corridor commercial. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? La Turquie, la Russie et d'autres acteurs s'intéressent à ce corridor commercial et ont intérêt à le protéger. On dirait que la population du Karabakh en paie le prix.
    Pouvez-vous nous donner un aperçu de cet aspect?
    Monsieur le président, je pense que les membres du Comité ont tous vu de nombreux exemples de la propagande et de la désinformation russes. Je dirai clairement que nous ne pouvons prendre pour argent comptant rien de ce que dit Moscou. En tout cas, la population du Haut-Karabakh comme le gouvernement arménien critiquent vivement la prestation des soldats de la paix russe.
    Des efforts pour intégrer les corridors commerciaux resteront des éléments clés dans les pourparlers à l'avenir. Pour ce qui est de parvenir à un accord de paix, c'est un des principes convenus lors de la conclusion du cessez‑le‑feu de 2020. Le premier ministre arménien, M. Pachinian, a répété plusieurs fois qu'il s'agit de quelque chose qui peut être discuté, mais qui nécessite aussi un traitement réciproque et que les corridors commerciaux de tout le Caucase du Sud doivent être ouverts.
    Ce qui me fait penser...
    Je crains que votre temps de parole soit écoulé.
    Nous passons à M. Oliphant. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur.
    Je ne saurai dire combien votre présence parmi nous depuis Erevan est importante. Il y a une dizaine d'années ou plus, je me suis rendu en Arménie et, à mon retour, j'ai rédigé un rapport demandant au gouvernement conservateur d'ouvrir une ambassade à Erevan. Il a aussi fallu du temps à l'actuel gouvernement pour en ouvrir une. Je suis heureux que cette ambassade ait enfin vu le jour. Je suis heureux de vous y voir, personnellement.
    Je mentionnerai également à Erika, notre ancienne greffière, qu'il faudrait que vous rencontriez les pages à un moment donné. Je suis certain que nombre d'entre eux adoreraient savoir qu'ils pourraient aussi devenir ambassadeurs un jour. C'est très important.
    J'ai quelques questions à vous poser.
    La première concerne la situation humanitaire en Arménie. Cent mille personnes arrivent dans le pays. Vous dites que le pays passe de problèmes d'hébergement immédiat à des problèmes d'hébergement à plus long terme.
    Selon vous, quel rôle le Canada pourrait‑il jouer dans ce domaine?
    L'accueil que le gouvernement arménien réserve à ces réfugiés est très impressionnant et toutes les personnes que je rencontre depuis mon arrivée, qu'il s'agisse de membres de la communauté internationale ou d'Arméniens, le soulignent. Il fait un travail extraordinaire pour trouver des hébergements à tout ce monde qui arrive en si peu de temps, notamment si l'on sait qu'il y avait déjà des milliers de réfugiés dans le pays, depuis le conflit de 2020, et que l'Arménie accueille des réfugiés d'autres pays, comme la Syrie, qui fuient d'autres conflits.
    Le principal défi sera maintenant de soutenir le gouvernement dans ses efforts d'intégration de la population. Il faudra, je le répète, passer d'une aide alimentaire et à l'hébergement d'urgence à l'agrandissement des écoles pour qu'elles accueillent plus d'enfants, à l'agrandissement des centres médicaux pour qu'ils puissent soigner plus de monde et, surtout, peut-être, au soutien des efforts déployés pour accroître les possibilités économiques et fournir des emplois.
    Le premier ministre Pachinian a déclaré qu'il y voit une occasion d'intégrer la population, mais qu'il y a beaucoup à faire. Le gouvernement arménien sollicite donc activement les compétences et le soutien de partenaires et d'alliés, dont le Canada.
(1120)
    Je vous remercie.
    Vous avez dit dans vos observations que le premier ministre Pachinian a déclaré espérer la paix et une normalisation des relations avec l'Azerbaïdjan et la Turquie. Pensez-vous que ce soit une réelle possibilité? Est‑ce que ces trois partenaires iront vers des relations normalisées de mon vivant?
    Je le pense certainement. Étant diplomate, je suis naturellement optimiste quant aux possibilités d'éviter les conflits par la diplomatie, surtout quand on voit les résultats tragiques lorsqu'elle échoue. Toutes les parties concernées ont déclaré s'engager à rechercher un accord de paix. Tous les pays de la région gagneraient à un tel accord et, plus généralement, à faire en sorte que le Caucase du Sud puisse fonctionner comme une unité économique intégrée. En fait, seule la Russie y verrait un inconvénient, car elle a pu jusqu'ici monter les uns contre les autres à son avantage.
    Encore une fois, c'est dans l'intérêt de tout le monde. Il y a, au moins, des déclarations d'intention claires. Il s'agira de veiller à ce qu'elles soient suivies d'effet. En tout cas, le Canada, par son ambassade ici et dans le cadre d'autres engagements avec Bakou et Ankara, fait tout son possible pour encourager les parties dans ce sens.
    Je vous remercie.
    Stéphane Dion, envoyé spécial du Canada, s'est rendu en Arménie et a remis à son retour un rapport volumineux et, à mon sens, très important, où il recommandait, entre autres, que nous ouvrions une ambassade.
    Est‑ce que prendre ce rapport et trouver des façons de l'actualiser fait partie de votre plan de travail?
    Oui, tout à fait. J'ai déjà été en contact avec l'ambassadeur Dion, qui reste très investi et attaché à ce qu'il y ait un suivi à son rapport. Je suis heureux de dire que nous avons déjà pu donner suite à plusieurs des recommandations, les plus importantes, sans doute, étant l'ouverture de l'ambassade et la première série de consultations entre le Canada et l'Arménie que nous avons organisée l'an dernier.
    Pour ce qui est de la collaboration avec la société civile, nous avons pu doubler à peu près le financement de l'Initiative Arnold Chan pour la démocratie dans le cadre du Fonds canadien d'initiatives locales depuis sa création en 2018. Nous en sommes à environ 230 000 $ et nous finançons jusqu'à six projets. Nous ne sommes pas encore aux 10 à 15 projets que recommandait l'ambassadeur Dion, mais nous avons nettement progressé dans ce sens. Moi-même et l'équipe de l'ambassade sur le terrain comptons bien nous attacher à mettre aussi en œuvre les autres recommandations.
    Je vous remercie.
    Il ne me reste que quelques secondes pour conclure.
    Je vous remercie de votre travail. Je pense que vous êtes la bonne personne au bon endroit, au bon moment. Je crois que vous pouvez avoir un impact régional aussi important que l'impact direct en Arménie. Il nous fallait une vraie voix à Erevan. Il n'est pas facile d'obtenir des renseignements à Moscou. Je suis heureux de voir une personne intelligente recueillir des renseignements.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur.
    Je vous remercie.
    Nous passons à M. Bergeron, qui disposera de six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je commencerais par faire écho aux propos de mon collègue M. Oliphant, qui a parlé non seulement de l'importance d'avoir une représentation et de vous avoir présent à Erevan, Votre Excellence, mais également de l'importance de l'ouverture d'une ambassade canadienne à Erevan. Selon moi, cette ouverture a beaucoup trop tardé, mais l'ambassade est enfin ouverte et j'en suis très heureux. Je félicite le gouvernement d'être finalement allé de l'avant et d'avoir ouvert cette ambassade.
    Votre Excellence, je suis très heureux de vous retrouver. Nous avons passé un peu de temps ensemble, mais ce n'est que ce matin que j'ai appris que vous aviez été page à la Chambre des communes. Je n'ose pas demander si vous l'étiez à l'époque de mon premier passage comme député fédéral.
    Monsieur Sinclair, merci infiniment d'être des nôtres également.
    En décembre 2022, en contravention des dispositions de l'accord de cessez-le-feu conclu après la guerre de 2020, l'Azerbaïdjan a permis, voire organisé, le blocage du corridor de Latchine, ce qui a provoqué une famine dans la population du Haut‑Karabakh. L'objectif inavoué de ce blocage était de vider le Haut‑Karabakh de sa population.
    Pensant probablement que les choses n'allaient pas assez rapidement, l'Azerbaïdjan a décidé d'intervenir, le 19 septembre dernier, en envahissant le Haut‑Karabakh, ce qui a provoqué un exode massif de la population: plus de 100 000 habitants du Haut‑Karabakh sont partis vers l'Arménie. Cela a mené l'ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations unies, M. Bob Rae, à décrire la situation comme étant « un échec total de la diplomatie mondiale face au nettoyage ethnique ».
    J'imagine que la communauté internationale ne peut pas demeurer insensible et inactive face à une opération de nettoyage ethnique reconnue comme telle par notre représentant permanent aux Nations unies.
    Lors d'une conférence de presse, la ministre Mélanie Joly, en compagnie de son homologue arménien, a expliqué que toutes les options étaient sur la table concernant l'Azerbaïdjan.
    Quelles sont ces options, Votre Excellence? Cela inclut-il d'éventuelles sanctions?
(1125)
    Oui. Pendant sa visite ici, en Arménie, la semaine passée, la ministre Joly a répété directement, en réponse à la question qui portait précisément sur la possibilité de sanctions, que toutes les options étaient effectivement encore considérées.
    C'est toujours une mesure que nous utilisons, si nécessaire. Nous préférons ne pas y avoir recours et plutôt résoudre le problème par la diplomatie. C'est cependant un mécanisme important que nous avons à notre disposition et que nous avons utilisé dans plusieurs cas, peut-être plus marqués, par exemple en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est donc certainement une des options.
    De plus, nous avons conclu des arrangements pour que le Canada soit le premier pays hors de l'Union européenne à participer à la mission d'observation pour s'assurer d'avoir des informations provenant directement de la frontière. Nous travaillons aussi avec tous nos alliés et partenaires pour que des messages soulignant l'importance de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale et de ne pas avoir recours à l'utilisation des forces militaires parviennent directement à Bakou ainsi qu'à Ankara, qui a, bien sûr, beaucoup d'influence sur l'Azerbaïdjan.
    Je vous remercie, Votre Excellence, d'avoir rappelé les raisons pour lesquelles nous avons imposé des sanctions contre la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine.
    Cela dit, vous n'êtes pas sans savoir qu'en 2020, et de nouveau plus récemment, au cours des derniers mois, l'Azerbaïdjan a envahi des parcelles du territoire souverain de l'Arménie. D'ailleurs, il occupe toujours ce territoire. L'Azerbaïdjan ne s'est donc pas contenté d'agresser le territoire autonome du Haut‑Karabakh, qui est situé sur son territoire, mais a également envahi des parcelles du territoire de l'Arménie. Je pense que cela requiert une action de la part de la communauté internationale, surtout devant ce que l'ambassadeur Bob Rae a reconnu comme étant un nettoyage ethnique. Nous nous devons d'agir.
    Votre Excellence, vous avez beaucoup d'espoir, bien sûr, qu'on en arrivera à un accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et entre l'Arménie et la Turquie. J'aimerais partager votre espoir et votre optimisme. Dans l'intervalle, devant l'éventualité d'un accord de paix, comment s'assure-t-on que des familles azerbaïdjanaises ne s'installeront pas dans des maisons d'Arméniens dans le Haut‑Karabakh? Autrement, on se retrouvera dans une situation gelée ou coulée dans le béton et qui ne permettra pas le retour éventuel des familles dans le Haut‑Karabakh.
    C'était ma première question.
    Deuxièmement, quelle garantie a-t-on, de la part de l'Azerbaïdjan, que les biens culturels datant de plusieurs siècles présents dans le Haut‑Karabakh seront protégés?
(1130)

[Traduction]

    Monsieur Bergeron, votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur l'ambassadeur, si vous pouvez répondre très brièvement aux deux questions en 30 secondes, nous vous en serions reconnaissants.

[Français]

    Étant donné qu'il y a eu plus de 30 années de conflits, beaucoup d'informations ne sont pas claires quant aux frontières exactes des deux pays. C'est une des raisons pour lesquelles on veut en arriver à un accord de paix permanent. Cela permettra de régler toutes ces questions, y compris la protection des maisons ainsi que des biens et des sites culturels.
    Le Canada soutient ces efforts dans les négociations ainsi que dans des forums comme l'UNESCO.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons à Mme McPherson. Vous disposez de six minutes. Vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, Votre Excellence, d'être des nôtres aujourd'hui. Il est très important pour nous d'avoir votre témoignage, et il est encourageant de savoir que vous vous trouvez sur place, sur le terrain, et que l'ambassade est ouverte.
    Mon collègue M. Bergeron vous a posé une question sur les sanctions, et j'ai une question très similaire à vous poser.
    Le 22 septembre, j'ai écrit à la ministre Joly, ministre des Affaires étrangères, pour demander que des sanctions ciblées soient prises immédiatement contre les Azerbaïdjanais et les entités azerbaïdjanaises qui sont responsables de violations du droit international et d'atteintes aux droits de la personne. Je n'ai pas obtenu de réponse.
    Je suis curieuse. Vous dites que des sanctions sont sur la table. Vous avez dit à mon collègue que le gouvernement envisage des sanctions. Sachant ce qui s'est passé il y a un peu plus d'un mois, quand le Canada les considérera‑t‑il sérieusement comme faisant partie des mesures qu'il peut prendre?
    La ministre s'est montrée très claire au sujet des sanctions... Encore une fois, toutes les options sont sur la table, et nous y réfléchissons. Pour ce qui est d'imposer des sanctions, le Canada estime généralement qu'il est plus efficace de le faire en partenariat avec ses alliés d'optique commune. Des discussions sont nécessaires pour savoir où se situent nos alliés par rapport à des sanctions.
    Encore une fois, pas plus tard qu'aujourd'hui même, le premier ministre arménien a répété que des discussions sont en cours pour aller vers un processus de paix avec l'Azerbaïdjan. Il faut donc aussi se demander s'il serait opportun d'imposer des sanctions pendant que ces discussions ont lieu. C'est une question qui est débattue en Arménie. Nous l'avons vu même pendant les entretiens que la ministre a eus pendant sa visite. C'est une des nombreuses questions à propos desquelles le moment exact où des mesures seront prises fait l'objet de discussions.
    Certes. Cependant, l'Azerbaïdjan a lancé une offensive. Le 19 septembre, plus de 200 personnes ont été tuées. Il y a eu, comme nous l'avons dit, le déplacement massif de plus de 100 000 Arméniens.
    Il me semble que les discussions que le Canada devrait avoir avec ses partenaires d'optique commune auraient déjà dû commencer. Est‑ce le cas? Il semble difficile d'avoir un processus de paix après que 100 000 Arméniens ont dû fuir leur foyer.
    Je me demande donc s'il est question avec nos alliés d'optique commune d'éventuelles sanctions. Pensez-vous que l'Azerbaïdjan aborde ce processus de paix de bonne foi?
    Monsieur le président, des discussions ont certainement lieu avec nos alliés d'optique commune. Comme je l'ai indiqué, il y a un débat continu pour savoir quand il serait le plus approprié de recourir à des sanctions.
    Pour ce qui est de l'impact du déplacement de population, le Canada a très clairement condamné le blocus mis en place par l'Azerbaïdjan, demandé la réouverture du corridor et condamné l'opération militaire du 19. Le Canada a très clairement fait savoir que le droit des personnes déplacées de retourner chez elles doit absolument être respecté.
    Nous voulons évidemment que justice soit faite par rapport aux crimes commis. Nous souhaiterions voir utiliser les instruments internationaux dont nous disposons.
    Le Canada a‑t‑il eu des conversations à ce sujet? Le Canada demandera‑t‑il le recours aux mécanismes juridiques internationaux?
(1135)
    Le Canada participe bel et bien à des discussions. Comme pour les sanctions, toutefois, il s'agit aussi d'une question qui est débattue en Arménie, où l'on se demande à quel moment il serait le plus approprié de s'engager dans ce type d'activité.
    Aussi longtemps que le gouvernement estimera que le processus de paix peut se poursuivre, nous ne voudrons rien faire qui puisse entraver ces efforts.
    Je vous remercie.
    Il me semble que vous avez mentionné que, depuis le 28 septembre, le Canada a promis 3,9 millions de dollars pour le financement de l'aide humanitaire en réponse à cette crise.
    Nous savons que les fonds sont alloués au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et au Comité international de la Croix-Rouge. Pouvez-vous me dire combien sur cette somme a été versé et comment ces fonds sont utilisés exactement?
    Monsieur le président, je ne sais pas précisément combien il a été versé pour l'instant. Nous pouvons vérifier et vous le confirmer.
    Encore une fois, le Canada a pour habitude de verser les fonds directement à l'organisme — dans ce cas, le HCR et le CICR — et de le laisser les utiliser pour répondre aux besoins qu'il estime les plus urgents sur le terrain.
    Nous vous serions reconnaissants de nous donner le montant qui a été versé à ce jour. Cela nous aiderait. Je vous remercie.
    Pour ma dernière question, je vous demanderai de clarifier certains des commentaires de la ministre Joly. Elle a déclaré ceci: « Le Canada appuie une solution politique négociée au conflit dans le Haut-Karabakh ainsi que le maintien du dialogue entre les parties en vue de promouvoir la mise en œuvre de mesures de confiance. »
    De votre point de vue et du point de vue du Canada, quel type de règlement négocié serait nécessaire pour garantir la paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan?
    Les dispositions exactes devront manifestement être négociées entre les deux États.
    Cependant, les questions généralement qui sont examinées concernent quelques-uns des principes clés exposés depuis des décennies, dans certains cas, mais en tout cas rappelés dans de récentes déclarations, y compris à Grenade. Il s'agit de la reconnaissance mutuelle, par les deux parties, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, de l'autodétermination et du non-recours à la force.
    Il faudra, évidemment, dans ce processus s'entendre sur un processus pour délimiter la frontière entre les deux pays et pour régler les différends territoriaux découlant du tracé même de la frontière.
    Il faudra également trouver un mécanisme pour régler les demandes d'indemnisation pour les pertes subies par les victimes, très probablement depuis les conflits des années 1990 jusqu'à ces dernières semaines.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur.
    Nous passons à M. Chong. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur l'ambassadeur, pouvez-vous nous dire ce que vous savez de la situation des quelque 20 000 Arméniens restés au Haut-Karabakh?
    D'après les rapports de la mission de l'ONU qui a été autorisée à entrer sur le territoire — pour la première fois depuis une vingtaine d'années —, ainsi que d'organisations humanitaires, presque toute la population arménienne est partie.
    Je le répète, l'ONU a déclaré à un moment donné n'avoir pas trouvé plus de 50 personnes. Les estimations les plus élevées font état de moins de 100 personnes. L'immense majorité et, en fait, la totalité de la population serait maintenant passée en Arménie.
    D'accord. Je vous remercie. Merci d'avoir clarifié ce point.
    Quand vous parlez de 80 % des personnes, vous parlez de 80 % des 120 000 personnes hébergées en Arménie même.
    Oui. L'immense majorité de la population est hébergée en Arménie.
    D'après certaines estimations, quelques milliers de personnes auraient quitté l'Arménie pour d'autres pays, dont la Russie, où elles ont des attaches familiales et des droits de résidence, mais le gouvernement arménien a clairement fait savoir qu'il entend veiller à ce que toute personne qui le souhaite puisse retourner au Haut-Karabakh ou, si elle préfère ne pas exercer ce droit, à ce qu'elle puisse rester en Arménie.
(1140)
    Juste pour clarifier, où se trouvent la majorité des 120 000 Arméniens du Haut‑Karabakh? Environ 100 000 sont hébergés en Arménie. Plusieurs milliers sont dans d'autres pays. Et les autres?
    Encore une fois, on pense que les autres se trouvent en Arménie, où on leur trouve actuellement un logement. En fait, à mesure que le gouvernement lui transmet des renseignements, l'ONU met à jour les chiffres et les estimations.
    Le soi-disant président du gouvernement de facto du Haut‑Karabakh a signé, fin septembre ou début octobre, un décret qui dissout toutes les institutions du gouvernement séparatiste. Est‑ce que cela veut dire que les 120 000 Arméniens n'ont aucune intention de retourner au Haut‑Karabakh?
     D'après les conversations que vous avons eues directement avec quelques-uns des réfugiés au cours de la visite de la ministre Joly, les gens souhaitent vivement retourner au Haut‑Karabakh, s'ils pensent pouvoir le faire en toute sécurité.
    À l'heure actuelle, étant donné ce qui se passe, ils ne sont pas convaincus que ce soit possible. Cependant, la majorité des personnes s'attendent à rester en Arménie et pas à être en mesure de rentrer bientôt chez elles.
    D'accord, je comprends.
    L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont tous deux déclaré, au cours des dernières semaines et des derniers mois, être très optimistes quant à la négociation d'un traité de paix entre leurs deux pays.
    Pouvez-vous expliquer pourquoi c'est important et dans quelle mesure le droit au retour des 120 000 Arméniens risque de constituer un obstacle à la conclusion de ce traité de paix?
    Monsieur le président, pour l'instant, l'Azerbaïdjan n'a ni indiqué ni déclaré qu'il s'opposerait au droit au retour. Il a créé des mécanismes qui permettent à la population de s'inscrire pour recevoir des services de l'État azerbaïdjanais. La question sera beaucoup plus probablement celle de la méfiance et de la crainte pour la sécurité qui se sont renforcées au fil des dernières décennies d'hostilité et au cours des récents événements aussi.
    Il y a également la question des populations déplacées depuis les conflits azerbaïdjanais des années 1990. Elle occupera certainement beaucoup de place dans les questions qui devront être réglées dans un accord de paix.
    J'ai, très rapidement, une dernière question.
    Quel est, du point de vue de la citoyenneté, le statut des 120 000 Arméniens déplacés en République d'Arménie? Sont-ils considérés comme des citoyens à la fois arméniens et azerbaïdjanais?
    D'après les discussions que j'ai eues avec le HCR la semaine dernière, les documents que possèdent les résidents du Haut‑Karabakh ne leur conféreraient pas automatiquement la citoyenneté arménienne. Le HCR a donc insisté sur le fait qu'en théorie, ils seraient considérés comme des réfugiés, bien que beaucoup aient des proches parents en Arménie.
    Le HCR encourage le gouvernement arménien à mettre en place des formalités qui leur permettent de devenir rapidement citoyens à part entière. C'est en grande partie une question de pure forme, étant donné les liens étroits qui existent entre les communautés, mais le HCR a précisé que des formalités seront nécessaires pour leur naturalisation.
    Faut‑il y voir un signe, monsieur l'ambassadeur, que...
    Monsieur Chong, votre temps de parole est écoulé.
    Est‑ce que je peux juste...
    Vous avez largement dépassé le temps imparti.
    Nous passons à M. Zuberi. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Turner, de votre présence aujourd'hui.
    Je vais revenir sur le thème des sanctions dont il a déjà été question aujourd'hui. Il s'agit d'un outil important que nous utilisons pour promouvoir la paix et la sécurité dans le monde, comme vous le savez parfaitement, j'en suis certain.
    En ce qui concerne les sanctions et ce conflit en particulier, est‑ce qu'à ce jour, l'Arménie a demandé à des alliés de prendre des sanctions contre l'Azerbaïdjan?
(1145)
    Non, comme je l'ai dit, il semble y avoir tout un débat en Arménie sur la question de savoir si des sanctions devraient être imposées ou pas à ce stade.
    Nous avons certainement vu des appels au soutien et à l'action, mais il y a des débats sur toute une série de questions, comme les sanctions, l'adhésion à l'Organisation du Traité de sécurité collective et les processus de reddition de comptes. Nous voyons des débats en Arménie sur les mécanismes auxquels on pourrait recourir utilement et sur le meilleur moment pour cela.
    L'impression est vraiment que l'accent devrait être avant tout mis sur la conclusion d'un accord de paix négocié.
    Il est logique que nous nous attendions à ce que l'Arménie prenne l'initiative, étant donné qu'elle est directement touchée. L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont directement concernés. Nous devons donc voir comment ces deux acteurs se comportent avant de nous impliquer.
    Je suis certain que vous êtes très bien informé de ce qui se passe, étant donné votre présence en Arménie. Vous l'avez mentionné, mais en ce qui concerne les sanctions comme outil de promotion de la paix, pouvez-vous nous dire comment cela se passerait — la question des sanctions — dans ce cas particulier et quelle incidence des sanctions auraient sur le rétablissement de la paix?
    Imposer des sanctions en ce moment risquerait de nuire aux efforts de paix en cours. Nous ne voyons personne choisir cette option, mais la France, par exemple, a annoncé la possibilité d'un soutien militaire et, en réaction, l'Azerbaïdjan s'est retiré de rencontres et de discussions internationales qui auraient pu aider à faire avancer le processus de paix. Nous ne savons pas si cela aurait été le cas, mais cette annonce a certainement donné une excuse à l'Azerbaïdjan pour ne pas y participer.
    Encore une fois, ce type d'activité — l'imposition de sanctions — risque de donner des excuses à certaines parties au conflit pour freiner encore les pourparlers de paix, ce qui va, évidemment, à l'encontre du but recherché.
    C'est vraiment utile, parce que cela nous aide à atteindre notre but ultime, qui est la paix. Les sanctions sont un outil très important et essentiel qui doit être utilisé au bon moment. Cependant, pour revenir à ce que vous disiez au sujet de la paix, nous voulons vraiment aider les gens en Arménie et la région.
    En ce qui concerne le droit au retour, il en a été question tout à l'heure et c'est un principe très important. À ma connaissance, le gouvernement du Canada demande que les Arméniens aient pleinement le droit de retourner dans le Haut‑Karabakh. Nous savons aussi, comme vous l'avez dit, qu'il existe des liens étroits.
    Si les Arméniens de la région choisissent de ne pas y retourner, que se passe‑t‑il s'ils souhaitent récupérer des affaires, avoir pleinement accès à leurs biens et faire respecter la valeur monétaire de ces biens? Nous demandons évidemment le plein respect du droit au retour, mais si les Arméniens choisissent une autre option, comment peuvent-ils faire respecter leurs droits?
    Le Canada demande très clairement, comme ses alliés d'optique commune, le plein droit au retour, sans aucune limite, ce qui comprend le droit des Arméniens de retourner au Haut‑Karabakh pour une courte période afin de récupérer des affaires, de s'occuper de biens et de faire ce qu'ils veulent. Encore une fois, ce sont leurs maisons. Ce sont leurs affaires. Ils ont le droit d'en faire ce qu'ils veulent, et ce droit ne peut être enfreint d'aucune manière. Qu'il s'agisse d'un droit permanent de retourner vivre au Haut‑Karabakh ou simplement d'un droit de courte durée pour se séparer de biens ou pour récupérer des effets personnels, ce droit doit être respecté.
(1150)
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à M. Bergeron pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Votre Excellence, je pense que vous avez utilisé le terme « prétexte » pour justifier le fait que l'Azerbaïdjan a décidé de se retirer d'une rencontre devant mener à la conclusion d'un traité de paix. Je pense que cela doit nous amener à nous interroger sur la réelle volonté de l'Azerbaïdjan d'en arriver à une paix durable dans la région.
    Par ailleurs, je trouve un peu particulier qu'on pointe ainsi du doigt la France, qui a été le seul soutien réel de l'Arménie durant ces derniers mois, soulevant la question au Conseil de sécurité des Nations unies, établissant une mission diplomatique dans ce qui serait le couloir entre l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, puis offrant à l'Arménie des armes, de manière à rétablir un certain équilibre et à dissuader toute intervention ultérieure de la part de l'Azerbaïdjan, qui pourrait être encouragé par ses derniers succès militaires. Ces derniers, je me permets de le rappeler, ont été rendus possibles grâce à la technologie canadienne utilisée dans les drones Bayraktar que la Turquie a fournis à l'Azerbaïdjan sans même en informer le Canada.
    Je ferme la parenthèse à cet égard et je reviens sur la position politique du gouvernement présentement en place en Arménie.
    Votre Excellence, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement du premier ministre Nikol Pachinian fait l'objet d'énormes pressions. En réponse à mon collègue M. Aboultaif, vous parliez de désinformation. Je pense qu'il y a énormément d'opérations de désinformation visant à déstabiliser le gouvernement du premier ministre Pachinian.
    Qu'en dites-vous?
    Aucun de mes commentaires ne visait à critiquer la France. C'était simplement un exemple. On a aussi vu l'Azerbaïdjan essayer de critiquer la mission de l'Union européenne en disant que la possible participation du Canada en ferait une sorte de mission de l'OTAN. Alors, il faudra effectivement avoir la possibilité d'observer comment agira le gouvernement à Bakou et s'assurer qu'il est sérieux quant à la négociation d'un accord de paix.
    Pour répondre à la question, je dois dire qu'on voit beaucoup de désinformation visant le gouvernement de Nikol Pachinian, c'est sûr et certain. La création d'une véritable démocratie dans un territoire si près de la Russie, dans un territoire appartenant à un ancien membre de l'Union soviétique, est un cauchemar pour la Russie. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la Russie a mené des opérations militaires contre l'Ukraine et, auparavant, contre la Géorgie.
    Alors, il est incroyablement important que l'Arménie ait l'occasion de continuer à développer son système démocratique. C'était une des bases du rapport de l'envoyé spécial M. Dion, et c'est certainement un élément sur lequel l'ambassade et le gouvernement du Canada vont insister.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons passer à Mme McPherson pour deux minutes et demie. Il s'agit de la dernière question.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Encore merci, monsieur l'ambassadeur, de votre présence aujourd'hui.
    Monsieur l'ambassadeur, sur les réseaux sociaux, Bob Rae, ambassadeur et représentant permanent auprès des Nations unies à New York, qualifie la situation du Haut‑Karabakh d'échec complet de la diplomatie mondiale face à un nettoyage ethnique. Le gouvernement du Canada croit‑il que le Haut‑Karabakh ait été le théâtre d'un nettoyage ethnique?
    Mes collègues de la Direction générale du droit international s'empresseraient de déclarer qu'il n'existe pas, en droit international, de définition précise de ce qui constitue un nettoyage ethnique, mais ce que peut être un élément ou un aspect de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. Il appartiendrait à une instance juridique autorisée de se prononcer à ce sujet, puisqu'il existe des définitions très précises de ces crimes.
    Ce qui est parfaitement clair, toutefois, c'est que nous avons vu le blocus durant 10 mois et le recours à la force militaire, et que nous avons vu les habitants contraints de fuir, car ils avaient légitimement peur pour leur vie et pour leur sécurité. Il est donc tout à fait impératif que leur droit au retour et leur droit de jouir de leurs biens soient respectés.
(1155)
    Évidemment et, précisons‑le, de rentrer en toute sécurité.
    M. Andrew Turner: Bien sûr.
    Mme Heather McPherson: J'ai également une question sur les partis d'opposition en Arménie, et j'aimerais avoir votre point de vue.
    Nous savons que la prise de contrôle totale du Haut‑Karabakh en septembre a provoqué de grandes manifestations dans la capitale arménienne. Certains manifestants réclamaient la démission du premier ministre arménien à cause de ses échecs apparents.
    Quelle est la réaction des partis d'opposition aux événements de septembre?
    Il est vrai que l'opposition critique vertement le premier ministre Pachinian depuis plusieurs années. De fait, elle s'est déjà montrée très critique pendant le conflit de 2020.
    Cependant, le gouvernement a non seulement été réélu en 2021 en raison de son engagement envers la démocratie et les réformes, mais les Arméniens considèrent généralement qu'il a très bien réagi face à la crise humanitaire en accueillant les réfugiés. Résultat, nous n'avons pas encore vu de grandes manifestations durables.
    Il y a eu des manifestations dans un premier temps, mais elles ne s'installent pas vraiment. Il continue d'y avoir une opposition, mais elle s'exprime dans les débats au Parlement plutôt que dans de grandes manifestations de rue.
    Je vous remercie, Votre Excellence.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie.
    Il est maintenant 11 h 59. Je remercie l'ambassadeur Turner de s'être rendu disponible. Je remercie également M. Sinclair. Nous vous sommes très reconnaissants de votre temps et de vos compétences.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes environ pour permettre au deuxième groupe de témoins de comparaître devant nous.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.

[Français]

    J'ai simplement une question, monsieur le président.
    Est-ce qu'on avait offert à Son Excellence et aux représentants d'Affaires mondiales Canada la possibilité de comparaître pendant toute la durée de la réunion du Comité, c'est-à-dire deux heures, et ils ont émis des réserves à cet égard?

[Traduction]

    Oui, monsieur Bergeron. Comme les membres l'ont indiqué précédemment, dans le groupe suivant, nous recevons quatre autres témoins.

[Français]

    Ce n'était pas là ma question, monsieur le président.
    Je voulais savoir si on avait offert à Son Excellence et aux représentants d'Affaires mondiales Canada la possibilité de comparaître pendant les deux heures de la réunion du Comité et s'ils avaient émis des réserves à cet égard.

[Traduction]

    Non, monsieur Bergeron. Si vous vous rappelez, lorsque cette question a été examinée avec tous les membres, il a été décidé que, pendant la première heure, nous recevrions l'ambassadeur et que, pendant l'heure suivante, nous entendrions différents experts. Au départ, quand la greffière a établi le contact, elle a demandé une heure.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons suspendre la séance pendant quatre à cinq minutes environ.
(1155)

(1200)
    Bienvenue à toutes et à tous. Nous reprenons notre réunion sur l'étude de la sécurité aux frontières entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.
    Je souhaite la bienvenue aux quatre témoins, dont deux se trouvent avec nous dans la salle et deux sont des nôtres virtuellement.
    Nous recevons le professeur Jean‑François Ratelle, de l'Université d'Ottawa. Nous recevons également le professeur Jeff Sahadeo, de l'Université Carleton. Nous recevons le professeur Christopher Waters, de la faculté de droit de l'Université de Windsor. Enfin, Mme Olesya Vartanyan se joint à nous aujourd'hui en qualité d'analyste principale, spécialiste du Caucase du Sud.
    Chacun de vous disposera de cinq minutes pour présenter ses observations préliminaires. Toutefois, comme nous entendons quatre témoins, le temps sera compté.
    Cela dit, nous donnerons la parole en premier au professeur Ratelle, qui dispose de cinq minutes.
(1205)
    En septembre 2023, l'Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive militaire visant à reprendre la région séparatiste du Haut-Karabakh. Tout en contrevenant à l'accord de cessez-le-feu conclu en 2020, cette opération avait pour but de reprendre la région en profitant du fait que la Russie demeurait embourbée en Ukraine et peu intéressée à remplir son mandat de garant de la paix. Après une rapide victoire militaire de l'Azerbaïdjan sur les séparatistes arméniens, 120 000 Arméniens de souche ont fui la région, craignant pour leur vie.
     Par son envergure et sa rapidité, ce possible nettoyage ethnique évoque ce qu'a connu l'ex‑Yougoslavie dans les années 1990. Au lieu d'être motivée par des exterminations massives, la situation est l'aboutissement de longues années de méfiance et de crainte entre les deux communautés ethniques et le gouvernement azerbaïdjanais. Certains cas possibles de crimes de guerre, notamment des exécutions extrajudiciaires et la destruction de sites patrimoniaux et de biens civils, ont été recensés durant l'opération militaire de 2023. Le nettoyage ethnique est essentiellement le résultat de l'horrible choix que les Arméniens de souche ont dû faire dans le chaos de l'opération militaire azerbaïdjanaise: survivre en Arménie ou quitter leur territoire ancestral.
     Même si le gouvernement azerbaïdjanais a garanti que les Arméniens pouvaient retourner en toute sécurité au Haut-Karabakh à titre de citoyens azéris, le retour au statu quo ante semble presque impossible.
     Tout d'abord, en tant que minorité ethnique, les Arméniens craignent les possibles violences et la haine ethnique des forces de sécurité et des citoyens locaux de l'Azerbaïdjan nouvellement réinstallés. Les années de tensions ethniques qui ont eu cours dans la région ont radicalement transformé les relations entre Azerbaïdjanais et Arméniens.
     Deuxièmement, l'Azerbaïdjan est loin d'être une démocratie libérale fonctionnelle, avec son approche très répressive envers les forces d'opposition et la presse en général. La règle de droit qui pourrait théoriquement étayer la protection des Arméniens demeure institutionnellement faible, voire inexistante.
     En outre, depuis quelques années et même plus longtemps, le gouvernement Aliyev est peu enclin à protéger les Arméniens. Avant l'opération militaire de 2023 visant à reprendre le Haut-Karabakh, le gouvernement azerbaïdjanais a imposé un blocus du corridor de Latchine, unique route menant à l'enclave arménienne après le cessez-le-feu de 2020. Ce blocus de facto a affamé la population arménienne et l'a privée pendant plusieurs mois du droit de survivre au Karabakh.
     L'absence de réaction et d'intervention de la communauté internationale après la guerre de 2020 et l'opération militaire de 2023 a enhardi le gouvernement azéri. Au lieu d'une quête de paix, on craint que le conflit militaire s'étende à l'Arménie, vraisemblablement dans la province de Syunik dans le sud du pays. L'occupation militaire du corridor de Zangezur créerait un pont terrestre reliant le Haut-Karabakh nouvellement contrôlé et le Nakhitchevan.
     Quand on discute des processus de paix dans la région, on discute du risque d'escalade qui mènerait à une guerre de conquête et une guerre d'agression du côté de l'Azerbaïdjan, et possiblement à une alliance entre Ankara et Bakou.
     Je souhaite formuler au gouvernement canadien quelques recommandations sur la conduite à adopter.
     Le gouvernement du Canada devrait appuyer la ratification par l'Arménie de son statut, ce qui aiderait à protéger les minorités arméniennes et à faire enquête sur ce qui s'est passé dans le Haut-Karabakh.
     Le rôle de la Cour pénale internationale, ou CPI, consisterait à sanctionner les actions criminelles commises au Nagorny-Karabakh, comme on l'a fait ces dernières années pour le Bangladesh et le Myanmar. Même si l'Arménie et l'Azerbaïdjan ne font pas partie de la CPI et n'ont pas ratifié le statut de la CPI, la situation des réfugiés en Arménie pourrait tomber sous la juridiction de la CPI si l'Arménie ratifiait son statut durant l'année à venir. Ce geste pourrait mener à un renvoi à la CPI du dossier du nettoyage ethnique mené dans le Haut-Karabakh, advenant que l'Azerbaïdjan ne veuille pas ou ne puisse pas entamer des poursuites pour les crimes commis.
     Nous avons déjà discuté de la possible imposition de sanctions à l'Azerbaïdjan si le pays viole l'intégrité territoriale de l'Arménie dans le sud ou entrave le retour de la population arménienne.
(1210)
    Enfin, il nous semble essentiel que le Canada veille à la protection des lieux historiques, des symboles nationaux et des sites religieux, y compris les monastères et les villages, qui sont actuellement détruits en Azerbaïdjan par des acteurs locaux et par les forces azerbaïdjanaises.
     Merci de votre attention.
    Je vous remercie, monsieur Ratelle.
     Je donne maintenant la parole à M. Sahadeo, pour cinq minutes.
    Merci de votre invitation. Je qualifierai d'extrêmement fluide et imprévisible la situation dans le Caucase du Sud, et la suite des choses dépendra en bonne partie de ce que feront les plus importantes puissances dans la région — à savoir la Russie et l'Iran, mais surtout la Turquie — et de la manière dont elles estiment que leurs intérêts sont servis par les relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
     Je pense que les pays occidentaux n'ont pas d'intérêt soutenu à favoriser une solution durable pour la région, et s'ils ont actuellement le moindre intérêt dans le Caucase du Sud, c'est principalement envers les réserves de gaz azerbaïdjanais. L'Azerbaïdjan fournit environ 3,5 % du gaz de l'Union européenne — une proportion qui, sans être énorme, est certainement conséquente — , et beaucoup plus à certains pays d'Europe de l'Est, et aucune sanction n'a été réclamée. L'Union européenne n'a mené aucune action soutenue pour soutenir l'Arménie, à l'exception de la France, mais toute fourniture d'armement français prendra des années avant d'arriver en Arménie.
     L'ouverture de l'ambassade du Canada à Erevan est bien accueillie, car de nombreux Arméniens entretiennent des sentiments positifs à l'égard de l'Occident. Cette situation peut nous permettre de jouer un rôle humanitaire sur le terrain. Cependant, nous devrions maintenant nous concentrer à court terme sur quelque chose qui offre maintenant une occasion favorable à l'Arménie, soit commencer à construire une démocratie durable, à bâtir un État qui compte des ONG actives, qui soutient la règle de droit, qui possède une branche judiciaire indépendante et qui respecte les droits des LGBTQ et les droits de la femme. Je pense que l'ambassade peut jouer de tels rôles.
     Je reconnais avec monsieur l'ambassadeur que le gouvernement arménien a le très grand mérite d'avoir accueilli quelque 100 000 réfugiés. Pour un pays de trois millions d'habitants, ce n'est pas un chiffre négligeable, mais il faut par ailleurs souligner que de nombreux villages arméniens sont aujourd'hui dépeuplés. Beaucoup de jeunes ont quitté pour la Russie ou l'Occident et la guerre a fait de nombreux morts, surtout en 2020; l'Arménie a besoin de notre soutien économique et de notre aide pour mettre en place un État durable, nonobstant ce qui se passe au Karabakh et dans le sud.
     Comme l'a signalé M. Ratelle, il reste à savoir ce que l'Azerbaïdjan fera du soutien de la Turquie. Des appels ont été lancés au sein de l'Azerbaïdjan. De plus, de nombreux nationalistes azerbaïdjanais parlent maintenant de l'Arménie comme de l'Azerbaïdjan occidental, et le corridor de Zangezur dont M. Ratelle a parlé continue de soulever un grand intérêt, puisqu'il constituerait un lien terrestre entre la Turquie et l'Azerbaïdjan, un lien entre la mer Noire et la mer Caspienne, qui raffermirait la position stratégique de la Turquie dans le commerce régional et, éventuellement, l'amènerait à jouer un rôle d'intermédiaire dans l'initiative Route et Ceinture menée avec la Chine. On voit donc que la Turquie a dans la région des intérêts substantiels qui surpassent vraiment les intérêts de la plupart des autres puissances régionales.
     L'Arménie, malheureusement mais de manière compréhensible, s'est placée sous le bouclier protecteur de la Russie, et en raison de l'étiolement des intérêts de la Russie dans la région — un étiolement qui ne manquera certainement pas de se poursuivre, vu la situation actuelle en Ukraine —, on ne peut pas compter sur la Russie pour jouer un rôle actif dans la région. Sous un certain angle, cela pourrait manifestement être une bonne chose, mais la Russie a renoncé aux engagements que lui confère l'Organisation du traité de sécurité collective.
     Je crois que le premier ministre Pashinyan restera au pouvoir. Certains indices laissent penser qu'une quelconque force pro-russe pourrait organiser une sorte de gouvernement de substitution. La plupart des gouvernements arméniens ne pensaient pas pouvoir survivre à la perte du Haut-Karabakh, mais les options de rechange actuelles, tant pour l'opposition arménienne que pour l'Arménie sur le plan géopolitique, sont très limitées.
     Le premier ministre Pashinyan a proposé un plan de paix basé sur l'intégrité territoriale et sur l'ouverture de canaux de communication, et il a bon espoir que le plan de paix satisfera l'Azerbaïdjan et la Turquie s'il autorise ces deux pays à établir des voies de communication et de transport dans le corridor sud, mais comme nous l'avons entendu, l'Azerbaïdjan s'est retiré des pourparlers de paix internationaux. À mes yeux, il est assez clair que l'Azerbaïdjan a des visées sur le corridor de Zangezur et éventuellement sur le sud de l'Arménie, avec l'aide de la Turquie.
     Par conséquent, je pense que notre principal objectif géopolitique devrait être de collaborer avec la Turquie afin qu'elle devienne un partenaire pour la paix au lieu de soutenir l'invasion de l'Arménie du Sud par l'Azerbaïdjan. De même, nous devrions travailler avec le gouvernement arménien pour soutenir une évolution démocratique en vue d'intégrer ces réfugiés.
(1215)
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Sahadeo.
     Nous allons maintenant passer à M. Waters.
     Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, monsieur Waters. Je vous cède la parole pour cinq minutes.
    Merci monsieur le président.
     Il convient de féliciter le Canada d'avoir ouvert son ambassade en Arménie, et je souhaite tout le succès possible à l'ambassadeur Turner.
     Le Canada est intervenu de plusieurs autres façons pour soutenir ce que l'envoyé spécial Dion a qualifié à juste titre de « démocratie fragile », notamment par sa participation à la mission de surveillance de l'Union européenne, par la récente visite de la ministre Joly la semaine dernière et par la fourniture d'une aide humanitaire aux réfugiés, comme discuté.
     Je tiens également à remercier ce comité pour l'attention soutenue qu'il porte au conflit. Pendant que les yeux du monde sont tournés vers la désastreuse situation humanitaire au Moyen-Orient, il importe de ne pas détourner les yeux de ce conflit et des autres conflits où le Canada peut apporter son éclairage et son leadership.
     La ministre Joly a déclaré à quelques reprises au moins qu'au sujet du conflit, toutes les options sont sur la table. Le message que je tiens à vous livrer, monsieur le président, ainsi qu'à vos collègues, c'est que le moment est venu d'imposer des sanctions ciblées à l'Azerbaïdjan, et ce pour trois raisons.
     Tout d'abord, parce que le nettoyage ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh par le blocus ne doit pas rester sans réponse. Nous avons été témoins l'automne dernier de scènes déchirantes, où les Arméniens fuyant le Haut-Karabakh devaient laisser derrière eux maisons, fermes, villes, églises séculaires et autres symboles de leur patrimoine culturel.
     Les sanctions ne constitueraient pas simplement un outil punitif ou un moyen d'exprimer notre consternation; elles lanceraient un avertissement indiquant que le Canada s'attend de l'Azerbaïdjan qu'il protège le patrimoine culturel, qu'il assure la sécurité des quelques Arméniens de souche restants, qu'il préserve la possibilité d'un droit au retour des individus qui ont fui, qu'il garantisse un traitement équitable aux dirigeants civils détenus par le régime sous prétexte qu'ils sont des terroristes, et qu'il prenne au sérieux les pourparlers de paix.
     La deuxième raison pour laquelle j'estime qu'il y a lieu d'imposer des sanctions ciblées, et de les imposer maintenant, est que l'Azerbaïdjan a violé et continue de violer les frontières internationalement reconnues de l'Arménie. Il est difficile de savoir avec précision l'étendue du territoire arménien sous contrôle azéri. Selon une estimation de l'armée arménienne, on parlerait de 19 000 acres. Je n'en sais rien, je ne suis pas sur le terrain. Il est probable que la mission d'observation de l'UE dispose de cette information, mais il est clair que l'Azerbaïdjan occupe certaines parties du territoire souverain de l'Arménie, y compris des hauteurs stratégiques situées dans le sud et l'est. Il est également clair que l'intégrité de la frontière est régulièrement mise à l'épreuve par la force.
     De plus, le président autoritaire de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, n'a pas caché ses ambitions territoriales. Il a qualifié l'Arménie d'Azerbaïdjan occidental et a appelé à la création d'un « corridor du Zangezur » traversant le territoire arménien souverain. Il a déclaré en janvier dernier que ce corridor était une « nécessité historique », et qu'il serait créé que l'Arménie le veuille ou non.
     Troisièmement, malgré les initiatives de paix, on ne peut tout simplement pas avoir confiance que le régime Aliyev agisse correctement, comme en témoignent sa violation de l'accord trilatéral de cessez-le-feu de 2020 et sa violation de l'ordonnance provisoire du 22 février 2023 de la Cour internationale de justice, qui demandait à l'Azerbaïdjan d'autoriser le libre passage dans le corridor de Latchine.
     Ces violations d'engagements internationaux ont comme toile de fond un régime autoritaire. Pour citer Human Rights Watch, « le gouvernement azerbaïdjanais continue de traiter hostilement les voix dissidentes ». Les violations s'inscrivent également dans un contexte d'arménophobie. Comme le décrit l'Institut Lemkin pour la prévention des génocides, l'arménophobie génocidaire représente en Azerbaïdjan une idéologie d'État qui est pérennisée par le système éducatif et l'instruction militaire. Le président Aliyev et ses hauts fonctionnaires ont qualifié les Arméniens de « rats », de « chiens », de « bêtes sauvages » et de « chacals », des qualificatifs qui ont pris la forme de représentations physiques grotesques d'Arméniens, notamment au Parc central de Bakou.
     En conclusion, le temps des sanctions est venu. L'imposition de sanctions ciblées pourrait signaler de manière tangible les préoccupations du Canada et contribuer à pousser l'Azerbaïdjan vers la conclusion d'un accord de paix que nous souhaitons tous. L'Azerbaïdjan a prouvé que l'inaction ne ferait que l'enhardir davantage, au lieu de chercher la paix.
     Enfin, compte tenu de ce qui est arrivé durant la guerre du Karabakh de 2020, le Canada a une attitude extrêmement vigilante. Des capteurs de fabrication canadienne, dont vous connaissez bien les excellentes capacités de détection, ont été installés sur des drones azerbaïdjanais transférés par la Turquie à son État client, avec de grandes conséquences.
     Merci, monsieur le président.
(1220)
    Merci beaucoup, monsieur Waters.
    Nous passons maintenant à Mme Vartanyan.
    Nous sommes heureux de vous revoir. Vous avez cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire.
    Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents Bergeron et Chong, distingués membres du Comité.
    C'est pour moi un très grand honneur de prendre la parole de nouveau devant le Comité. Lorsque nous nous sommes rencontrés en janvier, nous avons discuté surtout du blocus dans le Haut-Karabakh. Je vous avais alors parlé des préoccupations de mon organisme, l'International Crisis Group, concernant l'aggravation des tensions et l'instabilité générale dans la région. Je suis désolée d'avoir à dire que notre analyse s'est révélée juste à maints égards. En septembre, l'Azerbaïdjan a lancé une opération militaire d'une journée qui a provoqué l'exode de la quasi-totalité des Arméniens de souche du Haut-Karabakh et mis fin abruptement à 30 ans d'autonomie gouvernementale de facto dans l'enclave.
    Je me trouve actuellement en Arménie, où je rencontre souvent des gens qui ont été déplacés de l'enclave. Ils sont nombreux à s'être enfuis du Haut-Karabakh à la hâte et à avoir laissé leurs effets personnels derrière. Le gouvernement arménien a distribué de l'argent et il a fait de son mieux pour leur trouver un toit. Cependant, à l'approche de l'hiver, il reste beaucoup à faire pour leur trouver à tous un logement convenable. Le Canada figure parmi les premiers États étrangers à avoir annoncé qu'il verserait une aide financière à l'Arménie, mais elle continuera d'avoir besoin de soutien au cours des prochains mois.
    Aucune des personnes déplacées que j'ai rencontrées un peu partout en Arménie n'envisage un retour au Haut-Karabakh prochainement. Leur foyer leur manque énormément, et les épreuves quotidiennes ne font rien pour soulager ce manque. Cependant, l'offensive militaire de l'Azerbaïdjan après trois décennies de conflits leur enlève toute confiance envers le régime de Bakou. Ces gens ont très peur de rentrer chez eux, et ils ne sont pas prêts à accorder leur confiance aux gardiens de la paix russes, qui selon ce que d'aucuns m'ont décrit n'ont rien tenté pour répondre aux tensions, aux attaques répétées, au blocus et à la guerre récente.
    Comment inciter les Arméniens du Haut-Karabakh à envisager un retour? La question reste ouverte. Des États étrangers ont proposé une mission multinationale de surveillance sur le terrain, ce qui pourrait être une possibilité. Toutefois, malgré les pressions considérables des pays occidentaux, rien n'indique que l'Azerbaïdjan est disposé à considérer cette proposition.
    On pourrait commencer par des mesures pour renforcer la confiance. Par exemple, l'Azerbaïdjan pourrait permettre aux gens de se rendre à leur domicile et de se recueillir sur les sépultures des membres de leur famille. C'est quelque chose qui pourrait se faire dès maintenant, éventuellement avec le soutien du Comité international de la Croix-Rouge et des organismes des Nations unies présents dans la région. Les personnes qui sont parties du Haut-Karabakh les mains vides pourraient aussi être autorisées à récupérer des effets personnels, des documents et leurs économies.
    Cependant, la reprise des pourparlers de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan demeure la grande priorité. La chute du Haut-Karabakh n'a pas réglé tous les problèmes entre ces pays limitrophes du Caucase du Sud. L'Arménie et l'Azerbaïdjan n'ont jamais noué de liens diplomatiques, ils n'ont pas d'échanges commerciaux et leurs citoyens ne peuvent pas circuler librement entre les deux pays. Leurs frontières communes sont tapissées de postes militaires sur des kilomètres et, depuis trois ans, elles sont le théâtre d'affrontements qui ont fait plus de victimes que les combats sur le territoire du Haut-Karabakh.
    Les pourparlers qui ont eu lieu au cours de la dernière année ont porté sur de nombreux sujets névralgiques, et notamment sur les délimitations de la frontière et l'aspiration de Bakou à mettre en place un corridor routier vers son exclave à la frontière de la Turquie qui passerait par le sud de l'Arménie. Ces deux foyers de tension ont été trop longtemps négligés.
    Les États-Unis et l'Union européenne sont à l'avant-poste pour relancer les pourparlers. Il y a plus d'un an, les pays occidentaux ont pris les commandes dans les efforts de médiation diplomatique parce que la Russie était embourbée dans sa guerre contre l'Ukraine et ne pouvait plus mobiliser les ressources politiques et militaires nécessaires pour jouer le rôle de médiateur étranger principal. Le processus a été très complexe, mais c'était la première fois depuis plus de 20 ans que des rencontres plus fréquentes avaient lieu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et que les pourparlers sur les questions de fond faisaient de réels progrès.
    En conclusion, je tiens à féliciter le Canada d'avoir été le premier pays non européen à dépêcher des représentants dans le cadre de la mission de l'Union européenne en Arménie. Cette mission joue un rôle crucial de surveillance dans les régions proches des lignes de front le long des frontières nationales entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Le Canada fera dorénavant partie des pays qui sont régulièrement informés de la situation sur le terrain. Il est à espérer qu'il va en profiter pour appuyer les efforts déployés pour obtenir la coopération de l'Azerbaïdjan avec la mission. Cette coopération est essentielle pour stabiliser la situation sur le terrain, mais aussi pour promouvoir la coopération à propos des ressources communes qui font fi des frontières.
(1225)
    Par ailleurs, la coopération de l'Azerbaïdjan avec la mission traduirait sa volonté d'éviter les tensions avec l'Arménie.
    Je serai heureuse de discuter avec vous de ces idées durant la période des questions.
    Merci encore de m'avoir invitée à participer à votre réunion.
    Merci beaucoup.
    Les députés vont maintenant poser leurs questions.
    Comme vous le savez, nous avons des contraintes de temps et, compte tenu de la réalité que les témoins nous décrivent, je demanderais aux députés de garder à l'esprit ces contraintes et de respecter le temps de parole alloué.
    Nous allons commencer avec M. Hoback. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence ce matin.
    Dans vos déclarations, il a souvent été question de confiance et de la nécessité de la rebâtir. Je vais commencer avec la dernière témoin.
    Vous avez parlé de la nécessité de rebâtir la confiance. Quel type de mesures seront nécessaires pour rebâtir cette confiance? À quoi pourrait ressembler ce processus?
    J'ai évoqué quelques mesures possibles dans mon exposé.
    Je pense vraiment qu'il faut commencer par faciliter l'accès au Haut-Karabakh pour que les gens puissent se rendre à leur domicile et visiter les tombes de leurs proches.
    Il faut aussi permettre aux nombreuses personnes qui le souhaitent de récupérer leurs documents et d'autres effets personnels. Un retour au Haut-Karabakh est loin d'être dans la mire, mais la médiation internationale pourrait viser une coopération entre les Arméniens de la région et les autorités azerbaïdjanaises.
    Une autre mesure importante pour rebâtir le lien de confiance serait de convaincre l'Azerbaïdjan de coopérer avec la mission de l'Union européenne…
    Madame Vartanyan, nous avons des problèmes avec l'interprétation. Pouvez-vous nous donner quelques secondes, s'il vous plaît?
    Madame Vartanyan, les interprètes nous signalent qu'ils vous entendent très mal. Je crois qu'il y a des problèmes de connexion du côté de l'Arménie, d'où vous nous joignez. Vous pouvez rester avec nous, mais j'ai bien peur que les députés ne puissent pas vous poser leurs questions.
    Cela dit, comme une question vous a déjà été posée, pourriez-vous nous transmettre votre réponse par écrit? Nous nous ferons un devoir d'en prendre connaissance.
    Je vous remercie. Je suis sincèrement désolé de ces difficultés techniques.
    Monsieur Hoback, il vous reste quatre minutes.
    Monsieur Sahadeo, vous avez parlé de l'approvisionnement en gaz et de la fourniture de gaz à l'Union européenne.
    Dans quelle mesure faites-vous confiance au discernement de l'Union européenne sur cet enjeu étant donné sa dépendance au gaz de cette région? À votre avis, l'Union européenne peut-elle remplir honnêtement un rôle d'intermédiaire actuellement?
    À mon avis, c'est très difficile, pas seulement en raison de l'approvisionnement en gaz, même si c'est le principal facteur économique.
    L'Azerbaïdjan a fait un énorme travail de lobbying auprès des capitales européennes, et il compte beaucoup de partisans parmi les membres du Parlement ou de la députation de pays comme la France, où le sentiment pro-arménien est le plus fort, ou en Europe de l'Est.
    Il est très difficile d'envisager un consensus à l'échelle de l'Union européenne. Les sanctions ou les mesures concernant l'approvisionnement en gaz seront probablement imposées à l'échelle nationale. C'est pourquoi j'ai dit en introduction que le rôle de l'Union européenne, selon moi, se limitera à amener les divers groupes à la table de négociation.
    Si le Canada était prêt à exporter du gaz naturel liquéfié pour combler ses besoins, est‑ce que l'Union européenne pourrait mieux respirer, à défaut d'un meilleur mot, et se permettre d'être plus neutre?
    L'Azerbaïdjan fournit 3,5 % du gaz consommé dans l'Union européenne. C'est assez peu. Il approvisionne surtout des pays de l'Europe de l'Est comme la Bulgarie et la Roumanie. Le Canada pourrait certainement devenir une source de rechange.
(1230)
    Des sanctions canadiennes ont été réclamées mais, en réalité, le volume de nos échanges commerciaux avec l'Arménie et les pays de cette région est assez faible. Quelle serait l'efficacité de ces sanctions, outre leur valeur symbolique?
    Bonne question. Je crois que c'est l'ambassadeur qui a parlé du risque très réel que ces sanctions aient l'effet contraire à celui recherché et qu'elles aboutissent à un durcissement de la rhétorique de dénigrement du Canada de la part de l'Azerbaïdjan.
    Des sanctions pourraient être prises contre des individus, mais ils ne viennent pas au Canada de toute façon. Le volume de nos échanges commerciaux est très faible. Un régime de sanctions serait efficace seulement si les États-Unis et l'Union européenne se rallient à nous, mais rien ne pointe dans cette direction pour l'instant.
    L'imposition de sanctions par le Canada donnerait sans doute un signal positif à la communauté arménienne d'ici, mais je ne pense pas qu'elles auraient beaucoup d'effet sur la politique régionale.
    Monsieur Waters, vous avez dit qu'il faut imposer des sanctions en raison de leur valeur symbolique. Y croyez-vous vraiment? Quel effet de telles sanctions pourraient-elles avoir dans la région?
    Je tiens à insister sur une chose: si les parlementaires canadiens décident de réclamer des sanctions, ils ne seraient pas les seuls. L'ambassadeur a parlé d'alliés aux vues similaires. Je vous ferais remarquer que vous trouverez des alliés aux vues similaires parmi les parlementaires du monde entier. J'en donne pour preuve la motion visant l'imposition de sanctions que le Parlement européen a adoptée à 491 voix contre 9 au début du mois. La motion a été adoptée par le Parlement européen et non par la branche exécutive de l'Union européenne, certes, mais c'est clair que d'autres parlementaires réclament des sanctions ailleurs dans le monde, y compris au sein du Congrès.
    J'ajouterai que les sanctions n'auraient pas seulement une portée symbolique. Elles pourraient avoir un effet mobilisateur et, plus important encore, elles contribueraient à réfréner la tendance prise par le régime Aliev à transgresser le droit international et les accords internationaux.
    Merci.
    Monsieur Ratelle, vous avez dit que des crimes de guerre sont perpétrés dans les lieux historiques et patrimoniaux. Comment envisagez-vous le rôle du Canada pour ce qui est de documenter les éventuels crimes de guerre et de veiller à ce que justice soit faite?
    Je pense que le Canada peut jouer un rôle de premier plan eu égard au principe de compétence universelle en matière de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, éventuellement, de crimes de génocide en documentant ces crimes et en agissant à titre de partenaire de la Cour pénale internationale, la CPI.
    Comme je l'ai dit, si l'Arménie ratifie enfin son propre statut, la CPI pourra être saisie de la question du Haut-Karabakh sur renvoi du Canada. Le Canada peut certainement jouer différents rôles à différents échelons.
    J'ajouterai que tout individu qui se trouve au Canada et qui a été impliqué dans ce potentiel nettoyage ethnique pourrait faire l'objet d'une poursuite pour crimes contre l'humanité ici.
    Il me reste peu de temps. Pensez-vous vraiment que c'est quelque chose que le gouvernement canadien pourrait faire?
    Je suis désolé, monsieur Hoback, mais votre temps est écoulé.
    Pensez-vous vraiment que c'est quelque chose que le gouvernement canadien pourrait faire?
    Monsieur Hoback, votre temps est écoulé. Merci, monsieur Ratelle.
    Monsieur Alghabra, c'est à vous. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins qui sont avec nous en personne ou à distance.
    Pouvez-vous édifier le Comité sur l'intervention de nos alliés, c'est‑à‑dire les États-Unis et l'Union européenne? Pouvez-vous nous parler un peu des réactions et des plans envisagés par les Américains ou les Européens après ce qui s'est produit?
    Je pose la question aux quatre témoins. Si vous avez plus d'information à ce sujet, nous aimerions vous entendre.
    La vérité, en un mot, c'est que beaucoup de nos partenaires occidentaux n'en font pas autant qu'ils le devraient concernant l'application du droit international et l'intervention en cas de violations, l'imposition de sanctions, ou même la prise de mesures pour assurer la sûreté et la sécurité des populations locales au Haut-Karabakh et en Arménie, dans le cadre des conflits dont nous venons de parler dans le sud.
    Je suis d'accord. Jusqu'ici, il y a eu des condamnations générales, mais aucune mesure ciblée, hormis la proposition de la France de vendre des armes à l'Arménie. Et la France n'a pas non plus imposé de sanctions.
    Je pense qu'on commence à entrevoir le spectre du nettoyage ethnique mais, comme je l'ai dit, c'est un terme définitionnel. En plus d'avoir expulsé plus de 100 000 Arméniens et rendu leur retour quasiment impossible, l'Azerbaïdjan entretient des ambitions territoriales. C'est pour cette raison que nous devons regarder du côté de la Turquie et de l'Iran. Malheureusement, ce sont les pays qui ont un intérêt à se mêler du conflit. Manifestement, nos partenaires occidentaux semblent peu concernés et peu enclins à bouger, mais nous pouvons essayer de collaborer avec ces pays, aussi pénible que cela puisse paraître, pour trouver une solution pacifique dans la région.
(1235)
    Monsieur Waters, je vous pose la même question, en y ajoutant un élément. Quelle est la raison de cette attitude? Selon vous, pourquoi les gouvernements américains et européens n'ont-ils pas réagi aussi énergiquement que le souhaiteraient les experts comme vous?
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, c'est important de souligner que la France a pris des mesures énergiques. Elle n'a pas imposé de sanctions, mais elle ne s'est pas limitée à la vente d'armes. La France a notamment dépêché un attaché militaire à son ambassade d'Erevan et elle a renforcé de manière importante la coopération en matière de défense.
    Concernant l'Union européenne, j'ai mentionné que le Parlement s'est prononcé en très forte majorité en faveur de l'imposition de sanctions. Il n'y a pas eu d'échos à l'échelon de la branche exécutive, même si elle a condamné les actes posés. Dans une déclaration commune, le président du Conseil européen, le président français et le chancelier allemand ont exprimé leur soutien indéfectible à l'égard de la souveraineté indépendante et de l'intégrité territoriale de l'Arménie. Cette condamnation ne s'est pas encore traduite en sanctions, en bonne partie parce que l'Union européenne considère l'Azerbaïdjan comme une source fiable de gaz.
    Ce n'est pas le cas du Canada, qui n'a pas besoin du gaz de l'Azerbaïdjan. C'est pour cette raison qu'à mon avis, il pourrait agir comme leader et rallier les appuis d'autres parlementaires dans le monde, y compris celui d'au moins une centaine de membres du Congrès qui ont réclamé des sanctions.
    Monsieur Waters, pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi les gouvernements européens et américains font la sourde oreille aux appels à l'action de nombreux militants?
    Dans le cas de l'Union européenne, l'explication est tout simplement qu'elle considère l'Azerbaïdjan comme une source de rechange fiable pour le gaz.
    Je suis tout à fait conscient des réalités géopolitiques et des politiques non seulement de la Turquie, mais également de l'Iran, qui sont deux acteurs clés dans la région. Leur coopération sera déterminante pour rétablir une paix durable. Je comprends tout à fait ces enjeux géopolitiques, mais je n'en pense pas moins que le Canada doit saisir l'occasion d'exercer son leadership moral. Il peut jouer ce rôle avec la collaboration de parlementaires alliés ailleurs dans le monde.
    Je précise que quand je parle de sanctions ciblées, je suis très conscient que le Canada n'est pas en mesure de nuire sérieusement au produit intérieur brut de l'Azerbaïdjan. Je pense plutôt à la décision de l'Agence spatiale canadienne de ne pas participer au Congrès astronautique international de 2023, qui a eu lieu en Azerbaïdjan. L'Agence a invoqué les préoccupations liées à la crise humanitaire. Ces gestes sont symboliques, mais ils envoient le signal au régime de Bakou et à nos alliés que les violations du droit international ont des conséquences.
    Merci.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je crois que Mme Vartanyan a la main levée. Je ne sais pas comment vous allez gérer cela, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à MM. Waters et Sahadeo, mais j'invite Mme Vartanyan à y répondre par écrit et M. Ratelle à ajouter des commentaires.
    Il faut comprendre à quel point l'Arménie est isolée présentement. D'un côté, elle a été abandonnée par son allié russe et, de l'autre, elle a fait face à l'indifférence de la communauté internationale, plus particulièrement des pays occidentaux, et ce, pour une foule de raisons. Nous avons observé passivement la fermeture du corridor de Latchine et le fait qu'on affamait littéralement sa population. Nous avons assisté passivement à des incursions azerbaïdjanaises sur le territoire arménien. Nous avons assisté passivement à l'invasion du Haut‑Karabakh et à la fuite de plus de 100 000 personnes. Comme on l'a dit, c'est notamment en raison de l'importance stratégique que représente l'Azerbaïdjan, compte tenu des difficultés d'approvisionnement en pétrole de l'Union européenne. On invoque même le fait qu’il y a un accord de sécurité avec la Russie pour expliquer qu'on ne veuille pas aller plus loin pour soutenir l'Arménie. L'Arménie est donc dans la pire de toutes les situations, puisqu'elle ne peut compter sur l'appui de quiconque, sinon de la France.
    Une telle attitude de la part de la communauté internationale, et plus particulièrement de la part des pays occidentaux, est-elle conforme au message lancé par les présidents Biden et Zelensky lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies, c'est-à-dire que, si on laisse ce genre de truc arriver, il y en aura d'autres?
(1240)

[Traduction]

    Monsieur le président, je crois que le député a raison de souligner…
    Je suis désolé. Est‑ce que la question m'a été adressée, monsieur le président?
    Allez‑y, monsieur Waters. Nous donnerons la parole à M. Sahadeo ensuite.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    C'est un fait que l'Arménie se retrouve dans une situation difficile sur le plan géopolitique. Sa situation a été difficile tout au long de son histoire, en tout cas pour ce qui est des XIXe et XXe siècles. Cela n'a rien de nouveau.
    Les interventions du Canada ont été importantes à maints égards, mais je pense qu'il doit pousser un cran plus loin et continuer d'exercer un leadership moral, comme je l'ai dit, pour mobiliser ses alliés aux vues similaires. Je répète une fois de plus que les alliés aux vues similaires d'un comité de parlementaires sont les membres du Parlement européen et ceux du Congrès qui exhortent nos autorités à faire ce qui s'impose et à prendre des mesures énergiques.
    Je constate une certaine incohérence. De toute évidence, la situation géopolitique est importante, mais je pense qu'il est impérieux d'agir rapidement si nous voulons rétablir une paix réelle et durable. Je pense notamment à l'initiative Carrefour de la paix, qui vise à débloquer des couloirs de transport dans la région. Nous pourrions à tout le moins appuyer ce genre d'initiatives. C'est le minimum, et nos alliés devraient faire de même. N'empêche, tant qu'il n'y aura pas de volonté manifeste d'intervenir concrètement contre les incursions territoriales ou les violations du droit international, un accord de paix ne vaudra même pas le papier sur lequel il est rédigé.
    Merci.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, monsieur Sahadeo?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec M. Waters, et je suis d'accord avec ce que vous avez avancé dans votre question. S'il n'y a pas d'intervention ferme, l'Azerbaïdjan risque de se faire à l'idée que les régions au sud de l'Arménie sont à portée de main. Je ne crois pas qu'Azerbaïdjan ferait cavalier seul. C'est pourquoi j'ai parlé de la Turquie dans mon exposé. L'armée de l'Azerbaïdjan est plus puissante que celle de l'Arménie, mais ce n'est pas vraiment une puissance militaire.
    Je ne crois pas que c'est vraiment dans les plans, mais c'est maintenant que des mesures internationales fermes sont nécessaires. Par exemple, l'Union européenne pourrait renforcer sa présence sur le terrain si les pays occidentaux le souhaitent vraiment. Ce n'est pas le cas actuellement. Pour l'instant, toute leur attention est centrée sur la situation au Moyen-Orient.
     Le Canada pourrait peut-être jouer un rôle de leader, mais je ne pense pas qu'il réussira à rallier d'autres pays à l'idée d'une intervention militaire assez musclée pour renverser la situation sur le terrain. La coopération avec ces pays, et surtout avec la Turquie, un allié de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN, serait probablement le meilleur moyen pour y parvenir, pour établir le plan dont M. Waters vient de parler, ce carrefour de la paix. Ce plan vise à débloquer des corridors régionaux et éventuellement à mettre en place un corridor qui permettra à la Turquie et à l'Azerbaïdjan de revendiquer une forme quelconque de contrôle sur une petite partie de ce territoire. Bien entendu, cela ne permettrait pas [inaudible].
    Merci, monsieur Sahadeo. Nous vous remercions sincèrement.
    [Inaudible] comme c'est un allié arménien, il y a un rôle à jouer…
    Monsieur Sahadeo, je suis désolé. Le temps est écoulé pour ce segment.
    Nous passons à Mme McPherson. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Vartanyan, c'est vraiment dommage que vous ne puissiez pas intervenir. C'est très décevant. Comme vous faites partie des témoins que nous voulions vraiment entendre, pour des raisons évidentes, je vais quand même vous poser quelques questions. Je sais que vous ne pouvez pas y répondre de vive voix, mais si vous aviez l'obligeance de faire part de vos perspectives par écrit au Comité afin que nous puissions en tenir compte dans notre rapport, ce serait fort utile.
    Tout d'abord, j'aimerais vous demander comment des organismes internationaux, comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge, viennent en aide aux personnes qui ont pris la fuite. J'aimerais aussi en savoir davantage sur les conditions humanitaires actuelles sur le territoire. Si vous pouvez nous répondre par écrit, ce serait formidable.
    Pour ce qui est des autres témoins que nous accueillons aujourd'hui, ce que M. Ratelle a dit au sujet de la CPI a piqué mon intérêt. Je voudrais comprendre ce qu'il en est au juste et je vais donc adresser ma question à tous les témoins.
    Je vais commencer avec vous, monsieur Ratelle, puis je vais demander leur réponse aux autres témoins. Pouvez-vous nous donner un aperçu des recours et des possibilités offerts sur le plan juridique, et de ce que le Canada devrait préconiser et appuyer pour que les Arméniens de souche obtiennent justice? Il a été question de la CPI mais, outre ce mécanisme, pouvons-nous envisager d'autres recours que nous pourrions préconiser, séparément ou conjointement, pour que justice soit faite?
    Monsieur Ratelle, si vous le voulez bien, je vous demanderais de répondre en premier.
(1245)
    Oui, merci de cette question.
    Je pense qu'actuellement, la CPI offre probablement le meilleur mécanisme juridique. Certes, l'Arménie n'a pas encore ratifié le Statut de Rome mais, quand elle le fera, les conditions de vie des réfugiés en Arménie pourraient être assimilées, sous certains aspects, à un autre crime contre l'humanité lié à un potentiel nettoyage ethnique.
    C'est une stratégie que la CPI a suivie pour le nettoyage ethnique et, potentiellement, le génocide au Myanmar. Le Myanmar n'a pas ratifié le Statut de Rome, mais le Bangladesh l'a ratifié, de sorte que les conditions de vie des réfugiés dans ce pays, qu'ils soient rohingyas ou membres d'autres groupes déplacés, peuvent être assimilées à un crime contre l'humanité perpétré par le gouvernement du Myanmar.
    Cette stratégie permettrait au Canada de renvoyer la cause devant la CPI une fois que le Statut de Rome sera ratifié, et nous pourrions ajouter ce crime à celui de guerre d'agression… Ce renvoi serait toutefois difficile parce qu'Azerbaïdjan n'a pas ratifié le Statut de Rome. À tout le moins, des mesures liées à la Cour internationale de Justice pourraient être prises, et un tribunal spécial pourrait être constitué par le Conseil de sécurité ou une autre instance juridique de l'Europe ou du Canada, ou sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations unies.
    Je ne suis pas une spécialiste, mais très rapidement… Je comprends que même si la Russie et l'Ukraine n'ont pas non plus signé le Statut de Rome, le gouvernement canadien préconise le recours à ce mécanisme pour ce conflit, et tout porte à croire que cela pourrait fonctionner.
    Monsieur Waters, avez-vous autre chose à ajouter?
    Je suis plutôt d'accord avec le fait que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale est le meilleur mécanisme en l'occurrence, et je félicite les autorités arméniennes d'avoir manifesté leur intention de le ratifier. C'est un pas dans la bonne direction, et l'Arménie sera au nombre des rares pays de l'ancien espace soviétique qui sont parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. C'est très enthousiasmant. Cette annonce de l'Arménie marque un important pas en avant.
    J'ajouterai que l'Azerbaïdjan a indiqué, à au moins une reprise, qu'il mènerait une enquête sur les soupçons de crime de guerre. Ne soyons pas naïfs. Les chances sont très minces que le régime d'Aliev mène une enquête digne de ce nom, et encore moins qu'il intente des poursuites pour ses propres crimes. Quoi qu'il en soit, la communauté internationale devrait faire savoir à l'Azerbaïdjan qu'elle s'attend à ce qu'il y ait une enquête sur les allégations crédibles de crimes de guerre, y compris les allégations de nombreux Arméniens comme quoi les Azerbaïdjanais détiennent encore des prisonniers de guerre d'Arménie.
    L'Azerbaïdjan devra répondre des gestes posés actuellement qui pourraient constituer des atteintes au droit humanitaire international, et il pourrait aussi y avoir des recours au titre de divers mécanismes de justice internationaux.
    Merci.
    Monsieur le président, est‑ce qu'il me reste du temps pour entendre la réponse de M. Sahadeo?
    Vous avez 10 secondes.
    Je suis désolée, monsieur Sahadeo. Si vous pouvez nous donner une réponse brève…
    Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je crois que les violations ont atteint un paroxysme durant la guerre de 2020, et qu'il serait indiqué d'en saisir la CPI.
(1250)
    Merci.
    Nous allons entamer la seconde série de questions, avec des segments de trois minutes.
    Monsieur Epp, à vous l'honneur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs précieux éclairages.
    En écoutant les témoignages, je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il faudra mettre en place pour instaurer une paix durable. La communauté internationale plaide pour qu'il y ait des négociations sur un processus de paix, mais il faut replacer les événements de septembre dans le contexte des 30 dernières années, au moins. Il faut remonter à la chute de l'Union soviétique et, comme un témoin l'a mentionné, prendre en compte les conflits ethniques qui durent depuis deux siècles.
    Il semble évident que le contrôle territorial change de mains en fonction de la puissance relative des deux parties, l'Azerbaïdjan et l'Arménie, et notamment de leurs alliés et de leurs adversaires respectifs à l'échelle internationale.
    Je vais adresser mes premières questions à M. Waters.
    Vous avez affirmé que le moment est venu pour le Canada d'imposer des sanctions pour donner l'exemple à nos partenaires aux vues similaires. Quel forum serait le plus adéquat pour réunir ces partenaires aux vues similaires afin qu'ils réfléchissent à un plan de paix durable? Bien entendu, la communauté internationale ne peut pas imposer la paix. Les deux parties impliquées doivent être présentes. Toutefois, sans un front commun de la communauté internationale, la paix semble un objectif difficilement atteignable. Quel est le forum adéquat pour favoriser des pourparlers qui incluraient la Russie, l'Iran et la Turquie en plus de l'Union européenne et des États-Unis?
    L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, par l'intermédiaire du Groupe de Minsk, a joué un rôle important à un certain moment. Ce n'est malheureusement plus le cas.
    Le Canada pourrait s'associer à ses alliés aux vues similaires pour prendre des mesures visant le Caucase du Sud. Le Canada pourrait notamment prendre part à la mission de surveillance de l'Union européenne, que je salue. Par ailleurs, le Canada entretient des relations officielles et très solides avec le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et, bien évidemment, notre plus important allié se trouve au sud de la frontière. En fait, depuis Windsor, il est un peu au nord, mais vous voyez ce que je veux dire.
    Des forums internationaux… La Turquie étant un pays allié de l'OTAN, il est devenu plus difficile d'avoir un dialogue avec l'Iran. Or, l'Iran joue un rôle clé dans la région qui devra un jour être reconnu comme un acteur incontournable. Ce n'est pas facile, et ce n'est pas évident de savoir quel forum international pourrait aller dans ce sens.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, je me suis trompé…
    Je vais poser une autre question et vous pourrez poursuivre, monsieur Waters.
    Je suis désolé. Allez‑y. Je n'ai pas pu m'empêcher…
    Toutes mes excuses. J'ai continué à parler. C'est un des risques du métier.
    Monsieur Epp, il vous reste 20 secondes.
    Je comprends ce que l'ambassadeur Rae veut dire quand il parle d'un « échec de la diplomatie mondiale ». Quel est le risque de nouvel échec si la communauté internationale ne fait rien, notamment pour ce qui concerne le corridor vers Nakhitchevan au sud de l'Arménie?
    Je vous demanderais de répondre en moins de 20 secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que le risque est réel. Le régime Aliev a déclaré que peu importe le moyen employé, l'Azerbaïdjan veut avoir pleine autorité sur ce corridor. Je pense que le risque est réel et qu'il faut aussi craindre un phénomène de contagion.
    Monsieur le président, j'ai fait une petite vérification. Au début du mois, je crois, l'Arménie a ratifié le statut de la Cour pénale internationale. Je pense qu'il vaudrait la peine que la greffière du Comité vérifie cette information pour que ce soit clair. Je ne voulais pas pousser mes recherches en ligne, mais je crois que l'Arménie a ratifié ce statut.
    Merci, monsieur Waters.
    Nous passons à Mme Chatel. Vous avez trois minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai une question qui s'adresse aux trois professeurs présents aujourd'hui.
    Quelle position ces deux acteurs importants que sont la Russie et la Turquie adoptent-ils au sujet de l'exode de 100 000 civils arméniens?
    Ensuite, comment ces deux puissances peuvent-elles envisager de résoudre le conflit après l'agression du 19 septembre? Quelle est la situation géopolitique, compte tenu de ces deux grands acteurs?
    M. Ratelle peut répondre en premier, puis ce sera au tour de M. Sahadeo et de M. Waters.
    Dans le cas de la Russie, elle avait le potentiel d'arrêter le nettoyage ethnique avec sa mission pour la paix. Or, elle a choisi de ne pas remplir sa mission sur le terrain. La Russie semble s'éloigner de plus en plus de son rôle dans le Caucase du Sud, ce qui crée vraiment une occasion pour le Canada de jouer un rôle plus actif et d'exercer un leadership plus grand dans la région.
    La Turquie, quant à elle, offre un soutien pur et dur à l'Azerbaïdjan par des moyens militaires et économiques. En fait, elle soutient beaucoup plus l'idée d'un grand Azerbaïdjan qu'elle ne soutient un retour de la population arménienne au Haut‑Karabakh.
(1255)

[Traduction]

    De toute évidence, l'intérêt de la Russie a faibli. Quand Nikol Pashinyan est arrivé au pouvoir en 2019 et qu'il a évoqué une posture pro-occidentale, la Russie s'est rebiffée. C'est peut-être une des explications de sa non-intervention au Haut-Karabakh en 2020 et en 2022. Il ne faut pas oublier le conflit avec l'Ukraine, bien entendu.
    La Russie est restée impliquée. Elle a condamné la décision de l'Arménie de ratifier le statut de la CPI. L'Arménie se retrouve coincée. L'Iran est probablement l'allié géopolitique le plus proche dans la région.
    La Russie pourrait être dangereuse. Actuellement, son attention est tournée vers la Géorgie, mais nous devons nous méfier de ce désintérêt apparent. Les Russes sont encore présents, prêts à intervenir, mais leur attention a été détournée. C'est pourquoi les gestes de la Turquie… Nous pensons que la Turquie n'aurait pas agi de cette façon et appuyé l'Azerbaïdjan si la Russie s'y était opposée de manière plus ferme à titre d'alliée de l'Arménie et de membre de l'Union économique eurasienne et de l'Organisation du traité de sécurité collective.
    Pour revenir à la question précédente à propos du corridor de Zanguezour, la Turquie pourrait joindre la mer Noire et la mer Caspienne afin de circuler sur le corridor euroasiatique. Elle ne va certainement pas laisser échapper cette possibilité. C'est un enjeu névralgique et nous devons trouver une issue pacifique.
    C'est ce que le président Pashinyan tente de faire actuellement. C'est l'élément central de son plan de paix: mettre en place ces corridors de transport en laissant le contrôle souverain à ces pays, étant entendu qu'ils sont accessibles. Est‑il possible de convaincre les Turcs d'accepter cette proposition? Est‑il possible de convaincre les Azerbaïdjanais d'aller dans ce sens? À mon avis, c'est cette question qui doit être réglée actuellement.
    Votre temps est écoulé, madame Chatel. Je suis désolé.
    Monsieur Bergeron, c'est à vous. Vous avez une minute et demie.

[Français]

    Je vais intervenir rapidement.
    Voici ma première question: selon vous, pourquoi la Géorgie n'a-t-elle pas pris part aux négociations de paix?
    Ma deuxième question concerne les frontières, dont on parle beaucoup. J'ai eu l'occasion de parler avec des observateurs européens, qui nous ont dit que la frontière n'était pas bien définie dans plusieurs cas, mais que, dans certains cas, elle était bien définie et les troupes azerbaïdjanaises étaient bel et bien du côté de l'Arménie. Qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Je pourrais parler de la Géorgie pendant des heures, mais j'ai seulement une minute.
    Actuellement, la position du gouvernement de la Géorgie est plutôt pro-russe. La Géorgie a aussi besoin du gaz de l'Azerbaïdjan. Après la guerre de 2008, elle s'est tournée davantage vers l'Azerbaïdjan pour son approvisionnement en énergie, mais elle tente de rester en bons termes avec les deux pays. Je crois qu'actuellement, elle veut rester en dehors des conflits. Elle a assez à faire avec ses problèmes intérieurs plus importants, y compris la présence de centaines de milliers de Russes qui se trouvent en Géorgie actuellement.
    Je suis désolé. Pouvez-vous répéter la deuxième partie de votre question?
    Elle portait sur les frontières.
    Pour le moment, la frontière est fictive. Elle change au gré des volontés respectives de ces pays, et c'est certain que l'Azerbaïdjan n'a pas l'intention de participer à des pourparlers de paix si la condition préalable est son adhésion au tracé proposé par l'Arménie.
    Il vous reste 15 secondes.

[Français]

    C'est certain que la Géorgie, entre la Russie et l'Azerbaïdjan, se trouve dans une position géopolitique inconfortable. C'est aux endroits où la frontière est moins bien définie que celle-ci serait transgressée, semble-t-il. C'est ce qui crée cette situation problématique où on ne peut pas parler de violation pure et dure du droit international.

[Traduction]

    Merci.
    La dernière minute et demie est pour vous, madame McPherson.
    Merci, monsieur le président.
    Une minute et demie, ce n'est vraiment pas long. Je vais donc poser une brève question aux trois témoins qui peuvent y répondre. Quelle serait votre recommandation au Canada concernant les deux mesures prioritaires actuellement?
    Monsieur Sahadeo, je commence par vous étant donné que j'ai manqué de temps à mon dernier tour.
    Je recommande au Canada d'essayer de trouver un moyen de convaincre la Turquie d'engager des négociations pacifiques, et d'utiliser son ambassade à Erevan pour promouvoir la démocratie et l'acheminement de l'aide humanitaire en Arménie.
    Merci.
    Monsieur Waters, allez‑y.
    Mes deux principales recommandations seraient d'imposer des sanctions ciblées et de donner suite aux recommandations du rapport Dion.
    Monsieur Ratelle, nous vous écoutons.
    Dans la mesure du possible, d'un point de vue juridique, il faut soutenir le processus international pour assurer au Canada un rôle de leader en matière de droit international, et veiller à ce que le droit international ne soit pas appliqué de manière aléatoire, comme c'est le cas en Ukraine, dans la bande de Gaza et au Haut-Karabakh.
(1300)
    C'est un excellent point de départ.
    Madame Vartanyan, pouvez-vous nous soumettre votre réponse par écrit? Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis vraiment désolée que vous n'ayez pas pu intervenir de vive voix.
    Merci, madame McPherson.
    J'aimerais maintenant profiter de l'occasion…
    J'aurai un rappel au Règlement quand vous aurez terminé, monsieur le président.
    D'accord. Je veux juste…
    Monsieur Bergeron, allez‑y.

[Français]

    J'ai deux choses à dire, monsieur le président.
    Premièrement, je veux simplement vous signaler de nouveau que Mme Vartanyan a la main levée. Je ne sais pas si elle souhaite intervenir et si vous voulez lui donner la parole.
    Deuxièmement, je me demandais s'il était possible de préciser aux témoins qu'ils sont toujours libres de nous faire parvenir des compléments de réponse par écrit, si tant est qu'ils n'aient pas eu l'occasion de répondre à l'une ou l'autre des questions qui leur auraient été posées.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Tout à fait. Je vais commencer par remercier MM. Ratelle, Sahadeo et Waters, ainsi que Mme Vartanyan. Je réitère nos excuses concernant les difficultés techniques, madame Vartanyan. Il va de soi que si vous souhaitez répondre par écrit à l'une ou l'autre des questions posées par les députés, nous vous en serons très reconnaissants. Je lance la même invitation à tous les témoins. Si vous avez autre chose à soumettre à notre réflexion, vous pouvez nous transmettre des compléments d'information. Merci de nous avoir fait bénéficier de votre expertise et de vos éclairages sur cette question d'une grande importance.
    Il est 13 heures et quelques minutes…
    Monsieur Chong, vous avez la parole.
    Monsieur le président, comme recevons l'avis de convocation assez tardivement, pouvez-vous nous donner le contenu de celui de la réunion du mercredi 1er novembre, et nous indiquer ce qui est prévu pour les réunions du lundi 6 et du mercredi 8 novembre?
    Volontiers.
    Pour la gouverne de l'ensemble des députés, je vous informe que nous allons reprendre notre étude sur les aliments et les combustibles ce mercredi.
    Le lundi suivant, durant la première heure, nous allons enfin rencontrer l'ambassadrice du Canada en Ukraine. La deuxième heure sera de nouveau réservée à l'étude sur les aliments et les combustibles.
    Les deux heures de la réunion du mercredi seront consacrées à l'étude sur l'alimentation et les combustibles. Comme vous vous en souviendrez, lors de notre première réunion dans le cadre de cette étude, nous avons pu entendre seulement deux témoins. Ensemble, vous avez proposé 49 témoins à convoquer, si je ne m'abuse, et nous voulons nous assurer d'en recevoir le plus grand nombre possible.
    Très rapidement, monsieur le président, puis‑je vous demander s'il serait possible de nous transmettre les avis de convocation plus de 18 heures à l'avance pour nous donner la possibilité de nous préparer?
    Certainement.
    Je préférerais les recevoir au moins 72 heures à l'avance. Cela nous aiderait à mieux nous préparer pour les réunions et les témoins.
    C'est une demande très raisonnable. Et oui, nous allons en tenir compte.
    Dans ce même ordre d'idées, nous avions provisoirement fixé l'échéance à aujourd'hui pour les propositions de témoins à convoquer dans le cadre de l'étude sur la situation en Israël et à Gaza. Nous n'avions pas précisé si les propositions devaient être soumises en fin de journée ou plus tôt. Comme nous avons plus de temps, et jusqu'à nouvel ordre, vous pourrez ajouter d'autres témoins à votre liste. Nous allons éventuellement nous entendre sur une échéance pour la soumission des listes de témoins.
    Merci à tous.
    La séance est levée.
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