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AGRI Rapport du Comité

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PPOSSIBILITÉS DE CROISSANCE : RENFORCER LA CAPACITÉ DE TRANSFORMATION ALIMENTAIRE AU CANADA POUR ASSURER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LES EXPORTATIONS

Introduction

Le Canada dispose de vastes terres arables et d’abondantes ressources naturelles qui lui permettent de produire plus de denrées alimentaires que les 38 millions de consommateurs du marché canadien peuvent consommer. Malgré la croissance récente des marchés intérieurs, les exploitations agricoles canadiennes continuent d’exporter une grande partie de leurs produits agricoles bruts, qui sont ensuite transformés et vendus comme produits de consommation dans d’autres pays ou même parfois réimportés aux fins de vente au Canada. Au cours des dernières années, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens ont cherché à accroître la quantité d’aliments transformés au pays afin de réaliser le plein potentiel économique des récoltes et des élevages canadiens et de permettre au Canada de mieux tirer avantage des tendances internationales dans ce secteur.

La demande croissante de protéines et d’aliments complexes, particulièrement en Asie, a conduit de nombreuses entreprises canadiennes à envisager les possibilités d’exportation d’aliments transformés. En 2017, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, un groupe formé de gens d’affaires et de spécialistes de l’économie mandaté par le gouvernement fédéral, a recommandé au Canada d’adopter une approche pangouvernementale afin de tirer pleinement avantage du potentiel de croissance dans ce secteur, et ce en réalisant des investissements et en éliminant ce qu’il jugeait être des obstacles au renforcement de l’industrie de la transformation des aliments.

L’éclosion de la pandémie au Canada en mars 2020 a eu pour effet de transformer, comme jamais auparavant, la demande en matière de denrées alimentaires puisque les consommateurs ont changé leurs habitudes d’achat en raison des restrictions occasionnées par le confinement, sans compter les restaurants et autres services de restauration, comme les cafétérias, qui ont modifié leurs pratiques de commandes de longue date. En ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement, les travailleurs de l’industrie de la transformation des aliments ont mis leur santé en danger pour que les Canadiens puissent continuer à se nourrir. Les éclosions de COVID-19 dans deux des trois plus grandes usines de transformation de la viande ont entraîné un surplus de bétail, obligeant les éleveurs à vendre à perte leurs animaux et entraînant une hausse atypique des prix pour les consommateurs[1]. Devant les reportages sur les agriculteurs contraints de détruire leur récolte en raison des retards et des fluctuations de la demande du marché, certains consommateurs ont commencé à s’interroger sur la stabilité de la chaîne d’approvisionnement « juste à temps » dont ils dépendent pour se nourrir. Même si les fournisseurs et détaillants ont fini par s’adapter aux nouvelles habitudes d’achat et si le secteur de la transformation est retourné à des niveaux de production habituels, certains se demandent si la chaîne d’approvisionnement résistera à des bouleversements éventuels de l’offre ou de la demande.

Compte tenu des difficultés et des débouchés que présente le secteur de la transformation des aliments, le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes a décidé d’étudier les mesures qui peuvent être prises pour accroître la capacité du Canada de transformer une plus grande part des denrées produites au pays. De novembre 2020 à février 2021, le Comité a tenu douze réunions sur le sujet. Il a entendu des représentants de groupe d’agriculteurs et de consommateurs, d’organismes communautaires locaux préoccupés par la sécurité alimentaire ainsi que d’autres intervenants. Ce rapport présente les témoignages que le Comité a entendus et soumet des recommandations au gouvernement.

L’industrie de la transformation des aliments et des boissons au Canada

L’industrie de la transformation des aliments et des boissons regroupe une foule d’activités, y compris la collecte de produits agricoles bruts (p. ex., fruits et légumes, céréales, animaux d’élevage) et leur transformation en produits finis que les consommateurs peuvent trouver sur les étagères des supermarchés ou les menus de restaurants.

L’industrie canadienne de la transformation des aliments et des boissons est le deuxième secteur manufacturier en importance du pays, représentant une activité économique de 117,8 milliards de dollars en 2019, soit 2 % du produit intérieur brut (PIB)[2] du Canada et 17 % du PIB provenant du secteur manufacturier[3]. Les entreprises de transformation des aliments et des boissons emploient quelque 290 000 personnes à l’échelle du pays, soit plus que toute autre industrie du secteur de la fabrication[4]. Les emplois varient selon le produit à transformer; en 2017, trois sous-industries (viande, produits de boulangerie et tortillas, et boissons) employaient plus de la moitié des travailleurs du secteur[5].

L’écrasante majorité (94,9 %) des quelque 7 000 entreprises canadiennes de transformation des aliments et des boissons sont de petites tailles, comptant moins de 100 employés. Seulement 0,5 % sont considérées comme de grandes entreprises, employant 500 personnes ou plus. Les moyennes entreprises, c’est-à-dire celles comptant entre 100 et 499 employés, représentent les 5,4 % restants. Malgré leur faible nombre, les grandes entreprises représentaient toutefois 46,9 % de la valeur totale des exportations du secteur en 2016[6]. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) signale que les transformateurs des aliments et des boissons ont une marge bénéficiaire moins élevée, mais plus stable, que celles des entreprises des autres secteurs manufacturiers au pays[7].

Il est à noter que les entreprises de transformation des aliments et des boissons jouent un rôle très important au sein du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Elles achètent environ 40 % de la production des exploitations agricoles du Canada et vendent plus de 70 % de leurs aliments transformés à des détaillants et à des fournisseurs de services alimentaires canadiens[8]. L’industrie de la transformation des aliments et des boissons occupe aussi une place importante au sein du portefeuille canadien de commerce international, les exportations de produits agroalimentaires ayant totalisé 38,9 milliards de dollars en 2019[9]. De façon générale, le Canada consomme environ 30 % de ses propres produits agricoles, mais certains sous-secteurs, comme celui de la production de canola, exportent jusqu’à 90 % de leurs produits. En ce qui concerne les aliments transformés, le déficit commercial du Canada était évalué à 1,9 milliard de dollars en 2016, chiffre qui est demeuré relativement stable depuis le milieu des années 2000 selon AAC, et ce malgré les fluctuations annuelles[10].

Capacité de transformation

En 2016, le ministre des Finances a mis sur le pied le Conseil consultatif en matière de croissance économique, le chargeant de formuler des recommandations sur la croissance à long terme de l’économie canadienne. En 2017, le Conseil a publié une série de rapports comportant des recommandations détaillées, et dans ses rapports (appelés collectivement le rapport Barton en l’honneur de Dominic Barton, président du Conseil), il précisait que le secteur des exportations agroalimentaires présentait un potentiel de croissance élevé. Le rapport fait état de plusieurs facteurs (y compris la richesse en eau et terre arables, l’excellent rendement des sols, la réputation internationale du pays en matière de salubrité des aliments et la présence de groupes de recherche agroalimentaire) qui font en sorte que le Canada est bien placé pour tirer avantage de la hausse prévue de la demande pour des aliments « de plus grande valeur », comme les protéines et les « aliments fonctionnels » enrichis sur le plan nutritionnel[11].

Dans son rapport, le Conseil recommandait au gouvernement du Canada d’instituer toute une série de réformes de politiques et de réaliser des investissements pour aider les transformateurs à innover et à devenir plus compétitifs sur la scène internationale et leur permettre de profiter pleinement des tendances prévues. Le rapport Barton mentionne plusieurs domaines de compétence fédérale, y compris les accords commerciaux internationaux, les investissements dans les infrastructures, les réformes touchant l’immigration et les compétences des travailleurs canadiens et l’accélération de l’innovation tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

En 2017, le gouvernement du Canada a formé une table sectorielle de stratégies économiques pour le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, formée de représentants de l’industrie de transformation des produits agroalimentaires et chargée de formuler des recommandations sur les moyens que peut prendre le Canada pour favoriser le plus possible la croissance dans ce secteur. En septembre 2018, ce groupe a publié un rapport proposant un objectif de 140 milliards de dollars de ventes nationales de produits agricoles et agroalimentaires transformés d’ici 2025 (une hausse de 27 % par rapport aux ventes de 2017, qui s’élevaient à 110 milliards de dollars) et de 85 milliards de dollars d’exportations de produits agricoles et agroalimentaires, et de poissons et fruits de mer au cours de la même période[12]. Il recommande également au Canada d’apporter des changements aux politiques et aux règlements ainsi que d’effectuer des investissements clés dans des secteurs clés, y compris les infrastructures, afin que le Canada puisse tirer pleinement parti des avantages que ce secteur devrait offrir au cours de la prochaine décennie.

Outre les recommandations axées sur la croissance contenues dans le rapport Barton et le rapport de 2019 de la Table de stratégies économiques, des observateurs de l’industrie agroalimentaire soulignent que la pandémie de COVID-19 a fait ressortir ce qu’ils perçoivent comme étant des vulnérabilités préexistantes au sein de la chaîne de valeur agricole du Canada, lesquelles risquent de compromettre la capacité de cette chaîne de réagir aux futurs chocs de l’offre et de la demande[13]. Dans son rapport sur le renforcement post-pandémie du secteur canadien de l’agroalimentaire, le Conseil de l’innovation agroalimentaire explique que pour bâtir un système alimentaire plus résilient au Canada, il faut avant tout accroître et moderniser la capacité intérieure de transformation des aliments[14].

Plusieurs témoins ont réitéré ce message, dont M. Martin Scanlon, doyen de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation à l’Université du Manitoba, qui a indiqué que de petites entreprises de transformation des aliments devraient appuyer les longues chaînes d’approvisionnement qui assurent la sécurité alimentaire des Canadiens afin d’en assurer la résilience en cas d’autres crises[15]. Par ailleurs, du point de vue de la sécurité alimentaire, en comptant depuis longtemps sur le traitement à l’étranger des récoltes canadiennes et sur les entreprises étrangères en tant que sources d’importation des aliments, le Canada s’expose à des facteurs qui échappent son contrôle. M. Sylvain Charlebois, professeur à l’Université Dalhousie et directeur de l’Agri-Food Analytics Lab a expliqué au Comité que les changements climatiques, les fluctuations des taux de change et les perturbations logistiques posent des risques à la chaine d’approvisionnement du Canada[16]. Todd Lewis, président de l’Agricultural Producers Association of Saskatchewan a également mentionné la vulnérabilité du secteur canadien de la transformation alimentaire aux considérations géopolitiques telles que les guerres commerciales et les « décisions arbitraires » de gouvernements étrangers[17].

Lors de son témoignage, Frédéric Seppey, sous-ministre adjoint de la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés à AAC, a expliqué que le secteur de la transformation des aliments est hétérogène et que les obstacles à l’atteinte des conditions de marché nécessaires au développement de la capacité de transformation nationale varient selon les produits :

Pour ce qui est de la capacité de transformation, elle peut varier d’un secteur à l’autre. Dans des secteurs comme celui de la transformation laitière, elle est très forte pour ce qui est de nos besoins internes. Le système de gestion de l’offre fait en sorte que notre capacité est suffisamment élevée pour transformer tous les produits dont nous avons besoin. Dans d’autres secteurs, nous avons un avantage comparatif très important à l’échelle mondiale. Je pense au secteur de la transformation des produits carnés, c’est‑à-dire de la viande. Il est évident que notre capacité de production est nettement supérieure à nos besoins, au Canada. Nous exportons la très grande majorité de nos produits […] en raison de l’hétérogénéité du secteur. Dans certaines régions et pour certains secteurs, les capacités peuvent être insuffisantes, mais, compte tenu de la manière dont notre économie de marché fonctionne, c’est aux forces du marché et aux entreprises de déterminer les endroits où investir pour bonifier la capacité de transformation[18].

En outre, les représentants des secteurs réglementés par le système de la gestion de l’offre ont souligné l’importance de tenir compte de leurs spécificités. Ils s’accordent pour dire que les concessions d’accès au marché pour les produits réglementés incluses dans certains accords ont des effets néfastes sur leur secteur et devraient être évités dans le futur[19].

Dans le cadre de sa réponse à la pandémie, le gouvernement du Canada a annoncé la création du Fond d’urgence pour la transformation, prévoyant 77,5 millions de dollars pour aider les transformateurs d’aliments du Canada à protéger la santé de leurs employés et à automatiser et moderniser leurs installations de transformation à l’aide de technologies[20]. Plusieurs témoins ont expliqué que si ces financements étaient bienvenus, ils ne permettaient pas de faire face à toutes les répercussions qu’a eues la COVID-19 sur la chaîne d’approvisionnement canadienne[21]. Kathleen Sullivan, directrice générale d’Aliments et boissons Canada a livré une estimation selon laquelle les fabricants de produits alimentaires ont dépensé près d’un milliard de dollars pour mettre en place des mesures reliées à la COVID-19 telles que l’achat d’équipement de protection individuelle, les dépistages sanitaires et le nettoyage renforcé[22].

Avant la pandémie, le gouvernement du Canada avait annoncé la mise en place du Fonds des infrastructures alimentaires locales, une initiative quinquennale de 50 millions de dollars visant à financer des projets menés par des organismes communautaires locaux sans but lucratif qui répondent aux objectifs de la Politique alimentaire du gouvernement. Une attention spéciale était accordée aux demandes présentées par des organisations cherchant à assurer la sécurité alimentaire des populations à risque. Tel que décrit plus en détail dans la section « Coopératives d’alimentation locales » ci‑dessous, certains témoins ont estimé que les montants alloués dans la première phase de financement pour cette initiative était insuffisante pour développer le type d’installation nécessaires pour assurer une plus grande sécurité alimentaire locale.

Infrastructures

Le rapport Barton mentionne plusieurs obstacles qui empêchent le Canada de tirer pleinement parti du potentiel de croissance sur les marchés mondiaux dans le secteur des aliments transformés, en particulier le peu d’investissements au fil des ans dans l’infrastructure nationale de transformation des aliments[23]. En raison du manque d’installations dans de nombreuses régions ainsi que des problèmes logistiques que pose le transport de marchandises à travers le Canada, la moitié de la production agricole du Canada est exportée pour la transformation[24]. L’accent mis depuis longtemps par le Canada sur l’exportation de matières premières plutôt que sur la fabrication de produits à valeur ajoutée a également créé des lacunes dans l’infrastructure nécessaire à l’exportation de produits finis vers les marchés.

Transports

Entre autres, la Table de stratégies économiques du gouvernement sur le secteur agroalimentaire a recommandé l’établissement d’un réseau de transport « à la fine pointe de la technologie » pour empêcher les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement qui entraînent des pertes pour les agriculteurs et les producteurs[25]. Selon le groupe, la fiabilité des transports est particulièrement importante si le Canada veut profiter des débouchés créés par la hausse de la demande de produits alimentaires transformés sur les marchés asiatiques, dont l’accès nécessite dans la plupart des cas des liaisons intermodales entre les exploitations agricoles et les ports. Le groupe souligne également dans son rapport que l’expansion des capacités de transport international du Canada est un véritable défi, étant donné que le pays a souvent du mal à expédier ses marchandises dans les délais impartis. Il donne l’exemple des pertes subies par les agriculteurs à l’hiver 2013-2014 et au printemps 2018, lorsque des perturbations du transport ferroviaire ont causé d’énormes retards dans l’expédition des grains récoltés, entraînant pour les agriculteurs canadiens des pertes évaluées à 6,5 milliards de dollars entre 2013 et 2015[26].

Dans le cadre du Plan Investir dans le Canada, le gouvernement du Canada a mis sur pied le Fonds national des corridors commerciaux, qui est géré par Transports Canada et sert à financer des projets visant à accroître les échanges commerciaux en éliminant les goulots d’étranglement dans les ports, aux points de correspondance ferroviaire et le long des autres corridors de transport partout au pays. En juillet 2017, le premier appel de propositions a été lancé dans le cadre de ce fonds de 2,3 milliards de dollars dans le but de régler les problèmes de capacité. Le gouvernement a approuvé le versement de plus de 800 millions de dollars en vue du financement de 39 projets dans l’ensemble des provinces et territoires du Canada[27]. Toutefois, comme l'ont clairement indiqué les témoins, les infrastructures du Canada continuent d’être confrontées à des difficultés liées au transport des produits agroalimentaires.

Plusieurs témoins ont insisté sur le fait que le Canada doit moderniser ses infrastructures de transport pour être capable de composer avec toute augmentation du volume d’aliments transformés au pays. M. Lewis a fait remarquer que les produits transformés nécessitent souvent une infrastructure différente que les produits bruts envoyés en vrac. Il a donné l’exemple de l’huile de canola, qui doit être transportée par wagons-citernes, contrairement au canola brut qui est expédié par la flotte existante de wagons-céréaliers vers des usines de transformation situées dans d’autres régions, précisant par ailleurs qu’il manque actuellement de conteneurs pour ce secteur[28].

Le président du Conseil canadien du canola, Jim Everson, a expliqué que la livraison de l’huile de canola se fait au moyen d’un système de livraison « juste à temps » sur les marchés nord-américains, c’est-à-dire que les distributeurs et autres utilisateurs finaux ont besoin que le produit fini arrive dans leurs installations à intervalles réguliers et selon un calendrier prévisible[29]. Représentant le Conseil de la transformation alimentaire du Québec, Dimitri Fraeys a également souligné qu’il est important de disposer de moyens de transport fiables pour amener les aliments transformés sur le marché. Il a expliqué qu’il est essentiel de renforcer la stabilité de la chaîne d’approvisionnement, rappelant qu’en plus des perturbations récentes causées par la pandémie, les fournisseurs ont eu à faire face ces dernières années à des grèves d’entreprises portuaires et ferroviaires et à des blocus ferroviaires[30].

M. Al Mussell, chercheur principal chez Agri-Food Economic Systems, un laboratoire d’idées spécialisé dans la recherche économique liée à l’agriculture et à l’alimentation, a parlé au Comité de l’importance de mieux « cartographier » les chaînes d’approvisionnement afin de comprendre où se trouvent les goulots d’étranglement et les autres carences à l’échelle du pays[31].

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada investisse dans les infrastructures liées au commerce, comme les systèmes de transport, afin d’améliorer l’accès aux marchés et pour soutenir une chaîne d’approvisionnement moderne.

Abattoirs de petites et moyennes tailles

Comme on l’a déjà indiqué, un aspect du système alimentaire canadien que la pandémie de COVID-19 a fait ressortir est l’agglomération de l’industrie de l’abattage et de conditionnement de la viande. Actuellement, trois usines sous réglementation fédérale (JBS à Brooks, en Alberta, et Cargill à High River, en Alberta, et à Guelph, en Ontario) transforment 85 % du bœuf consommé par les Canadiens[32]. Plusieurs témoins ont parlé de la fermeture de petits abattoirs régionaux au cours des dernières années et des difficultés que ces décisions ont causées pour les agriculteurs et les éleveurs.

Rob Lipsett, président de Beef Farmers of Ontario, a expliqué au Comité l’important aspect régional de cet enjeu. Il a présenté des données indiquant que les usines de conditionnement de la viande inspectée par le gouvernement fédéral dans l’Est canadien fonctionnaient à plein rendement en 2020 et que le volume de transformation en Ontario avait augmenté de plus de 20 % par rapport à l’année précédente et aux moyennes sur cinq ans. Résultat : certains éleveurs de bovins doivent attendre de quatre mois à un an pour que leur bétail soit abattu et transformé. Il a indiqué que selon Canfax, le service d’information de la Canadian Cattleman’s Association, les éleveurs de l’Est du pays ont subi des pertes de revenu de 129 millions de dollars en 2020 en raison de ce manque de capacité de transformation[33].

Les retards imprévus de l’abattage peuvent avoir une incidence importante sur les marges de profit des éleveurs, qui doivent continuer à payer pour nourrir et assurer les soins du bétail jusqu’à ce qu’ils puissent envoyer les animaux à l’abattoir. Richard Horne, directeur exécutif de Beef Farmers of Ontario, a expliqué que les entreprises de transformation peuvent exiger des rabais pour les bovins en surpoids, ce qui peut entraîner des pertes de centaines de dollars par tête et par jour de retard pour les éleveurs[34].

Conscient des difficultés causées pour les éleveurs pendant la pandémie de COVID-19 en raison des capacités d’abattage réduites, le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, a mis en place un programme de retrait de bovins afin d’offrir des fonds d’urgence aux éleveurs de bovins faisant face à des retards de transformation. Ce programme, financé par l’entremise du cadre de gestion des risques d’entreprises Initiatives Agri-relance, a aidé les éleveurs à absorber le coût de la conservation des bovins à la ferme au-delà de la date d’abattage prévue. M. Horne[35] et la Canadian Cattlemen’s Association[36] ont souligné l’importance de ce programme et ont encouragé le gouvernement à l’offrir à nouveau durant le prochain exercice financier.

Le manque d’accès aux usines de transformation de la viande, et plus particulièrement aux installations inspectées par le gouvernement fédéral qui permettent aux éleveurs de vendre leurs produits à l’échelle nationale et internationale, peut avoir une grande incidence sur la production d’aliments à l’échelle locale. Margaret Lamb, présidente de Pork Nova Scotia, a expliqué que la perte d’infrastructures dans la province, telles que les fabriques d’aliments pour animaux et les usines de transformation, avait grandement contribué à la baisse de la production porcine en Nouvelle-Écosse. Elle a expliqué qu’à son apogée, l’industrie porcine de la province comptait 225 exploitations actives (200 000 porcs); elle est maintenant formée de huit établissements commerciaux produisant 8 500 porcs de marché par année, dont 25 % sont acheminés au Québec aux fins de transformation[37].

En ce qui concerne les exportations, Jason Aitken, président de Northern Natural Processing, a signalé qu’il sera difficile pour les producteurs de protéines canadiens de saisir les débouchés lucratifs de la région de l’Asie-Pacifique, à moins que le Canada soit prêt à réaliser des investissements pour renforcer sa capacité de transformation :

Nous avons une occasion d’exportation extraordinaire. La région de l’Asie-Pacifique veut faire des affaires avec le Canada, mais elle a besoin de stabilité et d’un approvisionnement garanti. La seule façon de garantir cela est de développer des atouts durables et d’investir dans les infrastructures nécessaires[38].

Abattoirs mobiles

Les abattoirs mobiles offrent une solution lorsque les abattoirs des grandes entreprises ne sont pas accessibles. Par exemple, Kirk Price, directeur du Secteur de l’agriculture du gouvernement du Yukon, a expliqué au Comité qu’avant 2006, il n’y avait seulement qu’un seul abattoir réglementé sur le territoire, et qu’il était parfois difficile pour les éleveurs d’y accéder. Conscient du problème et du danger qu’il représentait pour l’autosuffisance du Yukon en matière de viande rouge, le gouvernement territorial a acheté un abattoir mobile, permettant ainsi aux éleveurs d’abattre leurs animaux sur place, dans un cadre réglementaire territorial[39]. Le financement pour ce type de projet peut toutefois être difficile à obtenir. Ainsi, Judy Stafford, directrice générale de la Cowichan Green Community a expliqué que son organisation a cherché à obtenir du financement de la part des gouvernements provincial et fédéral pour financer un abattoir mobile sur l’île de Vancouver, elle rapporte toutefois que les coûts de son projet étaient trop élevés pour être admissible au programme fédéral du fonds des infrastructures locales[40].

Le Comité a également été informé de la mise en place d’un modèle d’abattoir mobile dans les régions rurales du Québec, où un groupe d’éleveurs ont formé Le petit abattoir, une coopérative visant à offrir les services d’un microabattoir mobile répondant aux besoins des petits éleveurs de volaille. Comme l’a expliqué Fernande Ouellet, la coordonnatrice de l’organisation, ces petits éleveurs ont souvent de la difficulté à accéder aux grands abattoirs en raison de leur production limitée et la plupart des abattoirs régionaux ont fermé leurs portes au cours des dernières années, comme ailleurs au Canada[41].

Mme Ouellet a précisé que son projet vise à éviter aux éleveurs d’avoir à parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre dans l’un des abattoirs de plus en plus rares qui acceptent un petit nombre de têtes. Elle a ajouté qu’en plus d’offrir une solution locale commode en matière d’abattage, le projet aura des retombées positives dans la région. En écourtant la chaîne d’approvisionnement, le projet contribuera à améliorer la sécurité alimentaire dans les petites collectivités, à stimuler l’économie régionale en amenant de petits éleveurs à s’installer dans la région, et à protéger le bien-être des animaux, qui évitent de longs voyages souvent stressants vers les grands abattoirs et terminent leurs jours dans un cadre familier[42].

Mme Ouellet a demandé qu’une aide non remboursable soit mise en place pour soutenir l’implantation d’abattoirs de petite taille à travers le pays, invoquant les difficultés à obtenir du financement pour les groupes locaux en démarrage[43]. À titre de coordonnatrice d’un projet d’abattoir sous réglementation fédérale, elle a également souligné l’importance d’adopter une approche réglementaire plus souple afin de permettre aux petites installations comme la sienne d'atteindre les mêmes résultats en matière de santé et de sécurité que les grands, par exemple en certifiant les installations périodiquement plutôt qu’en inspectant chaque carcasse individuellement[44].

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada modernise sa réglementation et mette en place des programmes ciblés, en collaboration avec les provinces et les territoires, afin d’encourager le développement des entreprises de transformation de proximité et les abattoirs régionaux de petite taille.

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires et le secteur privé, identifie des possibilités de financement stratégique pour accroître la capacité de transformation des aliments dans les régions et ainsi renforcer la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire.

Coopératives d’alimentation locales

Le problème ne se limite pas aux produits de viande. Les témoins ont informé le Comité des difficultés auxquelles se heurtent les coopératives locales qui cherchent à mettre en place des infrastructures pour la transformation des aliments.

Outre la réglementation (le plus souvent provinciale vu la portée des projets), les témoins ont indiqué que l’accès à un capital de démarrage représentait un obstacle important à la mise en œuvre de ce genre de projets. Deux témoins participant à des efforts visant à assurer la sécurité alimentaire à l’échelle locale, soit Mme Stafford[45] et Gisèle Yasmeen, directrice exécutive du Réseau pour une alimentation durable[46], ont noté que le Fonds des infrastructures alimentaires locales mis sur pied par le gouvernement était un pas dans la bonne direction pour faire avancer des initiatives comme celles de leur organisation partout au Canada, mais que le montant maximal (25 000 $) n’était pas suffisant pour mettre en place l’infrastructure nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire à long terme dans les régions mal desservies. Mme Yasmeen a également soutenu que le gouvernement fédéral devrait soutenir davantage les économies alimentaires locales à travers des programmes d’alimentation en milieu scolaire et des programmes visant les communautés autochtones[47].

Recommandation 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada augmente le financement accordé pour le Fonds des infrastructures alimentaires locales et qu’il y consacre un volet spécifique ouvert à un large groupe d’entreprises agroalimentaires régionales afin de promouvoir la capacité de transformation à l’échelle du pays.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le gouvernement fasse de la lutte contre l’insécurité alimentaire une priorité, qu’il examine plus particulièrement les enjeux nordiques et autochtones et qu’il prenne les mesures qui s’imposent pour soutenir les Canadiens dans le besoin.

Réglementation

Un cadre réglementaire « difficile »

Le rapport Barton décrit un environnement réglementaire « difficile » pour les transformateurs d’aliments canadiens, y compris les longs processus d’octroi de permis et les commissions de gestion des approvisionnements, que les auteurs tiennent en partie responsable du peu d’activités de transformation au pays[48]. La Table de stratégies économiques du gouvernement mentionne également le fardeau réglementaire comme étant un obstacle majeur à la croissance du secteur de la transformation. Elle précise que le Forum économique mondial a classé le Canada au 14e rang des 36 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2017‑2018 selon son indice de la réglementation gouvernementale et a laissé entendre que de nombreux transformateurs risquent de chercher à mener leurs activités dans d’autres pays[49].

Nadia B. Theodore, vice-présidente principale des Relations avec le gouvernement et l’industrie à l’échelle mondiale chez Aliments Maple Leaf, a expliqué que le caractère prescriptif de la réglementation au Canada posait un problème important. Selon elle, les règlements mettent trop souvent l’accent sur les procédés que doivent suivre les transformateurs au lieu de s’attacher aux résultats recherchés, ce qui a un effet dissuasif sur l’innovation et l’investissement dans le secteur de la transformation alimentaire :

Ce qui est peut-être plus troublant à nos yeux, c’est que de nombreux règlements sont soit désuets, soit fortement axés sur l’établissement d’un processus plutôt que l’obtention d’un résultat. Ce type de règlements freinent l’innovation et la découverte de solutions qui amélioreraient la santé, la sécurité et les résultats environnementaux et découragent les investissements dont le Canada a grandement besoin. En définitive, ces règlements entraînent des coûts supplémentaires, de la méfiance entre l’industrie et les responsables de la réglementation et l’instauration d’un système très peu efficace dans son ensemble, qui nous empêche d’atteindre notre plein potentiel tant en matière de santé et sécurité que de compétitivité mondiale[50].

Interrogée sur les raisons qui ont poussé Maple Leaf à choisir d’acquérir une nouvelle usine aux États-Unis plutôt qu’au Canada, elle évoque l’effet cumulatif de la réglementation comme l’une des causes de cette décision[51]. Dans la même veine, Dennis Prouse, vice-président des Affaires gouvernementales chez CropLife Canada, a signalé que de nouvelles variétés de plantes de canola ont été transférées aux États‑Unis parce que le Canada ne s’est pas doté d’un cadre réglementaire clair relativement aux méthodes novatrices de sélection végétale, comme l’édition génomique[52]. À son avis, le Canada a pris du retard par rapport aux autres pays industrialisés lorsqu’il s’agit de moderniser sa réglementation en se fondant sur la science et risque donc de perdre des occasions d’affaires. Il a recommandé que le Canada tienne compte de l’innovation et de la concurrence dans l’examen et l’élaboration des règlements[53].

Dans son budget de 2018, le gouvernement du Canada a annoncé que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada procéderait à des examens réglementaires de quatre secteurs économiques à forte croissance, notamment à un examen des règlements régissant le secteur de l’agroalimentaire et de l’aquaculture[54]. Après avoir consulté des représentants de l’industrie et d’autres parties intéressées, le gouvernement a publié une feuille de route pour ce secteur, exposant 25 irritants réglementaires qu’il entend éliminer en apportant des modifications aux règlements existants ou en prenant d’autres mesures[55].

M. Prouse a dit au Comité que cette feuille de route était une bonne nouvelle, mais qu’il devrait s’agir seulement d’un premier pas en vue d’un examen approfondi de la réglementation canadienne en matière d’alimentation, le but étant de veiller à ce que les règles tiennent compte des cadres dans lesquels évoluent les concurrents étrangers et des avancées technologiques[56].

Les témoins ont également mentionné que les changements à la réglementation canadienne ne doivent pas porter atteinte à la salubrité des aliments, qui est importante pour la santé et le bien-être des consommateurs. Par ailleurs, Denise Allen, présidente‑directrice générale de Fabricants de produits alimentaires du Canada, a souligné que la réputation du Canada en matière de salubrité des aliments constitue un aspect important de la « proposition de valeur » du secteur de la transformation des aliments et de la capacité future des entreprises canadiennes de se tailler une place dans de nouveaux marchés[57]. Dans le cadre de la Feuille de route pour l’examen réglementaire du secteur, le gouvernement et l’industrie doivent tenter d’établir un juste équilibre qui permettra non seulement aux transformateurs d’aliments d’innover et d’étendre leurs activités, mais qui protégera aussi la réputation du Canada en matière de salubrité et de fiabilité.

Recommandation 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada procède à une révision externe de sa réglementation afin de la moderniser, simplifie les processus d’approbation et élimine les obstacles qui nuisent à la mise en marché de nouvelles solutions, sans compromettre la salubrité alimentaire, et ce en faisant participer des organisations comme l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Harmonisation de la réglementation fédérale, provinciale et territoriale

Les produits alimentaires canadiens vendus dans plus d’une province ou d’un territoire et les produits exportés à l’étranger doivent satisfaire des normes fédérales en matière de salubrité. L’harmonisation des normes provinciales, territoriales et fédérales est une question qui préoccupe depuis longtemps la communauté agricole canadienne et sur laquelle le Comité s’est déjà penché[58]. En ce qui concerne la transformation des aliments, les témoins ont expliqué que les différences entre les normes provinciales et fédérales font en sorte qu’il est difficile pour les petites et moyennes entreprises de transformation provinciales d’étendre leurs activités à l’échelle nationale ou internationale, et parfois même de garder leurs portes ouvertes[59].

Plusieurs témoins ont donné l’exemple de la vente de la viande sous réglementation provinciale vers d’autres provinces. En mai 2020, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a mis en place une procédure d'exemption ministérielle en vertu de la section 174(1) du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada afin de permettre aux transformateurs de viande et de volaille inspectés par une province de vendre leurs produits au-delà des frontières de leur province si les entreprises alimentaires, comme les grossistes et les détaillants, connaissent des pénuries de viande[60]. Dans le cadre de ce processus d'exemption, les entreprises agroalimentaires demandent une exemption à leur autorité de sécurité alimentaire provinciale ou territoriale. Ces autorités déterminent ensuite, au cas par cas, si une exemption ministérielle est appropriée et envoient les demandes d'exemption au Centre d'administration pour les permissions de l'ACIA.

Bien que l’ACIA n’ait pas dévoilé de données officielles sur les exemptions accordées depuis mai 2020, le sous-ministre Seppey a expliqué au Comité qu’aucune autorité de sécurité alimentaire provinciale ou territoriale n’avait sollicité cette exemption[61].

Recommandation 7

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires, vise à harmoniser les normes de transformation alimentaire fédérales et provinciales afin de réduire les barrières au commerce interprovincial et international, et encourage l’innovation en mettant l’accent sur les résultats plutôt que sur des mesures prescriptives. De plus, le Comité recommande que le gouvernement fédéral mette à disposition un soutien aux transformateurs qui cherchent à se mettre en conformité avec les normes internationales lorsque ces dernières ajoutent un fardeau significatif par rapport aux mesures provinciales.

Cohérence de la mise en œuvre de la réglementation fédérale et des procédures d'inspection

En réponse à une question visant à savoir quels règlements sont les plus lourds pour les transformateurs, Ian Blenkharn, aviculteur à la retraite, a indiqué que ce ne sont pas seulement les règlements qui nuisent à l’industrie, mais le fait qu’ils ne sont pas appliqués de manière uniforme par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)[62]. Il a indiqué que, d’après son expérience, les inspecteurs de l’ACIA dans des installations de transformation voisines ne semblent pas appliquer les règlements de la même façon parce qu’ils en ont une interprétation différente, ce qui fait en sorte que « les règles du jeu ne sont pas les mêmes » pour tous les producteurs et transformateurs[63].

Dans son mémoire, Ken Falk, président de Fraser Valley Specialty Poultry, décrit en détail des démêlés judiciaires avec l’ACIA qui ont duré quatre ans et ce qu’il qualifie de tactiques d’application de la loi « incohérentes » et « déraisonnables[64] ». Dans son mémoire, M. Falk demande que soit mise sur pied une agence indépendante et externe chargée de surveiller les activités de l’ACIA afin de prévenir de tels incidents[65].

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada considère implanter des mesures de contrôle interne à l’ACIA permettant d’assurer une uniformité dans le traitement et un recours d’appel raisonnable à l’interne, évitant le recours aux tribunaux.

Repenser la réglementation canadienne relative à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

En mai 2003, le Canada découvrait un premier cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle) sur son territoire. Pour limiter la distribution de matériel infecté par l’ESB et mieux réagir à d’autres éclosions, le gouvernement fédéral a adopté de nouveaux règlements relatifs à la manipulation du bétail et à l’élimination de tissus ou « matériel à risque spécifié » contenant des protéines anormales ou prions pathogènes qui transmettent la maladie. L’article 6.1 du Règlement sur la santé des animaux donne la définition suivante de « matériel à risque spécifié» :

s’entend du crâne, de la cervelle, des ganglions trigéminés, des yeux, des amygdales, de la moelle épinière et des ganglions de la racine dorsale des bœufs âgés de trente mois ou plus, ainsi que de l’iléon distal des bœufs de tous âges, à l’exclusion du matériel provenant d’un pays d’origine, ou d’une partie d’un pays d’origine, qui est désigné, en vertu de l’article 7, comme posant un risque négligeable d’encéphalopathie spongiforme bovine.

Dès 1997, le gouvernement du Canada a mis en place une interdiction renforcée, et il est défendu d’utiliser du matériel à risque spécifié dans les aliments du bétail, la nourriture pour animaux domestiques et les fertilisants, le but étant de prévenir la propagation de l’ESB dans les exploitations agricoles canadiennes[66].

L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) considère le Canada comme l’un de six pays « à risque maîtrisé » pour l’ESB, ce qui oblige le Canada à imposer certaines restrictions en matière de production bovine, telles que la présentation de déclarations périodiques, la mise en place d’un programme d’éducation des agriculteurs pour prévenir la transmission de l’ESB et des mesures renforcées d’interdiction concernant les aliments du bétail[67]. Selon les règles de l’OIE, il est possible de passer du statut de « pays à risque maîtrisé » à « pays à risque négligeable » 11 ans après la date de naissance du dernier bovin atteint d’ESB[68]. D’après l’ACIA, le plus récent cas d’animal infecté au Canada remonte à février 2015; l’animal étant né en mars 2009, le Canada pourrait demander un changement de statut à compter mars 2020[69]. Le 12 mars 2021, l’ACIA a annoncé que le Canada a soumis une demande à l’OIE pour obtenir le statut de risque négligeable d’ESB; les délégués de l'OIE voteront sur la demande du Canada lors de la prochaine session générale de l'Assemblée mondiale qui aura lieu à la fin du mois de mai 2021[70].

Dans le cadre de leurs témoignages, les représentants de la Canadian Cattleman’s Association (CCA)[71], de Bœuf Québec[72] et des Beef Farmers of Ontario[73] ont tous mentionné les règles relatives à l’élimination du matériel à risque spécifié à titre d’exemple de réglementation lourde que le gouvernement fédéral devrait modifier. Ils ont expliqué qu’en vertu de ces règles, les producteurs de bovins canadiens doivent retirer des carcasses d’animaux de plus de 30 mois du matériel à risque spécifié qui présente une valeur potentielle et pourrait être vendu en tant que sous-produit. Dennis Laycraft de la CCA a expliqué que les éleveurs canadiens de bovins doivent retirer plus de 50 kilogrammes de matériel à risque spécifié sur les animaux de plus de 30 mois, alors que leurs homologues américains n’en retirent qu’un kilogramme[74]. La CCA estime que cette disparité nuit à la compétitivité des éleveurs canadiens par rapport aux éleveurs d’autres pays, qui peuvent tirer une plus grande valeur par animal.

L'OIE affirme que l'incidence de l'ESB dans le monde est « négligeable[75] ». Selon les données les plus récentes de l'OIE, seulement deux cas d'ESB dits « classiques » (par opposition aux cas dits « atypiques[76] ») ont été signalés dans le monde en 2016, comparativement à 561 cas de ce type en 2005[77]. Comme il a été mentionné précédemment, aucun cas d'ESB n'a été signalé au Canada depuis 2015.

Outre la réglementation sur le matériel à risque spécifié, la CCA a mentionné la question connexe de l’harmonisation de la réglementation du Canada avec celle des États‑Unis et de la Corée du Sud[78]. La Corée du Sud détient encore le droit de mettre fin aux importations de bœuf canadien si un cas d’ESB est détecté. Par conséquent, les installations américaines d’abattage et de transformation doivent traiter les bovins canadiens séparément pour garantir que les bovins américains ne seront pas touchés par une interdiction le cas échéant.

Selon la CCA, cette dépense additionnelle liée à la ségrégation des bovins a pour effet de réduire la valeur du bétail canadien sur le marché international. Toujours d’après elle, le manque d’accès aux installations américaines limite également les possibilités d’abattage en cas de goulots d’étranglement dans les installations canadiennes, car certains abattoirs américains desservant le marché coréen sont moins enclins à accepter les bovins canadiens en raison des difficultés logistiques que pose leur manipulation[79].

Les témoins ne s’entendaient toutefois pas tous sur l’idée de revenir sur la réglementation canadienne relative à l’ESB. Reconnaissant que la déréglementation serait « une bonne chose », M. Aitken a affirmé que la réglementation ne constituait pas le principal obstacle pour l’industrie bovine canadienne et n’était pas ce qui nuisait le plus au renforcement de la capacité de transformation au Canada[80]. Anthony Eikelenboom, commerçant d’animaux de la Scotian Cattle Company, a expliqué qu’il appréciait les règles actuelles, car elles permettent une intervention régionale et ciblée si des cas d’ESB sont détectés, prévenant ainsi un arrêt complet des activités à l’échelle nationale comme on l’avait vu à la suite du premier cas canadien d’ESB en 2003[81].

Recommandation 9

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada révise ses règlements relatifs à la protection contre l’Encéphalite spongiforme bovine (ESB) dans le secteur de la transformation du bœuf, notamment celles portant sur le matériel à risque spécifié, afin que celles-ci ne portent pas atteinte à la compétitivité du secteur du bœuf canadien.

L’innovation et l’adoption de nouvelles technologies

L’ensemble des témoins qui ont comparu devant le Comité s’entendent pour dire que l’innovation et l’adoption de nouvelles technologies représentent des moteurs importants de la croissance du secteur de la transformation alimentaire et que le gouvernement du Canada a un rôle important à jouer pour l’encourager.

M. Lewis a par exemple rappelé que le canola qui est aujourd’hui un des produits agricoles canadiens les plus exportés « a été créé au moyen d’un programme public, un investissement qui a généré des centaines de milliards de dollars d’activité économique[82] ». Ian Affleck, vice-président, Biotechnologie à CropLife Canada a indiqué que le développement de nouvelles semences de canola pourrait avoir des bénéfices importants pour le secteur de la transformation :

Récemment, une entreprise établie en Saskatchewan, Yield10, a mis au point quatre variétés de canola ayant une plus grande teneur en huile, ce qui crée d’excellentes possibilités de transformation ainsi que des avantages, et pas seulement pour l’entreprise de transformation. Les agriculteurs obtiennent plus d’huile par acre, ce qui permet de réduire leur empreinte écologique et carbonique. La valeur de leur produit à la ferme augmente aussi, et l’entreprise de transformation arrive à produire de l’huile de canola plus efficacement, parce qu’elle peut produire autant d’huile en triturant moins de canola par minute[83].

En plus de ces investissements traditionnels en Recherche et Développement, les témoins s’accordent pour dire que les entreprises de transformation alimentaire devront aussi s’adapter aux technologies émergentes comme la robotisation, les chaînes de blocs et l’intelligence artificielle. Celles-ci pourraient entraîner des changements importants dans de nombreux secteurs de l’économie et les entreprises agroalimentaires pourraient être pénalisées si elles ne sont pas capables de s’adapter rapidement. Pour Jean‑Sébastien Gascon, directeur général de Bœuf Québec un écart en matière de productivité se creuse déjà entre les entreprises qui sont capables d’adopter ces technologies rapidement et celles qui ne le font pas[84]. Pour lui, ce « virage technologique » est nécessaire si l’industrie canadienne veut préserver sa compétitivité[85].

L’adoption de nouvelles technologies n’est pas à la portée de toutes les entreprises et plusieurs témoins estiment que le gouvernement a un rôle à jouer pour aider à financer ces investissements. Pour Sylvie Cloutier, directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, les petites et moyennes entreprises ont particulièrement besoin de soutiens afin d’adopter des technologies dont elles pourraient grandement bénéficier telles que l’internet des objets, l’industrie 4.0, la connexion entre les équipements et la commercialisation de leurs activités en ligne[86].

Les initiatives du gouvernement fédéral pour encourager l’innovation

Les fonctionnaires du gouvernement ont mis de l’avant les ressources existantes qui visent à favoriser l’innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire. Par exemple, le Réseau des innovateurs canadiens en alimentation financée à hauteur de 30 millions de dollars par l’entremise Fonds stratégique pour l’innovation prévoit de financer des projets dans les trois domaines suivants :

  • solutions novatrices aux défis de la transformation des aliments;
  • projets de collaboration en automatisation, emballage, intelligence artificielle et technologie des chaînes de blocs;
  • équipement à échelle préindustrielle dans les centres canadiens de l’innovation dans le domaine des aliments et des boissons[87].

Sheryl Groeneweg, directrice générale, Direction générale de la fabrication et des sciences de la vie du ministère de l’Industrie a présenté un projet récemment financé via ce programme :

En 2018, le Fonds stratégique pour l’innovation a également permis de financer un projet des Aliments Maple Leaf pour la construction d’une usine de transformation de la volaille à valeur ajoutée de calibre mondial à London, en Ontario. Ce projet de 744 millions de dollars, qui a bénéficié d’un financement de 20 millions de dollars en provenance du Fonds stratégique pour l’innovation, devrait créer l’une des usines de volaille les plus évoluées au monde du point de vue technologique, et la nouvelle installation comprendra des procédés et des technologies de pointe en matière de salubrité des aliments, d’environnement et de bien-être animal[88].

L’Initiative des Supergrappes d’innovation est une autre initiative gouvernementale ciblant l’innovation. Lancée en 2018, la Supergrappe des industries des protéines vise à augmenter la valeur des principales cultures canadiennes, telles que le canola, le blé et les légumineuses en encourageant les projets dans les domaines de la génomique végétale, des nouvelles technologies de transformation et les solutions numériques[89]. Le directeur général de Protein Industries Canada – l’organisme qui coordonne l’initiative ­– William Greuel a expliqué que la Supergrappe comporte 240 membres et que l’initiative a déjà permis des investissements qui dépassent les 300 millions de dollars[90]. Selon lui, le programme a encouragé la recherche collaborative entre les acteurs du secteur créant un environnement favorable à l’investissement dans ce secteur attractif pour les investissements directs étrangers[91]. Pour M. Charlebois, la Supergrappe constitue « l’un des meilleurs modèles d’innovation ouverte du Canada » et ce modèle gagnerait à être reproduit pour d’autres produits[92].

Recommandation 10

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage la création de centres d’innovation dirigés par le secteur privé, comme les supergrappes, dans le but d’accroître la productivité dans le secteur agroalimentaire et d’établir des liens entre les nouvelles entreprises, les entreprises bien établies et les centres de recherche universitaires.

Recommandation 11

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada considère le secteur de l’agroalimentaire comme une priorité afin de favoriser les investissements étrangers directs ainsi que les projets de recherche et développement au Canada tout en préservant et en favorisant la propriété canadienne des entreprises de transformation alimentaire.

De nouvelles mesures pour encourager l’investissement privé

Au-delà des programmes gouvernementaux, plusieurs témoins ont indiqué que le secteur privé avait son rôle à jouer pour accompagner les entreprises agroalimentaires dans leurs efforts de modernisation et d’adoption de nouvelles technologies[93].

Pour M. Blenkharn, les entrepreneurs disposés à investir dans le secteur existent, mais ceux-ci sont plus susceptibles d’investir en présence d’incitatifs fiscaux comme des crédits d’impôt à l’investissement[94]. Selon lui, le rôle du gouvernement fédéral devrait être d’encourager l’investissement privé plutôt que de fournir du financement public :

À mon avis, les investissements financiers avec des fonds publics ne sont pas la clé pour augmenter la capacité de transformation au Canada. La clé est de créer un environnement propice aux affaires pour que les investissements privés puissent avoir lieu. Il y a suffisamment d’investisseurs privés dans le monde qui cherchent à investir dans des entreprises rentables à faible ou à moyen risque[95].

Serge Buy, directeur général du Conseil de l’innovation agroalimentaire, a ajouté que le soutien gouvernemental devrait davantage cibler la fiscalité et la promotion de l’investissement afin de favoriser la commercialisation au Canada des innovations dans le secteur agroalimentaire[96]. Selon les experts de MNP, un crédit d’impôt à la recherche et à l’investissement pourrait permettre au secteur manufacturier de réaliser les investissements nécessaires dans la modernisation de leurs installations parfois vieillissantes. Pour assurer son succès, MNP souligne qu’une attention particulière devrait être portée à faire en sorte qu’un tel crédit d’impôt soit le plus simple possible afin d’en permettre une large adoption[97]. De plus, le Comité estime que le gouvernement du Canada devrait s’assurer que la mise en place de nouveaux financements ou de nouvelles bourses soit accompagné de mesures de sauvegarde afin de s’assurer que l’investissement demeure au Canada.

Le gouvernement a aussi un rôle à jouer pour mettre en relation différents acteurs de la chaine de valeur agroalimentaire afin de promouvoir l’innovation. M. Buy a ainsi recommandé au gouvernement de « collaborer avec l'industrie pour attirer des investissements privés dans la recherche et l'innovation agroalimentaires en faisant la promotion des possibilités, en faisant connaître les réussites et en proposant des incitatifs à l'investissement[98] ». M. Lemaire a ajouté que dans son secteur, mettre en relation les producteurs, et tous les autres intervenants jusqu'à la vente au détail est nécessaire « afin de repérer où se situent les opportunités dans le processus d'automatisation[99] ».

Durant les audiences qu’il a menées, le Comité a eu l’occasion de rencontrer des intervenants représentants des secteurs qui ont réussi à mettre en place une collaboration entre différents acteurs afin de promouvoir l’innovation. Par exemple, Novalait est un organisme de recherche en innovation laitière financé conjointement par les producteurs et les transformateurs laitiers en 1995. Élise Gosselin, la directrice générale de l’organisme, a expliqué au Comité que l’organisme établit avec les entreprises des priorités de recherche et finance ensuite des projets de recherche menés par des chercheurs et des universitaires afin de répondre aux besoins concrets de l’industrie laitière[100].

Soutenir davantage l’innovation en élargissant l’accès à internet à large bande et le soutien aux entreprises en démarrage

L’adoption d’une grande partie de ces technologies est contingente à un accès à un internet à large bande. Or, de nombreux témoins ont indiqué que l’accès à internet restait encore difficile dans de nombreuses régions rurales ou se concentrent souvent les installations de transformation alimentaire. Pour M. Lewis, l’accès à internet est une infrastructure cruciale au développement du secteur agroalimentaire :

Les transformateurs et les producteurs qui contribuent à leur chaîne d’approvisionnement doivent absolument avoir accès à un service moderne d’Internet haute vitesse. Il est aussi fondamental d’avoir accès à un approvisionnement convenable en eau et en électricité, et aussi à des ressources humaines[101].

Plusieurs témoins ont mentionné l’utilité des incubateurs d’entreprises afin d’aider les jeunes entrepreneurs à commercialiser leurs idées. Pour M. Charlebois, les entrepreneurs ont besoin de soutiens particuliers et de mentorat lorsqu’ils ont des projets dans le secteur de la transformation alimentaire étant donné que les profits mettent généralement plus de temps à se concrétiser que dans d’autres secteurs comme ceux des technologies propres ou des technologies financières[102]. Jamie Curran, sous‑ministre adjoint à Alberta Agriculture and Forestry a présenté le rôle de différentes organisations qui visent à apporter ce soutien aux entreprises en démarrage en Alberta :

Le Food Processing Development Centre et l’Agrivalue Processing Business Incubator, à Leduc, soutiennent le développement du secteur de l’agroalimentaire à valeur ajoutée et témoignent de l’engagement continu et à long terme du gouvernement albertain envers l’agriculture à valeur ajoutée dans notre province. Le ministère de l’Agriculture et des Forêts de l’Alberta exploite aussi le Bio Processing Innovation Centre, le centre pour l’innovation en biotransformation, qui fournit de l’aide pour le développement de produits et du soutien à l’expansion, par exemple pour la décortication des tiges et le fractionnement des grains. Grâce à une licence de mise en marché pour les produits de santé naturelle de Santé Canada, l’installation peut aussi étendre ses activités aux produits cosmétiques, d’hygiène personnelle et de santé naturelle[103].

Selon le Conseil de l'innovation agroalimentaire, incubateurs et accélérateurs d’entreprise permettent de combler le fossé existant entre recherche et commercialisation. Ce fossé entrave bien souvent la concrétisation des projets de produits et de procédés novateurs et ces organismes contribuent à soutenir les entreprises en démarrage en leur offrant « des conseils, des liens intersectoriels, du mentorat et un accès au capital et au financement[104] ». Pour M. Buy, le gouvernement devrait aussi élargir l’accès du Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada en rendant admissibles les coûts en capital des PME qui cherchent à commercialiser leurs innovations[105].

Le manque de main-d’œuvre

La pénurie de main-d’œuvre est un problème récurrent du secteur agricole et agroalimentaire dans son ensemble. Il est toutefois encore plus prononcé dans le secteur de la transformation alimentaire. Selon M. Seppey, il y a 28 000 postes vacants dans ce secteur[106]. En Ontario, il est estimé que 85 % des fabricants de produits alimentaires sont confrontés à un manque de main-d’œuvre selon John Kelly, sous‑ministre, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario[107]. Le directeur général du fabricant de légumes congelés Bonduelle Amériques, Daniel Vielfaure a expliqué que son entreprise renonçait à des projets au Canada faute de main-d’œuvre adéquate[108]. Ces constats étaient déjà établis bien avant la pandémie, mais celle-ci en a exacerbé les effets en raison des travailleurs qui sont tombés malades et des délais dans l’arrivée des travailleurs temporaires. Par exemple, selon le représentant de l’entreprise, 105 employés de bureau d’une usine du fabricant Bonduelle ont dû aller travailler dans l’usine pendant l’été pour pourvoir les postes des travailleurs réguliers qui manquaient[109].

Le programme des travailleurs étrangers temporaires, le volet des travailleurs agricoles saisonniers et l'immigration comme solutions partielles aux pénuries de main-d'œuvre

Le programme des travailleurs temporaires permet de combler une partie des besoins de main-d’œuvre, toutefois l’immigration temporaire ne répond pas entièrement au problème dans le secteur de la transformation alimentaire. D’abord, le recrutement de travailleurs temporaires dans le secteur de la transformation alimentaire est plus difficile que dans le secteur de l’agriculture primaire. Cette difficulté s’illustre dans les chiffres : alors que l’Ontario accueille habituellement 20 000 travailleurs temporaires par an, seuls 600 d’entre eux travaillent directement dans le secteur de la transformation des aliments et des boissons[110].

Les témoins ont rapporté que l’embauche de travailleurs temporaires dans le secteur de la transformation alimentaire est difficile. Le programme des travailleurs temporaires étrangers prévoit une limite à la proportion de main-d’œuvre temporaire pouvant être embauchée dans le cadre du programme pour les postes à bas salaire. Cette limite est aujourd’hui fixée à 10 % du nombre d’employés[111]. Selon M. Fraeys, la pénurie dans le secteur agroalimentaire est telle que cette limite est trop restrictive et devrait être rehaussée à 20 %, soit le niveau autorisé jusqu’en 2014[112]. C’est également le niveau qui a été retenu par les représentants d’Olymel lors de leur intervention. Ceux-ci soulignent toutefois que ce chiffre pourrait se révéler rapidement insuffisant étant donné les prévisions d’une aggravation de la pénurie de main-d’œuvre dans les années à venir[113].

Mme Sullivan s’est interrogée sur la pertinence de conserver ce plafond étant donné que le programme comporte selon elle des mesures suffisantes afin de s’assurer que la main-d’œuvre locale est protégée. Les employeurs doivent d’ores et déjà démontrer qu’ils se sont d’abord tournés vers le marché local lors de chaque demande et doivent garantir que les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas payés moins que les travailleurs canadiens[114]. Pour M. Vielfaure le programme est effectivement un dernier recours face à une pénurie de main-d’œuvre durable :

[Il] faut mettre fin au mythe voulant que les entreprises canadiennes embauchent des travailleurs étrangers pour économiser de l’argent. Ce n’est pas le cas: un travailleur étranger nous coûte beaucoup plus cher qu’un travailleur local quand on tient compte de tous les coûts[115].

Recommandation 12

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada renforce et facilite l’accès au programme des travailleurs temporaires étrangers et augmente le seuil actuel de 10 % de travailleurs temporaires étrangers pouvant être engagés via le volet des postes à bas salaire dans les entreprises de transformation alimentaire, en tenant compte des différences régionales et sectorielles et qu’il fasse ce changement sans limiter l’accès au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS). Le gouvernement devrait également permettre aux entreprises de transformation alimentaire d’être éligibles au PTAS pour leurs besoins en main-d'œuvre temporaire.

Un assouplissement des règles du programme pourrait aussi contribuer à diminuer ses coûts auprès des entreprises selon certains intervenants. Ainsi pour le président d’Apple Valley Foods, Jeff Sarsfield, dont l’entreprise récolte et transforme des pommes, les modalités du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers gagneraient à être assouplies afin de permettre le transfert des travailleurs entre les producteurs et entre les activités de production vers celles de transformation. Une telle mesure permettrait de réduire les coûts de logement et de transport assumé par les employeurs[116].

Malgré ces défauts, les témoins s’accordent pour dire que ce programme est indispensable pour de nombreuses entreprises de transformation qui l’utilisent chaque année[117]. Retenir les travailleurs étrangers à travers des programmes d’immigration permanente pourrait contribuer à réduire le problème du manque de main-d’œuvre à plus long terme. Toutefois, Mme Sullivan souligne que la plupart des programmes d’immigration permanente reposent sur des critères de sélection qui défavorisent les « cols bleus », alors que ce sont souvent les plus susceptibles de répondre aux besoins actuels de l’industrie[118]. Pour remédier à ce problème, Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada a mis en place le Programme pilote sur l’agroalimentaire qui prévoit d’ouvrir une voie d’accès à la résidence permanente aux travailleurs étrangers temporaires du secteur de la transformation alimentaire se trouvant déjà au Canada. Le programme pilote d’une durée de 3 ans prévoit d’octroyer la résidence permanente à 2 750 pour chaque année du programme[119]. M. Lipsett a indiqué que ce programme constitue un premier pas dans la bonne direction, mais que ces efforts doivent être poursuivis[120].

Recommandation 13

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada évalue le programme pilote sur l’agroalimentaire et envisage d’en élargir l’accès afin de combler la pénurie de main‑d’œuvre dans le secteur agroalimentaire.

Renforcer l’attractivité du secteur agroalimentaire

Les témoins ont généralement exprimé que le recours aux travailleurs temporaires étrangers ne peut pas être la seule stratégie pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre dans la transformation alimentaire. Dans ce but, ils ont proposé différents moyens de promouvoir le secteur auprès de la main-d’œuvre canadienne. Derek Johnstone, adjoint spécial au président national de Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce Canada recommande ainsi au gouvernement de mettre à contribution les acteurs de l’industrie et les représentants des travailleurs du secteur dans l'élaboration de stratégies de promotion de recrutement et de perfectionnement dans les métiers de l'industrie de l'alimentation[121]. Les témoins, comme Michael Graydon, le directeur général, Food, Health and Consumer Products of Canada, ont souligné que les professions du secteur ne manquent pas d’attraits, mais que leur manque de popularité chez les Canadiens s’explique par leur méconnaissance du secteur :

Les emplois de notre secteur sont bien payés et devraient être en demande. Le salaire horaire offert par les fabricants de produits alimentaires a augmenté de 16 % par rapport à l’année précédente et le salaire moyen atteint 24 $ l’heure, ce qui représente 60 % de plus que le salaire minimum provincial le plus élevé. Les fabricants de produits alimentaires se sont également mobilisés pour investir massivement dans la sécurité des travailleurs tout au long de la crise de la COVID-19, offrir des incitatifs aux travailleurs et accroître les initiatives pour l’engagement et l’appréciation des employés[122].

C’est donc un manque d’information et des idées reçues sur le secteur qui expliqueraient le manque d’engouement selon plusieurs témoins. Pour M. Fraeys, beaucoup de Canadiens ne sont pas conscients des opportunités d’emplois qui existent dans le secteur et il serait important « de faire savoir à la population qu’il existe de très bons emplois dans le secteur de la transformation et dans le secteur alimentaire en général[123] ». Il ajoute qu’une telle démarche serait particulièrement bienvenue dans cette période de crise où de nombreuses personnes ont perdu leur emploi et sont à la recherche d’une nouvelle carrière[124].

Cette promotion du secteur devrait être particulièrement ciblée vers la nouvelle génération de travailleurs qui souvent n’envisage pas des carrières dans le secteur agroalimentaire. Selon MNP, le développement de l’automatisation et des nouvelles technologies va créer de nouveaux métiers, hautement spécialisés, qui seront plus attractifs pour les jeunes diplômés et il est donc important que ces derniers soient informés dès maintenant des possibilités de carrière dans le secteur[125]. Pour Mme Sullivan, cet effort de communication auprès des étudiants pourrait passer par les médias sociaux comme l’a fait le gouvernement de l’Ontario avec sa campagne « Votre avenir a du goût », et par une coopération renforcée avec les collèges communautaires et les universités afin de renforcer l’offre de programmes d’apprentissage, de stages et de programmes coopératifs[126].

Recommandation 14

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada appuie les approches novatrices en matière de développement des compétences et encourage la mise en place de programmes de formation et de reconversion professionnelle afin de pouvoir répondre aux besoins actuels et futurs de main-d’œuvre des entreprises agroalimentaires, et qu’il aide à promouvoir et à faire connaître les débouchés dans ce secteur, en mettant l’accent sur les prochaines générations de travailleurs, ceci dans le respect des ententes signées avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et de leurs compétences.

Mme Sullivan a également mentionné que des réflexions devraient être menées afin de favoriser l’emploi des groupes qui ont de la difficulté à accéder au marché du travail. Les réfugiés ou les membres des Premières Nations représentent selon elles des groupes sous-employés qui constituent un bassin d’emploi potentiel pour les usines de transformation alimentaire. Ces derniers font toutefois face à des obstacles à l’embauche notamment à cause de la langue ou de l’éloignement géographique. Elle a rappelé que les entreprises peuvent difficilement surmonter ces obstacles eux-mêmes et que le soutien gouvernemental était nécessaire dans ce domaine[127].

Réduire la dépendance à la main-d’œuvre par l’automatisation

L’automatisation et la modernisation des installations de transformation alimentaire pourraient aussi contribuer à réduire la dépendance à une main-d’œuvre de plus en plus rare, toutefois cette transition vers les nouvelles technologies générerait également de nouveaux besoins en main-d’œuvre hautement qualifiée. Glenn Fraser, le dirigeant national, Pratiques de transformation des aliments et des boissons de MNP a résumé ces différents enjeux :

L'automation permet aux entreprises d'améliorer leur efficience et de réduire leurs coûts, et elle peut également fournir une partie de la solution aux pénuries de main‑d’œuvre, souvent exacerbées en période de perturbation. L'automation créera par ailleurs une demande de travailleurs spécialisés et des emplois mieux rémunérés plus attrayants pour les jeunes, qui seront fiers de contribuer à leurs communautés[128].

Selon M. Aitken, le déploiement de l’automatisation dans les entreprises du secteur dépend principalement de l’accès au capital permettant de faire ces investissements[129]. Mme Sullivan souligne que la modernisation d’une usine peut représenter des investissements de dizaines de millions de dollars pour une seule entreprise. Ces coûts peuvent être difficiles à assumer pour les petites et moyennes entreprises du secteur qui n’ont pas toujours accès au soutien gouvernemental par la nature de leurs activités[130]. Ainsi, dans un mémoire soumis au Comité, MNP recommande la mise en place de programmes de financement pour la transformation alimentaire « qui soient indépendants et distincts des autres sous-secteurs de la fabrication[131] ».

L’automatisation et l’adoption de nouvelles technologies peuvent contribuer à réduire le problème du manque de main-d’œuvre. Toutefois, ces innovations alimentent également le besoin d’une main-d’œuvre plus qualifiée. Pour M. Scanlon, « [s]i les employés ne comprennent pas les progrès technologiques fulgurants que nous faisons, ils ne pourront pas être des agents d’innovation » dans les années à venir[132].

Ce besoin croissant de main-d’œuvre qualifiée se fait déjà fortement sentir en Ontario ou il existe « quatre emplois [disponible] pour chaque diplômé d’un programme agricole et alimentaire » selon M. Rene Van Acker, doyen de l’Ontario Agricultural College à l’Université de Guelph[133]. Selon lui des efforts supplémentaires doivent être faits afin de sensibiliser les étudiants potentiels aux perspectives du secteur et notamment à l’aspect technologique de ces métiers que beaucoup de jeunes ignorent[134].

Recommandation 15

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada appuie l’innovation en mettant en place des programmes et des outils financiers qui donnent accès à la recherche et au développement axés sur l’automatisation dans ce secteur et qu'il priorise l'élargissement de l'accès à Internet dans les zones rurales où se trouvent souvent les producteurs et les transformateurs de produits alimentaires.

Conditions du marché

Un code de conduite pour le secteur canadien de l’épicerie

Plusieurs organismes représentant les producteurs agricoles et les transformateurs d’aliments au Canada, dont Aliments et boissons Canada et Food Health and Consumer Products of Canada, ont présenté au Comité des mémoires dans lesquels ils expriment leurs préoccupations au sujet de la concentration sans cesse croissante du secteur de l’épicerie au Canada. D’après des reportages des médias à l’été 2020[135], en raison du manque de concurrence dans ce secteur, les détaillants sont en mesure de demander des rabais aux fournisseurs, réduisant ainsi la mince marge de profit des fournisseurs et producteurs. Selon le département de l’Agriculture des États-Unis, cinq entreprises contrôlent 80 % du marché canadien des épiceries : Loblaws (29 %), Sobeys/Safeway (21 %), Costco (11 %), Metro (10,8 %) et Walmart (7,5 %)[136].

De nombreux groupes représentant le commerce et l’industrie ont souligné, tant dans leurs témoignages que dans leurs mémoires au Comité, les effets de ce qu’ils considèrent comme des pratiques commerciales déloyales exercées par les grandes entreprises qui composent le secteur canadien de l’épicerie au détail. Compte tenu de la forte concentration du marché dans ce secteur, les fournisseurs d’aliments n’ont guère d’autre choix que de se plier aux exigences des détaillants, qui imposent ce qu’Aliments et boissons Canada appelle des « frais d’exploitation arbitraires[137] », et d’honorer des commandes souvent irréalistes afin de ne pas avoir à payer de pénalités pour des livraisons tardives ou incomplètes. Mme Allen a également expliqué au Comité que par suite de la chute précipitée des ventes auprès des établissements de restauration causée par la pandémie, les fournisseurs sont contraints de vendre leurs produits aux détaillants[138]. Ces changements du marché ont permis aux grands détaillants d’obtenir de nouvelles concessions auprès de fournisseurs d’aliments qui craignent de voir leurs produits radiés, éliminant dans bien des cas leur seul moyen d’atteindre le marché.

Les témoins ont également décrit l’effet mimétique de ces pratiques dans le secteur : lorsqu’un détaillant demande aux fournisseurs de lui accorder un rabais sur leur produit, les autres détaillants en exigent autant, ce qui a une incidence importante sur la marge bénéficiaire des fournisseurs, qui est souvent déjà mince. M. Graydon a même expliqué que les pénalités sont souvent supérieures à la marge de profit du fournisseur sur la commande[139].

Des témoins ont mis en garde le Comité au sujet des effets à long terme de ces pratiques commerciales, expliquant que celles-ci découragent l’innovation et rendent la vie difficile aux entreprises qui souhaitent investir dans de nouveaux biens d’équipement. M. Charlebois a expliqué que la concentration du marché canadien empêche les entreprises étrangères d’investir dans des installations canadiennes :

Des milliers de Canadiens travaillent pour Kellogg, PepsiCo, Unilever et Procter & Gamble, mais ces entreprises recentrent maintenant leurs activités. Elles quittent maintenant le pays parce qu’elles ne peuvent capitaliser aucun projet en raison de l’augmentation des droits. L’environnement concurrentiel du Canada n’est pas très attrayant[140].

Mathieu Frigon, président-directeur général de l’Association des transformateurs laitiers du Canada, a également fait remarquer que les entreprises qui vendent leurs produits dans les supermarchés canadiens doivent composer avec des coûts opérationnels beaucoup plus élevés que dans d’autres pays :

On estime que les frais, les déductions et les coûts administratifs nécessaires pour simplement mettre les produits en vente au détail ont augmenté deux fois plus vite que les ventes au cours des cinq dernières années. C’est ce qu’on appelle les dépenses de commercialisation, et elles sont nettement plus élevées au Canada que dans d’autres pays. Par exemple, aux États-Unis, les dépenses de commercialisation représentent 18 % des coûts des fournisseurs, alors qu’ici, au Canada, elles représentent environ 28 %. Cette situation constitue un frein majeur à l’expansion et à la croissance, en particulier pour les petites et moyennes entreprises de transformation alimentaire[141].

M. Graydon a également signalé que la situation actuelle a une incidence négative sur les épiciers indépendants, qui sont souvent la seule option de vente au détail dans les régions rurales ou éloignées :

Les épiciers indépendants sont les plus gravement touchés. La sécurité alimentaire du consommateur dans certaines régions du pays, où l’épicier indépendant est vraiment la seule option de vente au détail de produits alimentaires, ne peut qu’écoper. S’ils sont négativement affectés et n’ont pas la capacité d’obtenir des quantités suffisantes de produits, alors les consommateurs de ces marchés se retrouvent dans un désert alimentaire. Ces amendes ont des répercussions. Si un fabricant transige avec Walmart ou Loblaws et qu’il n’est pas en mesure de traiter la commande, l’amende est parfois supérieure à sa marge bénéficiaire sur cette commande. Donc, il doit prendre des décisions dans sa répartition des produits[142].

Durant son témoignage, Gary Sands, premier vice-président de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, a décrit les difficultés auxquelles se butent les épiciers indépendants dans le marché consolidé actuel. Il a expliqué que les épiceries indépendantes font souvent face à des pénuries de produits parce que les fournisseurs atteignent leurs objectifs avec les grandes chaînes; ils se retrouvent donc souvent à acheter des produits de fournisseurs à des prix plus élevés que ces chaînes[143]. Il a relaté le cas d’un fournisseur qui a déclaré aux épiciers indépendants qu’il ne fournirait pas un certain produit, malgré une entente contractuelle à ce sujet, parce que « Walmart et Loblaws avaient tout réclamé[144] ».

M. Sands a toutefois indiqué que les difficultés ne sont pas seulement attribuables à l’importante part du marché que détiennent les grandes chaînes, expliquant que certains fournisseurs et distributeurs ont adopté des pratiques peu équitables dans leurs relations avec les épiceries indépendantes[145]. Il a insisté sur l’importance d’adopter un code de conduite applicable à l’ensemble des intervenants de la chaîne d’approvisionnement du secteur de l’épicier, y compris les agriculteurs, les transformateurs et les fournisseurs, au lieu d’un code s’appliquant uniquement au secteur de la vente de détail[146].

Pour corriger la situation, plusieurs autres témoins ont également encouragé le gouvernement à exiger l’adoption d’un code de conduite des détaillants et des fournisseurs qui serait contraignant. Expliquant que l’Australie et le Royaume-Uni ont adopté de tels codes, les témoins ont demandé au gouvernement canadien de mettre en place un mécanisme semblable pour veiller à ce que les épiciers et fournisseurs mènent leurs négociations de bonne foi, en mettant l’accent sur les consommateurs. M. Charlebois était d’avis qu’il valait la peine d’envisager une telle solution, soulignant toutefois qu’un code mal conçu pourrait avoir des conséquences négatives sur le secteur agroalimentaire du Canada :

Je ne suis pas tout à fait convaincu que cela [un code de conduite] puisse fonctionner au Canada. J’ai toujours dit aux entreprises ou aux transformateurs de produits de grande consommation de faire attention à ce qu’ils souhaitent. Si ce code n’est pas bien conçu, s’il est mal conçu, il pourrait en fait encourager ce groupe oligopolistique à acheter des aliments ailleurs, à l’extérieur du Canada. Nous devons être extrêmement prudents, et j’ai donc été très heureux d’apprendre qu’un comité fédéral se penchait sur cette question[147].

Reconnaissant qu’un tel code relèverait de la compétence des provinces, les témoins ont tout de même encouragé le gouvernement fédéral à établir un cadre que les gouvernements provinciaux et territoriaux pourront adopter et à travailler en collaboration avec ces derniers pour en assurer la mise en œuvre et l’application uniformes.

Pendant que le Comité menait la présente étude, la ministre fédérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, l’honorable Marie-Claude Bibeau, a annoncé à la réunion annuelle des ministres fédérale-provinciaux-territoriaux de l’Agriculture qu’elle présiderait un groupe de travail chargé d’étudier les questions de la concentration du secteur de l’épicerie et des relations entre les fournisseurs et détaillants[148]. En novembre 2020, lors de sa comparution devant le Comité dans le cadre de l’étude du Budget supplémentaire des dépenses, la ministre Bibeau a expliqué que le gouvernement aborderait entre autres la question de l’adoption d’un code de conduite et qu’il consulterait notamment le Bureau de la concurrence, un organisme indépendant qui enquête sur les manquements à la Loi sur la concurrence[149].

En mars 2021, alors que le Comité étudiait cette question, Produits alimentaires, de santé et de consommation du Canada a annoncé s’être associé à un important détaillant alimentaire canadien pour créer un projet de code de conduite à soumettre au groupe de travail fédéral, provincial et territorial. Entre autres dispositions, le code proposé prévoit la création d'un arbitre indépendant chargé de surveiller sa conformité et de résoudre les différends entre détaillants et fournisseurs qui ne peuvent être résolus par la négociation[150].

Recommandation 16

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada aide les provinces à mettre en œuvre un code de conduite pour les épiceries et qu’il participe à l’élaboration de ce code en collaboration avec les provinces et dans le respect de leurs compétences et des lignes directrices du bureau de la concurrence.

Accès aux capitaux

Les représentants de plusieurs petites et moyennes entreprises de transformation ont expliqué au Comité qu’ils leur étaient souvent impossible d’accéder à des sources de financement traditionnelles, comme des prêts bancaires, pour élargir leurs activités ou investir dans des immobilisations dans leurs installations. M. Aitken était d’avis que les institutions financières canadiennes sont « extrêmement réticentes à prendre des risques », surtout par comparaison aux institutions américaines[151].

Mme Lamb a expliqué que les prêteurs sont rarement disposés à investir dans le secteur de la production porcine en raison des fluctuations souvent volatiles des prix; en l’absence d'un flux de trésorerie régulier ou de prix garanti du marché, les transformateurs, comme Mme Lamb ne peuvent pas obtenir de prêt auprès des banques ou d’autres prêteurs, comme Financement agricole Canada ou des sociétés de crédit agricole[152]. Tel que mentionné précédemment, M. Charlebois a fait remarquer que bien que les entreprises de transformation des aliments et des boissons puissent offrir aux investisseurs des rendements stables et réguliers sur leurs investissements, ces rendements ont tendance à être plus modestes et moins immédiats que ceux des autres secteurs, ce qui en fait un investissement moins intéressant pour le capital‑risque[153].

Les témoins ont expliqué que les problèmes de liquidité ne faisaient qu’aggraver le manque d’options de financement. M. Buy a expliqué que les distributeurs et autres clients prennent entre 90 jours et six mois pour payer les producteurs et les transformateurs pour leurs produits[154]. M. Aitken a convenu que le manque de capital pour les transformateurs « est un problème de taille » : ils doivent payer les producteurs sur-le-champ pour obtenir des intrants, mais doivent attendre jusqu’à 30 jours pour se faire payer par leurs clients[155].

Recommandation 17

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les banques et les investisseurs institutionnels du Canada à mettre en place des fonds afin d’accorder des capitaux aux petites et moyennes entreprises en forte croissance du secteur agroalimentaire, notamment aux nouveaux entrants dans le secteur.

Commerce international

Le système agricole et agroalimentaire canadien repose sur les exportations. Le Canada se classe ainsi au 11e rang des plus grands exportateurs de produits alimentaires et de boissons transformés avec des ventes totalisant 38,1 milliards de dollars en 2019[156]. Les principales destinations des exportations canadiennes sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1 – Valeur et part des 10 premières destinations des exportations canadiennes de produits de la fabrication d’aliments et de boissons en 2019

Destination

Valeur (milliers de dollars canadiens)

Part

États-Unis

27 925 852

71.8 %

Chine

3 152 218

8.1 %

Japon

2 399 476

6.2 %

Mexique

815 481

2.1 %

Corée du Sud

657 208

1.7 %

Autres

3 943 945

10.1 %

Source : Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Données sur le commerce en direct, consulté le 19 janvier 2020.

Trouver de nouveaux marchés afin de maintenir la croissance des exportations a été souligné à plusieurs reprises par les témoins comme un objectif important. M. Prouse a rappelé au Comité que le Canada ne consomme que 30 % de ce qu’il produit[157], alors que les données d’AAC rapportaient que le déficit commercial du Canada était évalué à 1,9 milliard de dollars en 2016 pour les produits alimentaires transformés[158]. La part des produits agricoles et agroalimentaires exportés est particulièrement importante dans certaines provinces comme en Alberta où la quasi-totalité de la production de blé et de légumineuses est destinée à l’exportation selon M. Curran[159]. Celui-ci souligne l’importance de conclure des accords commerciaux robustes afin d’ouvrir de nouveaux débouchés[160].

Maintenir l’accès aux marchés d’exportation

Si les exportations canadiennes ont globalement crû ces dernières années, les entreprises canadiennes font également face à un nombre grandissant d’obstacles au commerce. M. Everson a par exemple expliqué que si la croissance observée dans les dernières années est liée à l’ouverture de nouveaux débouchés sur les marchés asiatiques ces pays dressent de plus en plus de barrières commerciales et contribuent à rendre le commerce dans cette région imprévisible[161].

Les enjeux autour des barrières commerciales s’articulent souvent autour de questions techniques complexes. M. Everson a donné l’exemple des limites maximales de résidu permises pour les semences qui varient d’un pays à l’autre. L’harmonisation de ces limites constitue selon lui une priorité et nécessite le soutien du gouvernement à travers l’appui de « véritables experts scientifiques et techniques[162] ». M. Prouse a déclaré redouter une montée du protectionnisme qui viendrait accroître ces obstacles. Il recommande que le Canada travaille avec les pays aux vues similaires afin de promouvoir une réglementation axée sur la science et de lutter contre les barrières commerciales non tarifaires, peu importe où et quand elles se présentent[163].

M. Seppey a expliqué qu’AAC dispose d’un Secrétariat de l’accès aux marchés chargé de suivre ces questions en collaboration avec d’autres ministères. Il a présenté au Comité la manière dont le gouvernement travaille sur ces enjeux, notamment en se coordonnant avec l’industrie pour exercer les droits du Canada à travers le mécanisme de règlement des différends de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) :

Bien sûr, une grande partie des efforts déployés actuellement par nos collègues du Secrétariat de l’accès aux marchés — qui fait partie d’une unité hébergée conjointement par l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Agriculture et Agroalimentaire Canada — consiste à coordonner le travail avec Affaires mondiales Canada dans le pays et dans les postes à l’étranger. Ils s’efforcent d’aller au fond des problèmes allégués au sujet des exigences ou des caractéristiques phytosanitaires de nos produits et de faire en sorte que ces aspects soient traités de façon technique.
Si nous devons aller devant les tribunaux et exercer nos droits — par exemple, à l'Organisation mondiale du commerce —, nous le faisons en travaillant en permanence avec l'industrie[164].

Les accords de libre-échange peuvent permettre de résoudre certains enjeux d’accès au marché, toutefois ces derniers peuvent également avoir des conséquences néfastes sur les secteurs réglementés par le système de la gestion de l'offre. Pour Michael Barrett, président, de l’Association des transformateurs laitiers du Canada l’accès au marché des produits laitiers accordé dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG), de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ont créé un « climat d’incertitude qui a eu un effet dissuasif sur l’investissement et l’innovation[165] ». La représentante de Novalait, a ajouté que de nouvelles concessions créeraient un « environnement qui nuira aux affaires tout court, et pas seulement à l'innovation » et devraient donc être évitées à tout prix[166].

Assurer une réciprocité dans les échanges

Certains témoins ont mentionné que les producteurs et transformateurs canadiens ne jouent pas toujours à armes égales face à leurs concurrents étrangers. M. Gascon a par exemple indiqué que le Canada importe du bœuf produit selon des standards inférieurs à ceux demandés aux producteurs canadiens :

Le libre marché expose les producteurs et les transformateurs de bœuf à des prix d’une grande volatilité, et peu d’entreprises y survivent. Plusieurs pays disposent d’une main-d’œuvre abondante et qui ne coûte pas cher, notamment les États-Unis, le Mexique et le Brésil. La réglementation manque de réciprocité. On importe du bœuf d’éleveurs qui sont assujettis à des normes de production inférieures à celles du Québec, tant en matière de santé et de bien-être animal que d’environnement[167].

Ce constat est partagé par d’autres intervenants du secteur de la transformation alimentaire. Les producteurs de miel ont par exemple rapporté que du miel bon marché provenant de l'étranger est importé au Canada, combiné avec du miel produit au Canada et commercialisé comme « Canada n° 1 ». Des produits qui sont composés de sirop de maïs combiné avec du pollen d'abeille du Canada sont également importés, mais vendus comme du miel, ce qui entraîne une baisse artificielle des prix du miel[168]. De même, selon les intervenants du secteur de la transformation du canard et des oies, le Canada importe beaucoup de produits qui ne respectent pas des normes d’abattage ou d’étiquetage similaires à celles que les transformateurs canadiens doivent respecter au pays[169]. Selon Philip O'Shaughnessy, directeur général de l’entreprise Canards du Lac Brome ltée, les règles d’équivalences prévues dans les accords commerciaux avec les États-Unis et l’Union européenne sont peu appliquées aux produits importés au Canada en provenance de ces régions :

Les coûts élevés reliés aux standards de l'Agence comparativement à ceux de l'Union européenne contribuent significativement au fait que nos coûts de production sont parfois supérieurs au prix de vente de certains de ces pays. Donc, depuis les ententes de libre-échange, certains des produits canadiens sont nettement désavantagés par rapport aux produits étrangers. Plusieurs clients ne sont pas prêts à payer les coûts reliés à nos standards. Ces standards ne sont plus nécessairement à notre avantage. L'arrêt de nos ventes au Japon au profit d'autres marchés est d'ailleurs un parfait exemple.
Le rôle du gouvernement fédéral est crucial dans ce dossier. C'est en revoyant les standards d'équivalence qui permettra aux produits canadiens d'être compétitifs par rapport aux produits importés sur notre propre marché[170].

En outre, M. O’Shaugnessy a indiqué que les producteurs de canard ont fait beaucoup d’effort de promotion de leurs produits en Amérique du Nord où la population consomme habituellement peu de canard. Selon lui, aujourd’hui « les produits importés au rabais de certains pays d'Europe ont bénéficié grandement de nos offensives publicitaires, sans avoir à n’investir aucune somme en développement de marché ». Pour faire face à cette concurrence, il estime important que le gouvernement du Canada soutienne les efforts de promotion et l’aide financière destinée au développement de nouveaux marchés[171].

Parfois, ce sont des dispositions particulières des accords commerciaux qui affectent la compétitivité du Canada sur les marchés internationaux. Tel que mentionné précédemment, les représentants du secteur du bœuf ont rapporté que ce sont des dispositions dans l’Accord de libre-échange Canada – Corée portant sur l’Encéphalite spongiforme bovine qui sont à l’origine de l’irritant commercial qui oblige l’isolement du bétail canadien dans les usines de transformation américaine[172]. Selon M. Horne, il est nécessaire que le gouvernement travaille avec la Corée du Sud pour résoudre cet enjeu afin de permettre un traitement égal du bœuf canadien et américain[173].

Les mesures de soutien aux secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire mises en place dans certains pays, notamment aux États-Unis, peuvent aussi pénaliser les entreprises canadiennes qui ne bénéficient pas toujours d’un appui équivalent. Selon plusieurs intervenants, ce pays subventionne fortement l’industrie des biocarburants[174]. L’acquisition d’équipement y est également fortement subventionnée ce qui augmente artificiellement le prix des machines pour les producteurs canadiens[175]. Selon M. Lewis, ces différences entre les deux pays se sont exacerbées avec le soutien important apporté par les États-Unis à leurs agriculteurs dans le contexte de tensions commerciales entre ce pays et la Chine. Le Canada qui fait également face à des relations commerciales difficiles avec la Chine devrait selon lui appuyer davantage ses agriculteurs afin d’éviter que ceux-ci ne soient pénalisés par la concurrence de leurs voisins[176].

Les normes environnementales diffèrent également d’un pays à l’autre. Selon M. Mussell, le Canada pourrait envisager de mettre en place des taxes frontalières qui prennent en compte l’empreinte carbone des produits importés. Une telle mesure permettrait de mettre sur un pied d’égalité les producteurs et transformateurs canadiens qui doivent respecter un certain nombre de réglementations environnementales avec ceux des pays étrangers qui ne sont pas toujours soumis à de telles exigences[177].

Recommandation 18

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les normes d'équivalence et demande à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et à l’Agence des services frontaliers du Canada d'accroître la surveillance des importations agricoles afin d'assurer le respect des normes d'équivalence négociées dans nos accords commerciaux. En outre, que le gouvernement fédéral examine l’incidence de l'application des normes d'équivalence et la réciprocité concernant les importations agricoles en ce qui concerne les différences de niveaux de subvention et l’empreinte carbone.

Conclusion

Tout au long de la présente étude, des intervenants de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du pays ont informé le Comité que le gouvernement et l’industrie devront redoubler d’efforts pour parvenir à atteindre les objectifs énoncés dans le rapport Barton et établis par la table sectorielle de stratégies économiques pour le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. En réalisant des investissements ciblés dans les infrastructures et la main-d’œuvre qualifiée, en apportant des changements prudents à la réglementation et en examinant les pratiques commerciales dans le secteur de l’épicerie, le Canada pourrait aspirer à devenir un acteur innovateur et compétitif sur la scène mondiale et résilient au pays. Certains programmes du Partenariat canadien pour l’agriculture négocié avec les provinces et les territoires visent déjà à renforcer les secteurs agricoles à valeur ajoutée.

La présente étude révèle que, s’ils sont menés dans une optique de sécurité alimentaire, les efforts visant à accroître la capacité de transformation des aliments au Canada pourraient contribuer à assurer un approvisionnement stable en aliments pour les Canadiens, qui résistera à d’éventuels chocs de l’offre et de la demande. Les consommateurs et producteurs pourraient ainsi éviter de voir se répéter les pénuries d’aliments et les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement qui sont survenus au cours des premières semaines de la pandémie de COVID-19. Bien que le gouvernement fédéral ait un rôle important à jouer, il est clair qu’il ne pourra mettre en place le large éventail des mesures nécessaires seul. Le Comité espère que le consensus qui s’est dégagé de cette étude, ralliant des producteurs, des transformateurs et des groupes commerciaux de toute sorte, amènera le gouvernement fédéral, les provinces et territoires ainsi que les producteurs du secteur privé et l’industrie à prendre des mesures concrètes tout au long de la chaîne d’approvisionnement.


[2]              Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), Aperçu de l’industrie de la transformation des aliments et des boissons, 2020 [AAC 2020].

[3]              Chambre des communes, comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire (AGRI), Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1535 (Frédéric Seppey, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire).

[4]              AAC 2020.

[5]              AAC, Vue d’ensemble du Système agricole et agroalimentaire canadien 2017, p. 88 [AAC 2017].

[6]              AAC 2020.

[7]              AAC 2017, p. 92.

[9]              AAC 2020.

[10]            AAC 2017, p. 57.

[11]            Conseil consultatif en matière de croissance économique, Libérer le potentiel de croissance des secteurs clés, 2017, p. 9.

[12]            Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), Rapport des tables de stratégies économiques du Canada : secteur agroalimentaire, 2018, p. 3 [ISDE 2018].

[13]            Union nationale des fermiers, La concentration des emballages de viande rend le système alimentaire canadien vulnérable, 22 avril 2020.

[14]            Conseil de l’innovation agroalimentaire, Strengthening the Agri-Food Sector Post-COVID-19, septembre 2020, p. 4 [disponible en anglais seulement].

[15]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1720 (M. Martin Scanlon, doyen, faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université du Manitoba, Conseil des doyens – Agriculture, Alimentation et Médecine vétérinaire).

[16]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1535 (M. Sylvain Charlebois, professeur, Université Dalhousie, directeur, Agri-Food Analytics Lab).

[17]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1530 (Todd Lewis, président, Agricultural Producers Association of Saskatchewan).

[18]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1550 (Frédéric Seppey).

[19]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1700 (Élise Gosselin, directrice générale, Novalait).

[21]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1645 (Sylvie Cloutier, directrice générale, Conseil de la transformation alimentaire du Québec).

AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1545 (Ron Lemaire, président, Association canadienne de la distribution de fruits et légumes).

[22]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1650 (Kathleen Sullivan, directrice générale, Aliments et boissons Canada).

[23]            Conseil consultatif en matière de croissance économique, 2017, p. 12.

[24]            Ibid.

[25]            ISDE 2018, p. 8.

[26]            Ibid.

[28]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1555 (Todd Lewis).

[29]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1655 (Jim Everson, président, Conseil canadien du canola).

[30]            Ibid., 1730 (Dimitri Fraeys, vice‑président, Conseil de la transformation alimentaire du Québec).

[31]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1625 (M. Al Mussell, chercheur principal, Agri-Food Economic Systems, à titre personnel).

[33]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1635 (Rob Lipsett, président, Beef Farmers of Ontario).

[34]            Ibid., 1650 (Richard Horne, directeur exécutif, Beef Farmers of Ontario).

[35]            Ibid., 1640.

[36]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1555 (Bob Lowe, président, Canadian Cattleman’s Association).

[37]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1630 (Margaret Lamb, présidente, Pork Nova Scotia).

[38]            Ibid., 1540 (Jason Aitken, président, Northern Natural Processing LP).

[39]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1640 (Kirk Price, directeur du secteur de l’agriculture, gouvernement du Yukon).

[40]            Ibid., 1625 (Judy Stafford, directrice générale, Cowichan Green Community).

[41]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1640 (Fernande Ouellet, coordonnatrice, Le petit abattoir).

[42]            Ibid., 1640.

[43]            Ibid., 1625.

[44]            Ibid., 1630.

[45]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1610 (Judy Stafford).

[46]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1715 (Gisèle Yasmeen, directrice générale, Réseau pour une alimentation durable).

[47]            Ibid., 1650.

[48]            Conseil consultatif en matière de croissance économique, 2017, p. 12.

[49]            ISDE 2018, p. 21.

[50]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1545 (Nadia B. Theodore, vice‑présidente principale, Relations avec le gouvernement et l’industrie à l’échelle mondiale, Aliments Maple Leaf).

[51]            Ibid., 1710.

[52]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1535 (Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada).

[53]            Ibid., 1540.

[54]            Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Examens réglementaires ciblés.

[55]            Agence canadienne d’inspection des aliments, Feuille de route pour le secteur de l’agroalimentaire et l’aquaculture.

[56]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1535 (Dennis Prouse).

[57]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1705 (Denise Allen, présidente‑directrice générale, Fabricants de produits alimentaires Canada).

[59]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1605 (Judy Stafford).

[61]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1600 (Frédéric Seppey).

[62]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1725 (Ian Blenkharn, dirigeant d’entreprise et fermier à la retraite, à titre personnel).

[63]            Ibid.

[64]            AGRI, Mémoire au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, Mémoire soumis par Fraser Valley Specialty Poultry, 16 février 2021.

[65]            Ibid.

[66]            Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), À propos de l’interdiction renforcée frappant les aliments du bétail au Canada.

[68]            Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Article 11.4.3, « Risque négligeable à l’égard de l’ESB », Chapitre 11.4 : Encéphalopathie bovine spongiforme.

[70]            ACIA, La demande du Canada pour le statut de risque négligeable de l'ESB franchit une étape importante, Communiqué de presse, 12 mars 2021.

[71]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1530 (Dennis Laycraft, vice‑président directeur, Canadian Cattleman’s Association).

[72]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1715 (Jean-Sébastien Gascon, directeur général, Bœuf Québec – Société des parcs d’engraissement du Québec).

[73]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1725 (Richard Horne).

[74]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1620 (Dennis Laycraft).

[75]            OIE, Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

[76]            Sur sa page internet, l’OIE explique que « l'ESB classique survient chez les bovins suite à l'ingestion d'aliments contaminés par le prion; l'ESB atypique surviendrait spontanément au sein de toutes les populations bovines ».

[78]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1530 (Dennis Laycraft).

[80]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1725 (Jason Aitken).

[81]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1625 (Anthony Eikelenboom, commerçant, Scotian Cattle Company).

[82]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1535 (Todd Lewis).

[83]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1550 (Ian Affleck, vice‑président, Biotechnologie, CropLife Canada).

[84]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1715 (Jean-Sébastien Gascon).

[85]            Ibid., 1650.

[86]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1645 (Sylvie Cloutier).

[88]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1555 (Sheryl Groeneweg, directrice générale, Direction générale de la fabrication et des sciences de la vie, ministère de l’Industrie).

[90]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1630 (William Greuel, directeur général, Protein Industries Canada).

[91]            Ibid., 1650.

[92]            Ibid., 1540 (M. Sylvain Charlebois).

[93]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1645 (Ian Blenkharn).

[94]            Ibid., 1725.

[95]            Ibid., 1645.

[96]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1555 (Serge Buy, directeur général, Conseil de l'innovation agroalimentaire).

[97]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1630 (Kelleen Tait, associée, MNP S.E.N.C.R.L., s.r.l.).

[98]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1545 (Serge Buy).

[99]            AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1610 (Ron Lemaire).

[100]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1600 (Élise Gosselin).

[101]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1535 (Todd Lewis).

[102]          Ibid., 1610 (M. Sylvain Charlebois).

[103]          Ibid., 1540 (Jamie Curran, sous-ministre adjoint, Processing, Trade and Intergovernmental Relations, Alberta Agriculture and Forestry, Gouvernement de l’Alberta).

[104]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1540 (Serge Buy).

[105]          Ibid., 1545.

[106]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1550 (Frédéric Seppey).

[107]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1650 (John Kelly, sous‑ministre, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario).

[108]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1655 (Daniel Vielfaure, directeur général, Bonduelle Amériques).

[109]          Ibid., 1655.

[110]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1655 (John Kelly).

[111]          Emploi et Développement social Canada, Exigences du Programme pour les postes à bas salaire.

[112]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1710 (Dimitri Fraeys).

[113]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 16 février 2021, 1725 (Richard Davies, vice-président principal, Ventes et marketing, Olymel S.E.C.).

[114]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1710 (Kathleen Sullivan).

[115]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1720 (Daniel Vielfaure).

[116]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1550 (Jeff Sarsfield, président, Apple Valley Foods Inc.).

[117]          Ibid., 1725.

[118]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1655 (Kathleen Sullivan).

[119]          Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Les demandes présentées dans le cadre du Programme pilote sur l’agroalimentaire seront acceptées à compter du 15 mai, Communiqué, 15 mai 2020.

[120]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1635 (Rob Lipsett).

[121]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1600 (Derek Johnstone, adjoint spécial au président national, Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce Canada).

[122]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1645 (Michael Graydon, directeur général, Food, Health and Consumer Products of Canada).

[123]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1725 (Dimitri Fraeys).

[124]          Ibid., 1705.

[125]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1545 (Glenn Fraser, dirigeant national, Pratiques de transformation des aliments et des boissons, MNP S.E.N.C.R.L., s.r.l.).

[126]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1725 (Kathleen Sullivan).

[127]          Ibid.

[128]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 18 février 2021, 1545 (Glenn Fraser).

[129]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1600 (Jason Aitken).

[130]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 janvier 2021, 1715 (Kathleen Sullivan).

[132]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1715 (M. Martin Scanlon).

[133]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1545 (M. Rene Van Acker, doyen, Ontario Agricultural College, Université de Guelph).

[134]          Ibid., 1600.

[135]          « Supplier fears intensify as major grocer group demands match of any discount given to Walmart », Financial Post, 30 juillet 2020 [disponible en anglaise seulement].

[136]          Maria Arbulu, Canada – Retail Foods, United States Department of Agriculture Foreign Agricultural Service, 26 juin 2018 [disponible en anglaise seulement].

[137]          Aliments et boissons Canada, Objet : Étude sur la capacité de transformation, 4 décembre 2020, p. 3.

[138]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1640 (Denise Allen).

[139]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1705 (Michael Graydon).

[140]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1550 (M. Sylvain Charlebois).

[141]          Ibid., 1645 (Mathieu Frigon, président-directeur général, Association des transformateurs laitiers du Canada).

[142]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1705 (Michael Graydon).

[143]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 16 février 2021, 1655 (Gary Sands, premier vice‑président, Fédération canadienne des épiciers indépendants).

[144]          Ibid., 1715.

[145]          Ibid., 1655.

[146]          Ibid., 1700.

[147]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 1er décembre 2020, 1550 (M. Sylvain Charlebois).

[149]          AGRI, Témoignages, 2session, 43e législature, 26 novembre 2020, 1545 (L’hon. Marie‑Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire).

[151]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1615 (Jason Aitken).

[152]          Ibid., 1630 (Margaret Lamb).

[153]          Ibid., 1610 (M. Sylvain Charlebois).

[154]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1615 (Serge Buy).

[155]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 janvier 2021, 1545 (Jason Aitken).

[156]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1535 (Frédéric Seppey).

[157]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1540 (Dennis Prouse).

[158]          AAC 2017, p.57.

[159]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1540 (Jamie Curran).

[160]          Ibid., 1615.

[161]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 3 décembre 2020, 1635 (Jim Everson).

[162]          Ibid., 1720.

[163]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 8 décembre 2020, 1540 (Dennis Prouse).

[164]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1615 (Frédéric Seppey).

[165]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1645 (Michael Barrett, président, Association des transformateurs laitiers du Canada).

[166]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1700 (Élise Gosselin).

[167]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 19 novembre 2020, 1650 (Jean-Sébastien Gascon).

[168]          AGRI, Mémoire au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, Mémoire soumis par l’Alberta Beekeepers Commission, 24 mars 2021.

[169]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 25 février 2021, 1535 (Ken Falk, président, Fraser Valley Specialty Poultry).

[170]          Ibid., 1540 (Philip O'Shaughnessy, directeur général, Canards du Lac Brome ltée).

[171]          Ibid.

[172]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 23 février 2021, 1530 (Dennis Laycraft).

[173]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1640 (Richard Horne).

[174]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 24 novembre 2020, 1545 (Todd Lewis).

[175]          Ibid., 1600.

[176]          Ibid.

[177]          AGRI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 2 février 2021, 1625 (M. Al Mussell).