Passer au contenu
Début du contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 23 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous allons commencer avec l'avis de motion transmis lundi par Mme Harder.
    Nous vous cédons la parole, madame Harder.
    Fantastique. Merci beaucoup.
    Un avis de motion a été présenté lundi, visant la relocalisation des femmes yézidies au Canada. Comme vous le savez, le gouvernement a accepté d'accueillir un certain nombre de femmes et de filles yézidies. Je pense qu'il serait dans l'intérêt de ces femmes et de ces filles, mais également de l'ensemble de notre pays, de bien nous préparer à cet accueil.
    La motion se lit comme suit:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, et compte tenu de l'engagement du gouvernement à accueillir les survivants yézidis au Canada, (i) le Comité étudie les mesures que le gouvernement pourrait prendre pour soigner les traumatismes vécus par les femmes et les filles yézidies qui ont survécu à l'esclavage sexuel; (ii) le Comité examine le programme de l'Allemagne visant les femmes et les filles yézidies afin de déterminer les meilleures pratiques pour composer avec ces traumatismes; (iii) que le Comité consacre au moins deux (2) réunions à cette étude avant la fin du délai de 120 jours; et que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
    Très bien.
    Monsieur Fraser.
    Je sais que nous avons fixé le programme très récemment. Je crois également que le comité de l'immigration se penche sur un sujet très semblable.
    Dans le but de poursuivre la réunion et en tenant compte de nos témoins, je propose que la question soit maintenant mise aux voix.
    S'il n'y a plus de discussion, la question sera mise aux voix.
    Êtes-vous tous d'accord?
    J'invoque le Règlement. Il y a une liste d'intervenants.
    Nous entendrons les orateurs et nous passerons ensuite au vote.
    Madame Malcolmson.
    C'est une motion que j'ai appuyée en Chambre, mais je constate que le Comité n'a pas l'expertise pour en faire l'étude. Je comprends que le comité de l'immigration étudie la question. Si tant est que cela soit possible, le sous-comité des droits de la personne pourrait en faire l'examen.
    Le Comité ayant rejeté ma motion visant à étudier le financement des refuges pour femmes victimes de violence, j'aimerais de loin prioriser ce sujet plutôt que d'entreprendre ce travail pour lequel nous n'avons pas l'expertise et compte tenu qu'il existe des groupes plus compétents pour ce faire.
    Nonobstant le fait que j'appuie entièrement l'accueil de femmes yézidies, je ne pense pas que nous soyons expérimentés pour débattre de la question, en tout respect.
    Madame Vecchio.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de vos observations. Pour rétablir les faits concernant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, j'ajouterai que ce n'est pas sa priorité de se pencher sur ce sujet. Je pense que pour nous, qui traitons de la question des agressions sexuelles comme nous le faisons aujourd'hui même, c'est vraiment important de le reconnaître. J'ai travaillé au début à la préparation de cette motion en considérant qu'il s'agissait globalement d'un sujet lié à l'immigration, mais ma proposition a été refusée parce qu'on pensait que le comité de la citoyenneté et de l'immigration l'étudierait. J'ai vérifié tout cela et parlé aux membres du comité de la citoyenneté et de l'immigration qui n'en fait pas l'étude. Je pense qu'il est inexact de penser que d'autres font le travail.
    Il s'agit de traiter exactement de la question dont nous traitons aujourd'hui, celle de l'agression sexuelle. Nous devons reconnaître que ces victimes viennent d'un autre pays. Elles sont déjà des victimes, à un point tel que l'on ne peut imaginer. Nous devrions en faire une priorité. Je pense que cela vaudrait vraiment la peine d'attendre, de faire un effort et de prendre une journée ou deux pour étudier la question.
    De plus, nous les amenons ici et pourtant nous n'allons pas leur offrir tout ce qui est nécessaire. Je pense que nous devons nous assurer que les moindres actions mises en place par le gouvernement nous permettront de bien les évaluer et de leur offrir l'aide dont elles ont besoin.
    Nous sommes saisis de la motion. Nous demandons le vote.
    Êtes-vous tous d'accord?
    (La motion est rejetée.)
    La présidente: Nous passons maintenant à nos témoins d'aujourd'hui.
    J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Julie Neubauer, de Covenant House Toronto et à Bonnie Brayton, du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada.
    Mesdames, vous disposerez chacune de 10 minutes pour faire votre exposé. Nous passerons ensuite à notre série de questions.
    Nous allons commencer avec vous, Julie.
    Merci beaucoup. C'est pour moi un honneur d'être ici cet après-midi et d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent de la condition féminine au nom de Covenant House Toronto. Mon nom est Julie Neubauer et je suis la directrice des services aux victimes de la traite des personnes au sein de cet organisme.
     Covenant House est le plus important organisme d'aide aux jeunes itinérants du Canada. Il change des vies en offrant sous le même toit une large gamme de services et de soutien. En tant que chef de file au pays, nous informons et nous luttons pour améliorer la vie des jeunes à risque, sans-abri et victimes de la traite de personnes en influençant les politiques publiques et en fournissant des programmes de prévention et de sensibilisation. Plus qu'un simple hébergement, Covenant House offre quotidiennement, et en tout temps, à près de 250 jeunes, un refuge, un placement en logement de transition et des services complets, notamment d'éducation, de consultation, de soins de santé, d'aide à l'emploi, de formation professionnelle et de suivi.
    Les jeunes qui se tournent vers nous sont âgés de 16 à 24 ans et proviennent de tous les milieux culturels et socioéconomiques. La plupart d'entre eux ont fui leur foyer ou ont été obligés de le quitter en raison d'abus physiques, sexuels ou émotionnels, voire de négligence.
    Bon nombre des jeunes femmes auxquelles nous apportons notre soutien ont été victimes de violence sexuelle dans leur foyer ou dans la rue. Nous accueillons de plus en plus de jeunes femmes victimes d'exploitation et de trafic sexuels. Bien que les jeunes sans-abri soient exposées au trafic de personnes, les jeunes femmes et les filles peu méfiantes sont attirées dans les centres commerciaux, les cours d'école et sur Internet.
    Comme vous le savez peut-être, le trafic sexuel est le type le plus courant de traite de personnes au Canada et est un crime commis le plus souvent à l'échelle nationale. Des recherches menées en Ontario ont montré que 90 % des victimes sont des femmes, la plupart canadiennes, âgées de 13 ans pour les plus jeunes et de 17 ans en moyenne. Le parcours de ces jeunes femmes pour se sortir de ce cauchemar de violence et de dégradation est long et difficile.
    À Covenant House, nous entendons souvent des jeunes filles que nous accueillons raconter comment elles se sont laissé convaincre ou ont été forcées de se prostituer par leur petit ami. La romance cède rapidement place à la violence et elles sont terrifiées à l'idée de s'en aller. Les trafiquants suivent un modèle connu de manipulation et de contrôle psychologiques: ils trompent, séduisent, conditionnent puis terrorisent les victimes.
    Une étude récente a démontré que plus du tiers des victimes ont été recrutées par des hommes qu'elles estimaient être leur petit ami. Dans 25 % des cas, elles ont été trompées par des amies, le plus souvent victimes elles-mêmes.
    Au cours des quatre dernières années, Covenant House a amélioré les services offerts à ces victimes et renforcé son rôle de militant contre ce crime horrible. En 2015, nous avons lancé un programme exhaustif de lutte contre le trafic de personnes, appelé « Urban Response Model », en vue de répondre au problème du trafic sexuel. Il repose sur trois piliers principaux: la prévention et l'intervention précoce, les services directs aux victimes et l'apprentissage et le transfert de connaissances.
    Le pilier prévention et intervention précoce permet d'offrir des programmes qui s'adressent directement aux filles à risque ainsi qu'aux organismes et aux entreprises susceptibles d'être en contact avec une victime, comme les hôtels et les taxis. Il s'agit d'un plan de grande envergure qui comprend des formations et de l'information communautaire ainsi qu'un programme de sensibilisation multimédia étayé par des ressources et des outils en ligne.
    Notre modèle inclut également des programmes et des services exhaustifs adaptés aux traumatismes subis et destinés aux victimes de trafic sexuel, qui mettent l'accent sur les étapes du rétablissement, de l'intervention d'urgence à une vie autonome, en passant par une phase de stabilisation.
    Grâce à un financement municipal, notre refuge compte deux lits d'urgence réservés aux femmes victimes de trafic sexuel, une première à Toronto. De plus, l'ouverture en septembre du premier programme de logement de transition pour femmes survivantes de trafic sexuel nous a procuré une grande fierté. Appelé Rogers Home, il s'agit d'un programme novateur qui offrira à sept résidentes un logement stable pendant deux ans au plus, une formation aux aptitudes à la vie quotidienne, des services de consultation liée aux traumatismes subis et d'autres services d'aide en vue d'épauler ces jeunes femmes sur le chemin du rétablissement.
    Bien que la traite de personnes, et particulièrement le trafic sexuel, constitue depuis longtemps un problème social urgent, ce n'est que récemment qu'elle a suscité un intérêt accru de la part du public, du gouvernement et des milieux de la recherche. À ce jour, très peu d'études ont visé à définir des pratiques prometteuses qui permettent de travailler avec de jeunes victimes. C'est pourquoi le troisième pilier de notre modèle s'intitule « apprentissage et transfert de connaissances ». Covenant House participera à un projet quinquennal d'évaluation et de recherche en vue de cerner les pratiques qui fonctionnent et celles qu'il convient de revoir, d'établir des partenariats qui permettront de fournir un ensemble coordonné de services, et de déterminer si notre modèle fait une différence. Nous mettrons également sur pied un centre d'excellence en ligne afin de faire connaître nos conclusions à grande échelle.

  (1535)  

    La collaboration est un facteur de réussite clé pour lutter contre le trafic sexuel et offrir des services et un soutien de qualité aux victimes. C'est pourquoi Covenant House a noué de solides partenariats avec les services de police de Toronto, les prestataires de services de santé mentale et de toxicomanie, les services aux victimes, la Ville de Toronto, la province de l'Ontario et la communauté autochtone en vue de mettre en place l'« Urban Response Model ».
    Covenant House recommande au Comité permanent d'étudier le problème urgent de la violence faite aux jeunes femmes et aux filles. Ce faisant, nous vous encourageons également à examiner la question du trafic sexuel dans vos délibérations et à identifier les mesures à mettre en oeuvre au Canada pour lutter contre ce crime. Il est important d'apporter une réponse exhaustive au trafic sexuel, et notamment des initiatives visant à éviter que les filles et les jeunes femmes soient trompées, des services d'aide aux victimes, des formations et de l'information destinées aux partenaires communautaires, enfin des outils renforcés d'application de la loi permettant au système de justice de lutter contre ces crimes.
    Je vous remercie une fois de plus de m'avoir donné l'occasion de faire connaître le travail entrepris par Covenant House pour mettre un terme au trafic sexuel et offrir de l'aide et des services améliorés aux victimes. Nous collaborons étroitement avec le gouvernement du Canada pour répondre aux besoins des jeunes à risque, sans-abri et victimes du trafic de personnes et pour les soutenir.
    Je suis impatiente d'entendre vos questions.

  (1540)  

    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous cédons maintenant la parole à Bonnie Brayton, directrice nationale du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada.
    Vous avez 10 minutes.
    Pour commencer, j'aimerais tout d'abord souligner que nous vivons une période de vérité et de réconciliation ici au Canada avec nos soeurs et nos frères autochtones et également reconnaître que nous sommes réunis aujourd'hui sur le territoire de la nation algonquine.
    J'aimerais également remercier le Comité de nous avoir réunis ici aujourd'hui et d'entreprendre cette importante étude sur la violence faite aux femmes. DAWN-RAFH est un organisme pancanadien de lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes handicapées et il est le seul organisme, depuis plus de 30 ans maintenant, qui axe son action sur la réponse à apporter aux situations de violence.
    Il est également important de reconnaître qu'en dépit de tous nos souhaits, ce sont les filles qui sont le plus à risque d'être victimes de violence, oui, les filles et parfois les jeunes filles. Permettez-moi de rappeler au Comité que les jeunes femmes et les filles les plus à risque sont celles qui vivent avec un handicap ou qui sont sourdes. Elles sont jusqu'à trois fois plus à risque, une réalité que DAWN-RAFH Canada et le Comité doivent considérer comme inacceptable et doivent aborder avec le même sentiment d'urgence qui nous a finalement poussés à nous occuper de la situation déplorable vécue par les femmes autochtones.
    Comme toujours, DAWN-RAFH Canada vient témoigner devant ce comité en adoptant une perspective intersectorielle qui englobe toutes les incapacités, visibles ou non, mais en parfaite connaissance du fait que certains facteurs augmentent grandement le risque, notamment le type de handicap, le fait d'être autochtone, d'être une femme de couleur, de vivre avec une limitation fonctionnelle.
    Même si nous avons amélioré notre collecte de données sur ces questions et que la ministre Hajdu s'est penchée sur le problème dans le cadre de sa stratégie nationale, nous devons travailler avec des données très limitées, par exemple en ce qui concerne notre cohorte et les femmes et les filles autochtones. Nous savons que le taux de handicap chez les femmes autochtones est le plus élevé et se situe quelque part entre 25 et 35 % à tout le moins.
    Nous souhaitons exprimer notre profonde déception et notre inquiétude quant à l'absence d'effort réel d'inclusion dans l'enquête des femmes et des filles autochtones ayant un handicap, qu'il soit connu, diagnostiqué ou non. Nous exhortons le Comité à inclure cet enjeu dans ses recommandations.
    La discrimination fondée sur la capacité physique est en soi une forme de violence contre les femmes, tout comme le racisme. La discrimination systémique fondée sur la capacité physique est fort répandue, tout comme le racisme systémique. Ce n'est pas volontaire, ce n'est pas voulu, mais c'est omniprésent, et notre organisme travaille très fort à résoudre ces problèmes.
    Sarah Stott est décédée il y a quelques mois. Nous ne connaissons pas hors de doute la cause de son décès. Toutefois, nous pouvons penser qu'une société fondée sur la capacité physique qui accorde moins de valeur à ceux qui ont des aptitudes différentes n'est pas sans blâme quant à la raison et à la façon dont cette jeune femme est décédée. Elle a survécu après avoir été frappée par un train et après avoir souffert d’hypothermie sévère, et ensuite soutenue par une famille aimante et une communauté qui a aidé à réunir des fonds pour qu'elle puisse avoir son propre logement adapté à ses besoins et sa propre voiture. Nous pouvons émettre l'hypothèse que, nonobstant tout cela, Sarah ne se sentait tout simplement pas valorisée. Malgré tout l'amour et le soutien de sa communauté, le monde extérieur n'était pas prêt à l'accueillir, ce monde dont tellement de jeunes femmes aspirent à faire partie intégrante.
    Notre projet le plus récent, financé par Condition féminine Canada, se nomme « Législation, politiques et services répondant à la violence envers les femmes handicapées et les femmes sourdes ». C'est le résultat de trois années de consultations dans la collectivité auprès de femmes handicapées dans 13 localités au Canada. Elles sont fatiguées de partager leurs histoires et de répéter encore et encore qu'elles ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin.
    Nous avons entrepris ce projet au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique et nous avons déjà commencé à observer les signes indéniables attestant des énormes lacunes dans les politiques et les prestations de programmes visant les femmes et les filles vivant avec un handicap. Les politiques, s'il y en a, tendent à être élaborées en réaction; les lois concernant les personnes ayant un handicap — la Loi sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario est en vigueur depuis 10 ans —, ne sont pas appliquées dans une perspective de genre; et toutes les politiques qui semblent bien fondées ne sont en général que des politiques bien rédigées, sans défenseurs, sans financement, et par conséquent, il n'y a aucun programme ni aucun service qui réponde spécifiquement à nos besoins. Les résultats ne sont donc pas au rendez-vous.
    Dans un monde où la haute technologie et les médias sociaux sont omniprésents, les filles ayant une limitation fonctionnelle sont les plus à risque d'être intimidées ou d'être exploitées en ligne. Malgré les possibilités inouïes qu'offre la technologie en matière de soutien aux femmes et aux filles vivant avec un handicap, il n'y a encore aucune loi ni politique en vigueur pour protéger nos jeunes femmes dans cet environnement en constante évolution qui domine la culture de la jeunesse actuelle.
    Pour revenir à mes observations préliminaires, j'ajouterai que les taux de violence sexuelle, de violence physique, de violence verbale et de violence systémique envers les jeunes femmes et les filles ayant une limitation fonctionnelle sont au moins trois fois plus élevés que dans la population générale. Si nous avions le courage, en tant que pays, de vraiment étudier l'exploitation sexuelle des enfants et d'en recueillir les données, nous verrions de nouveau des taux alarmants d'abus sexuels parmi les fillettes vivant avec un handicap.

  (1545)  

    L'année dernière, la CBC a révélé un incident qui a retenu peu d'attention à l'échelle nationale: une jeune femme ayant une déficience intellectuelle a été agressée sexuellement dans un autobus du réseau de transport en commun de Winnipeg, alors que sa travailleuse de soutien, assise deux rangs devant elle, écoutait de la musique sur son iPod. Nous sommes confrontées à de telles situations dans notre travail avec les jeunes femmes ayant une déficience intellectuelle. Ce qu'elles nous répètent avec insistance, c'est qu'elles ont besoin d'être renseignées de façon appropriée sur leurs droits liés à la procréation et leurs droits en matière de sexualité. Elles ont besoin de recevoir le soutien requis pour les protéger et faire respecter leurs droits.
    J'ai deux données importantes à partager avec vous aujourd'hui, tirées d'une étude récente sur les femmes détenues en Ontario. Quels sont les deux points que toutes ces femmes ont en commun? Encore une fois, 40 % de toutes les femmes incarcérées en Ontario déclarent avoir été victimes d'abus sexuels durant leur enfance ainsi que de traumatisme cérébral.
    Que faisons-nous à DAWN-RAFH Canada? Je suis très fière de vous annoncer aujourd'hui notre récent partenariat prometteur avec la Fondation filles d'action, dont le financement pour les quatre prochaines années est assuré par une subvention de la Fondation canadienne des femmes. Durant les quatre prochaines années, la collaboration entre la Fondation filles d'action et DAWN-RAFH Canada sera axée sur les programmes destinés aux filles âgées de neuf à treize ans, afin d'inclure les filles ayant un handicap et les filles sourdes dans les programmes ordinaires offerts aux filles. C'est le projet positif le plus prometteur selon le principe « Donnez au suivant » que nous avons réalisé à ce jour et il est très important parce qu'il concerne notre avenir, celui des filles handicapées qui deviendront des leaders sûres d'elles.
    Cette façon d'assumer la direction, d'endosser nos responsabilités envers toutes les filles, manque cruellement ailleurs. Au moment où je prends la parole aujourd'hui devant vous, je peux vous assurer qu'il n'y a qu'un petit nombre, je dis bien un tout petit nombre, de groupes d'entraide pour les femmes ayant une limitation fonctionnelle, et aucun groupe pour les filles ou les jeunes femmes dans cette situation. Il n'y a rien pour celles qui subissent les taux les plus élevés de violence. Comment cela est-il possible?
    Nous sommes tous réunis ici aujourd'hui et nous devons — chacun de nous au Canada —, faire mieux. Cela relève de notre responsabilité commune, une responsabilité que nous devons partager. Croyez-moi, ce n'est pas uniquement le travail de DAWN-RAFH Canada; il concerne chacun d'entre nous.
    Je me présente devant vous aujourd'hui sans avoir déposé un mémoire parce que mon organisme fonctionne déjà tous les jours au-delà de ses capacités, et ce, depuis plus de 30 ans. Un mémoire et l'évocation d'un plus grand nombre de faits ne devraient pas être requis pour vous faire agir aujourd'hui. Tous les instruments de défense des droits de la personne, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et toutes les études sur l'application par le Canada des conventions en matière des droits de la personne indiquent que le Canada manque à ses obligations envers les femmes et les filles vivant avec un handicap. Selon l'Organisation mondiale de la santé, nous sommes le plus important groupe minoritaire au monde. Selon le rapport le plus récent de la Commission des droits de la personne en 2015, près de 60 % des plaintes déposées concernaient une question de handicap.
    Madame la ministre Qualtrough a été chargée d'élaborer une loi sur l'accessibilité à travers le Canada, de concert avec vous durant les deux prochaines années. Elle, moi et les millions de jeunes femmes et de filles vivant avec un handicap au Canada, nous avons toutes besoin de votre soutien et de votre engagement.
    Je ne peux être plus fière du fait que le Canada ait enfin compris et assume la pleine responsabilité collective de l'exclusion des peuples autochtones et des torts qui leur ont été infligés. Je demande aujourd'hui au Comité permanent de la condition féminine et à tous ses membres d'en faire de même pour les jeunes femmes et les filles vivant avec un handicap.
     Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre période de questions. Il y aura des questions posées en anglais et en français. Je vous invite donc à mettre vos écouteurs si vous avez besoin de l'interprétation.

[Français]

    Je souhaite la bienvenue à M. Arseneault, qui se joint à nous aujourd'hui.
    Nous allons commencer par Mme Nassif.
    Madame Nassif, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente. Je vais formuler mes questions en anglais, cette fois. Je sais que vous faites cela pour moi, car normalement je les pose en français.
    Je voudrais remercier nos deux témoins de nous avoir parlé de leur travail, aujourd'hui, mais ma première question s'adresse à Mme Brayton.
    Vous avez mentionné qu'environ 40 % des femmes envoyées en prison avaient subi un traumatisme crânien. La moitié d'entre elles, apparemment, l'auraient subi avant de commettre leur premier délit.

  (1550)  

    C'est exact.
    Je vais citer un court passage de cette étude, puis vous poser deux brèves questions. Julie pourra compléter la réponse, si elle le désire.
    J'aimerais bien, madame la présidente, partager mon temps avec M. Fraser, s'il m'en reste.
    Donc la moitié de ces femmes auraient subi leur traumatisme crânien avant de commettre leur premier délit. Je vais vous lire le passage, puis je poserai ma question. Vous dites:
Notre recherche nous a amenés à constater une différence marquée entre les sexes. Les femmes détenues ayant subi un traumatisme crânien étaient, comparativement aux hommes détenus, beaucoup plus susceptibles d'avoir subi de la violence physique ou sexuelle dans leur enfance. Pour l'instant, nous savons peu de choses sur la façon dont les traumatismes crâniens touchent les femmes dans le système correctionnel. La présente étude signale la nécessité de poursuivre la recherche et d'avoir des programmes portant sur les traumatismes crâniens et d'autres sur la santé mentale des personnes qui risquent d'être incarcérées.
    C'était en 2014. J'aurais aimé que vous puissiez nous parler un peu de la nature des services actuellement offerts à ces personnes, s'il y en a: quels genres de services elles devraient recevoir, et dans quelle mesure il est difficile pour ces femmes de revenir dans la société et de non seulement y fonctionner normalement, mais de ne pas devenir des victimes de maltraitance à répétition à cause de ce qu'elles ont vécu, le tout étant associé au risque de handicap.
     J'apprécie que vous ayez pris le temps de lire attentivement cette étude. C'est le fruit d'un important travail, et je suis contente que vous posiez ces questions.
    Pour exprimer les choses clairement, disons que nous criminalisons des femmes souffrant d'un handicap. C'est ce que nous faisons du côté de la population itinérante. D'ailleurs, la chercheuse qui a réalisé cette étude, la Dre Angela Colantonio, a mené une intéressante étude sur les sans-abri de Toronto. Relativement aux travaux faits récemment par la Dre Colantonio et ses collègues, je pense qu'il est important de vous faire part d'une autre donnée, car elle touche les mêmes questions. De 35 à 80 % des femmes qui se trouvent dans les refuges et les maisons de transition ont subi un traumatisme crânien. Oui, oui: entre 35 et 80 % de toutes ces femmes. Il n'y a ni diagnostic ni dépistage. Beaucoup de femmes se promènent en ayant des lésions cérébrales non diagnostiquées.
    Je crois que, lorsqu'on remonte à la source de cette situation, on comprend que le taux de violence à l'égard des femmes l'explique. Les femmes se font étouffer. On les gifle. On les bat. On leur inflige des blessures. Et rappelons que ce ne sont pas des blessures qui font l'objet d'un dépistage. Elles se présentent à l'hôpital. Or, le dépistage d'un traumatisme crânien coûte cher. On ne le fera pas faire comme si cela faisait partie des normes de pratique, à moins que le gouvernement et le Parlement soient d'accord pour dire qu'il faut devenir beaucoup plus proactif, non seulement par rapport aux lésions cérébrales dans les sports, mais aussi relativement aux types de lésions cérébrales que les femmes subissent à cause du taux élevé de violence à leur égard qui prévaut au pays. Dans le contexte dont il est question, c'est un fléau.
    Je pourrais vous montrer les chiffres comparant les lésions cérébrales aux autres types de handicaps... Mais rappelons que DAWN s'intéresse à tous les handicaps: je ne défends pas particulièrement les lésions cérébrales. Cependant, compte tenu du contexte particulier que nous abordons ici, soit celui des femmes en prison, des femmes sans abri et bien sûr des femmes dans l'industrie du sexe, on a souvent affaire à des femmes présentant des lésions cérébrales non diagnostiquées.
    Je vois ma collègue Julie qui hoche la tête, car je sais qu'elle le voit bien chez les personnes qui se présentent dans sa superbe ressource.
    Relativement à ce qu'il faut faire, nous devons nous attaquer au coeur du problème. Nous devons nous assurer qu'une partie du financement actuellement dirigé vers les lésions cérébrales liées au sport et ailleurs est réorientée, ou qu'on propose du financement additionnel. Je rappelle que le principal problème à régner au pays, c'est la violence contre les femmes. Plus de 50 % des femmes qui passent par les maisons de transition et les refuges traversent ce système sans recevoir le soutien qui leur est nécessaire.
    Je ne montre pas du doigt les maisons de transition et les refuges. Je parle d'un système déficient dans ses plus hautes sphères. Nous n'avons pas encore cerné l'envergure de ce problème. J'irais plus loin en disant que l'une des choses que nous commençons vraiment à voir — et cela fait partie des éléments que la recherche de la Dre Colantonio a permis de constater —, c'est qu'il y a des liens entre la forte incidence de maladie d'Alzheimer chez les femmes et la violence.
    C'est le genre de recherche à laquelle il faudra associer des études longitudinales commençant par suivre tout au long de leur vie des femmes ayant subi des lésions cérébrales. Je comprends qu'on a fait de ces recherches dans d'autres pays. Il existe sûrement d'autres recherches que je pourrais signaler. Je serais heureuse de mettre à la disposition du Comité davantage de matériel de recherche ainsi que des recommandations officielles, de même qu'un groupe d'experts, qui devraient participer à cette discussion.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir soulevé cette question. Il est très important de nous attarder là où se trouvent les problèmes systémiques et d'ainsi voir où sont les solutions systémiques.
    Vous avez mentionné un pourcentage élevé de 35 à 80 % des femmes souffrant de lésions cérébrales. J'étais sur le point de vous demander s'il existe des programmes ailleurs dans le monde qui ont réussi à intégrer des femmes ayant subi un traumatisme crânien et à leur procurer des services appropriés. Auriez-vous de l'information à nous transmettre là-dessus?

  (1555)  

    À ce que je sache, il n'y en a pas. Chose certaine, il se fait actuellement de la recherche, comme je l'ai mentionné. Je pense que, sur ce point, les Canadiens et le gouvernement du Canada ont une occasion de montrer l'exemple. Nous avons fait figure de chef de file dans la lutte contre la violence faite aux femmes, et je crois qu'on a là un sujet sur lequel il faut se pencher de beaucoup plus près. Il faut consacrer davantage de ressources afin de passer des données qualitatives aux données quantitatives, de manière à pouvoir y affecter le niveau approprié de ressources.
    C'est beaucoup plus gros que ce que l'on pensait. La recherche sur les maisons de transition et les refuges dont je vous parle est très récente. C'est une confirmation de cette autre preuve selon laquelle nous ne nous occupons pas vraiment des lésions cérébrales à leur point de départ, qu'il s'agisse d'un accident de la route ou de la violence. J'ai reçu beaucoup de femmes handicapées dans mon bureau, des femmes qui sont venues me voir. Une femme que je connais a eu un accident de la route. Elle a ensuite perdu son emploi, puis sa relation de couple et elle s'est finalement retrouvée sans abri et dans une très mauvaise posture. C'est arrivé parce qu'on n'a pas repéré cette femme dès le départ. Et elle avait reçu un diagnostic.
    Très bien. C'est tout le temps dont vous disposiez.
    Nous passons maintenant à M. Vecchio. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vais d'abord parler de la Covenant House, à Toronto. Je viens de la région de London et je sais qu'il s'y est fait beaucoup de travail en collaboration avec Megan Walker et le Centre pour femmes victimes de violence de London de même qu'avec une ex-députée, Joy Smith, qui a beaucoup travaillé dans le dossier du trafic sexuel.
    Je pense qu'une partie du problème est liée au fait qu'on pense que c'est quelque chose qui se passe à l'étranger, même si cela arrive pourtant ici, au Canada. Je me demande dans quelle mesure le trafic sexuel est effectivement une réalité au Canada et si vous avez des chiffres sur le sujet. Relativement au problème du trafic sexuel, quelle est l'ampleur du commerce du sexe au Canada? Nous pourrions peut-être voir ce qu'il en est et comparer avec d'autres pays.
    Je vais vous laisser continuer dans cette veine, car Marilyn Gladu, notre présidente, et moi-même étions justement avec l'ambassadeur des États-Unis à l'ambassade américaine, il y a environ deux semaines, et nous avons regardé des études sur le trafic sexuel faites par le Département de la Sécurité intérieure des États-Unis.
    Donc, si vous voulez bien, je vous invite à aborder librement ces deux sujets.
    Premièrement, je vais aborder le mythe voulant que ce soit un problème qui se passe à l'étranger, dans des pays comme la Thaïlande et des endroits similaires. Cela n'empêche pas que ces choses se passent effectivement dans ces endroits, mais je crois que 90 % des cas que nous recevons à la Covenant House de Toronto sont liés à des gens d'ici. Ce sont, par exemple, des jeunes de London. Megan et moi, nous voyons pas mal les choses de la même manière et nous travaillons pas mal dans le même sens. Ce sont des jeunes de Sault Ste. Marie. Ou encore de la Nouvelle-Écosse.
    Accessoirement, je pourrais vous parler de plein de cas. Des 86 cas distincts dont nous nous occupons actuellement, il n'y en a peut-être que quatre qui touchent des personnes nées à l'extérieur du Canada, et il s'agit généralement de femmes arrivées de l'étranger, qui se sont retrouvées mariées de force ou en proie à de la violence commise au nom de l'honneur.
    Les jeunes femmes que nous voyons sont déplacées d'un bout à l'autre du Canada. Comme je le disais, elles peuvent faire leur entrée dans le monde du trafic humain à Barrie, puis on les emmène à St. Catharines, et ensuite à Windsor, des différents clubs de danseuses aux hôtels en passant par des condos un peu partout en Ontario. Nous avons constaté une augmentation du nombre de jeunes femmes en provenance du Québec, de la Nouvelle-Écosse, et il y a de plus en plus d'implication avec les activités des gangs de rue dans ces deux provinces, de même qu'en Ontario.
    Je le répète, je trouve que Laurie Scott et bon nombre des programmes et campagnes qui identifient le problème utilisent les bons termes en disant par exemple « cela se produit sous nos yeux » et « la fille d'à côté », et c'est tout à fait exact. À la Covenant House, comme nous sommes un organisme qui dessert depuis 34 ans une tranche de population vulnérable et à risque, l'essentiel de notre expérience était, jusqu'à il y a six ans, surtout auprès d'une certaine clientèle de jeunes femmes qui venaient à nous après avoir connu une famille atypique et brisée. Or, nous voyons de plus en plus de femmes et de parents de jeunes qui nous appellent pour avoir une consultation ou une place en centre d'hébergement. Parfois, les deux parents à la maison gagnent un revenu modeste; les jeunes femmes sont inscrites à l'école ou à l'université. Encore plus étonnant, ces jeunes sont intégrées à leur collectivité. Elles font de la danse. Je dois prendre soin de préserver la confidentialité, mais dans un certain cas, la femme était une professionnelle de la danse et elle avait obtenu une bourse qui lui avait permis d'aller étudier à l'étranger.
    Ici encore, une certaine vulnérabilité marque la réalité de toutes les jeunes filles en question, mais il y a surtout un important problème systémique en matière d'égalité homme-femme au Canada et partout dans le monde. Dans le cas de ces jeunes filles qui vivent encore chez leurs parents, elles cherchent à avoir un revenu et elles ne veulent pas de ces petits boulots moins bien payés, au salaire minimum.

  (1600)  

    J'aimerais simplement ajouter, si nous pouvions en parler, que bien souvent quand on parle des contrevenants, on pense au masculin, surtout quand il est question d'agression sexuelle. Mais dans la présente situation, y a-t-il aussi des femmes qui participent au crime en incitant les jeunes femmes à participer? Tout récemment, à la Chambre des communes, il a été question de peines minimales obligatoires, etc. Je pense qu'il est important d'étudier la problématique dans son ensemble.
    Dans ce genre de situation, ce sont évidemment surtout des hommes, mais y a-t-il aussi des femmes qui font embarquer le monde dans ce genre de trafic?
     [Note de la rédaction: inaudible] ... quantité de femmes. Il est important de rappeler que ces femmes sont aussi des survivantes et des victimes. Quant aux trafiquants, ils s'y prennent de façon beaucoup plus habile et astucieuse pour ne pas se faire démasquer. Ils sont conscients que, dans bien des cas, ils ont intérêt à ce que ce soit quelqu'un d'autre qui serve de leurre et qui participe activement et officiellement à ces activités, afin qu'il soit plus difficile de les y relier lorsque la police s'en mêle.
    Dans bon nombre de cas où ce sont des femmes qui voient activement au recrutement, elles ont elles-mêmes été poussées à se prostituer durant plusieurs années auparavant, et ce, par exactement les mêmes contrevenants. C'est donc pour se protéger elles-mêmes qu'elles font ce choix, qu'elles prennent cette décision. Il y a une hiérarchie dans bon nombre de circuits de prostitution. Si quelqu'un va voir la fille et lui dit: « Si tu le fais, tu vas pouvoir coucher avec moins de clients », elle devient « sa meilleure », ou sa bottom bitch, c'est-à-dire que son statut remonte d'un cran au sein du groupe. Ces jeunes femmes, qui ont énormément de mal à garder un sentiment d'appartenance de même que le contrôle et la mainmise sur leur situation sans espoir, vont s'accrocher à cela désespérément, si quelqu'un leur offre ne serait-ce qu'une possibilité, aussi mince soit-elle, d'avoir un certain contrôle.
    Relativement aux victimes qui viennent témoigner, nous avons en fait eu l'occasion d'entendre une victime. C'était vraiment bien, car elle a clairement dit qu'elle ne voulait pas être victimisée à nouveau en sortant publiquement et en devenant le visage de la campagne. Nous devons reconnaître que, lorsque les victimes présentent leur témoignage, elles s'attendent à ce que cela donne des résultats. Qu'est-ce qu'on constate sur le plan des condamnations? Je ne veux pas qu'on ne s'attarde qu'à cela, mais avez-vous de l'information sur le lien entre les personnes qui témoignent et celles qui ne témoignent pas et ce qu'il advient lorsque des gens sont effectivement accusés et condamnés?
    Je peux vous dire que j'ai assisté récemment à une présentation donnée par l'Équipe de lutte contre le trafic humain de Toronto, qui dispose d'un grand nombre de chiffres très intéressants. Quand nous avons commencé, soit en 2013, il y avait eu une condamnation. Je me trompe peut-être — je peux vous avoir les chiffres —, mais je pense qu'il y a six condamnations liées au trafic humain. C'était peut-être pour avoir vécu des fruits de la prostitution, ou lié à la violence ou pour avoir fait le transport soi-même. Il y a différents chefs d'accusation qu'on peut mettre sous le chapeau du trafic humain. Lorsque la police et la Couronne cherchent à faire condamner quelqu'un, ils vont s'y prendre de différentes façons.
    Vous avez parlé des survivantes qui espèrent que leur témoignage donnera quelque chose et qui agissent comme témoins dans ces dossiers. Une grande partie du travail que nous faisons, de celui que la police fait, ainsi que bon nombre d'ONG, est lié aux relations et à l'engagement. Parce que leurs relations de confiance reposant sur des modèles d'engagement normaux et sains auprès d'autres êtres humains sont faussées; cela demande énormément de temps!
    Désolée, mais votre temps est écoulé.
    Passons maintenant à Mme Malcolmson; vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos deux témoins de nous avoir présenté leur travail. C'est un travail difficile et vital, et nous allons nous appuyer sur votre témoignage.
    Comme je ne dispose que de peu de temps, je vais d'abord poser quelques questions auxquelles il suffit de répondre par la positive ou la négative. Je vais d'abord m'adresser à Mme Brayton. Je suis contente que certains de mes collègues aient déjà posé certaines des questions que j'avais en tête; c'est une bonne chose de faite. On a gagné du temps.
    Madame Brayton, disposez-vous d'un financement opérationnel suffisant pour faire le travail que le pays vous demande de faire?
    Non.
    On nous a fait part de rapports mentionnant que les maisons d'hébergement pour les victimes de violence domestique ne sont pas adéquatement équipées pour recevoir les femmes souffrant d'un handicap. Est-ce que cela gène l'accès à ces maisons d'hébergement par des femmes vulnérables à la violence?

  (1605)  

    Tout à fait.
    Je vais vous poser encore quelques questions du même genre, puis nous pourrons développer davantage.
    Les postes de police et le système judiciaire offrent-ils un accès suffisant aux femmes souffrant d'un handicap, de manière à ce qu'elles puissent avoir accès à la justice lorsqu'elles sont victimes de violence?
    Non.
    J'aimerais peut-être simplement prendre en exemple le rapport que nous avons pu trouver, soit celui qu'a produit en février 2011 le Centre Vecova de recherche et des services aux personnes handicapées. On y dit que 75 % des refuges comprennent au moins une entrée accessible aux gens en fauteuil roulant et que 66 % ont des salles de bains également accessibles en fauteuil roulant, mais que le financement en place ne suffisait pas à rendre les refuges entièrement accessibles, et que c'était là un des grands problèmes.
     Est-ce que les choses ont changé un tant soit peu depuis 2011?
    Non, pas de changements importants.
    Merci.
    Le rapport en question comprend aussi un constat qu'il m'a semblé important de signaler. Je vais simplement vous lire le passage:
    
Fait à noter, bon nombre de femmes souffrant d'une déficience intellectuelle ont vécu dans un cadre institutionnel qui les éloigne et les exclut de leur famille et de la vie communautaire. Le fait d'être isolées et de ne pas pouvoir créer des mesures de soutien naturel au sein de la collectivité ne rend ces femmes que plus vulnérables à la violence.
    Est-ce qu'il y a eu des changements depuis?
    Non. Le logement et l'institutionnalisation des femmes et des filles souffrant d'un handicap constituent un problème majeur.
    Merci.
    J'aimerais peut-être passer à Mme Neubauer, de la Covenant House.
    J'habite vraiment tout près de l'endroit où vous donnez vos services et je suis au courant depuis des dizaines d'années du travail indispensable que vous réalisez. Pas plus tard que la semaine dernière, on a publié le premier Sondage national sur l'itinérance chez les jeunes. Comme nous n'avons pas eu de témoin pour nous parler de cet aspect des choses, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le lien entre la violence domestique et l'itinérance? Dans quelle mesure les victimes qui fuient la violence domestique se retrouvent-elles en situation d'itinérance et ont-elles besoin de soutien additionnel?
    Je suis désolée de ne pas connaître le nombre exact de jeunes ayant déclaré dans le cadre de cette enquête avoir dû s'enfuir de la maison en raison de la violence familiale. Je peux vous dire en passant que chaque soir dans notre refuge, sur nos 94 jeunes, il y en a environ 85 % qui diraient avoir été victimes de violence familiale, de nature sexiste ou autre, sous une forme ou l'autre.
    Comme je l'ai dit, ce sont les statistiques dont nous disposons. Nous recueillons des données à partir de nos diverses enquêtes menées auprès des jeunes pendant leur séjour au refuge, et ce sont toutes des statistiques disponibles que je suis en mesure de fournir au Comité, sur demande.
    Ce serait formidable. Nous pourrions les utiliser dans notre rapport final sous forme écrite. Merci beaucoup.
    Il faut également parler de la vulnérabilité pure et simple associée au fait de vivre dans des refuges, qui contribue à perpétuer ce cycle de la violence familiale, ou qui en fait des proies ou des personnes vulnérables aux prédateurs. Comme vous le savez, puisque vous vivez dans le quartier, les prédateurs qui rôdent autour des jeunes dans les rues les rendent vulnérables aux problèmes de traite des personnes et autres.
    Oui. Merci.
    J'aimerais peut-être finir avec une autre question pour Mme Brayton. Elle n'a pas à répondre par oui ou par non. Je vous remercie toutefois de répondre.
    Je sais que parmi les femmes vulnérables au pays, la collectivité qui vient en aide aux femmes handicapées a été particulièrement motivée à exprimer ce point de vue et à participer aux processus. Je vous remercie d'avoir signalé que ce point de vue est étrangement absent des enquêtes sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Comme je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle, je vous remercie de m'avoir éclairée.
    Vous pouvez désormais vous exprimer ici. Qu'aimeriez-vous voir dans notre rapport final? Nous aimerions pouvoir parler de votre expérience en matière de défense de droits.
    Je ne saurais assez insister sur ce point: il faut d'abord reconnaître que les ressources sont tout simplement insuffisantes.
    Le travail que nous effectuons dans le cadre de notre projet actuel en matière de lois, de politiques et d'interventions de service, confirme ce que nous savons depuis longtemps à DAWN-RAFH Canada, et confirme aussi ce que nous ont dit les femmes dans le cadre de nos recherches menées entre 2011 et 2014, à savoir que les problèmes systémiques font partie du début de la solution, étant donné que les femmes handicapées continueront de vivre des situations de violence plus que tous les autres groupes de femmes. C'est comme cela, et cela ne changera probablement jamais.
    Sachant cela, je vous demande avec instance de comprendre qu'il doit être prioritaire d'attribuer des ressources pour s'attaquer à ce problème, et pour s'y attaquer de manière systémique, en revenant à la discussion du début de la période des questions, au sujet du fait que la condition des personnes handicapées est un énorme tsunami qui sous-tend tout ce dont nous parlons quand il est question de violence faite aux femmes.
    Dans une étude de 2014 sur les travailleuses du sexe en Colombie-Britannique, menée de manière qualitative auprès de 3 500 travailleuses du sexe, 35 % d'entre elles ont dit avoir eu une incapacité de longue durée avant de devenir travailleuses du sexe.
    Encore une fois, je ne veux pas trop insister sur un groupe au détriment de l'autre. En toute honnêteté, les jeunes femmes ayant un handicap intellectuel, celles qui sont en institution, sont extrêmement vulnérables aux abus, par l'entremise de leurs aidants ou du fait qu'elles doivent utiliser les transports, ou quelque autre raison que ce soit. J'ai vraiment essayé aujourd'hui de mettre l'accent sur les besoins essentiels, ce qui illustre à quel point ce problème est vaste, pour établir clairement qu'elles représentent le plus grand groupe minoritaire au monde.
    Dans notre pays, on commence enfin à s'intéresser aux personnes handicapées, mais ce problème ne date pas d'hier, et une seule organisation, la nôtre, a mis l'accent sur cet aspect. Vous nous avez entendus maintes et maintes fois devant ce Comité au fil des ans, et jamais rien n'a changé. Notre financement a été réduit, plutôt que majoré, chaque année depuis 2007.
    Je suis ici pour vous dire que les femmes handicapées, malgré notre vulnérabilité, sommes les plus résilientes au pays. Je vous exhorte à bien entendre ce que j'ai à vous dire, et à nous défendre, parce que nous ne pouvons continuer de le faire toutes seules.

  (1610)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Madame Ludwig, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie toutes les deux de vos excellentes présentations, et du travail que vous effectuez, si précieux pour les collectivités.
    Mes questions sont variées, et davantage en ce qui concerne la recherche, étant donné qu'une si grande partie du financement et des programmes sont fondés sur les résultats de recherche recueillis. Vous avez toutes les deux parlé d'études de recherche. Pourriez-vous me dire qui a financé ces études?
    Madame Brayton, vous avez parlé d'une étude. A-t-elle été financée par le gouvernement fédéral, par une université et par une subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie?
    Parlez-vous de l'étude sur les travailleuses du sexe?
    Oui.
    Je ne suis pas sûre. Cette étude a été menée par un groupe de la Colombie-Britannique. Je pourrais certainement trouver la réponse cependant. C'était probablement une initiative du gouvernement de la Colombie-Britannique, puisqu'il s'agissait d'une étude basée dans cette province.
    D'accord, je vous remercie.
    Ce qui se passe en grande partie, et de ce que je crois comprendre — j'estime que cela est très important, et c'est un dossier auquel travaille DAWN à l'heure actuelle — dans le cadre des nombreuses recherches effectuées, la perspective des personnes handicapées n'est pas appliquée, ou les recherches sur la condition des personnes handicapées ne sont pas extraites ou sont considérées comme insuffisamment significatives.
    Pour en revenir à cette étude menée en Colombie-Britannique, les données que je vous ai communiquées n'ont pas été jugées significatives par les chercheurs. Comme ils ne les ont pas cherchées, ils ne les ont pas trouvées. C'est sur ce point que je souhaite insister. Si vous ne cherchez pas une information, vous ne la trouverez pas. Nous représentons la population la plus invisible dans ce pays, mais une femme sur cinq au pays a un handicap — une sur cinq — et cette estimation est prudente. Elle ne tient pas compte de la stigmatisation des victimes, qui amène souvent les victimes à s'abstenir de parler. De nombreuses femmes ayant eu des traumatismes au cerveau ne savent pas ce qui leur est arrivé, et croient plutôt qu'elles ont quelque chose qui cloche. Elles développent des problèmes de santé mentale et des dépendances.
    À l'origine de tous ces problèmes, ces femmes n'ont pas été soutenues dès le départ, ou l'on n'a pas compris que les femmes victimes de violence n'éprouvent pas seulement la violence physique. Le nombre de femmes qui deviennent handicapées en raison de la violence augmente à un rythme alarmant au pays.
    Merci.
    Madame Neubauer, pouvez-vous parler de la recherche que vous menez à Covenant House?
    Nous avons des bailleurs de fonds pour des domaines particuliers de la recherche, et ils proviennent du secteur privé. La Fondation Gooder finance une partie de nos recherches, à l'instar de l'Agence de la santé publique du Canada et de la Fondation Trillium. L'engagement global pour la recherche-développement provient de notre budget annuel de fonctionnement, et nous avons embauché trois employés en 2015 pour diriger les recherches. Ces fonds proviennent de notre budget général de fonctionnement, et les recherches sont ensuite focalisées des divers endroits dont j'ai parlé.
    Pour continuer, j'enfilerai mes habits de chercheuse. Trop souvent avec la recherche, on nous demande de produire des résultats mesurables. Ces résultats servent ensuite à déterminer si le financement augmente ou non, et si le programme doit être modifié. C'est encore un aspect important qui requiert une expertise.
    Vos donateurs et vos bailleurs de fonds recherchent-ils des résultats mesurables qui permettent de mesurer la réussite?

  (1615)  

    Tout à fait. Pour la maison Rogers, nous avons des fonds exclusifs, et nous examinons diverses possibilités. Nous regardons, au début de leur séjour, où ils se voient sur le plan de l'engagement avec le personnel. Quels sont leurs symptômes de stress post-traumatique? Nous évaluons leur échelle de résilience et leur échelle de maîtrise. Ensuite, puisque nous les gardons pendant deux ans, au cours de cette période, nous travaillons avec eux et offrons cet outil d'intervention à six mois, un an, puis deux ans. Nous prenons exactement les mêmes mesures de nouveau pour savoir si la composition de notre programme les amène ou non tout au long du spectre de ces différents outils.
    En outre, à Covenant House nous utilisons un outil que nous appelons l'étoile de responsabilisation. Nous évaluons l'engagement. Nous évaluons ensuite neuf domaines, de l'éducation à la sécurité, puis de nouveau jusqu'à la maîtrise. Nous reparlons avec les jeunes à trois mois, un an, et à la fin de leur séjour, afin de déterminer s'ils s'évaluent eux-mêmes. C'est une chose d'attribuer une tâche ou un outil à quelqu'un, mais d'amener cette personne à s'autoévaluer, pour qu'elle détermine comment elle a progressé le long du spectre du changement... Notre « Urban Response Model » porte aussi sur le passage de la crise à l'indépendance, et nous superposons ce processus sur l'étape du changement. Comme je l'ai déjà dit, ce processus est très long, et l'engagement dans le cadre de la relation est essentiel. Ce n'est pas un processus linéaire, avec un début et une fin; il s'agit pour elles de passer de la contemplation à l'action, etc. Bon nombre de nos activités visent à mesurer également leur progression au fil de ces différents changements.
    Merci.
    Quelle est la durée moyenne d'un séjour à Covenant House? Combien de fois cette personne y reviendra-t-elle?
    C'est une question très intéressante. Nous avons constaté, dans les deux dernières années, que notre principale population de passage a changé, si bien que nous discutons de la pertinence de l'utilisation du mot « crise » dans notre nom. Nous constatons que beaucoup de jeunes sont moins de passage, et qu'ils entrent et ressortent. La durée moyenne du séjour, selon moi, est de 21 jours, alors qu'elle était auparavant de trois jours. Bon nombre de nos jeunes qui utilisaient notre service en temps de crise auparavant l'utilisent désormais comme un logement de transition. Ils s'engagent avec notre personnel. Ils reconnaissent que le logement dans la grande région de Toronto est inaccessible et n'est pas dans leurs moyens. Ils reconnaissent également que leurs besoins sont tels que, pour réussir au chapitre de l'éducation et de l'emploi, ils doivent habiter dans un milieu stable et constant.
    Cela répond-il à votre question?
    Entièrement. Des témoins qui nous ont parlé de violence faite aux femmes ont souligné que le logement constituait trop souvent un aspect du problème, comme l'a dit Mme Malcolmson devant ce comité, et le logement est souvent temporaire. Pour rompre ce cycle, il faut envisager un logement à plus long terme et faciliter cette transition.
    Sans entrer dans les détails, que ferait Covenant House avec une personne transgenre?
    Outre les besoins particuliers que cette personne précise, comme l'étage auquel elle veut dormir et les salles de bain qu'elle veut utiliser, nous avons rénové certains de nos locaux. Nous avons modifié notre politique de manière à la rendre plus globale et inclusive. J'aurais tendance à vous répondre spontanément que nous considérons ces personnes comme tous les autres clients, mais il y a des détails comme des chambres spécialement désignées à l'étage pour le sexe dont elles se réclament.
    À la maison Rogers, les locaux sont soit pour les femmes, soit pour les hommes, et ces personnes ont leurs propres chambres et leurs propres salles de bain, si bien que la question ne se pose pas.
    Dans nos autres programmes de logement transitoire, comme ceux des Rights of Passage, ces personnes résident à l'étage auquel elles s'identifient.
    D'accord. Merci.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Madame Harder, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Ma première question concerne aussi Covenant House de Toronto.
    Dans quelle mesure croyez-vous que l'industrie de la pornographie influe sur la traite de personnes et sur la violence faite aux femmes et aux filles?
     J'ai parlé plus tôt de l'ensemble des fondements de l'inégalité entre les sexes et de l'égalité des chances partout dans le monde. Je pense que l'industrie de la pornographie et la demande y afférente ont un énorme rôle à jouer dans la traite. Ce dont Bonnie parlait, ce qui rend nos jeunes femmes vulnérables; loin de moi l'idée de pontifier, mais c'est une attitude répandue dans notre société qui fait en sorte que ce type d'activités peut se poursuivre et que la commercialisation du corps féminin semble devenue acceptable.
    Beaucoup de nos jeunes femmes ne sont pas activement engagées dans la pornographie de la façon dont nous y avons été habituées; elles ne vivent donc pas en Californie, là où se tournent les films pornographiques, mais elles vont davantage exercer les métiers de danseuse et d'escorte. Vous avez l'histoire du sugar daddy et de sa belle. J'y verrais un lien direct avec ce genre d'acceptation et de compréhension qui fait qu'une jeune femme qui essaie de trouver des façons de se sentir valorisée ou de faire de l'argent se tourne vers son propre corps. Ce n'est pas le meilleur endroit où commencer. Nous avons des jeunes femmes qui offrent des services sexuels par webcam, mais la plupart de nos programmes sont directement liés aux actes sexuels, au fait de fournir des services sexuels.
    Je suis entièrement d'accord pour dire qu'il existe un lien direct entre la pornographie et l'industrie du sexe.

  (1620)  

    Merci beaucoup.
    J'ai une autre question pour vous, simplement parce que ce sujet fait la manchette à l'heure actuelle. En Ontario, une jeune personne de 15 ans a été agressée sexuellement par un homme de 50 ans. Cet homme de 50 ans a été condamné à 7 mois de prison et 2 ans de probation. Cette décision est contraire à la peine minimale qu'il aurait dû recevoir, soit un an.
    Je voudrais simplement savoir ce que vous en pensez. À mon avis, lorsque nous empruntons cette voie ou que nous autorisons ce juge à prendre cette décision, il semble effectivement que nous envoyons à la société le message qu'il est de plus en plus acceptable de s'attaquer aux femmes, plutôt que de prendre position en leur faveur et de défendre les personnes vulnérables.
    Pourriez-vous nous livrer vos réflexions à ce sujet?
    Nous n'avons qu'entre cinq et sept minutes...
    Il suffit d'observer les événements survenus récemment chez nos voisins du sud, les excès de langage et les propos calomnieux et sexistes qui ont été tolérés de la part des candidats, et comparer ensuite avec le fait que notre système judiciaire réagit parfois comme il le fait.
    Dans ce dernier cas, c'est malheureusement ce que l'on obtient. L'écart d'âge était entre 15 et 50, mais des décisions de ce genre sont prises chaque jour, qu'il s'agisse du rapport entre une épouse et son mari, ou entre un père et sa fille. Il s'agissait dans ce cas d'une jeune fille de 15 ans et d'un homme de 50 ans, et ils n'avaient aucun lien familial. Malheureusement, ce sont les seuls cas dont on entend parler, mais vous savez que ces événements se produisent quotidiennement. Encore une fois, cela nous ramène à l'acceptation générale des femmes en tant que marchandises, et au fait que des personnes ne sont pas prêtes à défendre les droits de la personne les plus fondamentaux.
    Merci beaucoup.
    J'ai une dernière petite question à vous poser, madame Brayton. Elle concerne la pornographie et l'impact qu'elle peut avoir selon vous sur les personnes handicapées.
    J'estime qu'il est important de se rappeler qu'il y a de nombreuses femmes ayant des handicaps invisibles. Pour en revenir à certaines des données que j'ai présentées, il s'agit de données quantitatives qui doivent être approfondies en abordant correctement ces questions d'un point de vue longitudinal et ainsi de suite. Je pense que pour 35 % des travailleuses du sexe en Colombie-Britannique et que 40 % des détenues sont des femmes handicapées. Nous ne reconnaissons peut-être pas que ce sont des femmes handicapées, mais elles ne le sont pas moins. Elles représentent le tiers des femmes autochtones, et c'est sans hésiter que je peux affirmer que les données confirmeraient mes dires.
    Vous avez parlé du trafic sexuel transfrontalier. Je sais qu'il existe chez les jeunes femmes autochtones, y compris les jeunes femmes handicapées. Quand nous parlons de ces problèmes, nous devons aussi parfois les examiner sous l'angle des femmes handicapées et toujours les considérer sous un angle intersectionnel. Les femmes les plus vulnérables au pays...
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    Nous en sommes rendues aux cinq dernières minutes et à Mme Vandenbeld.
    Pour commencer, si vous voulez bien conclure votre intervention, allez-y.
    Je voulais juste confirmer ce que disait Julie et rappeler à toutes que, d'après certaines des informations que j'ai déjà communiquées, il est très clair que même si nous n'en avons pas parlé, ni même de la bouche des autres témoins — je ne porte pas de jugement à leur sujet, mais il y a un fossé entre les connaissances et les recherches importantes qui doivent être abordées —, c'est le coeur même de la question. Au moins le tiers de ces femmes, peu importe où nous en parlons, sont des femmes handicapées, des femmes qui sont exploitées, marginalisées ou rendues vulnérables.

  (1625)  

    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier tous les deux pour votre témoignage incroyablement convaincant et pour avoir fait la lumière sur certains points et surtout certaines des statistiques que nous ne connaissions pas auparavant. Nous sommes ici, évidemment, en tant que législateurs fédéraux. Nous devrons ramener une grande partie de ce que nous entendons dans nos recommandations au gouvernement fédéral et relativement aux mesures législatives nécessaires.
    Madame Brayton, vous avez dit que les inégalités entre les sexes ne sont pas mentionnées dans les lois sur les personnes handicapées.
    Madame Neubauer, vous avez parlé de renforcer les outils du système judiciaire.
    Je pourrais peut-être vous demander de préciser ce que nous pouvons recommander, en tant que comité, en ce qui a trait aux changements législatifs fédéraux.
    Allez-y Bonnie.
    Merci.
    En ce qui concerne le volet législatif, je rappellerai ici que la ministre Qualtrough présentera un projet de loi sur l'accessibilité, et je sais qu'elle a également pris un engagement envers les femmes et les filles. Il est très important de lui donner notre appui et de collaborer avec son groupe et son ministère pour veiller à ce que cette mesure législative soit soutenue tout au long du processus, y compris pour les façons dont elle peut servir expressément à résoudre les problèmes d'inégalité entre les sexes. Évidemment, il est essentiel d'adopter une approche intersectionnelle.
    Je pense que l'un des aspects les plus passionnants au sujet de nos parlementaires actuels réside dans le fait que nous sommes fortement focalisés et que nous avons une stratégie interministérielle qui envisage une recherche dans l'ensemble des ministères. Plutôt que de me considérer comme la personne qui doit rencontrer la ministre Bennett, la ministre Qualtrough, la ministre Hajdu, la ministre Philpott, et toutes les personnes qui doivent être sensibilisées aux renseignements dont je vous fais part aujourd’hui, il est vraiment important que vous ressortiez tous de cette salle avec un sentiment de responsabilité collective, parce que c'est ce que je vous demande. DAWN Canada ne peut continuer à faire ce travail seul. Il s'agit pour vous de penser en tout temps quand vous examinez les lois, et lorsque vous vous penchez sur un problème. Demandez-vous si vous avez examiné les choses sous un angle intersectionnel, et si vous avez procédé à un examen approfondi, de façon à inclure toutes les couches de notre société?
    Madame Neubauer, vous voulez ajouter quelque chose?
    Merci.
     Pour commencer, et avec ce dont Bonnie a parlé en fonction des besoins de sa clientèle, il s'agit simplement d'aborder la vulnérabilité de base des femmes à un niveau systémique, de s'arrêter entièrement, de déterminer si elles ont une lésion cérébrale acquise ou non, si elles sont itinérantes ou non, ou si elles viennent de familles intactes ou non, et regarder tout autour afin de voir comment elles sont perçues et comment elles sont abordées.
     Plus précisément, il faut se pencher sur la formation et sensibiliser les décideurs. Il faut examiner la formation judiciaire des juges des cours suprêmes et veiller à ce qu'ils comprennent bien la question de la violence familiale et les répercussions de la vulnérabilité et de l'exploitation sexuelle. En Ontario, par l'entremise du ministère du Procureur général, nous avons besoin d'avocats de la Couronne dévoués qui vont poursuivre et vraiment bien comprendre les problèmes liés aux traumatismes subis par ces jeunes femmes, et les sentences qui doivent en découler. Ensuite, il faut intervenir auprès des forces policières pour que les lois soient appliquées comme il se doit.
    L’échelle est très vaste dans le domaine de l'éducation. L'Ontario a récemment adapté un programme d'éducation sexuelle différent de manière à inclure les notions de sexisme, d'inégalité, de vulnérabilité et ainsi de suite. Nous avons besoin de cette approche systémique plus vaste pour qu’elle puisse ensuite s’étendre aux plus petites unités.
    Comme je pense que Mme Ludwig a une question de suivi, je vais lui céder la parole.
    Merci.
    Ma question s'adresse à vous deux personnellement. Y a-t-il des services offerts au personnel de première ligne, qui intervient directement, qui doit faire face chaque jour à la frustration, à la souffrance et à l'angoisse, et qui doivent aussi vous faire leur compte rendu? Ou avez-vous besoin de services?
    Julie, allez-y en premier.
    L'autothérapie et notre reconnaissance du traumatisme par compassion sont au premier plan de l'ensemble de notre travail. Je soutiens mes travailleuses de première ligne et je leur demande un compte rendu quotidien. Nous parlons très ouvertement des situations dont nous sommes témoins, et nous sommes conscientes du risque de traumatisme par compassion que nous courons.
    En tant qu'organisme, Covenant House en tient également compte. Outre notre programme d'aide aux employés et les mesures de soutien offertes à notre personnel, nous offrons de nombreuses possibilités de formation afin de permettre à notre personnel de comprendre comment le traumatisme les affecte.

  (1630)  

    Désolée, mais votre temps est écoulé. Je suis vraiment désolée de devoir vous interrompre, mais nous en sommes à la fin de notre groupe.
    Je remercie nos deux témoins d'être venues aujourd'hui. Vous avez entendu les questions. Si vous avez des choses à envoyer au greffier, je vous invite à le faire. Nous aimerions en prendre connaissance et les examiner.
    Nous allons suspendre nos travaux, après quoi Mme Malcolmson assurera la présidence.

  (1630)  


  (1635)  

    Bienvenue à tous nos témoins.
    Nous en sommes à la deuxième heure de témoignage de la réunion d'aujourd'hui du Comité permanent de la condition féminine. Nous étudions l'impact de la violence faite aux jeunes femmes et aux jeunes filles.
    Je m'appelle Sheila Malcolmson, et je suis vice-présidente du Comité. Je représente le NPD. Nous comptons sept membres du Parti libéral et deux membres du Parti conservateur, et nous allons vous poser des questions.
    Nous commencerons par SAVIS de Halton, qui aura dix minutes pour témoigner. Le groupe a également une présentation PowerPoint dans les deux langues.
    Nous passerons ensuite à une présentation de dix minutes de la Campagne du ruban blanc. Chi Nguyen est avec nous par vidéoconférence. Nous passerons ensuite aux questions.
    En vous remerciant de vos efforts, je cède maintenant la parole à SAVIS de Halton.
    Bonjour. Je m’appelle Walter Henry, et je suis le coordonnateur du projet de réseau des alliés masculins pour le programme SAVIS de Halton.
    Mon rôle me passionne. Je n'ai pas peur d'admettre mes défauts, parce que je suis né dans un monde imparfait où les femmes et les personnes qui s’identifient de sexe féminin sont encore malheureusement considérées comme étant « de moins grande valeur » par un grand nombre de mes homologues masculins, compte tenu de la nature misogyne et patriarcale des sociétés dans lesquelles nous vivons.
    Pourquoi est-il important d'avoir des hommes comme alliés dans une organisation féministe? En vérité, selon un rapport de Statistique Canada paru en 2013, les hommes comptent pour 99 % des auteurs de violences sexuelles. Il en résulte qu’il y a consensus pour affirmer que la réduction et la prévention de la violence à l'égard des femmes requièrent la participation d'hommes capables d’incarner des comportements non violents et de responsabiliser leurs homologues masculins. Les hommes s'identifient aux autres hommes.
    Le programme SAVIS du réseau des alliés masculins de Halton, ou programme MAN, est inspiré de la prémisse ci-devant, selon laquelle les hommes et les personnes qui s’identifient de sexe masculin deviennent des alliés et lancent la discussion sur le sujet tabou de la violence sexuelle dès l'âge de 10 ans. En raison de mon expérience sur le terrain toutefois, j’ai l’intime conviction que cette conversation pourrait être lancée à un bien plus jeune âge. Les garçons naissent dans une culture masculine toxique qui mène à un endoctrinement malsain et a de profondes ramifications, compte tenu du développement de la technologie, en particulier au cours des 30 dernières années.
     S’agissant de l'impact de la masculinité toxique sur la société, le réseau d'alliés masculins SAVIS de Halton est d'avis qu'il faut déprogrammer cette idéologie masculine toxique, qui est l’une des illustrations du caractère nuisible du patriarcat pour les hommes. On y décrit les attitudes socialement intégrées qui décrivent le rôle masculin comme étant violentes, insensibles et sexuellement agressives.
    À bien des égards, cette idéologie toxique est apprise inconsciemment par la musique, la télévision, les médias sociaux, les membres de la famille, le langage et les pairs. Ces apprentissages passifs contribuent à la cyberviolence, au harcèlement dans les rues, à la compréhension erronée du consentement et à la culture du viol auxquelles sont confrontées quotidiennement les femmes et les personnes qui s’identifient comme des femmes.
     De plus, les médias traditionnels et modernes favorisent l’hypersexualisation de la femme et ils dépeignent les femmes comme des êtres faibles qui n’attendent que d'être secourues par un homme. Des contes pour enfants comme Blanche Neige et La Belle au bois dormant en sont de parfaits exemples. En revanche, les hommes sont présentés comme des dieux et des conquérants qui laissent peu de place à l'intelligence émotionnelle et méprisent tout ce qui représente la faiblesse. Nous apprenons à ne pas pleurer, à jouer les durs, et à ne pas montrer notre faiblesse. Cette idéologie domine tous les lieux où l’on trouve des hommes.
    Comment MAN mobilise-t-il les hommes? Le réseau des alliés masculins comprend que la plupart des cas de violence sexuelle sont perpétrés par des hommes. Cependant, la plupart des hommes ne sont pas des auteurs de violences sexuelles. De plus, nous admettons que la société est patriarcale et que les hommes sont actuellement les plus privilégiés. Cependant, MAN vise principalement, avant même de devenir un allié, à discuter de ces privilèges, à s’avouer à nous-mêmes que la misogynie existe dans notre société et que nous sommes responsables de la façon dont nos femmes et les personnes qui s’identifient aux femmes sont traitées.
    La première stratégie de mobilisation de MAN consiste à visiter des lieux à prédominance masculine, comme les gymnases, les salles de cours, les centres communautaires, les salles de jeux et les prisons pour lancer la conversation au sujet de la violence sexuelle et pour recruter d'éventuels alliés masculins au sein de notre réseau. Nous avons noué des partenariats avec d'autres organismes d'alliés masculins, des commissions scolaires, des établissements correctionnels, des collèges et des universités, des organismes et des entreprises de Halton et des collectivités avoisinantes. Grâce à ces liens, nous avons pu donner des présentations à des hommes et à des personnes qui s’identifient aux hommes de 10 ans et plus. Nous participons à des événements communautaires comme La rue, la nuit, femmes sans peur!, Hope in High Heels, la veille Sœurs par l'esprit, la semaine d’orientation au Sheridan College, des foires communautaires et divers événements de réseautage au sein de la collectivité. Lors de ces événements, nous avons notre stand de recrutement d’alliés masculins et nous distribuons notre matériel de sensibilisation — par exemple, des balles antistress et des autocollants — et nous signalons notre présence en affichant la bannière MAN.
    MAN a une présence active sur Internet et sur des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat, grâce auxquels nous annonçons nos événements et recrutons des bénévoles. MAN a développé une séance de formation d’une durée de 14 heures qui s’adresse aux alliés. La séance couvre la redéfinition de la virilité, la solidarité masculine, la compréhension de la violence au Canada, allié masculin 101, être un homme, et la compréhension de la masculinité. À ce jour, nous avons recruté et formé 10 alliés. Nous avons 15 autres personnes à former au début de décembre 2016.

  (1640)  

    Nous utilisons notre masculinité à notre avantage pour rejoindre d'autres hommes et développer un lieu où les hommes se sentent à l’aise d’exprimer leurs opinions, que nous respectons. Nous cherchons à empêcher la violence et nous osons rêver d'un monde sans violence. Nous voulons utiliser les hommes et les garçons comme modèles pour lancer la conversation avec leurs enfants et leurs pairs, dans leur environnement de tous les jours.
    Nous trouvons la force dans la fragilité et sommes conscients de l'importance d'exposer les hommes aux récits de survivants de la violence et de la violence sexuelle. Pour mettre fin à la misogynie, il est essentiel de se déprogrammer de ses convictions misogynes. Lancer la conversation et être un spectateur actif peut modifier la trajectoire de la vie de bon nombre de gens, parce que nous avons tous inconsciemment un lien intrinsèque qui nous unit, quel que soit notre sexe, notre origine ethnique, et notre situation socioéconomique.
    Parlant des défis auxquels MAN est confronté, quand je livre une présentation en tant qu'allié masculin, je commence d'abord par admettre mes défauts intrinsèques, parce que je vis dans un monde où la misogynie est culturellement intégrée à toutes les couches de la société. En conséquence, pour un allié masculin, les défis sont nombreux. Parler de violence sexuelle avec des hommes est un sujet tabou, et les hommes sont très sceptiques et pudiques, et ils ne veulent même pas entamer la conversation sur la violence sexuelle faite aux femmes et aux personnes qui s’identifient aux femmes. En conséquence, il est important pour les hommes de mobiliser d'autres hommes et des garçons et de lancer cette conversation, parce que bon nombre de facteurs empêchent le message d'être entendu et d’être finalement reçu.
    Certaines personnes sont en désaccord avec le message, pour la raison même pour laquelle les messages doivent être entendus: le caractère misogyne de la société. Dans d'autres cas, certaines personnes ne croient pas à l'idéologie préventive de MAN et préconisent donc des sanctions plus sévères pour les auteurs de crimes sexuellement violents.
    Compte tenu des développements récents survenus dans le monde, le patriarcat semble toujours gagner, parce qu'il existe pour les hommes de nombreux exemples d'individus qui connaissent beaucoup de succès an faisant la promotion d'idéaux misogynes.
    Enfin, nos motivations et notre engagement sont parfois remis en question, à juste titre, par des femmes et des personnes qui s'identifient aux femmes. Grâce à nos actions et à notre engagement toutefois, nous espérons gagner la confiance de tous.
    Merci de nous avoir permis, à SAVIS et à moi-même, de participer à ces importantes présentations.
    La parole est maintenant à Chi Nguyen, qui se joint à nous par vidéoconférence, au nom de la Campagne du ruban blanc.
    Merci de vous joindre à nous.
    Bonjour tout le monde. C'est la première fois que j'utilise cette technologie. J'espère que tout fonctionne bien de votre côté.
    Je tiens tout d'abord à remercier le Comité d'examiner cette question et de se pencher sur le problème de la violence à l'égard des jeunes femmes. Je veux tout particulièrement vous remercier d'avoir inclus une approche qui tient compte de la façon dont nous mobilisons les hommes et les garçons. Je pense que c'est un élément extrêmement important de ce problème.
    J'ai deux objectifs en tête à accomplir dans les prochaines minutes avec vous. D'abord, j'aimerais vous parler un peu du travail que nous faisons au sein de la Campagne du ruban blanc, et ensuite je voudrais partager avec vous quelques enseignements tirés de nos 25 années de pratique à faire ce travail.
    Nous sommes la seule organisation nationale à travailler à la prévention de la violence à l'égard des femmes en mobilisant positivement les hommes et les garçons. Ce mouvement s'est voulu au départ comme une réaction au massacre de Montréal. Il a débuté en 1991, comme bon nombre de bonnes initiatives féministes, autour d'une table de cuisine, dans la maison de l'ancien chef du NPD, Jack Layton. Plusieurs hommes se demandaient ce qu'ils pouvaient faire pour s'allier avec les féministes et les femmes pour mettre fin à la violence dans nos collectivités. Vingt-cinq ans plus tard, nous continuons d'aspirer à notre vision d'un avenir sans violence envers les femmes, et notre mission consiste à continuer de faire participer les hommes et les garçons autour de la prévention de la violence à l'égard des femmes et des filles.
    Un mouvement qui a débuté en 1991 avec 100 000 hommes participant dans l'ensemble du Canada est maintenant devenu une campagne annuelle qui débute ce vendredi 25 novembre et se poursuivra jusqu'au 6 décembre.
    Nous demandons à ceux qui portent le ruban blanc de faire un don, et nous leur demandons de ne jamais commettre, tolérer ou se taire au sujet de la violence faite aux femmes. Ce concept vraiment simple s'est répandu partout dans le monde, d'abord en Europe, puis en Australie et en Asie, et enfin en Amérique latine et en Afrique. Aujourd'hui, nous sommes le plus grand mouvement d'hommes et de garçons au monde visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, à promouvoir de saines relations et l'égalité entre les sexes et à faire valoir une nouvelle conception de la masculinité, avec nos activités qui ont lieu dans plus d'une soixantaine de pays à l'échelle de la planète.
    Quand il est question de prévention de la violence, plusieurs points d'intervention sont en cause. Il est possible de s'attaquer au problème avant même qu'il survienne, dès son apparition, ou au niveau tertiaire, dans la foulée d'un cas de violence. Notre travail, à la Campagne du ruban blanc, vise vraiment à réduire les risques que des hommes et des garçons aient recours à la violence et que des femmes et des filles en fassent les frais. Nous nous concentrons sur la prévention primaire, et nous estimons que c'est à ce niveau que notre impact peut être le plus fort.
    Dans le cadre de la Campagne du ruban blanc, notre travail est fondé sur quatre très solides principes, qui ne sont absolument pas négociables pour nous. Nous travaillons pour les droits de la personne et nous défendons l'égalité entre les sexes. C'est le cadre et la base sur lesquels nous fondons notre action.
    Nous estimons qu'il est crucial de ne pas être en concurrence pour les ressources consacrées aux interventions de soutien ou aux efforts de transition pour les femmes et les familles qui quittent des situations violentes, et de ne pas détourner ces ressources de leur raison d'être.
    Nous croyons également que nos interventions doivent faire évoluer l'égalité entre les sexes. Il s'agit de remettre en question des aspects souvent violents de la masculinité, comme Walter l'a précisé dans sa présentation.
    Enfin, nos interventions sont toujours guidées par des pratiques exemplaires et une solide base de données probantes. Pour nous, cette façon de procéder est ancrée dans une approche forte.
    Nous nous concentrons actuellement sur les volets de l'éducation et de la formation, de la recherche et des pratiques exemplaires, en plus d'offrir une assistance technique à nos partenaires communautaires de la société civile, au gouvernement et dans les organismes communautaires. Nous avons aussi récemment créé un volet d'entreprise sociale. Nous soumettons les résultats de nos travaux au secteur des entreprises. Nous avons travaillé avec Barrick Gold, ainsi qu'avec l'Université de Regina et l'Université McGill.
    Mon collègue et directeur exécutif, Todd Minerson, siège à la fois au Conseil consultatif sur la stratégie fédérale contre la violence fondée sur le sexe de Condition féminine Canada et à la Table ronde de l'Ontario sur la lutte contre la violence faite aux femmes.
    Nous sommes une équipe vraiment petite mais efficace de 10 personnes qui est établie à Toronto, et nous travaillons actuellement au Kenya, au Vietnam et au Cambodge. Comme nous observons des impacts partout dans le monde, nous avons une grande expérience à l'échelle mondiale et au niveau local. Au cours des 25 dernières années, nous avons acquis certaines connaissances sur lesquelles vous pourriez vous baser pour déterminer la marche à suivre dans ce dossier vraiment important.

  (1645)  

    Premièrement, nous croyons qu'il est essentiel de travailler avec les hommes. En tant que principaux auteurs d'actes de violence et de principaux destinataires de la prévention primaire, les hommes ont la capacité d'influencer d'autres hommes et d'engager le dialogue sur la façon de réduire et de prévenir la violence à caractère sexiste. Cette approche s'est avérée vraiment efficace lorsque nous ncous sommes associés aux Argonauts de Toronto dans un projet commun appelé « Huddle Up and Make the Call », dans le cadre duquel des athlètes masculins venaient visiter les étudiants dans les salles de classe pour tenir avec eux une conversation sérieuse sur ce à quoi le leadership pouvait ressembler.
    Nous savons qu'il est efficace de travailler avec les hommes. Nous essayons surtout de réunir des données factuelles, de constituer une riche base de données qui nous permette de dégager des pratiques optimales et de mieux comprendre ce que ces données révèlent. Nous venons tout juste de mettre sur pied un projet vraiment formidable avec neuf organismes — c'est ce qu'on appelle une communauté de pratique — de partout au pays, qui travaillent sur cette même question.
    Nous savons que ce genre de travail a un effet positif et transformateur non seulement sur la vie des femmes et des filles, mais aussi sur celle des hommes et des garçons. Chaque année, nous organisons un gigantesque événement au cours duquel environ 800 personnes partent de Yonge-Dundas Square et marchent un mille en talons hauts. En ce sens, il est très intéressant de voir à quel point les hommes se demandent comment on se sent quand on est une femme. L'événement est une occasion de réflexion.
    Enfin, nous croyons qu'il est possible d'aborder la question de façon novatrice. Il existe de nouvelles pistes vraiment intéressantes. Nous savons que les hommes désirent s'allier à la cause, ils veulent appuyer la cause et sortir la violence de leur vie. La paternité, l'athlétisme et les sports, les lieux de travail et les écoles nous semblent être des points d'entrée pertinents, tout comme les communautés religieuses et culturelles. Tous ces moyens sont autant d'occasions pour les hommes de prendre du recul et de réfléchir à la façon dont ils peuvent faire partie de la solution.
    Nous entendons chaque jour des histoires de sexisme vécues par des personnes de nos collectivités. Dans sa déclaration d'hier, la députée provinciale Sandra Jensen a mentionné les gestes de misogynie et le harcèlement dont elle a fait l'objet en tant que responsable publique. Cette situation ne fait que rappeler une fois de plus que nous devons joindre nos efforts et lutter contre la violence.
    Je suis maman d'un petit garçon que je souhaite éduquer de façon à en faire un solide allié et un féministe. Nous essayons de lui donner les outils nécessaires pour qu'il puisse intervenir, nommer et décrier les actes de violence. Je lui explique ce que signifie la notion de consentement, je lui apprends à nommer les parties de son corps et à connaître la joie de tourbillonner dans une robe, mais il est étonnant de voir la ténacité des images et des stéréotypes sexistes et toxiques qui l'imprègnent déjà. Il se fait déjà dire que le rose est pour les filles et qu'un garçon ne doit pas pleurer, mais s'endurcir. Il aura deux ans mercredi de la semaine prochaine.
    C'est maintenant plus que jamais le temps d'accomplir ce travail, et nous félicitons le comité pour le temps et les efforts consacrés à l'examen de la question et à la consultation de la société civile et d'experts. Nous attendons avec impatience de connaître vos prochaines étapes et vos recommandations.
    Merci de nous avoir donné l'occasion de vous parler de cette question.

  (1650)  

    Merci beaucoup à nos deux témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité, en commençant par M. Serré, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins pour leur exposé, leur travail assidu et leur engagement. Je souhaiterais qu'il existe davantage d'organismes comme SAVIS et la Campagne du ruban blanc en Ontario et au Canada. Il faudrait se pencher là-dessus.
    En 2012, la Campagne du ruban blanc a mené une enquête sur les attitudes et les comportements des hommes. Pourriez-vous nous parler un peu des recommandations formulées dans le rapport?
    C'était avant que je me joigne à la Campagne du ruban blanc, mais ce rapport est public. Je peux dire que cette enquête nous a appris, entre autres choses, que les hommes sont prêts à devenir des alliés et à faire des efforts. Ils sont conscients du problème et sont prêts à reconnaître qu'ils doivent agir. En réponse à cette réaction, nous avons examiné les façons de donner aux hommes les outils nécessaires pour les aider à faire partie de la réponse, intervenir et appuyer les femmes.
    Des témoins ont évoqué le manque de recherches et de données, surtout en ce qui concerne leur relation aux femmes et aux filles. Avez-vous des données, ou avez-vous fait des recherches sur les hommes? Libre à vous d'en discuter brièvement maintenant ou de faire parvenir tout cela au greffier, mais avez-vous effectivement des données sur les attitudes des hommes?
    En ce qui concerne l'organisme SAVIS de Halton, nous savons que lorsque Walter, l'éducateur public de première ligne, visite la collectivité, le désir d'éducation émane de la collectivité elle-même. Nous travaillons à recueillir des données. Le type de questions et de réponses que nous obtenons dans le cadre de l'« enquête de guérilla » que nous menons, tant en milieu correctionnel ... il faut dire qu'en tant que centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle, nous travaillons aussi auprès des détenus de Maplehurst, un établissement correctionnel pour hommes. Les gens veulent de l'information qui reflète aussi la diversité culturelle de leur collectivité. C'est très important, surtout à Halton. Halton est une collectivité, une région qui commence à afficher une diversité culturelle. Il est très important de disposer de matériel ciblé et pertinent, qui reflète le contexte et la diversité culturelle de la collectivité, parce que cela aidera ensuite les parents, les groupes de jeunes ou les collectivités à transmettre cette information.
    Nous travaillons là-dessus et nous serons ravis de communiquer ces renseignements au comité.
    Monsieur Henry, vous avez parlé de votre groupe cible de jeunes de 10 ans et plus. Comme vous le savez, le projet de loi 132 du gouvernement de l'Ontario a été déposé. Votre groupe est-il intervenu de quelque façon pour assurer que le projet de loi ontarien cible particulièrement les hommes et les garçons de niveau primaire, secondaire, collégial ou universitaire?

  (1655)  

    Nous n'avons eu aucun impact sur le projet de loi 132.
    Nous pensons que la raison est que... et nous avons remarqué que ce point est très important. Dans ce groupe, il y a des enfants qui nous disent avoir participé à un acte qui enfreignait les droits sexuels d'une femme ou d'une jeune fille, ou qui nous disent avoir trouvé cela drôle. Un des exemples qu'on nous a donnés est le credit carding. Je me suis demandé de quoi il s'agissait. Le credit carding, c'est quand un jeune homme se place derrière une jeune fille et lui passe la main sur les fesses. C'est un comportement qui préoccupe beaucoup les services aux victimes de notre collectivité et auquel il faut mettre fin. L'éducation est très importante. Nous, à SAVIS, avons activement tenté de rassembler tous ces problèmes pour voir de quelle façon nous pourrions intervenir à un âge beaucoup plus précoce, parce que c'est à cet âge que les actes de violence sexuelle commencent.
    Dans les établissements correctionnels, les gars nous disent: « On veut être de meilleurs pères, mais c'est dans ça qu'on a grandi. C'est ça nos modèles. » Nous enseignons aux détenus à améliorer leurs compétences parentales. Nous avons lancé un programme où les hommes enregistrent leur voix sur un CD qu'ils envoient à leur enfant. C'est un moyen de faire savoir à l'enfant qu'il a un père, que ce père l'aime et qu'il peut entendre sa voix. Nous essayons aussi de promouvoir l'unité de la cellule familiale.
    Encore une fois, cela renvoie à toute la notion de diversité. Certaines cultures sont plus influencées que d'autres par la sexualité.
    Certaines cultures sont plus enclines à accepter la violence sexuelle.
    L'éducation ciblée est très importante, et elle ne se fait nulle part.
    Ce que nous constatons, c'est que même au sein d'une famille « tissée serrée », les jeunes sont exposés au sexisme à l'école. C'est pour cette raison que je crois que l'éducation ciblée doit commencer en bas âge; les enfants sont exposés, et bien souvent, les parents ne le savent pas. Les travailleurs de première ligne, comme moi, comme les enseignants, sont eux aussi exposés à ce genre de comportement. Il est très important que le travail commence à un très jeune âge.
    Si vous me permettez d'intervenir, j'aimerais dire que nous collaborons actuellement avec le gouvernement de l'Ontario dans le cadre de son plan d'action. Nous avons reçu du financement pour une initiative pluriannuelle de trois ans, qui fait partie d'un consortium conjoint de groupes communautaires — dont le Centre d'aide aux victimes de viol d'Ottawa — pour réaliser un projet appelé Traçons-les-limites. Dans le cadre de ce projet, nous distribuons du matériel et offrons de la formation sur la notion de consentement. Nous avons commencé dès cet automne à élaborer et à fignoler le matériel pour l'adapter aux enfants du primaire. Il s'agit d'un groupe d'âge dont il faut commencer à s'occuper dès maintenant. Cela fait partie d'une mission qui, nous l'espérons, commencera à faire une différence au cours des années à venir.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps que vous avez. Nous passons maintenant à Mme Harder.
    Vous avez sept minutes.
    Je poserai la même question à chacun de vous, et je commencerai par SAVIS.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu de l'influence du visionnement de pornographie et d'images de violence sur la façon dont les hommes perçoivent et traitent les femmes. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions? Que constatez-vous à cet égard dans le cadre de votre travail?
    Ce que je constate, c'est que les garçons ne veulent pas aborder ce sujet. C'est un sujet toujours présent, implicite, mais presque tabou. Quand vous allez dans les salles de classe ou les centres communautaires, vous entendez une espèce de bruit de fond faible et confus qui semble dire « on connaît ça ». C'est seulement si vous vous trouvez à l'arrière de la salle que vous entendez les conversations. Parfois, ce n'est qu'un murmure.
    Étant donné le lieu dans lequel vous vous trouvez, ils en parlent très peu. Mais c'est certain que ce genre de choses fait partie du portrait, parce qu'ils ont toute la technologie à leur disposition. C'est important pour eux. Le simple fait qu'aussitôt que vous posez une question, ils se lancent sur leur téléphone, vous savez très bien qu'ils y ont accès et qu'ils en regardent.
    Même s'ils ne sont pas francs à ce sujet, c'est une réalité. En observant bien et, parfois, en vous tenant à l'arrière de la salle pour écouter, vous comprenez. Ils n'en parlent pas ouvertement, mais c'est sous-entendu. Et vous savez que cela a un impact.

  (1700)  

    J'ai une dernière question très rapide pour vous avant de passer à la Campagne du ruban blanc.
    Avez-vous déjà demandé aux hommes ou aux garçons avec qui vous travaillez d'où viennent leurs attitudes? Qu'est-ce qui façonne la perception qu'ils ont des femmes? Si oui, que disent-ils? Quel est, selon eux, le facteur déterminant?
    La famille.
    D'accord.
    La famille, les amis, les cousins — les personnes avec lesquelles ils interagissent au quotidien.
    Essentiellement, cela renvoie aux modèles qu'ils ont eus.
    Oui, et c'est sur cette prémisse que le programme est fondé. Les membres de la famille ont beaucoup d'influence sur leur pensée. Si, par exemple, je demande: « Quelle personne admirez-vous le plus? », ils répondent « Mon père », et « Qu'est-ce que ton père dit à propos des femmes? » Parfois, il en sort quelque chose. Cela varie constamment selon les individus.
    Il n'y a pas que du mauvais. Je pourrais vous citer des exemples qui démontrent bien peu d'idées sexistes à 'égard des femmes. Je me rends compte que le langage joue un rôle très important dans la société. Par exemple, à Toronto, on entend des chiffres sur le « nombre d'adolescentes » enceintes. Vous écoutez cela et vous vous rendez compte qu'on ne parle jamais de l'homme. Le rôle de l'homme est oublié.
    Le lien existe. Tout est relié. Il suffit de les écouter parler. Ce que je fais, c'est d'écouter activement tout le non-dit.
    C'est très bien. Merci beaucoup.
    J'ai la même question pour la Campagne du ruban blanc. Selon vous, quel impact le visionnement de pornographie ou d'images de violence a-t-il sur la perception des femmes qu'ont les hommes?
    Nous avons certainement constaté que l'exposition intense à la pornographie et à la représentation du corps féminin en tant qu'objet sexuel est un phénomène indissociable du problème. Nous travaillons beaucoup dans les écoles secondaires et les universités, où nous essayons d'aider des groupes d'étudiants à mieux comprendre l'identité de genre et les rôles de genre, et à clarifier ce qu'on leur demande d'être — ce que signifie être un homme, ce que signifie être une jeune femme.
    Certaines femmes ont des idées bien arrêtées sur le fait de devoir à tout prix faire plaisir à son partenaire ou à son petit ami et sur celui d'êtres vraiment perçues comme étant un objet sexuel. Parallèlement, les jeunes hommes reçoivent des messages très contradictoires: être un homme veut-il dire agir en macho et accumuler les conquêtes d'un soir? Ils vivent un conflit intérieur à se demander s'ils sont à l'aise ou non avec ce type de comportement.
    Les jeunes qui essaient de comprendre ce que signifie être un homme ou être une femme vivent toute une série d'émotions et d'expériences mitigées. La facilité avec laquelle ils ont accès à ces images fait qu'il devient très difficile pour eux de déterminer ce qui est vraiment normal et ce que les partenaires attendent réellement l'un de l'autre. Si même les adultes ont du mal à aborder les vraies questions d'une relation saine et à se confier des secrets intimes, on peut s'imaginer ce que cela représente pour les jeunes. Nous voulons faire tout notre possible pour donner aux gens des outils qui les aideront à amorcer des conversations de ce genre.
    Si vous demandiez aux jeunes hommes ou aux garçons avec qui vous travaillez ou avec qui êtes régulièrement en contact d'où leur vient leur perception des femmes, que répondraient-ils? Qu'est-ce que vous entendez?

  (1705)  

    Cela fait effectivement partie du travail que mes collègues accomplissent sur le terrain.
    Ils me répondraient quelque chose de bien différent de ce qu'ils répondraient à un collègue masculin. Ils me diraient probablement que l'image qu'ils se font des femmes leur vient des magazines, des vidéos, des références de la culture populaire et aussi de ce que les athlètes font ou ne font pas. La culture populaire a une grande influence sur eux, mais aussi l'entourage, les proches, la façon dont les femmes faisant partie de leur vie sont traitées, et comment eux-mêmes veulent traiter les femmes. Tous ces éléments influent sur la perception qu'ils ont de leur propre capacité à être un jeune homme sensible, responsable et honorable.
    Merci beaucoup.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Je vais maintenant me chronométrer et poser quelques questions aux deux témoins.
    Je remercie la Campagne du ruban blanc d'avoir commencé son témoignage en évoquant le rôle de fondateur qu'a joué Jack Layton. Ce mouvement qui, si j'ai bien compris, a vu le jour dans le bureau attenant à la chambre du fils de M. Layton, est maintenant présent dans 70 pays à travers le monde. Voilà un homme qui a su donner l'exemple et prendre la parole pour faire avancer les choses. J'aime beaucoup cette citation de M. Layton qui dit qu'il faut toujours avoir un rêve qui vous survivra. C'est ce qu'il a fait.
    À ce chapitre — je m'adresse aux deux organismes —, quelles stratégies se sont avérées efficaces pour inciter les hommes à prendre la parole et à assumer un rôle de meneur? Comment faites-vous pour recruter la prochaine cohorte de figures de proue masculines de ce mouvement de lutte contre la violence envers les femmes?
    Je peux commencer.
    Merci pour ces réflexions sur le leadership de Jack. Nous les utilisons comme carte de rappel chaque fois que nous réfléchissons à l'orientation que nous voulons donner à notre travail.
    Comme je l'ai mentionné, nous travaillons selon une approche fondée sur les points forts. Nous ne pensons pas qu'il soit particulièrement utile de faire honte aux hommes, de leur faire porter le poids de toute la misogynie qui existe sur terre. Nous travaillons dans un esprit positif afin d'amener les hommes et les femmes à analyser la provenance de toutes ces idées et ces normes sexospécifiques tordues, à commencer à s'y attaquer individuellement, dans leur propre vie et dans leur lieu de travail, puis à élargir le combat à l'ensemble du système.
    En ce qui concerne nos domaines d'intervention et les moyens que nous privilégions pour aborder la question, je dirai que notre approche ne porte pas sur une série d'interventions précises. Notre travail s'inscrit dans une perspective politique et législative; nous misons beaucoup sur l'éducation, la prévention et la sensibilisation. Nous organisons une foule d'activités et de programmes dans le but de trouver la meilleure façon de nous attaquer au paradigme et d'innover dans cette sphère.
    Du côté de l'entreprise sociale, nous travaillons à amener les entreprises à réfléchir différemment et à faire en sorte que leurs dirigeants masculins s'investissent dans la création de lieux et de milieux de travail inclusifs. Il s'agit d'une nouvelle façon de travailler qui nous inspire énormément.
    Nous savons également que le travail que nous accomplissons dans chaque salle de classe en Ontario et ailleurs au pays est très puissant, mais en même temps, nous essayons de définir des approches qui ont davantage d'impact sur le système. Comme nous ne pouvons pas être partout à la fois, nous essayons de définir des pratiques optimales. Nous utilisons les médias sociaux.
    Parallèlement, nous ne voulons pas empiéter sur le terrain d'autres organismes féministes. Nous nous employons à promouvoir le travail et le message d'autres initiatives et partenaires formidables, mais notre rôle est de les appuyer et de faire partie d'une approche globale visant à mettre fin à la violence sexiste.
    La première chose à laquelle je pense dans ce que je fais, c'est d'être un exemple. Dans tous les exposés que je donne, je reconnais d'abord que j'ai des défauts. J'ai parlé avec un bon nombre d'alliés masculins en Ontario, et j'essaie avant tout d'être un exemple. Nous allons dans des endroits à dominance mâle, des gyms, des lieux où on trouve des salles de jeu, des parcs. La prémisse de notre programme est d'aller là où sont les mâles, comme vous l'avez dit, et sur les campus. Nous avons de bonnes relations au Collège Sheridan, et nous essayons de pousser plus loin et de tisser des relations avec d'autres établissements, même à l'extérieur de Halton.
    Comme l'a indiqué le témoin avant moi, nous utilisons les médias sociaux. C'est un volet très important, parce que lorsque nous allons dans des centres communautaires pour faire une présentation, disons, sur ce que signifie une relation saine, ces centres ont la brillante idée de la publier sur Instagram ou sur Twitter. Nous payons la pizza, alors les gens viennent nous écouter et discuter avec nous. Nous voulons faire de ces occasions un espace où les jeunes et les autres mâles de ce monde ont envie d'avoir cette conversation.
    Mais le plus important est d'être un exemple, de construire notre réseau d'exemples masculins dans toutes les sphères de notre société. Quand j'étais à Sheridan, j'ai parlé avec le directeur. Il m'a dit qu'il n'était pas impossible que dans deux semaines, il participe à nos séances de formation de bénévoles. Le fait de compter une personne comme lui dans nos rangs est très éloquent. La formation réunira donc sous un même toit un directeur de collège et un jeune de 14 ans qui discuteront des façons de mettre un terme à la misogynie. C'est ce que nous faisons.

  (1710)  

    J'ai une autre question.
    J'aimerais demander conseil aux témoins de Halton. Lorsque nous publions des choses sur la lutte contre la violence envers les femmes dans les médias sociaux, il y a inévitablement un internaute qui commente: « Que faites-vous de la violence faite aux hommes? Pourquoi n'en faites-vous aucun cas? »
    Avez-vous une réponse brève et concise que nous pourrions donner à cette question? Que répondriez-vous?
    Comment pourrais-je répondre à cela? Ce sont des hommes qui sont principalement — dans 99 % des cas — les auteurs de violence sexuelle. Les hommes sont coupables dans 99 % des cas.
    Il ne nous reste pas beaucoup de temps, alors, si vous avez des suggestions à faire, transmettez-les au comité, s'il vous plaît.
    C'est maintenant au tour de M. Fraser. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame Malcolmson.
    Je suis heureux de vous voir occuper la présidence, et vos questions ont été très pertinentes, comme toujours.
    Un mot avant de commencer: il n'est pas d'usage, je crois, que la personne qui préside pose des questions, mais vu que le NPD n'a qu'une représentante ici, je pense que c'est permis, dans ces circonstances.
    Merci. J'accepte, vu les circonstances. Vous avez raison.
    Ma première question — qui est un peu d'actualité — s'adresse à la représentante du Ruban blanc. Nous avons vu les commentaires très violents et misogynes dont la députée provinciale Sandra Jansen a fait état dans une déclaration qu'elle a lue devant l'assemblée législative de l'Alberta.
    Toutes les personnalités publiques s'exposent à subir plus de critiques que tout un chacun, je crois, parce que nous prenons tout le temps des décisions et des positions sur des sujets controversés. Mais on ne m'a jamais dit à moi, député de sexe masculin, de retourner dans ma cuisine, et je doute fort qu'on me le dise un jour, merci! Je reconnais que c'est un privilège de ne pas être traité comme l'a été Mme Jansen.
    En tant qu'élu de sexe masculin, que puis-je faire pour que les femmes soient mieux accueillies dans la sphère publique afin de participer à la vie publique?
    Je vous remercie d'avoir posé cette question. Vous avez raison, il est peu probable qu'on vous dise très souvent de retourner dans votre cuisine, mais il est certain que vous êtes exposé aux critiques, comme le sont toutes les personnalités évoluant dans la sphère publique.
    Je vous suggère de dénoncer ces incidents d'abord quand vous en êtes témoin, si vous pouvez le faire sans risque, mais également après, en assurant un suivi. Si vous exprimer sur le coup n'aboutirait à rien de constructif, vous pourriez parler par la suite à la personne visée lors d'un incident factuel. Si c'est quelque chose qui se produit en ligne, c'est plus difficile.
    Votre rôle, en tant qu'allié de l'autre sexe, est de contribuer à dénoncer ce genre de chose et de suggérer de nouvelles façons d'agir et de s'exprimer. On peut être contrarié par les décisions d'un politicien, mais toute attaque fondée sur son sexe, sa race ou ses origines ethniques est absolument inacceptable. Dans tous ces cas-là, vous avez un rôle à jouer et l'occasion de prendre position, d'apporter votre soutien et de vous manifester auprès de la dirigeante concernée pour vous assurer qu'elle va bien et voir si elle a besoin d'un soutien quelconque. Vous devriez aussi chercher à vous entourer d'autres dirigeantes et alliés qui pourront vous informer et vous aider à comprendre leur expérience.

  (1715)  

    Merci à vous tous.
    Je pense qu'au nom de tous les hommes, je vais saisir cette occasion pour laisser savoir à Mme Jansen qu'elle a des alliés qui rejettent, avec la plus grande virulence, la misogynie dont elle a été la cible ces derniers jours.
    Pour donner suite à des thèmes que vous avez abordés dans le cadre de votre exposé, vous avez dit avoir constaté certains résultats et privilégier les décisions fondées sur des faits. Une des choses dont nous avons rarement entendu parler dans le cadre de notre étude a trait à la façon dont on mesure la réussite des initiatives visant à s'attaquer à la violence faite aux femmes. Je ne vois absolument pas comment on peut y arriver. On dirait que plus on fait de recherches, plus le problème paraît être plus largement répandu, si bien qu'il est très difficile de mesurer la réussite de tel ou tel programme. Comment faites-vous pour savoir que quelque chose a réussi?
    Il est toujours difficile, dans tout programme communautaire, de cerner les causes, les effets et les résultats. Il y a une chose que nous faisons bien, je crois, c'est évaluer nos programmes en nous basant sur le vécu des participants avant et après nos interventions.
    Je peux vous parler, notamment, d'une initiative que nous avons lancée en Zambie, où nous avons contribué à créer ce que nous pensons être le premier programme sexotransformateur en matière d'éducation financière. Dans une collectivité minière de Zambie, nous avons constaté que des actes de violence se produisaient dans les ménages, lorsqu'il était question d'argent. Une fois ce programme de formation lancé, nous avons pu voir, au sein de cette collectivité établie sur un lieu de travail, une diminution nette des actes de violence à caractère sexiste. Nous avons commencé par établir une base de référence avec les participants au programme. Nous avons fait des vérifications en cours de programme et après un ou deux ans, nous avons fait d'autres évaluations pour voir où en était le nombre d'incidents. Telles sont les mesures que nous avons pu effectuer dans ce contexte.
    Il s'agissait d'une initiative spéciale car nous avions certains paramètres, mais il est sans aucun doute difficile pour tous les sociologues et responsables de programmes communautaires de trouver un moyen de mesurer l'impact de leurs interventions, notamment celles du domaine de la prévention primaire où il ne s'agit pas simplement de chiffrer et de documenter la rétroaction obtenue. Cela reste un défi et un gros problème pour tout le monde, mais nous avons pu évaluer notre programme à ce niveau.
    Monsieur Henry, vous avez parlé de l'importance d'intervenir dans des milieux à dominance masculine. Un des problèmes dont le comité a discuté avec certains témoins a trait au fait que de nombreux programmes s'adressent essentiellement à des auditoires convaincus à l'avance, à des gens qui reconnaissent déjà le problème, si bien que le message n'est pas nécessairement transmis aux jeunes hommes et garçons qui risquent de devenir les auteurs d'actes de violence.
    Que peut faire le gouvernement fédéral? Que pourrions-nous recommander au gouvernement fédéral pour aider des organismes comme le vôtre? Quelles initiatives le gouvernement pourrait-il lancer de son côté pour contribuer à diffuser plus largement dans la population le message de non-violence, afin que tous les hommes et les garçons comprennent l'importance de défendre la cause des femmes?
    D'abord, il faudrait allouer plus d'argent à des organismes comme le nôtre et faciliter notre accès aux écoles. Les formalités administratives à remplir avant d'avoir accès aux écoles sont parfois lourdes. De plus, il faudrait incorporer ce message dans les programmes scolaires, car ainsi, on gagnerait sur les deux tableaux. Une fois qu'il serait plus facile pour des organismes comme le nôtre d'intervenir en milieu scolaire, on verrait beaucoup d'amélioration. Selon nos informations, il est important d'agir quand les enfants sont jeunes, avant 10 ans, même. Si des organismes comme le nôtre peuvent aller dans les écoles, nous pourrons faire passer le message.
    Par ailleurs, je crois que des gens comme vous pourraient mettre en branle une révolution en prenant la parole, et cela fera tache d'huile. Un jour où je tentais de défendre l'idée d'intervenir dans les écoles, j'ai dit qu'il faudrait déclencher une révolution. Les gens comme vous sont dans une position idéale pour diffuser le message. Si plus de gens comme vous le faisaient entendre haut et fort, un plus grand nombre d'hommes le reprendraient à leur compte.

  (1720)  

    Merci. C'est une bonne façon de conclure.
    La parole est maintenant à Mme Vecchio, pour cinq minutes.
    Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Le sujet est important et la discussion très intéressante.
    La semaine dernière, des députés de tous les partis se sont rassemblés pour mettre « Plein feu » sur la violence faite aux femmes, ici sur la colline du Parlement. C'était la première fois que ça se passait sur la colline, et la Tour de la Paix a été baignée de mauve. C'était formidable de voir non seulement des députées, mais aussi certains de leur collègues masculins participer à cet événement et montrer leur appui, ne serait-ce qu'en se faisant prendre en photo devant la Tour.
    J'appuie sans réserve ce que vous avez dit aujourd'hui, Walter. C'est exactement ce que dit aussi mon mari à propos de l'importance de faire participer les hommes et de la nécessité de donner le bon exemple dans la vie courante. C'est ce qu'il fait avec mes trois fils, c'est essentiel, mais aussi vis-à-vis de mes filles pour qu'elles sachent bien qu'elles ne doivent pas permettre qu'on les traite de cette façon.
    Cela dit — et je m'adresse aussi bien au Ruban blanc qu'à SAVIS de Halton —, vous avez souligné l'extrême importance d'impliquer les hommes et les jeunes garçons. Vous nous avez parlé d'intervenir dans les écoles et de l'obstacle des formalités administratives que vous rencontrez.
    Que pourrions-nous faire de plus utile pour motiver les hommes? Intervenir dans les écoles, c'est une chose, mais qu'est-ce que vous faites d'autre, quelles autres activités organisez-vous pour inciter les hommes à s'impliquer? Je vais m'en tenir à cela, parce que je n'ai que quelques minutes, et je vous laisse la voie libre pour répondre. Je sais, par exemple, que la campagne du Ruban blanc se déroule entre le 25 novembre et le 6 décembre. Qu'est-ce qui se passe le reste du temps pour faire en sorte qu'on n'agit pas seulement pendant deux semaines, mais que la défense de cette cause se poursuit 365 jours par an? Je crois que tant qu'on garde quelque chose à l'esprit, on s'en préoccupe, et qu'on doit toujours veiller à ce que cela ne soit pas perdu de vue.
    Walter et Alma, vous pourriez commencer et après, on passera à quelqu'un d'autre.
    Par exemple, l'an prochain, nous organisons une conférence MAN, dans le cadre de laquelle nous aborderons tous les sujets liés à la violence sexuelle et à la misogynie, notamment la misogynie au sein d'une société patriarcale. Je suis en contact avec un conférencier du nom de Jackson Katz, un expert en la matière. Je pense en fait qu'il est le père du mouvement pour l'éradication de la misogynie. Il est diplômé d'Harvard.
    Par ailleurs, nous faisons tout simplement du réseautage dans divers milieux à dominance masculine. Je suis toujours prêt à faire un exposé dans un café ou un bar fréquenté par des hommes. Selon moi, il s'agit d'intervenir sur le terrain, d'aller dans un parc, par exemple, et d'engager une conversation.
    Parfois, ce n'est pas tant la présentation Powerpoint qui compte, c'est le dialogue. J'ai appris cela tout de suite quand j'ai fait mon premier exposé pour SAVIS lors de l'événement « Reprenons la nuit ». J'ai fait une présentation Powerpoint et les hommes ont réagi en disant : « Parlons-en ». Il s'agit donc d'engager la conversation dans des milieux à dominance masculine. C'est cela le plus important.
    Il y a aussi parfois une lacune que nous, à SAVIS, espérons combler en étant présents dans la collectivité sur le plan culturel. Cela veut dire instruire les jeunes hommes, dans une communauté donnée, à ce niveau-là, dans un milieu sûr pour eux, que ce soit une synagogue, une église ou un temple, et leur expliquer comment être un allié bénéficie à leur propre communauté. Ce genre de conversation, menée parfois dans leur propre langue — en hébreu, en espagnol, en arabe — joue un rôle très important.
    C'est un élément éducatif qui, je crois, manque parfois dans certains des programmes dont nous avons eu connaissance. Or, cette action au niveau culturel, dans le champ de la diversité, est très importante par rapport à ce qu'entendent les enfants chez eux, dans leur lieu de culte, au sein du groupe de jeunes de leur propre communauté, et à l'école. Jusqu'ici, rien n'a été fait à ce niveau. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a ce genre d'intervention dans le cadre d'événements d'envergure, mais nous, nous ciblons les endroits où les jeunes vont jouer. C'est tout aussi important.

  (1725)  

    Et le Ruban blanc?
    Vous avez 20 secondes.
    Merci beaucoup d'avoir posé cette question, Karen.
    Il y a une ou deux choses que nous gardons à l’esprit au cours de notre travail, car nous savons que nous ne pouvons pas agir partout dans le pays. Par ailleurs, nous organisons des conférences de grande envergure qui attirent jusqu’à 200 personnes, intitulées « What Makes a Man », et d'autres, en partenariat avec la Fédération des enseignantes et enseignants de l’élémentaire de l’Ontario et avec le Toronto District School Board, ce qui nous permet d'être introduits dans le système scolaire. Nous travaillons aussi dans le milieu universitaire et collégial, particulièrement dans le but de renforcer le leadership des étudiants et de leur apprendre à établir des plans d’action et des programmes susceptibles de répondre à ces problématiques.
    Je regrette, mais nous devons nous arrêter là.
    Nous allons passer à notre dernière intervenante, qui est Mme Vandenbeld; vous avez cinq minutes.
    Merci.
    En fait, madame Nguyen, voulez-vous compléter votre intervention?
    Bien sûr. Je voudrais simplement conclure en notant que l’on constate dans diverses communautés une soif de nouvelles ressources, de nouveaux outils ou de moyens de communiquer. Nous avons travaillé avec le Conseil canadien des femmes musulmanes pour créer une trousse d’outils visant à impliquer les hommes de la communauté musulmane, ainsi qu’avec le Congrès des peuples autochtones. Ce sont des initiatives actuellement en cours de développement, et nous espérons qu’elles seront finalisées d'ici à 2017.
    Il faut aussi souligner, dans le cadre de cette conversation, que les hommes et les jeunes garçons peuvent également être victimes de violences au sein des ménages et des familles, et il est important de prendre cela en compte dans toute initiative qu'on peut lancer. Il existe une panoplie de stratégies, d’outils ou de moyens d’intervention qui sont tous susceptibles d’enrichir une approche, mais, malheureusement, il n’y a pas de solution miracle, quoiqu'il y ait une foule de choses qui peuvent être faites.
    Ce qui, selon moi, sera vraiment réconfortant dans les prochaines années, compte tenu de la sensibilisation et de la compréhension accrues de ces enjeux, ce sera de voir des hommes se manifester et prendre position ouvertement. Je pense que nous sommes arrivés à un moment critique où l’on a pu constater des conséquences à la fois désastreuses et dévastatrices, ainsi que leur coût, pour certains organismes, comme la GRC ou les Forces armées canadiennes, et il faut que nous nous attaquions à ces problèmes de toute urgence.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous tous.
    Monsieur Henry, vous avez parlé d’une culture de la misogynie, et il est impossible de provoquer un réel changement culturel sans inclure la moitié de la population. Il est impératif d'avoir des hommes comme alliés et de collaborer avec les hommes; je vous remercie beaucoup de l’avoir rappelé.
    J’ai noté, monsieur Henry, que vous avez fait allusion à une « masculinité toxique ». Nous avons entendu parler, dans le cadre de ce comité, de plusieurs programmes dont le but est d'inciter les jeunes hommes à ne pas demeurer de simples témoins.
    Madame Nguyen, vous avez mentionné que les témoins devraient dénoncer et protester. Selon moi, cela prendrait à contre-pied la banalisation de la misogynie, et j’applaudis vos efforts en ce sens; malheureusement, ils ne concernent qu’un certain pourcentage de la population.
    Ma question s’adresse à vous deux, plus particulièrement sans doute à Mme Nguyen, et porte sur la communauté de pratique que vous avez mentionnée — je pense vous avoir entendu dire qu’il y avait huit organisations. Comment pourrait-on développer cela? Si des messages aussi forts parviennent de milieux aussi divers, comment pourrait-on tirer parti de ce que vous faites — de l’expérience acquise ou des pratiques exemplaires — et le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer pour exploiter ces leçons tirées de l'expérience et les mettre en application partout dans le pays?
    Je vais d’abord donner la parole à Mme Nguyen, avant de la passer à M. Henry.
    Merci d'avoir posé cette question.
    C’est en partie une question de moyens, de rayon d’action et d'envergure. Nous connaissons certaines des formules qui fonctionnent dans chacune des organisations associées à notre communauté de pratique. La trousse d’outils qui vient d’être rendue publique est très complète. Elle comporte aussi un cadre d’évaluation exceptionnel, ce qui en fait un outil se fondant sur des recherches et des indicateurs on ne peut plus solides.
    Il s’agit foncièrement de faire en sorte que ce matériel parvienne à un aussi grand nombre que possible d’organisations et de développer sa distribution, afin que son utilisation ne soit pas limitée aux gens qui s’intéressent à cette question. Quiconque est confronté à des interventions de caractère social — le secteur de la santé, les infirmières, les bibliothécaires, toute personne qui est en contact avec la collectivité — devrait bénéficier de soutiens et de connaissances sur la violence sexiste, la façon de réagir à une divulgation, l’aide aux victimes, mais aussi sur les moyens d’intervenir et de contribuer à faire connaître certains de ces enjeux.
    Un grand nombre des secteurs que je viens de mentionner rassemblent des professions à vocation sociale, mais il y a par ailleurs des rôles que les hommes peuvent jouer dans des environnements très masculins, dans des milieux de travail masculins, que ce soit dans le secteur minier ou les industries extractives où des femmes sont aussi présentes. Ils peuvent jouer un rôle quand ils sont témoins de violence sexiste en la dénonçant et en prenant position. Cela comprend le harcèlement et les milieux de travail toxiques.
    Face à toutes ces situations, nous avons énormément de travail à faire, et je suis heureuse de pouvoir vous faire part de certains de nos points de vue.

  (1730)  

    Merci.
    Madame Arguello.
    Juste quelques secondes. Le temps presse.
    Bien.
    Pour nous, c’est une question de financement. Nous ne sommes que deux, et nous intervenons à Hamilton, Peel, Niagara, Saint Catharines, Hagersville. En fait, les collectivités veulent vraiment notre aide. Les gens nous appellent et nous demandent: Pouvez-vous venir nous parler? Pouvez-vous traduire ça? Pouvez-vous nous éclairer là-dessus? Pouvez-vous parler à nos enfants? Pouvez-vous venir expliquer à des enfants réunis dans un gymnase ce que signifie être témoin et quelles sont les responsabilités d'un témoin?
    Si on n’enseigne pas aux enfants ce que sont les responsabilités d’un témoin, en grandissant, ils deviendront des adultes qui continueront à perpétuer la société misogyne dans laquelle nous vivons.
    Je suis très reconnaissante aux représentants du Ruban blanc et de SAVIS. Au nom du comité, un grand merci à vous pour votre action communautaire et pour votre collaboration à notre étude grâce aux témoignages que vous avez apportés aujourd'hui. S’il y a des idées ou des commentaires que vous auriez aimé nous communiquer, veuillez en faire part à la greffière; nous l’inclurons dans nos témoignages.
    Si le comité le veut bien, je conclurai en mentionnant une campagne fantastique que le gouvernement vient de lancer sur les médias sociaux, pour rappeler que vos #GestesComptent. C'est un appel à l’action face à la misogynie, comment la dénoncer et réagir quand nous en sommes témoins, ce qui est très efficace. Ce serait formidable si nous y participions tous, si nous assumions notre rôle de leaders, et si nous en parlions ensuite pour voir si nous pensons que cela a fait une différence.
    Nos remerciements à tout le groupe. Nous disons au revoir aux témoins, et merci infiniment à tous.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU