propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président,
[Le député s'exprime en cri.]
[Traduction]
Le projet de loi fait graduellement son chemin au Parlement. Il est arrivé dans cette enceinte. La Chambre des communes, qui est l'assemblée du peuple, est maintenant saisie de ce projet de loi. Ce dernier a été adopté aux étapes de la première lecture, de la deuxième lecture, de l'étude en comité et de la troisième lecture au Sénat. Il a été présenté par la sénatrice Lillian Dyck.
Le projet de loi vise à modifier le Code criminel pour exiger que le tribunal, lorsqu'il détermine la peine, considère comme une circonstance aggravante le fait que la victime d'une agression ou d'un meurtre est une femme autochtone. Pour ce faire, il ajouterait de nouvelles dispositions aux articles 239 et 273.
Nous savons que la violence à l'endroit des femmes du Canada touche de façon disproportionnée les femmes autochtones. Il suffit de penser à des exemples comme celui de Tina Fontaine, à Winnipeg. Je me souviens très bien qu'il y a environ quatre ans, une jeune femme est disparue, et que personne n'a semblé s'en inquiéter sur le coup. C'est seulement quand son corps a été découvert au fond de la rivière Rouge, emballé dans un sac à ordures, que cette histoire a retenu l'attention. En fait, Tina Fontaine a été retrouvée par hasard par des gens qui cherchaient une autre personne dans la rivière Rouge. La découverte de son corps a galvanisé la ville de Winnipeg. Pendant les deux jours qui ont suivi, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues pour dénoncer le problème de la violence à l'endroit des femmes et des jeunes filles autochtones, et pour signaler que ce problème avait assez duré.
La mort de Tina Fontaine allait, par la suite, mener à l'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées. Elle a marqué un tournant à Winnipeg, un moment où des gens de tous les horizons et de toutes les origines — autochtone comme caucasienne, africaine comme asiatique — ont uni leurs forces et déclaré fermement que cela avait assez duré.
D'autres femmes autochtones ont aussi été victimes de violence au Canada. Voici un exemple récent, celui de Cindy Gladue. Cindy Gladue, une Crie de 36 ans mère de trois enfants, a été trouvée dans la baignoire d'une chambre d'hôtel en juin 2011, morte au bout de son sang. L'accusé était un camionneur qui avait passé deux jours avec Mme Gladue. Celle-ci avait subi une déchirure de 11 centimètres à la paroi du vagin et était morte d'une hémorragie tandis que l'accusé dormait. Pendant le procès, la Couronne a soutenu que la blessure à la paroi vaginale avait été causée par un objet pointu, et la défense a soutenu qu'elle avait été causée par des relations sexuelles brutales mais consensuelles, puisque Mme Gladue était prostituée à l'époque. Le jury a acquitté l'accusé. C'était le printemps dernier. L'accusé n'a pas été déclaré coupable de meurtre, ni même d'homicide involontaire.
Heureusement, le procureur général de l'Alberta a fait preuve de bons sens et a interjeté appel de cette décision. Cette cause vient d'être entendue par la Cour suprême. Au cours des 20 dernières années, on a rapporté au Canada seulement trois cas dans lesquels la victime est décédée à la suite de pratiques sexuelles brutales. Dans les trois cas, le défendeur a été déclaré coupable au minimum d'homicide involontaire coupable. Comme je l'ai dit, le jury n'a même pas fait cela dans l'affaire en question. Le juré ne comptait aucun Autochtone. Dans un geste sans précédent, la Couronne a présenté en cour le vagin déchiré de Cindy Gladue en tant qu'élément de preuve. La personne de Mme Gladue a ainsi été réduite à un organe mutilé. Non seulement c'est très offensant et extrêmement irrespectueux à l'égard de la victime et sa famille, mais cela n'a même pas permis qu'un verdict de culpabilité soit rendu.
Le deuxième exemple est le cas d'Helen Betty Osborne. Mme Osborne avait 19 ans lorsqu'elle a été enlevée et brutalement assassinée près de The Pas, au Manitoba, le 13 novembre 1971. La GRC a fini par conclure que quatre hommes étaient responsables du meurtre. Toutefois, des accusations n'ont été déposées contre trois de ces hommes qu'en 1986, soit 15 ans après le meurtre. Finalement, seulement un homme a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité pour le meurtre de Mme Osborne, tandis qu'un autre homme a été acquitté et que le troisième s'est vu accorder l'immunité et a été libéré en échange de son témoignage contre les autres accusés.
Il est à noter que le meurtre d'Helen Betty a été extrêmement violent. Elle a été sauvagement battue, agressée et poignardée plus de 50 fois, apparemment avec un tournevis. Je me souviens de ce cas. On nous l'enseignait lorsque j'étais à l'Université de Winnipeg et à l'Université du Manitoba. Étudier une affaire pareille, c'est quelque chose. Dieu merci, un édifice à l'Université de Winnipeg a été nommé en son honneur.
L'affaire Helen Betty a incité la Commission de mise en œuvre des recommandations sur la justice autochtone à enquêter sur le temps qu'il a fallu pour résoudre l'affaire. La Commission a conclu que les principaux facteurs ayant retardé le traitement de l'affaire étaient le racisme, le sexisme et l'indifférence de la population jusqu'au système de justice pénale. Le rapport indiquait ceci:
Il est clair que Betty Osborne n'aurait pas été assassinée si elle n'avait pas été Autochtone. Les quatre hommes qui l'ont rencontrée dans les rues de The Pas ce soir-là et qui l'ont assassinée étaient à la recherche d'une fille autochtone avec qui « faire la fête ». Ils ont trouvé Betty Osborne. Devant son refus de faire la fête, ils l'ont emmenée en voiture hors de la ville et l'ont tuée. Les hommes qui ont enlevé Betty Osborne ne l'ont absolument pas considérée comme un être humain et ont fait preuve d'un mépris total à l'égard de ses droits en tant que personne. Ceux qui sont demeurés passifs face à l'agression et aux avances sexuelles et qui n'ont rien fait alors qu'on la battait à mort ont fait preuve de racisme, de sexisme et d'indifférence. Ceux qui connaissaient l'histoire et qui se sont tus ont aussi une part de culpabilité.
Ces hommes ont pu compter sur la protection du reste de la collectivité, alors les proches d'Helen Betty ont souffert 15 ans durant.
Des cas comme celui-là, il y a en plein au Canada. Je pourrais en faire la liste complète, mais nous devons aussi songer aux autres cas, ceux qui se produisent encore aujourd'hui. Nous devons nous demander pourquoi les femmes autochtones ont besoin d'être mieux protégées et pourquoi nous devons rééquilibrer le système de justice. Seulement sur la route des pleurs, près de Prince George, en Colombie-Britannique, entre 18 et 40 femmes ont été portées disparues.
Je me suis entretenu avec Paul Lacerte et sa fille Raven, qui ont lancé la campagne Moose Hide — nous sommes d'ailleurs nombreux dans cette salle à en porter l'épinglette, parce que cette cause nous tient à coeur. La campagne Moose Hide vise à sensibiliser la population à la violence dont sont victimes les femmes et les jeunes filles autochtones et à faire comprendre aux hommes que c'est à eux de résoudre ce problème, parce que la violence n'est pas une affaire de femmes, mais d'hommes.
Pendant une expédition de chasse à l'orignal, il a y plus de 10 ans, M. Lacerte et sa fille ont réussi à abattre une bête. Au début, le père ne voulait pas en conserver la peau, mais sa fille, qui avait seulement une dizaine d'années à l'époque, lui a fait comprendre qu'ils ne pouvaient pas s'en débarrasser, car ils devaient utiliser la totalité de l'animal. Quand il lui a demandé ce qu'ils en feraient, elle lui a répondu qu'ils pourraient s'en servir pour sensibiliser la population. « Nous sommes tout près de la route des pleurs, lui a-t-elle dit, alors faisons quelque chose pour les femmes et les jeunes filles autochtones disparues. »
Ce projet de loi revêt une importance capitale, parce qu'il permettra de rééquilibrer le système de justice. Je ne crois pas me tromper en disant que la vie des femmes autochtones ne ressemble à celle de personne d'autre. À la fois femmes et autochtones, elles vivent dans une société coloniale qui les dévalorise et les déshumanise. Elles sont considérées comme intrinsèquement moins importantes que les autres femmes. Comme si ce n'était pas suffisant, le stéréotype de la femme autochtone facile demeure présent aujourd'hui, ce qui les rend vulnérables aux avances non désirées, aux agressions sexuelles, voire au meurtre.
Un aîné de Québec m'a expliqué l'origine du terme péjoratif « kawish », que l'on utilise parfois à Québec pour désigner les Autochtones. En fait, la racine du mot est « awas », qui signifie « au loin » en cri. Selon l'aîné, ce terme signifie « repousser quelqu'un » et il découle des avances sexuelles que des hommes non autochtones font souvent à des femmes autochtones.
Qui plus est, la discrimination supposément subtile qui s'exerce contre les femmes et les filles autochtones dans le système de justice minimise les torts importants qu'elles subissent. Par conséquent, les tribunaux pourraient faire preuve de clémence dans la détermination de la peine des délinquants. Grâce au projet de loi , les conséquences liées à l'agression ou au meurtre d'une femme ou d'une fille autochtone seront plus probablement adéquates et concrètes.
Le projet de loi ne réglera manifestement pas tous les problèmes complexes du système de justice pénale — ce n'est pas son objectif, d'ailleurs —, mais le système de justice a laissé tomber Cindy Gladue, Helen Betty Osborne et beaucoup d'autres femmes autochtones, et le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction dans une perspective de réconciliation. En considérant comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une femme autochtone — c'est-à-dire, en créant une catégorie de personnes protégées —, nous reconnaîtrons les racines historiques qui sont à l'origine de la victimisation disproportionnée de ces femmes et de leur discrimination systémique dans le système de justice.
Le projet de loi modifiera deux éléments du Code criminel. Premièrement, le projet de loi ajoute un article à la fin de la partie du Code criminel portant sur les dispositions sur les meurtres. Le nouvel article prévoit ce qui suit:
239.1 Le tribunal qui détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue aux articles 235, 236 ou 239 est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une personne du sexe féminin qui est indienne, inuite ou métisse.
Deuxièmement, le projet de loi insère une nouvelle disposition à la fin des articles du Code criminel qui portent sur les voies de fait et l'agression sexuelle. La nouvelle disposition prévoit ce qui suit:
273.01 Le tribunal qui détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue à l’alinéa 264.1(1)a) ou à l’un des articles 265 à 269 ou 271 à 273 est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une personne du sexe féminin qui est indienne, inuite ou métisse.
La disparition tragique d'un très grand nombre de femmes et de jeunes filles autochtones ne fait aucun doute. En ce qui concerne les femmes autochtones, le taux d'homicide est de 4,8 par 100 000 habitants, alors qu'il est de 3,2 pour les chauffeurs de taxi, de 2,6 pour les policiers et de 0,8 pour les femmes non autochtones. Au Canada, les femmes et les jeunes filles autochtones sont victimes d'infractions plus violentes et elles disparaissent dans une proportion beaucoup plus élevée que les autres Canadiennes. Le projet de loi traite de cette iniquité et précise que leur grande vulnérabilité doit être considérée comme une circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine.
Par conséquent, si une Autochtone est victime d'une agression sexuelle ou d'un meurtre, son identité constitue un facteur aggravant. Une telle mesure enverrait un message clair aux tribunaux, aux juges et à la population en général en dénonçant le fait que les femmes et les jeunes filles autochtones sont la cible de crimes violents. Si nous adoptons ce projet de loi, nous prouverons que nous accordons autant d'importance aux femmes autochtones que nous en accordons aux autres Canadiennes, aux chauffeurs de taxi et de véhicules de transport en commun, aux policiers, aux chiens policiers et aux autres animaux d'assistance.
Les lois d'un pays reflètent les croyances et valeurs de tous ses citoyens. Comme l'a déclaré Terry Audla, d'Inuit Tapiriit Kanatami, « notre société sera jugée à sa façon de traiter ses membres les plus vulnérables ». Nous avons la possibilité d'améliorer réellement et considérablement la vie d'un plus grand nombre de nos concitoyens.
Une plume d'aigle ne pèse pas beaucoup, mais, en matière d'inégalité au Canada, elle peut faire pencher la balance et faire en sorte que la justice ne soit pas aveugle à la souffrance des citoyens. Tous les Canadiens méritent la justice. Nous la méritons, car nous y aspirons en tant que nation. Nous souhaitons être l'objet d'un respect élémentaire, comme nous le méritons. Il nous faut protéger les femmes autochtones en ce moment parce que personne ne le fait. Dans notre société, elles sont souvent considérées comme ayant moins de valeur, comme étant moins que des êtres humains. Si nous sommes incapables de protéger les plus vulnérables de nos concitoyens, comment pouvons-nous répandre l'espoir et promouvoir la démocratie dans le monde, et proclamer que la Charte protège chacun d'entre nous?
Il est peut-être difficile de viser un groupe en particulier, mais nous l'avons fait pour les chauffeurs de taxi, les policiers et les chiens d'assistance policière. Pendant une courte période, jusqu'à ce que la société prenne pleinement conscience de la portée d'une véritable charte d'espoir et d'égalité, il est nécessaire de protéger les plus vulnérables d'entre nous, c'est-à-dire les filles et les femmes autochtones. La Chambre doit se porter à leur défense en terminant le travail entamé au nom de tous les Canadiens par le Sénat, qui, après avoir étudié le projet de loi, a conclu qu'il est valable. C'est maintenant au tour de la Chambre de l'étudier et d'en évaluer le mérite. Espérons qu'elle fera pencher la balance vers une égalité et une justice accrues.
[Le député s'exprime en cri.]
:
Monsieur le Président, je prends la parole au sujet de projet de loi , présenté par la sénatrice Dyck et parrainé à la Chambre des communes par le député de .
Le projet de loi vise à modifier l'article 718.2 du Code criminel, en vertu duquel un juge serait tenu de tenir compte du fait que les antécédents autochtones d'une victime, qu'elle soit amérindienne, inuite ou métisse, constituent une circonstance aggravante lorsqu'il impose une peine pour infraction avec violence, notamment pour meurtre et agression sexuelle.
Le député de défend ardemment les intérêts des peuples autochtones à la Chambre. Il est indéniable que la proportion de victimes parmi les Canadiens autochtones est la plus élevée au Canada, et de loin. C'est surtout le cas pour les femmes autochtones. En effet, elles sont trois fois plus susceptibles d'être victimes que les femmes non autochtones.
Il ne fait aucun doute que de bonnes intentions sont à l'origine du projet de loi. Cela dit, les bonnes intentions ne se traduisent pas nécessairement par de bonnes lois. Malheureusement, c'est pour cette raison que je ne peux appuyer le projet de loi .
À mon avis, ce projet de loi est inadéquat pour trois raisons. Premièrement, ses dispositions sont en partie superflues. Deuxièmement, il y a de graves questions constitutionnelles du fait qu'il pourrait aller à l'encontre de l'article 15 de la Charte, qui garantit l'égalité devant la loi, indépendamment de toute discrimination. Troisièmement, on peut se demander s'il est possible qu'il ne respecte pas le principe Gladue dans la détermination des peines, qui se trouve à l'alinéa 718.2e) du Code criminel.
Pour ce qui est des dispositions superflues, le Code criminel considère déjà le fait que la victime soit une femme autochtone comme un facteur aggravant dans la mesure où l'infraction a été commise parce que la victime était une Autochtone. Le facteur déterminant, cependant, est le motif, le fait que le crime ait été motivé par un préjugé ou de la haine envers une personne en raison de son sexe ou de sa race.
Cela m'amène au deuxième point, à savoir si le projet de loi enfreindrait l'article 15 de la Charte, qui garantit à tous les Canadiens le droit à la même protection et au même bénéfice, indépendamment de toute discrimination. La modification qu'apporterait le projet de loi au Code criminel serait une nouveauté en ce qui concerne les circonstances aggravantes. La nouveauté serait la catégorie spéciale de victimes que le projet de loi créerait, celle des femmes autochtones.
Comme je l'ai déjà dit, la race et le sexe peuvent être considérés comme des circonstances aggravantes, mais seulement si une infraction est motivée par la race ou le sexe de la victime. Il y a également d'autres circonstances aggravantes liées à la relation entre le délinquant et la victime. Par exemple, si la victime est vulnérable — beaucoup de femmes autochtones le sont et vivent dans une situation de vulnérabilité —, cela pourrait être considéré comme une circonstance aggravante.
Dans son discours, le député de Winnipeg-Centre a parlé des circonstances aggravantes prévues dans le Code criminel pour les infractions contre les chiens d'assistance et les travailleurs du transport en commun. Encore une fois, ces circonstances aggravantes découlent du fait que ces gens, comme les travailleurs du transport en commun, exercent certaines fonctions. En fonction de la nature de l'infraction, il peut là aussi y avoir un lien entre le délinquant et la victime.
En revanche, le projet de loi précise qu'il importe peu que l'infraction soit motivée par le fait que la victime soit une femme autochtone. Peu importe même que le délinquant sache que sa victime est une femme autochtone. Rien que le fait qu'elle soit une femme autochtone est une circonstance aggravante. C'est une mesure unique et nouvelle, qui n'existe pas encore dans le Code criminel. De nombreux avocats qui ont comparu devant le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles ont souligné que le projet de loi pourrait contrevenir à l'article 15 de la Charte.
Enfin, il y a les principes énoncés dans l'arrêt Gladue en ce qui concerne la détermination de la peine, selon lesquels le juge doit envisager les sanctions raisonnables autres que l’incarcération en ce qui concerne les délinquants autochtones. Nous savons qu'un nombre démesuré de victimes sont des femmes autochtones, mais, malheureusement, il y a aussi une vaste surreprésentation d'hommes autochtones parmi les délinquants. Pour ces cas précis, l'alinéa 718.2e) du Code criminel dit que le juge doit faire l'examen de toutes les sanctions raisonnables qui peuvent se substituer à l'incarcération. Parallèlement à cela, ce projet de loi ferait que l'on considérerait comme une circonstance aggravante le fait que la victime soit une femme autochtone. Cette incohérence serait sûrement un point litigieux et pourrait créer un certain degré de confusion au moment de déterminer la peine. Étant donné les arriérés et les retards dans notre système de justice — un problème qui a aujourd'hui des conséquences très concrètes —, cette situation serait problématique.
Par conséquent, même si l'intention derrière ce projet de loi est bonne, et même s'il ne fait aucun doute qu'il y a une proportion démesurée de femmes autochtones parmi les victimes au pays et que nous, députés, avons le devoir de faire le nécessaire pour apporter les changements qui s'imposent afin de protéger les personnes vulnérables, y compris les femmes autochtones, je considère que ce projet de loi rate la cible, pour les trois raisons que je viens d'énoncer.
:
Monsieur le Président, j'interviens en toute solidarité aujourd'hui pour appuyer les générations de femmes inuites, métisses et des Premières Nations qui m'ont précédée et qui me succéderont. Aujourd'hui, j'aimerais briser le silence qui entoure le sort des femmes autochtones, dans le système de justice pénale du Canada, et me prononcer en faveur du projet de loi .
La Charte canadienne des droits et libertés garantit l'égalité de tous devant la loi et prévoit que toute personne a droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans aucune discrimination. Toutefois, il ne fait aucun doute que les femmes autochtones, métisses ou inuites ne jouissent pas de ces droits.
Si les femmes autochtones avaient droit à la même protection de la loi, l'Enquête nationale sur les 1 200 femmes et filles autochtones disparues et assassinées ne serait pas nécessaire. Toutes ces femmes et ces filles avaient un nom, étaient aimées, et faisaient partie d'une famille et d'une collectivité qui sont toujours en quête de justice dans un système qui ne les considère pas comme égales aux autres.
Si les femmes autochtones étaient reconnues comme des égales par la société canadienne, nous ne pleurerions pas avec les familles de jeunes femmes autochtones perdues dans le système des services à l'enfance et à la famille. Nous n'aurions pas à continuer à lutter pour obtenir une enquête sur l'oppression systémique dont sont victimes les femmes autochtones. Nous n'aurions pas de route des pleurs et, en 2018, nous n'aurions pas à demander justice pour les femmes autochtones stérilisées de force.
Lors que les femmes métisses, inuites et des Premières Nations et les organismes qui les appuient lancent un appel à la justice et proposent des changements au système de justice, nous devrions les écouter. Nous devrions non seulement les écouter, mais aussi faire tout en notre pouvoir pour mettre en oeuvre ces changements et ces réformes.
Le Canada opprime les femmes autochtones et les exclut des systèmes de justice depuis fort longtemps, mais l'avenir du Canada doit assurément inclure les voix des femmes autochtones. C'est pourquoi je suis fière d'appuyer le projet de loi dont nous sommes saisis qui a été présenté par ma collègue de la Saskatchewan, qui représente notre province à l'autre endroit. Le projet de loi vise à modifier le Code criminel de façon à obliger les tribunaux à considérer comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait ou de meurtre est une femme métisse, inuite ou des Premières Nations.
Nous ne créerions pas de précédent, car d'autres groupes ont déjà pu bénéficier de la prise en compte de circonstances aggravantes. Par exemple, les policiers et les travailleurs du transport en commun ont déjà été jugés vulnérables au sein du système de justice canadien, en raison de l'emploi qu'ils occupent et de la position sociale qui est la leur lorsqu'ils sont victimes d'un crime. Même les animaux ont été identifiés comme un groupe à risque.
La preuve peut être faite qu'un statut semblable devrait être conféré aux femmes autochtones. Un rapport de la GRC publié en 2014, des rapports émis par l'Association des femmes autochtones du Canada, ainsi que des rapports présentés par Amnistie internationale indiquent tous que les femmes autochtones sont trois ou quatre fois plus susceptibles que les autres Canadiennes d'être tuées, agressées sexuellement ou portées disparues. De plus, les femmes autochtones ont sept fois plus de chances d'être ciblées par un tueur en série. Selon Statistique Canada, le fait d'être une femme autochtone augmente de manière considérable le risque d'être victime de violence, alors que ce n'est pas le cas pour les hommes autochtones.
Je suis moi-même une femme autochtone originaire du Nord de la Saskatchewan. Je mentionne de nouveau ces statistiques non pas pour servir mes propres intérêts, mais pour la gouverne des autres députés ici présents. Ma famille et moi faisons partie de la nation dénée. La plupart des habitants de ma circonscription s'identifient comme étant membres d'une Première Nation ou Métis. Ils sont bien placés pour constater à quel point la vie est difficile pour les peuples autochtones du Canada, car ils en font eux-mêmes l'expérience.
Nos familles ont souffert à cause des pensionnats et ont survécu à cette expérience. Nous ressentons les morsures du colonialisme à chaque fois que de jeunes Autochtones meurent, de leur propre main ou en raison d'actes violents commis par d'autres. Nous ressentons l'isolement dans lequel le Nord vit quand nous avons besoin de soins médicaux et que nous devons faire de l'auto-stop pour y avoir accès. Nous sommes conscients du danger que nous courons en tant qu'Autochtones, parce que quasiment tous les aspects de notre vie sont gouvernés par un système colonial qui accorde à nos communautés un statut inférieur à celui accordé aux Canadiens non autochtones.
Comme de nombreuses Autochtones, j'ai personnellement été touchée par les violences qui frappent injustement les femmes. Ma tante Janet Sylvestre et mon amie Myrna Montgrand comptent parmi les 1 200 femmes et filles qui ont été assassinées ou portées disparues. Les auteurs de leur assassinat restent, à ce jour, inconnus. Happy Charles, de La Ronge, a disparu depuis un an et demi, et sa famille reste inébranlable, en dépit de l'absence de réponses.
Je comprends bien qu'on ne prend pas de décisions et on n'élabore pas de politiques en fonction des histoires personnelles ou des détails de l'histoire. Cependant, à un certain moment, si ces récits ne cessent de se répéter encore et encore, ils finissent par devenir l'histoire d'un pays. Ce récit de violences contre des femmes autochtones se répète bien trop souvent pour que nous le considérions comme une note de bas de page.
Il faut tirer des enseignements de ces histoires et nous en servir pour tracer l'avenir. Si nous n'apprenons rien de ces cas de violence continus à l'endroit des femmes autochtones, de ce qui est arrivé à Happy, à Janet et à Myrna, parmi tant d'autres, nous réduisons tout simplement au silence celles qui ont eu le courage de parler. Il faut que les lois canadiennes tiennent compte de cette violence pour faire en sorte que les femmes autochtones ne soient plus les cibles, ni massivement les victimes de violence au Canada.
Il va sans dire que le projet de loi n'est pas sans soulever certaines préoccupations. J'ai entendu et lu des arguments selon lesquels il serait injuste envers les délinquants autochtones, qui pourraient se voir imposer des peines d'emprisonnement plus longues et, en conséquence, seraient plus susceptibles de récidiver par la suite. On a dit, plus particulièrement, que la mise en oeuvre de cette mesure législative pourrait éventuellement avoir un effet négatif sur l'article du Code criminel qu'on appelle les dispositions fondées sur l'arrêt Gladue. J'offre deux réponses à ces arguments.
D'abord, comme l'a dit mon collègue du Manitoba, les dispositions du Code criminel fondées sur l'arrêt Gladue n'ont pas pour but de réduire la durée de l'emprisonnement. Elles ont pour objet de demander aux tribunaux d'envisager des solutions autres que l'emprisonnement, comme la justice réparatrice et les programmes de réhabilitation, qui aident les délinquants à se reprendre en main et à guérir, réduisant du même coup leur risque de récidive.
De plus, les principes établis dans l'arrêt Gladue ne demandent pas des peines qui ne sont pas déjà prévues dans la loi. Un tribunal ne peut remplacer une peine simplement parce qu'une personne est autochtone. Les personnes qui commettent des infractions violentes recevront encore la peine prévue par la loi, même avec les circonstances aggravantes prévues dans le projet de loi. On peut même se demander si les principes établis dans l'arrêt Glaude peuvent être appliqués aux crimes violents, puisque la Cour suprême a mentionné dans son jugement que, dans le cas des infractions graves, il ne pourrait y avoir de réduction des peines d'emprisonnement des contrevenants autochtones.
Ensuite, je veux aborder la question de l'équilibre des droits des femmes autochtones au sein du système de justice. On comprend mieux la situation quand, dans un débat sur la façon d'aider les femmes autochtones et leur famille à obtenir pleinement justice, ce sont les préoccupations des délinquants qui priment celles des victimes. Soyons clairs, je ne cherche pas à affirmer que les auteurs de crimes violents n'ont pas de droits, car ces droits sont importants, mais, si les rapports Gladue recommandent des mesures de protection concernant les délinquants autochtones, les tribunaux ne doivent pas pour autant oublier de tenir compte de la situation et des circonstances liées aux victimes.
Les femmes autochtones victimes de crimes violents sont tout aussi affectées par les facteurs historiques et les problèmes de développement économique qui prévalent dans leur communauté. En plus d'être victimes de l'accusé, les femmes autochtones subissent de la discrimination systémique et sont encore plus défavorisées que l'accusé, socialement et économiquement.
Le projet de loi n'est pas la panacée pour tous problèmes vécus par les femmes autochtones dans le système de justice. Ce système n'est pas figé à jamais non plus. Il évolue en même temps que la société. Les acteurs de ce système le remettent constamment en question. Le projet de loi S-215 représente une occasion d'examiner et de remettre en question les systèmes de valeurs des juges, des avocats, des policiers et des autres acteurs du système judiciaire et il demande à toutes ces personnes de changer la perception qu'elles ont des femmes autochtones.
Pour ces raisons, je suis fière d'appuyer ce projet de loi, car il vise à rendre la société plus sécuritaire et le système de justice plus équitable pour les femmes des Premières Nations, les Métisses et les Inuites.
:
Monsieur le Président, je suis ravi d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones), présenté au Sénat le 11 décembre 2015 par la sénatrice Lillian Dyck.
D'abord et avant tout, je félicite la sénatrice Dyck d'avoir défendu cette cause importante qu'est la violence contre les femmes et les jeunes filles autochtones. Le gouvernement convient que le taux de violence contre ce segment de la population constitue un enjeu national urgent.
L'objectif du projet de loi est clairement énoncé dans son préambule, qui souligne l'importance de dénoncer les crimes violents contre les femmes autochtones et de mettre en place des mesures dissuasives à cet égard, étant donné que, depuis des décennies et encore aujourd'hui, les femmes autochtones sont beaucoup plus susceptibles que les femmes non-autochtones d'être victimes de violence.
Le projet de loi propose d'ajouter deux nouvelles dispositions au Code criminel, soit les articles 239.1 et 273.01, qui disposent que lors de la détermination de la peine pour certaines infractions violentes, le tribunal considère comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une Autochtone. Les infractions visées sont les homicides et les tentatives de meurtre; les menaces de causer la mort ou des lésions corporelles; les voies de fait de toute gravité, les agressions armées ou causant des sévices corporels, les agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées ou causant des sévices corporels et les agressions sexuelles graves.
Je sais que tous les députés appuient l'objectif du projet de loi, mais les réformes proposées pourraient avoir des conséquences imprévues sur la détermination de la peine. Les facteurs aggravants ont pour but de signaler aux juges chargés de prononcer les peines que l'imposition d'une peine plus lourde est justifiée dans les cas où un facteur aggravant est présent. Je souligne que le Code criminel prévoit déjà que toute infraction motivée par la haine, dont un crime commis en raison du sexe ou de la race de la victime, constitue un facteur aggravant aux fins de détermination de la peine. Le fait que la victime d'un crime est l'époux, le conjoint de fait ou l'enfant de l'auteur du crime est aussi déjà considéré comme un facteur aggravant. À cet égard, le facteur aggravant proposé dans le projet de loi répète inutilement les dispositions. De plus, le projet de loi pourrait avoir comme conséquence imprévue de contredire l'application du principe Gladue.
Aux termes de l'alinéa 718.2e) du Code criminel, les juges chargés de prononcer les peines ont le mandat de tenir compte de « l’examen, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances ». À l'étape de la détermination de la peine, cette disposition oblige les juges à prendre en considération les antécédents et les circonstances particulières d'un délinquant autochtone, généralement avec l'aide d'un rapport Gladue, et à envisager des solutions de rechange à l'incarcération, dans la mesure du possible. Lorsqu'on ajoute le projet de loi à l'équation, un juge pourrait être confronté à des obligations contradictoires si le délinquant est un Autochtone. Il pourrait être tenu, d'une part, d'alourdir la peine infligée pour des actes criminels commis par un délinquant autochtone contre une femme autochtone et, d'autre part, d'envisager des solutions de rechange à l'incarcération et de réduire la peine en raison de l'origine autochtone du délinquant.
Outre ces préoccupations, il est impératif de tenir compte aussi du contexte sociétal dans lequel les réformes du projet de loi sont proposées, notamment la réalité des Autochtones au Canada. Ce contexte plus large souligne non seulement l'importance des objectifs du projet de loi , mais aussi la nécessité d'offrir des solutions multidimensionnelles à l'extérieur du système de justice pénale pour s'attaquer sérieusement à ce problème complexe. Selon les statistiques, les Autochtones sont surreprésentés chez les victimes et les délinquants de crimes violents.
En proportion, considérablement plus de femmes autochtones que non autochtones sont victimes d'agression sexuelle, de violence entre partenaires intimes et d'homicide. Précisément, le taux d'agression sexuelle de 113 incidents pour 1 000 femmes autochtones est beaucoup plus élevé que celui de 35 incidents pour 1 000 femmes non autochtones. De plus, selon le volet de l'Enquête sociale générale de 2014 sur la victimisation, le taux global de victimisation avec violence des femmes autochtones était le double de celui des hommes autochtones, soit 220 incidents violents pour 1 000 femmes comparativement à 110 incidents violents par 1 000 hommes; près du triple de celui des femmes non autochtones, pour qui il est de 81 incidents violents pour 1 000 femmes; et plus du triple de celui des hommes non autochtones, pour qui il est de 66 incidents violents pour 1 000 personnes.
Parallèlement, les Autochtones sont également surreprésentées au sein des établissements correctionnels du Canada. En 2016-2017, les adultes autochtones représentaient 28 % de la population totale de délinquants dans les établissements provinciaux et territoriaux et 27 % de celle dans les établissements fédéraux, mais seulement 4,1 % de la population adulte canadienne. En particulier, les femmes autochtones comptaient pour 43 % des admissions dans les établissements carcéraux provinciaux ou territoriaux et 31 % de celles dans les établissements fédéraux, tandis que les hommes autochtones comptaient pour 28 % des admissions dans les établissements carcéraux provinciaux ou territoriaux et 23 % de celles dans les établissements fédéraux. Ces données sont tirées des statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada, 2016-2017, publiées par Statistique Canada.
Comme nous pouvons tous en convenir, ces conclusions brossent un sombre tableau. On ne peut penser à la surreprésentation des Autochtones dans les prisons ainsi qu'à la vulnérabilité beaucoup trop élevée des femmes et des filles à la violence sans reconnaître que ces réalités sont indissociables des incidences historiques et contemporaines du colonialisme. Il faut agir en conséquence.
Comme le précise le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, intitulé « Honorer la vérité, réconcilier pour l'avenir », la violence et les infractions criminelles ne sont pas inhérentes aux Autochtones. Elles découlent plutôt d'expériences très spécifiques que les Autochtones ont vécues, y compris le fait d'avoir subi de la violence physique ou sexuelle dans les pensionnats, la pauvreté et la toxicomanie. Ces facteurs contribuent à la surreprésentation des Autochtones — délinquants et victimes — à toutes les étapes du système canadien de justice pénale.
Nous sommes tous résolus à lutter contre le problème pressant de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, mais les réformes proposées dans le projet de loi ne pourraient pas répondre à l'expérience qu'elles ont vécue. Ces préoccupations m'amènent à conclure que les réformes proposées ne sont pas susceptibles d'atteindre cet objectif important.
Un problème aussi complexe nécessite des approches globales, afin que les solutions proposées aient l'effet escompté. Je signale que les résultats de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui est en cours, seront instructifs à cet égard. L'Enquête se penche sur des enjeux pertinents, comme la définition des causes profondes de la violence et des agressions et la recherche de solutions à ces problèmes, ainsi que l'atténuation des conséquences de la pauvreté, de la marginalisation, des cycles de violence et du sentiment d'impuissance. Le gouvernement attend avec impatience les recommandations de l'Enquête nationale.
Alors que les commissaires sont en voie de terminer leur travail important, nous devons agir immédiatement en investissant dans un fonds de commémoration, qui appuiera la tenue d'activités de commémoration à l'échelle locale et nationale; dans des organismes spécialisés dans l'application de la loi et le maintien de l'ordre, afin de diriger un examen des pratiques policières; dans les logements et les refuges; dans la sensibilisation aux services à l'enfance et à la famille ainsi que leur réforme; dans des programmes visant à lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones et à la prévenir; et dans la bonification des services de soutien en matière de santé ainsi que de l'aide aux victimes destinés aux familles et aux survivants.
L'adoption d'une approche globale et holistique est la meilleure façon de mieux protéger les femmes et les filles autochtones contre la violence. Le gouvernement est résolu à apporter des changements concrets et systémiques qui permettront d'améliorer la situation des Autochtones, notamment celle des femmes et des filles.
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Monsieur le Président, je suis également heureuse de participer au débat. Le projet de loi vise à obliger le tribunal, lorsqu’il détermine la peine pour certains crimes très graves, à considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une femme autochtone.
Comme bon nombre des intervenants qui m’ont précédée, je suis d’accord pour dire que nous devons tous reconnaître le fait inacceptable et tragique que les femmes autochtones sont plus susceptibles que les femmes non autochtones d’être victimes de crimes violents. Il y a de nombreuses mesures que le gouvernement doit et devra prendre dans le cadre de la solution. Une partie de la solution réside en nous tous, à titre de collectivités, de municipalités, de provinces, de gouvernement fédéral ou de Premières Nations. Nous devons nous attaquer sérieusement à ce problème. Je crains toutefois, comme le député de , que le projet de loi ne nous mène pas dans la direction que nous devons prendre.
Je tiens également à souligner les récits très difficiles à entendre, les exemples poignants, dont le député de nous a fait part.
Il est important de poser certaines questions. Le projet de loi aurait-il changé quelque chose dans les circonstances dont le député a parlé? Aurait-il eu un effet dissuasif? Est-il constitutionnel? Se traduirait il par un traitement plus équitable des victimes?
Notre système de justice vise à protéger les droits et à punir les torts. Nos lois visent à assurer l’ordre public et à offrir un moyen pacifique de régler les différends et d’exprimer les valeurs et les convictions des Canadiens.
Dans le préambule du projet de loi, il est question de la Charte des droits et libertés, qui garantit à tous l’égalité devant la loi et le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. Cela fait partie de l’essence du problème lorsque les gens se demandent si un projet de loi est conforme à la Charte. Il y est question d’égalité entre les personnes en vertu de la loi et de protection égale.
Le projet de loi a également fait l’objet de discussions relativement au Code criminel et aux dispositions relatives à la détermination de la peine. Un tribunal qui impose des peines doit tenir compte de la preuve que l’infraction a été motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ou tout autre facteur semblable. Ce sont des circonstances aggravantes qui existent déjà dans le Code criminel.
Nous avons entendu parler de l’horrible meurtre de Betty Osborne. D’après ce que j’ai compris, il s’agissait d’un crime raciste et, par conséquent, des circonstances aggravantes auraient dû s’appliquer dans cette affaire.
Il importe aussi de signaler qu’il est précisé dans le projet de loi que les peines doivent être semblables aux peines imposées à de pareils délinquants dans des circonstances similaires. Ce changement serait-il perçu comme équitable par toutes les femmes qui sont touchées par des infractions violentes? C’est l’un des aspects du projet de loi qui me préoccupent. Lorsqu’une personne victime d’une agression horrible comme une agression sexuelle se présente devant les tribunaux, elle s’attend à ce que le système de justice la traite équitablement, qu’elle soit non autochtone ou autochtone. Cet aspect sera au coeur du problème.
Autant le délinquant que la famille d’une victime de meurtre doivent s’attendre à ce que la loi soit appliquée avec toute la rigueur voulue si l'accusé est déclaré coupable. Les membres de la famille ne devraient pas avoir l’impression que l’infraction contre leur être cher, contre eux-mêmes, est considérée comme étant moins grave s’ils sont autochtones. Chaque victime a de l’importance.
Le gouvernement parle des chauffeurs d’autobus et des policiers. Comme je l’ai dit, je ne suis pas avocat, mais j’ai toujours pensé que la situation était différente dans le cas des chauffeurs d’autobus, des membres des services de police ou même des travailleurs de la santé, parce qu’ils servent le public. On devrait tenir compte de ce fait quand ils sont victimes d’une infraction. Ce n’est probablement pas la même chose que d’estimer qu’une agression sexuelle est plus ou moins grave suivant l’ethnicité de la personne qui la subit. C’est là que les principes de détermination de la peine seront contestés. C’est une question qui, à mon avis, pourrait faire l’objet de contestations en vertu de la Charte.
Je reviens à mes commentaires initiaux. Ce projet de loi aurait-il un effet dissuasif? Aucun délinquant ne tiendra compte des circonstances aggravantes pour choisir ses victimes.
Je ne crois pas que cela se produira et je ne crois donc pas que ce projet de loi aura un effet dissuasif. Bien sûr, nous voulons faire de la prévention, alors j’espère que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées produira des suggestions solides et un plan d’action pour l’avenir.
Ce projet de loi aura-t-il un effet dissuasif? Je ne le crois pas. Je ne crois pas que cela nous aide à résoudre ce problème. Nous nous sommes demandé s’il respecte la Constitution. Nous devons vérifier la constitutionnalité de ce projet de loi. Améliorera-t-il l’équité du traitement des victimes de ces crimes horribles? À mon avis, il n’améliorera pas l’équité et le traitement des victimes.
Tous les députés sont déterminés à lutter contre la surreprésentation des femmes et des filles autochtones victimes de ces meurtres, de ces agressions, de cette violence sexuelle, mais veillons à ce que les mesures que nous prendrons produisent les résultats escomptés.