La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
:
Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Étant donné que je viens tout juste de devenir membre du Comité permanent des pêches et des océans, il s'agit assurément d'une question importante pour moi, et il me tarde de débattre du projet de loi.
Le projet de loi apporterait un certain nombre de modifications au cadre permettant au gouvernement de désigner des zones côtières et océaniques comme étant des zones de protection marine, aussi appelées ZPM. Le ministère des Pêches et des Océans définit une zone de protection marine comme « fai[sant] partie de l'océan qui est légalement protégé et géré pour assurer la conservation à long terme de la nature ». Essentiellement, les ZPM interdisent ou limitent certaines activités en fonction de leur incidence sur les richesses écologiques protégées. Par conséquent, l'objectif général est la conservation: la conservation de l'environnement et des espèces au sein des zones protégées.
J'ai toujours appuyé les efforts visant à conserver les lacs, les rivières, les ruisseaux et les régions côtières. Je me permets une petite digression. J'ai collaboré avec un certain nombre d'associations de chasse et pêche de Bruce—Grey—Owen Sound afin de protéger la pêche en eau douce. De plus, je suis très fier de dire que c'est dans ma circonscription que se trouve le parc marin national Fathom Five. Établi en 1987, il a été le premier parc marin national. Il protège l'environnement local et permet à la population de profiter de certaines des eaux les plus propres et les plus claires jamais vues. Il s'agit d'un point de référence pour les efforts de conservation.
Les efforts de conservation sont essentiels pour protéger l'environnement. Cependant, ils doivent être menés de la bonne façon, avec un processus de consultation approprié, et ils doivent tenir compte d'un éventail d'enjeux divers, notamment les besoins écologiques précis de la zone de protection de même que les facteurs sociaux, économiques et culturels. J'ai peur qu'alors que le projet de loi vise à promouvoir la conservation, il n'accorde pas l'importance appropriée à l'éventail de facteurs devant être pris en compte dans le cadre de la détermination des zones de protection marine.
Il faut souvent plusieurs années pour qu'un secteur soit désigné zone de protection marine, car il faut consulter toutes les parties intéressées et procéder à une évaluation exhaustive des données scientifiques les plus récentes. Le projet de loi permettra au de désigner un secteur zone de protection provisoire, après quoi il disposera de cinq ans pour recommander que celle-ci devienne une zone de protection marine en bonne et due forme.
On voit tout de suite que ce projet de loi est là pour donner suite à la promesse que les libéraux ont faite pendant la campagne électorale et qui s'est par la suite glissée jusque dans les lettres de mandat du et de la . La plateforme des libéraux disait que, s'ils étaient élus, ils feraient passer la superficie des zones marines et côtières protégées à 5 % d'ici 2017 et à 10 % d'ici 2020.
Le projet de loi permettra effectivement aux libéraux de tenir plus aisément leur promesse, mais il y aura un prix à payer pour aller aussi vite en besogne. Une fois encore, le gouvernement établit son calendrier uniquement en fonction de ce qu'il a promis en campagne au lieu de se fier au gros bon sens. C'est peut-être bon sur le plan politique, mais cela fait de très mauvaises politiques publiques.
Par exemple, à partir du moment où un secteur est désigné zone de protection provisoire, ce sera très difficile de faire marche arrière. Une fois que le ministre aura décidé d'accorder une désignation provisoire à une zone, celle-ci sera visée par toutes sortes de restrictions, de règlements et d'interdictions durant pas moins de cinq ans. Que se passera-t-il si, au bout des cinq ans, on décide que la zone en question ne deviendra pas une zone de protection marine à part entière? C'est tout à fait envisageable, comme scénario. Selon moi, le gouvernement a fait exactement comme dans le vieil adage: il a mis la charrue devant les boeufs. Ce serait beaucoup plus efficace d'examiner d'abord l'ensemble des données disponibles, dans le cadre d'un processus rigoureux, au lieu d'adopter une approche à la va-comme-je-te-pousse où on désigne un secteur zone de protection temporaire avant même de procéder aux examens requis.
Tout cela, c'est à cause de délais arbitraires et volontaires qui sont déraisonnables et qui aboutiront à un processus expédié et, bien franchement, bâclé. Déjà, un grand nombre d'universitaires, de représentants de l'industrie et de groupes de pêche commerciale et sportive ont manifesté leur opposition à ces cibles. Ils disent que d'accélérer le processus ne fera qu'accentuer les préoccupations actuelles concernant le manque de consultation, de transparence et de fondement scientifique. Je veux souligner ce dernier point, car une section du projet de loi qui traite directement des connaissances scientifiques dans les décisions au sujet des zones de protection marine me préoccupe énormément.
Dans la sommaire du projet de loi , le paragraphe d) dit que le projet de loi prévoit « que le gouverneur en conseil et le ministre ne peuvent utiliser l’absence de certitude scientifique concernant les risques que peut présenter l’exercice d’activités comme prétexte pour remettre à plus tard l’exercice des attributions qui leur sont conférées [...] ou ne pas exercer ces attributions ».
Voilà qui est différent de ce que le gouvernement a dit dans certains cas, à savoir qu'il voulait fonder ses décisions sur des connaissances scientifiques. Cette mesure permettra de faire complètement fi de l'absence de connaissances scientifiques, ce que je n'arrive pas à comprendre. Essentiellement, cette disposition dit que, même s'il n'existe pas de données scientifiques concrètes montrant qu'une activité a un effet sur un milieu, le ministre ne peut pas invoquer cela comme motif pour reporter ou empêcher une désignation.
À l'instar de la plupart de Canadiens, je trouve cela étrange de la part d'un gouvernement qui tient mordicus à élaborer des politiques fondées sur des données probantes. Il est en train de dire que même s'il n'y a aucune preuve, par exemple, que les navires dérangent une zone locale, il va tout de même aller de l'avant pour interdire l'exploitation des navires dans une zone donnée. Cela n'a absolument aucun sens. De surcroît, rien n'indique que l'interdiction entraînera des avantages écologiques. Encore une fois, c'est une autre façon pour le gouvernement de respecter ses échéanciers arbitraires.
Au Comité permanent des pêches et des océans, nous avons entrepris d'étudier la question pour évaluer si les lignes directrices actuelles concrétisent les avantages prévus des zones de protection marine, pour évaluer les incidences sociales, économiques et environnementales, et pour garantir que les utilisations et les valeurs traditionnelles sont respectées lorsqu'il s'agit des zones de protection marine. Nous venons juste de commencer à écouter les témoins, cette session-ci. Mardi, les représentants de la Cruise Line International Association et de l'Administration de pilotage du Pacifique ont exprimé de sérieuses réserves sur les délais proposés et les incidences qu'ils auront sur leur industrie respective.
J'aimerais maintenant prendre le temps de souligner ce que des Canadiens ont essayé de faire comprendre au gouvernement tout au long du processus.
Ian MacPherson, de l'association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard, a déclaré:
[L'association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard] comprend la nécessité de protéger les milieux marins, mais les échéanciers serrés pour réaliser cet objectif nous préoccupent.
Nous pouvons voir un thème qui se dégage. Il a poursuivi ainsi:
La première étape qui est de désigner par décret ministériel une ZPM consiste à recueillir des données scientifiques, économiques, sociales et culturelles sur la zone en question. L'Île-du-Prince-Édouard est une petite province dont l'économie repose sur les petites collectivités de pêcheurs. Le déplacement des pêcheurs d'une collectivité à l'autre à la suite de la désignation d'une ZPM représenterait un virage économique pour l'île. Pendant tout le processus de consultation, les zones de pêche ont fait l'objet de discussion, mais ce ne fut pas le cas pour les données économiques à savoir comment une grande ZPM le long du petit littoral de l'Île-du-Prince-Édouard aurait des retombées sur l'île.
La pêche est un secteur vital pour nombre de collectivités de l'Île-du-Prince-Édouard. Il est crucial de protéger l'environnement, mais il faut le faire de façon responsable et prudente.
Par ailleurs, nous savons tous que les nouvelles modifications fiscales proposées par les libéraux vont changer les conditions économiques de l'île en ce qui concerne les petites entreprises et les entreprises de pêche locales. Soit dit en passant, pas plus tard que ce matin, au comité des pêches et des océans, les libéraux ont rejeté une motion des conservateurs visant à étudier les effets de ces modifications sur les petites entreprises de pêche et les entreprises qui comptent sur l'aquaculture. Évidemment, les ministériels ont tous voté contre la motion. Ils ne veulent pas parler des effets nuisibles qu'auraient ces modifications fiscales sur les pêcheurs et sur d'autres petites entreprises dans l'ensemble du pays.
Il ne fait aucun doute qu'un dispositif de protection doit être mis en oeuvre pour garantir la vitalité de nos cours d'eau à l'intention des générations futures. Nous le comprenons tous. Le Parti conservateur ne s'oppose pas à la création de zones de protection marine. D'ailleurs, dans le passé, nous nous sommes portés à la défense des écosystèmes marins en établissant trois zones de protection marine en vertu de la Loi sur les océans: la zone de l'estuaire Musquash, au Nouveau-Brunswick, celle du mont sous-marin Bowie, au large des côtes de la Colombie-Britannique, et la zone Tarium Niryutait, sur la mer de Beaufort. Je demande pardon à ceux qui viennent des régions concernées si j'ai mal prononcé les noms des zones.
De plus, le gouvernement précédent, formé par le Parti conservateur, a injecté 252 millions de dollars sur cinq ans dans son plan national de conservation pour protéger des terres écologiquement sensibles, pour favoriser les activités bénévoles de conservation et de restauration et pour renforcer les mesures de conservation marine et côtière.
Il est vital de pouvoir atteindre le juste équilibre entre la protection des habitats marins et celle des économies locales qui dépendent de la pêche commerciale et sportive. À l'instar de nombreux témoins ayant été entendus par le comité, je considère que le gouvernement libéral actuel n'a pas réussi à atteindre ce juste équilibre. Nous connaissons l'importance des poissons et des fruits de mer dans l'économie canadienne, sur les côtes des trois océans baignant le pays.
Sur les côtes des Grands Lacs aussi.
Là aussi. Le député de nous signale l'un de ses projets favoris, et c'est bien.
Le gouvernement conservateur, à l'époque, se concentrait sur l'exploitation accrue des marchés étrangers existants et la conquête de nouveaux marchés, tout en injectant des sommes considérables dans des domaines comme la recherche marine, les infrastructures portuaires, la viabilité de la pêche au homard, l'innovation en aquaculture et la participation des Autochtones. La pêche est le moteur économique des régions côtières rurales et éloignées. Elle représente des milliards de dollars pour l'économie du pays chaque année.
Plutôt que de consulter les populations susceptibles d'être les plus touchées par le plan de création de zones de protection marine du gouvernement, le ministre a choisi de procéder rapidement pour atteindre les objectifs à caractère politique que le gouvernement s'est lui-même imposés. Or, cette accélération dans la désignation des zones de protection marine risque d'avoir des conséquences désastreuses sous forme de pertes d'emplois et de fermeture de zone de pêche si la consultation véritable est sacrifiée sur l'autel de l'opportunisme.
Jim McIsaac, le directeur général du BC Commercial Fishing Caucus, a déclaré ceci:
Nous devons mobiliser les parties prenantes dès le début au lieu de les inviter à la fin du processus. Nous devons définir les objectifs visés et le processus devrait s'adapter à ces objectifs. Nous devrions construire des outils pour adapter le processus aux endroits et à l'échelle qui convient.
À l'heure actuelle, sur la côte Ouest, nous avons 10 ou 12 processus de ZPM. Il est impossible pour l'industrie de la pêche de participer à tout cela de manière globale. Il nous faut pouvoir siéger quelque part pour définir certains objectifs généraux. Sinon, ce sera peine perdue […] Il nous faut un moyen d'apporter toutes les connaissances disponibles.
Des consultations ne doivent pas être tenues dans l'unique but de cocher une case et de faire adopter des changements à toute vapeur. Les échanges qui avaient lieu au comité et dans les médias sont importants.
Ce ne seront pas uniquement les pêcheurs qui seront touchés par le projet de loi . Le projet de loi pourrait avoir des répercussions sur des projets d'exploitation des ressources et pourrait retarder indûment le processus d'approbation. Il autorisera également les activistes et les organisations non gouvernementales à faire du lobbying auprès du gouvernement afin d'obtenir une protection provisoire de zones précises, peu importe les données scientifiques sur lesquelles ils se fondent. Voilà en quoi consiste le principal problème du projet de loi. Sans consultations ou données scientifiques adéquates, le projet de loi pourrait avoir des répercussions négatives sur les zones de pêche, les activités maritimes et les projets d'exploitation des ressources pendant une période qui pourrait durer cinq ans.
Il est intéressant de constater que le ministre du Nunavut, Johnny Mike, a fait dans son discours à l’Assemblée législative du territoire une allusion précise au manque de consultation du gouvernement libéral par rapport au projet de loi . Il a dit ceci:
Les gens de Pangnirtung sont bien conscients du potentiel de nos zones extracôtières, qui sont utilisées à des fins économiques par des intérêts à l'extérieur du Nunavut.
En proposant ce projet de loi sur la gestion marine et la gestion de l'industrie pétrolière, le gouvernement semble tourner le dos à la population de Pangnirtung. En effet, le gouvernement fédéral n'a jamais mené de consultations auprès des habitants du Nord ou de mes concitoyens pour savoir s'ils ont des inquiétudes au sujet de ce projet de loi.
Je suis allé à Pangnirtung lorsque je présidais le comité des transports. C’est une belle petite collectivité située sur les rives du Nord-Est de l’île de Baffin. Nous y avons ouvert le premier port pour petits bateaux de l’Arctique. J’exhorte d’ailleurs les députés à y aller, s’ils en ont l’occasion. C’est une collectivité rurale éloignée dont les résidants dépendent énormément de l’eau. On ne saurait d’ailleurs trop insister sur la valeur qu’ils accordent à l’eau. C’est pourquoi ils veillent à sa qualité pour pouvoir continuer de pêcher pour eux et leur famille pendant des générations.
Cette absence de consultation de gens comme Johnny Mike et ses électeurs montrent que nous ne nous soucions pas vraiment de ce qu’ils pensent et que nous allons aller de l'avant de toute façon. Ce n’est pas comme cela qu’il faut procéder.
La plus grande partie de mon allocution devrait servir à démontrer que les libéraux imposent leur programme politique sans se soucier des personnes qui seront directement touchées par les changements. Les administrations locales, l'industrie et les entreprises familiales sont mises de côté. Le doit cesser de faire de la politique avec les pêches et proposer un plan véritable pour appuyer des emplois de qualité et bien rémunérés dans les collectivités côtières. On ne devrait pas punir les gens qui veulent élaborer un plan équitable et favorable à l'environnement, aux océans, aux rivières, aux lacs et aux cours d'eau.
Au lieu de précipiter l'adoption du dangereux projet de loi à l'étude, nous devrions collaborer avec les groupes qui souhaitent manifestement prendre part au processus. Nous devrions prendre notre temps, étudier les données scientifiques et inviter les intervenants à participer véritablement. Déterminons ce qui a bien et moins bien fonctionné. Faisons en sorte que les décisions concernant le projet de loi sont fondées sur une consultation digne de ce nom. Si nous allons de l'avant avec les zones de protection marine provisoires sans procéder ainsi, il se pourrait que le processus se révèle plus long et que des répercussions imprévues causent du tort à ces zones.
J'exhorte le ainsi que les 30 autres députés du Canada atlantique à réexaminer le projet de loi et à prendre le temps de bien faire les choses. Nous connaissons tous la valeur du secteur des poissons et des fruits de mer dans l'Est et dans l'Ouest du Canada. Dans l'intérêt des gens de leur région, ils devraient prendre la parole sur ce sujet et faire ce qui s'impose pour mener une véritable consultation.
En conclusion, je citerai un point qu'ont présenté des universitaires par le passé à propos des zones de protection marine. L'article en question soulève des inquiétudes par rapport à la désignation trop hâtive de telles zones. On peut y lire ceci:
Dans le cas des zones de protection marine, il est important de bien comprendre les données scientifiques en matière de conservation qui sous-tendent la protection marine, plus précisément en ce qui concerne le fondement factuel et les conséquences à long terme. Le fait de ne pas prendre en compte ces données pourrait mener les gestionnaires de ressources et les décideurs politiques à prendre des décisions mal avisées à propos des zones de protection marine, qui présenteront alors une mauvaise conception et un piètre rendement.
En terminant, j'exhorte le gouvernement à écouter ce conseil. Il faut cesser d'imposer des dates limites arbitraires, abandonner les désignations provisoires et veiller à ce que les zones de protection marine soient fondées sur des consultations exhaustives et un examen complet de toutes les données scientifiques.
Si le gouvernement apporte les amendements appropriés au projet de loi, il pourrait obtenir beaucoup plus d'appui que le ministre l'aurait pensé. Cependant, tant que ce ne sera pas fait, je voterai contre le projet de loi.