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Monsieur le Président, j'aimerais d'abord vous remercier d'avoir pris acte du débat qui a eu lieu à la Chambre au sujet du moment choisi pour les rappels au Règlement concernant le Budget principal des dépenses ainsi que de la flexibilité dont vous faites preuve pour les entendre.
Je vous assure que ce recours-ci au Règlement concernant le crédit 40 du Conseil du Trésor concerne directement certaines observations faites plus tôt aujourd'hui sur le fait que le Président a un rôle à jouer pour veiller à ce que les crédits proposés dans le Budget principal des dépenses figurent sous l'autorité compétente conformément à la loi et que le gouvernement est habilité à les demander.
J'ai tenté d'abréger le plus possible, mais il faut savoir que le point que je tente de faire est long à expliquer. Toutefois, je vais essayer de l'expliquer aussi rapidement que possible.
C'est un principe bien établi que les ministères ne peuvent demander l'autorisation de dépenser que pour les programmes qui sont conformes au mandat que leur confère la loi. En effet, le gouvernement le reconnaît dans l'énoncé du crédit 40, qui précise:
Autorisation donnée au Conseil du Trésor, pour appuyer la mise en œuvre d’initiatives annoncées dans le budget du 27 février 2018, d’augmenter tout crédit accordé pour l’exercice, notamment pour permettre l’octroi de nouvelles subventions ou l’augmentation du montant de toute subvention prévue dans un budget des dépenses pour l’exercice, dans la mesure où les dépenses, auxquelles il n’est pas pourvu par ailleurs, découlant de l’augmentation du crédit sont conformes au mandat du ministère ou de l’organisme pour lequel les dépenses sont effectuées.
Les mots clés dans ce cas-ci sont: « dans la mesure où les dépenses [...] sont conformes au mandat du ministère ou de l’organisme pour lequel les dépenses sont effectuées ». Bien que l'énoncé du crédit tente de remédier au fait que le Conseil du Trésor pourrait possiblement allouer des fonds à d'autres ministères pour des programmes qui sont en dehors de son mandat, il reste que le crédit 40 est hors du mandat que la loi confère au Secrétariat du Conseil du Trésor.
Penchons-nous sur les principaux pouvoirs et responsabilités conférés au Conseil du Trésor par la Loi sur la gestion des finances publiques qui le sous-tend, aux termes du paragraphe 7(1):
Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard des questions suivantes:
a) les grandes orientations applicables à l’administration publique fédérale;
Il est évident que le crédit 40 n'a rien à voir avec cette responsabilité.
b) l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs [...]
Il est évident que le crédit 40 n'a rien à voir avec cette responsabilité.
Le paragraphe 7(1) se poursuit comme suit:
c) la gestion financière, notamment les prévisions budgétaires, les dépenses, les engagements financiers, les comptes, le prix de fourniture de services ou d’usage d’installations, les locations, les permis ou licences, les baux, le produit de la cession de biens, ainsi que les méthodes employées par les ministères pour gérer, inscrire et comptabiliser leurs recettes ou leurs créances.
Je reviendrai sur ce point, étant donné que j'estime qu'il mérite qu'on en débatte davantage.
Puis, l'alinéa 7(1)d), en parlant dans sa forme abrégée de « l’examen des plans et programmes des dépenses annuels ou à plus long terme des ministères », n'autorise clairement pas un crédit central comme le crédit 40. En fait, il a sans doute mené à l'exclusion de certains postes des plans ministériels.
Dans sa forme abrégée, l'alinéa 7(1)(d.1) fait ensuite référence à « la gestion et l’exploitation des terres par les ministères ». Ces enjeux ne sont assurément pas liés au crédit 40.
Dans l'alinéa 7(1)e), il est question de « la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale », qui n'est certes pas abordée dans le vote 40.
L'alinéa 7(1)(e.1), quant à lui, porte sur « les conditions d’emploi des personnes nommées par le gouverneur en conseil ». Nous sommes en train de nous égarer. Cependant, je suis d'avis que les autres dispositions de ce paragraphe de la Loi sur la gestion des finances publiques ne confèrent pas davantage le mandat légal pour un crédit comme le crédit 40.
Après même un bref examen, j'espère que vous constaterez, comme moi, que toutes ces dispositions, à l'exception d'une, peuvent être rapidement écartées comme fondement de l'autorisation du crédit 40. La seule qui pourrait être fondée de prime abord est l'alinéa 7(1)c), qui autorise le Conseil du Trésor à agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard de la gestion financière, notamment les prévisions budgétaires et les dépenses.
S’agissant du Budget des dépenses, le pouvoir du Conseil du Trésor se limite à la préparation et à la présentation dudit budget. Cela ne libère pas les ministères de l’obligation de préparer leurs propres initiatives budgétaires pour les faire autoriser selon la procédure établie. S’agissant des dépenses et des engagements financiers, le pouvoir du Conseil du Trésor ne libère pas non plus les ministères de l’obligation de préparer leurs propres initiatives budgétaires pour les faire autoriser selon la procédure établie.
Ce pouvoir permet au Conseil du Trésor de définir les grandes lignes des mécanismes à suivre pour effectuer ou engager une dépense. Il lui permet même de préciser en détail la procédure que les ministères doivent suivre pour que le Conseil du Trésor accepte d’inclure un poste budgétaire dans le budget. Ce n’est pas du tout la même chose que d’avoir le Conseil du Trésor qui s’alloue lui-même des fonds pour des programmes qui ne relèvent pas de sa compétence et qui les distribue ensuite à d’autres ministères.
Il convient également de mentionner que les autres principaux crédits du Conseil du Trésor — et je crois que vous en avez parlé tout à l’heure — relèvent bien du mandat du Conseil du Trésor, mais que cela ne signifie pas pour autant que le crédit 40 relève du mandat du Conseil du Trésor.
J’aimerais que nous discutions de tous ces crédits pour voir lesquels relèvent du mandat du Conseil du Trésor et lesquels n’en relèvent pas.
Crédit 10, « Initiatives pangouvernementales ». Ce crédit concerne des initiatives de gestion stratégique au sein de l’administration publique fédérale, ce qui me semble relever clairement de la responsabilité du Conseil du Trésor pour ce qui est de l’organisation de l’administration publique fédérale ou d’une de ses composantes, etc.
Crédit 20, « Assurance de la fonction publique ». Vous pouvez vous reporter au libellé du crédit, monsieur le Président, je ne le lirai pas pour gagner du temps. Il s’agit essentiellement des paiements versés pour les régimes d’assurance, de pension et de prestations. Vous constaterez, monsieur le Président, que cela est conforme à la responsabilité du Conseil de Trésor en matière de gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, y compris la détermination des modalités d’emploi des fonctionnaires fédéraux, et que cela est également conforme à ses responsabilités en vertu du paragraphe 7.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je le lirais bien, mais je vais me contenter, monsieur le Président, de vous demander de vous reporter à ce paragraphe, afin de ne pas perdre de temps. Le crédit semble également être conforme aux pouvoirs conférés par l’article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques, y compris les alinéas 11.1(1)c) et 11.1(1)j), et encore une fois, au lieu de les lire, je vais vous demander, monsieur le Président, de consulter vous-même ces articles, afin de gagner du temps.
Un autre crédit central sous la rubrique Conseil du Trésor est le crédit 30, « Besoins en matière de rémunération ». Encore une fois, si vous vous reportez au libellé du crédit, monsieur le Président, vous verrez qu'il s'agit d'une autorisation pour des prestations parentales et de maternité, des versements liés à la cessation d’emploi et ainsi de suite. Je vous dirais, monsieur le Président, que les objectifs de ce crédit central correspondent également au mandat légal du Conseil du Trésor que lui confère la Loi sur la gestion des finances publiques.
Les crédits 25 et 35 se rapportent au report des budgets de fonctionnement et des dépenses en capital. Ces crédits donnent l'autorisation au Conseil du Trésor d'« augmenter tout crédit accordé pour l’exercice en raison du report de tout budget de fonctionnement de l’exercice précédent ». Il faut reconnaître que l'autorisation légale pour ces crédits est moins claire. En fait, il serait peut-être bon que le comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires étudie comment les fonds provenant de ces crédits sont dépensés. Quoi qu'il en soit, il convient de faire quelques remarques au sujet de ces crédits.
Premièrement, l'argent provient de crédits déjà accordés par le Parlement. Ce n'est donc pas de l'argent frais, mais plutôt de l'argent qui a déjà été approuvé dans un but précis qui n'a pas pu être réalisé au cours de l'exercice prévu.
Deuxièmement, il est reconnu, dans les secteurs public et privé, que lorsqu'on oblige un ministère à dépenser tous les fonds qui lui ont été alloués avant la fin de l'exercice, on se retrouve avec la mentalité « utilisez-les ou perdez-les », qui est loin de donner les résultats escomptés. Le Parlement a cru bon de reporter une partie des budgets de fonctionnement et des dépenses en capital pour atténuer les effets pervers.
Troisièmement, si l'argent est reporté, il est logique d'exercer un certain contrôle sur cet argent. Une réaffectation de ces fonds pourrait sans aucun doute être proposée dans le cadre du budget du ministère et approuvée par le Parlement en début d'exercice plutôt que de devoir confier cette responsabilité au Conseil du Trésor, mais jusqu'à maintenant, c'est la pratique en vigueur.
En résumé, je ne suis pas convaincu qu'il s'agit de la meilleure façon de gérer ces crédits, mais ils sont néanmoins très différents du crédit 40 à certains égards: le Parlement les a acceptés depuis un certain temps déjà; ils permettent d'éviter des dépenses inutiles; et ce sont des fonds qui ont déjà été approuvés par le Parlement à une fin précise.
Enfin, j'aimerais discuter du crédit 5, « Dépenses éventuelles du gouvernement ». Certains diront qu'on crée un précédent pour ce crédit. Je ne suis pas d'accord.
Le libellé du crédit 5 dit ceci:
— Autorisation donnée au Conseil du Trésor d’augmenter tout crédit
— Autorisation donnée au Conseil du Trésor de payer pour diverses dépenses urgentes ou imprévues — auxquelles il n’est pas pourvu par ailleurs —, notamment pour l'octroi de nouvelles subventions [etc.]
Monsieur le Président, vous pouvez consulter le libellé du crédit à l'extérieur de la Chambre. J'ai gardé ce crédit pour la fin parce que, à certains égards, il ressemble le plus au crédit 40. Il existe toutefois encore d'importantes différences qui empêcheraient toute tentative d'invoquer le crédit 5 à titre de précédent pour le crédit 40 du Conseil du Trésor.
Ces crédits sont semblables parce qu'il n'y a aucune autorisation évidente ni pour l'un ni pour l'autre. De plus, contrairement aux autres crédits centraux, ils permettent au Conseil du Trésor d'octroyer de nouvelles subventions sans avoir à demander d'autres autorisations au Parlement. Pour toute personne qui pourrait vouloir affirmer, pour toutes ces raisons, qu'il s'agit d'un précédent, il convient de mentionner que la réserve pour éventualités a été vertement critiquée au fil des ans, y compris par le vérificateur général. Par exemple, en 2002, la vérificatrice générale a dit ceci au sujet du crédit pour éventualités du gouvernement:
Selon nous, le libellé est suffisamment vague pour permettre de croire qu'il autorise à peu près tous les paiements, si les fonds sont imputés directement au crédit sans avoir été transférés à un crédit ministériel au préalable. Est-ce que ce manque de clarté convient, étant donné le recours accru au crédit pour financer provisoirement des paiements de subventions?
On trouve beaucoup d'autres choses dans ce rapport, monsieur le Président, mais j'ai au moins pu attirer votre attention sur lui et vous donner une idée de ce qu'il contient. Je vous invite à le lire au complet pour savoir ce que pense la vérificatrice générale de ce type de crédit.
Ses préoccupations font en fait écho aux préoccupations exprimées plus récemment par le directeur parlementaire du budget relativement au crédit 40; leurs propos se rejoignent donc à bien des égards. Dans le rapport intitulé « Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses pour 2018-2019 », le directeur parlementaire du budget affirme ceci:
L’approche adoptée par le gouvernement en matière de financement des initiatives prévues dans le budget de 2018 n’appuie que marginalement les parlementaires dans leurs délibérations et offre moins de contrôle sur les dépenses qu’ils approuvent.
En ce qui concerne la qualité des informations, pratiquement aucune des sommes demandées dans le nouveau crédit d’exécution du budget n’a fait l’objet d’un examen dans le cadre du processus normal des présentations au Conseil du Trésor qui, comme l’indique le gouvernement, a pour but de « veiller à ce que les ressources soient affectées aux programmes et aux activités qui demeurent des priorités du gouvernement et qu’elles soient optimisées ». En ce qui concerne ce dernier point, il n’est pas évident que le libellé du vote restreint le gouvernement à financer chaque mesure du budget de 2018 aux niveaux établis dans le plan budgétaire plutôt que d’allouer différemment ces montants entre et au sein de ces mesures.
En d'autres termes, dans la mesure où le crédit 5 et le crédit 40 se ressemblent, ils sont aussi suspects.
Il y a néanmoins une différence de taille entre les deux, à savoir que les déboursements au titre de la réserve pour éventualités sont assujettis à des critères: que les dépenses soient diverses, urgentes ou imprévues. Autrement dit, le gouvernement doit avoir une bonne raison de dépenser ces fonds préapprouvés plutôt que de demander des crédits dans le cadre des budgets supplémentaires des dépenses.
Malgré les préoccupations exprimées par le vérificateur général et les comités parlementaires parce que le gouvernement n'a pas toujours démontré que les dépenses à même la réserve répondent à ces critères, ces critères sont néanmoins importants. Ils permettent de justifier le non-recours aux processus habituels d'octroi des crédits, ce qui ne doit pas être fait inconsidérément.
La réserve pour éventualités est censée reconnaître, quoiqu'imparfaitement — et nous pourrions peut-être améliorer le processus — que des imprévus surviennent au cours de l'année et qu'il faut une certaine flexibilité pour y faire face, surtout si les besoins sont urgents.
Le 31 janvier 2011, le Conseil du Trésor a publié les « Lignes directrices pour l’examen des demandes d’accès par les ministères au crédit pour éventualités ».
Voici ce qu'elles indiquent:
Le crédit 5 du Conseil du Trésor sert de complément à d'autres crédits afin d'assurer au gouvernement une marge de manoeuvre suffisante pour faire face à des dépenses urgentes ou imprévues [...]
Je ne lis que quelques passages des lignes directrices. En voici un autre:
Une telle autorisation sera accordée jusqu'à l'obtention de l'approbation du Parlement, dans la mesure où les dépenses s'inscrivent dans le mandat de l'organisation. Les fonds affectés à même le crédit 5 du Conseil du Trésor sont accordés à titre provisoire et doivent être remboursés, une fois que l'autorisation du Parlement à l'égard des dépenses a été obtenue dans le cadre de l'approbation du budget supplémentaire des dépenses.
Il est très clair, d’après ces critères, qu’on ne doit pas utiliser la réserve pour éventualités pour se soustraire au processus habituel d’affectation des crédits que rarement et seulement en cas de besoin exceptionnel. Le financement est temporaire, et les mesures financées avec le crédit 5 doivent figurer ensuite dans le Budget supplémentaire des dépenses — et ceci est important —, pas seulement à titre d’information, mais aussi aux fins d’approbation. C’est différent de ce qui est proposé pour le crédit 40. Le gouvernement s’est engagé à rendre compte des affectations du crédit 40 en ligne, et je crois aussi peut-être dans des Budgets supplémentaires des dépenses ultérieurs, mais elles n’apparaîtront pas dans les crédits aux fins d’approbation. Elles n’apparaîtront qu’à titre d’information.
La réserve pour éventualités du gouvernement autorise des dépenses directes, mais elle limite la capacité du gouvernement d'y puiser sans demander une approbation officielle du Parlement, même rétroactive. Cette obligation d’obtenir une approbation marque une différence importante entre le crédit 5 et le crédit 40. La nécessité d'avoir une raison valable et impérieuse qui oblige le gouvernement à faire un paiement avant la prochaine période d’octroi de crédits figure sans doute dans une citation que je n'ai pas lue pour une question de temps, mais je renvoie mes collègues aux directives du Conseil du Trésor.
C’est justement pourquoi la Chambre approuve à l’avance une certaine somme d’argent au titre du crédit 5. Ce caractère urgent est une justification essentielle pour que le Parlement approuve le financement de programmes qui ne sont pas encore prêts. On ne peut pas créer des programmes pour répondre à des besoins imprévisibles, et si on peut démontrer qu’il est urgent de réagir à une situation inattendue, alors, il faut avoir la latitude voulue pour créer et financer un programme d’urgence. Il faut bien souligner que c’est tout à fait différent de ce qui est proposé au crédit 40.
Le crédit 40 est une approbation préalable de financement pour toutes les nouvelles initiatives budgétaires du gouvernement. Le gouvernement peut difficilement prétendre que toutes ses nouvelles initiatives budgétaires entrent dans la catégorie des mesures diverses et qu’aucune n’a sa place dans le processus habituel d’octroi de crédits ou encore que les besoins auxquels il se propose de répondre par ses nouvelles mesures sont imprévisibles. Le document budgétaire est un document prévisionnel qui propose des politiques pour faire face à des problèmes dont nous avons connaissance.
Cela ne veut pas dire que le budget le plus récent s’attaque à tous les problèmes importants dont nous avons connaissance, mais, par définition, il ne concerne pas des problèmes imprévus. Si les problèmes sont imprévus, ils ne devraient pas figurer dans le budget. S’ils sont dans le budget, c’est qu’ils sont prévisibles.
De plus, le gouvernement ne peut prétendre à un quelconque caractère d’urgence exceptionnelle en ce qui concerne ces mesures, puisqu’elles seront mises en œuvre au fil de l’exercice. Le gouvernement ne prétend pas le contraire. Il dit très ouvertement que la plupart des programmes pour lesquels il demande des fonds au titre du crédit 40 ne sont pas encore sur pied. Il y a divers exemples tirés du comité, mais je n'en parlerai pas pour l’instant. J’en ai mentionné quelques-uns vendredi dernier. Je vous y renvoie et je serais heureux d’en fournir d’autres, si vous le souhaitez, monsieur le Président.
Le et les membres de son équipe reconnaissent sans ambages que la plupart des programmes en question ne sont pas prêts. En fait, à ce jour, on en a seulement approuvé pour un montant de 220 millions de dollars, et rien ne montre qu’on attend des ministères qu’ils les mettent sur pied d’urgence.
Le crédit 5 prévoit une exception au processus habituel d'affectation de crédits pour des raisons et selon des modalités clairement définies. Or, les articles du crédit 40 ne répondent pas à ces critères, mais le gouvernement tente néanmoins d'employer une méthode similaire pour contourner le processus habituel d'affectation de crédits.
Il existe un dernier précédent qui pourrait être invoqué. Je crois qu'il est important de le souligner d'entrée de jeu. Je parle du crédit 35 du Conseil du Trésor qui figurait dans le budget présenté en 2009 dans le cadre de la 40e législature. Je pourrais lire le libellé du crédit, mais je vais m'en dispenser par souci d'économie de temps. Je vous signale, monsieur le Président, que le crédit 35 présente au moins deux caractéristiques qui le rendent fort différent du crédit 40 du budget de 2018-2019. Ce sont deux aspects distincts, mais interreliés. Soulignons d'abord que le crédit 35 adopté lors de la 40e législature avait une durée limitée. L'argent devait être dépensé entre le 1er avril et le 30 juin 2009. Autrement dit, ce crédit n'était pas conçu comme une nouvelle façon d'attribuer des fonds pour toutes les nouvelles initiatives budgétaires d'une année donnée et ne devait pas servir passivement à cette fin.
Ensuite, le gouvernement avait l'appui des libéraux, qui formaient l'opposition officielle à l'époque. Ils n'ont pas appuyé le crédit 35 pour en faire une nouvelle façon d'affecter l'argent aux mesures budgétaires. Ils l'ont fait parce qu'il y avait consensus parmi tous les partis: des mesures devaient être prises de toute urgence pour atténuer le choc de la crise économique de 2008.
Je vous renvoie, monsieur le Président, à quelques passages des Débats de la Chambre des communes où l'on peut voir l'importance de ce critère. Voici ce que disait le président du Conseil du Trésor, le ministre Vic Toews, dans le débat sur le crédit 35, le 24 mars 2009:
Notre plan arrive au bon moment, il est bien ciblé et il est temporaire [...] Faire ce qui doit être fait signifie réagir à une situation économique sans précédent au moyen de mesures extraordinaires [...] La conjoncture est exceptionnelle et nous ne pouvons pas attendre la période normale de crédits en juin pour verser des fonds à certains des projets prêts à démarrer.
Par ailleurs, voici ce que disait le député John McCallum, qui s'exprimait au nom des libéraux dans le même débat:
Dans le Budget des dépenses, le gouvernement demande que soit créé ce fonds spécial de 3 milliards de dollars sous le crédit 35 du Conseil du Trésor. Ces fonds pourraient être dépensés entre les mois d'avril et de juin de cette année. En principe, les libéraux n'y ont aucune objection, car nous sommes conscients que l'argent doit être alloué rapidement.
Un autre député libéral, Shawn Murphy, ajoutait ceci:
En raison de l’urgence de la situation, le gouvernement veut obtenir du Parlement l’autorisation de dépenser cet argent. Le Parlement s’est penché sur la question. Il en a débattu et a jugé la demande raisonnable. Nous allons lui permettre d’outrepasser la chaîne de responsabilité habituelle pour lui permettre de dépenser ces 3 milliards de dollars. En raison de la rapidité avec laquelle le public canadien veut que cet argent soit dépensé, il ne devrait pas y avoir de retard.
De toute évidence, le crédit 35 a été conçu comme un outil spécial qui permet de composer avec une crise économique rapidement, pendant une période clairement définie. L'existence de ce crédit ne justifie aucunement l'idée d'employer, en temps normal, un mécanisme similaire pour affecter des fonds à de nouvelles initiatives budgétaires.
En conclusion, je suis d'avis que le crédit d'exécution du budget ne respecte ni le mandat légal du Conseil du Trésor ni les pratiques et les procédures de la Chambre en ce qui concerne l'octroi de crédits. Si nous tenons à ce que le Parlement conserve réellement le droit de superviser les dépenses publiques et de les autoriser, il ne faut pas permettre que des mécanismes de ce genre deviennent chose courante. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le Président, d'ordonner que le crédit 40 soit retiré du Budget principal des dépenses.